Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Thierry Cozic. … s’intègre dans le montant global de la garantie de compensation ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est évidemment conscient des effets, pour les communes, de l’inflation sur les dépenses de fonctionnement de certains de leurs équipements publics, de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique et de la suppression de la CVAE.
C’est pourquoi nous avons instauré, dès l’été 2022, un filet de sécurité, doté de 430 millions d’euros, et un mécanisme de compensation de la suppression de la CVAE.
Vous avez rappelé l’opposition d’un certain nombre d’élus à cette suppression, mais je tiens à rappeler qu’il s’agit d’un enjeu de compétitivité extrêmement important, notamment pour l’industrie française, que j’ai l’honneur de représenter. Nous nous sommes engagés à poursuivre la baisse des impôts de production entamée par le Gouvernement en 2021, car ces impôts demeurent plus élevés que ceux de la plupart de nos voisins européens.
La suppression de cette taxe est compensée via l’affectation aux collectivités, à compter de 2023, d’une fraction de TVA pérenne et dynamique. In fine, la compensation aboutit à une ressource en hausse de plus de 20 % en 2023 par rapport à la CVAE perçue en 2022.
En matière énergétique, le Gouvernement a protégé les collectivités locales, notamment avec le bouclier tarifaire, qui a limité pour les petites collectivités la hausse des tarifs réglementés de vente de l’électricité, et avec l’amortisseur électricité pour celles qui ne sont pas éligibles au bouclier.
Au-delà de ce soutien spécifique, le bloc communal bénéficie en 2023 d’une revalorisation forfaitaire des bases d’imposition de 7 %.
Les recettes fiscales des collectivités devraient ainsi rester dynamiques en 2023, notamment avec la hausse du produit de la TVA, évaluée à 5,1 %.
Enfin, le Gouvernement a décidé d’augmenter la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 320 millions d’euros, ce qui permettra à plus de 90 % des communes d’avoir une DGF stable ou en augmentation. Une telle hausse est inédite depuis treize ans…
Pour ce qui concerne plus spécifiquement votre question sur le fonds vert, je m’engage à étudier ce sujet de près et à vous répondre par écrit, parce que je ne dispose pas ici d’assez d’éléments de réponse.
risques pour le système électrique d’une interdiction des chaudières au gaz dans le secteur du bâtiment
Mme le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la question n° 645, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.
M. Jean-François Longeot. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur l’instabilité que créerait une éventuelle interdiction des chaudières au gaz sur notre système énergétique.
Rappelons-le, lors des périodes les plus froides, le gaz fournit jusqu’à 50 % des besoins en énergie du pays. Se priver du gaz reviendrait donc à se priver de capacités pilotables capables de fournir toute l’énergie consommée pendant les jours les plus froids. Les scénarios de Réseau de transport d’électricité (RTE) et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) prévoient le maintien de 6,5 millions à 10 millions de logements chauffés au gaz à l’horizon de 2050, dont plusieurs millions avec des pompes à chaleur hybrides.
La pompe à chaleur hybride, association d’une pompe à chaleur électrique de puissance optimisée à une chaudière gaz à très haute performance énergétique, permet de diminuer la consommation de gaz chez les particuliers et de préserver l’équilibre du système électrique en hiver. Face aux risques pesant sur la sécurité d’approvisionnement, pourquoi se priver d’un tel outil de flexibilité ?
L’interdiction des chaudières au gaz aurait également des effets dévastateurs sur la pointe électrique et la sécurité d’approvisionnement. Les écarts entre offre et demande pourraient, s’ils se cumulaient, atteindre lors des pointes hivernales en 2050 entre 30 et 50 gigawatts, voire davantage si les interconnexions avec les pays voisins n’étaient pas mobilisables ou si des solutions de flexibilité plurijournalières et saisonnières ne permettaient pas de compenser l’intermittence de la production des énergies renouvelables. Aucun scénario de RTE n’anticipe une telle situation.
De plus, l’interdiction des chaudières au gaz exigerait des investissements supplémentaires sur le réseau électrique, alors que les investissements nécessaires sur le système électrique à l’horizon de 2050 sont déjà estimés entre 750 milliards et 1 000 milliards d’euros. En revanche, le développement des gaz verts ne nécessite pas d’investissements lourds : l’investissement nécessaire sur les moyens de production et les infrastructures est évalué à 150 milliards d’euros.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur l’interdiction d’installer des chaudières au gaz dans les logements et savoir comment vous comptez tenir compte, dans votre politique nationale de décarbonation des logements, des enjeux de résilience du système énergétique que j’ai soulevés.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Longeot, je vous remercie de votre question.
Vous le savez, l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050, fixé par le Président de la République, représente un défi immense et passera avant tout par la décarbonation des grands secteurs, comme celui du bâtiment.
L’enjeu est d’utiliser toutes les solutions décarbonées – il n’y a pas de formule magique – dans les bâtiments qui ne dépendent pas d’énergies massivement importées, comme le gaz. C’est un enjeu de souveraineté pour notre pays et cela permettra dans le même temps de garantir plus de confort et des baisses de facture pour les Français.
Le Gouvernement travaille depuis plusieurs années en ce sens. Ainsi, le dispositif MaPrimeRénov’ ne subventionne plus l’installation de nouvelles chaudières au fioul ou au gaz et la réglementation environnementale 2020 (RE2020) empêche l’installation de chaudières au gaz ou au fioul dans les bâtiments neufs.
La ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, qui m’a chargé de répondre à votre question, a insisté sur la nécessité d’une sortie progressive et respectant plusieurs principes.
D’abord, il faudra disposer de solutions de substitution décarbonées. Ces solutions existent, elles sont compétitives et elles sont de plus en plus produites en France ; je pense aux pompes à chaleur, aux réseaux de chaleur, au solaire ou encore à la géothermie.
Ensuite, il faut prendre en compte les contraintes techniques locales, notamment l’impact sur le réseau électrique et sur notre système énergétique, comme vous l’avez souligné.
Enfin, il faut associer les acteurs de la filière. Ma collègue a annoncé récemment le lancement d’une concertation publique sur la décarbonation du secteur du bâtiment et des moyens de chauffage. J’engage toutes les parties prenantes à y contribuer.
Par ailleurs, vous avez raison, nous devons également accélérer nos capacités de production de biogaz, qui sont près de cinquante fois inférieures à notre consommation actuelle de gaz. La ministre de la transition énergétique présentera très prochainement un texte revalorisant le tarif d’achat.
Toutefois, le gisement de biomasse sera durablement limité et doit être orienté vers les secteurs et les situations pouvant le moins se tourner vers d’autres sources d’énergie. Décarboner nos bâtiments restera une des priorités du Gouvernement, mais cela ne se fera jamais au détriment de la résilience de notre système énergétique.
parcoursup
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, auteur de la question n° 665, transmise à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, Parcoursup devait remédier aux problèmes d’admission post-bac, mais cette question est aujourd’hui loin d’être réglée. Au contraire, Parcoursup a imposé la généralisation de la sélection aléatoire et il crée un stress pour les élèves, qui doivent arrêter des choix de spécialité engageant leur avenir dès la seconde ; les élèves des filières technologiques et professionnelles en sont les premières victimes.
En réalité, beaucoup de bacheliers arrivent en septembre dans une filière où ils ne sont pas à leur place, ce qui les conduit à l’échec scolaire. Dans un rapport publié en 2020, la Cour des comptes soulignait l’opacité de certains critères de sélection à l’entrée dans le supérieur. L’édition 2023 de Parcoursup n’échappe pas à ces critiques, alors que ce dispositif engage non seulement la vie de nos enfants, mais encore les besoins collectifs de notre société.
Cinq ans après sa première utilisation, on peut considérer que Parcoursup est la concrétisation d’un examen algorithmique des dossiers, qui déshumanise les candidatures et constitue pour les élèves une source non négligeable de stress et d’inégalités.
Les conséquences de Parcoursup sur la filière de la santé en général et sur les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) en particulier sont plus lourdes encore. Alors que les professions médicales font défaut dans notre pays, il convient de préserver notre système éducatif de santé. À l’Ifsi d’Aurillac, plus de 83 % des étudiants entre 2014 et 2019 passaient en deuxième année, alors qu’ils ne sont plus que 57 % en 2021-2022 et que le nombre d’arrêts en cours de formation augmente.
Ma question est donc simple, madame la ministre : envisagez-vous une solution de substitution pour remédier aux lacunes de Parcoursup pour l’ensemble des lycéens et pour identifier une autre voie pour les études de santé en général et d’infirmiers en particulier ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Stéphane Sautarel, vous avez fait le choix de ne pointer que les défauts de Parcoursup. Je fais pour ma part celui de tenter de vous convaincre que, au contraire, avec Parcoursup, nous avons fait des progrès.
Je vous propose d’abord d’écouter les lycéens, au travers des données issues d’une étude d’Ipsos rendue publique en septembre 2022.
Plus de la moitié – 58 % – des lycéens interrogés déclarent avoir une expérience conforme, voire positive, par rapport aux attentes qu’ils avaient de la procédure. Les indicateurs liés à la phase d’admission progressent également : 72 % des lycéens sont satisfaits des réponses à leurs vœux, soit une augmentation de 2 points par rapport à 2021, et 68 % d’entre eux sont satisfaits des délais de réponses, soit une hausse de 4 points.
Cela étant dit, oui, il faut encore faire progresser Parcoursup, notamment pour réduire le stress ressenti lors de cette phase de choix. C’est également ce que nous disent les lycéens.
Nous avons donc amélioré la transparence de Parcoursup, apporté des informations plus claires sur les critères d’examen des vœux par les commissions d’enseignants – non, Parcoursup n’est pas un « algorithme », ce sont bien des enseignants qui examinent les dossiers – et nous renforçons dès cette année l’efficacité de la phase principale pour apporter des réponses plus vite et réduire le sentiment d’attente. Ce processus d’amélioration se poursuivra.
C’est également le cas pour les Ifsi. Le ministre de la santé a lancé une grande concertation avec les professionnels pour engager une réforme de la formation dès la rentrée de 2024.
Je ne partage pas votre analyse consistant à imputer à Parcoursup toute la responsabilité de difficultés dont les causes sont multiples, comme l’indique un rapport public des inspections générales sur ces instituts de formation. À la suite de cette étude, nous avons fait évoluer cette année la plateforme pour améliorer l’orientation des jeunes, leur connaissance de cette formation et pour permettre une meilleure évaluation de la motivation des candidats.
Voilà ce que nous faisons et ce que nous continuerons de faire.
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, je pense que vous êtes largement dans le déni. Les témoignages qui remontent aujourd’hui du terrain, en provenance tant des familles que des jeunes, sont assez inquiétants !
Vous avez parlé de stress ressenti et de sentiment d’attente. Or il s’agit non pas de ressenti ou de sentiments, mais de réalités ! Et c’est encore plus grave pour les professions de santé. Là comme ailleurs, il faut remettre de l’humain dans le système.
situation des écoles privées sous contrat d’association
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, auteur de la question n° 715, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, j’ai été sollicité par plusieurs chefs d’établissement d’écoles privées sous contrat d’association, qui dénoncent une dégradation des conditions dans lesquelles ils doivent effectuer leurs missions et dressent un constat alarmant de la situation de leur corporation. Le climat général est particulièrement tendu, comme le montrent la hausse des demandes de disponibilités et de congés de formation ainsi que l’augmentation du nombre de démissions et de ruptures conventionnelles.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer le malaise ressenti par les enseignants et chefs d’établissement des écoles privées sous contrat : absence de médecine du travail, manque de ressources humaines et matérielles pour bien accompagner les élèves, notamment ceux en situation de handicap, surcharge générale de travail.
Les chefs d’établissement déplorent en effet une décharge de direction insuffisante pour mener à bien les nombreuses tâches administratives qui leur incombent, même s’ils travaillent dans l’enseignement privé : entretiens professionnels des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), protocoles sanitaires, évaluations nationales, etc.
À cela s’ajoutent des difficultés liées au statut des enseignants suppléants, avec notamment des différences de salaires incompréhensibles pour des temps de travail pourtant identiques, voire supérieurs. Les candidats sont logiquement de moins en moins nombreux, et les remplacements plus difficiles à pourvoir.
Ces enseignants et chefs d’établissement ont la volonté de bien faire leur métier au service des élèves, mais ils estiment que les moyens alloués sont insuffisants et que leurs missions, pourtant essentielles, en pâtissent.
Madame la ministre, quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour remédier à cette situation et pallier les difficultés que rencontrent les écoles privées sous contrat d’association, leurs enseignants et leurs chefs d’établissement ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Stéphane Piednoir, les chefs d’établissement de l’enseignement privé sous contrat ne sont pas recrutés par le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse. Leur recrutement, leur formation, leur gestion et leur rémunération relèvent de la structure porteuse de l’établissement privé. Ils ne sont donc pas liés, pour leurs fonctions propres, par un contrat avec l’État.
La situation est différente selon qu’il s’agit du premier degré ou du second degré.
Dans le premier degré, les chefs d’établissement bénéficient strictement des mêmes décharges de direction que leurs homologues directeurs des écoles publiques et sont donc à ce titre pris en charge par l’État.
Dans le second degré, il est permis aux maîtres qui souhaitent assurer les fonctions de chef d’établissement de réduire leur service d’enseignement dans des conditions plus favorables que celles de l’ensemble des maîtres, ce qui leur permet de garder un lien avec l’État et de poursuivre leur carrière d’enseignant.
Par ailleurs, le versement des forfaits par la puissance publique permet cette prise en charge des personnels d’accompagnement éducatifs ou administratifs. Ces forfaits sont calculés en référence au coût d’un élève de l’enseignement public. Ainsi, la rémunération des chefs d’établissement est intégrée dans le forfait d’externat.
S’agissant des AESH, l’État assure la mise à disposition de ces personnels pour le temps scolaire dans les établissements privés dans les mêmes conditions que dans l’enseignement public. Pour ce qui concerne la seule responsabilité de l’État à l’égard de ces personnels, il n’y a pas de divergence entre l’enseignement public et l’enseignement privé.
Enfin, s’agissant des maîtres délégués ou auxiliaires, une rénovation des conditions d’emploi, accompagnée d’une revalorisation significative, sera mise en œuvre dans les prochains mois. Cette revalorisation vise à harmoniser les grilles de rémunération des agents non titulaires du public et du privé.
De plus, ces maîtres bénéficieront d’une partie des mesures de revalorisation transversales qui s’appliqueront à tous les enseignants : revalorisation de l’indemnité de suivi des élèves, bénéfice du pacte enseignant, etc.
gratification du bénévolat
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, auteure de la question n° 476, adressée à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre, le bénévolat est une activité que n’encadre aucun statut. Il ne fait donc l’objet d’aucune définition juridique, contrairement au salariat.
Néanmoins, une définition commune est possible : « Est bénévole toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial. » Cette définition est issue de l’avis du Conseil économique et social du 24 février 1993.
Il existe deux types de bénévolat : informel, lorsque l’on aide son voisin par exemple ; formel, lorsque le bénévole s’engage à accomplir un service précis de manière désintéressée, notamment au travers d’activités associatives.
Certes, la Cour de cassation a pu admettre que le travail effectué par un individu en vue de sa propre insertion sociale était susceptible de générer un pécule et des avantages, à condition que ceux-ci ne relèvent pas d’une relation salariée. Cependant, ce dispositif demeure très largement isolé et conduit à une sous-valorisation du bénévolat en France, dans toutes les catégories d’âge, d’activité et de population qui s’y investissent pleinement.
Pour récompenser et remercier les milliers de bénévoles de leur aide précieuse et de leur engagement auprès de la population, il serait pourtant possible de leur offrir une gratification, sous quelque forme que ce soit : chèque-vacances, cotisations sociales, valorisation de droits à la retraite, chèque emploi service universel (Cesu) préfinancé. Le désintéressement de nos bénévoles ne justifie aucune ingratitude de notre part.
Madame la ministre, quel dispositif le Gouvernement entend-il mettre en place afin de remercier les bénévoles pour tous les services qu’ils rendent au quotidien ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice Catherine Belrhiti, vous appelez notre attention sur la possibilité d’améliorer la gratification du bénévolat.
Comme vous le savez, il n’existe pas de définition légale du bénévolat, lequel est, selon le sens commun, une activité sans contrepartie. La Cour de cassation a ainsi estimé que cette notion recouvrait l’exercice d’un travail, d’une activité, ou la fourniture d’un service à titre permanent ou occasionnel, à temps plein ou partiel, par une personne décidant de s’y livrer de son plein gré, en l’absence de lien de subordination juridique et de contrepartie financière.
On retiendra donc deux critères principaux : l’absence de rémunération et l’absence de lien de subordination.
La notion de contrepartie financière correspond à une rémunération directe – en espèces –, ou indirecte – en nature –, dont la valeur peut être susceptible de caractériser une activité intéressée. Le remboursement de frais réels engagés par le bénévole au profit de l’activité est donc d’ores et déjà admis, dès lors que ceux-ci sont dûment justifiés.
L’attribution d’aides destinées à compenser des sujétions, ou l’octroi de différents biens ou matériels de valeur symbolique en lien avec l’activité exercée – destinés notamment à faciliter sa bonne organisation ou à promouvoir sa visibilité –, demeure limitée. Aucune autre forme de gratification ne saurait être mise en place ; à défaut, l’activité, qui serait alors caractérisée comme intéressée, relèverait non plus du bénévolat, mais du salariat.
Si une entreprise a recours à de faux bénévoles, elle encourt le risque de voir requalifier l’activité en relation de travail ; quant à l’employeur, il peut être condamné pour dissimulation d’emploi salarié, une infraction constitutive de travail illégal.
La gratification du bénévolat ne peut se concevoir que dans ce cadre précis.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. J’entends bien votre réponse, madame la ministre, mais celle-ci est insatisfaisante.
Vous le savez, les bénévoles sont une espèce en voie de disparition ; or nous en avons besoin, notamment dans le cadre associatif. Nous devons donc trouver des solutions pour encourager et pérenniser le bénévolat à tous les niveaux.
avenir des missions locales
Mme le président. La parole est à M. Serge Mérillou, auteur de la question n° 669, adressée à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Serge Mérillou. Madame la ministre, alors que France Travail doit remplacer Pôle emploi le 1er janvier 2024, l’impact de l’intégration des missions locales à ce nouvel écosystème reste très incertain. Elles sont pourtant un atout indispensable dans la lutte contre l’exclusion et l’isolement des jeunes, en particulier en zone rurale, et cela depuis plus de quarante ans.
En Dordogne, département dont je suis élu, les cinq missions locales permettent un maillage efficace du territoire. Cette connaissance du terrain leur permet de saisir les problématiques spécifiques auxquelles chaque jeune est confronté.
Leur connaissance du terrain est nourrie, aussi, par la participation des élus locaux à la gouvernance des missions ; or, pour l’heure, le rôle qu’ils joueront dans votre projet est flou.
En 2022, en Dordogne, plus de 60 % des publics suivis n’étaient pas inscrits à Pôle emploi. Inclure les missions locales dans le futur dispositif, intitulé France Travail jeunes, risque de porter atteinte à leur autonomie et à leurs nombreuses fonctions – gestion de problématiques de santé, de logement, de mobilité, de budget, de prévention, etc.
Les missions locales sont un acteur de proximité privilégié pour la jeunesse. À l’heure où les services publics désertent de plus en plus nos territoires, elles jouent un rôle majeur en matière de lutte pour l’égalité des chances. Vouloir les coupler à un algorithme d’orientation désincarné est un non-sens.
Dématérialiser à l’excès, c’est déshumaniser, créer une barrière, un obstacle supplémentaire, pour des jeunes déjà déconnectés, exclus. Rien ne remplacera l’humain ! Nous devons faire confiance aux agents des missions locales, car leur expertise en matière d’accompagnement de notre jeunesse n’est plus à démontrer.
Madame la ministre, les usagers, les personnels et les partenaires des missions locales sont inquiets. Quelles garanties comptez-vous leur donner ? Comment comptez-vous préserver l’autonomie, si essentielle, de ces structures de proximité ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Serge Mérillou, je me joins à vous pour rappeler l’implication et l’utilité des missions locales, qui proposent un accompagnement de grande qualité aux jeunes en difficulté. Ainsi sont-elles naturellement appelées à jouer un rôle dans le cadre de France Travail, en devenant France Travail jeunes, opérateur associé de l’opérateur principal France Travail.
France Travail jeunes aura pour mission d’accompagner, de manière globale, les jeunes qui en auront le plus besoin pour qu’ils puissent gagner en autonomie et retourner vers l’emploi, avec l’aide de professionnels, et d’assurer un suivi social via un travail sur les freins périphériques à l’emploi.
Les jeunes concernés seront dirigés vers France Travail jeunes selon les règles d’orientation définies dans le cadre du contrat d’engagement jeune (CEJ). La gestion des outils et des dispositifs d’accompagnement continuera donc d’associer étroitement les missions locales et Pôle emploi.
Pour ce qui concerne la gouvernance, France Travail jeunes contribuera pleinement à élaborer les feuilles de route annuelles pour le public jeune de chaque territoire, lesquelles comprendront un retour sur les résultats, année par année, ainsi qu’un diagnostic de la situation actuelle, et détailleront les objectifs communs en matière de repérage, d’accompagnement et de retour à l’emploi des jeunes. Les comités locaux France Travail, coprésidés par l’État et les collectivités locales, examineront ensuite ces feuilles de route.
Ce nouveau schéma de gouvernance ne modifiera donc pas la contractualisation entre les missions locales et leurs financeurs. Le conventionnement direct avec l’État et les collectivités est maintenu. De même, les missions France Travail jeunes pourront, à l’instar des missions locales actuellement, prendre l’initiative du pilotage et être garantes de projets directement portés auprès de l’État et des collectivités dans le cadre de la contractualisation.
J’y insiste, les missions locales seront étroitement intégrées dans France Travail et continueront d’assumer leurs missions d’accompagnement des jeunes, mais en s’insérant dans un écosystème imbriqué, rationalisé, et en partageant des objectifs communs.
conditionnalité du revenu de solidarité active
Mme le président. La parole est à M. Hervé Gillé, auteur de la question n° 722, adressée à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Hervé Gillé. Madame la ministre, 607,75 euros, voilà le montant perçu par une personne seule au RSA, ce revenu de solidarité active qui couvre en France 3,85 millions de personnes.
Dans le cadre de son plan de refonte de la relation au travail, le Gouvernement envisage de renforcer les mesures contraignantes pour les allocataires du RSA, en conditionnant le versement de ce dernier au suivi de parcours intensifs d’« heures d’activités » – au nombre de quinze à vingt heures par semaine. Qu’en est-il exactement de cette intention ?
Il est essentiel d’évaluer attentivement les risques induits par de telles mesures et de s’assurer que les politiques mises en œuvre favorisent une réinsertion durable plutôt que des résultats à court terme.
Cette nouvelle conditionnalité du versement du RSA est actuellement testée dans plusieurs départements. Les conclusions de ces expérimentations sont attendues afin d’orienter nos futures réflexions sur cette question. Nous espérons que le Gouvernement sera capable de les entendre et d’adapter sa politique.
Le RSA est déjà conditionné aux engagements des allocataires par un contrat avec des professionnels accompagnants sur le plan social et professionnel. Pouvez-vous préciser vos orientations ? Voulez-vous renationaliser le RSA ?
Le changement d’organigramme de l’organisation du versement du RSA, donc la remise en question de la place des départements dans le cadre de cette réforme, alertent les collectivités. Voulez-vous placer les départements sous tutelle ?
Les discussions doivent se poursuivre pour trouver des approches sociales qui soutiennent réellement l’autonomie des allocataires du RSA et répondent aux enjeux socioéconomiques tout en laissant les départements en première ligne, pour garantir une véritable politique de proximité.
Madame la ministre, pouvez-vous préciser vos intentions ? Quelle inscription des départements dans le projet France Travail prévoyez-vous ? Allez-vous leur imposer cette réforme et poursuivre cette politique coercitive d’approche néolibérale ?