M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.
Mme Marie Mercier. Monsieur le garde des sceaux, il est habituel d’affirmer que la plus grande des injustices dans la justice est la question des délais.
Mme Marie Mercier. Les délais sont très longs. Quand un justiciable arrive devant la justice sans en avoir l’habitude ni la connaissance, il entre dans un monde difficile, avec des termes compliqués.
J’ajouterai une réflexion d’ordre général : quand on a un patient qui ne va pas bien, on lui demande souvent s’il a des ennuis dans sa famille, avec son conjoint, s’il est chômage… Dorénavant, on lui demande aussi s’il a affaire à la justice, tant celle-ci peut être une machine à broyer destructrice.
Je pense que le contradictoire est absolument indispensable, conformément à notre droit. Je suivrai l’avis du rapporteur et je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’entends ce que vous indiquez, monsieur le sénateur : il est possible de revenir sur la rédaction de l’amendement.
Je vous assure que le texte clarifie le point de départ, ce qui était extrêmement important. Nous nous sommes posé la question du moment où commence l’enquête préliminaire : démarre-t-elle quand un certain nombre de suspicions arrivent dans la tête du policier ? Là, c’est clair : le point de départ est la perquisition ou l’audition. À partir de ce moment-là, on notifiera à l’intéressé que, le délai expiré, il pourra accéder au contradictoire. En effet, quand la situation commence à durer, parfois on s’inquiète, on va voir un avocat. Ce dernier veut connaître la durée écoulée depuis l’audition : si les délais sont dépassés, le contradictoire sera naturellement mis en œuvre.
Ce n’est évidemment pas de gaieté de cœur que je demande à allonger ces délais. Je suis bien entendu convaincu qu’il faut que la justice soit rapide ; être suspecté sans vraiment savoir de quoi est inconfortable, et même insupportable.
Mais il y a un autre risque : si le projet de loi n’était pas rectifié aujourd’hui, un certain nombre de nullités seraient prononcées, notamment dans des affaires d’agression.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Information judiciaire !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’entends bien, mais le risque – on l’avait déjà évoqué au moment de la loi Confiance – est d’emboliser l’instruction, qui n’a pas besoin de cela. Nous sommes tout de même ici pour alléger considérablement la charge de travail de nos magistrats, de nos greffiers et de nos agents administratifs.
La solution que je vous propose est celle qui me paraît la plus équilibrée et la plus adéquate.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 77 rectifié bis est présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J. B. Blanc, Charon, Cuypers, Genet et Cadec, Mmes Boulay-Espéronnier et Lopez et M. Rapin.
L’amendement n° 173 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le premier alinéa de l’article 77-2 est ainsi rédigé :
« I. – Dans le cadre d’une convocation en vue d’une audition libre ou d’une garde à vue, le dossier, expurgé des éléments risquant de porter atteinte à l’efficacité des investigations, est mis à la disposition du suspect et de son avocat. » ;
M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 77 rectifié bis.
M. Gilbert Favreau. Cet amendement concerne également l’introduction d’une forme de contradictoire dans le cadre d’une garde à vue.
Il paraîtrait normal qu’un gardé à vue puisse, par le simple effet du contradictoire, avoir accès aux documents concernés pour se défendre, voire pour avoir des précisions sur les faits qui lui sont reprochés.
Tel est l’objet de cet amendement.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté. Nous partageons l’objectif de renforcer les droits de la défense lors des enquêtes préliminaires en permettant au suspect et à son avocat d’accéder au dossier dès le début de la garde à vue ou de l’audition libre.
M. le président. L’amendement n° 174, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 77-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « observations » sont insérés les mots : « ou demandes d’actes » ;
b) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Une décision de refus de demande d’acte est susceptible de recours devant le juge des libertés et de la détention avec la possibilité d’un appel devant la chambre de l’instruction selon des modalités définies par décret pris en Conseil d’État. » :
c) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une décision de refus de demande d’acte est susceptible de recours devant le juge des libertés et de la détention avec la possibilité d’un appel devant la chambre de l’instruction selon des modalités définies par décret pris en Conseil d’État. » ;
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise également à renforcer les droits de la défense et le principe du contradictoire dans les enquêtes préliminaires. Pour cela, nous proposons deux mesures.
D’une part, nous souhaitons permettre au mis en cause et à son avocat de présenter des observations et de formuler des demandes d’acte au procureur de la République pendant l’enquête préliminaire, ainsi qu’au plaignant et à son avocat une fois qu’ils ont accès au dossier. En cas de refus, un recours devant le JLD serait possible avec la faculté de faire appel devant la chambre de l’instruction.
D’autre part, nous souhaitons autoriser le mis en cause et son avocat à demander la nullité d’actes devant le juge des libertés et de la détention, avec une possibilité d’appel devant la chambre de l’instruction. À l’heure actuelle, il existe finalement peu de moments où le contradictoire est possible dans les enquêtes préliminaires, ce qui désavantage à nos yeux les droits de la défense.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Dans les amendements identiques nos 77 rectifié bis et 173, M. Favreau et Mme Cukierman évoquent la possibilité d’avoir accès à un dossier expurgé. Nous pensons que l’article 61-1 du code de procédure pénale contient déjà des garanties suffisantes puisque la personne est déjà informée « de la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ». Cet accès à un dossier expurgé viendrait alourdir la procédure et ne nous semble pas utile eu égard aux garanties qui existent déjà. Avis défavorable.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 174. Nous pensons que l’article 77-2 du code de procédure pénale offre actuellement des garanties suffisantes pour la protection des droits des personnes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 77 rectifié bis et 173.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 175, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après le mot : « plainte », la fin du onzième alinéa de l’article 77-2 est ainsi rédigée : « et après un délai de six mois à compter du premier acte de l’enquête, a accès avec son avocat au dossier de l’enquête. L’avocat du plaignant peut demander une copie du dossier de l’enquête et la transmettre au plaignant sous réserve de l’autorisation préalable du procureur de la République. » ;
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise, là encore, à renforcer les droits de la défense et le principe du contradictoire dans les enquêtes préliminaires en permettant l’accès au dossier au plaignant et à son avocat après un délai de six mois.
Actuellement, l’absence d’accès au dossier entrave la construction d’une défense solide et compromet le principe du contradictoire, ainsi que le droit à une défense équitable. Il est difficilement justifiable que l’avocat n’ait accès au dossier de son client que plusieurs années après le début de l’enquête, comme c’est le cas aujourd’hui.
Notre amendement a donc pour objet d’autoriser l’accès au dossier après un délai de six mois à compter du début de l’enquête préliminaire. L’avocat du plaignant pourra obtenir une copie du dossier et la transmettre à son client sous réserve, bien évidemment, de l’autorisation préalable du procureur de la République.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis défavorable. Si nous comprenons l’objectif de permettre un meilleur accès dossier, nous pensons que la solution, c’est vraiment la réduction des délais de l’enquête. Il n’est pas utile d’alourdir considérablement les enquêtes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 78 rectifié bis est présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon, Cuypers et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J.B. Blanc, Charon, Genet, Anglars et Cadec et Mme Lopez.
L’amendement n° 176 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa de l’article 80-1, après le mot : « examen », sont insérés les mots : « par décision motivée » ;
La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 78 rectifié bis.
M. Gilbert Favreau. Cet amendement vise à prévoir la motivation systématique de la décision de mise en examen par le juge d’instruction.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 176.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission sollicite le retrait de ces deux amendements identiques, faute de quoi l’avis serait défavorable, car la demande de nos collègues nous paraît déjà satisfaite.
L’article 80-1 du code de procédure pénale prévoit déjà que le juge ne peut mettre en examen que les personnes « à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants […] ». La motivation se bornerait donc à constater la présence de tels indices. Les dispositions proposées par les auteurs de ces amendements identiques n’ont donc pas d’utilité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’ajoute à ce qui vient d’être indiqué par Mme la rapporteure que l’on peut évidemment contester la mise en examen devant la chambre de l’instruction. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 78 rectifié bis et 176.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 177, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
1° Première phrase
a) Remplacer la première occurrence du mot :
six
par le mot :
dix
b) Supprimer les mots :
, à l’issue d’un délai de six mois après la mise en examen et tous les six mois
2° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle peut également être faite à l’issue d’un délai de six mois après la mise en examen et tous les six mois suivants.
3° Seconde phrase
Supprimer les mots :
, par la suite,
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise, dans le cadre de la mise en examen, à apporter deux modifications.
Tout d’abord, il s’agit de porter à dix jours, au lieu des six jours prévus initialement, le délai prévu pour contester devant le juge d’instruction sa propre décision.
En effet, le délai de six jours proposés par le texte n’est pas un délai connu et usité en procédure pénale, contrairement au délai de dix jours, qui offre aux personnes mises en examen un temps suffisant pour préparer leur contestation et exercer pleinement leur droit de défense.
Nous ne pouvons pas le nier, la mise en examen est une étape cruciale dans une procédure pénale, au regard des conséquences qu’elle peut avoir sur la personne concernée. Nous considérons donc qu’il est essentiel de garantir un délai raisonnable pour préparer une défense adéquate.
En allongeant le délai de contestation à dix jours, cet amendement tend à favoriser le respect des droits de la défense.
Nous proposons également des ajustements rédactionnels, afin de rendre le texte plus clair et compréhensible.
M. le président. L’amendement n° 121, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Remplacer la première occurrence du mot :
six
par le mot :
dix
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. L’alinéa 9 de cet article, qui offre au mis en examen la possibilité de solliciter une « démise » en examen, immédiatement, sans attendre le délai de six mois, va dans le bon sens.
Cependant, le délai de six jours semble trop court, surtout dans les dossiers volumineux pour lesquels la copie n’a pas été transmise en amont à l’avocat.
Nous proposons que ce délai soit allongé et harmonisé avec le délai de dix jours prévu à la suite de la notification d’une expertise ou d’un interrogatoire portant sur les déclarations des tiers. Cela permettrait de faciliter la compréhension et d’éviter les erreurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Le délai de six jours nous paraissait cohérent avec l’idée qu’il s’agit d’apporter rapidement des éléments dont le juge d’instruction n’avait pas connaissance.
Néanmoins, nous entendons vos demandes d’unification et de coordination avec les autres délais.
La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, mais nous pouvons peut-être évoluer sur le sujet aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je pense que ces deux amendements sont excellents !
Le futur mis en examen qui sort de garde à vue n’a pas une connaissance intégrale de son dossier. Certes, son avocat a pu lui communiquer avant la mise en examen un certain nombre d’éléments. Mais si le dossier est volumineux, il est parfois compliqué d’en avoir une connaissance complète.
Je suis donc tout à fait favorable à ces deux amendements, qui visent à prévoir un délai plus large pour contester plus efficacement une mise en examen.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 121 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 131, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « et les observations de la partie civile » ;
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Le présent amendement, qui est issu d’une recommandation du Conseil national des barreaux, vise à instaurer l’information de la partie civile lors d’une demande de « démise » en examen.
Le principe du contradictoire doit être intégré au sein de la procédure de démise en examen, afin que la partie civile puisse former des observations en défense, avant la décision du juge d’instruction.
Il est donc nécessaire de prévoir que la demande de démise en examen soit communiquée par le juge et la partie civile plaignante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’adoption de cet amendement ne ferait qu’ajouter de la complexité à la procédure. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La partie civile ne peut pas avoir les mêmes droits que le mis en examen ni les mêmes prérogatives que le parquet ; le Conseil constitutionnel l’a d’ailleurs rappelé dans une décision.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 178, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le dernier alinéa de l’article 82-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les avocats des autres parties sont informés dans les mêmes conditions. » ;
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, nous cherchons à introduire une disposition obligeant le juge d’instruction à informer toutes les parties concernées lorsqu’il accède à une demande d’audition émanant d’une partie, qu’il s’agisse d’un témoin, d’une partie civile ou d’une autre personne mise en examen.
À l’heure actuelle, il n’est pas obligatoire pour le juge d’instruction d’informer les autres parties, qui n’ont pas le droit de demander à être présentes lors de ses auditions.
Il s’agit de renforcer le principe du contradictoire dans la procédure pénale, en informant toutes les parties de la décision favorable du juge d’instruction. Cet amendement vise donc à faire connaître aux autres parties les auditions prévues, ce qui leur permettrait de participer activement à la procédure, en demandant à être présents lors de ces auditions ou à être entendus.
L’idée est également de garantir les droits de toutes les parties impliquées dans la procédure judiciaire. En étant informées des auditions prévues, elles auront une meilleure compréhension de l’avancement de l’enquête et pourront pleinement exercer leurs droits à la défense. Il s’agit finalement de garantir un peu plus de transparence dans la procédure judiciaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Une telle mesure permettrait, certes, d’apporter un peu plus de transparence, mais elle aboutirait surtout à un alourdissement des procédures. Or notre objectif est de simplifier tout en garantissant les droits de la défense. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice Cukierman, ce qui compte, c’est que le témoignage soit porté à la connaissance de toutes les parties. Devant un juge d’instruction, c’est forcément le cas, puisque les parties civiles constituées et les mis en examen ont accès aux témoignages et à leur teneur.
Le fait d’être informé que tel ou tel témoin sera entendu ne me paraît pas utile. Le juge d’instruction mène son information. Une fois qu’il a entendu le témoin, toutes les parties ont naturellement accès au dossier.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Guérini.
L’amendement n° 150 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le deuxième alinéa de l’article 85 est supprimé ;
La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.
M. Jean-Yves Roux. Cet amendement a pour objet de faciliter les constitutions de partie civile.
Depuis la loi du 5 mars 2007, une plainte avec constitution de partie civile visant un délit n’est recevable que si le plaignant a préalablement saisi le procureur de la République d’une plainte simple et que celui-ci soit a rejeté sa plainte, soit n’a pas répondu dans un délai de trois mois.
Un tel dispositif alourdit considérablement la démarche procédurale d’une victime et retarde l’entrée en action du juge d’instruction.
Un certain nombre d’acteurs de la justice nous ont alertés sur cette difficulté, que nous souhaitons faire disparaître. Cet amendement vise donc à supprimer la condition de recevabilité et à revenir au système antérieur à la loi de 2007.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 150.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vient d’être magistralement défendu par mon collègue des Alpes-de-Haute-Provence ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La suppression des conditions préalables au dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile concernant un délit risque de considérablement compliquer la tâche des juridictions. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Complexification et embolisation ! C’est tout à fait contraire à ce que nous recherchons tous ici.
Je suis donc magistralement défavorable à ces deux amendements identiques !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié et 150.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 179, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° Le quatrième alinéa de l’article 86 est ainsi modifié :
a) Après la troisième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Les réquisitions de non informer ou de non-lieu sont notifiées à la partie civile, laquelle peut formuler des observations auprès du juge d’instruction dans un délai de quinze jours à compter de cette notification. » ;
b) À la dernière phrase, après les mots : « passe outre » sont insérés les mots : « les réquisitions du ministère public » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Dans tous les cas, le juge d’instruction ne peut statuer avant d’avoir reçu les observations de la partie civile ou avant l’écoulement du délai de quinze jours mentionné au présent alinéa. Faute par le juge d’instruction d’avoir statué dans le délai d’un mois à compter des réquisitions, le procureur de la République peut, dans les dix jours suivants, saisir la chambre de l’instruction qui doit statuer dans un délai d’un mois. À défaut de saisine de la chambre de l’instruction, le juge d’instruction reprend son information. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à garantir la notification des réquisitions de non informer et de non-lieu à la partie civile, ainsi qu’à instaurer l’établissement d’un délai pour que le juge d’instruction rende son ordonnance à la suite des réquisitions du ministère public.
Il est primordial d’assurer l’équité et la transparence dans la procédure pénale. La partie civile a le droit de connaître les réquisitions du procureur, qui peuvent influencer sa réparation et avoir des implications importantes sur l’issue de l’affaire.
En lui accordant la possibilité de prendre connaissance de ces réquisitions et de présenter des observations à leur sujet, nous renforçons le principe du contradictoire et préservons ainsi les droits de la partie civile.
Nous considérons que l’introduction d’un délai pour la prise de décision par le juge d’instruction est essentielle pour assurer l’efficacité de la procédure. En l’absence d’un tel délai, il peut y avoir des retards injustifiés dans le déroulement de l’information. Un délai clair et raisonnable permettra d’éviter les blocages et d’assurer une gestion efficace des réquisitions du ministère public, tout en préservant les droits des parties impliquées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Là encore, nous pensons qu’il s’agit d’un alourdissement des procédures. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 215, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article 97-1, il est inséré un article 97-1-… ainsi rédigé :
« Art. 97-1-…. – Si les nécessités de l’information ouverte pour l’un des crimes prévus par le livre II du code pénal l’exigent, le juge d’instruction peut, lorsqu’il s’agit d’un crime flagrant, autoriser par ordonnance spécialement motivée que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient opérées en dehors des heures prévues par l’article 59 lorsque leur réalisation est nécessaire pour prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d’être commis ou pour permettre l’interpellation de son auteur.
« Ces opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions mentionnées dans la décision du juge d’instruction. Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles mentionnées dans la décision du juge d’instruction ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. »
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.