Mme le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.

Mme Guylène Pantel. Madame la ministre, loin de moi l’idée d’opposer les villes et les campagnes, mais force est de constater qu’un urbain vaut environ deux fois plus qu’un rural pour ce qui est du versement de la dotation forfaitaire des communes.

On sait que cet écart résulte du coefficient logarithmique introduit dans le calcul de la DGF en 2005. La population prise en compte, dite « population DGF », est pondérée par un coefficient qui croît selon une progression logarithmique, de sorte que, en schématisant, un résident d’une commune de 200 000 habitants pèse environ deux fois plus que celui d’une commune de 500 habitants.

On me dira que les communes rurales reçoivent d’autres aides, mais les grandes villes disposent de bien d’autres leviers encore.

La raison de cet écart, on la trouve dans un rapport remis par le Gouvernement au Parlement en application de l’article 257 de la loi de finances pour 2019 : il s’agit de compenser les charges de centralité des communes les plus peuplées. Certes, on peut imaginer que le coût et l’importance des services publics sont en général plus élevés en milieu urbain, bien que la progression de l’intercommunalité ait libéré les grandes communes d’une partie de leurs charges de centralité. A contrario, la sous-densité a également un coût très important, du fait par exemple de l’entretien des réseaux de voirie ou du maintien d’équipements communaux essentiels.

Dans le même temps, les petites communes doivent mobiliser des moyens pour la survie des services publics de proximité, répondre aux nouveaux enjeux de mobilité, préserver les petits commerces et, de plus en plus, prévenir des risques naturels.

Lors de l’examen de la loi de finances pour 2021, le Sénat avait essayé de modifier ce coefficient logarithmique. Hélas, l’Assemblée nationale n’a pas conservé cette proposition qui, sans être parfaite, était perfectible.

Aussi, madame la ministre, quelles sont vos intentions pour réduire l’écart de pondération entre les communes les moins peuplées et les plus peuplées, et d’aboutir ainsi à plus d’équité ?

Cette question est fondamentale, car l’avenir des communes dépend des moyens octroyés aux maires, en particulier ruraux, qui doivent se battre au quotidien pour financer leurs projets essentiels à l’attractivité de leur village et à la qualité de vie de ses habitants.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Pantel, je ne pense pas qu’il faille aujourd’hui faire porter le débat sur le coefficient logarithmique qui figure dans le calcul de la DGF. Mme la directrice générale des collectivités locales, qui est à mon côté ici aujourd’hui, travaille, à ma demande, à une amélioration de la lisibilité de la DGF : ce n’est pas quelque chose qui peut se faire en six mois ou en un an ; c’est un travail qui va prendre du temps, mais qui est entamé.

Vous m’interrogez plutôt sur le déséquilibre inéquitable que vous percevez entre les territoires ruraux et les territoires plus urbains.

Depuis juillet 2022, je m’intéresse à la DGF ; avec la DGCL, j’essaie de comprendre ces déséquilibres, de voir où ils sont et de calculer comment engager un rééquilibrage. Il s’avère qu’il n’y a pas de déséquilibre, par rapport au nombre d’habitants, entre la DGF des communes rurales et celle des territoires urbains, ou plus denses. La différence se situe à l’échelle intercommunale : une intercommunalité rurale bénéficie d’une DGF qui, par habitant, est effectivement plus faible que celle d’agglomérations beaucoup plus denses.

Nous avons donc engagé une réflexion qui devrait aboutir, dès 2024, à améliorer ce à quoi je crois beaucoup, à savoir notre équité territoriale.

Mme le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. Madame la ministre, dans la France communale que nous défendons, la relation entre le maire et le préfet est souvent mise en avant. Aujourd’hui, si nous voulons préserver l’avenir de nos communes, il convient aussi de conforter la relation entre le maire et son secrétariat.

En effet, suivant un constat à présent bien connu dans cette assemblée, le métier de secrétaire de mairie fait partie des professions les plus en tension. Les chiffres sont sans appel : deux mille, voilà le nombre de postes à pourvoir actuellement. De nombreux départs à la retraite sont également à prévoir, un quart des agents ayant plus de 58 ans.

Les causes de cette crise des vocations sont nombreuses : charge de travail, isolement professionnel, poids des normes, dématérialisation croissante, faible rémunération et absence de reconnaissance d’un statut particulier.

Pourtant, le secrétariat de mairie constitue un maillon essentiel de l’ingénierie communale, puisque la plupart des démarches administratives transitent par lui, que ce soit l’état civil, l’instruction des autorisations d’urbanisme, la gestion des équipements municipaux et des opérations funéraires, les ressources humaines, la gestion du budget communal, ou encore les demandes de nombreuses subventions dont la complexité est bien connue : DETR, DSIL, fonds vert, fonds Chaleur, appels à projets, etc.

Le secrétariat de mairie est le bras armé de la politique municipale, il assure la continuité de la relation du maire avec la population de sa commune.

Afin de renforcer nos communes face aux multiples défis qui les attendent, il est aujourd’hui nécessaire de rendre à ce métier sa pleine attractivité. C’est le sens des propositions qui sont faites par le Sénat, par la voix de plusieurs de mes collègues dont je souhaite saluer ici le travail.

Nous examinerons d’ailleurs ce mercredi la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, telle qu’amendée sur l’initiative des trois rapporteurs de la mission d’information constituée sur le sujet. Améliorer l’accompagnement des secrétaires de mairie, leurs perspectives de carrière, leur formation et la reconnaissance de leur travail, voilà ce qu’attendent nos maires, en particulier dans les communes rurales, qui ont besoin d’un vrai soutien administratif et d’ingénierie.

Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Guillaume Chevrollier. Aussi, madame la ministre, quelles dispositions complémentaires des propositions sénatoriales le Gouvernement compte-t-il prendre ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Chevrollier, vous avez une ambition qui nous tient tous à cœur, celle de rendre à ce métier de secrétaire de mairie sa pleine attractivité.

Vous me demandez ce que nous faisons : je ne vous renverrai pas à la proposition de loi d’initiative sénatoriale que vous examinerez demain, en présence de mon collègue Stanislas Guerini. Ce texte pose plusieurs principes : les secrétaires de mairie pourront, ou devront, appartenir à la catégorie B de la fonction publique ; un accélérateur de carrière leur sera offert ; enfin sera posée la question du nom de cette profession, qui nuit parfois à son attractivité. De ce que j’ai pu en voir, cette proposition de loi est de grande qualité ; elle sera en tout cas prise en considération par M. Guerini.

Je veux maintenant prendre un instant pour vous dire ce que nous faisons en la matière. Nous agissons pour que les fonctions de secrétaire de mairie soient exercées à un niveau d’emploi correspondant davantage aux responsabilités exercées, à savoir a minima celui de la catégorie B, alors qu’aujourd’hui ces fonctions peuvent être exercées par des personnes appartenant à divers cadres d’emplois, dont la catégorie C. Je veux vous dire que la revalorisation du métier de secrétaire de mairie figure parmi les mesures du plan France Ruralités que nous annoncerons jeudi prochain.

Enfin, je veux rappeler que votre proposition de loi, soutenue par le Gouvernement, prévoit d’ouvrir de nouvelles voies de promotion interne, vers la catégorie B, pour les fonctionnaires de catégorie C exerçant d’ores et déjà les fonctions de secrétaire de mairie.

Un autre sujet sur lequel nous travaillons d’ores et déjà nous semble également important : celui de l’opérationnalité. Sous quelle forme et à quelle échéance pourra-t-on recruter de nouvelles promotions de secrétaires de mairie ? Voilà un sujet auquel nous nous sommes déjà attelés, pour faire en sorte que la pénurie que beaucoup de maires subissent aujourd’hui soit compensée par de jeunes secrétaires de mairie qui poseront leur candidature grâce à l’attractivité que nous aurons su créer, de manière que, dès la fin de l’année, on puisse avoir de nouvelles secrétaires de mairie, nouvellement formées et disposant du nouveau statut auquel nous travaillons ensemble. Il faut qu’elles soient opérationnelles le plus tôt possible !

Mme le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Frédérique Espagnac. Madame la ministre, le débat sur l’avenir de la commune en France qui nous réunit aujourd’hui est de ceux que nous devons aborder avec à la fois passion et gravité.

Passion, car nous sommes les témoins de l’engagement des femmes et des hommes qui œuvrent dans chaque commune ; je pense en particulier aux 546 communes des Pyrénées-Atlantiques, dont j’ai à cœur d’accompagner les élus.

Gravité, car c’est un héritage de notre histoire qui est réellement en jeu aujourd’hui. C’est en 1789, le 14 décembre de cette année symbolique, qu’ont été créées les communes. Chacune des générations qui se sont succédé depuis lors a eu l’envie et l’ambition de faire, et bien faire, pour les habitants et le territoire.

Or aujourd’hui, pour la première fois, nous faisons face à tant de défis pour la commune et ses élus : défis posés par la complexification croissante de la mission de maire, comme ceux qui exercent leurs fonctions depuis plusieurs mandats m’en offrent un témoignage quotidien ; défis posés par un sentiment croissant d’impuissance des élus – la commune est la seule collectivité à avoir la compétence générale, mais le sentiment de limitation dans l’action est réel, à cause notamment du fonctionnement et de la taille des intercommunalités – ; défi, enfin, de la crise civique, qui provoque une remise en cause de l’autorité, y compris au niveau communal.

Tout cela peut engendrer une crise des vocations, notamment aux prochaines élections municipales, tant pour les élus que pour les employés communaux. Or il n’est pas de commune vivante sans élus ni employés, comme cela a été rappelé par ma collègue. Or, sans commune vivante, il n’y a pas de proximité ni d’efficacité pour le citoyen.

Face à ces défis, je préconise, à l’instar de plusieurs des orateurs précédents, de rétablir les moyens octroyés aux communes, afin qu’elles puissent agir. Il faut en finir avec l’enfer technocratique et faire simple ; madame la ministre, je sais que vous vous y employez actuellement.

Il faut aussi faire en sorte que les services de l’État aillent toujours plus vers les élus, pour mieux les accompagner et trouver des solutions, et non pas les freiner.

Il faut également améliorer le statut de l’élu local et encore plus celui des secrétaires de mairie, ces petites mains de la République, si précieuses, dont je rappelle que 70 % partiront à la retraite d’ici à 2027.

Il faut surtout mettre en œuvre, enfin, la subsidiarité : ne doit être délégué que ce qui peut mieux être réalisé à un autre échelon.

Mme le président. Votre temps de parole est écoulé, ma chère collègue !

Mme Frédérique Espagnac. C’est pourquoi je souhaite savoir quelles mesures vous entendez mettre en œuvre pour redonner des moyens d’action…

Mme le président. Veuillez conclure, madame Espagnac !

Mme Frédérique Espagnac. … et quelles mesures vous comptez prendre pour que les élus locaux, hussards de la République, soient mieux accompagnés et mieux protégés.

Mme le président. Si chacun dépasse son temps de parole, il ne faudra pas s’étonner que la séance se prolonge jusqu’à vingt et une heures, mes chers collègues !

Mme Frédérique Espagnac. C’est là que nous perdons du temps !

Mme le président. Non, madame Espagnac ; surtout, c’est moi qui préside la séance !

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Espagnac, vous rappelez le rôle et l’histoire de nos communes, auxquelles nous sommes tous attachés. Vous m’interrogez sur plusieurs axes ; à vrai dire, je ne peux que souscrire à ce que vous appelez de vos vœux : d’abord, des moyens, en fonctionnement comme en investissement. Comme je l’ai déjà longuement exposé, il me semble qu’il n’y a jamais eu autant d’argent disponible pour les investissements, avec 4 milliards d’euros injectés. La DGF, elle, n’a augmenté que de 320 millions d’euros, mais nous sommes très fiers qu’elle ait augmenté pour la première fois depuis treize ans.

Ensuite, vous formulez le souhait que l’on fasse plus simple. C’est une évidence, comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire ; nous allons donc travailler avec l’AMF sur les conditions d’exercice des mandats locaux, notamment de maire, afin de déterminer comment on peut segmenter les choses pour s’attaquer à cette simplification, que le Sénat appelle de ses vœux – rappelons de nouveau qu’une charte a été signée sur ce sujet par Christophe Béchu et le président Larcher.

En conclusion, je veux dire que cette reconnaissance est absolument nécessaire : nous devons tous travailler pour que cette confiance, dont les maires ont tant besoin, soit une évidence. Il faut donc bien des moyens, en fonctionnement comme en investissement, de l’ingénierie, de la simplification et de la reconnaissance : le Gouvernement et moi-même nous y employons.

Mme le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur votre vision de l’avenir des communes dans notre pays. Celles-ci constituent le socle de notre organisation territoriale et jouent un rôle essentiel dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Elles sont profondément ancrées dans l’imaginaire français, avec l’idée bien établie de « l’église au milieu du village ».

On assiste pourtant, depuis les années 2000, à une tentative de ringardisation de la commune. Le triptyque commune-département-État était autrefois parfaitement établi ; on a tenté de faire croire à la désuétude de ce modèle, lui préférant sa version contemporaine : intercommunalités-régions-Europe.

Pour avoir eu l’honneur d’être maire durant près de vingt ans, je crois pouvoir dire que la commune reste indéniablement un point de repère essentiel pour nos compatriotes.

Au-delà de l’attachement souvent fusionnel que l’on éprouve pour sa commune, cette dernière est également, notamment en milieu rural, le point d’entrée de toutes les doléances et incompréhensions de nos concitoyens. La structure communale est de loin la plus agile, comme nous avons pu le constater durant l’épidémie de covid-19.

Malgré cette reconnaissance du rôle essentiel de la commune, il nous faut cependant être lucides : celle-ci fait aujourd’hui face à des défis majeurs.

Tout d’abord, la décentralisation et la répartition des compétences entre l’État et les collectivités locales restent des enjeux importants. Comment peut-on affirmer vouloir renforcer la décentralisation tout en supprimant les principaux leviers d’autonomie fiscale des collectivités ? La souveraineté fiscale de celles-ci n’a cessé d’être attaquée ces dernières années.

L’État a procédé, à partir de 2015, à une réforme des intercommunalités conduisant au regroupement de ces dernières, qui ne sont plus que 1 254 sur le territoire national. Si, comme je le pressens, la volonté de l’État est bien de substituer les intercommunalités aux communes, n’a-t-on pas trop agrandi la taille de ces intercommunalités, éloignant ainsi le citoyen de la décision publique ?

Madame la ministre, l’objectif de rationalisation qu’a fixé l’État pour l’échelle locale est-il suffisamment clair ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président Longeot, vous souhaitez que l’on trouve le juste équilibre entre la mutualisation, nécessaire pour avoir plus de moyens, et la persistance de leviers importants à l’échelon communal, que nous appelons tous de nos vœux, car il s’agit, comme cela a été rappelé, de l’échelon le mieux identifié par nos concitoyens.

L’émiettement communal est toutefois encore important : plus de 18 000 communes comptent moins de 500 habitants, parmi lesquelles près de 9 000 en ont moins de 200. L’intercommunalité constitue une bonne option, mais les communautés de communes doivent pleinement associer les maires à leur fonctionnement. J’ai rappelé tout à l’heure les quatre axes dont ceux-ci peuvent se saisir pour essayer d’agir au sein de l’intercommunalité.

Le Gouvernement mise sur la stabilité. Je souhaite vous rassurer : il n’y aura ni transferts massifs de compétences ni modification des répartitions de compétences entre EPCI et communes. En tout cas, de tels changements devront partir du terrain, telle est notre marque de fabrique.

Les communes nouvelles et les communes-communautés constituent de bons outils pour lutter contre l’émiettement communal, du moins quand l’initiative vient des maires et des communes. Il y a aujourd’hui 35 000 communes, et nous n’agirons pas pour accélérer leur regroupement ou pour « rationaliser », comme vous l’avez suggéré.

Aujourd’hui, certaines intercommunalités fonctionnent très bien ; d’autres, moins bien. Nous travaillons avec les préfets pour déterminer comment faire en sorte que les maires soient beaucoup plus impliqués qu’aujourd’hui dans les projets d’intercommunalité.

Pour ce qui est des communes nouvelles, je travaille sur ce sujet, avec la sénatrice Gatel et la DGCL, pour accompagner les projets émanant des territoires concernés. Un texte issu du Sénat sera présenté, me semble-t-il. Nous le regarderons avec attention, pour faire en sorte que ces communes nouvelles, qu’on suit très significativement pendant les trois premières années de leur existence, puissent aussi être accompagnées dans la durée quand les maires le demandent.

Mme le président. La parole est à Mme Elsa Schalck.

Mme Elsa Schalck. Madame la ministre, notre pays est riche de ses 35 000 communes auxquelles, nous le savons, les Français sont particulièrement attachés de par leur histoire, mais aussi en raison de la proximité qu’elles incarnent.

Je salue ce débat sur les enjeux de la France communale et l’avenir de la commune, car je suis profondément convaincue que la seule source d’efficacité des politiques publiques se trouve justement dans cette proximité si précieuse.

En première ligne au quotidien, les maires permettent à nos communes de vivre et de se développer. Les témoignages de ces élus locaux quant à l’évolution de l’exercice de leur mandat doivent être entendus : complexification des procédures, multiplication des interlocuteurs, lenteurs des réponses administratives, ou encore impossibilité d’anticiper le montant des aides publiques, sans oublier la perte d’autonomie fiscale ou l’oubli du principe de libre administration des collectivités locales, qui est malheureusement devenu une coquille vide.

Cette complexification et cette recentralisation asphyxient l’exercice du mandat local. Pire, elles démotivent ! Désormais, un sentiment prédomine souvent, celui de la solitude et de l’impuissance des maires et des élus locaux !

Madame la ministre, comment se fait-il que, dans notre pays, la volonté de simplification se transforme en complexification, et que la multiplication des agences d’État censée aider les communes se transforme in fine en un patchwork totalement incompréhensible ? Comment se fait-il que, là où la dématérialisation pourrait conduire à gagner du temps, elle se transforme en un éloignement progressif de l’humain, qui doit pourtant rester au cœur de toute action ?

Les exemples sont nombreux : la réorganisation des finances publiques, avec un éloignement des services, mais également l’accès aux différentes dotations de l’État, avec des appels à projets qui foisonnent et une complexification, flagrante notamment dans le fonds vert !

Madame la ministre, quand allez-vous entendre la voix des maires qui réclament davantage de simplification et de lisibilité ?

Comptez-vous regrouper les différentes dotations – DETR, DSIL, fonds vert – plutôt que de poursuivre une politique en silo, qui génère de l’incompréhension chez les élus locaux, voire une perte de confiance des collectivités envers l’État ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Schalck, à vrai dire, j’ai déjà répondu à la totalité des points que vous soulevez ; c’est l’inconvénient d’intervenir après mes réponses à nombre d’orateurs.

J’ai l’impression que vous considérez que notre gouvernement n’est pas à l’écoute des communes : je ne partage évidemment pas ce point de vue. J’ai expliqué en détail à quel point la DGF avait augmenté, j’ai rappelé les 2 milliards d’euros supplémentaires que nous offrons cette année pour l’investissement, j’ai exposé combien les maires s’emparaient du fonds vert. Oui, celui-ci peut être amélioré et simplifié, même si l’on y trouve déjà de l’ingénierie et de l’investissement. Oui, sa première page, avec ses quatorze critères,…

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … est extrêmement simple, même si les documents à fournir ensuite sont un peu plus compliqués : nous travaillons à leur simplification.

Quoi qu’il en soit, je crois que nous tous ici devons, en vertu de tous les propos qui ont été tenus, nous tenir aux côtés des maires et leur redonner espoir.

M. Mathieu Darnaud. Alors ça…

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. En tout cas, nous avons des préfets et des sous-préfets qui agissent vraiment, qui sont au service des élus locaux, et vous avez un gouvernement qui soutient totalement ces élus.

Je ne peux donc que vous encourager à demander aux maires de votre département, s’ils sont en difficulté, de s’adresser soit aux services déconcentrés de l’État, soit à mon ministère, afin que nous puissions faire en sorte que le verre soit perçu comme à moitié plein et non à moitié vide.

Des axes de progrès, il y en a forcément, et nous y travaillerons ensemble !

M. Mathieu Darnaud. Il vaut mieux entendre ça que d’être sourd !

Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, répondre à la crise démocratique, c’est aussi répondre à la crise de représentation. En ce sens, le statut de l’élu est une exigence démocratique : tout citoyen doit pouvoir être candidat à une élection politique, quelles que soient ses origines sociales et son activité professionnelle. Les assemblées élues ne peuvent être le miroir parfait de la société ; néanmoins, il convient de corriger les déséquilibres les plus flagrants.

Dans cet esprit, dès 1976, le rapport Guichard indiquait que la démocratie aurait peu à gagner en ne rémunérant pas, ou en rémunérant mal, les fonctions électives.

Par la suite, dans la lignée du rapport Debarge de 1982, la mise en place d’un vrai statut de l’élu, qui deviendrait salarié de la collectivité, a constitué en 2000 l’un des axes majeurs du rapport Mauroy en matière de démocratie locale. L’ancien Premier ministre y écrivait que de ce statut dépendaient « la richesse et la vitalité de notre démocratie ».

La multiplication des ajouts visant à revaloriser le régime indemnitaire des élus depuis quarante ans a parfois laissé penser qu’ils étaient dans une situation plus favorable que leurs concitoyens, notamment financièrement. La difficulté à assumer et à afficher le coût de la démocratie entretient des zones de flou et d’incompréhension. Il faut donc mettre en place de nouvelles règles qui empêchent les titulaires de ces mandats de rester au pouvoir de manière indéfinie, mais il faut aussi, en même temps, créer un véritable statut de l’élu local pour revivifier notre démocratie.

Madame la ministre, ma question est donc très simple : le Gouvernement est-il prêt à examiner les modalités de mise en place d’un véritable statut unifié de l’élu, condition de la démocratisation des fonctions électives en France ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Kerrouche, ma réponse sera courte : oui !

En effet, comme je l’ai dit tout à l’heure, nous avons entamé, avec l’AMF, des travaux sur les conditions d’exercice des mandats d’élu local, notamment celui de maire. J’ai lu, sinon la totalité de vos écrits, du moins une partie d’entre eux, et je sais à quel point c’est un sujet qui vous tient à cœur et sur lequel vous avez de vraies compétences, que je salue. Nous vous contacterons donc, probablement au début du mois de juillet, pour vous dire où nous en sommes sur ce sujet qui nous est aussi cher qu’à vous : le statut de l’élu local.

Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour la réplique.

M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, je vous remercie d’abord d’avoir de saines lectures ! (Sourires.)

Ensuite, je veux vous dire que des mesures sont nécessaires, cette fois-ci en grand. Nous avons traité de certains aspects du statut de l’élu, mais ils sont éparpillés au sein du code général des collectivités territoriales. Il conviendrait peut-être, comme on a pu le faire dans d’autres domaines, de les rassembler sous un seul titre, pour faire comprendre une nouvelle fois que le statut de l’élu n’est pas accessoire : c’est une condition de la démocratie locale. Ainsi, on offrirait une reconnaissance à tous les élus de notre pays.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)