M. Antoine Lefèvre. Une erreur !

M. Jean-Claude Requier. La présente proposition de loi étend un avantage fiscal octroyé aux TPE et PME qui font du mécénat culturel aux dons en faveur des sociétés publiques locales détenues par des collectivités, indépendamment de la participation ou non de l’État. Elle a été déposée par des sénateurs issus des quatre plus gros groupes du Sénat, sans que les plus petits groupes y aient été associés.

Son coût budgétaire, entre un et deux millions d’euros, apparaît relativement limité, comparé au coût actuel de l’ensemble de la niche fiscale relative au mécénat d’entreprise, de plus d’un milliard d’euros. Cette politique devrait contribuer effectivement à soutenir les acteurs locaux.

Enfin, cette proposition de loi concernerait seulement une cinquantaine de structures en France : les sociétés publiques locales à vocation culturelle.

Nous ne sommes pas naïfs, les entreprises trouvent aussi un avantage à s’engager dans le mécénat culturel, car elles bénéficient ainsi de retombées en termes d’image de marque et de visibilité locale, en plus de l’avantage fiscal lui-même.

La semaine dernière, la commission des finances a adopté des précisions de nature à garantir un meilleur suivi de l’usage de ces fonds et à éviter les conflits d’intérêts au sein des SPL. On sait que c’est une préoccupation très actuelle de la commission des finances.

En conclusion, les membres du groupe RDSE voteront cette proposition de loi. (M. Marc Laménie applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis leur mise en place par la loi du 28 mai 2010, les sociétés publiques locales ont confirmé le rôle déterminant qu’elles jouent dans l’exécution de missions d’intérêt général au service des collectivités.

En complément de leurs prérogatives en matière d’aménagement et de gestion des services publics industriels et commerciaux, c’est dans le domaine de la culture que leur intervention a démontré son intérêt majeur.

Elles ont ainsi pu contribuer à renforcer l’action de l’État, notamment lors de la crise sanitaire, les longs mois de fermeture administrative ayant lourdement pénalisé les métiers de la culture et du spectacle vivant.

Ainsi que l’a souligné Sylvie Robert, près de 70 % des financements du secteur culturel sont aujourd’hui assurés par les collectivités et leurs groupements, dont les sociétés publiques locales.

Les exemples ne manquent pas : des établissements culturels, connus et reconnus, comme la tour Eiffel, le Palais des papes à Avignon, le château des ducs de Bretagne à Rennes ou encore l’abbaye royale de Fontevraud dans le Maine-et-Loire, sont administrés et financés par des collectivités réunies en société publique locale. À ces sites renommés s’ajoute toute une liste de théâtres, musées, cinémas, festivals ou centres culturels, répartis sur l’ensemble du territoire et dont le modèle de gestion et de contrôle a fait la preuve de ses vertus.

Ouvrir aux sociétés publiques locales le mécénat culturel et le régime fiscal qui y est associé apparaît ainsi comme un moyen de reconnaître à leur juste valeur leur action en faveur de la culture, de favoriser l’investissement dans des établissements « à domicile » et ainsi, de participer au rayonnement culturel de la France et de ses territoires.

Le dispositif incitatif que ce texte propose de créer se substitue ainsi aux investissements dans des établissements implantés à l’étranger, qui offrent sinon un régime de mécénat plus avantageux.

De plus, la gouvernance des sociétés publiques locales étant intégralement publique, elle procède directement des décisions adoptées par les collectivités représentées au sein de leur conseil d’administration. La relation interne qui en résulte permet non seulement de déroger aux contraintes des règles de mise en concurrence prévues dans le code de la commande publique, mais elle assure de surcroît un contrôle direct sur les actions de la société publique locale.

La loi 3DS du 21 février 2022 a renforcé par ailleurs les règles de ce contrôle, en prévenant les risques de conflit d’intérêts et en associant les chambres régionales et territoriales des comptes et les commissaires aux comptes à l’obligation de suivi de leur activité. La société publique locale étant sans but lucratif, sa gestion désintéressée la protège contre les risques de malversation, de faits du prince ou de mésusage des capitaux que l’on observe parfois dans les œuvres de mécénat.

À cet égard, je salue la disposition introduite en commission sur l’initiative du rapporteur, Michel Canévet : elle crée l’obligation pour le conseil d’administration de la SPL d’approuver les dons qui lui ont été faits.

La proposition de loi instaure donc un système exclusivement vertueux. Il s’agit d’un pari gagnant pour tous, tant pour les entreprises engagées dans le mécénat culturel, qui peuvent développer de nouveaux partenariats avec les collectivités locales, que pour les territoires, qui voient leur attractivité économique et touristique renforcée.

En tant que coauteur de ce texte, je remercie mes collègues coauteurs Sylvie Robert, Hervé Marseille et Julien Bargeton pour le remarquable travail qu’ils ont effectué, lequel démontre que la question des sociétés publiques locales dépasse les sensibilités politiques. J’espère que l’Assemblée nationale sera sensible à ce travail transpartisan dans l’intérêt de nos territoires et pour la vitalité de la culture à la française.

Je regrette la position exprimée à l’instant par M. le ministre au nom du Gouvernement, qui se situe aux antipodes des choix défendus par notre assemblée dans cette proposition de loi, laquelle sera ici adoptée à une très large majorité. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde de la culture a été durement éprouvé par la pandémie. Pour de très nombreux acteurs, les mesures sanitaires ont remis en cause l’essence même de leur activité. Qu’est-ce qu’un théâtre, qu’est-ce qu’un cinéma, qu’est-ce qu’un musée sans public ? La culture a payé un lourd tribut à la lutte contre le virus.

Au-delà de l’épreuve humaine, la pandémie a également durement éprouvé les modèles économiques des acteurs de la culture. Ils ont été privés de ressources et la dynamique de création, qui suppose l’échange, a été mise à mal.

Bien sûr, le Gouvernement et le Parlement se sont très tôt mobilisés pour soutenir tous ces acteurs, notamment ceux de nos territoires, qui, partout en France, font vivre la création à chaque coin de rue – des associations et des collectivités sont ainsi mobilisées.

Leur engagement pour la culture nous oblige. Nous devons aujourd’hui, à leurs côtés, inventer de nouveaux modèles économiques pour générer de nouveaux revenus et pérenniser leurs activités.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires a été force de proposition en la matière. Lors de l’examen du projet de loi de finances à l’automne dernier, nous avons ainsi proposé plusieurs mesures visant à mobiliser davantage de fonds privés au bénéfice des acteurs de la culture.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette même logique. En effet, en permettant aux sociétés publiques locales de bénéficier des dons effectués par les entreprises dans le cadre du mécénat, nous ouvrons de nouveaux modes de financement à ces acteurs des territoires et nous créons des liens avec les entreprises.

L’initiative est d’autant plus forte qu’elle est transpartisane. Je précise qu’elle aurait été encore plus forte si elle avait été omnipartisane… Notre groupe la soutiendra néanmoins.

Je salue également l’initiative du rapporteur, qui a introduit une précision bienvenue. Cet ajout peut paraître superfétatoire, mais je pense qu’il sera de nature à rassurer les élus locaux. Même s’ils n’apprécient guère l’inflation normative, nous le savons, je pense que, en l’espèce, ils ne nous en tiendront pas rigueur.

Je l’ai dit : notre groupe est favorable à la défiscalisation des dons effectués aux SPL au titre du mécénat. Nous avons même proposé d’aller plus loin et d’ouvrir également le dispositif aux dons aux SPL effectués par les particuliers.

Cet élargissement aurait deux intérêts. Sur la forme, il réduirait les différences entre les régimes du mécénat applicables respectivement aux entreprises et aux particuliers. Sur le fond, il permettrait aux citoyens de contribuer à la vie culturelle locale, en devenant les mécènes de lieux de leur choix.

À cet égard, nous regrettons que l’amendement de Vanina Paoli-Gagin ait été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution, dont il a été fait en l’espèce une lecture restrictive. Nous souhaitions mobiliser davantage de fonds privés au bénéfice des SPL. Les acteurs des territoires disposeront donc de moins de ressources.

Notre groupe a également déposé un autre amendement. Dans le droit fil de la proposition de loi qu’elle a déposée il y a plusieurs mois, ma collègue Colette Mélot vous propose d’ouvrir le mécénat à l’art numérique, qui connaît actuellement un développement très dynamique, notamment auprès des publics les plus jeunes.

Désormais, la consommation des biens culturels passe aussi par les nouvelles technologies. Dès lors, il apparaît nécessaire d’adapter notre cadre législatif à cette nouvelle donne. Il est important d’adopter les codes de la jeunesse pour faciliter son accès à la culture.

Vous l’aurez compris, ces deux propositions s’inscrivent dans le droit fil de la proposition de loi, que nous soutenons sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller.

M. Daniel Breuiller. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, je tiens à saluer les travaux de nos quatre collègues, portés par Sylvie Robert, ainsi que celui du rapporteur Michel Canévet. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient sans ambiguïté cette proposition de loi.

Ce texte permet aux sociétés publiques locales d’accéder au mécénat culturel, comme c’est d’ores et déjà le cas des sociétés de capitaux lorsque l’État en est actionnaire. Monsieur le ministre, l’État, ce sont aussi les collectivités territoriales !

Ce texte répond aux demandes de la Fédération des élus des entreprises publiques locales, de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), mais aussi de nombreux élus exerçant la présidence de musées, de monuments, de salles de cinémas et de spectacle, et dont les collectivités sont rassemblées dans une société publique locale culturelle. L’accès au mécénat est important pour elles.

Le propos de notre collègue Sylvie Robert sur le volet décentralisateur est limpide et je le partage entièrement.

Malgré le soutien massif des pouvoirs publics, la pandémie a fortement affecté le secteur de la culture. Le spectacle vivant retrouve difficilement son public. L’inflation a pour effet d’accroître plus encore la baisse de la fréquentation et surtout de réduire la mixité des publics.

Ainsi, 70 % des médiathèques et des bibliothèques n’ont pas retrouvé la fréquentation antérieure à la pandémie. Les métiers techniques sont en tension. De nombreux artistes et auteurs n’arrivent plus à faire face à la triple précarité – contrats courts, pluriactivité, bas salaires – qui caractérise les emplois du secteur, comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport de mai 2022.

À ces difficultés post-covid s’ajoute l’inquiétude que suscite la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques. Les grands rendez-vous estivaux culturels disposeront-ils des ressources financières, humaines et techniques nécessaires ? C’est pour le moins incertain, malgré le volontarisme dont font preuve la ministre de la culture et les collectivités, et alors que le secteur se doit déjà de reconquérir le public.

La crise de l’énergie n’épargne personne, pas même le secteur de la culture, qui reste, malheureusement, particulièrement énergivore. La décarbonation est d’ailleurs l’un des défis que ce dernier doit relever. Ce n’est pas facile – on le voit pour l’industrie et l’agriculture –, d’autant moins que le secteur doit faire face à un contexte financier aussi imprévisible qu’instable.

Les collectivités territoriales subissent une baisse des aides et des financements de l’État. Le secteur de la culture, dont elles sont le principal financeur, est ainsi victime d’une double peine, les SPL ne pouvant pas bénéficier des dispositions fiscales liées au mécénat.

J’ai ainsi une pensée pour l’Institut supérieur des arts et du design de Toulouse, qui connaît une crise sans précédent, laquelle compromet gravement son fonctionnement et l’avenir des étudiants, tandis que trente-neuf postes d’enseignants sont menacés.

D’après les travaux du Conseil économique, social et environnemental, la situation ne va pas s’améliorer, puisque les directions des affaires culturelles annoncent, dans leurs notes de cadrage budgétaire, des baisses de financement oscillant entre 10 % et 20 %.

Les choses se font par petites touches : on supprime un ou deux spectacles et expositions dans la programmation de la saison ; on diminue les subventions de fonctionnement des équipements et des structures ; on réduit les interventions dans les écoles et les actions d’éducation artistique et culturelle.

Lorsque les collectivités sont contraintes de réduire leurs budgets, ces restrictions s’appliquent à tous les domaines, mais, bien souvent, le budget culturel est le premier touché. Cela m’inquiète et m’attriste.

Nous ne sommes pas toujours conscients que la diversité culturelle repose avant tout sur les collectivités : si ces dernières ne soutiennent plus la culture, celle-ci deviendra plus homogène, produite par quelques-uns pour quelques-uns. La diversité des esthétiques, des créations et des modes de diffusion est indispensable à la vivacité culturelle et à ses évolutions.

La biodiversité doit être défendue partout ; il en va de même s’agissant de la biodiversité culturelle : les jeunes pousses et les esthétiques nouvelles sont indispensables à l’équilibre de l’écosystème.

Mes chers collègues, la culture est fondamentale et il est essentiel de lui redonner du souffle. Nous le ferons, modestement, aujourd’hui en votant ce dispositif fiscal.

Je terminerai par ces vœux d’Ariane Mnouchkine formulés en 2014 :

« Surtout, disons à nos enfants qu’ils arrivent sur terre quasiment au début d’une histoire et non pas à sa fin désenchantée. […]

« Il faut qu’ils sachent que, ô merveille, ils ont une œuvre, faite de mille œuvres, à accomplir, ensemble […].

« Quel plus riche héritage pouvons-nous léguer à nos enfants que la joie de savoir que la genèse n’est pas encore terminée et qu’elle leur appartient ? » (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Teva Rohfritsch.

M. Teva Rohfritsch. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, nous nous attaquons à un marronnier de notre commission des finances. Introduit par le Sénat dans la loi 3DS, ainsi que dans les projets de loi de finances pour les années 2021 et 2022, le dispositif que proposent nos quatre collègues, notamment Julien Bargeton, vise à rendre éligibles aux dons les SPL intervenant dans le domaine de la culture. Cela ouvrirait droit pour les entreprises à la réduction d’impôt en faveur du mécénat.

À ce jour, l’article 238 bis du code général des impôts dispose que seuls les dons destinés à certains organismes d’intérêt général peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt. Les dons en faveur des musées de France et d’organismes culturels dont l’un des actionnaires est l’État ou des établissements publics nationaux entrent ainsi dans ce cadre.

Par ce biais, les entreprises bénéficient d’une réduction d’impôt égale à 60 % du montant des dons dans la plupart des cas, et à 40 % pour les dons qui excèdent 2 millions d’euros.

L’abaissement du taux ne concerne cependant pas les dons faits au profit d’organismes à but non lucratif venant en aide aux personnes en difficulté en facilitant leur accès au logement ou en leur fournissant gratuitement un repas, des soins, voire des produits de première nécessité.

Concernant le sujet qui nous occupe, le rapporteur, que je remercie pour la qualité de son travail, a largement répondu aux arguments qui avaient jusqu’à présent justifié la suppression du dispositif à l’Assemblée nationale. J’ai souhaité les reprendre ici, car ils sont déterminants pour notre position sur ce texte.

L’une des alternatives proposées à l’élargissement des dons aux sociétés publiques locales consiste à créer un fonds de dotation ou un établissement public en association avec l’État. Pour autant, cela ne répondrait pas correctement à la question du financement : les dons destinés aux SPL seraient soumis à la TVA et la création d’un établissement public engendrerait des coûts de fonctionnement importants.

À l’inverse, les SPL, en contribuant à un partenariat entre plusieurs acteurs publics, conduiraient à une rationalisation des ressources.

De surcroît, un deuxième article ajouté à cette proposition de loi, qui habilite les conseils d’administration et de surveillance des SPL à accepter le versement des dons, limite grandement les risques de conflits d’intérêts.

Notons que le coût pour les finances publiques de cette extension de la réduction d’impôt, estimé à 1,7 million d’euros, comme le rappelait Mme Robert, reste modeste et pourrait même être revu à la baisse. L’argument est significatif dans une période où nous devons rester vigilants quant à l’équilibre de nos finances publiques.

Enfin, le don à des entités publiques dans lesquelles l’État n’est pas représenté a déjà été introduit dans la loi de finances pour 2023. Désormais, les entreprises peuvent effectuer des dons en faveur de groupements de collectivités aux fins de défense de l’environnement. L’extension du régime fiscal du mécénat culturel aux sociétés publiques locales ne serait donc pas une exception et ne créerait pas de précédent isolé.

Les seules questions qui demeurent concernent l’impact réel de cette mesure sur le financement de la culture. Si son poids sur les finances publiques est si faible, quelle transformation pouvons-nous vraiment en attendre dans le financement du domaine culturel ? C’est tout l’enjeu de cette proposition de loi.

L’insistance du Sénat à son égard tient autant à l’ampleur globale que nous espérons de ce dispositif qu’à la diversification attendue au profit de l’action culturelle de nos collectivités territoriales.

Aussi, pour reprendre les mots de Mme Robert, gageons que cette saison 2023 sera gagnante, pour la culture et pour nos collectivités !

Je remercie donc Sylvie Robert, Julien Bargeton, Hervé Marseille, Antoine Lefèvre et Michel Canévet, notre rapporteur, pour cette proposition de loi, qui coûtera peu à l’État, mais éclairera l’action culturelle dans nos collectivités territoriales.

Sur cette base, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Éblé.

M. Vincent Éblé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur culturel est en difficulté depuis de nombreuses années, singulièrement depuis la crise sanitaire de la covid-19 et la crise économique qui l’a suivie.

L’inflation incite nombre de nos concitoyens à prioriser leurs dépenses, les sorties culturelles et les loisirs étant souvent les premières variables d’ajustement des familles pour réguler leur budget. Cela emporte des conséquences non négligeables sur le financement de la filière culturelle.

Si l’État, avec l’appui des collectivités territoriales, a pris sa part dans le soutien au monde de la culture pendant la période de la covid-19 en mettant en place des aides spécifiques, la situation tendue que nous traversons révèle que les milieux culturels ont encore besoin d’être confortés par l’action publique.

La filière doit affronter une reprise, à tout le moins incertaine et erratique, qui demeure timide et sujette à de nombreux questionnements. Nous avons donc besoin d’innover pour relancer le secteur.

La proposition de loi de notre collègue Sylvie Robert, dont je salue l’engagement actif et de longue date en faveur de la culture, est de nature à apporter un nouvel outil aux collectivités territoriales pour faciliter les investissements en la matière.

Nos collectivités sont devenues les principaux financeurs de la culture, une tendance en progression constante depuis dix ans : 70 % de l’investissement en faveur du secteur culturel, soit 9,5 milliards d’euros, en provient. L’exercice partagé de la compétence culture avec l’État favorise une dynamique qui permet le développement de projets culturels à l’échelle locale.

Cependant, lorsque les conjonctures économiques deviennent défavorables, le risque de désengagement cumulatif est très fort. La création de nouveaux instruments au service des collectivités est alors essentielle pour trouver des ressources complémentaires au renforcement de l’action des politiques publiques culturelles. L’idée que porte cette proposition de loi – ouvrir le mécénat culturel aux sociétés publiques locales intervenant dans ce secteur – doit nous rapprocher de cet objectif.

Le droit positif, en l’état actuel, n’autorise le mécénat d’entreprise que si l’État est l’un des actionnaires des sociétés de capitaux bénéficiaires. Cela exclut de fait les sociétés publiques locales, qui sont détenues par les seules collectivités territoriales. Cette proposition de loi a donc pour ambition de rectifier cette inégalité d’action entre l’État et les collectivités locales, alors que ces dernières contribuent largement – ce n’est plus à démontrer – à la pérennité des actions en faveur de la culture.

En ouvrant le mécénat culturel aux SPL à vocation culturelle ou patrimoniale, nous envoyons un signal de confiance fort à l’ensemble des élus territoriaux, qui nous semblent être les mieux à même de construire des politiques culturelles de proximité répondant aux attentes de leurs concitoyens.

Avec les collègues de mon groupe, nous avons toujours à cœur que les collectivités disposent de moyens utiles à leur action et à leur engagement. C’est pourquoi nous soutenons avec force et conviction la proposition de loi de notre collègue Sylvie Robert.

Le travail transpartisan qui a permis l’élaboration initiale de ce texte en réunissant plusieurs cosignataires issus de divers groupes politiques montre bien que la préoccupation de trouver des solutions novatrices en faveur de la promotion culturelle est largement partagée au sein de notre Haute Assemblée.

Concrètement, le dispositif proposé fait converger le souhait des collectivités territoriales d’une plus grande souplesse dans leur action culturelle et la volonté d’engagement des entreprises au niveau local. Les études conduites en la matière démontrent que soutenir la vie culturelle pour participer à l’attractivité d’un territoire est la deuxième priorité d’engagement des entreprises dans le mécénat.

Avec l’adoption de cette proposition de loi, les dons des très petites et moyennes entreprises s’accorderont davantage avec l’offre culturelle et patrimoniale des territoires dans lesquels celles-ci sont implantées.

La rédaction rigoureuse du texte permet également de surmonter les obstacles à sa mise en œuvre : il n’affectera pas la composition des conseils d’administration des SPL et la tenue d’une comptabilité analytique permettra d’isoler les activités culturelles et patrimoniales et les dons afférents.

La question du coût pour nos finances publiques est également bien maîtrisée : environ 1,7 million d’euros, soit moins de 1 % des 230 millions d’euros que représente le mécénat culturel chaque année. Ce montant reste très modéré au regard de la dynamique qu’il aidera à initier dans les territoires qui bénéficieront de ce nouvel outil.

Ce constat nous conduit à manifester une certaine colère envers l’avis défavorable du Gouvernement, monsieur le ministre, qui méconnaît une exigence élémentaire d’égalité de traitement entre l’État et les collectivités locales. Les électeurs sauront s’en souvenir lors des élections qui approchent…

Il nous semble par ailleurs important de souligner l’excellent travail réalisé par notre collègue Michel Canévet, rapporteur de cette proposition de loi, qui a su sécuriser le dispositif proposé pour éviter le risque de conflits d’intérêts.

Notre groupe votera donc en faveur de ce texte et souhaite son adoption par nos collègues de l’Assemblée nationale afin qu’il entre en vigueur dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi dont le thème a déjà donné lieu à de nombreuses interventions des uns et des autres au Sénat.

L’irrigation des sociétés publiques locales culturelles par des fonds issus du mécénat privé est un sujet que nous avons examiné lors de trois précédentes lois de finances, comme l’a rappelé notre collègue Sylvie Robert.

Je tiens à préciser d’emblée que nous soutiendrons cette proposition aujourd’hui, car la culture est dans l’ADN des élus communistes.

Cependant, nous devons relativiser la portée de ce texte, qui donnera lieu à un montant de dons relativement modique et emportera des conséquences marginales sur le secteur culturel, ainsi que sur le mécénat dans son ensemble.

Pour étayer cet argument, il suffit de se référer aux travaux de notre rapporteur, qui estime le coût pour les finances publiques à 1,7 million d’euros, un montant qui pourrait même être neutralisé en cas de report des dons défiscalisés vers les SPL.

Un rapide produit en croix invite à considérer que les dons escomptés, si tous sont défiscalisés à hauteur de 60 %, comme le permettrait la proposition de loi, pourraient contribuer à hauteur de 2,85 millions d’euros à cette forme d’action publique culturelle.

À ce jour, notre territoire ne compte que 51 sociétés publiques locales à vocation culturelle, dont une seule dans mon département du Nord.

Contrairement aux crédits budgétaires, qui garantissent une péréquation de l’offre culturelle, le mécénat, par son caractère territorial, est fortement concentré en Île-de-France. Ainsi les entreprises franciliennes déclarent-elles 56,7 % des dons du pays, contre 4 % dans les Hauts-de-France, par exemple. Pourtant, le PIB de l’Île-de-France s’élève à 30 % du PIB national, contre 7,1 % pour ma région.

La concentration des dons est donc extrême : la région parisienne ne compte que 20 % d’entreprises mécènes de plus que ma région, pour 93 % de dons supplémentaires. Il en résulte que le mécénat, en quelque sorte, sanctuarise, voire fige les inégalités territoriales. Il ne peut donc en aucun cas se substituer à l’action publique au service de la culture, action financée essentiellement par l’impôt.

La raison en est simple et va à l’encontre de la rhétorique sur la nature et la qualité des mécènes : ce sont non pas les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) qui contribuent le plus à l’expansion massive du mécénat depuis la loi Aillagon, mais bien les grandes entreprises, lesquelles représentent 0,23 % des entreprises donatrices, mais 47,4 % des dons, pour la coquette somme de 1,08 milliard d’euros.

Si l’on ajoute les entreprises de taille intermédiaire (ETI), ce sont trois quarts des dons qui sont versés par 3,4 % des entreprises.

Malgré ces données, qui nuancent une certaine mythification du don privé, nous devons admettre l’inégalité de traitement entre les sociétés publiques locales, selon leur statut, et les associations culturelles. Cette situation est difficilement justifiable, sauf à reconnaître un oubli remontant à la création desdites sociétés publiques locales.

Pour l’expliquer, il nous faudrait sans doute nous adonner à de l’« anthropologie » fiscale et faire l’hypothèse que le législateur n’a pas souhaité que les dons aux sociétés publiques locales à capitaux totalement publics soient conditionnés à des contre-dons, pour extrapoler sur les travaux de Marcel Mauss.

En effet, pour une SEM et une société publique locale, verser des contreparties à hauteur de 25 % du don pour attirer les investisseurs privés n’emporte pas les mêmes conséquences !

Enfin, l’incitation fiscale ainsi introduite entre quelque peu en contradiction avec la décision du Conseil d’État du 14 novembre 2018, laquelle remet en cause la participation d’une collectivité à une SPL lorsque cette collectivité a délégué une partie des compétences exercées par la SPL à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Malgré ces réserves, nous voterons en faveur de cette proposition, qui corrige une inégalité de traitement, d’une part, et qui répond, d’autre part, à une demande des acteurs du secteur. Son impact sera minime, voire nul, sur les finances publiques, et guère plus important sur le secteur public culturel. (MM. Marc Laménie et Antoine Lefèvre applaudissent.)