Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à la perte d’activité subie par le secteur culturel durant la crise sanitaire, qui n’est pas encore pleinement résorbée, et à l’évolution des pratiques et des consommations culturelles, le besoin de financement de la filière demeure préoccupant.

La culture est un domaine dans lequel les collectivités territoriales sont pleinement investies, y compris financièrement. Elles fournissent près de 70 % de l’investissement public en faveur du secteur culturel en France, soit un montant annuel de 9,5 milliards d’euros par an, via les SPL à vocation culturelle, dont elles détiennent l’intégralité du capital et déterminent les missions.

Cependant, cet effort financier consacré à un secteur vital pour l’attractivité des territoires est aujourd’hui menacé : les coûts additionnels engendrés par la crise sanitaire et, plus récemment, la hausse des coûts de l’énergie ont fragilisé la situation budgétaire des collectivités et en particulier leur capacité d’investissement.

Parallèlement, les besoins de financement du secteur culturel demeurent très importants. Ce dernier doit affronter une forte concurrence étrangère due au tournant numérique opéré par les industries culturelles de nos partenaires économiques. J’ai plus particulièrement à l’esprit les grandes plateformes en ligne, face auxquelles la France accuse un retard significatif.

Alors que la dette de notre pays atteint des niveaux sans précédent, il serait regrettable de faire reposer sur les acteurs publics, et plus encore sur les collectivités territoriales, le coût des investissements nécessaires au redressement du secteur culturel.

Aussi, nous devons mobiliser d’autres leviers de financement, en nous appuyant sur les acteurs privés et sur leur potentiel de mécénat.

Je tiens à rendre hommage, à cet égard, aux auteurs du présent texte, Sylvie Robert, le président Hervé Marseille, Antoine Lefèvre et Julien Bargeton, qui ont su mettre en avant ce sujet important pour l’ensemble de nos territoires.

Je salue également le travail excellent accompli par le rapporteur, mon collègue Michel Canévet, qui a éclairé les débats en commission et continue à le faire ici même, en séance.

Ce texte vise à ouvrir le mécénat culturel aux sociétés publiques locales, bras armé des collectivités dans ce domaine. Actuellement, les dons effectués à ces sociétés ne donnent pas droit à une réduction d’impôt. Par conséquent, ils ne sont pas suffisamment attractifs pour les acteurs privés que sont les TPE, les PME et les ETI présentes dans les territoires. Ces dernières redirigent donc leurs efforts vers des acteurs privés ou vers des sociétés publiques dont l’État est lui-même actionnaire.

Comment expliquer que l’État puisse mobiliser le mécénat culturel alors que les collectivités territoriales, qui contribuent le plus au financement du secteur culturel, ne le peuvent pas ? Ce texte permettra de remédier à cette injustice et offrira au secteur culturel de nouvelles sources de financement, tout en soulageant les collectivités d’un fardeau que leur situation budgétaire ne leur permet plus d’assumer aussi bien qu’auparavant.

Grâce à cette proposition de loi, les dons des entreprises au profit des SPL à vocation culturelle ouvriront droit à une réduction d’impôt. Les sociétés chargées de l’accès du public au patrimoine, qui participent au rayonnement de nos territoires, pourront également en bénéficier.

Cela déclenchera à l’évidence un appel d’air en faveur du financement privé des initiatives des collectivités en matière culturelle, d’autant plus que la culture et la préservation du patrimoine sont le deuxième domaine d’action privilégié des entreprises, après le sport, et que 80 % des entreprises mécènes engagées dans le secteur culturel le sont au niveau local.

Afin de prévenir tout risque de conflits d’intérêts, la commission a prévu que les dons devront être autorisés par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance des sociétés publiques locales. Ce dispositif offre ainsi toutes les garanties de sécurité juridique nécessaires à un financement transparent et utile du secteur culturel.

Au vu de ces considérations, le groupe Union Centriste apportera son soutien à ce texte, essentiel pour l’attractivité culturelle, touristique et économique de nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Ventalon. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Anne Ventalon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite des différentes interventions, un consensus se dégage sur toutes les travées sur deux questions importantes.

Notre offre culturelle survivrait-elle sans les collectivités locales ? La réponse est indéniablement non.

Pour autant, ces dernières doivent-elles assumer seules cette responsabilité ? Absolument pas.

Qu’il s’agisse d’investissements économiques ou de culture, le dynamisme de nos territoires passe par l’essor et l’encouragement des initiatives privées. C’est d’autant plus vrai que le mécénat, dont vous avez détaillé la composition, monsieur le rapporteur, concerne avant tout les petites entreprises, soit celles qui font la richesse d’une région par les emplois qu’elles y créent et par l’attachement réciproque qui se noue entre un territoire et ses acteurs économiques.

Si des entreprises sont désireuses de consacrer une part de la valeur qu’elles ont créée à la culture locale, ne boudons pas notre plaisir ! Il me semble donc nécessaire de faire sauter certains verrous juridiques qui brident inutilement les initiatives.

Cette ouverture encadrée du mécénat en faveur des sociétés publiques locales permettra notamment de financer la mise en valeur de notre patrimoine, car l’attachement que nous lui portons n’a d’égal que le coût de sa restauration. Châteaux, petites églises non classées, maisons de caractère, ce bâti est le socle de l’identité culturelle de nos communes et sa préservation exige la participation de tous les acteurs de la société : l’État, les collectivités, la population et les entreprises.

C’est pourquoi cette proposition de loi relève d’une démarche salutaire, et je rends hommage à l’initiative de ses auteurs. Je soutiens donc pleinement ce texte, lequel réaffirme une volonté maintes fois exprimée par le Sénat, et notamment par les rapporteurs de la loi 3DS, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud.

Incitons les entreprises à enrichir, par leurs dons, le capital culturel de leur territoire, favorisons l’émergence des Jacques Cœur, Peggy Guggenheim ou Pierre Cardin du XXIe siècle, car, plus que jamais, le rayonnement culturel sera, demain, un facteur de prospérité !

Pour toutes ces raisons, l’ensemble du groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)

Mme la présidente. La discussion générale est close. Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à développer l’attractivité culturelle, touristique et économique des territoires via l’ouverture du mécénat culturel aux sociétés publiques locales

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à développer l'attractivité culturelle, touristique et économique des territoires via l'ouverture du mécénat culturel aux sociétés publiques locales
Article 2 (nouveau)

Article 1er

I. – La première phrase du e du 1 de l’article 238 bis du code général des impôts est ainsi modifiée :

1° Les mots : « ou un ou plusieurs établissements publics nationaux, seuls ou conjointement avec une ou plusieurs collectivités territoriales » sont remplacés par les mots : « , un ou plusieurs établissements publics nationaux, une ou plusieurs collectivités territoriales ou un ou plusieurs de leurs groupements, seuls ou conjointement » ;

2° Après le mot : « contemporain, », sont insérés les mots : « ou l’accès du public au patrimoine au sens de l’article L. 1 du code du patrimoine ou la gestion d’un musée de France, ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l’article.

M. Jean-François Longeot. Je prends la parole aujourd’hui pour exprimer un soutien enthousiaste à la proposition de loi visant à promouvoir l’art numérique et à protéger les nouvelles formes de création artistique. Cette initiative audacieuse, portée en particulier par Colette Mélot et ses collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires, mérite d’être saluée et encouragée.

Cette proposition de loi intervient à un moment crucial de notre histoire, où l’art numérique connaît une expansion sans précédent. Les médias et les experts en parlent comme d’une véritable révolution culturelle.

Un terrain d’expression artistique se dessine dans lequel la créativité rencontre les avancées technologiques ; cela nous rappelle que l’art est capable de s’adapter aux progrès de notre société.

Grâce à la démocratisation des outils numériques et à la facilité d’accès à internet, l’art numérique peut désormais toucher un large public, transcendant les frontières géographiques et les barrières sociales, générationnelles et culturelles.

L’article 1er de cette proposition de loi revêt une importance particulière : il vise à intégrer l’art numérique dans le champ du mécénat. Cette mesure incitera les particuliers et les entreprises à soutenir financièrement les réalisations artistiques numériques.

À titre d’exemple, j’ai à l’esprit les spectacles son et lumière organisés dans nos villages et dans nos villes, qui sont l’occasion de valoriser notre patrimoine et nos monuments historiques, de promouvoir notre héritage culturel et de contribuer au développement économique et touristique de nos territoires.

Je tiens à remercier chaleureusement les auteurs de cette proposition de loi et à saluer l’engagement de son rapporteur, Michel Canévet. Cette mobilisation en faveur de l’art numérique offre à notre pays, à la pointe de cette révolution artistique, la chance de stimuler la créativité et de garantir l’accès à la culture pour tous. Saisissons-la ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. Je souhaite également m’associer à cette proposition de loi et saluer ses quatre auteurs. Son sujet est d’une importance cruciale.

Comme tous l’ont rappelé, depuis mars 2020, le secteur culturel a été fortement impacté. Or la culture est une richesse pour notre territoire national, nos 36 000 communes, nos départements et territoires respectifs.

À travers le patrimoine bâti, mais également le petit patrimoine, à travers également les bénévoles qui s’y investissent, elle permet de tisser des liens forts.

L’État ainsi que les collectivités territoriales y sont largement impliqués et les volets économique, social et associatif occupent une place importante. Ouvrir le mécénat aux sociétés publiques locales fait donc sens.

Je salue naturellement notre rapporteur, Michel Canévet. Son travail de fond, réalisé au sein de la commission des finances, a été mené en collaboration avec nos collègues de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui sont passionnés par ces sujets importants – et il faut l’être.

Je soutiens donc cette initiative visant à renforcer le lien entre les entreprises, le mécénat culturel et les sociétés publiques locales. Cette ouverture est un signal fort et très positif et je voterai sans réserve cet article ainsi que cette proposition de loi.

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Mélot, MM. Grand, Malhuret, Lagourgue, Wattebled, Guerriau, A. Marc et Chasseing, Mmes Paoli-Gagin et de La Provôté et M. Fialaire, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Après le mot : « audiovisuelles », sont insérés les mots : « , sur support analogique ou numérique, » ;

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement, proposé par ma collègue Colette Mélot et notre groupe, a pour objet d’inclure l’art numérique dans le dispositif du mécénat culturel.

Comme vous le savez, l’art numérique connaît un développement dynamique depuis plusieurs décennies, remettant en question les formes les plus traditionnelles de la création.

Cette forme d’art, qui utilise les nouvelles technologies et adopte les codes de la communication numérique, permet surtout d’ouvrir la création artistique aux jeunes générations. C’est pourquoi il nous paraît opportun de l’intégrer dans le champ du mécénat.

Lors des débats en commission des finances, le rapporteur a justement précisé que la doctrine fiscale intégrait déjà cette forme de création. Néanmoins, convenons qu’il est plus aisé de modifier une doctrine fiscale que la loi. C’est pourquoi cet amendement tend à inclure cette forme d’art dans la loi elle-même.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Canévet, rapporteur. Avant d’aborder l’amendement, permettez-moi d’apporter quelques précisions concernant les chiffres évoqués précédemment : le coût fiscal du mécénat d’entreprise s’élève à environ 1,07 milliard d’euros tandis que le coût du mécénat culturel est estimé à 230 millions d’euros par an.

Par ailleurs, le coût de la mesure proposée ici est estimé à 1,7 million d’euros, non pas par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, mais par la Fédération des élus des entreprises publiques locales.

Pour ce qui concerne cet amendement, il nous semble déjà satisfait : le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) relatif à l’application des déductions fiscales précise que l’ensemble des expositions d’art contemporain, quel qu’en soit le support, est éligible à ces dispositions. Ainsi, l’art numérique est en principe déjà inclus ; le ministre pourrait peut-être nous le confirmer ultérieurement.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Grand. Je le retire, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2 (nouveau)

Le titre III du livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 1531-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1531-2. – Le conseil d’administration ou, le cas échéant, le conseil de surveillance des sociétés mentionnées à l’article L. 1531-1 statue sur l’acceptation des dons qui leur sont consentis au titre de leurs activités de présentation au public d’œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques, audiovisuelles et de cirque ou d’organisation d’expositions d’art contemporain, d’accès du public au patrimoine au sens de l’article L. 1 du code du patrimoine ou de gestion d’un musée de France. » – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 2 (nouveau)
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteure de la proposition de loi.

Mme Sylvie Robert, auteure de la proposition de loi. Je tiens à exprimer ma gratitude envers mes collègues pour leur unanimité et leur constance : cela fait plusieurs années que nous tentons de faire adopter cette disposition.

Je souhaite enfin indiquer au Gouvernement qu’en émettant un avis défavorable sur cette proposition de loi, il a manqué l’occasion d’adresser un signal positif et de confiance tant aux collectivités territoriales qu’au monde de la culture. Compte tenu du contexte, ne pas le faire est fort regrettable. (MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller et Antoine Lefèvre applaudissent.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 20 juin 2023 :

À quatorze heures trente :

Projet de loi relatif à l’industrie verte (procédure accélérée ; texte de la commission n° 737).

À vingt et une heures trente :

Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 29 et 30 juin 2023.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures trente.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER