Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Il serait approprié de patienter jusqu’à la stabilisation de la négociation : celle-ci est complexe et mouvementée, et soulève de substantielles questions de fond.
En conséquence, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il convient de distinguer l’amendement lui-même et le sujet de l’Asap.
Sur le fond, l’amendement présente un intérêt certain, mais j’invite à son retrait en faveur d’un examen plus approfondi. La question qui y est posée est la suivante : devons-nous envisager la création d’un commandement européen en complément du commandement intégré existant ? À cette interrogation, la réponse est négative.
Néanmoins, une autre question se pose, qui me permet de revenir sur votre intervention en discussion générale, monsieur le sénateur : ne serait-il pas opportun de renforcer le pilier européen de l’Otan ? À cela, la réponse est affirmative.
À cette fin, la France doit être plus forte au sein de l’Otan. Comment y parvenir ? J’ai déjà longuement évoqué l’objectif des 2 % du PIB consacrés à la défense, je ne m’y attarderai pas davantage.
Pour autant, l’Asap me permet d’aborder les investissements réalisés par le contribuable européen pour notre réarmement, lesquels profitent à la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), à notre autonomie stratégique et, par extension, à l’emploi en Europe. Bien que notre objectif premier soit notre défense, il est crucial de capter et de fixer sur le territoire européen la production de richesses liées aux dépenses militaires.
Pour ce qui concerne le commandement intégré, nous devons être moteurs, et nous le sommes, eu égard à notre statut de contributeur militaire important.
Je rappelle au Sénat que, chaque année, tous les pays membres de l’Alliance font une promesse de mise à disposition de moyens militaires. C’est cela qui justifie ma fermeté sur l’objectif des 2 % : cet engagement marque toute la différence entre le fait de disposer de matériel stocké dans un hangar et celui de mettre à disposition du commandement suprême des forces alliées en Europe (Saceur) et du commandement intégré un certain nombre de navires, d’avions et, le cas échéant, de troupes au sol.
Soyons clairs : malgré cette mise à disposition, nous conservons le contrôle national sur l’action de nos forces. Souvent, les critiques sur le commandement intégré donnent l’impression que le contrôle suprême de nos forces versées à l’Alliance serait confié à Washington ; certains pays adoptent peut-être une telle approche, mais ce n’est absolument pas notre cas.
M. Pierre Laurent. Ce n’est pourtant pas une impression !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous encourage à interroger à ce sujet le chef d’état-major des armées (Cema) lors de ses auditions en commission : le contrôle national sur les forces versées à l’Otan est toujours maintenu. C’est une exigence issue de notre Constitution ; ne pas nous y soumettre la violerait. Nous devons donc continuer à être exemplaires.
Je souhaite préciser, sans volonté de critique ou de désobligeance, que de nombreux pays – y compris certains voisins et partenaires avec lesquels nous coopérons étroitement – font de grandes promesses de mise à disposition de moyens militaires, mais ne les mettent pas toujours à exécution.
La France, quant à elle, fait partie des deux premiers pays de l’Alliance qui tiennent leurs promesses et mettent effectivement à disposition les moyens qu’ils ont annoncés. Cela confère à notre pays en matière militaire une crédibilité certaine au sein du commandement intégré.
Ensuite, il est crucial de mener une réflexion sur le rôle des civils au sein de l’Otan. Je tiens à souligner l’importance de l’Assemblée parlementaire à ce titre, ainsi que des postes civils au sein de l’Organisation, qui constituent un point clé de notre discussion avec son secrétaire général.
Jusqu’à récemment, la France avait ainsi un secrétaire général adjoint, Camille Grand, qui n’a toutefois pas été remplacé par un Français. C’est un point qui mérite notre attention et sur lequel nous devons être particulièrement vigilants.
Par ailleurs, monsieur le sénateur Temal, il est important de mentionner la réactivité. La mission en Roumanie et la surveillance aérienne en Estonie ou en Pologne montrent combien nous sommes véritablement impliqués dans la dimension militaire concrète de l’Otan.
Je m’excuse si ces explications sont un peu longues, mais nous approchons de la fin de notre discussion, avant d’examiner les trente amendements restants, et nous n’avons guère parlé de l’Otan. Je tenais donc à souligner qu’il est impossible de comprendre pleinement le projet de loi de programmation militaire si l’on ne le considère pas dans le cadre de ces alliances ; ce point est crucial, y compris pour le format de notre armée.
Nous en avons discuté avec les élus communistes, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat : la présence ou non au sein de l’Otan et la possession ou non d’une capacité de dissuasion nucléaire influent sur le format de l’armée de terre, de l’armée de l’air, et de la marine. C’est une réalité incontestable.
Passons maintenant à l’Asap, qui résulte d’une initiative de Thierry Breton en tant que commissaire européen. Celui-ci a proposé, au moment d’aider l’Ukraine, une réflexion centrée sur l’équipement militaire similaire à celle qui avait été menée concernant les vaccins pendant la crise du covid-19.
Il a donc activé plusieurs leviers, tout en reprenant l’agenda de Versailles que nous avions commencé à esquisser, avec l’European Defence Industrial Development Programme (Edidp) et l’European Defence Industry Reinforcement Through Common Procurement Act (Edirpa), les capacités d’achat en commun et les instruments de financement communs, comme le Fonds européen de la défense (FED), dont la France tire par ailleurs un bon retour sur investissement.
Les discussions concernant l’Asap sont toujours en cours entre le Parlement, le Conseil et la Commission. Au sein de ce trilogue institutionnel, la France a une position très allante, tout en faisant valoir ses traditionnelles lignes rouges, que vous partagez, parmi lesquelles la nécessité que notre doctrine d’exportation d’armes reste nationale et ne soit pas communautarisée.
Ces éléments sont essentiels à l’acceptation des dépenses publiques militaires, et nous ramènent à la question des 2 % du PIB. Comme l’a souligné M. Pierre Laurent, l’argent du contribuable européen doit profiter à l’industrie européenne, et si possible française, plutôt qu’à l’industrie américaine. Je suis convaincu que nous, Français, pouvons nous retrouver sur ce point ; cette démarche mérite donc que nous l’accompagnions.
Si Thierry Breton parvient à mener à bien le paquet Asap, que nous le voulions ou non, cela marquera un véritable tournant dans l’Europe de la défense. Celui-ci ne sera peut-être pas spectaculaire, car il est moins symbolique que la brigade franco-allemande, par exemple, mais il sera sans doute plus efficace et plus durable et emportera des transformations plus profondes.
La situation en Ukraine nous pousse à nous interroger sur la coordination entre les pays européens, laquelle renvoie à des ententes sur le volet industriel ou sur le marché commun. Dans ces domaines, la France a l’avantage de disposer d’une BITD qui nous permettra sans doute de prospecter certaines opportunités d’exportation en Europe. J’ai également à l’esprit, sur ce sujet, la question des munitions.
Cette explication était un peu longue, mais je tenais à répondre à votre intervention en discussion générale.
Mme la présidente. Monsieur Temal, l’amendement n° 80 est-il maintenu ?
M. Rachid Temal. Non, je le retire, à la lumière de ces explications, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 80 est retiré.
L’amendement n° 90, présenté par MM. Temal et Kanner, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 104, avant-dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les partenariats avec d’autres pays de l’Union européenne seront privilégiés.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement s’inscrit parfaitement dans ce que vous venez de développer : votre aspiration à consolider la BITDE.
Nous partageons l’ambition européenne que l’on décèle dans le discours de l’exécutif, et nous avons jugé nécessaire de réaffirmer cette aspiration dans le rapport annexé, en premier lieu parce que celle-ci est historiquement liée à ce que nous avons toujours préconisé, mais aussi parce que le contexte international nous impose de nous unir.
Nous avons traversé une série de crises consécutives qui nous offrent une opportunité, peut-être unique, de consolider l’Europe des Vingt-sept ; notre singularité stratégique ne doit pas nous empêcher de nous tourner vers nos partenaires européens pour mettre en place des coopérations de défense, mais aussi pour exporter nos équipements.
À défaut, nos partenaires européens s’organiseront différemment, sans notre participation. Nous en avons déjà repéré, malheureusement, quelques signes avant-coureurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Compte tenu de la responsabilité particulière de la France en Europe et de notre défense du concept d’autonomie stratégique, l’avis est évidemment favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Dans ma lancée, je n’ai pas cité la Facilité européenne pour la paix (FEP). Il y a quelques années, qui aurait cru possible la création d’un fonds mutualiste avec un système de remboursement aidant à la fois des pays d’Afrique, mais aussi, et désormais principalement, l’Ukraine ? C’est une concrétisation très tangible de l’Europe de la défense.
Sur cet amendement, l’avis est favorable.
Les partenariats dont il est question m’évoquent l’entreprise MBDA, par exemple. Nous disposons désormais d’entreprises compatibles avec notre souveraineté, et dont l’organisation interne correspond également à un partage souverain. Ainsi, entre MBDA Royaume-Uni, MBDA Italie, et MBDA France, les règles du jeu sont parfaitement définies. En parallèle, cela nous donne un champion européen.
La question fondamentale, que je pose ici pour stimuler la réflexion future, est la suivante : quels autres modèles de cette nature pourraient être envisagés sur d’autres segments capacitaires, pour nous permettre d’être aussi solides ?
Enfin, concernant le partenariat européen, je suis mille fois d’accord, mais je tiens à souligner que nous avons également une vocation indo-pacifique, qui est partie intégrante de notre identité. Tout ce que nous faisons au niveau européen s’ajoute à ce que nous pouvons faire avec les Émirats arabes unis, l’Indonésie, ou l’Inde. En somme, notre identité repose sur notre capacité à marcher sur ces deux jambes.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je saisis l’opportunité de cet amendement puisque les précédents ont été rejetés.
On peut écrire « autonomie stratégique européenne » à chaque ligne dans les textes, mais toutes les décisions prises depuis le début de la guerre en Ukraine nous éloignent de cette perspective. Le débat était déjà compliqué lorsqu’il s’agissait simplement d’inscrire cette formule dans les documents d’orientation de l’Europe sur ces sujets ; à présent, nous nous dirigeons dans la direction opposée.
Comme je l’ai souligné hier, la remilitarisation de l’Europe se fait essentiellement au profit des industries d’armement américaines. Nous donnons des gages, nous avons laissé faire l’adhésion de la Suède et de la Finlande, qui pourrait aboutir à Vilnius, sous le chantage de la Turquie, en obligeant ces pays à signer un mémorandum avec elle sur les conditions de leur adhésion. Nous tressons, en outre, des lauriers à des régimes politiques d’Europe de l’Est qui s’écartent de notre conception démocratique.
Tout cela nous éloigne de l’autonomie stratégique européenne. Nous devons l’admettre car, quoi que nous écrivions, l’incompatibilité persiste entre autonomie stratégique européenne et commandement intégré de l’Otan.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué ce sujet : il faudra un jour choisir entre les deux ; affirmer que ces notions sont compatibles ne nous permet pas de traiter de manière approfondie et sérieuse la question d’une éventuelle autonomie stratégique européenne.
Mme la présidente. L’amendement n° 91, présenté par MM. Temal et Kanner, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 104
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Afin de faciliter les exportations d’équipements français et de renforcer les partenariats stratégiques avec nos alliés, chaque ambassade dans un pays membre de l’Alliance atlantique ou allié militaire de la France sera dotée d’un attaché de défense.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement vise à ce que chaque ambassade puisse disposer d’un attaché de défense.
Le rôle de cet attaché n’est pas simplement d’organiser la Journée défense et citoyenneté (JDC) – nous avons eu ce débat, hier.
Notre ambition est de produire pour exporter et, dans certains grands groupes, les exportations représentent jusqu’à 60 % du chiffre d’affaires. L’attaché de défense, s’il est présent de manière permanente, pourra mieux identifier les opportunités à venir pour les entreprises, tisser des liens avec les autorités locales et consolider des partenariats stratégiques essentiels à l’achat de matériel, ceux-ci ne valant pas forcément toujours pour leur qualité, mais pour la relation qu’ils créent entre l’acheteur et le vendeur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. C’est un avis très favorable sur un amendement important, qui reprend des réflexions dont la commission des affaires étrangères et de la défense s’est souvent fait l’écho.
En effet, en proposant de doter d’un attaché de défense tous les pays alliés de la France ou membres de l’Otan, ses auteurs prennent acte du fait que nous disposons actuellement de 90 attachés militaires de défense pour couvrir quelque 165 pays dans le monde, dont nos alliés traditionnels, mais aussi l’Égypte, les Émirats arabes unis et l’Inde, et bien au-delà, Oman, l’Ouganda, l’Afrique du Sud et la Chine.
À l’inverse, étrangement, certains pays membres de l’Otan ne disposent pas de cet attaché de défense résident. C’est le cas notamment de la Lettonie, de la Bulgarie, de la Slovaquie et de la Slovénie, pays qui sont couverts par un autre chargé de défense. Or, à chaque fois que nous rencontrons leurs dirigeants, ils émettent le vœu qu’un attaché de défense résident leur soit attribué.
Nous nous sommes émus à plusieurs reprises de cette situation. C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’attends de vous une réponse, pour ne pas dire un engagement, en faveur de ces alliés fidèles. Nos troupes sont d’ailleurs présentes en alternance entre la Lettonie et les deux autres pays baltes. Il est important que ces pays puissent bénéficier d’un attaché militaire résident.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Comme je l’ai déjà dit en commission, nous sommes en train de remédier à cette situation de plusieurs manières.
Premièrement, certains pays ont besoin non pas d’un attaché de défense, mais d’un attaché d’armement. Il faut une approche globale du sujet si l’on veut pouvoir en comprendre les enjeux, car celui-ci implique une manœuvre de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). Ainsi, sur le continent africain, pour toute une liste de pays, j’ai souhaité que ce soit un officier général de la DGA qui exerce les fonctions d’attaché d’armement. En effet, les besoins sont parfois plus précis que ceux auxquels pourrait répondre un attaché de défense.
Deuxièmement, selon les endroits, l’attaché de défense peut être résident ou non résident. Je considère qu’il faut revoir la situation en fonction de l’évolution des partenariats. En effet, dans certains cas, il est intéressant de disposer d’un officier supérieur à plein temps, alors que dans d’autres, au regard de la relation de défense qui existe, on peut s’interroger sur la nécessité de maintenir un tel poste. J’ai donc demandé une étude flash sur le sujet.
Troisièmement, sur le principe, je suis favorable à votre amendement. Quant à savoir si l’Estonie et Malte ont vocation à être traités de la même manière pour l’attribution d’un attaché de défense résident ou non résident, il semble que non. En ce qui concerne les pays baltes, pour ne prendre que cet exemple, compte tenu des événements en cours sur leur flanc oriental et de leur voisin frontalier, il est bien évidemment nécessaire de muscler notre dispositif.
L’avis est donc favorable.
Je reviendrai devant la commission pour vous rendre compte de l’exécution de ces évolutions.
Mme la présidente. L’amendement n° 111, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Temal et Kanner, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 105, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
mais aussi avec les États-membres d’Europe centrale, orientale et du Nord-Est qui tendent à devenir incontournables pour développer la base industrielle et technologique de défense européenne
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. La guerre en Ukraine a déplacé le centre de gravité du continent vers l’Est et élargi la vision d’une Europe centrée sur son noyau dur, composé des membres historiques, à une Europe plus inclusive. Les pays d’Europe centrale, orientale et du Nord se retrouvent au cœur de la nouvelle donne géostratégique.
À titre d’exemple, la Pologne est désormais le premier pays de l’Union européenne en matière de soutien militaire à l’Ukraine. En outre, la Première ministre estonienne a lancé l’idée d’un mécanisme d’achat conjoint de munitions lors du Conseil européen du 9 février dernier.
Nous observons un véritable changement de paradigme. À la suite d’un référendum, le Danemark a récemment approuvé son adhésion à la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne, mettant fin à trente ans de non-participation du pays à la défense européenne.
La Finlande et la Suède ont, quant à elles, mis fin à des décennies de neutralité en demandant à rejoindre l’Otan.
À l’image de la Pologne qui a annoncé le doublement de son budget militaire en 2023 pour atteindre 4 % du PIB, l’ensemble des pays européens augmentent de manière inédite depuis des décennies leur budget de défense. Cela conduit, malheureusement, à l’achat massif de matériel non européen. Comme il est fort probable que cet effort sera soutenu dans le temps, il serait bon de saisir cette opportunité pour lancer des projets industriels en coopération avec le plus grand nombre de nos partenaires européens. Nous possédons déjà les outils pour cela, à commencer par le Fonds européen de défense.
Cet amendement vise donc à prendre en compte cette évolution dans notre politique partenariale européenne. Par exemple, nous pourrions rejoindre l’Estonie, qui entend devenir un acteur majeur du cyberespace.
Enfin, cet amendement a pour objet d’élargir la liste des pays avec lesquels nous menons des projets capacitaires en coopération afin de prendre en compte l’ensemble de nos partenaires européens, au-delà de ceux qui sont d’ores et déjà cités dans le texte en tant que partenaires historiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 277, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 106, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Peut-être faut-il que je m’adresse directement au président Cambon pour justifier la présentation par le Gouvernement de cet amendement, qui porte sur un point d’interprétation ?
Il vise à supprimer la deuxième phrase de l’alinéa 106, qui précise qu’« une meilleure articulation entre les vérifications effectuées par la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) et celles opérées par les banques dans le cadre de leur contrôle de conformité sera recherchée ».
Que peut craindre le Gouvernement, sinon que l’on finisse par mettre sur un pied d’égalité le contrôle réalisé par la CIEEMG et celui fait par les banques ? En aucun cas un contrôle par les banques ne pourra se substituer à celui de la commission interministérielle, le seul qui vaille à nos yeux.
Accessoirement, il ne faudrait pas non plus que les banques prévoient pour la BITD les mêmes procédures que celles que la CIEEMG a déjà mises en place. Sinon, le dispositif risquerait d’être lourd.
Dans l’esprit du Gouvernement, il ne s’agit pas de revenir, au travers de cet amendement, sur ce que le Sénat a introduit en commission. Toutefois, la rédaction actuelle du rapport annexé laisse à penser que le contrôle bancaire vaudrait celui de la CIEEMG, alors que ce n’est bien évidemment pas le cas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Monsieur le ministre, il faut en effet que nous nous comprenions bien.
La commission ne conteste absolument pas le fait que le contrôle des exportations reste et demeure une prérogative régalienne. L’objet de la mention que vous censurez dans votre amendement n’est certainement pas d’affaiblir ce contrôle, mais d’éviter aux banques de mener des vérifications qui auraient déjà été opérées par la CIEEMG.
Peut-être faudrait-il un sous-amendement pour clarifier cela ? La proposition que nous avions faite vise à simplifier les procédures administratives pour les entreprises de la BITD.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je souscris à ce que vient de proposer le président Cambon. Le sujet est sensible et il faut un sous-amendement pour le clarifier. Nous visons le même but, mais en l’état la rédaction introduit de la confusion.
Monsieur le rapporteur, il faudrait écrire ce dispositif comme vous venez de le décrire.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, dans la mesure où votre amendement est assez succinct dans sa rédaction, je vous suggère de nous transmettre une nouvelle rédaction dès à présent.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour être parfaitement cohérent, puisque c’est la commission qui a modifié le texte, il faudrait que ce soit elle qui propose une nouvelle rédaction.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, afin que la commission puisse élaborer une nouvelle rédaction.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
L’amendement n° 313, présenté par M. Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Alinéa 106, deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
À cet égard, il conviendra que les banques ne mènent pas de vérifications déjà effectuées par la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (Cieemg).
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur. Telle est la nouvelle rédaction que propose la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis favorable.
Je retire l’amendement n° 277 au profit de celui-ci.
Mme la présidente. L’amendement n° 277 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 313.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 225 rectifié, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 106, après l’avant-dernière phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le ministère des armées établit une liste rouge des pays à risque à partir de laquelle le Parlement doit pouvoir mieux contrôler les exportations de systèmes d’armes.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement, inspiré notamment par Amnesty International et par les travaux du Parlement européen, vise à ce que la France remplisse ses engagements internationaux en matière de respect des droits de l’homme et cesse l’exportation d’armes dans les pays autoritaires où l’on bafoue les droits de l’homme et où l’on utilise les armes pour réprimer la population, restreindre les libertés civiles et commettre des abus graves.
Entre 2010 et 2019, la France a vendu du matériel militaire pour plus de 10 milliards d’euros à l’Arabie Saoudite, pour plus de 4 milliards d’euros aux Émirats arabes unis et pour plus de 7 milliards d’euros à l’Égypte.
Le média Disclose a également révélé que l’État français avait accordé 4 040 licences d’exportation de biens à double usage en 2021, pour 9 milliards d’euros, dont les principaux bénéficiaires ont été la Chine et la Russie.
La surveillance massive de la population et la répression dans le sang des Ouïgours, ne nous a pas empêchés de fournir au régime chinois des technologies de cybersurveillance. La guerre en Ukraine et les velléités impérialistes de Poutine n’ont pas non plus interrompu notre transfert de technologies liées au nucléaire civil. Enfin, les répressions sanglantes commises par les régimes égyptien et libyen ne nous ont pas empêchés de leur fournir des technologies de surveillance de leur population.
Il n’est pas acceptable pour notre démocratie de contribuer ainsi à la violation des droits de l’homme en finançant, entre autres, la guerre au Yémen et la répression des populations par des régimes autoritaires. La France doit respecter les articles 6 et 7 du traité sur le commerce des armes, adopté à l’ONU en 2013. Elle doit se conformer aux règlements européens en la matière et réaffirmer son engagement en faveur des droits de l’homme, de la stabilité régionale, de la paix mondiale, du contrôle des armes et de l’impact humanitaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La commission rappelle que la procédure d’autorisation des exportations d’armement relève de la seule responsabilité de l’exécutif. En revanche, la question du contrôle parlementaire a posteriori des exportations est un sujet qui suscite l’attention de la commission depuis plusieurs années et qui a donné lieu à un long débat lors de la préparation de la LPM.
Je rappelle que nous avons adopté, hier, un amendement de la commission visant à créer une commission de vérification au sein de la délégation parlementaire au renseignement (DPR), après en avoir longuement discuté.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 225 rectifié, dont je note qu’il mentionne très défavorablement des pays comme l’Égypte et les Émirats arabes unis. Or je rappelle qu’il s’agit là de partenaires stratégiques pour la France. En effet, notre repositionnement au Sahel a été rendu possible en partie grâce à l’aide apportée par les avions de transport des Émirats.