M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que, au début de l’année, nous examinions la difficile réforme des retraites, le travail a fait l’objet de débats, souvent enflammés, au sein et en dehors du Parlement.
Des débats sur le temps de travail, sur l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, sur la sécurité et la qualité de vie au travail. Des débats philosophiques parfois, certains revendiquant le droit à la paresse ; d’autres – comme moi – considérant le travail comme une forme d’émancipation et l’assurance d’un avenir de progrès et de croissance.
La réalité du marché du travail, avec ses 370 000 emplois vacants malgré six millions de chômeurs, ne nous exemptera pas d’un vrai débat sur l’avenir du travail.
Les tensions de recrutement dans des secteurs sensibles et les aspirations des nouvelles générations sont à prendre en considération.
En attendant un projet de loi dédié, celui-ci vise à rénover la gouvernance du service public de l’emploi et de l’insertion pour tenter de mieux faire converger l’offre et la demande et permettre la création de 700 000 emplois.
L’objectif est d’atteindre le plein emploi, c’est-à-dire un taux de chômage inférieur à 5 %.
Considérant, à juste titre, que l’offre est trop éclatée et insuffisamment coordonnée, le Gouvernement propose de créer le réseau France Travail afin de fédérer les principaux acteurs que sont l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs.
Ce réseau devra « accueillir, orienter, accompagner, former, insérer les personnes en recherche d’emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles ». À tous les échelons, les comités France Travail se chargeront de coordonner les acteurs en animant les politiques d’emploi et d’insertion dans les territoires.
Les notions de proximité et de coordination des différents acteurs, dont les compétences ne sont pas remises en cause, vont dans le bon sens.
Nous veillerons à ce que cette réforme n’aboutisse pas à recentraliser une politique indissociable de l’engagement des collectivités territoriales et des opérateurs, riches d’une précieuse connaissance du terrain. Nous défendrons plusieurs amendements en ce sens.
Au titre de cette partie, nous soutenons l’essentiel des modifications apportées en commission. Cela étant, nous ne nous crisperons pas sur la dénomination ; nous nous efforcerons surtout d’être vigilants sur le fond.
Toutes les personnes sans emploi seront désormais automatiquement inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi et orientées vers un accompagnement professionnel ou social, assuré par l’organisme le plus adapté à leur situation. Nous saluons cet effort de lisibilité, ainsi que la logique de droits et devoirs unifiés, pour les personnes sans emploi comme pour tous les acteurs de ce service public.
Un contrat engagera le demandeur d’emploi et son organisme référent dans un plan d’action assorti d’objectifs d’insertion sociale et professionnelle. En cas de non-respect de ce contrat, le présent texte prévoit, comme pour les allocations chômage, la possibilité de suspendre le versement du RSA. Favorable à la notion de droits et devoirs, je salue la possibilité d’une régularisation rétroactive si le bénéficiaire respecte de nouveau ses engagements.
Ce projet de loi introduit également le conditionnement de l’allocation à des activités hebdomadaires accompagnées. Sur ce sujet, je souscris à deux principes.
Premièrement, la notion d’activité doit être envisagée de manière large, en fonction de la situation, des capacités de chacun et des besoins du territoire.
Deuxièmement, les quatorze heures hebdomadaires demeurent un objectif à atteindre. Pour sa part, la commission des affaires sociales entend en faire un minimum, ce qui nous paraît peu réaliste, voire peu opportun. Certains de nos concitoyens sont très éloignés de l’emploi ; certains bénéficiaires du RSA sont sans-abris et présentent un état de santé dégradé. Pour ces personnes, la marche est haute. La loi doit fixer un cadre juste, contraignant pour ceux qui pourraient, mais ne font pas, et adapté pour ceux qui voudraient, mais ne peuvent pas.
Je connais l’engagement des régions en matière de formation professionnelle et je défendrai une position qui les conforte dans leur rôle pivot.
Pour ce qui concerne les travailleurs handicapés, les évolutions proposées sont attendues par les associations et vont dans le bon sens. Je pense par exemple aux droits des travailleurs en Ésat, qui convergent enfin vers ceux des autres salariés.
Le dernier article de ce projet de loi vise à renforcer l’accueil des jeunes enfants. Les difficultés subies à ce titre sont, qu’on le veuille ou non, l’un des principaux freins au retour à l’emploi.
En la matière, les communes deviendront autorités organisatrices : nous sommes favorables à cette disposition, sous réserve – les précédents orateurs l’ont déjà indiqué – qu’elles bénéficient d’un accompagnement digne de ce nom. C’est ce à quoi vous vous êtes engagé, monsieur le ministre. (M. le ministre du travail le confirme.)
Avec l’objectif de 200 000 nouvelles places de crèche, le Gouvernement fixe un cap ambitieux. Néanmoins, cet effort quantitatif est indissociable de deux autres éléments, à savoir la qualité de l’accueil et la revalorisation des métiers. Aujourd’hui, 10 000 postes en crèche sont vacants : cette situation met en difficulté à la fois les parents et les professionnels en exercice.
Nous serons donc attentifs aux modalités de mise en œuvre de cette réforme importante pour notre pays. (Mme Nassimah Dindar applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission, que je salue, car c’est là son dernier texte, mes chers collègues, nous voilà réunis pour examiner un projet de loi qui a pour objectif d’atteindre le plein emploi en coordonnant mieux les acteurs du service public de l’emploi et en renforçant l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi. Je pense notamment aux bénéficiaires du RSA et aux personnes en situation de handicap.
Nous dressons tous ce constat : ceux qui restent aujourd’hui sans emploi malgré la baisse du chômage, malgré des milliers d’emplois non pourvus, ont besoin d’un accompagnement personnalisé, sur mesure.
Pour y parvenir, le Gouvernement propose entre autres de transformer le service public de l’emploi et de l’insertion. Si je salue cette intention, je regrette que le projet de loi initial soit resté, sur ce point, trop centralisateur.
Je tiens à remercier Mme la rapporteure, Pascale Gruny, d’avoir fait adopter en commission de nombreux amendements en réponse aux inquiétudes exprimées par les élus territoriaux. Ainsi, ces derniers conserveront leurs prérogatives et seront pleinement impliqués dans le nouveau dispositif.
Je centrerai mon intervention sur le titre III, qui vise à améliorer les conditions d’emploi des personnes en situation de handicap. Rappelons que le taux de chômage de ces dernières est de l’ordre de 14 %, alors que la moyenne nationale s’établit à 7,3 %.
Ces mesures ont pour objectif, d’une part, de favoriser l’accès à l’emploi et, de l’autre, d’améliorer les droits sociaux des travailleurs handicapés en milieu protégé. Ces avancées étaient attendues par les associations représentatives des personnes en situation de handicap et nous les soutenons.
En vertu de l’article 8, les droits associés à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé doivent être étendus à toutes les catégories de bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH). Sur notre initiative, ces dispositions ont été complétées en commission des affaires sociales par l’adoption de deux amendements importants.
Le premier tendait à inclure parmi les bénéficiaires de l’OETH les jeunes de 18 à 25 ans et les étudiants ne bénéficiant pas d’une RQTH, mais disposant de la notification d’une décision favorable de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
Le second visait à rétablir la possibilité d’une modulation des contributions des employeurs à l’Agefiph, en tenant compte de la lourdeur du handicap. Cette disposition avait été supprimée lors de la réforme de l’OETH.
La suppression de l’orientation en milieu ordinaire de travail est une autre avancée substantielle. Désormais, chacun est présumé pouvoir travailler en milieu ordinaire.
L’article 8 précise également que le dispositif de l’emploi accompagné demeure sous le pilotage de l’État, qui l’ouvre à d’autres acteurs que ceux du médico-social.
Ce projet de loi pérennise d’ailleurs deux expérimentations qui sont de nature à favoriser le passage de l’entreprise adaptée à l’entreprise ordinaire. Il s’agit du CDD tremplin, bien entendu, et des entreprises adaptées de travail temporaire (EATT).
De plus, le Gouvernement propose d’aligner les droits des travailleurs accueillis en Ésat sur ceux que le code du travail reconnaît aux autres salariés. Il s’agit là d’une avancée majeure, saluée par tous.
De nouveaux droits individuels et collectifs sont reconnus, à juste titre, aux 120 000 travailleurs handicapés que compte notre pays. Le présent texte leur octroie une complémentaire santé obligatoire, des chèques-vacances et des tickets-restaurant. Il leur assure la prise en charge des frais de mobilité. Il leur accorde surtout des droits collectifs, tels que le droit de grève ou le droit d’être syndiqué, le droit d’alerte ou de retrait.
Ces différentes mesures les rapprochent du droit commun. Tout en les soutenant, nous nous étonnons que leur traduction dans la loi devance la fin des travaux actuellement dédiés à la transformation des Ésat. Une nouvelle fois, le calendrier retenu par le Gouvernement se révèle assez étonnant…
J’ajoute que ce projet de loi ne contient aucune mesure pour aider les Ésat à mettre en œuvre ces nouveaux droits. D’ailleurs, ses dispositions financières ne sont assorties que d’un petit nombre de chiffres. Or le modèle économique des Ésat reste fragile. Sans aide de l’État, beaucoup ne pourront pas suivre financièrement.
Enfin, monsieur le ministre du travail, une problématique spécifique a été identifiée lors de nos travaux en commission. Elle concerne notamment les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).
Sitôt qu’un travailleur handicapé, bénéficiaire de l’AAH-2, travaille plus de dix-sept heures trente par semaine, il perd la totalité de son allocation : aucune dégressivité n’est prévue. Dès lors, les personnes en situation de handicap ne sont certainement pas encouragées à trouver un travail ; les titulaires de primes d’invalidité se trouvent dans la même situation.
J’en appelle donc au Gouvernement : il doit prendre les mesures qui s’imposent pour mettre fin à cette incohérence. À mon sens, ce travail relève également du présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en six ans, le taux de chômage de notre pays est passé de 9,4 % à 7,1 %. Si l’on mesure le chemin parcouru, la bataille du plein emploi n’est pas encore gagnée.
C’est précisément l’objectif de ce projet de loi, qui vise les personnes les plus éloignées du travail, notamment les bénéficiaires du RSA, mais pas seulement.
Le travail est l’une des valeurs fondamentales de toute société. Pour l’individu, il est source d’épanouissement : il le valorise non seulement au sein de sa famille et de la société tout entière, mais aussi à ses propres yeux. C’est le travail qui insère le mieux les gens.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre, ce projet de loi ne stigmatise pas les bénéficiaires du RSA. Au contraire, il les valorise en leur offrant un accompagnement, en leur permettant de sortir de la catégorie des allocataires d’aides sociales.
Je rappelle que seuls 40 % des 2 millions de bénéficiaires du RSA sont aujourd’hui inscrits à Pôle emploi. Il nous faut donc aller chercher les 60 % restants et les accompagner au mieux en leur proposant un accompagnement personnalisé, adapté à leur situation.
On le sait bien : beaucoup de bénéficiaires du RSA ne pourront pas revenir immédiatement vers l’emploi. Il ne suffit bien sûr pas de les inscrire automatiquement à France Travail. Beaucoup devront d’abord bénéficier d’un accompagnement d’insertion sociale.
Monsieur le ministre du travail, pour que le succès soit au rendez-vous, il faudra des moyens supplémentaires. Les financements de l’État devront être renforcés ; les conseils départementaux ne pourront pas augmenter encore davantage leur budget.
Reprenant une proposition de loi du président Malhuret, notre amendement visant à permettre le cumul, pendant neuf mois, du RSA et d’un revenu salarié nous semblait une solution efficace pour le retour vers l’emploi.
De l’orientation à l’accompagnement, l’article 2 prévoit, à toutes les étapes, la prise en compte des difficultés particulières en matière de logement, de santé ou encore de garde d’enfant.
Nous regrettons que le type d’activité hebdomadaire pouvant faire l’objet du contrat d’engagement n’ait pas été précisé par le texte du Gouvernement : certains ont pu déduire de cette omission qu’il s’agissait d’un travail gratuit. Or ce contrat relève d’un plan d’action pour favoriser le retour vers l’emploi (Mme le rapporteur le confirme.). Ses bénéficiaires pourront, par exemple, suivre une formation progressive, faire du bénévolat ou même prendre soin de leur santé, quand cette dernière constitue un frein au retour à l’emploi. J’ai déposé un amendement en ce sens.
Plus largement, la réunion des acteurs de l’accompagnement en un grand réseau permettra des gains de temps et d’efficacité.
Nous saluons l’adoption, en commission, d’un amendement tendant à préciser la mission d’appui du réseau France Travail en faveur des entreprises, en matière de recrutement, et la prise en compte du marché du travail.
Les missions locales, comme d’autres acteurs spécialisés, sont très inquiètes de cette réorganisation. Elles redoutent une mise en cause leur expertise propre en matière d’accompagnement. Il est essentiel de maintenir leur compétence envers le public qu’elles soutiennent : j’ai déposé plusieurs amendements visant notamment à assurer leur pérennité, leur autonomie ainsi que leur contribution à l’élaboration des orientations nationales.
Ce projet de loi ne s’adresse pas aux seuls bénéficiaires du RSA. Par ses articles 8 et 9, il cherche aussi à faciliter l’insertion professionnelle en milieu ordinaire des personnes en situation de handicap. À cet égard, France Travail pourra émettre des propositions.
Le présent texte étend certains droits individuels et collectifs des salariés ordinaires aux travailleurs en Ésat. En parallèle, il assouplit les dispositions relatives aux EATT. J’ai déposé plusieurs amendements visant à aller plus loin en faveur de ces entreprises.
Enfin, par l’article 10, ce projet de loi s’attaque à l’un des principaux freins à la recherche d’emploi, à savoir les difficultés de garde d’enfant. En la matière, les communes seront désormais des acteurs clés. Cela étant, il faudra prévoir des mesures de compensation à la hauteur de leurs nouvelles compétences.
Dans son ensemble, ce projet de loi va donc dans le bon sens. Il agit en faveur de l’emploi et d’un meilleur accompagnement des personnes qui en sont éloignées.
Bien sûr, toutes ces mesures ne vaudront que si les moyens d’un meilleur accompagnement sont effectivement déployés ; nous devrons y veiller lors de l’examen du prochain budget.
Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiennent l’esprit de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Esther Benbassa, Émilienne Poumirol et Laurence Cohen applaudissent également.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les expérimentations prévues ont à peine démarré que le Gouvernement présente ce projet de loi, qui, comme la réforme des retraites, escamote la question du travail.
En fait, France Travail n’est rien d’autre que France emploi. Il n’a qu’un objectif : atteindre 5 % de chômage. Ce taux permettra de baisser les allocations chômage, comme prévu. Avec la réforme des retraites, la boucle de l’attaque contre le monde du travail se refermera.
On retrouve les chantiers engagés par Laurent Wauquiez sous M. Sarkozy : premièrement, la réforme de l’assurance chômage ; deuxièmement, un plan pour l’emploi des seniors ; troisièmement, un nouveau service public de l’emploi.
À l’époque, M. Wauquiez avait lancé Pôle emploi, issu de la fusion de l’ANPE et de l’Assédic. Il avait alors fait cette promesse : « [Nous constituerons] d’ici trois ans le service public de l’emploi le plus performant d’Europe. »
On retrouve aujourd’hui la même doctrine des économistes libéraux de l’emploi ; et quel est son bilan ?
Le résultat de cette fusion, ce sont dix-sept suicides d’origine professionnelle. Ce sont des effectifs qui stagnaient à 56 000 agents en 2022, alors que l’Allemagne, pourtant modèle de cette réforme, dispose du double pour son service public de l’emploi.
Le résultat, ce sont des portefeuilles surdimensionnés, de sorte que, selon le rapport de la mission flash que l’Assemblée nationale a consacrée à Pôle emploi en 2019, « les agents ont appris à vivre avec la pénurie d’effectifs ».
Seuls augmentent les personnels chargés des contrôles : ils sont passés de 200 lors de la fusion à 1 000 en 2020, ce qui en dit long sur les nouvelles priorités du service public de l’emploi… Ce projet de loi confirme encore la tendance, puisqu’il dote l’opérateur France Travail de pouvoirs de sanction accrus.
Les premiers articles du présent texte s’inscrivent dans ce processus sur la base d’un diagnostic erroné.
Si, comme le déplore le Gouvernement, 60 % des allocataires du RSA ne sont pas inscrits à Pôle emploi, c’est d’abord parce que 40 % de ceux qui sont dans le halo du chômage ont des problèmes de santé. C’est aussi parce qu’un allocataire du RSA sur quatre subit des difficultés en matière de logement.
Pour ces allocataires, la première étape du parcours demeure en conséquence l’inclusion sociale. Or, à mesure que le RSA s’éloigne du seuil de pauvreté, celle-ci devient de plus en plus difficile. Désormais, un tiers des actions d’accompagnement visent l’accès aux soins, un cinquième le soutien familial et la garde d’enfant, et 13 % l’accès au logement.
Ces problèmes sociaux réclament des politiques sociales ambitieuses pour lever les freins à l’emploi, non une politique de sanctions et de contrôles qui, comme l’ont démontré les chercheurs L’Horty, Le Gall et Chareyron, ne fera qu’aggraver le non-recours.
Madame la rapporteure, nos analyses sont documentées. Elles se fondent sur des études et sur des statistiques que vous vous obstinez à ignorer. Quoi qu’il en soit, ce ne sont pas de simples avis personnels.
Ce que France Travail prépare avec ces dispositions, c’est, à l’inverse, une précarisation accrue. Les personnes les plus en difficulté seront contraintes d’occuper les emplois les plus difficiles et les moins attractifs.
En parallèle, les missions locales risquent fort d’être mises sous tutelle. Elles défendent un modèle d’accompagnement complet du public jeune, y compris au titre de la garantie jeune. Or le Gouvernement les a mises en concurrence avec Pôle emploi, via le contrat d’engagement jeune, qu’il prétend ouvrir à tous en en faisant un contrat d’engagement unique.
Non seulement la gouvernance de France Travail écarte les syndicats des comités territoriaux et locaux, mais elle impose une coprésidence aux départements et aux régions. Elle aboutit ce faisant à l’écrasement des discours alternatifs.
Les collectivités territoriales seront progressivement dépossédées de leurs compétences en matière d’accompagnement social et de formation. Derrière les critères d’orientation, les référentiels et les systèmes communs conçus par l’opérateur France Travail se profile l’uniformisation de l’accompagnement. Le seul objectif sera le retour à l’emploi, coûte que coûte, quelle que soit la qualité du poste proposé.
Une telle logique fait fi de tout ce que les allocataires du RSA accomplissent pour leur famille, pour leur quartier, ou tout simplement pour survivre. Écoutons ces personnes – leur ressenti fera d’ailleurs l’objet d’un rapport spécifique. C’est « un boulot de dingue » de vivre avec le RSA. Vous aurez bien sûr entendu l’allusion au « pognon de digue », véritable stigmate présidentiel. (M. Gérard Longuet s’exclame.)
Enfin, ce projet de loi ne consacre pas un mot à la qualité des emplois.
Les écologistes refusent une société du plein emploi dégradé et répressif, à l’heure où les urgences sociales et climatiques appellent un modèle fondé sur l’accompagnement global et renforcé ; à l’heure où s’impose une bifurcation écologique, à même de faire advenir des emplois utiles pour répondre aux besoins sociaux et environnementaux, et un plein emploi solidaire, loin de ce projet de précarisation des plus fragiles.
Les élus du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront contre ce projet de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, s’il est un combat mené et remporté par le Président de la République, c’est bien celui du travail.
Grâce aux réformes entreprises depuis six ans, 1,7 million d’emplois ont été créés. Les femmes et les hommes de ma génération avaient appris à vivre avec un chômage systémique, mais aujourd’hui la courbe s’est inversée. Le taux de chômage a atteint son plus bas niveau depuis quarante ans, passant de 9,5 % à 7,1 %, et le taux d’emploi est à un sommet, avec 52 % de postes créés en CDI.
Non, le chômage de masse n’est pas une fatalité.
L’une des conséquences directes de notre dynamique économique et de ces nombreuses créations d’emploi, c’est la tension qui pèse sur notre vivier de talents. Les entreprises connaissent encore de réelles difficultés pour embaucher. Les deux tiers des petites et moyennes entreprises (PME) font face à des problématiques de recrutement et 60 % des entreprises industrielles déclarent renoncer à des leviers de croissance à cause des mêmes difficultés.
Ces résultats nous prouvent au moins une chose : que le plein emploi est à portée de main et que personne n’est inemployable.
La majorité présidentielle s’est donc fixé un objectif exigeant, mais réaliste : assurer le plein emploi d’ici la fin du quinquennat. Pour l’atteindre, il faudra baisser le taux de chômage à 5 % et donc créer au moins 700 000 nouveaux emplois au cours des quatre prochaines années.
C’est dans cet esprit que le Gouvernement nous a présenté ce projet de loi, retenant trois axes de travail.
Premièrement, les besoins des entreprises doivent être mis en adéquation avec les compétences des demandeurs d’emploi. Je pense notamment au travail collectif et aux actions menées depuis 2018 avec les régions au titre du plan d’investissement dans les compétences.
Deuxièmement, les règles relatives au marché du travail et aux indemnisations de l’assurance chômage exigent une attention particulière. Les réformes de 2019 et 2022 ont apporté des réponses satisfaisantes, mais il nous faut aller plus loin.
Troisièmement et enfin, le service public de l’emploi et son fonctionnement exigent, de notre part, des réponses fortes.
M. le ministre du travail l’a rappelé à plusieurs reprises : il ne s’agit pas de changer ce qui marche bien. Je pense notamment aux missions locales, qui agissent auprès des jeunes. Il s’agit bel et bien d’améliorer la structure et la gouvernance du service public de l’emploi. Prenant la suite de Pôle emploi, France Travail conservera le statut d’opérateur tout en jouant un rôle de coordination renforcé au service des autres acteurs de l’emploi.
Il ne s’agit pas non plus de parler de recentralisation, mais bien du rôle de soutien technique et d’animateur opérationnel que France Travail pourrait jouer demain dans le cadre d’une gouvernance élargie associant les élus locaux et les collectivités territoriales.
Mes chers collègues, c’est la principale nouveauté proposée en la matière et c’est une occasion de mettre en avant nos territoires.
Nous avons besoin d’une transformation du service public de l’emploi. Une gouvernance mieux coordonnée et adaptée aux territoires permettrait le rapprochement de l’État, des régions et des départements avec les opérateurs du service public de l’emploi.
Avec ce projet de loi, le Gouvernement poursuit une politique ambitieuse en faveur de l’emploi et du travail. Il a conduit à son terme la réforme de l’assurance chômage, devant laquelle tant de majorités avaient reculé. Il a mené la réforme des retraites pour assurer le financement de notre modèle social et favoriser l’emploi des seniors. Il a lancé la réforme du lycée professionnel, de la formation et de l’apprentissage. Mais, aujourd’hui, ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés sont trop peu suivis ; et, quand ils le sont, ils font face à une multitude d’acteurs peu coordonnés. Cette situation rend les démarches difficiles, car elle entraîne des ruptures dans leurs parcours.
Le cas des allocataires du RSA est particulièrement parlant : seuls 40 % d’entre eux sont inscrits à Pôle emploi. La situation des travailleurs en situation de handicap est tout aussi préoccupante. Le taux de chômage des intéressés représente encore près du double du taux de chômage moyen en 2022.
À cet égard, je me réjouis des mesures d’équité que contient ce texte. Ainsi, les personnes handicapées travaillant en Ésat pourront obtenir les mêmes droits que les autres salariés.
À titre d’exemple, 80 % des travailleurs en Ésat n’ont aujourd’hui pas de mutuelle. Il faut que le plan de transformation des Ésat, mis en œuvre il y a maintenant trois ans, continue de se déployer et que l’État puisse prendre en charge ces dépenses nouvelles. C’est tout le sens de ce projet de loi : le droit au retour doit faciliter le passage de l’Ésat à l’entreprise adaptée ou au milieu ordinaire. En parallèle, il faut sécuriser le retour en cas d’échec – cette situation peut survenir dans tous les parcours professionnels.
Enfin, ce texte a le mérite d’aborder la question de la garde d’enfant ; les problèmes qui se font jour en la matière sont l’un des principaux freins à l’accès à l’emploi, notamment pour les femmes.
Nous connaissons l’engagement des communes et des maires en faveur de la petite enfance. Il s’agit de les conforter dans leurs missions en tant qu’autorités organisatrices pour garantir un nombre suffisant de places d’accueil, grâce à un recensement à l’échelle de la commune et à une trajectoire adaptée.
La réforme du service public de la petite enfance va d’ailleurs dans ce sens, en assurant une meilleure coordination des différents acteurs. L’objectif est d’ouvrir 100 000 places d’accueil d’ici à 2027 et 200 000 d’ici à 2030.
En matière d’investissement, l’État sera aux côtés des communes. Plus de 1,5 milliard d’euros seront déployés en 2027. Au total, plus de 5,7 milliards d’euros seront accordés en cinq ans pour augmenter le nombre de places de crèche.
L’accent sera également mis sur l’attractivité et la formation par l’action conjointe de l’État, des régions, des départements et des branches professionnelles ; sans professionnels dignes de ce nom, il ne peut y avoir d’accueil de qualité.
Ce service public, c’est la fin du parcours du combattant que connaissent nombre de familles. C’est un investissement d’avenir pour la natalité et le développement des enfants. C’est un levier puissant pour l’emploi.
Mes chers collègues, assurer le plein emploi, c’est bien sûr offrir un travail à davantage de Français. C’est aussi lutter contre les assignations sociales et offrir une émancipation. C’est permettre l’amélioration des conditions de travail et l’attractivité des métiers. C’est mieux répondre aux attentes de nos concitoyens au sujet de leurs parcours professionnels, en favorisant les formations, les transitions et les reconversions.