M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 7 octobre dernier, le Hamas a frappé avec une violence abjecte Israël et son peuple.

Lors de cet attentat terroriste, plus de 1 400 personnes ont été massacrées, plus de 3 000 autres ont été blessées ; ces actes de barbarie ont choqué les esprits et révulsé les cœurs aux quatre coins du monde.

Partout, nous pleurons les victimes israéliennes, mais aussi plus de cent personnes de trente-huit nationalités, dont une trentaine de nos compatriotes. Nous déplorons aussi plus de deux cents otages, dont nous demandons la libération immédiate.

Qu’il me soit permis de réitérer à cette tribune notre condamnation la plus ferme de ces atrocités, ainsi que notre soutien plein et entier au peuple d’Israël et à ses amis à travers le monde.

Le 7 octobre 2023 est déjà entré dans les livres d’histoire comme l’une de ces dates charnières que les élèves apprendront par cœur : le jour où l’engrenage s’est enclenché et où le piège du Hamas s’est refermé.

À l’horreur de la barbarie du Hamas a succédé la violente riposte du gouvernement israélien, qui prend la forme d’une punition collective, par un siège destructeur et illégal de la bande de Gaza, noyée sous un tapis de bombes qui tuent indistinctement combattants et civils.

Toutes précautions prises, il ne fait pas de doute que les victimes civiles se comptent par milliers, dont de nombreux enfants. Notre solidarité s’étend naturellement au peuple palestinien et à toutes ces vies fauchées.

Le droit à la sécurité d’Israël, auquel nous sommes profondément attachés, ne peut exister que dans le respect du droit international humanitaire. Ce n’est pas un droit à une vengeance aussi aveugle que contre-productive.

Si la brève histoire du XXIe siècle nous a appris quelque chose, c’est que l’on ne gagne pas les guerres contre la terreur. Quand, pour se prémunir ou se venger du terrorisme, les démocraties se rendent coupables de crimes de guerre et de massacres de civils, elles ne font que renforcer ce qu’elles cherchent à anéantir. Le terrorisme se nourrit du désespoir et de la haine. S’il est possible de tuer les combattants du Hamas, il n’est pas possible de tuer une idéologie. Le combat contre une idéologie ne peut être que politique.

Malheureusement, et tel était l’objectif de l’agresseur, la perspective de résolution politique du conflit a reculé. La haine et le ressentiment sont à leur paroxysme, agités de chaque côté par les partisans de l’anéantissement de l’adversaire, qu’il s’agisse du Hamas ou de l’extrême droite messianique. Ces vitupérateurs, ces pourvoyeurs de haine masquent la réalité structurelle, qui n’est certes pas celle de l’instant : l’immense majorité des Palestiniens et des Israéliens aspirent à vivre en paix.

Alors que Tsahal prépare une intervention terrestre dans la bande de Gaza, la perspective de paix s’éloigne non seulement pour Israël et la Palestine, mais pour toute la région, voire au-delà. Au nord d’Israël, les échanges de tirs se multiplient entre le Hezbollah et Tsahal, entraînant, le week-end dernier, l’énonciation par l’Iran de premières menaces, à peine voilées, auxquelles la diplomatie américaine a immédiatement répondu. Entre stratégie de dissuasion et perspective d’un conflit généralisé, le monde vit dans l’expectative.

Plus que jamais, il est temps de sortir de cet engrenage de violence mortifère, qui ne peut qu’affaiblir davantage nos démocraties déjà fragiles face aux empires autoritaires. Ces derniers observent avec intérêt la dégradation du climat international pour mener à bien leurs propres velléités expansionnistes, à commencer par la tentative de conquête de l’Ukraine.

En conséquence, nous demandons un cessez-le-feu immédiat et l’arrêt des combats. Ces crimes de guerre doivent cesser. Une intervention de Tsahal au sol, opération militaire aux objectifs et à l’efficacité plus qu’incertains, serait dramatique et extrêmement coûteuse en vies humaines, qu’il s’agisse des soldats et réservistes israéliens ou des civils palestiniens. Il est également indispensable d’augmenter massivement l’intervention humanitaire dans la bande de Gaza. L’ONU estime les besoins à plus de cent camions par jour ; nous en sommes très loin.

Madame la Première ministre, si nous avons entendu une inflexion bienvenue dans votre discours, où vous parlez d’une « trêve humanitaire », le propos qu’a tenu le Président de la République ce midi à Tel-Aviv nous inquiète grandement.

Que signifie, pour l’exécutif, faire « participer » « la coopération internationale de lutte contre Daech […] à la lutte contre le Hamas » ? S’il s’agit de participer à des bombardements de la bande de Gaza, c’est parfaitement inacceptable ; s’il s’agit de livrer des armes, ça l’est tout autant.

Rappelons que les bombardements contre Daech ont fait entre 1 300 – selon les sources officielles – et 12 000 – selon des sources journalistiques – victimes civiles, dans des territoires infiniment moins denses que la bande de Gaza.

Loin de telles velléités belliqueuses, la France doit retrouver la voix forte qui était celle de Jacques Chirac ; la voix qui n’hésitait pas à refuser d’engager nos armées dans une inutile « guerre contre la terreur » en Irak ; la voix qui était saluée en Palestine comme partout dans le monde arabe.

M. Guillaume Gontard. Il est indispensable que la France fasse de nouveau entendre cette voix, qu’elle la fasse résonner dans toute l’Europe.

Depuis trop d’années, l’Europe a fait sienne, à propos du conflit israélo-palestinien, la vieille maxime d’Henri Queuille selon laquelle « il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout ». Symbole s’il en est de lâcheté politique, ce principe porte pourtant une signification trop souvent oubliée : l’absence de solution provoquera une résolution simpliste du problème, dans la douleur ou par la violence. Il serait déplorable que nous en arrivions là.

Depuis trop d’années, nous avons laissé prospérer le Hamas sur les ruines du processus de paix, anéanti par l’assassinat de Yitzhak Rabin, et sur celles de l’Autorité palestinienne, dévitalisée et démonétisée par l’usure du pouvoir, par la corruption, mais surtout par l’absence de toute perspective politique. Or, sans perspective politique, le choix du peuple palestinien se résume ainsi : suicide à petit feu ou explosion de violence.

Je n’ai pas le temps de reprendre le cours d’une histoire tumultueuse et complexe, de plus de sept décennies, mais nous faisons nôtre le propos tenu hier à la tribune de l’Assemblée nationale par M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères, ainsi que sa démonstration magistrale.

Il a tracé le chemin qui pourrait permettre à la classe politique, loin des polémiques, de parler d’une seule voix, en rappelant que le préalable à tout processus de paix est l’arrêt et le reflux de la colonisation illégale qui, depuis deux décennies, ghettoïse et démantèle la Cisjordanie.

Dans son annonce de reprise du processus de paix, le Président de la République semble partager ce constat. Nous le saluons, mais chat échaudé craignant l’eau froide, nous nous méfions de ses grands discours rarement suivis d’effet.

Aux promesses doivent succéder les actes, et ce sans tarder ; aussi demandons-nous au Président de la République de reconnaître l’État palestinien, comme l’ont déjà fait 138 pays dans le monde.

Pour construire la paix demain, il faudra un interlocuteur. Nous souhaitons que la France pèse de tout son poids pour organiser une transition démocratique à la tête de l’Autorité palestinienne.

Pour ce faire, il convient de plaider pour la libération des prisonniers politiques palestiniens, notamment de ceux qui seraient à même d’incarner cette transition. Nos pensées à ce sujet, que nous partageons avec Dominique de Villepin, vont en premier lieu vers Marwan Barghouti.

Si Israël et la communauté internationale étaient incapables d’accompagner une telle transition démocratique, alors ce serait toute la Cisjordanie qui menacerait de plonger dans le chaos à la mort de Mahmoud Abbas, occultant tout espoir de paix.

Il est encore temps d’agir avec force en jouant une partition différente de celle des États-Unis. Par son existence même, l’Union européenne fait la preuve que les ennemis irréductibles d’hier peuvent devenir les alliés de demain. L’Union doit jouer un rôle d’arbitre pour construire la paix, condition sine qua non de la sécurité d’Israël, et pour que cesse ce conflit qui, depuis trois quarts de siècle, a engendré tant de souffrances, tant d’humiliations, et emporté tant de vies.

Il est encore temps d’agir pour la paix, « une juste cause » qui « finira par triompher », comme le disait Yitzhak Rabin. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

(Mme Sophie Primas remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 4 mars 1982, le président François Mitterrand s’exprimait ainsi à la Knesset : « Je ne sais s’il y a une réponse acceptable par tous au problème palestinien. Mais nul doute qu’il y a problème et que non résolu il pèsera d’un poids tragique et durable sur cette région du monde. »

Quatre décennies plus tard, le 7 octobre dernier, Israël a été confronté au lourd poids de la tragédie.

Les Israéliens ont vécu un drame absolu : l’assassinat aveugle de plus de 1 300 personnes par le Hamas, essentiellement des civils, dont certains binationaux, et l’enlèvement de près de 200 hommes, femmes et enfants vivant dans le sud du pays.

Les conditions de ce massacre ont profondément choqué, elles ont sidéré. Comme j’ai pu le dire dans cet hémicycle le 11 octobre dernier, de telles atrocités ne laissent pas de place à la nuance ou à la polémique.

Une nouvelle fois, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen condamne sans réserve ces attaques terroristes. Nous avons une pensée pour toutes les victimes ; nous avons également à l’esprit les familles françaises touchées par cette tragédie. Neuf de nos compatriotes figurent parmi les otages ; tout doit être mis en œuvre pour les libérer.

Rien ne peut justifier un tel acharnement sur des civils. Une fois de plus, le terrorisme islamique a montré qu’il était sans égard pour la vie humaine. Des attentats de septembre 2001 aux États-Unis à ceux de novembre 2015 à Paris, on pensait avoir vu le pire. Ce n’était, hélas ! pas le cas.

Malheureusement, comme on pouvait s’y attendre, le drame du 7 octobre a conduit à un autre drame, celui que vit en ce moment la population palestinienne, prise sous le feu de Tsahal dans Gaza assiégé. Deux peuples souffrent aujourd’hui.

Israël a riposté pour défendre ses concitoyens ; comment pouvait-il en être autrement au regard de tous ces meurtres impensables ? Comment ne pas comprendre que ce pays défende, tout simplement, son droit à la sécurité ? Un droit d’autant plus légitime que les actes du Hamas portaient en eux le germe du génocide, renvoyant la population juive à un passé particulièrement douloureux.

Pour autant, il est vrai que cet enchaînement produit un résultat : la souffrance des Israéliens entraîne celle des Palestiniens. La douleur n’a ni frontière ni religion, au moins pour ceux qui ne sont pas tombés dans l’abîme de l’obscurantisme.

À Gaza, on compterait plus de 4 000 morts, des centaines de milliers de personnes déplacées et une situation humanitaire catastrophique.

Si l’on s’interroge parfois, dans un conflit, sur les buts de guerre, l’objectif du Hamas était clair : semer une discorde irréconciliable entre Palestiniens et Israéliens pour mieux en tirer les bénéfices à Gaza, voire au-delà, comme on le constate tristement dans certaines régions du monde où le Hamas sert d’étendard à une fierté retrouvée.

Nous le savons, les têtes pensantes du Hamas, des autocrates souvent confortablement installés hors de Gaza avec la complaisance de certains États, recherchent cette escalade : parce que le Hamas est l’ennemi de la paix ; parce que le Hamas est l’ennemi du peuple palestinien ; parce que le Hamas parie sur la stratégie du chaos.

La communauté internationale doit trouver les moyens de sortir de ce piège. Il faut nous en convaincre et convaincre : à terme, la solution n’est certainement pas militaire.

On le voit bien, une position d’équilibre est difficile à trouver entre le droit d’Israël à se défendre et le respect du droit international, en particulier du droit international humanitaire.

Le droit de la guerre est une sorte d’oxymore : la réalité de la guerre est bien trop brutale et reste rarement dans le cadre de ces règles. La communauté internationale va-t-elle le supporter longtemps ?

Alors que les États-Unis sont un allié inconditionnel d’Israël, nous avons tous clairement entendu le message du président américain à l’attention du gouvernement de Benjamin Netanyahou : « Ne répétez pas les erreurs que nous avons faites après le 11 septembre, ne soyez pas consumés par la rage ! »

Ces mots sont bien évidemment difficiles à entendre pour une opinion publique israélienne traumatisée. Pourtant, la diplomatie doit rapidement reprendre le dessus, car le risque d’un embrasement régional plane sur le conflit. Du Hamas au Hezbollah, il n’y a qu’un pas, et du Hezbollah à Téhéran, le chemin est court !

Aussi, je salue les efforts de la France, qui est sur tous les fronts au sein de la communauté internationale et qui dialogue avec plusieurs pays de la région.

Vous l’avez rappelé, madame la Première ministre, préserver autant que possible la population civile palestinienne doit aussi être une priorité. Le principe de la trêve humanitaire que vous demandez est naturellement conforme aux valeurs humanistes que la France défend.

L’eau, la nourriture, les médicaments doivent entrer à Gaza, il y va de la survie des victimes du conflit. Il s’agit aussi de redonner du sens au droit humanitaire.

Sur le front politique, la solution à deux États refait surface ; c’est une bonne chose. Les accords d’Abraham ont paru suffire à garantir une sécurité relative à Israël ; le Premier ministre Netanyahou s’est sans doute bercé d’illusions avec ces relations de bon voisinage, comme il a pensé que l’affaiblissement de l’Autorité palestinienne n’était pas si mal venu.

Le Président de la République entend défendre cette option, qui regagne du terrain. Il faut en effet rapidement combler le vide diplomatique qui s’était installé autour du conflit israélo-palestinien.

De leur côté, les Palestiniens doivent absolument restaurer sur leur territoire une autorité politique engagée clairement dans la lutte contre le terrorisme.

Mon groupe partage cette orientation, car, à l’évidence, ni la terreur ni la vengeance n’apporteront la paix. Cela ne sera pas facile. Le sommet pour la paix qui vient tout juste de se tenir en Égypte le démontre : l’heure n’est pas tout à fait à la convergence, tant l’épée de Damoclès d’un assaut israélien sur Gaza pèse lourd.

Enfin, parce que ce conflit trouve un écho au-delà du Proche-Orient, notre responsabilité, en tant qu’élus républicains, est de ne pas faire de la Palestine un enjeu de solidarité sur notre territoire, afin de ne pas accentuer des fractures déjà palpables.

Nous devons, dans notre pays, tenir un langage de vérité, en particulier auprès des jeunes, pour que ceux-ci gardent la distance nécessaire et ne décryptent pas le monde dans lequel ils vivent au travers d’un prisme culturel ou religieux.

D’une façon générale, ne baissons pas les bras face à l’obscurantisme, où qu’il se trouve ! Madame la Première ministre, nous serons à vos côtés pour soutenir toutes les initiatives de la France pour la paix et la démocratie.

En 1919, Clemenceau, dans son discours à Verdun, soulignait qu’il était bien plus difficile de faire la paix que la guerre. Malgré toutes les embûches, la paix doit toujours rester la première boussole des peuples. Gardons à l’esprit aussi les mots de Saint-Exupéry : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible. » (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeric Durox, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Aymeric Durox. Madame la présidente, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’heure où tous les regards se portent, encore une fois, sur la poudrière du Proche-Orient, dans l’attente anxieuse de sa probable explosion, permettez-moi d’avoir une pensée émue pour toutes les victimes de ce conflit, en particulier pour nos trente compatriotes assassinés par les terroristes du Hamas et pour les neuf Français encore portés disparus, que nous espérons toujours vivants.

Oui, le Hamas est bien une organisation terroriste, parmi les plus horribles du genre. Si certaines personnes avaient encore un doute à ce sujet, les macabres découvertes de leurs sévices et de leurs crimes les plus abjects faites depuis le 7 octobre n’en laissent plus aucun aux hommes et aux femmes de bonne volonté.

Seuls d’indignes calculs électoraux et d’infâmes idéologies pourraient inciter des politiques irresponsables à qualifier les actes du Hamas, ou cette organisation elle-même, de « résistance », souillant ainsi ce beau mot pour lequel tant de Français sont morts.

Face à cette barbarie, Israël, seule vraie démocratie du Proche-Orient, a le droit, et même le devoir, de défendre sa population, dans le respect – bien sûr ! – du droit international.

Dans ce contexte extrêmement tendu, animé de mauvaises passions, l’on aurait pu espérer une voix française forte, au-dessus de la mêlée. Hélas ! trois fois hélas ! la voix de la France est portée depuis plus de six ans par un homme qui avait déclaré, avant d’accéder aux plus hautes fonctions, qu’il n’y avait pas de culture française.

Comment, dès lors, lui reprocher de ne pas comprendre ce qui fait sa singularité, ce qui fait que cette voix française était autrefois attendue, écoutée et respectée partout dans le monde et notamment au Proche-Orient, où l’histoire nous avait donné une place particulière ?

Loin de saisir l’enjeu crucial du moment, le Président de la République a préféré, au lendemain des carnages du 7 octobre, se rendre en Allemagne pour un séminaire intergouvernemental, puis en Albanie, dont il veut apparemment faire un nouveau membre de l’Union européenne, contre toute logique et contre toutes les opinions publiques.

Il aura fallu attendre dix-sept jours pour qu’il atterrisse enfin en Israël, bien après tous les autres dirigeants européens. Pour y dire quoi ? Puisque notre singularité n’est plus, que dira le Président de la République que n’aura dit un Olaf Scholz, ou même une Ursula von der Leyen, qui se prend apparemment pour une cheffe d’État ?

Pour que la voix de la France porte de nouveau, il faut retrouver notre tradition diplomatique, alliée, mais non alignée, forte, car libre, et constante dans le temps.

C’est tout l’objectif de la déclaration des droits des peuples et des nations que Marine Le Pen a présentée il y a quelques semaines. Les grands principes énoncés dans cette charte, à commencer par l’égalité en dignité et en droits de tous les peuples et de toutes les nations, pourraient servir de guide pour trouver demain un règlement au conflit israélo-palestinien, prémices à la normalisation des relations interétatiques au Proche-Orient.

Cette proposition pourra devenir un outil que la France, de tout temps créatrice de droits nouveaux, portera dans le monde. Notre pays retrouvera ainsi cette place si particulière dans le concert des nations que beaucoup de pays du Proche-Orient attendent de nouveau ; cette place qui lui permet en même temps d’assurer la sécurité des Français, de promouvoir nos intérêts nationaux et de rester fidèle à notre histoire, selon la formule employée par Clemenceau à cette tribune même, le 11 novembre 1918 : « La France sera toujours le soldat de l’idéal. »

M. Mickaël Vallet. Encore un effort et nous aurons droit à Jaurès !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.

M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de lattractivité et des Français de létranger. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite répondre à plusieurs questions soulevées dans les interventions des différents orateurs.

Vous nous interrogez sur les formes que pourrait prendre l’extension à la lutte contre le Hamas de la coalition internationale contre le terrorisme. La coalition formée contre Daech n’implique pas exclusivement des actions militaires ; elle englobe également des actions en matière de renseignement, de lutte contre le financement du terrorisme, ainsi que de lutte contre le djihadisme en ligne et sur les réseaux sociaux.

Le Président de la République vient d’ailleurs de déclarer que cette lutte contre le terrorisme nécessite la coopération de tous et que c’est le prix nécessaire pour assurer la sécurité et la paix dans la région.

Je voudrais rassurer M. Retailleau : la tolérance zéro qu’il nous demande face à l’antisémitisme est bien la politique du Gouvernement.

En ce qui concerne l’aide humanitaire et la vigilance nécessaire pour que le Hamas n’en perçoive pas le moindre euro, je rappellerai que notre aide est acheminée via des agences de l’ONU, notamment l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) et le Programme alimentaire mondial (PAM), mais aussi via le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et diverses ONG. Nous veillons scrupuleusement à ce qu’aucun de ces fonds ne parvienne au Hamas.

Je tiens à remercier M. Cadic, qui a évoqué les trente Français assassinés par le Hamas ainsi que nos neuf compatriotes toujours portés disparus. Soyez assurés que nous déployons tous les efforts requis pour que ces derniers soient rendus à l’affection de leurs familles.

Je souhaite également rassurer M. Malhuret et Mme Carrère sur la pleine mobilisation de notre diplomatie pour éviter toute escalade dans la région. La préservation des accords d’Abraham demeure, en particulier, une priorité à nos yeux.

Enfin, l’absence de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères ce soir s’explique par sa participation au Conseil de sécurité des Nations unies. Elle y plaide pour une trêve humanitaire, que nous demandons depuis près d’une semaine, ainsi que pour, à terme, un cessez-le-feu, condition de la reprise des négociations politiques en faveur d’une solution à deux États. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que ce débat touche à sa fin, je tiens à remercier les oratrices et les orateurs de tous les groupes politiques.

Vous l’avez tous souligné, la situation est grave. Elle exigeait un débat respectueux, à la hauteur des circonstances ; cela a été le cas, et je tiens à le saluer.

Nos parcours, nos idées et nos visions ne sont pas les mêmes, nos sensibilités peuvent parfois différer, c’est la démocratie. Cependant, au-delà de ces divergences, nos points de vue convergent sur plusieurs points essentiels, ce qui revêt une importance particulière dans de telles circonstances.

Premièrement, je constate qu’il existe un large consensus pour condamner sans ambiguïté l’attaque terroriste du Hamas sur Israël. Nous sommes tous d’accord pour nommer l’agression barbare dont ce pays a été victime et pour dénoncer l’horreur et la tragédie que constituent ces attentats.

Les mots ont un sens, et le refus d’en prononcer certains en a également un. Au Sénat, personne n’a d’états d’âme pour qualifier le Hamas de groupe terroriste, et je veux le saluer. Collectivement, nous reconnaissons également à Israël le droit d’assurer sa défense dans le respect du droit international.

Le deuxième point qui nous rassemble largement est la volonté de protéger les civils et l’attention portée aux populations de Gaza. Nous nous accordons pour affirmer que les populations palestiniennes sont également les victimes du Hamas et pour dénoncer la catastrophe humanitaire en cours à Gaza, ainsi que la mort de milliers de civils palestiniens.

Il n’y a pas de double standard face aux victimes : nous les pleurons toutes ; pas de double standard face aux civils : tous doivent être protégés.

La position de la France est claire et je l’ai réaffirmée devant vous : nous appelons à des trêves humanitaires qui pourront mener à un cessez-le-feu et à l’accès immédiat et sécurisé de l’aide à Gaza.

Enfin, je note un troisième point d’accord : notre recherche de la paix durable.

Comme vous, je crois que nous devons tout faire pour éviter un embrasement régional ; comme je l’ai dit en introduction, je suis convaincue que, par son histoire et sa voix indépendante, la France a un rôle à jouer, à court terme comme de manière plus durable, pour bâtir la paix et trouver une solution politique à ce conflit.

C’est précisément dans cette optique que le Président de la République s’est rendu dans la région aujourd’hui : tout faire pour éviter l’escalade et créer les conditions d’une reprise du processus politique pour une solution à deux États.

Comme il vient de le déclarer après son entretien avec le président Mahmoud Abbas, « nous sommes convaincus qu’une initiative forte pour la paix et la sécurité doit être conduite », car « la quête légitime de la sécurité demeurera une illusion tant qu’une paix juste ne sera pas durablement établie ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre débat portait sur la situation au Proche-Orient, mais vous avez aussi exprimé au cours de vos interventions des inquiétudes sur l’impact de ce conflit dans notre pays. Nous les entendons et nous y répondons.

Avec le Président de la République et tout le Gouvernement, nous continuons à combattre inlassablement l’antisémitisme sous toutes ses formes. L’antisémitisme est un poison et, comme toutes les haines, il n’a pas sa place dans notre République. Dans ce combat, notre détermination est totale.

Dès l’attaque contre Israël, avec le Président de la République, nous avons demandé au ministre de l’intérieur d’adresser un message de vigilance aux préfets et aux forces de l’ordre. Nous avons aussi rehaussé la protection des lieux sensibles, en particulier des écoles et des lieux de culte, grâce, notamment, à l’opération Sentinelle.

Comme je l’ai indiqué hier, depuis le 7 octobre, plus de 300 personnes ont été arrêtées pour des actes ou des menaces antisémites ; nous avons également reçu plus de 4 000 alertes pour des contenus haineux en ligne via la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos). Plus de 300 de ces signalements sont désormais entre les mains de la justice, dans l’objectif d’identifier et de punir les auteurs de ces contenus.

Nous ne faiblirons pas face au fléau de l’antisémitisme ; en ligne comme dans la rue, nous ne laisserons rien passer.

Enfin, je veux condamner de nouveau l’attitude de ceux qui voudraient utiliser ce conflit comme prétexte à toutes les outrances et à toutes les dérives, notamment à des fins électoralistes. C’est irresponsable et dangereux pour notre pacte républicain ; je me réjouis que cette position soit largement partagée sur les travées du Sénat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les circonstances sont graves. Dans ces moments, nous avons un devoir de cohésion nationale, un devoir de responsabilité, un devoir de dire les choses et de ne pas attiser les tensions de notre société. Je sais pouvoir compter sur le Sénat dans l’accomplissement de cet objectif.

Avec le Gouvernement, c’est toujours la voie que nous choisirons ; avec le Président de la République, nous défendrons toujours le chemin de la justice et de la paix. C’est l’honneur et la singularité de la France que de rester une Nation indépendante, capable de se tenir aux côtés du peuple israélien comme du peuple palestinien. (Applaudissements.)