Sommaire
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.
Conclusions de la conférence des présidents
4. Candidatures à une commission mixte paritaire
5. Attribution à une commission des prérogatives d’une commission d’enquête
6. Immigration et intégration. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois
Demande de renvoi en commission
Suspension et reprise de la séance
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 518 rectifié de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 233 de M. Rachid Temal. – Rejet.
Amendement n° 331 rectifié de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas
Amendement n° 158 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 369 rectifié de M. Alain Duffourg. – Rejet.
Amendement n° 149 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Adoption.
Amendement n° 160 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Amendement n° 311 rectifié de M. Guy Benarroche
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 160 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie (suite). – Adoption.
Amendement n° 311 rectifié de M. Guy Benarroche (suite). – Devenu sans objet.
Amendement n° 569 rectifié ter de M. André Reichardt. – Adoption.
Amendement n° 260 rectifié de M. Alexandre Ouizille. – Rejet.
Amendement n° 261 rectifié de M. Alexandre Ouizille. – Rejet.
Amendement n° 619 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 259 rectifié de M. Alexandre Ouizille. – Rejet.
Amendement n° 212 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 620 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 332 rectifié de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 520 rectifié bis de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 150 de M. Yan Chantrel. – Rejet.
Amendement n° 376 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 621 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 375 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Devenu sans objet.
Amendement n° 339 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 252 rectifié de M. Stéphane Le Rudulier. – Retrait.
Amendement n° 377 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 378 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 379 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 338 rectifié de M. Philippe Tabarot. – Rejet.
Amendement n° 514 rectifié de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 380 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 382 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 101 rectifié quater de M. Louis Vogel. – Retrait.
Amendement n° 383 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 622 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 104 rectifié bis de M. Max Brisson. – Retrait.
Amendement n° 164 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Alain Marc
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud,
Mme Catherine Conconne.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mardi 31 octobre 2023 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Daniel Eckenspieller, qui fut sénateur du Haut-Rhin de 1995 à 2004.
3
Conférence des présidents
M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie le mardi 31 octobre 2023, sont consultables sur le site du Sénat.
En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 6 novembre 2023
À 16 heures, le soir et la nuit
- Examen d’une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires qu’il lui confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour une mission d’information sur les émeutes qu’a connues notre pays à compter du 27 juin 2023
- Projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 6 novembre début d’après-midi, éventuellement à la suspension du soir et le mardi 7 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 h 30
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 3 novembre à 15 heures
Mardi 7 novembre 2023
À 14 h 30, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023)
Mercredi 8 novembre 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 8 novembre à 11 heures
À 16 h 30, le soir et la nuit
- Désignation des 23 membres de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier (droit de tirage du groupe Les Républicains)
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette commission d’enquête : mardi 7 novembre à 16 heures
- Désignation des 21 membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer autres que les 21 sénateurs d’outre-mer, membres de droit
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la Séance, des candidatures à cette délégation : mardi 7 novembre à 16 heures
- Suite du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023)
En outre, avant la suspension de l’après-midi
- Désignation des 37 membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner, sous réserve de son dépôt, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures pour le groupe de travail préfigurant la commission spéciale : mercredi 8 novembre à 15 heures
Jeudi 9 novembre 2023
À 10 h 30
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour le plein emploi (texte de la commission n° 58, 2023-2024)
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 8 novembre à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 8 novembre à 15 heures
L’après-midi, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023)
Vendredi 10 novembre 2023
Le matin, l’après-midi et, éventuellement, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023)
PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Lundi 13 novembre 2023
À 16 heures
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte A.N. n° 1682) (discussion générale)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission des finances.
• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 8 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 10 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 13 novembre début d’après-midi, à la suspension du soir et mardi 14 novembre en début d’après-midi et à la suspension du soir
• Temps attribué à la rapporteure générale de la commission des affaires sociales dans la discussion générale : 10 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs de branche et au rapporteur pour avis : 5 minutes
• Temps attribué au président de la commission des affaires sociales : 5 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 h 30
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 10 novembre à 15 heures
Le soir et la nuit
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte A.N. n° 1682) (discussion des articles)
Mardi 14 novembre 2023
À 14 h 30, le soir et la nuit
- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 13 novembre à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 14 novembre à 12 h 30
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte A.N. n° 1682) (discussion des articles)
Mercredi 15 novembre 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 15 novembre à 11 heures
À 16 h 30, le soir et la nuit
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte A.N. n° 1682) (discussion des articles)
Jeudi 16 novembre 2023
À 10 h 30, l’après-midi, le soir et la nuit
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 15 novembre à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte A.N. n° 1682) (discussion des articles)
Vendredi 17 novembre 2023
À 10 heures
- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023
Ce texte sera envoyé à la commission des finances.
• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 15 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 16 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : vendredi 17 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : jeudi 16 novembre à 15 heures
L’après-midi, le soir et la nuit
- Éventuellement, sous réserve de son dépôt et de sa transmission, suite du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte A.N. n° 1682) (discussion des articles)
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 21 novembre 2023
À 14 h 30
- Sous réserve de sa transmission, explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte A.N. n° 1682)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 20 novembre à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 21 novembre à 12 h 30
À 16 heures
- Débat sur le thème « Déclinaison territoriale de la planification écologique : Quel rôle et quels moyens pour les collectivités locales ? Quel accompagnement du citoyen ? » (demande du groupe SER)
• Temps attribué au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de seize questions-réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 20 novembre à 15 heures
- Débat sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l’article 52 de la loi organique relative aux lois de finances (demande de la commission des finances)
• Temps attribué à la commission des finances : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de seize questions-réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par la commission des finances : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 20 novembre à 15 heures
À 21 h 30
- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur les partenariats renouvelés entre la France et les pays africains (demande du Gouvernement)
• Intervention des orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe, par ordre décroissant des effectifs des groupes, avec 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste et 8 minutes pour les autres groupes, ainsi que 3 minutes pour les sénateurs non-inscrits
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 20 novembre à 15 heures
Mercredi 22 novembre 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 22 novembre à 11 heures
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
- Proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982, présentée par M. Hussein Bourgi et plusieurs de ses collègues (texte n° 864, 2021-2022)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 20 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 novembre à 15 heures
- Proposition de loi constitutionnelle visant à faciliter le déclenchement du référendum d’initiative partagée, présentée par M. Yan Chantrel et plusieurs de ses collègues (texte n° 571, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 20 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 novembre à 15 heures
À 22 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 21 novembre à 15 heures
Jeudi 23 novembre 2023
De 9 heures à 13 heures
(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)
- Proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne, présentée par M. Henri Cabanel et plusieurs de ses collègues (texte n° 437, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 20 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 22 novembre à 15 heures
- Proposition de loi visant à aménager la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, présentée par Mme Nathalie Delattre et plusieurs de ses collègues (texte n° 919, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 8 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 20 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 22 novembre à 15 heures
PROJET DE LOI DE FINANCES
CALENDRIER DE L’EXAMEN DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2024 ET ORDRE DU JOUR DES SÉANCES DU 23 NOVEMBRE AU 12 DÉCEMBRE 2023
Jeudi 23 novembre 2023 (suite)
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Discussion générale
• Temps attribué au rapporteur général de la commission des finances : 15 minutes
• Temps attribué au président de la commission des finances : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 2 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 22 novembre à 15 heures
=> Examen de l’article liminaire
• Délai limite pour le dépôt des amendements à l’article liminaire et à la première partie : jeudi 23 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire aux amendements à l’article liminaire et à l’article 33 : jeudi 23 novembre à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements à l’article liminaire et à l’article 33 : jeudi 23 novembre à l’issue de la discussion générale
=> Examen de l’article 33 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne
• Temps attribué au rapporteur spécial de la commission des finances : 5 minutes
• Temps attribué au président de la commission des affaires européennes : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 22 novembre à 15 heures
Vendredi 24 novembre 2023
À 16 heures et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 23 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire aux amendements de la première partie (excepté l’article 33) : vendredi 24 novembre à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements à la première partie : vendredi 24 novembre à 14 heures et lundi 27 novembre à 9 h 30
Samedi 25 novembre 2023
À 9 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Éventuellement, dimanche 26 novembre 2023
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
PROJET DE LOI DE FINANCES
Lundi 27 novembre 2023
À 10 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Mardi 28 novembre 2023
À 14 h 30, le soir et la nuit
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Mercredi 29 novembre 2023
À 11 heures
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 29 novembre à 11 heures
À 16 h 30, le soir et la nuit
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Jeudi 30 novembre 2023
À 10 h 30 et à 14 h 30
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Examen des articles de la première partie (suite et fin)
=> Explications de vote sur l’ensemble de la première partie
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 5 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 29 novembre à 15 heures
=> Scrutin public ordinaire de droit
Le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Sécurités (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 45)
. Compte spécial : contrôle de la circulation et du stationnement routiers
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 29 novembre à 11 heures
Vendredi 1er décembre 2023
À 9 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ou nouvelle lecture
En cas de lecture de conclusions de la commission mixte paritaire :
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : jeudi 30 novembre à 15 heures
En cas de nouvelle lecture :
• Réunion de la commission pour le rapport : jeudi 30 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 1er décembre à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : vendredi 1er décembre à l’issue de la discussion générale
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : jeudi 30 novembre à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Enseignement scolaire (+ articles 53 et 54) (durée maximale prévisionnelle : 3 heures 30)
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 30 novembre à 11 heures
=> Recherche et enseignement supérieur (durée maximale prévisionnelle : 3 heures 15)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 30 novembre à 11 heures
=> Cohésion des territoires (durée maximale prévisionnelle : 4 heures 30)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (5) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 30 novembre à 11 heures
Samedi 2 décembre 2023
À 10 h 30 et à 14 heures
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Engagements financiers de l’État (durée maximale prévisionnelle : 2 heures)
. Compte spécial : participations financières de l’État
. Compte spécial : accords monétaires internationaux
. Compte spécial : prêts et avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
et Remboursements et dégrèvements
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun
• Temps attribué à la rapporteure pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 1er décembre à 11 heures
=> Économie (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 30)
. Compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 1er décembre à 11 heures
=> Plan de relance (durée maximale prévisionnelle : 1 heure 45)
et Investir pour la France de 2030
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 1er décembre à 11 heures
=> Pouvoirs publics (durée maximale prévisionnelle : 2 heures)
et Conseil et contrôle de l’État
et Direction de l’action du Gouvernement
. Budget annexe : publications officielles et information administrative
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (5) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 1er décembre à 11 heures
Éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Examen des missions et des articles rattachés reportés
Éventuellement, dimanche 3 décembre 2023
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Examen des missions et des articles rattachés reportés
PROJET DE LOI DE FINANCES
Lundi 4 décembre 2023
À 10 heures, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Immigration, asile et intégration (durée maximale prévisionnelle : 1 heure 45)
• Temps attribué à la rapporteure spéciale : 5 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 1er décembre à 11 heures
=> Écologie, développement et mobilités durables (+ articles 50, 51 et 52) (durée maximale prévisionnelle : 8 heures)
. Budget annexe : contrôle et exploitation aériens
. Compte spécial : financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (4) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 1er décembre à 11 heures
Mardi 5 décembre 2023
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Travail et emploi (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 45)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 4 décembre à 11 heures
=> Santé (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 30)
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué à la rapporteure pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 4 décembre à 11 heures
=> Solidarité, insertion et égalité des chances (durée maximale prévisionnelle : 3 heures 30)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 4 décembre à 11 heures
Mercredi 6 décembre 2023
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 56, 57, 58 et 59) (durée maximale prévisionnelle : 8 heures 30)
. Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 5 décembre à 11 heures
=> Administration générale et territoriale de l’État (durée maximale prévisionnelle : 1 heure 15)
• Temps attribué à la rapporteure spéciale : 5 minutes
• Temps attribué à la rapporteure pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 5 décembre à 11 heures
Jeudi 7 décembre 2023
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Transformation et fonction publiques (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 15)
. Compte spécial : gestion du patrimoine immobilier de l’État
et Gestion des finances publiques
et Crédits non répartis
et Régimes sociaux et de retraite
. Compte spécial : pensions
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 6 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 6 décembre à 11 heures
=> Culture (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 15)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 6 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 6 décembre à 11 heures
=> Médias, livre et industries culturelles (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 15)
. Compte spécial : avances à l’audiovisuel public
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (6) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 6 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 6 décembre à 11 heures
=> Outre-mer (+ article 55) (durée maximale prévisionnelle : 3 heures 45)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 6 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 6 décembre à 11 heures
Vendredi 8 décembre 2023
À 9 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (durée maximale prévisionnelle : 1 heure 30)
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué à la rapporteure pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 7 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 7 décembre à 11 heures
=> Action extérieure de l’État (durée maximale prévisionnelle : 3 heures 15)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 7 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 7 décembre à 11 heures
=> Aide publique au développement (durée maximale prévisionnelle : 1 heure 45)
. Compte spécial : prêts à des États étrangers
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 7 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 7 décembre à 11 heures
=> Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (durée maximale prévisionnelle : 5 heures)
. Compte spécial : développement agricole et rural
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 7 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 7 décembre à 11 heures
Éventuellement, samedi 9 décembre 2023
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Examen des missions et des articles rattachés reportés
Éventuellement, dimanche 10 décembre 2023
Le matin, l’après-midi et le soir
- Éventuellement, sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Examen des missions et des articles rattachés reportés
PROJET DE LOI DE FINANCES
Lundi 11 décembre 2023
À 10 h 30, 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680)
=> Sport, jeunesse et vie associative (durée maximale prévisionnelle : 2 heures)
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 7 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 8 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 8 décembre à 11 heures
=> Justice (durée maximale prévisionnelle : 3 heures)
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 7 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 8 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 8 décembre à 11 heures
=> Défense (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 30)
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (8) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 7 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 8 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 8 décembre à 11 heures
=> Examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
• Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : jeudi 7 décembre à 12 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : vendredi 8 décembre à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : lundi 11 décembre à 9 h 30
Mardi 12 décembre 2023
À 14 h 30
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N., n° 1680)
=> Éventuellement, examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits (suite et fin)
=> Explications de vote sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2024
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 11 décembre à 15 heures
=> Scrutin public à la tribune de droit
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 12 décembre 2023 (suite)
L’après-midi (après le vote du projet de loi de finances pour 2024) et le soir
- Proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile, présentée par MM. Bruno Retailleau, François-Noël Buffet et plusieurs de leurs collègues (texte n° 646, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 12 décembre après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 11 décembre à 15 heures
Mercredi 13 décembre 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 13 décembre à 11 heures
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au GEST)
- Proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires, présentée par MM. Joël Labbé, Guillaume Gontard et plusieurs de leurs collègues (texte n° 923, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 24 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 8 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 13 décembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 12 décembre à 15 heures
- Proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l’instauration d’une allocation autonomie universelle d’études, présentée par Mme Monique de Marco et plusieurs de ses collègues (texte n° 15, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 13 décembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 12 décembre à 15 heures
À 22 heures
- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023
Les modalités de ce débat seront précisées lors de la prochaine réunion de la conférence des présidents.
Jeudi 14 décembre 2023
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
(Ordre du jour réservé au groupe RDPI)
- Proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l’attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires, présentée par Mme Nadège Havet et plusieurs de ses collègues (texte n° 922, 2022-2023)
Les modalités d’examen de ce texte seront précisées ultérieurement.
- Débat sur le thème « Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du Comité Interministériel des Outre-mer ? »
• Temps attribué au groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants : 8 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute
• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Conclusion par le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 13 décembre à 15 heures
De 16 heures à 20 heures
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
Cet ordre du jour sera complété ultérieurement.
À 21 h 30
- Éventuellement, suite de la proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile, présentée par MM. Bruno Retailleau, François-Noël Buffet et plusieurs de leurs collègues (texte n° 646, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)
Éventuellement, vendredi 15 décembre 2023
Le matin, l’après-midi et le soir
- Éventuellement, suite de la proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile, présentée par MM. Bruno Retailleau, François-Noël Buffet et plusieurs de leurs collègues (texte n° 646, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)
Prochaine réunion de la conférence des présidents : mercredi 15 novembre 2023, à 18 heures
La conférence des présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande de création d’une commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier (droit de tirage du groupe Les Républicains).
4
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
5
Attribution à une commission des prérogatives d’une commission d’enquête
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen d’une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu’il lui confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour mener une mission d’information sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023.
Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat lors de la séance du 23 octobre dernier.
Je mets aux voix la demande de la commission des lois.
(La demande de la commission des lois est adoptée.)
M. le président. En conséquence, la commission des lois se voit conférer, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour mener cette mission d’information.
Le Gouvernement sera informé de la décision qui vient d’être prise par le Sénat.
6
Immigration et intégration
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (projet n° 304 [2022-2023], texte de la commission n° 434 rectifié [2022-2023], rapport n° 433 [2022-2023]).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit également, suscitant l’étonnement amusé de ses collègues du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. C’est l’habitude… (Sourires.)
Mme Laurence Rossignol. Vous avez une amie, monsieur le ministre… (Mêmes mouvements.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Ne soyez pas jalouse… (Nouveaux sourires.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, sans conteste, les deux grands défis de notre siècle, qui se présentent déjà à nous, sont les questions environnementales et les questions migratoires.
Chacun est au fait des enjeux environnementaux, chacun les commente, chacun les voit, mais les enjeux migratoires sont moins évidents à traiter dans les débats médiatiques et politiques. À la lecture de la presse ce matin encore, nous pourrions croire que la France est une île, même si, nous l’avons vu récemment, le fait de se refermer sur son île n’est pas très efficace en matière d’immigration…
Quelque 110 millions de personnes : c’est le nombre de déplacés dans le monde en 2023 selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) du fait des guerres au Soudan, en Syrie, en Afghanistan, en Ukraine. Notre continent, l’Europe, est entouré de terres instables : Caucase, Proche-Orient, Moyen-Orient, Sahel, Libye.
Si les pays du Sud accueillent les trois quarts de ces déplacés, l’Europe connaît elle aussi une augmentation de son immigration irrégulière et de ses demandes d’asile. Ces dernières ont augmenté de 60 % depuis le début de l’année et concernent tous les pays, régimes politiques et gouvernants.
À ces demandeurs d’asile s’ajoutent entre 21 et 24 millions de réfugiés par an du fait des dérèglements climatiques, soit 60 000 par jour ! Les pays les plus pauvres sont cinq fois plus touchés par ces dérèglements, ce qui accroît le nombre de départs dans leur population vers l’Occident, vers l’Europe.
En un mot, nous n’avons pas fini de parler d’immigration…
C’est peut-être tant mieux, car, mesdames, messieurs les sénateurs, parler d’immigration revient à parler de notre souveraineté, de ce qui fait un État et ses frontières, des choix de ce dernier en matière d’accueil sur son territoire, en matière d’intégration et de conditions à cette intégration, ou permet de définir ceux dont on veut se séparer.
Parler d’immigration est certes difficile, car nous parlons de femmes, d’hommes et d’enfants, mais c’est nécessaire et éminemment politique.
Parler d’immigration, c’est aussi parler de notre modèle républicain et social, de sa capacité à intégrer, des moyens qu’on lui octroie, des règles que nous fixons.
Parler d’immigration, c’est également parler de sécurité.
Enfin, parler d’immigration, c’est parler aux Français.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme moi, vous rencontrez vos électeurs ; comme moi, vous lisez les sondages. Les Français sont préoccupés par l’immigration. Ils sont parfois paradoxaux, mais toutes et tous nous demandent de légiférer et de prendre des décisions.
Le texte que propose le Gouvernement est une proposition en ce sens. Ici, devant vous, avec humilité, le ministre de l’intérieur, qui, depuis trois ans et demi, est chargé, à la demande du Président de la République et de la Première ministre, de ces questions, est ouvert à la discussion avec le Sénat, avec l’ensemble du Parlement, pour coconstruire, ensemble, un texte ferme, juste et, surtout, efficace.
Ce qui comptera pour le ministre de l’intérieur que je suis, ce ne seront ni les postures ni les futures majorités, mais ce sera l’efficacité. Sommes-nous capables de doter de moyens notre pays, nos services de police, nos services préfectoraux, tous ceux qui travaillent dans le monde parfois difficile des questions migratoires, pour plus d’efficacité, pour répondre à la demande d’autorité des Français, pour répondre aux exigences d’intégration, pour éviter que les populistes ne surfent sur l’incapacité qu’ont les États d’appliquer leurs décisions ?
Le Gouvernement est cohérent. La loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), pour laquelle vous avez ici très majoritairement voté, au-delà même de la majorité sénatoriale, augmentait de 25 % les crédits du ministère de l’intérieur alloués à l’intégration. Elle ouvrait une refonte extrêmement importante des préfectures et du travail que ces dernières fournissent au service de nos concitoyens.
Monsieur le président de la commission des lois, vous m’avez demandé, voilà plus de deux ans, une telle refonte. Je tiens, au travers de ce propos, à saluer tous les agents de préfecture, tous ceux qui travaillent dans les bureaux et assurent les accueils, dans des conditions parfois très difficiles. Ils reçoivent à la fois nos compatriotes et ceux qui, étrangers, veulent des titres de séjour ou qui ont reçu de notre part l’ordre de repartir chez eux.
Cette réforme des préfectures, qui n’est pas d’ordre législatif, accompagne ce texte de loi. Elle est la conséquence de la Lopmi. Je m’engage à présenter devant vous dans les prochaines semaines cette réforme profonde, d’ordre réglementaire, pour qu’elle soit effective au 1er janvier de l’année prochaine.
En quelques mots, j’indique qu’elle vise à accorder tous les moyens nécessaires pour que les préfectures vérifient l’intégration des personnes, pour qu’elles examinent les titres de séjour après le premier dépôt d’une demande et pour leur permettre de lutter avec force, en les renvoyant dans leur pays, contre tous ceux qui ont des casiers judiciaires ou qui commettent des actes de délinquance en France et abusent de notre générosité. Il s’agit d’accorder aux préfectures les moyens d’appliquer les fameuses obligations de quitter le territoire français (OQTF), expression devenue pour les Français un synonyme d’incapacité à appliquer les reconduites hors du territoire.
Cette réforme vise en même temps à ne pas embêter tous ces étrangers qui vivent depuis tant d’années, parfois des décennies, sur le sol national, qui ne font de mal à personne et qui attendent longtemps le renouvellement de leur titre de séjour.
Je pense à ce chibani de Tourcoing qui, depuis quarante-cinq ans, réside sur le territoire national. Certes, il a gardé la nationalité de son pays d’origine, mais il a combattu dans les armées françaises. La République ne s’honore pas à le faire patienter devant la préfecture du Nord pour renouveler son titre de séjour alors que, à 80 ans, il ne fait de mal à personne et, pour ainsi dire, chante La Marseillaise comme nous tous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, après la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, après la refonte de la vie de nos préfectures, le temps à venir est aussi européen, au travers de la modification de nos règles d’asile et d’immigration.
L’Europe a une gouvernance économique de l’immigration, elle a des conseils des ministres de l’économie et des finances, des conseils au sein desquels se réunissent les ministres de la zone euro, mais elle n’a pas de gouvernance politique de l’immigration. Alors que nos frontières sont communes et que les enjeux sont planétaires, nous ne parlons pas, sauf très difficilement, d’une seule voix quand il s’agit d’aborder la question migratoire.
Il est évident que l’une des grandes réponses à ce défi est l’Union européenne. Tous les gouvernants, y compris ceux qui ont fait électoralement campagne contre l’Europe, en sont à appeler la Commission européenne, le Parlement européen ou leurs collègues européens des autres ministères de l’intérieur pour pouvoir répondre aux crises, comme cela a été récemment encore le cas à Lampedusa.
Oui, il faut des règles européennes ; oui, la libre circulation à l’intérieur de l’Union européenne doit se faire si, et seulement si, les frontières extérieures de l’Europe sont tenues, et fermement. Actuellement, ce n’est pas le cas. (MM. Roger Karoutchi et André Reichardt acquiescent.)
Sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne, le Président de la République a défendu le pacte sur la migration et l’asile qui, depuis vingt ans, traînait dans les bureaux de la Commission européenne.
Avec l’alliance politique de la plupart des pays européens, la France, par son dynamisme, a réussi à faire adopter deux textes essentiels pour l’Europe et pour notre pays.
Le premier texte est la réforme du règlement relatif à Eurodac, la base de données de l’Union européenne pour la comparaison d’empreintes digitales des demandeurs d’asile. Actuellement, les étrangers qui arrivent en Europe ne sont pas enregistrés. Ici ou là, ils reçoivent un accueil ; parfois, ils sont poussés vers d’autres pays. Comme les Français et nos courageux policiers et gendarmes le constatent, nous ne savons pas qui ils sont. Nous ne connaissons pas leur âge : sont-ils ou non majeurs ? Nous ignorons les raisons de leur venue chez nous. Lorsqu’ils sont interpellés, ils demandent l’asile, et sont ainsi relâchés. Commence alors un nouveau processus, long, qui empêche la République de savoir qui elle accueille sur le territoire national.
La réforme de la base de données Eurodac, adoptée par le Conseil européen et – je l’espère – bientôt votée, avant les élections européennes, par le Parlement européen, permettra d’enregistrer tous les étrangers sur le sol européen, de prendre leurs empreintes, de connaître leur identité et leur âge, et de reconstituer leur état civil.
De plus, cette réforme permettra à toutes les polices européennes, grâce au système européen Etias d’information et d’autorisation concernant les voyages – European Travel Information and Authorization System –, de connaître le contenu de ce fichier. Lorsqu’elles procéderont à une interpellation, elles sauront l’identité de la personne, sans avoir à reprendre le processus mortifère que j’évoquais précédemment au sujet de l’incapacité des États à agir.
Cette disposition, monsieur le président de la commission des lois, figure dans ce texte. Nous pourrons ainsi être informés de l’identité de tous ceux qui arriveront sur notre sol et dès lors nous lutterons férocement contre l’immigration irrégulière.
Le second texte, très important, défendu à l’échelon européen touche évidemment à l’asile à la frontière au travers de la fiction de non-entrée physique et juridique sur le sol européen. Un nombre important de personnes arrivent en Europe en provenance de pays où nous partons en vacances et avec lesquels nous avons des relations diplomatiques extrêmement fortes. Ces pays ne sont pas des dictatures et la situation n’y est nullement difficile. Pour autant, beaucoup de demandes d’asile en sont issues ; elles « embolisent » les services et empêchent de rendre une réponse rapide à ceux qui ont vraiment besoin de l’asile en France.
Le principe d’asile à la frontière nous permettra très rapidement d’opérer une distinction entre ceux qui méritent que leur soit accordée une protection forte, que l’Europe leur prête une oreille attentive et humaniste, et ceux qui abusent du droit d’asile par un détournement de procédure.
Ces deux textes, s’ils sont votés très prochainement par le Parlement européen, aideront tous les Européens, donc la France, à être plus efficaces et plus réactifs.
Comme je l’ai indiqué, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement se présente devant la Chambre haute plein d’humilité, mais aussi de volontarisme.
Ce projet de loi, madame, monsieur les rapporteurs, a été déposé sur le bureau du Sénat voilà quelques mois. Il a été adopté par la commission des lois, à quelques détails près (Mme Marie-Pierre de La Gontrie sourit.), ce dont je remercie cette dernière. Arrivé avec vingt-sept articles, il a atteint la cinquantaine : la commission, après en avoir supprimé seulement deux du projet de loi, en a ajouté presque autant.
J’ai déjà eu l’occasion, en m’exprimant publiquement ou en répondant aux questions dans votre hémicycle, de dire que le Gouvernement émettrait un avis favorable sur la quasi-intégralité des dispositions présentées par la majorité sénatoriale, donnant ainsi corps à la coconstruction. Nous partons du principe que notre texte n’était pas mauvais, puisqu’il a été adopté par la commission des lois du Sénat, mais que le Gouvernement n’était pas seul à avoir raison : il faut que cette loi soit élaborée avec l’ensemble des parlementaires.
Le texte que j’ai eu l’honneur de soumettre au nom du Gouvernement et du Président de la République prend directement sa source dans la campagne présidentielle et repose sur deux mots : fermeté et simplification.
Je commence par la fermeté.
La fermeté s’exerce d’abord contre les étrangers délinquants. Les Français ne comprennent pas que nous n’arrivions pas à éloigner ou à expulser du territoire national des personnes qui ont commis des crimes de sang, qui s’en sont prises à leur femme et aux policiers, qui se livrent au trafic de drogue.
Ce ne sont ni la Constitution ni la Convention européenne des droits de l’homme qui empêchent de les expulser, c’est la loi française ! L’année dernière, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai demandé et obtenu l’expulsion de 2 500 étrangers délinquants.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas assez !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je n’ai pas pu obtenir et même pas pu demander à la justice de notre pays l’expulsion de 4 000 personnes, non parce que je n’avais pas les laissez-passer consulaires des pays ou qu’un juge aurait trouvé cette expulsion disproportionnée, mais parce que le législateur, il y a presque vingt-cinq ans, a décidé qu’il ne fallait pas, en plus de la peine prononcée contre un étranger ayant commis un acte grave, l’éloigner ou l’expulser du territoire national. Les réserves d’ordre public étaient ainsi inventées…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Rachid Temal. C’est Nicolas Sarkozy !
M. Gérald Darmanin, ministre. … pour les personnes arrivées avant 13 ans dans notre pays ou qui s’y sont mariées.
Dès lors, je ne peux pas expulser quelqu’un qui est arrivé à 12 ans et demi sur le sol national et qui à 19 ans a commis un crime. En revanche, celui qui est arrivé à 13 ans et demi sur le territoire national et qui à 19 ans, pour diverses raisons, a commis un délit, comme un vol de voiture, je peux l’expulser ! Qu’y a-t-il de logique, mesdames, messieurs les parlementaires, dans cette législation ?
Je viens demander au Sénat et à l’Assemblée nationale de lever les réserves d’ordre public et de permettre au ministre de l’intérieur d’appliquer ce que demandent les Français : la fermeté. Que ceux que nous accueillons généreusement sur notre territoire respectent nos règles ! S’ils ne les respectent pas, s’ils sont responsables d’avoir commis des crimes et des délits, s’ils ne se conforment pas aux valeurs de la République, alors obtenons leur éloignement ou leur expulsion du territoire national.
La fermeté s’exerce également au travers du retrait ou du non-renouvellement des cartes de résident pour les étrangers en France qui ne respectent pas les règles, quels que soient les conditions d’attribution de ces cartes, le statut ou la nationalité des personnes.
À l’heure actuelle, lorsque le ministère prend connaissance, de la part des services de la justice, de la police ou de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), du non-respect des règles de la République par une personne, le ministre de l’intérieur – les Français doivent le savoir ! – ne peut pas lui retirer son titre de séjour, du moins pas dans tous les cas.
La fermeté s’exerce aussi contre les passeurs. Un écosystème mafieux utilise la misère humaine ; en échange de grosses sommes d’argent, ils se livrent à un trafic pour faire venir en France ou en Europe des femmes, des enfants et des hommes. Les passeurs ne sont pas les gentils organisateurs des arrivées en Occident ! Ils sont des criminels dont l’argent finance la drogue, le terrorisme et la prostitution.
Nous devons les combattre.
Pour l’instant, un passeur encourt une peine délictuelle ! Les services de sauvetage de la police et de la gendarmerie, ainsi que des bénévoles, ont tenté de porter secours en novembre dernier aux vingt-sept personnes mortes dans la Manche, faisant face aux corps de femmes enceintes repêchés dans une eau à trois degrés.
Ceux qui étaient responsables de ces morts malheureuses n’étaient pas les policiers français, eux qui tous les jours plongent dans la mer du Nord pour essayer de sauver quelques vies et qui donnent un peu d’espoir aux migrants tentant leur chance en Grande-Bretagne.
La responsabilité n’en revient pas davantage à nos règles. Les responsables, ce sont les criminels, lesquels peuvent seulement être poursuivis actuellement devant la justice pour un délit.
Pour montrer de la fermeté contre les passeurs, ces délits doivent devenir des crimes, passibles de vingt ans de prison. C’est l’objet de ce texte. Il s’agit de considérer que le terrorisme, le trafic de drogue ou d’êtres humains sont de même nature et méritent la sévérité des tribunaux.
En outre, la fermeté doit s’exercer contre les marchands de sommeil. Qui ici n’a pas été élu local et n’a pas vu son urbanisme, notamment en centre-ville, devenir une passoire ? Devant le travail qu’essaient de faire les élus en tenant compte de toutes les règles d’urbanisme et des difficultés qu’elles posent, l’on voit désormais des personnes, souvent ne déclarant pas leurs recettes au fisc, parfois étrangères elles-mêmes, qui utilisent la misère des gens pour pouvoir les loger sans quittance de loyer, sans lavabo, sans électricité, dans des locaux infestés par la mérule, malgré la présence d’enfants de quelques mois.
Oui, être marchand de sommeil, c’est comme être passeur : cela revient à commettre un crime contre des êtres humains. Ce texte, monsieur le président de la commission des lois, contient des dispositions qui attaquent pour la première fois aussi durement ces marchands de sommeil. En effet, l’objectif est de casser l’écosystème des irréguliers, en tout cas de l’immigration irrégulière.
De plus, la fermeté doit s’exercer contre certains patrons voyous. Ces derniers embauchent, connaissant pertinemment leur statut, des étrangers en situation irrégulière. Ils les exploitent dans des conditions inacceptables pour la concurrence : on est toujours moins cher lorsqu’on embauche des sans-papiers, lorsqu’on échappe à l’inspection du travail et qu’on n’est soumis ni aux cotisations ni aux charges patronales !
Les conditions sont également inacceptables pour les personnes qui subissent le joug, parfois moyenâgeux, de patrons qui font du chantage à la régularisation, qui utilisent la misère pour s’épargner d’avoir à accorder des avantages sociaux et des droits syndicaux aux salariés.
L’article 8, que le Sénat, Monsieur le président de la commission, a supprimé, est excellent. Je le dis sans aucune espèce de posture : Olivier Dussopt et moi le défendons.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est où, d’ailleurs ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je proposerai donc – ce sera assez rare dans ce débat, monsieur le président de la commission – un amendement de rétablissement. Oui, il faut fermer administrativement les entreprises qui, sciemment, embauchent les sans-papiers, sans quoi vous ne tarirez pas le flux des personnes qui viennent irrégulièrement dans notre pays ! Il est illogique de vouloir ne pas régulariser des personnes qui ne disposent pas de papiers sans fermer les entreprises qui les font venir, mesdames, messieurs les sénateurs !
Votons pour l’article 8 ! Travaillons dessus, s’il est mal rédigé, mais luttons fortement contre ceux qui embauchent des sans-papiers et qui ne le déclarent pas ! (M. Claude Malhuret applaudit.)
M. Rachid Temal. Alors nous ne ferons pas les jeux Olympiques !
M. Gérald Darmanin, ministre. Évidemment, des personnes tombent dans l’irrégularité pour la simple raison qu’elles utilisent un alias ou que la préfecture ne leur a pas répondu assez vite. Leur patron n’est pas un voyou quand il vient voir le parlementaire, le maire ou le préfet, qu’il lui indique devoir gérer la situation indésirable qui vient de tomber sur la tête de son salarié, cherchant à la régler.
D’autres patrons, malheureusement – vous le savez –, utilisent cette misère humaine pour faire plus de profits. Je pense que c’est le devoir de la droite, de la gauche, du centre comme des indépendants de lutter contre la filière d’immigration irrégulière que représente parfois un patronat sans scrupules.
Enfin, la fermeté touche aux exigences d’intégration.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à l’heure actuelle, pour avoir une carte de séjour long, il faut prendre des cours de français, mais sans que personne vérifie s’ils ont été parfaitement suivis et, surtout, s’ils ont été efficaces, contrairement à ce qui prévaut beaucoup de pays dans le monde !
Ce texte contient une mesure qui, à mon avis, est attendue par tout le monde, en premier lieu – je le pense – par les étrangers qui veulent s’intégrer. De fait, nous consacrons beaucoup plus de moyens à l’intégration, comme je l’indiquais au sujet de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Nous prévoyons, dans un article que le Sénat a malheureusement supprimé là aussi, qu’un temps d’apprentissage du français puisse avoir lieu sur les horaires de travail.
Si une femme de ménage fait une heure et demie de trajet en RER pour être au travail à quatre heures et demie du matin, si elle reprend, à sept heures du matin, le RER pendant une heure et demie tout en ayant deux enfants chez elle, dans une ville très éloignée du centre de Paris, il n’est pas vrai qu’elle aura le temps à quatorze heures trente d’aller à la préfecture ou dans une association prendre des cours de français !
Je ne parle pas de taxes, je parle d’une responsabilité sociale des employeurs, comme c’est le cas dans ma région, dans le nord de la France. Après le « 1 % logement », je vous propose le « 1 % intégration », si j’ose dire !
L’intégration par le travail concerne très majoritairement les femmes ; cette immigration est avant tout féminine. Si les employeurs embauchent des personnes, notamment ces femmes, qui n’ont pas toutes les capacités de s’intégrer, du fait, par exemple, qu’elles ne parlent pas français, il faut non seulement qu’ils autorisent l’apprentissage du français pendant les heures de travail, mais aussi qu’un examen permette de savoir si cet apprentissage est réussi.
Si l’apprentissage est réussi, on a droit à un titre de séjour long sur le territoire national. S’il ne l’est pas, l’intégration est impossible : il faut quitter le territoire. C’est l’idée que nous vous soumettons. C’est ce que proposent – je le rappelle – la plupart des grands pays qui nous entourent. Il est inimaginable de travailler aux États-Unis sans avoir un travail régularisé et sans parler anglais !
Nous ne proposons rien d’autre que de pouvoir intégrer les personnes, au moment où le Président de la République et vous tous – j’ai cru le comprendre à partir des débats récents – avez défendu la langue française. Le Gouvernement ne comprendrait pas que nous ne trouvions pas un accord sur l’exigence de savoir parler français pour s’intégrer en France et se voir délivrer un titre de séjour.
Après la fermeté, la simplification.
Monsieur le président de la commission des lois, je dois plaider coupable. Je plaide coupable de plagiat. (M. Mickaël Vallet soupire.) La simplification des procédures est l’objet du rapport d’information Services de l’État et immigration : retrouver sens et efficacité, rédigé par M. Buffet au nom de l’ensemble du Sénat ; de fait, je crois savoir, monsieur le président de la commission, que tous les groupes politiques ont adopté votre rapport, qui s’inspirait lui-même d’un autre rapport, celui-ci du Conseil d’État.
Le drame de notre politique migratoire et de la non-application des OQTF, nonobstant mon évocation précédente des réserves d’ordre public, est le fait que nous soyons longs, et même beaucoup trop longs.
La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, dite loi Collomb, a permis à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), agence qui, au ministère de l’intérieur, étudie les demandes d’asile, de travailler plus rapidement.
Avant que M. Collomb ne présente son texte, les délais étaient à peu près d’un an. Désormais, ils sont de cinq mois. En moyenne, car il y a des cas particuliers, nous avons divisé par deux le temps de réponse. Or la justice administrative continue pour sa part d’être lente, notamment la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
Mesdames, messieurs les sénateurs, voici un exemple. Imaginons, à côté de quelqu’un qui arriverait en France ce matin après avoir traversé les mers et qui demanderait l’asile, l’arrivée au même moment d’une personne souhaitant détourner ce droit pour rester en France. Cette personne commencerait par déposer un dossier à l’Ofpra. En cinq mois à peu près, nous donnerions une réponse. Nous ne sommes pas laxistes : dans 70 % des cas, l’Ofpra répond par la négative. En effet, nous refusons 70 % des demandes d’asile en France. Nous avons l’un des taux de refus les plus importants d’Europe.
Une fois ce refus formulé, que ferait le demandeur ? Il déposerait un recours devant la Cour nationale du droit d’asile, recours qui prend entre neuf mois et un an. La procédure aurait donc commencé depuis presque un an et demi. La Cour nationale du droit d’asile n’est pas laxiste non plus : dans 70 % des cas également, elle dit non !
Que ferait la personne ensuite ? Elle attendrait que le préfet lui délivre une OQTF, laquelle est susceptible de recours. La personne engagerait donc cette procédure. Pendant ce temps-là, le ministre de l’intérieur ne pourrait pas l’expulser, donc attendrait.
Vous le savez bien, de 40 % à 50 % des contentieux devant les tribunaux administratifs relèvent du droit des étrangers, et même 60 % devant les cours administratives d’appel. Celles-ci, ainsi que les tribunaux administratifs de nos territoires, écoutent de moins en moins les doléances de vos élus locaux sur l’urbanisme, car, de plus en plus, elles ne font que du contentieux des étrangers. (Mme le rapporteur acquiesce.)
Par conséquent, cet étranger qui serait déjà arrivé depuis plus d’un an et demi sur le territoire national attendrait encore neuf mois que le tribunal administratif, par exemple de Lille, le déboute, car, dans 70 % des cas, le jugement va dans ce sens.
Que ferait enfin cet individu ? Il saisirait le Conseil d’État, un recours encore suspensif.
Voilà comment quelqu’un qui se serait vu opposer un refus quatre fois, à qui on aurait imposé un arrêté de reconduite à la frontière, pour qui on aurait sans doute négocié un laissez-passer consulaire avec tel ou tel pays, pourrait rester deux à trois ans sur le territoire national sans que nous puissions l’expulser.
Pendant ce temps-là, cette personne aurait peut-être été embauchée par un patron voyou, parce qu’il faut bien qu’elle vive. Elle aurait peut-être eu l’occasion d’avoir accès au logement, ce dont nous reparlerons. Elle aurait peut-être eu accès à la santé, ce dont nous reparlerons aussi. Elle aurait peut-être fait des enfants sur le territoire national. Si tel avait été le cas et que cette personne s’était mariée, alors le ministre de l’intérieur ne pourrait pas l’expulser, puisque cet individu entrerait dans les réserves d’ordre public qui empêchent d’agir !
Je vous demande que l’on puisse répondre à quelqu’un rapidement, par l’affirmative ou par la négative. Pour la première fois, le Gouvernement ne vient pas devant vous pour changer la liste des pays qui sont sûrs ou qui ne le sont pas, ou pour changer les critères de l’asile. Il vous assure que nous avons globalement de bons critères, des agents courageux à l’Ofpra, des juges qui, en général, écoutent la demande du ministère de l’intérieur, mais qui sont aussi sensibles à la misère de telle ou telle personne.
En moyenne, nous répondons par la négative à 70 % des personnes qui se présentent chez nous, mais au bout de trois ans. Si finalement la réponse devait être positive au terme de cette période, pensez-vous que leur vie pendant ce temps serait digne de la France ? Quelques centaines d’euros sont octroyés à ces personnes au titre de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) ou de l’aide sociale. Forcément, elles sont prises dans la spirale soit du travail illégal soit, pire, de la difficulté et de la délinquance.
Inspirés par le rapport Buffet, nous vous demandons la rapidité. Notre droit compte aujourd’hui douze procédures différentes pour contester les décisions relatives au séjour des étrangers. Il n’est pas de contentieux plus complexe ! Nous proposons de passer à trois ou quatre procédures seulement – c’est en débat avec la commission –, par souci d’accélérer la prise de décision.
La simplification passe également par l’extension du recours à la vidéo-audience.
Elle passe aussi, en matière de réforme de l’asile, par la territorialisation de l’Ofpra. Il s’agit de permettre à la justice administrative, y compris à la CNDA, d’offrir des réponses de proximité pour aller plus vite.
Nous voulons simplifier aussi le travail des policiers, qui ne peuvent aujourd’hui procéder à une prise d’empreintes par coercition. Nous proposons de rendre cela possible.
De même, ceux de nos policiers qui sont à nos frontières ne peuvent inspecter une voiture transportant des bouées ou un moteur de bateau hors réquisition du procureur de la République. Ce projet de loi prévoit bien évidemment de simplifier leur travail en leur donnant les moyens d’agir.
Nous appelons à la simplification, toujours, pour agir à l’encontre de tous ceux qui abusent de notre droit au séjour, notamment dans le cadre de la demande d’asile. Les Français doivent savoir que le ministre de l’intérieur ne peut retirer la carte de résident d’un Tchétchène, par exemple, ayant le statut de réfugié politique en France et qui retournerait passer l’été en Tchétchénie, pays – dictature ! – dont il a pourtant demandé à être protégé ! (MM. Joshua Hochart et Stéphane Ravier s’exclament.) Je vous demande de corriger cette imperfection, comme les autres, demande qui me paraît frappée au coin du bon sens.
Simplification, enfin, en ce qui concerne les titres de séjour, qui sont bien trop nombreux, comme vous le soulignez souvent, madame la rapporteure. Nous proposons de faire un premier pas en supprimant dix titres de séjour liés au passeport talent. Simplification, simplification, simplification !
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est ferme, mais non dépourvu d’humanité. Pour la première fois, le Gouvernement de la République va proposer que les enfants de moins de 16 ans ne soient plus placés dans les centres de rétention administrative. En pratique, c’est ce que nous faisons déjà depuis un an. À l’exception de Mayotte, où sont mises en œuvre des dispositions particulières et pour le bien du service public et pour celui de nos compatriotes mahorais, le Gouvernement propose au Parlement d’inscrire cette pratique dans la loi.
Ce texte est ferme, mais il respecte les outre-mer. Pour la première fois, un texte régalien va traduire directement les dispositions de l’article 73 de la Constitution : les outre-mer méritent mieux qu’une habilitation à légiférer par ordonnance.
Nous resterons extrêmement ouverts aux dispositions nouvelles, notamment pour ce qui concerne la Guyane et Mayotte, mais aussi pour tout territoire ultramarin qui souhaiterait voir s’appliquer son droit particulier. Qui peut penser qu’il est loisible de gérer la Guyane et Mayotte comme la Corrèze ou le nord de la France ? Le Gouvernement sera bien évidemment très sensible aux dispositions que proposeront les parlementaires ultramarins – et les autres.
Ce texte est ferme, mais il n’est pas fermé. Le Gouvernement est à l’écoute de la Haute Assemblée pour en modifier les articles, pour adopter les amendements, d’où qu’ils viennent,…
Mme Laurence Rossignol. Surtout de la droite !
M. Gérald Darmanin, ministre. … à partir du moment où ils visent à répondre à nos exigences d’efficacité, de fermeté et de simplicité, et pour trouver le meilleur compromis possible. Il s’agit de montrer aux Français, quelles que soient nos différences, que nous avons compris qu’ils nous demandent d’agir ensemble.
Le Gouvernement a déposé plusieurs amendements dont je me suis expliqué avec le président de la commission des lois ainsi qu’avec Mme et M. les rapporteurs. Je proposerai notamment une modification complète du travail du juge des libertés et de la détention (JLD), en lien avec M. le garde des sceaux, pour faire en sorte que les personnes détenues en centre de rétention administrative ne soient plus libérées pour des raisons de forme ou de nullité de la procédure. Le JLD doit avant tout s’arrêter sur la dangerosité desdites personnes que l’on souhaite expulser.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez adopté la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, qui visait notamment à porter le nombre de places en centres de rétention administrative de 1 300 à 3 000. Les personnes concernées sont soit fichées pour radicalisation, soit connues pour des actes de délinquance. La population de ces centres a changé. Nous nous concentrons d’abord sur l’expulsion des personnes dangereuses pour le bien public, ce qui me semble de bon sens.
Le juge des libertés et de la détention ne peut plus agir comme il le faisait jadis, lorsque les personnes placées en centre de rétention n’avaient commis aucun acte délictuel. Nous souhaitons que le JLD tienne compte avant tout de cette dangerosité et qu’il n’annule pas le travail réalisé par le ministère de l’intérieur pour des questions de tampons manquants ou pour une nullité de procédure bénigne.
Le Gouvernement proposera également d’allonger de cinq à dix ans l’interdiction de retour sur le territoire national. Les décisions d’expulsion sont aujourd’hui assorties d’une interdiction de retour de cinq ans ; or, dans certains cas que je ne peux détailler dans l’instant – je pourrai le faire devant vous ultérieurement –, il nous semble préférable de porter cette interdiction à dix ans. Cette durée correspond aux règles de plusieurs de nos voisins européens et participera de l’efficacité de la sécurité publique.
Le Gouvernement a également déposé un amendement visant à éviter les abus de demande d’asile. Quand un policier interpelle une personne en situation irrégulière, il suffit à celle-ci de se déclarer en demande d’asile, même si les démarches n’ont pas encore été entreprises, pour être relâchée jusqu’à ce qu’elle dépose sa demande. S’ensuit alors la procédure de trois ans que j’évoquais voilà quelques instants… Face à cette situation, le Gouvernement propose une disposition très ferme et très forte : lorsque la personne interpellée en situation irrégulière invoquera, pour rester plus longtemps sur le territoire, une demande d’asile pour laquelle elle n’aurait pas encore entamé de démarches administratives, elle devra désormais effectuer cette demande en rétention, selon une procédure accélérée.
Le Gouvernement va également proposer que les demandes d’asile de personnes ayant déjà obtenu l’asile dans un autre pays soient irrecevables. On comprend aisément le sens de cette disposition au regard du drame d’Annecy, même si ce texte a été rédigé antérieurement à cette attaque.
Le Gouvernement n’épuise pas les autres débats liés à ce texte, qui peuvent être d’ordres constitutionnel – vous débattrez bientôt d’une proposition de loi constitutionnelle –, référendaire – le Président de la République a ainsi proposé aux partis de réfléchir à l’extension du champ du référendum de l’article 11 de la Constitution à des questions de société telles que l’immigration – ou européen et conventionnel.
Personne n’a jamais dit que ce texte constituait une réponse à tout ; mais personne ne peut dire sérieusement qu’il manque de fermeté ni nier qu’il permettra d’offrir à nos policiers et à nos gendarmes des moyens supplémentaires. Personne ne peut dire non plus que le Gouvernement n’est pas ouvert à la discussion avec le Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Alain Marc au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ne disposant pas d’un temps bien considérable, je me contenterai de tracer à grands traits le travail réalisé par la commission des lois sur ce projet de loi, dernier avatar d’une litanie de textes sur l’immigration dont le nombre même nous laisse penser qu’ils n’ont jamais atteint le but qui leur était assigné.
Pour aborder ce texte, nous avons d’abord tenu compte de sa nature : il s’agit d’une loi ordinaire, qui ne nous permet pas de nous affranchir des contraintes que nous imposent la Constitution et les engagements européens et internationaux de notre pays.
Nous avons aussi essayé d’écarter les quelques poncifs qui sont repris dans la vie politique française et qui nuisent, selon moi, à la bonne efficacité de nos décisions.
Non, l’immigration n’est pas systématiquement synonyme de délinquance. (Marques d’ironie sur les travées des groupes SER et GEST.) Ce serait faire injure à nos concitoyens d’origine étrangère que de le dire.
En revanche, il ne faudrait pas tomber de l’excès dans l’aveuglement et ne pas voir qu’un certain type de délinquance – je pense notamment au terrorisme islamiste qui sévit sur notre territoire – n’est pas sans lien avec l’immigration. (Murmures sur les mêmes travées.)
De la même façon, et dans un autre ordre d’idées – pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais vous êtes sans doute celui qui répète le plus cette antienne –, non, l’immigration n’est pas toujours une chance pour la France.
M. Rachid Temal. C’est l’Histoire de France !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Certes, les étrangers peuvent exercer un certain nombre de métiers en France, mais il s’agit alors davantage d’une spécificité de notre marché du travail.
On peut aussi penser que côtoyer une culture étrangère est plutôt enrichissant, ce qui est vrai. Toutefois, lorsque cette culture prend une place telle qu’elle crée une « insécurité culturelle », pour reprendre les termes de Laurent Bouvet,… (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Rachid Temal. Oh là là !
Mme Audrey Linkenheld. Et voilà le grand remplacement !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. … c’est-à-dire la sensation que notre propre culture est contrecarrée sur notre territoire, nos concitoyens n’y voient pas une chance pour la France.
Les immigrés eux-mêmes, me semble-t-il, n’estiment pas être une chance pour notre pays. Quitter sa terre natale, ses proches, tout ce qui nous est familier comme notre histoire, nos traditions ou notre culture est forcément un déchirement à ne pas sous-estimer. L’émigration est toujours une souffrance pour celui qui part (Marques d’ironie sur les travées des groupes SER et GEST.), surtout lorsqu’il confie les économies familiales à ces nouveaux esclavagistes que sont les passeurs pour risquer sa vie en Méditerranée. L’immigré ne vient pas chez nous pour nous rendre service, mais parce qu’il pense que la France est une chance pour lui.
C’est donc en écartant ces poncifs que nous avons abordé ce texte. Préalable indispensable, nous avons également défini ce qu’est une politique migratoire, à savoir une politique qui consiste à dire qui a le droit d’entrer et de rester dans un pays qui n’est pas le sien, et à quelles conditions.
S’il existe 187 types de titre de séjour en France et si chacun sait comment y rentrer, il est un vide terrible : déterminer quels étrangers peuvent venir en France et pour y faire quoi.
L’apport principal de la commission des lois a consisté à introduire un titre Ier A visant à véritablement maîtriser les voies d’accès au territoire. Qui s’intéresse à ces sujets, comme Philippe Bonnecarrère et moi-même le faisons depuis quatre ans dans le cadre du débat budgétaire ou comme le fait le président Buffet depuis de nombreuses années, sait que le trop grand nombre d’entrées sur le territoire nuit à la politique migratoire : nous ne savons plus accueillir, nous ne savons plus intégrer et, en définitive, nous n’appliquons même plus les textes que nous votons. Nous ne sommes pas en mesure d’éloigner les personnes entrées en France de manière irrégulière ni celles qui ont perdu leur titre de séjour après être rentrées légalement sur notre territoire.
Ce premier titre prévoit donc un débat au Parlement afin de fixer des quotas pour déterminer, autant que faire se peut, qui va rentrer en France et quelle quantité d’étrangers nous pouvons accueillir. Nous avons aussi resserré les conditions du regroupement familial et celles de l’obtention du titre « étranger malade » et du titre « étudiant », lequel doit être davantage contrôlé. Tel est l’apport principal de la commission des lois ; nous débattrons des autres sujets au cours de la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canévet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après avoir rappelé les propos du président Larcher, pour lequel, sur l’immigration, la situation n’est plus tenable, après avoir souligné que le travail technique entre les rapporteurs s’est très bien déroulé et que la majorité sénatoriale est d’accord sur la quasi-totalité des sujets (Ah bon ? sur les travées des groupes SER et GEST.), après avoir dit qu’il existe des solutions pour réécrire l’article 3 du projet de loi (Mêmes mouvements.), je voudrais organiser mon propos introductif autour de quatre points.
Premièrement, nous avons une obligation de résultat ; deuxièmement, notre engagement de fermeté a été respecté ; troisièmement, nous vous proposons un retour du Parlement dans la définition de la politique migratoire ; quatrièmement, nous nous inscrivons dans le cadre conventionnel et constitutionnel, le tout au service de l’action publique.
Premièrement, donc, nous avons une obligation de résultat : le Sénat doit adopter un texte. Personne ne comprendrait que la Haute Assemblée ne soit pas en mesure de répondre aux attentes de nos concitoyens, en revanche, ce d’autant que l’application du temps législatif programmé à l’Assemblée nationale laisse planer un doute sur la capacité des députés à mener le débat jusqu’à son terme. L’élaboration d’un texte est une question de légitimité parlementaire, tout particulièrement pour le Sénat, dont nous estimons tous qu’il est aujourd’hui le point d’équilibre institutionnel. Il nous appartient d’être cohérents et de faire aboutir notre travail.
Deuxièmement, ce texte – en plus de ceux que contenait sa version initiale, sur laquelle M. le ministre vient de s’exprimer – introduit des éléments incontestables de fermeté, et vous en aurez de nombreux témoignages. La première étape a eu lieu lors des travaux en commission, au mois de mars dernier ; la deuxième étape, à savoir le débat en séance publique, nous permettra d’adopter de nouveaux amendements. C’est bien un nouveau paysage de la politique migratoire qui se dessine ; ce n’est pas une addition de mesures.
Troisièmement, ce texte marque un retour du Parlement : la politique migratoire n’est pas simplement diplomatique ou mémorielle ; elle est régalienne et s’écrit au présent, sous le contrôle du Parlement. Avec le débat annuel proposé à l’article 1er A du projet de loi, nous souhaitons nous donner collectivement, en nous appuyant sur les données qui auront été collectées, les moyens d’être plus précis en termes d’évaluation et de fixer les objectifs de la politique migratoire. Le Parlement doit pouvoir décider d’un cap.
Quatrièmement, nous avons travaillé dans le respect de nos engagements conventionnels et de notre Constitution. J’entends le débat au sein de la société entre liberté individuelle et droits collectifs. Je ne crois pas que l’État de droit entrave l’action publique. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) admet une marge d’appréciation nationale. Si l’on se penche sur cette question avec précision, on verra que le Conseil constitutionnel n’a jamais interdit ni au pouvoir exécutif ni au pouvoir législatif de mettre en œuvre leurs politiques.
Sans anticiper sur la suite du débat, prenons garde d’introduire des dispositions inconstitutionnelles qui n’apporteraient rien à la crédibilité du Parlement et qui, se heurtant à une censure, pourraient faire croire à nos concitoyens que l’action publique n’est plus possible.
Je crois très profondément que la politique migratoire qui vous est proposée au travers de ce texte peut être efficace, même si elle ne le sera jamais à 100 %. Je partage, à cet égard, le sentiment d’humilité qu’a exprimé le ministre de l’intérieur voilà quelques instants. Indubitablement, l’adoption de ce texte, complété par vos amendements, permettra de mener une politique plus efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par Mme Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (n° 434 rectifié, 2022-2023).
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la motion.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, loin de nous l’idée, en déposant cette motion, de laisser sous-entendre qu’il n’y aurait pas lieu de débattre de l’immigration dans notre pays. Toutefois, nous demeurons convaincus que ce n’est pas avec ce texte que nous répondrons à deux des nombreux défis de demain : l’explosion des migrations de par le monde et la lutte contre le terrorisme, plus particulièrement le terrorisme islamique radical.
Nous nous devons un discours de vérité, sans excès, mais empli de sincérité et de conviction. Monsieur le ministre, c’est dans cet état d’esprit que s’inscrit mon groupe avant l’examen des articles de votre projet de loi.
Un discours de vérité, car il ne faudrait pas laisser à penser que gestion des politiques migratoires et lutte contre le terrorisme vont forcément de pair.
Il suffit de se retourner sur la dernière décennie et sur les attentats dont notre pays a été victime pour constater qu’immigration ne rime pas avec terrorisme. Ne laissons pas les Français croire que ce texte assurera leur sécurité. Ne laissons pas croire non plus que la France pourrait stopper les migrations de populations qui fuient par milliers le dérèglement climatique, les guerres, la famine. Les drames récents, notamment celui de Lampedusa, le démontrent.
Oui, ces femmes et ces hommes traversent le monde massivement au péril de leur vie, car c’est pour eux la seule chance de survie. Une partie de notre planète subit famine et sécheresse de manière quasi permanente. Cette réalité, ce sont souvent les pays les plus riches de notre planète qui en sont les premiers responsables : déforestation massive, hyperurbanisation, exploitation des cours d’eau et des océans.
À ces migrations s’ajoutent les nombreux conflits qui parfois, bien loin des plateaux de télévision, font des milliers de morts, des milliers de prisonniers, des milliers de filles privées d’école, des milliers d’enfants soldats, des milliers de femmes violées. Telle est la réalité de la guerre et des dictatures.
Là encore, c’est au péril de leur vie, à pied, derrière des camions ou dans des bateaux de fortune que, chaque jour, des milliers de personnes tentent de fuir vers un eldorado que notre pays, parmi d’autres, incarne.
Et pourtant, à leur arrivée, l’eldorado s’effondre : ils ont cherché à partir pour vivre ; ils restent ici pour survivre.
Notre devoir, au pays de Voltaire et de Hugo, est de les accueillir avec humanité. Oui, nous avons un impératif : les sortir des mains de tous les passeurs, trafiquants et exploiteurs en tout genre. Or votre texte n’apporte pas de réponse ; au contraire, il tend à stigmatiser un peu plus encore ces femmes et ces hommes qui n’ont plus rien en les rangeant dans le camp de ceux qui nuiraient à notre pays.
Mais de quelle nuisance parlons-nous ? Je vous invite à voir ou à revoir le magnifique documentaire diffusé sur France Télévisions Nous les ouvriers, à relire l’Histoire de France, pour mesurer combien ces femmes et ces hommes, bien loin d’être des nuisances, ont aidé la France à se construire, à se défendre et à se reconstruire.
Pêle-mêle, ils étaient marocains, tunisiens, algériens, sénégalais, ivoiriens, polonais, italiens, espagnols, portugais et de tant d’autres pays encore. Ils ont tous connu à leur arrivée l’hostilité plus ou moins mondaine du racisme ordinaire. Par le travail, par l’exigence de notre République à faire du commun et nom du communautarisme (M. Stéphane Ravier s’exclame.), ils se sont intégrés et ont su vivre ensemble, en France.
Je ne fais preuve d’aucun angélisme : oui, le monde a changé ; oui, notre République et ses valeurs ont faibli.
Aux termes de notre Constitution, la « République est indivisible, laïque, démocratique et sociale ». C’est en confortant ces quatre principes que nous sortirons du débat nauséabond auquel nous assistons depuis plusieurs années ; un débat qui a fait renoncer les gouvernements successifs, convaincus que la répression et la négation même de la réalité régleraient le problème. Or il n’en est rien.
Au contraire, à nier cette réalité, nous avons affaibli notre République en renvoyant ces personnes dans le communautarisme, en les excluant de nous-mêmes de notre commun, parfois en les déshumanisant, renforçant l’emprise des marchands de sommeil, des patrons voyous et autres exploiteurs de la misère humaine.
Le débat que nous aurons sur l’aide médicale de l’État (AME) en est un exemple frappant : priver de soins préventifs des femmes et des hommes, au détriment de toute politique de santé publique, est une catastrophe pour les personnes concernées comme pour la société.
Enfin, ne soyons pas hypocrites : nous sommes nombreux dans nos départements à connaître des parcours de réussite, et pas seulement dans les métiers en tension, et tout aussi nombreux à solliciter, ici ou là, les préfets pour des dérogations. Parfois même, monsieur le ministre, nous vous interpellons directement.
Si le monde a changé, nous devons renforcer nos politiques, nous devons renforcer le droit au travail pour ces femmes et ces hommes qui ne demandent que cela, nous devons renforcer la prise en charge de l’apprentissage du français pour décommunautariser ces personnes et les rendre libres de leur destinée.
Enfin, nous devons créer les structures d’accueil dignes du pays des droits de l’homme plutôt que de nous satisfaire des dormeurs de rue. Cela doit se traduire dans la loi et non en renforçant le pouvoir discrétionnaire des préfets.
Autre sujet, celui de la lutte contre le radicalisme. Sachez, monsieur le ministre, que nous serons toujours de ce combat-là. Nous le savons, et l’histoire algérienne des années 1990 le démontre : le radicalisme islamiste n’aime pas les progressistes. Car, à la doctrine de Dieu, nous répondons par la celle de la République ; à la doctrine de l’immobilisme, facilitatrice de l’exploitation de l’homme par l’homme, nous répondons par celle de l’éducation et de la construction d’un esprit critique, seul facteur d’émancipation pour les individus.
Nous voulons non pas une République « uniformée », mais une République qui rassemble, qui conjugue les talents de chacun au service de tous.
Je finirai par quelques remarques de forme.
Dans la lignée des précédents textes, ce projet de loi participe de fait à l’inflation normative – une loi sur l’immigration tous les dix-huit mois, c’est sans équivalent ! – et au non-respect des principes de sécurité juridique et d’intelligibilité de la loi, alors que l’on ne dispose ni d’un appareil statistique complet ni du bilan de la loi du 10 septembre 2018 à laquelle les mêmes objectifs étaient assignés, comme l’a rappelé le Conseil d’État. Ce n’est pas respectueux du travail de la représentation nationale.
Ce texte encourt fortement la censure du Conseil constitutionnel. Il porte plus que jamais atteinte au droit de mener une vie familiale normale, protégé par la jurisprudence européenne sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il contrevient également à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au respect de la vie privée, fondée sur l’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Nous examinons ce projet de loi dans un contexte particulier de stigmatisation des étrangers. Nous assistons même à une sorte de concours Lépine des propositions les plus dures, pouvant aller jusqu’à une remise en cause de l’État de droit, laquelle n’est pas toujours assumée, notamment lorsque certains acteurs politiques envisagent de bousculer une Constitution qu’ils sont d’ordinaire plus enclins à préserver.
Ce texte est rempli de contradictions. Comment peut-on, en même temps, poursuivre un objectif d’intégration des étrangers et s’en prendre au regroupement familial ? Comment peut-on, en même temps, vouloir accélérer les procédures d’expulsion et augmenter l’ensemble des délais de rétention ? Comment peut-on, en même temps, durcir les sanctions contre les marchands de sommeil et ne pas accompagner davantage les victimes ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous ne faisons nôtres ni le texte du Gouvernement ni celui que la droite sénatoriale a réécrit. Cependant, nous débattrons jusqu’au bout avec vous, car nous demeurons convaincus que c’est dans le débat, dans la confrontation et dans la contradiction que nous avancerons. Tel est le sens de cette motion visant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Et c’est parce que celle-ci sera rejetée que je tiens à vous dire que nous ne lâcherons rien : article après article, nous serons en mesure de démontrer que d’autres solutions sont possibles pour faire grandir notre République sur la route de l’humanité sans lui être néfastes pour autant. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. L’avis est, comme vous vous en doutez, défavorable pour les quelques raisons suivantes.
Madame Cukierman, vous aspirez à poursuivre et à amplifier le débat ; cela implique donc d’examiner le texte au fond !
Vous appelez à un discours de vérité ; c’est bien le point de départ ! Nous comptons quelque 600 000 à 900 000 personnes présentes illégalement sur notre sol, notre dispositif d’intégration est en panne, nous souffrons d’une incapacité chronique à atteindre nos objectifs et nous aurons environ 150 000 demandeurs d’asile cette année – un record, même si la France est loin d’être le pays le plus « attractif » pour les demandeurs d’asile.
Je conclurai, madame la sénatrice, en réagissant à deux des points que vous avez abordés.
Vous avez dit que nous vivions une époque de conflits multiples, ce en quoi, bien sûr, vous avez raison. Aussi le texte est-il une réponse non à je ne sais quel air du temps qui serait à la stigmatisation, comme je l’entends parfois, mais à une situation géopolitique bien réelle, caractérisée par un fort niveau d’instabilité.
Vous avez également appelé à « faire du commun ». Comment « faire du commun » dans la France de 2023 ? Il y a là un objectif que je partage volontiers, tout en émettant, je le répète, un avis défavorable sur la motion que vous venez de présenter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Avis défavorable, évidemment.
Je partage avec vous, madame la sénatrice, l’envie que ce débat se déroule dans des conditions respectueuses du débat républicain. Quand on parle d’immigration – il me semble l’avoir dit à la tribune –, on parle bel et bien de femmes et d’hommes, d’enfants aussi, mais on parle également de femmes et d’hommes qui, au nom de la République, agissent auprès d’eux, les écoutent et les accompagnent ; c’est le cas des associations. Ce qui importe, ici, ce sont moins les questions matérielles ou d’argent, sujets certes respectables, que l’humain : « La seule querelle qui vaille est celle de l’homme », pour ne pas dire : « L’humain d’abord » ! Et c’est précisément dans cet esprit que travaille le Gouvernement.
J’en viens très rapidement à deux points de votre intervention, madame la sénatrice, contre lesquels je souhaite m’inscrire en faux.
Premièrement, vous dites – j’entends cet argument souvent, et partout – qu’en la matière il y a eu vingt lois en trente ans,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vingt-neuf !
M. Gérald Darmanin, ministre. … une tous les dix-huit mois. Mais c’est tout à fait faux ! Depuis que le Président de la République a pris ses fonctions, il y a eu une seule loi consacrée à ce sujet, en 2018. C’est donc la deuxième loi en six ans sur l’immigration.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas beaucoup…
M. Bruno Retailleau. Il en faudrait d’autres !
M. Gérald Darmanin, ministre. M. Retailleau dit qu’il en faudrait d’autres : mettez-vous d’accord !
On ne peut pas dire que le Gouvernement fut « priapique » (Sourires.) pour ce qui est des lois migratoires ces dernières années : une tous les six ans, cela me paraît raisonnable.
Combien de textes budgétaires avez-vous votés cette année, mesdames, messieurs les sénateurs ?
M. Rachid Temal. En moyenne avec l’Assemblée nationale ?
M. Bruno Sido. Trop ! (Pas assez ! sur d’autres travées.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Trop ou pas assez ? On mesure bien là la diversité de la majorité sénatoriale…
M. Rachid Temal. Parlez du texte !
M. Gérald Darmanin, ministre. Précisons – vous l’avez fait vous-même, madame la sénatrice – que les questions migratoires évoluent au gré de l’actualité internationale : ce qui se passe dans certains pays, que les talibans prennent le pouvoir en Afghanistan ou que le Bangladesh subisse les effets du changement climatique, que l’armée française se retire du Sahel au prix de graves difficultés ou que les coups d’État se succèdent ici et là, tout cela a bien sûr des conséquences sur notre pays.
M. Thomas Dossus. Quel rapport avec le texte ?
M. Pascal Savoldelli. J’apprends quelque chose : nous aurions accueilli des Afghans ? Sur ce point, nous sommes les plus mauvais en Europe !
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet argument m’étonnera toujours : l’immigration est sans doute la matière qui évolue le plus, non pas selon nos propres désirs nationaux, mais en fonction de ce qui se passe à l’extérieur de notre pays, et vous considérez qu’il ne faudrait pas s’y adapter ? Cela me paraît un drôle de raisonnement ! Il me semble au contraire que ne pas adapter nos règles de droit au moment même où surviennent des changements comme ceux que j’ai énumérés est source de difficultés.
J’entends beaucoup de comparaisons à propos de la double peine – on me dit que c’est M. Sarkozy, il y a vingt ans, qui avait réformé la double peine, ce que nous lui reprocherions aujourd’hui – ou des OQTF. Mais, à l’époque, le monde était totalement différent ! Celui qui exerçait alors les fonctions de ministre de l’intérieur avait des discussions politiques et diplomatiques avec la Libye, avec l’Afghanistan, avec la Syrie, avec le Mali, avec le Niger, avec l’Irak ! Quel désordre mondial désormais ! Comparer ce qui est incomparable ne me paraît pas très honnête intellectuellement.
Il est normal d’utiliser la loi de la République, et peut-être d’autres instruments, donc de modifier nos textes législatifs et réglementaires, pour s’adapter aux désordres du monde. L’immigration, malheureusement ou heureusement, sait s’adapter, elle, aux désordres du monde…
L’argument selon lequel on vote une loi tous les dix-huit mois est donc faux pour l’actuel Président de la République – il vaut pour d’autres gouvernements, des gouvernements socialistes et des gouvernements de droite. Vous en avez fait voter plusieurs, des lois sur l’immigration, et tant mieux ! Ce n’est pas moi qui vous en ferai le reproche… De notre côté, depuis six ans, nous avons eu un seul texte à vous proposer sur ce sujet.
Je souhaite répondre, deuxièmement, sur la CEDH. Le respect de la vie privée et familiale est garanti, mais il ne saurait être absolu, madame la présidente Cukierman : ainsi le législateur en a-t-il disposé depuis très longtemps, y compris sous des gouvernements de gauche. Les décisions prises par M. Cazeneuve pour protéger les intérêts fondamentaux de la Nation contre le terrorisme l’ont été par un gouvernement totalement de gauche, sans aucun doute possible, soutenu d’ailleurs, me semble-t-il, par une gauche très plurielle. Voici ce que disait cette gauche sous M. Hollande : respect de la vie familiale et privée, d’accord, mais pas pour les terroristes ! Nous ajoutons, quant à nous : respect de la vie privée et familiale, d’accord, mais pas pour les criminels ! Cela me paraît assez normal…
J’ai eu à connaître le cas d’une personne condamnée pour pédophilie,…
Mme Laurence Rossignol. Pédocriminalité !
M. Gérald Darmanin, ministre. … oui, madame la sénatrice, pour des crimes pédophiles. Il se trouve que, s’agissant d’un crime, on était dans l’impossibilité de demander son expulsion, et ce au nom du respect de la vie privée et familiale, car il avait des enfants : voyez l’absurdité dans laquelle parfois le droit nous plonge ! La loi actuelle est surannée, dépassée ; elle ne correspond plus aux difficultés auxquelles nous faisons face, ce pour quoi le peuple français demande que nous légiférions.
Je résume : oui au respect de la vie privée et familiale, mais pas à n’importe quel prix. Il y a un équilibre à trouver avec la défense des intérêts fondamentaux de la Nation – c’est tout ce qui relève de la lutte contre le terrorisme – et avec la protection de l’ordre public, que la menace soit grave ou simple – nous en débattrons en examinant les articles 9, 10 et 13 du projet de loi.
Je suis favorable à ce que nous ne nous censurions pas. Nous devons pouvoir demander l’expulsion des personnes qui ne respectent pas l’ordre public ou représentent une menace pour les intérêts fondamentaux de la Nation, même si elles ont en France une vie privée et familiale. Nous devons avoir le droit de nous séparer de ces personnes, et la CEDH ne dit pas le contraire !
Je constate que, dans l’affaire Iquioussen, alors même que la loi n’avait pas changé, le Conseil d’État s’inspirant de la loi confortant le respect des principes de la République, dite loi Séparatisme, texte que vous aviez voté, nous avons obtenu l’expulsion de cette personne contre l’avis du tribunal administratif de Paris, alors que son avocat plaidait l’atteinte disproportionnée portée à sa vie privée et familiale, alors que ses cinq enfants étaient nés en France et résidaient en France à leur majorité, alors qu’il était lui-même propriétaire en France depuis plus de quarante ans, qu’il s’était marié en France. Comme nous avons réussi à démontrer qu’il était un séparatiste luttant contre la République, nous avons obtenu son expulsion. Le juge, notamment le juge européen, notamment la CEDH, n’y a rien trouvé à redire.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est déjà possible, alors !
Mme Audrey Linkenheld. Cela veut bien dire que la loi le permet !
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est possible pour les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et les actes relevant du séparatisme, mais non pour les autres crimes et délits : c’est là toute la démonstration qui fonde ce texte – nous aurons l’occasion d’en reparler.
L’exception d’irrecevabilité a pour objet de faire reconnaître que le texte proposé ne respecte pas les règles de droit, notamment celles de notre Constitution. Or le Conseil d’État a émis un avis très favorable sur les dispositions présentées par le Gouvernement. C’est une très bonne chose, assez rare pour être soulignée… Laissez le Conseil constitutionnel faire son office ; je suis sûr qu’il sera saisi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Dany Wattebled applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Dossus, Benarroche et Fernique, Mme M. Vogel, MM. Gontard, G. Blanc et Dantec, Mmes de Marco et Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, d’une motion n° 6 rectifiée.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (n° 434 rectifié, 2022-2023)
La parole est à M. Thomas Dossus, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Colombe Brossel et Marie-Pierre de La Gontrie applaudissent également.)
M. Thomas Dossus. Cinq ans après l’entrée en vigueur de la dernière loi sur l’asile et l’immigration, vous nous présentez, monsieur le ministre de l’intérieur, un nouveau texte pour, dites-vous, « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ».
L’immigration, vous l’avez dit, ce sont avant tout des immigrés, des hommes, des femmes, des enfants, des ados, avec leurs situations particulières, leurs parcours, leurs aspirations, leurs difficultés – et des difficultés, il y en a.
De loi en loi, le parcours administratif d’une personne étrangère en France est devenu de plus en plus indigne. La conception dissuasive des politiques françaises d’immigration est devenue un facteur de désordre permanent.
La situation de nombreux étrangers en France, dont des mineurs, est marquée par l’extrême précarité et par une succession perpétuelle d’obstacles : de l’accès aux préfectures et à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) pour l’obtention ou le simple renouvellement d’un titre de séjour jusqu’à une prise en charge médicale effective en passant par l’accès au travail, tout est fait, texte après texte, pour rendre leurs parcours chaotiques.
Un rapport de l’Assemblée nationale de 2021 portant notamment sur « les moyens consacrés par les préfectures à l’instruction des demandes de titres de séjour » décrit une situation qui a encore empiré depuis lors : du jour au lendemain, faute de rendez-vous, des personnes en situation parfaitement régulière, insérées professionnellement et socialement, basculent, entre deux titres, en situation irrégulière, et perdent leurs droits.
Entre 2019 et 2022, les réclamations relatives aux droits des étrangers ont augmenté de 233 % et le droit des étrangers est devenu le premier motif de saisine du Défenseur des droits, passant de 10 % à 24 % des réclamations reçues par l’institution. Cet accroissement concerne essentiellement l’obtention de rendez-vous, les difficultés liées à la dématérialisation des guichets et les délais d’instruction excessifs.
Cette « mise en désordre » de l’immigration et ce renoncement à nos valeurs se manifestent aussi et en premier lieu à nos frontières. Le rétablissement sans cesse renouvelé des frontières entre la France et l’Italie, depuis 2015, est le symbole de l’absurdité de cette politique. Cette frontière de plus en plus militarisée, mobilisant des effectifs de plus en plus nombreux, n’a pour seul effet que de rendre plus dangereuse la traversée des montagnes, ce qui, malgré la solidarité des montagnards, provoque régulièrement des drames. Il y a deux semaines, un homme est mort dans la Durance, la rivière qui coule près de Briançon, alors qu’il tentait d’échapper à un contrôle. Cela n’est pas acceptable.
Disons-le : c’est bel et bien l’idéal européen qui meurt à petit feu chaque fois que l’on renouvelle le contrôle aux frontières entre la France et l’Italie.
Face à cette situation, monsieur le ministre, vous nous proposez donc de « contrôler l’immigration » et d’« améliorer l’intégration ». L’impératif de « contrôler » se traduit par un mot d’ordre clair, que vous répétez à l’envi dans les médias, comme vous l’avez fait dans cet hémicycle : fermeté, fermeté, fermeté. Pourquoi ? Les motivations réelles de ce texte restent floues.
Le Conseil d’État comme la Défenseure des droits ont manifesté clairement leur regret devant l’absence de motivation sérieuse de ce texte. « L’exposé des motifs et l’étude d’impact ne permettent pas d’apprécier la mesure des phénomènes que le projet de loi devrait réguler ou l’inefficacité des dispositions législatives actuelles pour atteindre les objectifs visés », nous dit ainsi la Défenseure des droits dans son avis publié au mois de février dernier.
Compte tenu de la faiblesse dudit exposé des motifs et de ladite étude d’impact, la Défenseure des droits observait déjà, dans le même avis, et pour s’en inquiéter, que « le débat public risqu[ait] […] d’être sous-tendu par des représentations erronées, voire discriminatoires, de l’immigration ». On peut dire qu’elle ne s’était pas trompée…
Dans votre texte, monsieur le ministre, ces représentations erronées se manifestent clairement par le renforcement de l’arbitraire administratif. Pour vous, comme pour vos prédécesseurs, le sérieux d’une politique migratoire réside uniquement dans notre capacité à expulser.
Vous présupposez donc qu’en multipliant la distribution des obligations de quitter le territoire français, en faisant peser de nouvelles contraintes et l’arbitraire administratif sur les personnes étrangères présentes sur notre territoire, vous afficherez la fermeté propice à votre ambition politique ; mais la réalité, on la connaît : vous n’allez qu’amplifier le désordre et la précarité.
Quand la machine administrative broie arbitrairement, par son organisation, ou plutôt par son incurie, la vie des personnes étrangères, elle alimente aussi le désarroi des agents des préfectures ou des travailleurs sociaux.
Pour autant, ce texte va-t-il réduire le contentieux ?
Le Conseil d’État, dans son avis, douche un peu vos espoirs : « La réforme ne permettra pas, par elle-même, de limiter la part substantielle et croissante du contentieux des étrangers dans l’activité de la juridiction administrative. »
Ce tour de vis législatif supplémentaire va en revanche avoir un impact sur la vie de personnes pourtant installées depuis longtemps sur notre territoire. Le projet de loi prévoit ainsi des capacités élargies de lever la protection particulière. Pour rappel, cette protection vise à empêcher de prononcer une OQTF à l’encontre de l’étranger qui, soit est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, soit est marié à un Français ou une Française, soit réside en France depuis plus de dix ans, soit justifie d’un domicile régulier en France depuis la veille de ses 13 ans. À supposer que ce projet de loi soit adopté, une OQTF pourra donc être prononcée à l’encontre de toutes ces personnes non pas, comme c’est le cas actuellement, si elles ont été effectivement condamnées à plus de cinq ans de prison, mais si elles ont été condamnées pour un délit passible de cinq ans d’emprisonnement.
Au-delà de la distorsion évidente qui frappe ici le principe d’égalité devant la loi, un étranger est ainsi automatiquement condamné à la peine maximale encourue. C’est évidemment la logique de la double peine qui fait son grand retour ici.
Toujours au chapitre du durcissement, le texte que nous examinons aujourd’hui s’attaque aussi à la santé même des personnes étrangères. La majorité sénatoriale propose – on ne sait plus vraiment si c’est avec votre assentiment personnel, monsieur le ministre – de remplacer l’aide médicale de l’État par une « aide médicale d’urgence ». Manifestement, un accord vaut bien la mise en danger de la santé des Français comme des étrangers.
Les arguments de la majorité sénatoriale, nous les connaissons bien : l’AME coûte cher et son maintien constituerait un appel d’air pour l’immigration illégale. Peu importe si chaque année plusieurs collègues rappellent que ces deux arguments sont faux. Le coût des soins couverts par l’AME et du dispositif de soins urgents et vitaux ne représente que 0,4 % des dépenses de l’assurance maladie en France et 51 % seulement des personnes qui y sont éligibles demandent à recourir à l’AME. Pour des raisons comptables et surtout idéologiques, on fragilise la santé de ces personnes, mais aussi – cela paraît évident – de toute la population.
Les débats qui ont entouré ce texte ont par ailleurs touché – c’est presque devenu une coutume ici – les associations et les bénévoles, celles et ceux qui font vivre nos valeurs républicaines de fraternité en accompagnant les personnes migrantes dans leur parcours.
Vous-même, monsieur le ministre, vous en êtes pris directement à la Cimade récemment ; mais ce sont toutes les associations d’aide aux personnes migrantes qui sont entravées dans leur action et harcelées par nos forces de police. Je l’ai moi-même constaté lors d’une maraude avec les équipes de Médecins du monde, mais ce constat est largement documenté au-delà de ma personne.
Ces associations visent simplement le respect du droit, la protection des plus fragiles. Elles sont les vigies permanentes qui nous alertent sur l’indignité de nos politiques migratoires et pallient le manque d’investissement de l’État.
Une fois détaillé le catalogue des mesures de contrôle, de fermeté et de répression, il est temps maintenant de parler d’intégration : la carotte après le bâton. Mais la carotte est bien maigre, c’est le moins que l’on puisse dire !
Penchons-nous tout d’abord sur l’intégration par la langue française. Nous pourrions imaginer qu’en l’espèce l’intégration se manifeste par un renforcement de l’accès aux formations et aux cours, mais la finalité de ces dispositions est tout autre : le niveau de langue devient un outil d’exclusion, un motif de refus de titre, ce qui représente une inversion même des objectifs fixés.
« La mesure a pour objectif d’inciter les étrangers qui souhaitent demeurer durablement sur le territoire à se mobiliser davantage dans leur apprentissage du français, de manière à favoriser leur intégration en France », est-il écrit dans l’exposé des motifs de votre texte.
L’incitation par le refus de carte de séjour, voilà une drôle de carotte… Cette mesure d’« incitation » a tant plu à la droite que celle-ci l’a rendue plus excluante encore, sans même se préoccuper de renforcer cours et formation.
Certes, nous aurions voulu voter l’article 3 de ce texte.
Nous avons toujours défendu la régularisation des travailleurs sans-papiers. Lorsque l’on travaille ici et que, souvent, on cotise ce faisant, il est logique de bénéficier des mêmes droits qu’ont les travailleurs d’ici.
Il est vrai qu’au début du parcours de ce texte Olivier Dussopt vous accompagnait, monsieur le ministre. Il brille par son absence aujourd’hui : il a disparu depuis quelques semaines, tout comme a disparu la valeur travail du logiciel de la droite sénatoriale, qui fait de cet article un casus belli indépassable. Oui, il faut s’y faire, désormais, la droite dite républicaine préfère défendre le travail au noir et l’exploitation des clandestins. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Vous-même, monsieur le ministre, à l’article 3, vous exigez malgré tout une bonne période de clandestinité en amont de la demande du titre de séjour « métiers en tension » que vous souhaitez créer. Il faudra que la personne étrangère sans droit ni titre vive dans l’ombre, esquive les contrôles pendant trois ans et travaille sans droits réels pendant huit mois pour obtenir le titre lui permettant de travailler légalement.
M. Thomas Dossus. L’égalité des droits ajustée par la loi du marché et les hasards de la vie, soit : si cela permettait d’avoir d’autres portes de régularisation que la circulaire dite Valls, nous pourrions nous laisser convaincre.
Dans les jours qui viennent, mes chers collègues, vous allez jouer l’avenir de milliers de travailleuses et de travailleurs dans un calcul des plus cyniques.
Une autre voie est pourtant possible. Elle n’est ni moins ferme ni moins républicaine : la crise ukrainienne et les moyens exceptionnels déployés à cette occasion en un temps record, en matière d’hébergement notamment, nous l’ont montré. Mais cela demande une approche radicalement différente : cela demande que l’on accepte un changement de rapport dans les liens entre l’État, les collectivités et les acteurs de la solidarité.
Las ! le texte de loi qui nous réunit aujourd’hui est dans la lignée des dizaines d’autres qui l’ont précédé et ne répond pas aux enjeux qui se posent actuellement en matière de migration et d’intégration. Nous nous retrouvons une fois de plus avec un projet de loi qui passe à côté de la réalité vécue par les personnes étrangères, un texte qui va dégrader la situation au lieu de l’améliorer.
L’insertion économique et sociale, l’accès au droit, à la formation et aux soins, la protection des mineurs, autrement dit la garantie de conditions d’accueil dignes, exigent de sortir d’une approche centrée sur les questions sécuritaires pour adopter une autre approche centrée sur les parcours de femmes et d’hommes comme celles et ceux qui sont en tribune aujourd’hui, sur leurs aspirations et sur leur humanité.
M. le président. Il faut conclure.
M. Thomas Dossus. Ce texte prend une direction radicalement inverse : c’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter pour cette motion de rejet. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Le suspense sera relativement limité : l’avis de la commission est bien entendu défavorable sur cette motion, monsieur le président.
Mon cher collègue, nous vous avons écouté avec beaucoup d’attention : vous nous avez indiqué tout ce qu’il ne fallait pas faire et avez détaillé tout ce que vous reprochez à ce texte et aux amendements adoptés par la commission ; cependant, à aucun moment vous ne nous avez dit ce qu’il fallait faire et comment traiter ces sujets,…
M. Bruno Sido. Tout va bien !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. … sinon en quelques secondes, par référence à la solution ukrainienne, ce qui constitue tout de même une forme de pirouette intellectuelle… (M. Akli Mellouli proteste.)
Vous nous avez également indiqué qu’il manquait une étude d’impact et que la mesure des phénomènes qui sont en cause n’avait pas été réalisée. Je pense, moi, que l’ensemble des événements qui se déroulent dans notre société, comme les chiffres que j’ai rappelés quant au nombre de personnes irrégulièrement présentes sur notre territoire ou au nombre de demandes d’asile, permettent bel et bien d’objectiver ce dont nous parlons.
Par ailleurs, vous avez, ce qui est tout à fait normal, évoqué le détail du texte ; nous aurons l’occasion d’en débattre si votre motion est rejetée.
Une dernière remarque sur ce que vous avez appelé la disparition de l’idéal européen : c’est un sujet auquel je suis sensible. Pour ma génération, qui a été construite intellectuellement par cet idéal, c’est un sujet de préoccupation.
Vous l’avez entendu dans l’intervention du ministre : mobiliser les citoyens des pays européens sur ces questions n’est pas chose aisée – il s’agit même d’un sujet douloureux. Tout le monde préférerait que les solutions à nos problèmes soient d’ores et déjà disponibles.
Le débat que vous présentez comme franco-français ne l’est pas tant que cela, mon cher collègue : en réalité, il a lieu sur l’ensemble du continent européen. Les discussions que nous avons en cette fin d’après-midi se déroulent également en Allemagne, et je ne parle pas de l’Italie…
Je partage en tout cas avec vous l’idée que nous devons reconstituer, sinon un idéal, du moins un « narratif » européen.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 6 rectifiée, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi en commission.
Demande de renvoi en commission
M. le président. Je suis saisi, par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, d’une motion n° 53 rectifiée.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (n° 304 rectifié, 2022-2023).
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Yannick Jadot applaudit également.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je repartirai, pour entamer mon propos, de l’expression utilisée par notre collègue Philippe Bonnecarrère : « le retour du Parlement ». Nous savons que, depuis quelques mois, le Parlement ne fonctionne pas de manière – comment dire ? – idéale : nous le voyons à l’Assemblée nationale, où l’on en est au treizième engagement de la responsabilité du Gouvernement depuis l’entrée en fonctions de la Première ministre – et les motions de censure de se succéder.
Dans ce paysage parlementaire subsiste néanmoins un îlot de sérieux et de robustesse législatifs, de travaux accomplis, ce qui n’empêche pas, d’ailleurs, les affrontements : c’est le Sénat.
Cette motion de renvoi en commission, je vais tenter de vous convaincre de la voter, mes chers collègues, car je pense qu’il ne faut pas malmener notre démocratie parlementaire. Ce serait l’honneur du Sénat que de l’adopter, pour trois raisons.
Premièrement, monsieur le ministre, vous n’êtes pas prêt.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce texte a connu un parcours pour le moins chaotique : adopté voilà un an en Conseil des ministres, il a été examiné une première fois par la commission des lois du Sénat le 15 mars dernier, inscrit à l’ordre du jour, puis désinscrit. Huit mois plus tard, le voilà en séance. Entre-temps, vous avez produit nombre d’annonces successives, qui n’ont pas toujours, d’ailleurs, été suivies d’effets. Vous avez voulu tour à tour expulser tous ceux qui manifestent une adhésion à une idéologie djihadiste radicale ; expulser tous les fichés S ; porter à dix-huit mois la durée maximale de la rétention, qui est actuellement de quatre-vingt-dix jours.
Vous êtes aujourd’hui bien seul, monsieur le ministre, il faut le dire, même si je note que l’une de vos collègues a estimé devoir venir à vos côtés au banc du Gouvernement. M. Dussopt a disparu, alors qu’il est signataire du projet de loi. Quant au garde des sceaux, il est momentanément empêché,…
M. Xavier Iacovelli. Il va arriver !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … mais nous aurons l’occasion de demander sa présence, puisque nous avons compris qu’il pouvait faire plusieurs choses à la fois, notamment siéger ici, au banc du Gouvernement, lorsque les articles qui le concernent seront appelés en discussion.
Vous avez déposé vingt-huit amendements sur le texte de la commission, sans avis du Conseil d’État ni étude d’impact, évidemment. À l’évidence, la succession de vos annonces montre que ce texte n’est pas abouti.
Deuxièmement, je le dis au président François-Noël Buffet, la commission n’est pas prête.
Tout d’abord, un tiers des sénateurs qui composaient la commission lorsqu’elle a adopté un texte singulièrement modifié, au mois de mars, ne sont plus aujourd’hui parmi nous. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Quand nos collègues Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère s’expriment, je ne sais donc pas au nom de quels collègues ils parlent…
Ensuite, fait assez atypique, me semble-t-il, nous avions noté, lors de l’examen du texte par la commission, que sur deux articles majeurs, les articles 3 et 4, la commission n’avait pas d’avis : les rapporteurs n’étaient pas d’accord entre eux.
J’indique d’ailleurs au ministre une chose qui m’a paru extrêmement étrange, au point qu’il a fallu que je vérifie auprès de mes collègues si je ne m’étais pas trompée : dans votre discours de présentation du texte, vous n’avez pas dit un mot sur ces articles difficiles.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’ai trouvé très étrange que rien n’ait été dessiné de l’éventuel accord qui était, semble-t-il, envisagé.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ces informations, dois-je le préciser, je les dois à ma lecture de la presse et non à ma présence en commission…
Sur ces entrefaites, nous avons vu arriver vingt-huit amendements du Gouvernement, puis, aujourd’hui même, trente-deux amendements des rapporteurs. Je ne suis pas la seule à trouver que la commission n’a pas totalement fait aboutir ses travaux, puisque le ministre de l’intérieur a estimé devoir organiser une réunion délocalisée de la commission dans la salle à manger de Beauvau ! Bruno Retailleau et moi-même étions d’accord, à cette occasion – ce n’est pas coutumier –, pour dire que les travaux parlementaires se tiennent au Parlement et non dans ladite salle à manger, quoique le déjeuner, m’a-t-on dit, y fût excellent. (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous l’étiez sans doute, monsieur le ministre, puisque je n’étais pas là… (Nouveaux sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Troisième raison de voter cette motion de renvoi : le Sénat lui-même n’est pas prêt.
Nous avons noté que le groupe Les Républicains avait déposé une proposition de loi constitutionnelle qui, de mon point de vue, fait système avec le texte dont nous débattons aujourd’hui. Pour ma part, j’aurais trouvé logique que ledit projet de loi soit examiné après cette proposition de loi constitutionnelle, qui porte en grande partie sur les sujets d’immigration. Si le groupe Les Républicains, qui est ici très important, souhaitait un travail cohérent, il me semble qu’il demanderait l’inscription à l’ordre du jour de ce projet de loi après l’examen de sa proposition de loi constitutionnelle.
M. François Bonhomme. Trop aimable !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On note par ailleurs une certaine instabilité. Au Sénat, nous avons l’habitude des choses bien faites : nous arrivons en séance, les deux groupes, tout aussi essentiels l’un que l’autre – je ne veux vexer personne –,…
M. Roger Karoutchi. Oui, essentiels !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … qui composent la majorité sénatoriale travaillent ensemble, l’opposition s’oppose, le plus efficacement possible ; mais je dois dire que le résultat de notre opposition est souvent assez relatif…
M. André Reichardt. Ah, ça !… C’était en sens inverse voilà quelques années.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Or, dans le cas présent, les articles 3 et 4, ainsi que l’AME, suscitent, semble-t-il, de grandes difficultés entre vous, au point qu’à l’heure où nous parlons nous ne savons absolument rien de l’issue de vos délibérations (M. Roger Karoutchi s’exclame.), au point aussi que l’on me dit – cela restera entre nous, monsieur Karoutchi – que vous pourriez demander la réserve des articles 3 et 4 afin de pouvoir en débattre vendredi. Voilà une excellente idée pour nos collègues ! Personnellement, j’ai prévu d’être présente toute la semaine, mais certains parmi nous seraient avisés de réserver leur vendredi, car c’est ce jour-là que le débat – peut-être ! – aura lieu.
Nous le voyons, tout cela n’est pas très sérieux.
Je me suis demandé pourquoi le Gouvernement et le ministre de l’intérieur s’obstinaient à vouloir présenter ce projet de loi.
Est arrivé le drame d’Arras. Alors nous avons entendu le ministre de l’intérieur s’appuyer sur ce fait terrible pour expliquer combien son projet de loi était indispensable et pour estimer, de manière quelque peu excessive, que, si la loi avait été en vigueur, ce drame, peut-être, aurait pu être évité.
Je regrette ces propos. Le ministre aurait dû en effet soutenir ses services, car, dans le drame d’Arras, les services de police ont bel et bien fonctionné. Il se trouve que la sécurité totale n’existe pas. Lorsque vous indiquez que, si ce projet de loi avait été voté, Arras ne se serait pas produit, vous dites quelque chose qui n’est pas exact, monsieur le ministre. Ainsi vous utilisez et instrumentalisez, en quelque sorte, ce terrible meurtre…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Cet attentat terroriste !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … pour expliquer qu’il faut voter ce texte. Il y a là comme une sorte d’assurance que vous voulez construire pour éviter d’être mis en cause ultérieurement, peut-être, si un drame analogue devait se produire.
Sous le bénéfice de l’ensemble de ces constats d’impréparation, de manquements et de difficulté à déterminer une position stable sur un sujet sérieux, nous souhaitons que la commission puisse retravailler ce projet de loi afin que, dans les jours qui viennent, nous puissions proposer un texte à la hauteur des ambitions affichées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Je remercie Mme de La Gontrie d’avoir entamé son intervention par un éloge du sérieux du travail sénatorial, mais nous savons tous que lorsqu’un propos commence par des félicitations, la suite n’est pas de même nature, ce qui a bien sûr été ici le cas ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quant au fait de savoir si M. le ministre de l’intérieur est suffisamment prêt, ce sera à lui d’y répondre. Quoi qu’il en soit, la commission ne saurait reprocher au Gouvernement ses vingt-huit amendements, car elle en a déposé elle-même trente-deux.
Certes, le dernier renouvellement sénatorial a modifié la composition de notre assemblée. J’appelle néanmoins votre attention sur le fait qu’il existe non seulement une continuité de l’État, mais également une continuité du Parlement. (MM. Roger Karoutchi et André Reichardt renchérissent.) Notre assemblée est permanente !
Enfin, en ce qui concerne la référence au drame d’Arras, je ne crois pas que les dispositions que nous examinons aujourd’hui s’inscrivent dans ce que j’ai appelé tout à l’heure « l’air du temps ». Je récuse que le travail mené par la commission des lois, sous le contrôle du président Buffet, ait abouti à un texte d’émotion. Nous avons au contraire essayé de trouver des solutions de moyen et de long terme, d’où la demande de rejet de cette motion tendant au renvoi à la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Tout d’abord, madame de La Gontrie, je regrette votre manque total de délicatesse. Vous attaquez M. Dupond-Moretti, qui ne peut se défendre aujourd’hui dans cet hémicycle. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) N’hésitez pas la prochaine fois à être courageuse devant lui plutôt qu’en son absence !
M. André Reichardt. On ne peut pas lui faire ce reproche…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il n’y a pas de problème !
Mme Laurence Rossignol. Elle le fera !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je vous ai écoutée, j’en ai même souffert ; souffrez à présent que je vous réponde !
Mme Laurence Rossignol. On en souffre déjà !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je sais, mais ce n’est pas fini, nous en aurons au moins jusqu’à vendredi ! Personnellement, j’ai tout mon temps, je suis à la disposition du Parlement…
J’ai l’impression que vous exprimez aujourd’hui une forme de regret. Vous cherchez peut-être même à vous rattraper. Vous dites que ce texte est trop dur. Mais, madame de La Gontrie, vous appartenez à une majorité qui a souhaité la déchéance de nationalité. (Marques de contestation sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’ai dit que nous n’étions pas prêts !
M. Gérald Darmanin, ministre. J’étais parlementaire à l’époque, nous étions dans l’hémicycle à Versailles et j’ai parfaitement entendu ce que disait le président Hollande, que je vous encourage à écouter. Ainsi, au début du mois de novembre, dans l’émission Quotidien, il affirmait que le texte proposé par le Gouvernement devait être discuté, voire adopté !
M. Rachid Temal. Vous l’avez applaudi !
Mme Audrey Linkenheld. Il ne siège pas au Sénat !
M. Gérald Darmanin, ministre. Certes, il n’est pas sur ces travées, mais je constate que vous le rejetez à présent, après d’autres !
Quoi qu’il en soit, alors que les socialistes étaient favorables à la déchéance de nationalité, vous critiquez maintenant les propositions du Gouvernement en les jugeant trop dures ! (Vives protestations sur les travées du groupe SER.)
C’est pourtant bien un Président de la République socialiste qui a proposé cette mesure ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.) M. Hollande n’était peut-être pas socialiste, mais vous ferez son procès plus tard ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Voyez, vous arrivez même à faire rire la droite, madame de La Gontrie !
Vous dites qu’il y a trop de lois sur l’immigration. Mais vous en avez voté trois en cinq ans : la loi de décembre 2012, la loi de juillet 2015 et la loi de mars 2016 !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je n’ai pas parlé de cela !
Mme Corinne Narassiguin. Ce sont les reproches de Mme Cukierman !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je signale, d’ailleurs, que la loi de mars 2016 du ministre Cazeneuve – autre candidat putatif de la social-démocratie que vous soutenez – prévoyait, à la suite des attentats horribles qui ont touché la France, des mesures extrêmement fortes contre les étrangers responsables d’actes terroristes. À l’époque, vous n’aviez pas fait de procès au gouvernement en place : il était bien normal qu’il légifère après de telles attaques et que le Parlement réfléchisse à ce qui avait pu dysfonctionner !
Par ailleurs, madame de La Gontrie, je soutiens mes services de police. Lorsque vous étiez au pouvoir, cette famille tchétchène radicalisée avait été interpellée par la police aux frontières. Les policiers avaient donc fait leur travail. C’est le gouvernement socialiste de l’époque qui, sous la pression de vos amis, y compris des associations qui vous soutiennent, a fait libérer cette famille ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Michel Canévet. C’est vrai !
M. Yannick Jadot. Il était en CM2 !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous avez fait pression sur les services du ministère de l’intérieur, vous n’avez pas respecté le travail du préfet de la région Bretagne, vous n’avez pas respecté de travail de la police aux frontières et, sur inquisition politique, vous avez demandé au droit français de reculer ! Vous avez fait libérer – vous et vos amis – cette famille !
Si vous devez faire un réquisitoire aujourd’hui, faites plutôt celui de la pression politique que la gauche a jadis exercée quand M. Valls était ministre de l’intérieur ! Ses services avaient en effet très bien travaillé. S’il y a un drame avec cette attaque d’Arras, madame de La Gontrie, c’est d’avoir soutenu la proposition de libération de ces personnes ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 53 rectifié, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, plus de 2 millions d’étrangers sont entrés sur le territoire français sous la Macronie, soit l’équivalent de la ville de Paris.
Selon l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID), entre 700 000 et 900 000 clandestins vivent sur notre sol. C’est l’équivalent de la population de Marseille.
Par ailleurs, 95 % des OQTF ne sont pas exécutées.
De plus, 423 000 clandestins bénéficient de l’aide médicale de l’État. C’est près de 20 000 bénéficiaires supplémentaires en seulement six mois ! Cela nous coûte 1,2 milliard d’euros par an.
Selon l’Assemblée des départements de France (ADF), il y aurait plus de 40 000 prétendus mineurs non accompagnés pour un coût annuel moyen de 50 000 euros par mineur, soit 2 milliards d’euros par an à la charge du contribuable français !
Par ailleurs, selon l’Insee, sur les 2,6 millions d’Algériens vivant sur notre sol, 42 % sont chômeurs ou inactifs tout en bénéficiant de la panoplie des aides sociales dont ils ne sont pas contributeurs. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – M. Ahmed Laouedj proteste également.)
Alors que la France n’est plus un eldorado, mais est un radeau, l’immigration coûte, selon l’OCDE, 35 milliards d’euros aux finances publiques françaises chaque année, soit l’équivalent du double des économies de la réforme des retraites réalisées jusqu’en 2027 !
Cette immigration a également un coût sécuritaire effarant : les étrangers représentent 10 % de la population totale de la France, mais 25 % de la population carcérale et sont responsables de 50 % de la délinquance et de la criminalité !
La réalité est encore plus scandaleuse, car ces chiffres ne prennent pas en compte les binationaux, tel Mohammed Merah, qui a assassiné des enfants juifs, parce que juifs, et des soldats français, parce que français !
Parmi le flot des faux réfugiés et vrais clandestins, on compte les terroristes du Bataclan, l’assassin de Laura et de Mauranne à Marseille, de Samuel Paty, de Nadine, de Vincent et de Simone dans la basilique de Nice, de Lola, de Dominique Bernard, de Fabienne, très récemment à Lille.
La natalité française s’effondre pendant que la natalité exogène explose chez nous ! Près d’un tiers des enfants nés en 2021 ont au moins un parent né à l’étranger. Cette réalité de la submersion migratoire et de la balance démographique a un nom : le grand remplacement ! (Ah ! sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
C’est un grand remplacement cultuel et civilisationnel : nous sommes passés de cent mosquées en 1970 à trois mille aujourd’hui, si bien que la vie de certains quartiers, de certaines villes de France, est rythmée par les heures de la prière et les us et coutumes islamiques, et que les manifestations de soutien au Hamas se multiplient à travers tout le pays aux cris de « Allah Akbar » motivées par la haine des Juifs et la détestation de la France.
Voilà le bilan suicidaire de votre politique d’immigration, mes chers collègues, car vous êtes tous responsables de ce désastre, de cette folie !
À gauche, pour être passé du parti de l’étranger au parti des étrangers et, bien sûr, on s’en félicite !
M. Mickaël Vallet. Je n’ai pas d’emprunts russes, moi !
M. Stéphane Ravier. À droite, après trente ans de naïveté, de déni, mais aussi de soutien et de petits calculs électoraux, on s’en inquiète enfin…
Plutôt que de vouloir sauver les apparences, je vous conjure de sauver la France : ce sont les Français eux-mêmes qui vous le demandent !
Mes chers collègues, j’en appelle à votre courage et à l’union.
Mme Laurence Rossignol. Au revoir !
M. Rachid Temal. Bonne nuit !
M. Stéphane Ravier. Ensemble, faisons de cette trentième loi sur l’immigration la première et unique loi sur la non-immigration, pour que vive la France française dans une Europe européenne ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a plus de trente ans, François Mitterrand estimait que les capacités maximales d’accueil des immigrés en France avaient été atteintes dès les années 1970.
Ne pas réussir à gérer la question migratoire depuis des décennies apparaît aux yeux de nos concitoyens comme la démonstration de l’impuissance de l’État.
En 2022, les franchissements illégaux de nos frontières extérieures ont bondi de 64 % par rapport à 2021. Ils sont encore en augmentation en 2023. Les États, y compris au sein de Frontex, ne déploient pas suffisamment de moyens pour faire face à cet afflux.
L’immigration légale connaît, elle aussi, une forte progression au sein des pays de l’OCDE : 300 000 immigrés permanents en France pour la seule année 2022. Ce chiffre bat le record des quinze dernières années.
Malgré cela, certains continuent d’appeler à ouvrir grand nos portes, prétendant ainsi défendre les droits de l’homme et la voix du peuple. C’est illusoire et même dangereux.
C’est illusoire, d’abord, car nous n’avons pas les moyens d’accueillir tout le monde dans des conditions décentes et dignes.
C’est dangereux, ensuite, parce que plus de 71 % de nos concitoyens considèrent qu’il y a trop d’immigrés en France : nos compatriotes ne souhaitent pas d’immigration massive.
M. Rachid Temal. Et donc ?
M. Dany Wattebled. Conscients de cela, nous devons aussi garder en mémoire les conséquences politiques des vagues migratoires depuis 2015 en Europe.
La Grèce aurait procédé à des refoulements illégaux, la Pologne a géré avec beaucoup de fermeté la crise provoquée par la Biélorussie, la Hongrie a construit un mur de barbelés, le Royaume-Uni et le Danemark ont envisagé de renvoyer leurs migrants vers le Rwanda. La France n’a jamais recouru à de tels procédés.
Les crises géopolitiques s’enchaînent : au Moyen-Orient, au Sahel, en Afrique subsaharienne et demain dans le golfe de Guinée. Il est à craindre que les flux migratoires vers l’Europe continuent de s’accroître.
Bien encadrée, l’immigration peut être une chance pour nous tous lorsqu’elle aboutit à l’intégration. En revanche, il est malhonnête de prétendre qu’une immigration insuffisamment maîtrisée n’est pas source de difficultés.
Notre nation fait face à un déficit de cohésion. L’accueil d’étrangers désireux de nous rejoindre ne peut pas se faire au prix de l’affaiblissement de nos valeurs. Nous devons absolument reprendre le contrôle. Le projet de loi que nous examinons y contribue.
Ce texte aggrave, d’abord, les sanctions contre les passeurs, contre tous ceux qui facilitent l’immigration illégale sur notre territoire. Les sanctions prévues sont lourdes et dissuasives. Elles devront être appliquées.
Il renforce ensuite les possibilités d’expulsion des étrangers dangereux. Aucun de nos compatriotes ne peut plus comprendre ni accepter que de tels individus se maintiennent sur notre territoire.
Ceux qui représentent une menace grave pour l’ordre public, ceux qui ont été condamnés pour des infractions à la loi pénale, ceux-là n’ont pas leur place en France. Ces mesures protégeront davantage nos concitoyens et permettront une meilleure intégration des étrangers respectueux de nos lois.
Dans le même esprit, nous nous félicitons que l’engagement républicain soit remis au centre de notre politique migratoire. L’égalité femme-homme, la laïcité, le respect de la liberté, des valeurs et des symboles de la République ne sont pas des éléments négociables. Il appartient à ceux qui veulent venir dans notre pays d’en embrasser la culture et les valeurs.
Le projet de loi renforce également les exigences relatives à la maîtrise de la langue française. C’est l’une des clés de l’intégration des immigrés à notre société. L’autre clé est bien entendu le travail.
L’article 3 est sans doute le plus polémique du texte. Nous attendons des débats à venir qu’ils nous permettent de trouver un point d’équilibre entre, d’une part, des situations d’ores et déjà existantes dans notre pays et, d’autre part, la nécessité de ne pas créer d’appel d’air.
M. Rachid Temal. Le mythe de l’appel d’air…
M. Dany Wattebled. L’histoire de notre pays et sa démographie nous conduisent à mener une politique d’accueil maîtrisée. Nous devons absolument veiller à l’exécution des lois que nous votons et à celle des décisions rendues par la justice et par nos tribunaux.
Nous appelons de nos vœux une politique d’immigration choisie. Nous souhaitons que les immigrés admis à vivre dans notre pays travaillent et qu’ils soient accueillis en fonction des besoins de notre économie, c’est-à-dire de notre société. C’est cela qui leur permettra la meilleure intégration.
Parmi les besoins de notre société se trouvent, bien sûr, les métiers en tension du médico-social. Le projet de loi prévoit plusieurs mesures à même de soulager le manque de personnel. Il n’y a pas que des patrons voyous : il y a aussi beaucoup de patrons qui veulent régulariser leur personnel. (M. le ministre acquiesce.) Certaines de ces personnes sont présentes sur notre territoire depuis plusieurs années et leurs employeurs ne savaient même pas qu’elles étaient en situation irrégulière !
La question migratoire concerne tant la France que ses partenaires européens. Seuls les grands ensembles peuvent répondre efficacement aux grands défis de notre temps.
Dans le cadre de la définition de sa politique migratoire, l’Union européenne doit travailler à soulager les États membres qui sont en première ligne. La France en fait partie. Avec nos partenaires, nous devons ensuite négocier avec plus de fermeté les accords de réadmission afin de renforcer nos capacités de reconduite vers les pays d’origine.
Si nous ne parvenons pas à garder efficacement nos frontières, si nous échouons à faire correspondre l’immigration aux besoins de nos sociétés, les Européens sont condamnés à la division et donc à l’impuissance.
Ce texte nécessaire et attendu constitue une première réponse aux attentes de nos concitoyens. Nous devrons, lors de l’examen prochain du budget, veiller à accroître nos moyens à la hauteur de nos ambitions.
Le groupe Les Indépendants - République et Territoires soutient l’adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, Monsieur le ministre, Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ça y est ! Nous allons enfin examiner ce projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, dont 98 % de son contenu a été approuvé au mois de mars dernier.
Cette attente nous aura permis de mesurer à quel point notre droit ne nous permet pas de faire face efficacement à l’un des principaux défis politiques qui sont devant nous.
En effet, pas un mois, malheureusement, sans que l’actualité fasse état de délits commis par une personne qui n’aurait pas dû être sur notre sol ou que l’on soit confronté à ces images de camps de migrants sur l’espace public.
Malgré les très nombreux textes législatifs qui se sont succédé depuis plus de trente ans, la politique migratoire laisse apparaître une forme d’impuissance, de fatalité, que l’État ne parviendrait pas à gérer.
Pourtant, on ne peut pas faire le reproche à votre gouvernement de ne rien faire en la matière, monsieur le ministre ! Mais la réalité quotidienne, notamment en matière d’immigration illégale, est souvent décourageante.
Si l’on en croit l’exposé des motifs, votre projet de loi n’est pas « une couche supplémentaire de sédimentation législative ». Nous espérons tous, en effet, que tel n’est pas le cas !
Une chose est sûre, sans refaire l’inventaire de la totalité des mesures, votre texte vise bel et bien l’ensemble des aspects de notre politique migratoire, en passant de l’immigration économique à l’asile et à la simplification de son contentieux, jusqu’aux mesures en faveur de l’intégration et de la lutte contre l’immigration illégale.
Malgré tout, cela a été rappelé par nos rapporteurs, votre texte manquait d’ambition sur certaines thématiques. Notre commission des lois, dont je salue la qualité du travail, a largement étoffé celui-ci s’agissant aussi bien du renforcement de la politique d’intégration que de la lutte contre l’immigration illégale.
Je reviendrai dans quelques instants sur plusieurs aspects du texte. Je formulerai tout d’abord une remarque d’ordre général.
Le défi migratoire ne concerne pas que notre pays, comme vous l’avez rappelé. Il concerne l’ensemble de nos voisins européens et nous ne sommes pas dans la situation la plus compliquée. L’Italie ou la Grèce, pour ne citer que ces deux pays, sont quotidiennement bien plus exposées que nous.
Par facilité, certains sont tentés de dire : « Ah oui, mais vous comprenez, c’est surtout un problème européen, il est vain de modifier sans fin notre législation nationale ! »
Bien sûr que le problème est européen, mais ce n’est certainement pas une raison pour attendre que la solution vienne exclusivement de l’Union européenne ! Nous devons à la fois introduire des évolutions efficaces dans notre droit interne et convaincre nos voisins d’adopter des solutions à l’échelle européenne. Mais l’un ne va pas sans l’autre. Nous avons besoin de règles européennes.
Sommes-nous parvenus, avec les mesures que nous examinons aujourd’hui, à un « plafond de verre » de ce que nous pouvons faire à droit constitutionnel constant ? Sur plusieurs aspects, il me semble que c’est le cas.
Je ne doute pas que la discussion des amendements conduira nos rapporteurs à rappeler ce cadre et à signaler que plusieurs propositions pouvant paraître intéressantes sont contraires à la Constitution.
Nous sommes conscients de ces limites constitutionnelles. C’est la raison pour laquelle, depuis les travaux de la commission, en mars dernier, notre groupe a déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à aménager la norme suprême en matière d’asile.
Le texte que nous avons déposé prévoit que les demandes d’asile soient présentées non plus à l’arrivée sur le territoire national, mais auprès de nos ambassades et consulats.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Isabelle Florennes. Nous pensons qu’il faut donc radicalement faire évoluer notre système pour pouvoir continuer à protéger vite ceux qui sont réellement en danger. Sur ce sujet, il y va de l’honneur de la France.
C’est pourquoi nous ne sommes pas opposés, par principe, à faire évoluer notre Constitution sur ces questions, mais nous voulons agir dans le respect des exigences conventionnelles.
En effet, peut-on accepter, demain, de déroger à la hiérarchie des normes, principe cardinal de notre état de droit ? Faut-il envisager des cas dans lesquels l’autorité des traités serait remise en cause par rapport à celle de la loi interne ? Nous y sommes défavorables.
Si certains aspects d’un traité nous semblent inadaptés, négocions leur modification. Si des dispositions communautaires sont devenues inopportunes, travaillons avec nos voisins pour les changer !
Puisque nos collègues du groupe Les Républicains nous y invitent, nous aurons ce débat dans cet hémicycle au mois de décembre.
Pour l’heure, notre commission des lois a apporté de nombreuses améliorations au texte. Je me concentrerai sur certaines d’entre elles.
L’article 1er A – vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – introduit une innovation majeure. Il prévoit la tenue d’un débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles en matière migratoire. Mais, surtout, à l’issue du débat, le Parlement déterminera le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France pour chacune des catégories de séjour, à l’exception de l’asile.
Au travers de cette disposition, la représentation nationale va pouvoir, chaque année, orienter la politique migratoire de notre pays : c’est une excellente mesure qui permettra d’associer députés, sénateurs et Gouvernement dans un débat public. Pour une fois, nous ne subirons pas l’actualité, nous la ferons.
La commission s’est également attachée à renforcer la lutte contre l’immigration illégale.
Deux articles du texte sont sortis malheureusement de l’anonymat après l’assassinat ignoble de Dominique Bernard, enseignant à la cité scolaire Gambetta-Carnot d’Arras, à savoir les articles 9 et 10.
Nos rapporteurs avaient déjà profondément modifié ces articles relatifs aux protections permettant d’empêcher des mesures d’expulsion ou le prononcé d’une interdiction du territoire français.
Nous avons tous été heurtés par le profil de l’agresseur du professeur assassiné et de celui d’une partie de sa famille, totalement radicalisée. Il nous faut aller plus loin et faciliter encore la levée des protections absolues et relatives pour des individus qui constituent une menace importante pour la sécurité publique.
Néanmoins, sur ce sujet comme sur d’autres, ne cédons pas à la tentation d’adopter des dispositifs dont nous savons qu’ils seront censurés par le Conseil constitutionnel. Nous n’avons rien à y gagner.
Impossible de faire l’impasse sur l’article le plus célèbre de ce texte : le fameux article 3.
Nous tenons au préalable à rappeler que nous ne comprenons pas du tout l’effervescence suscitée par cette disposition sur les métiers en tension.
Mme Isabelle Florennes. Elle ne mérite sûrement pas les réactions très excessives qu’elle suscite.
Y a-t-il aujourd’hui des personnes en situation irrégulière qui travaillent légalement dans notre pays ? La réponse est oui, bien sûr.
Sont-elles parfois régularisées au bout d’un certain temps de présence et de travail sur le territoire national ? Oui, bien sûr ! Autrement dit, le sujet de cet article n’est pas nouveau et il ne serait pas juste de prétendre le contraire.
L’innovation majeure de l’article 3 réside dans la création d’un titre de séjour de plein droit pour une personne travaillant dans notre pays depuis plus de huit mois au cours des deux dernières années.
Notre groupe a longuement débattu de cette disposition. Un élément central a toujours fait consensus : nier la situation de ces travailleurs sans-papiers, qui travaillent parfois depuis des années sur notre sol, souvent dans des métiers pénibles, ne résoudra pas le problème.
M. Thomas Dossus. C’est vrai !
Mme Isabelle Florennes. Soyons clairs, ces personnes sont le plus souvent non expulsables : elles sont sur le territoire depuis trop longtemps, elles sont intégrées, elles ont souvent une famille. Inutile donc de venir les voir grossir la catégorie de ce que l’on appelle les « ni ni » : ni expulsables ni régularisables.
Faut-il pour autant créer un nouveau type de titre de séjour ? Nous avons finalement considéré que ce n’était pas la bonne option. La solution la plus efficace est de conserver, comme aujourd’hui, le pouvoir d’appréciation des préfets dans une gestion des dossiers au cas par cas. C’est ce à quoi que tend l’amendement que nous vous présenterons.
Il vise aussi et surtout à modifier le régime applicable en matière d’autorisation de travail. Cela a été rappelé : un salarié sans-papiers qui souhaite régulariser sa situation doit recueillir l’accord de son employeur pour pouvoir présenter sa demande de titre de séjour en préfecture. Il ne nous paraît pas pertinent de maintenir ainsi un salarié étranger dans la dépendance de son employeur. C’est la raison pour laquelle notre amendement a également pour objet la suppression de cet accord préalable.
Une telle rédaction de l’article 3 nous semble pragmatique et responsable : ni appel d’air ni déni de réalité. Nous espérons que celle-ci sera finalement partagée par tous.
Nous sommes également favorables à un dispositif qui permette d’assouplir l’accès plus rapide au marché du travail pour les demandeurs d’asile qui sont le plus susceptibles d’obtenir la protection de la France.
Il ne s’agit pas de remettre en cause la règle applicable à tous les demandeurs d’asile, d’autant que l’on sait pertinemment qu’une majorité d’entre eux n’obtiendra pas le statut de réfugié.
En revanche, laisser travailler un individu originaire d’un pays pour lequel les ressortissants obtiennent l’asile dans 90 % des cas est une mesure pragmatique ! Cela favorisera son intégration et nous y sommes favorables.
Je conclurai en reprenant une analyse de notre collègue député Jean-Louis Bourlanges. Ce dernier considère qu’il règne en France un climat de peur et d’insécurité dû en grande partie à une perte de confiance dans nos institutions.
Ce texte, à l’aune de nouvelles procédures administratives, tente de remédier à ce constat. Il vient compléter d’autres mesures déjà prises en y mettant encore plus d’exigences. Il correspond à une attente de fermeté et d’efficacité de nos concitoyens. En effet, un sondage paru hier montre que les trois quarts de l’opinion publique soutiennent le présent projet de loi.
Enfin, à celles et à ceux qui veulent fermer les frontières de notre pays, je rappelle que la France s’est construite de tout temps grâce à l’arrivée d’étrangers venant de multiples pays, à qui elle doit une grande partie de sa richesse et de son rayonnement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
(M. Alain Marc remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc
vice-président
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’entrer dans les détails importants de ce projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, il est bon de rappeler qu’il est le trentième texte de loi sur la question de l’immigration depuis les années 1980…
À sa lecture, on peut être heurté par son déséquilibre provoqué tant par la partie sécuritaire du texte gouvernemental initial que par la version de la commission des lois du Sénat, qui reste sans voix sur les articles 3 et 4, au cœur de l’intégration prévue, tout en renforçant ses aspects punitifs.
Je sais que nous ne définissons ni ne caractérisons pas tous l’immigration de la même façon.
L’immigration est un phénomène normal, historique, récurrent. Point commun de l’histoire des civilisations, elle a participé et participera à l’évolution de notre culture et à la construction de notre pays.
C’est un phénomène démographique complexe et tributaire de contingences géopolitiques comme les guerres ou les famines, et même du changement climatique.
Cependant, d’autres fables, de plus en plus nombreuses, voient le jour. Dans la réalité, aucun mur physique ou administratif n’a pu empêcher durablement l’être humain d’aller voir ailleurs, surtout pour des raisons liées à sa survie. Tant d’épisodes tragiques nous le rappellent : en Méditerranée, dans la Manche et ailleurs.
C’est un phénomène, enfin, qui entraînera encore plus de mouvements dans les années à venir au sein des pays et des continents et entre ceux-ci.
Le phénomène migratoire ne peut être appréhendé uniquement à l’aune d’une vision sécuritaire, sauf à assimiler l’étranger à une menace, ce que nous refusons. Le ministère de l’intérieur ne doit pas être l’unique maître d’œuvre de la politique migratoire de notre pays. Il est urgent de nous pencher sur la création d’un ministère dédié à la politique d’immigration, d’accueil et d’intégration comme notre groupe, notamment par la voix de mon collègue Thomas Dossus, a déjà pu l’évoquer.
L’équilibre recherché par ce projet de loi est loin de la promesse présidentielle de 2019, lorsque Emmanuel Macron affirmait : « Je crois au vrai “en même temps” sur la politique migratoire aussi. »
Aussi, quelle est cette histoire présentée aujourd’hui par le Gouvernement et réécrite par la commission des lois du Sénat ? Ne soyons pas dupes et analysons l’intérêt politicien devenu le fondement de ce texte dont le parcours jusqu’à ce jour est plus qu’erratique.
Certes, vous déclariez, monsieur le ministre, il y a quelques jours dans Le Journal du dimanche : « L’enjeu est trop important pour la Nation pour faire de la politique politicienne. » (M. le ministre acquiesce.) Pourtant, tout, dans la gestion de ce texte, n’est que reflet d’un calcul politicien.
Sinon, comment expliquer son retrait de la séance publique au mois de mars dernier, au prétexte qu’« il n’existait pas de majorité pour voter un tel texte », selon Élisabeth Borne ?
Comment expliquer les annonces présidentielles de mars dernier : « Il y aura bien une loi immigration. Il y aura sans doute plusieurs textes immigration et ils arriveront dans les prochaines semaines. » ?
Comment accorder ces propos avec les déclarations de la Première ministre en avril : « Ce n’est pas le moment de lancer un débat sur un sujet qui pourrait diviser le pays. […] Si nous ne pouvons pas trouver d’accord global, nous présenterons en tout état de cause un texte à l’automne, avec comme seule boussole l’efficacité. » ? Pensez-vous réellement que le climat soit plus apaisé aujourd’hui qu’en avril ?
La politisation outrancière de la question migratoire est un piège qui ne devrait profiter à personne, mais qui profitera malheureusement à certains.
Comment expliquer, encore, que l’on soit passé d’un texte « gentil avec les gentils, méchant avec les méchants » – c’était la morale de la fable –, au texte « le plus ferme avec les mesures les plus dures depuis ces trente dernières années » ?
M. Guy Benarroche. « La France ne peut pas accueillir tout le monde si elle veut accueillir bien », disait le Président de la République en 2019. Mieux accueillir, est-ce procéder dans le budget à une baisse des crédits octroyés pour l’allocation pour demandeur d’asile de plus d’un tiers – 36 % – comme l’an dernier ? (M. le ministre conteste ce chiffre.) Quel décalage entre la réalité et le récit !
Notre pays ne peut pas mettre les gens dans des situations irrégulières vis-à-vis de la loi du fait de la complexité croissante de celle-ci et de l’inflation législative nationale et européenne. Comment ne pas voir que ce texte n’apporte rien au phénomène inexcusable de précarisation des étrangers ?
Venons-en à l’intégration par le travail : c’était l’un des deux piliers mis en avant par les ministres Darmanin et Dussopt. L’accès au travail est la clé de l’intégration des adultes arrivant sur notre sol. Je sais que cette conviction est partagée, au vu du traitement des Ukrainiens lors de leur arrivée. La crise ukrainienne a montré que l’Europe et notre pays pouvaient accueillir, de manière à la fois convenable et rapide, dès lors que la volonté politique en ce sens était affirmée. Le régime dérogatoire appliqué aux Ukrainiens, qui a fait ses preuves, ne devrait-il pas tendre à devenir la règle ?
La question de la régularisation – la jambe gauche bien maigrichonne du texte –, abordée en partie dans l’article 3, est essentielle. Permettez-moi de rappeler l’objectif annoncé : régulariser les travailleurs sans-papiers pour faciliter leur intégration, leur éviter d’être à la merci de réseaux mafieux et permettre à de nombreuses branches de notre économie de fonctionner normalement, comme beaucoup d’employeurs le demandent.
Or, monsieur le ministre, en l’absence du ministre du travail, vous nous dites aujourd’hui que vous allez passer un accord avec la droite afin que cet article 3 permette de régulariser le moins de monde possible, sans satisfaire aucun des objectifs que vous aviez vous-même annoncés. Comment ne pas vouloir protéger des personnes qui travaillent et qui veulent s’intégrer de la peur permanente du contrôle, de l’éloignement, d’un nouvel exode ? Personne ne peut être complètement intégré, même après des années, en vivant dans une telle crainte. Intégrer par le travail, c’est aussi régulariser par le travail.
Par ce texte, vous proposez également de multiplier les OQTF ainsi que les centres de rétention administrative (CRA) et, en même temps, d’imposer plus de contraintes dans le cadre du renouvellement des demandes, pour les étudiants par exemple, pour les prises de rendez-vous en préfecture ou encore pour l’obtention de titres, alors que l’on sait déjà que les délais sont insupportables.
Nous étions prêts à féliciter le Gouvernement pour enfin agir sur la rétention de mineurs dans les centres de rétention administrative, mais la limitation de l’interdiction de placement aux mineurs âgés de moins de 16 ans est une farce qui ne nous amuse pas.
Vous organisez les défaillances systémiques de la CNDA – manque de moyens et de personnels – et, en même temps, vous vous appuyez sur ces délais rendus trop longs pour justifier une réflexion au sujet des modifications des règles de droit pour limiter les recours et généraliser le juge unique !
Les assesseurs de la formation collégiale ne sont pas forcément des magistrats : cesser de faire appel à la collégialité, notamment au membre désigné par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, n’accélérera pas les procédures.
Certes, il y a une embolisation d’un système mal dimensionné, mais la seule réponse est un calibrage adapté, avec un nombre de locaux et des effectifs adéquats.
Au groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, nous sommes clairement en faveur d’une plus grande célérité des procédures, mais jamais aux dépens des fondamentaux de la justice, des droits de la personne ou des conditions de travail des agents de notre service public.
Je pense aussi à l’enterrement définitif de la promesse d’Orléans de 2017, lorsque le Président avait déclaré qu’aucun demandeur d’asile ne dormirait dehors : rien de ce qui nous a été présenté ne s’attelle à ce sujet pourtant essentiel.
Et comment ne pas évoquer la fin de l’AME, qui, comme l’ont souligné des milliers de médecins, acteurs de la santé et du social, est une aberration ? Quelle est cette légende d’un prétendu appel d’air que tous les chiffres et témoignages démentent ?
Nous devons veiller à une inconditionnalité de la dignité dans l’accueil : il y va de notre honneur, dont je regrette que nous ne fassions pas preuve à un degré égal face à l’Aquarius ou à l’Ocean Viking.
L’accord comme le rejet des demandes d’asiles doivent s’inscrire dans le respect des procédures et des personnes, et dans le cadre d’une prise en charge digne, de l’accueil jusqu’au traitement des demandes.
Chers collègues, n’y voyez ni naïveté ni idéalisme utopique, mais entendez au contraire le besoin d’accueillir humainement et de mieux respecter la dignité de chacun. Ce projet de loi ne le permet pas : nous avons la responsabilité de le faire évoluer dans les jours qui viennent. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat. (M. Fabien Gay applaudit.)
M. Ian Brossat. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi, tel qu’il a été réécrit par la commission des lois du Sénat, part au fond d’un principe : l’idée que l’étranger serait d’abord une menace dont il faudrait se prémunir, un péril dont nous devrions nous protéger, un danger qu’il nous reviendrait d’écarter. Mon groupe ne partage ni cette vision des choses ni toutes les mesures qui en découlent.
Qu’un pays définisse des règles en matière d’immigration, c’est une chose qui est parfaitement naturelle et légitime ; qu’il veille à leur respect l’est également. En revanche, que la politique d’immigration se consacre quasi exclusivement à faire des étrangers qui vivent sur notre sol des suspects, c’en est une autre, à laquelle nous n’adhérerons jamais.
Il suffit d’ailleurs, pour démentir cette vision, de regarder la société en face ; de regarder en face la grande masse des étrangers qui vivent sur notre sol, qu’ils aient des papiers ou non – ceux dont on ne parle finalement jamais, ceux qui travaillent en silence, ceux qui, bien souvent, prennent le premier métro pour que les cadres de La Défense puissent travailler dans des bureaux propres. De tous ceux-là, personne ne parle jamais. Ils sont pourtant là, sous nos yeux, dans les cuisines des restaurants alentour, dans les chantiers où se préparent les jeux Olympiques : ils sont auxiliaires de vie dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), médecins dans les hôpitaux, ouvriers agricoles dans nos champs, chercheurs dans nos universités.
Ne pas voir la réalité de la grande masse des étrangers qui vivent sur notre sol, c’est nier que ces femmes et ces hommes travaillent ici, produisent des richesses ici, participent du rayonnement de notre pays et respectent les lois, les principes et les valeurs de la République.
Ces hommes, ces femmes-là, ceux qui représentent la grande masse des étrangers qui vivent sur notre territoire, sont assurément beaucoup plus patriotes et loyaux à la France que tous ces émigrés fiscaux qui continuent à bénéficier d’un laxisme coupable.
Mme Colombe Brossel. Excellent !
M. Ian Brossat. Vous l’avez compris : notre vision est à mille lieues de celle que défendent la majorité sénatoriale et le Gouvernement. Nous sommes à la fois en désaccord avec votre constat de départ et, par conséquent, avec toutes les mesures qui en découlent.
En effet, les amendements qui ont été votés en commission des lois visent en réalité à aggraver le projet initial présenté par le Gouvernement : je pense ici à la limitation du droit du sol et du regroupement familial – ce qui est d’ailleurs totalement contradictoire avec l’objectif d’intégration, car il faudra m’expliquer comment un étranger qui vient en France peut s’intégrer, dès lors qu’il n’a pas la possibilité de vivre en famille – et à la remise en cause de l’aide médicale de l’État.
Au fond, partant de l’idée que l’immigré est une menace, vous déployez une stratégie selon laquelle vous parviendrez à réduire les flux migratoires en dégradant les conditions d’accueil de ceux qui cherchent refuge chez nous. C’est totalement faux : d’abord parce que, depuis des années, ces conditions d’accueil ont déjà été considérablement dégradées sans que cela ait en rien conduit à un tarissement des flux ; ensuite, parce que le faible taux de recours aux nombreuses aides dont peuvent bénéficier les immigrés prouve bien que ceux-ci ne viennent pas en France pour ce motif.
Comment expliquer autrement que le taux de recours à l’aide médicale de l’État soit d’à peine 50 % ? Comment expliquer que 70 % des étrangers en situation régulière, ressortissants d’un État hors de l’Union européenne, ayant droit au revenu de solidarité active (RSA) n’y ont pas recours ? C’est bien la preuve que ces personnes ne viennent pas en France pour bénéficier d’aides.
Adopter une telle vision, c’est par ailleurs se tromper fondamentalement : en effet, ce qui provoque la migration, c’est non pas l’attractivité du pays d’accueil, mais bien la situation du pays de départ. Pour avoir un effet sur les flux, il faut donc agir sur la situation du pays de départ et non pas dégrader les conditions d’accueil sur notre sol.
Dès lors, deux possibilités se présentent à nous. Soit nous restons dans le déni et continuons à vendre le mirage d’une immigration zéro – ou d’une immigration quasi réduite à néant – : faire ce choix, c’est laisser le chaos s’installer. Soit nous regardons la réalité des migrations en face et nous organisons les conditions d’un accueil digne et d’une intégration par l’école, par la langue et par le travail.
C’est d’ailleurs précisément parce que cette organisation fait défaut que nous en sommes là aujourd’hui. C’est précisément ce qui nourrit le discours sur le chaos migratoire : c’est l’absence de voie légale d’immigration qui crée un marché pour les passeurs ; c’est l’absence d’hébergements dignes qui crée un marché pour les marchands de sommeil – d’ailleurs, nous proposons un amendement visant à permettre aux victimes des marchands de sommeil qui portent plainte de bénéficier d’un titre de séjour provisoire, afin de les protéger. C’est, enfin, l’absence de régularisation massive par le travail qui crée les conditions pour que des patrons voyous puissent profiter de la misère.
Autrement dit, le drame est non pas l’immigration, mais son exploitation par un certain nombre de personnes qui profitent de la misère humaine. Cela a été dit, mais la suppression par la commission des lois de l’article 8, qui sanctionnait les employeurs d’immigrés sans-papiers, soulève une question qui devrait interpeller chacun d’entre nous : dans une relation d’exploitation, qui est coupable ? L’exploiteur, ou l’exploité ? Seule la régularisation des travailleurs sans-papiers nous permettrait de sortir de cette hypocrisie.
Vous l’aurez compris : la vision que nous défendons est aux antipodes de celle du texte issu des travaux de la commission des lois. Ne l’oublions pas : lorsque nous débattons au sujet des étrangers qui vivent sur notre sol et des politiques qui les concernent, c’est d’abord de nous-mêmes, de notre vision de notre pays et de nos valeurs qu’il est question. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ces dernières décennies, notre hémicycle a plutôt eu l’habitude légitime de se plaindre du millefeuille administratif, face à la prolifération des strates d’administrations locales. Le menu de cette semaine ne s’en éloigne finalement pas tellement, puisque nous allons nous pencher sur un autre millefeuille – mais celui-ci change de saveur : il est législatif !
Depuis le début des années 1980, le Parlement a déjà voté près de trente lois sur l’immigration, soit environ une tous les dix-sept mois.
Ces chiffres à l’esprit, on s’interroge forcément sur la nécessité d’un nouveau texte, alors même que nous n’avons pas encore tiré tous les enseignements de la loi Collomb, qui nourrissait pourtant des ambitions assez similaires à celle du projet que nous examinons. Il est vrai que le monde change et qu’il faut s’adapter, mais inspirons-nous des leçons des expériences précédentes.
Toutefois, en découvrant le texte dans sa version initiale, nous avons d’abord été plutôt surpris. Il comprenait des mesures auxquelles nous étions favorables, et celles qui nous contrariaient le plus restaient malgré tout tempérées.
Parmi les mesures positives, il y avait évidemment les articles 3 et 4. Nous sommes absolument favorables à l’idée de sortir les travailleurs immigrés d’une situation de précarité difficile, marquée par des emplois instables, une faible rémunération et l’absence de tout dispositif de protection sociale. Il n’y a pas de doute que l’intégration par le travail soit efficace et valorisante. Au sein de cet hémicycle, qui n’a pas reçu dans son département l’appel d’un chef d’entreprise devant se séparer de son employé pour non-régularisation de sa situation ?
Parmi les mesures qui nous paraissaient négatives, je pense à la réforme du contentieux des étrangers. Certes, nos administrations et nos juridictions font face à de réelles difficultés, liées à l’engorgement et à la complexité juridique. Pour autant, ces difficultés juridiques et le manque de moyens humains ne sauraient être compensés par le renoncement à nos principes fondamentaux, notamment la collégialité des juridictions et la publicité des débats.
Il s’agit là de principes que nous défendons systématiquement, à chaque réforme du contentieux ou des institutions.
Il aurait peut-être été plus judicieux de réformer le fond du droit, en le simplifiant et en le clarifiant : les résultats d’une telle démarche sur la célérité et l’efficacité de la justice seraient sans doute plus probants. Nous y reviendrons lors de l’examen des articles et des amendements.
Toujours est-il que, dans sa première mouture, le texte aurait pu convenir à notre groupe, sous réserve de quelques aménagements, mais sans modification en profondeur.
Puis est venu l’examen du texte par notre commission des lois – là, ce projet de loi sur l’immigration a pris une tournure radicale, parfois même brutale.
Je m’attarderai seulement sur quelques exemples, car nous aurons le temps de détailler nos positions durant cette semaine d’examen.
D’abord, l’article 1er I, qui prévoit de substituer à l’aide médicale de l’État une aide médicale d’urgence, est symptomatique d’un état d’esprit – celui-là même qui a donné au projet de loi une tournure éloignant tout espoir de consensus.
En effet, cet article ajouté par notre commission est révélateur d’un parti pris sur l’immigration, car rien ne le justifie, ni dans les faits ni d’un point de vue économique ou sanitaire.
D’abord, certains décrivent ce dispositif comme générateur d’un appel d’air. Or, d’une part, toutes les personnes éligibles à l’AME n’en bénéficient pas réellement, et cela, même lorsqu’elles déclarent souffrir de maladies nécessitant des soins ; d’autre part, moins de 10 % des étrangers en situation irrégulière invoquent la santé comme motif de venue en France. J’ai du mal à y voir un usage abusif.
D’un point de vue économique et sanitaire, ensuite, nous sortons d’une pandémie qui a rappelé les impératifs les plus fondamentaux en matière de santé publique : que se passera-t-il lorsque, dans notre pays, nous ne soignerons plus une partie de la population pour défaut de titre de séjour ? Quelle sera la réaction des médecins ? Nous le savons tous très bien : cette suppression idéologique pourrait avoir de graves conséquences pour le système de santé français et constitue un non-sens économique. En effet, les pathologies hospitalières prises en charge tardivement sont particulièrement coûteuses.
Parmi les autres dispositifs préoccupants et ajoutés par le Sénat, les articles 2 bis et 2 ter marquent un recul très net du droit du sol, exigeant des mineurs une manifestation de volonté – et, pour le dire simplement, un casier judiciaire vierge – pour acquérir la nationalité française. Alors que notre assemblée s’attache le plus souvent à défendre les droits des enfants et de la jeunesse, j’ai du mal à comprendre que ce sujet soit encore débattu.
S’agissant de la manifestation de volonté, je veux bien y voir un intérêt symbolique, mais, en pratique, ce ne sera qu’une démarche administrative de plus sans efficacité concrète.
Ensuite, concernant l’exclusion du bénéfice de l’acquisition de la nationalité par droit du sol des mineurs condamnés à une peine de six mois d’emprisonnement, ces jeunes n’auraient donc plus le droit à l’erreur, alors même que notre Parlement peine, par exemple, à adopter une mesure de cette nature pour les élus.
M. Yannick Jadot. Bravo !
Mme Maryse Carrère. L’asymétrie dans cette exigence de moralisation me met mal à l’aise.
Les articles 3 et 4 restent cependant en suspens, comme un dernier espoir que ce texte puisse encore être défendu. Puisque nos rapporteurs n’ont pas trouvé d’accord, j’espère que notre hémicycle sera favorable à ces deux articles : ils nous semblent en effet fondamentaux pour que notre pays aborde avec plus d’apaisement et de sérénité la question de l’immigration.
Dernier point sur lequel nous ne pouvons pas faire l’impasse : la question des OQTF, difficile, car souvent instrumentalisée par les populismes. Nous sommes forcément saisis par l’écart qui existe entre, d’un côté, le nombre d’OQTF prononcées et, de l’autre, celles qui sont finalement exécutées.
Par ailleurs, chacun a déjà rencontré dans son département le cas d’une personne parfaitement intégrée et pourtant menacée d’expulsion ; or il est rare que ces personnes soient concernées par les dispositions des articles 9 et 10 du projet de loi.
Autrement dit, il faut trouver l’équilibre pour cesser de prononcer des OQTF à l’encontre de personnes intégrées et appliquer fermement celles qui visent des personnes risquant d’attenter à la sûreté de notre Nation.
Cela étant, nous admettons que cette équation est difficile à résoudre. Notre seule certitude sur cette question est qu’elle ne sera pas réglée si chacun campe sur ses positions.
Impossible donc en l’état de dire quelle sera la position du RDSE à l’issue des débats sur ce texte : il faudra attendre l’examen des amendements. Toutefois, si le texte n’était pas modifié lors de la séance publique, peu d’entre nous le soutiendront – voire aucun sénateur de mon groupe ne le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Olivier Bitz. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, chacune et chacun le sait bien : les flux migratoires se sont accélérés ces dernières années à l’échelle mondiale. Instabilité politique, évolutions démographiques, inégalités de toutes sortes et changement climatique provoquent une mobilité croissante des populations. Ainsi, selon l’OCDE, l’immigration dans les pays riches a atteint des niveaux records en 2022.
Cette progression rapide trouve bien évidemment sa traduction en Europe et dans notre pays. En 2022, 320 000 autorisations de séjour ont été délivrées par la France alors que, dans le même temps, 131 000 demandes d’asile y ont été enregistrées. Bien évidemment, les entrées clandestines viennent s’ajouter à ces chiffres déjà considérables.
À l’évidence, cette trajectoire n’est pas soutenable dans la durée pour notre cohésion nationale. Elle ne correspond pas à la capacité d’accueil de notre pays, encore moins à sa capacité d’intégration.
Certes, l’échelle européenne est pertinente pour réguler les phénomènes migratoires, et nous nous réjouissons de l’élan donné l’année dernière par la présidence française du Conseil de l’Union européenne pour aboutir à l’adoption prochaine du pacte européen sur la migration et l’asile. La dimension européenne du sujet ne nous empêche cependant pas de muscler notre droit interne.
En effet, nous devons mieux nous outiller sur le plan juridique pour faire face à l’évolution de la situation. L’état de notre droit ne nous permet pas aujourd’hui d’agir assez efficacement pour réduire les flux migratoires, mieux protéger nos concitoyens des délinquants étrangers et affirmer avec force notre attachement aux principes et valeurs de la République.
La loi du 10 septembre 2018 avait déjà fixé le cap ; il s’agit maintenant d’accélérer, à la fois sur les moyens juridiques donnés à l’État pour mener une politique plus ferme, mais aussi, en parallèle, sur les moyens financiers qui lui sont confiés pour atteindre cet objectif. À cet égard, la cohérence entre la volonté politique du Gouvernement et les moyens qu’il a demandés et obtenus avec l’adoption de la Lopmi doit être soulignée. Un seul exemple : pour améliorer l’exécution des décisions d’éloignement, l’objectif de 3 000 places en centres de rétention administrative d’ici à 2027 est d’ores et déjà programmé et financé.
La nécessité d’une évolution plus rigoureuse de notre droit est une conviction largement partagée. Sur la méthode, je me réjouis de constater à quel point ce projet de loi a été enrichi par les travaux de la commission des lois, et de la reprise par le Gouvernement de la quasi-totalité des propositions émises. Il s’agit d’un bel exemple d’un processus de coconstruction qui devrait nous permettre d’avancer, et je salue tout particulièrement la volonté de dialogue et d’échange du ministre de l’intérieur.
Ne pas adopter ce projet de loi reviendrait in fine à se satisfaire de l’état du droit actuel. Ce serait prendre une lourde responsabilité, car notre pays a besoin de renforcer les exigences concernant l’intégration, en demandant aux demandeurs d’une carte de séjour pluriannuelle la connaissance d’un niveau minimum de français, mais aussi un engagement à respecter les principes de la République.
Pour protéger nos concitoyens, la menace grave pour l’ordre public doit devenir un motif de non-renouvellement ou de retrait de la carte de résident. Dans le même sens, le projet de loi facilite l’éloignement des étrangers qui représentent une menace grave pour l’ordre public.
Il s’agit aussi de mettre à l’honneur la valeur travail en faisant de l’activité économique un facteur d’intégration mieux reconnu, au moment même où nombre de nos entreprises souffrent de ne pas trouver la main-d’œuvre qui leur est nécessaire.
On a pu entendre un peu tout et n’importe quoi sur ce désormais célèbre article 3, alors même qu’il ne s’agit que d’un dispositif expérimental, limité dans le temps, permettant seulement de délivrer un titre temporaire d’un an renouvelable, sous conditions, à des personnes se trouvant déjà sur le territoire depuis au moins trois ans et exerçant un métier en tension. Cela ne mérite pas tous les excès entendus.
Par ailleurs, en tant que sénateur de l’Orne, territoire rural, qui, comme bien d’autres, est un désert médical, je me réjouis des mesures facilitant la situation des médecins diplômés à l’étranger au regard de leur droit au séjour.
Enfin, la simplification du contentieux des étrangers est très attendue : elle a pour objectif d’accélérer les procédures tout en conservant l’effectivité du droit au recours.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est fini !
M. Olivier Bitz. Sans surprise, le groupe RDPI soutiendra la volonté du Gouvernement…
M. Rachid Temal. Nous voilà rassurés !
M. Olivier Bitz. … de muscler notre droit en faisant preuve de pragmatisme et d’humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. Mes chers collègues, à la demande de M. le ministre, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « contrairement à ce que certains disent, nous ne sommes pas aujourd’hui confrontés à une vague d’immigration. […] Les composantes de ce mouvement migratoire sont multiples. Elles sont, en premier lieu, le résultat du regroupement familial. Cette pratique demeure marginale et doit être préservée […].
« Ces mouvements migratoires comptent aussi des étudiants, des demandeurs d’asile, dont le nombre a certes un peu augmenté, mais dans des proportions qui n’ont rien de comparable à ce que l’on constate chez nos voisins. Le sujet de l’immigration ne devrait donc pas inquiéter la population française. Et pourtant… »
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Et pourtant !
Mme Corinne Narassiguin. « Pourquoi fait-il débat ? Parce qu’il est source à la fois de confusions, de malentendus, d’une forme d’inquiétude ou, comme le diraient certains auteurs, d’insécurité culturelle. Mais les racines d’un tel sentiment résident dans la question de l’intégration, pas dans le fait migratoire.
« […] Nous ne devons pas mentir à nos concitoyens : l’immigration n’est pas quelque chose dont nous pourrions nous départir. De surcroît, l’immigration se révèle une chance d’un point de vue économique, culturel, social. […] Mais à condition de savoir la prendre en charge. Quand on sait les intégrer, les former, les femmes et les hommes renouvellent notre société, lui donnent une impulsion nouvelle, des élans d’inventivité, d’innovation.
« Les démocraties qui réussissent l’intégration bénéficient d’une croissance supérieure à la nôtre. Mais la question de l’intégration reste un problème en France. Nous ne parvenons plus à nous départir d’une défiance à l’égard des migrants. »
Monsieur le ministre, ces premiers mots de mon propos sont ceux d’Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle, en février 2017.
Que s’est-il passé depuis lors ? Que s’est-il passé, monsieur le ministre, pour que vous nous présentiez le vingt-neuvième projet de loi sur l’immigration depuis les années 1980, en faisant croire à nos concitoyens qu’il résoudra enfin tous leurs problèmes ?
Que s’est-il passé pour que vous « assumiez » être condamné par la Cour européenne des droits de l’homme aussi régulièrement ?
Que s’est-il passé pour que vous présentiez « le texte le plus ferme avec les mesures les plus dures depuis ces trente dernières années », comme vous le proclamez ?
Mme Corinne Narassiguin. Que s’est-il passé pour que le Président de la République renie ses positions antérieures sur la question migratoire ?
La France d’aujourd’hui est l’héritière d’une histoire complexe, qu’elle doit apprendre à assumer. Elle est de fait un pays d’immigration et une terre d’accueil : l’immigration et une réalité structurelle que nous devons embrasser.
Nous, socialistes, considérons qu’une immigration réussie passe par l’intégration. Cette intégration compte trois composantes essentielles : le travail, l’apprentissage de la langue ainsi que la mixité à l’école et dans le logement.
Quand je lis l’expression « améliorer l’intégration » dans le titre de votre projet de loi, je dis : « Pourquoi pas ? »
Un premier enjeu est l’apprentissage de la langue. Monsieur le ministre, vous vous vantez partout que ce projet de loi facilitera l’apprentissage du français. Quand on y regarde de plus près, c’est faux. La vérité, c’est que vous utilisez la maîtrise de la langue française comme un obstacle à l’entrée et à l’installation durable, au lieu de vous inquiéter des moyens de son apprentissage.
Autre volet essentiel pour s’intégrer : le travail. Quoi de mieux pour s’intégrer que le travail, à condition qu’il soit digne, émancipateur et porteur de sens ?
Il y a un an, quand vous souhaitiez être « gentil avec les gentils » aux côtés de M. Dussopt, qui a d’ailleurs disparu des radars depuis lors, c’était la mesure phare de votre texte : le travail. Vous le savez, nous soutenons l’article 3, qui vise à régulariser les travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension. La mesure est très insuffisante, mais il s’agit d’un premier pas fait dans la bonne direction.
Les Français ne sont pas dupes et voient bien que les secteurs de la restauration, de l’hôtellerie, du bâtiment-travaux publics (BTP), de l’aide aux personnes, de la propreté ou encore du numérique fonctionnent grâce à de nombreux travailleurs sans-papiers, travailleurs de l’ombre qui font tourner notre pays. Ils étaient celles et ceux qui sortaient chaque jour en risquant leur vie pendant la covid-19. Ne vous en déplaise, mes chers collègues, ils sont ceux qui épluchent vos légumes et font la plonge au restaurant du Sénat.
Au-delà de cette vision très utilitariste de l’article 3, nous sommes pour la régularisation de l’ensemble des travailleurs sans-papiers sur le territoire français.
M. Roger Karoutchi. Eh ben !
Mme Corinne Narassiguin. Il s’agit d’en finir avec une forme d’hypocrisie, et de leur permettre de vivre légalement sur le territoire sans avoir la peur au ventre et sans courir le risque d’être contrôlés à tout moment pour être renvoyés dans leur pays. Ils contribuent à la vie économique, sociale et culturelle de notre pays, ils doivent pouvoir y vivre en toute légalité.
Nous proposerons donc que l’ensemble des travailleurs puissent être régularisés après six mois de CDI, de CDD ou d’intérim. Nous souhaitons également que cette mesure s’applique aux travailleurs des plateformes, qui, par milliers, participent à notre économie. Nous soutiendrons également la possibilité de travailler dès le dépôt de la demande d’asile.
Nous soutenons votre mesure, mais sans illusion, car nous avons bien compris que vous négociez de manière privilégiée avec la droite extrême représentée dans cet hémicycle par M. Retailleau (M. Roger Karoutchi soupire.), qui veut supprimer cet article 3, seul élément de votre texte relatif à l’intégration.
Le second volet de ce projet de loi vise à « mieux contrôler l’immigration ». Il s’agit en réalité de la partie la plus importante du texte.
Je le dis sans détour : nous, socialistes, pensons qu’une organisation des politiques migratoires fidèle aux valeurs de la République est nécessaire, pour mieux accueillir et mieux intégrer.
Votre projet de loi aura au contraire pour effet d’ajouter du désordre au désordre.
À la suite du dramatique attentat d’Arras, vous instrumentalisez la crainte du terrorisme islamiste afin de multiplier les amalgames, de faire le lien entre immigration, insécurité et terrorisme, ainsi que de justifier le durcissement de votre texte, mais sans porter de véritable vision de l’immigration, et sans même aucune notion d’efficacité. La sûreté de l’État et la sécurité de nos concitoyens méritent mieux que de la démagogie : elles exigent un discours de vérité.
Parce que nous sommes lucides sur la réalité des menaces sécuritaires, nous sommes prêts à aller au bout du débat et à dresser votre bilan en matière de contrôle de l’immigration. À chaque fois que vous essaierez d’embrouiller les Françaises et les Français, nous serons là pour rappeler les faits.
Il n’est pas besoin de modifier les régimes de l’expulsion et de l’éloignement, que vous confondez au mépris des mises en garde du Conseil d’État.
L’enjeu, c’est la bonne application du droit existant. Plutôt que de multiplier les OQTF, accordez des moyens aux préfectures et à l’administration pour le suivi des individus véritablement dangereux, cessez les effets de manche et agissez efficacement ! (M. Roger Karoutchi soupire.)
Nous nous opposerons également à la fin de la collégialité au sein de la Cour nationale du droit d’asile, où l’oralité et l’intime conviction tiennent une place décisive. Une décision de la CNDA peut parfois renvoyer des personnes vers la mort ; pour être la plus juste possible, il est essentiel que cette décision ne soit pas individuelle.
Enfin, nous combattrons les mesures nauséabondes de la droite de cet hémicycle, qui n’a plus de républicaine que le nom. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Il ne faut pas exagérer, quand même !
Mme Corinne Narassiguin. Nous combattons ces mesures que vous faites vôtres, comme vous le dites si bien, monsieur le ministre : suppression de l’aide médicale de l’État, restriction du regroupement familial, remise en cause du droit du sol. Sur ce dernier point, nous sommes choqués du silence du Gouvernement. Le droit du sol est une composante fondamentale du droit de la nationalité et de l’intégration républicaine. Réveillez-vous, supprimez les articles 2 bis et 2 ter !
Monsieur le ministre, vous vouliez une loi Immigration qui porte votre nom. Finalement, c’est approprié. Ce projet de loi est une opération de communication, qui, au mieux, ne servira à rien ou à pas grand-chose, au pire, sera néfaste.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas vrai…
Mme Corinne Narassiguin. Avec ce texte, vous voulez faire passer l’agitation pour de l’action, l’effet d’annonce pour de l’efficacité, la fanfaronnade pour de l’autorité.
Vous ne vous souciez plus des droits fondamentaux, de notre Constitution, de la Convention européenne des droits de l’homme. Face à ces dérives illibérales, nous serons les garants de notre État de droit.
Nous serons celles et ceux qui ne mentent pas aux Français. Pour remettre de l’ordre dans notre République, il faut une immigration organisée, un accueil organisé, une intégration organisée et pensée, une politique claire, applicable et appliquée.
Votre projet de loi, c’est mille et une nuances des politiques d’exclusion. (M. André Reichardt s’indigne.)
Nous serons de celles et de ceux qui considèrent que l’immigration représente une chance pour notre pays. Nous serons de celles et de ceux qui pensent l’intégration plutôt que l’exclusion. Nous serons de celles et de ceux qui rappellent que ces personnes sont avant tout des êtres humains : des hommes, des femmes et des enfants. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Ian Brossat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les désordres migratoires actuels ne sont sans doute que les prémices de secousses telluriques bien plus violentes à venir, en raison des dérèglements climatiques comme géopolitiques, ainsi que des déséquilibres démographiques.
Dans le monde occidental, beaucoup de gouvernements, de droite comme de gauche, durcissent considérablement leur législation nationale. Dernier en date, M. Scholz a présenté un projet de loi en tenant cette déclaration fracassante, que je cite mot à mot : « Nous devons expulser à grande échelle ceux qui n’ont pas le droit de rester en Allemagne. »
M. Bruno Retailleau. Joe Biden poursuit l’œuvre de M. Trump, si j’ose dire, puisqu’il a décidé de maintenir la construction du mur à la frontière mexicaine. Je rappelle que M. Biden est démocrate et que M. Olaf Scholz est social-démocrate.
M. Mickaël Vallet. Et nous, nous sommes socialistes !
M. Bruno Retailleau. Dans tous les pays d’Occident, la demande de fermeté provient en réalité des classes populaires, et non des classes aisées qui ont les moyens de se protéger des conséquences du désordre migratoire en mettant leurs enfants dans les bonnes écoles et en habitant les beaux quartiers ! (Mmes Jacqueline Eustache-Brinio et Lauriane Josende applaudissent.)
La réalité, elle est là. Monsieur le ministre, vous aviez déclaré il y a quelques semaines dans Le Journal du dimanche que, sur l’immigration, vous n’aviez « aucun tabou ». Je ne demande qu’à vous croire sur parole, mais j’éprouve quelques doutes. Pourquoi autant d’atermoiements, pourquoi un accouchement aussi difficile, avec un texte tant de fois promis, mais tant de fois remis à plus tard ?
Je pense au contraire que, pour votre majorité, l’immigration demeure un tabou. C’est à la fois un tabou politique, le « en même temps » débouchant sur un double jeu, un tabou numérique, car la question du nombre reste fondamentale, et un tabou sur le plan du droit, question également absolument essentielle.
La question du nombre, tout nous y ramène : l’échec de l’immigration provient du fait que, si l’on peut intégrer les petits nombres et les individus, comment intégrer des populations souvent peu désireuses d’adhérer à nos principes républicains et à nos modes de vie ? (M. Bruno Sido approuve. – M. Rachid Temal proteste.)
Ici, qui peut sérieusement dire qu’il n’y a pas de lien entre tous ces échecs et l’insécurité ? Entre tous ces échecs d’intégration et la multiplication des territoires perdus de la République ? (M. Rachid Temal s’exclame.)
Qu’elle soit légale ou illégale, l’immigration bute sur la loi des grands nombres. C’est la première raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de l’article 3, qui a pris, certes, une dimension un peu totémique, mais sur laquelle je souhaite revenir quelques instants.
On ne peut pas, dans un même texte, prétendre à la fois lutter contre l’immigration illégale et ouvrir une brèche pour celle-ci. La fraude ne peut pas être une voie de régularisation, parce que cette facilité reviendrait à créer un appel d’air. (MM. Rachid Temal et Mickaël Vallet protestent.)
Deuxième raison : c’est une formidable capitulation que d’aller chercher une main-d’œuvre bon marché, au lieu de mobiliser l’extraordinaire réserve de travail que l’on trouve déjà en France. Au moment où je vous parle, il y a plus de 560 000 étrangers en situation régulière, mais qui sont au chômage ! (Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Marie-Carole Ciuntu et Jacqueline Eustache-Brinio applaudissent.)
Au moment où je vous parle, plus d’un million de jeunes ne sont ni en emploi ni à l’école, 1,9 million de Français touchent le RSA, et 3 millions sont au chômage. Qu’est-ce qu’on en fait ?
Je termine au sujet de l’article 3, en ajoutant que l’activité professionnelle ne constitue en rien une condition permettant d’éviter une radicalisation. J’en veux pour preuve la dimension symbolique de l’attentat perpétré à Rambouillet, par Jamel Gorchene, pourtant en situation de travail en tant que chauffeur-livreur.
Ce que nous voulons, c’est que le préfet, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, contrôle bien sûr la dimension réelle de l’activité professionnelle, mais également la capacité des individus à intégrer nos propres valeurs. C’est ce qui est fondamental, et c’est ce qui nous distingue au sujet de ce fameux article 3.
Il y a aussi le tabou du droit. Depuis des années, nous avons abandonné les instruments juridiques nous permettant de réguler l’immigration, avec comme conséquence l’impuissance extraordinairement coupable que les Français constatent à chacun de ces événements qui ne sont plus des faits divers.
Cette impuissance était organisée par le législateur, qui a multiplié les protections et les exceptions à la règle. Les exceptions ont tué la règle, et la règle peut tuer des Français, comme on l’a vu à Arras ! Si cet individu originaire du Caucase avait été expulsé, le professeur Dominique Bernard serait toujours en vie ! Et qu’importe si cette personne était arrivée en France avant l’âge de 13 ans !
Ce que nous voulons, ce n’est pas multiplier les exceptions aux exceptions, comme vous le proposez ; c’est anéantir les exceptions, pour qu’il y ait une règle vis-à-vis des expulsions et des OQTF, et que l’on puisse rétablir le délit pour séjour irrégulier, défait par Hollande, pour bien marquer qu’un pays, une nation, une communauté nationale, un corps politique, c’est un dedans et un dehors, tout simplement.
Au sujet de cette impuissance, revenons sur un certain nombre de jurisprudences choquantes, surtout lorsqu’elles font prévaloir, sinon systématiquement, en tout cas parfois, la protection des droits individuels sur l’intérêt général, le cadre collectif et le besoin d’un peuple de se protéger.
Prenons l’exemple, parmi de nombreux autres, de la condamnation de la France par la CEDH à la suite de l’expulsion de deux Tchétchènes radicalisés et dangereux. Nous avons été condamnés parce que l’expulsion de ces individus ne permettait pas de leur garantir un procès équitable dans leur pays. Que fallait-il faire : protéger les Français ou protéger ces individus dangereux ?
M. Bruno Retailleau. Vous avez préféré payer une amende, et vous avez bien fait, monsieur le ministre.
Ce que je veux dire par là, monsieur le rapporteur, c’est qu’il faut trouver un juste équilibre entre l’État de droit, le respect des textes, l’interprétation parfois très créative des traités, et la démocratie, la souveraineté populaire. Retourner systématiquement les droits individuels contre la souveraineté populaire, cela n’est pas, cela n’est plus l’État de droit !
C’est la raison pour laquelle nous voulons un référendum et une révision de la Constitution, pour rendre aux Français cette capacité de décider par eux-mêmes de la politique migratoire française. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le Président de la République a fait un pas, mais il y a loin de la coupe aux lèvres ; nous ne sommes pas des perdreaux de l’année, et nous attendrons de voir ce qu’il va advenir de cette révision constitutionnelle.
Un mot, enfin, sur le tabou politique et le « en même temps ». Je disais qu’il s’agit d’un double jeu : le non-dit de ce texte, c’est le contexte de son élaboration. Il aura fallu que vous soyez écartelé entre votre aile droite et votre aile gauche pour le défendre, mais le problème, c’est qu’en matière migratoire le « en même temps » n’existe pas.
Les signaux que vous enverrez au monde entier, que les filières percevront très bien, devront être d’une grande fermeté. Tout laxisme sera interprété comme un appel d’air. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est faux !
M. Bruno Retailleau. Vous savez qu’en France ces appels d’air sont une réalité. Nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous parlerons du regroupement familial.
M. Mickaël Vallet. Quelles sont vos statistiques ?
M. Éric Kerrouche. C’est faux !
M. Bruno Retailleau. Un ouvrage a été rédigé par un spécialiste de ces questions, Didier Leschi, qui n’est d’ailleurs pas rattaché à une succursale de la droite !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il ne dit pas cela !
Mme Laurence Rossignol. C’est de la manipulation de la pensée de Didier Leschi !
M. Bruno Retailleau. Pour terminer mon propos, monsieur le ministre, je veux dire que l’heure est grave. Jamais les risques ou les menaces de partition, de fragmentation communautaire n’ont autant fragilisé l’unité française. Nous en sommes parfaitement conscients. Pour cette raison, nous ne nous abandonnerons ni aux postures de ceux qui défendent le « y a qu’à, faut qu’on », aux slogans ou aux expédients, pas plus qu’à l’imposture de ceux qui appellent avec ambiguïté aux demi-mesures, à un « en même temps ».
Nous voulons un texte efficace, un texte utile. Nous verrons comment son examen se déroulera : soit ce projet de loi est durci à l’aide de l’adoption de nos amendements, selon la conviction intime d’aller dans le sens supérieur de l’intérêt de la Nation – les Français, notamment ceux d’en bas, et non ceux d’en haut, demandent cette fermeté –, et nous pourrons alors voter en sa faveur ; soit nous demeurons persuadés qu’une ambiguïté subsiste, auquel cas nous ne tricherons pas ni ne jouerons avec les faux-semblants, et nous nous opposerons alors à son adoption.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Chiche !
M. Bruno Retailleau. Voilà notre position : elle est claire, elle est très simple, elle consiste à dire la vérité aux Français. L’enjeu est énorme : faire en sorte que, demain, la République soit partout chez elle en France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’immigration est aussi une problématique de premier ordre dans les outre-mer.
La réalité des outre-mer, en matière d’immigration, impose d’être humbles face à l’immensité géographique. La réalité, pour la Guyane, ce sont 500 kilomètres de frontière fluviale dans la forêt amazonienne avec le Suriname, dont le PIB par habitant est dix fois inférieur à celui de la France, et 700 kilomètres de frontière avec le Brésil. La réalité, pour les Antilles, c’est d’avoir pour seule frontière la mer des Caraïbes, où le tourisme de masse jouxte la grande délinquance et la misère d’États insulaires en déliquescence. La réalité, c’est dans l’océan Indien une étendue maritime de 102 kilomètres, qui ancre Mayotte à son destin français.
Les ordres de grandeur dans les outre-mer sont donc loin d’être les mêmes que dans l’Hexagone. Il faut le savoir : les deux territoires français les plus touchés par l’immigration sont Mayotte et la Guyane, où, respectivement, plus de la moitié et du tiers de la population est étrangère.
Ainsi, un bon nombre de mes collègues et moi-même estimons indispensable la tenue d’un débat au Parlement au sujet des adaptations à apporter en matière de gestion de l’immigration dans les outre-mer. C’est le sens d’un amendement que j’ai déposé – un amendement identique a été déposé par des collègues siégeant sur d’autres travées –, qui vise à supprimer l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance.
D’ailleurs, monsieur le ministre, j’ai le sentiment que le Gouvernement n’est pas complètement opposé à cette démarche, puisque certains amendements spécifiques aux outre-mer déposés par mes collègues de Mayotte, ou par ma collègue de Guyane et moi-même, ont été travaillés avec votre cabinet.
Je pense notamment à l’amendement ayant pour objet de répondre au défi que représente la filière d’immigration par laquelle des visas humanitaires accordés par le Brésil sont utilisés pour entrer en Guyane, avec l’Hexagone pour destination finale. En attendant son adoption, Cayenne et sa maire doivent faire face à un afflux de migrants qui, en raison du manque de places d’hébergement, occupent l’espace public et cristallisent les mécontentements.
Pour autant, le texte déposé par le Gouvernement au Sénat au début de février était relativement équilibré. Il apportait des réponses pragmatiques et courageuses, notamment en ce qui concerne le travail des étrangers. Ainsi les articles 3 et 4 sont-ils essentiels, car ils améliorent l’accès au travail des migrants ou des réfugiés, alors que le travail est le premier facteur d’intégration.
De plus, il faut cesser de faire croire aux Français que nous pourrions nous passer des immigrés. La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) révélait dans une étude de juillet 2021 que 22 % des emplois en Île-de-France étaient occupés par des immigrés. Les métiers dans lesquels ils sont surreprésentés sont ceux où les conditions de travail sont les plus pénibles et les difficultés de recrutement les plus fortes.
À ce jour, tout un pan de notre économie tourne grâce à une foule de travailleurs sans-papiers qui viennent pallier le déficit de main-d’œuvre. Ce projet de loi va enfin permettre à ces personnes et à leurs employeurs de rentrer dans la légalité, toute la société bénéficiant de retombées positives.
Ce projet de loi comporte également d’autres mesures qui auront un impact positif important dans les outre-mer, comme la création, à l’article 7, d’une nouvelle carte de séjour pour les médecins provenant de pays en dehors de l’Union européenne. Cette nouvelle carte de séjour devrait permettre d’améliorer le recrutement des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), indispensables à nos établissements de santé. Malheureusement, la commission des lois a supprimé une partie du dispositif ; j’espère que les débats permettront de revenir à sa version d’origine.
Dans le même ordre d’idées, j’ai déposé un amendement visant à autoriser en Guyane le recrutement d’infirmières provenant de pays en dehors de l’Union européenne, comme cela se fait déjà à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Vous l’aurez compris, ce texte comporte des évolutions positives, et même indispensables. Cependant, l’actualité récente a tendu les esprits et durci les positions. J’espère que nous parviendrons à tenir un débat serein sur ces questions, et que le bon sens l’emportera. La nécessité d’adapter en permanence la loi aux évolutions de l’immigration justifie ce projet de loi. La posture et l’affichage de fermeté de certains ne doivent pas nous empêcher d’apporter une réponse plus humaine et plus efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Michel Masset applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Mickaël Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il me revient d’exposer la position du groupe socialiste concernant les aspects de la politique linguistique, ainsi que les éléments relatifs à la politique de délivrance des visas dans le texte issu des travaux de la commission.
Nous louons l’objectif théorique des dispositions relatives à l’exigence d’un niveau de français, mais nous ne pouvons que regretter les conclusions qu’en a tirées la commission.
Je m’explique.
D’autres pays dans le monde ont adopté un même type d’exigence, bien légitime. Mentionnons le Québec : son gouvernement actuel a récemment relevé le niveau de français exigé, en même temps qu’il a augmenté le nombre d’immigrés à accueillir. Qui peut les en blâmer ? Car, dans leur cas, l’alternative n’offre comme autre malheureuse possibilité au nouvel arrivant que de devenir anglophone, mettant à mal la cohésion nationale.
En France, espérons-le pour encore longtemps, il n’y a qu’une seule langue commune et aucune autre n’est capable de s’imposer à elle. La question du niveau de français des immigrés tient donc moins à la vivacité de notre langue face à celles de chacun d’eux qu’à leur propre capacité à travailler, vivre, avoir des interactions sociales et suivre la scolarité de leurs enfants.
En plus de l’intégration à la québécoise en français, c’est l’idée de l’intégration par le français. C’est donc non pas la langue qui est menacée, mais la facilité pour les immigrés à l’utiliser à des fins d’intégration indispensable.
Or ce qui nous est présenté au moyen de ce texte, c’est-à-dire exiger demain pour un titre de séjour annuel ce que nous exigeons aujourd’hui pour un titre de séjour pluriannuel, ne semble pas tendre vers cet objectif, confondant le but, à savoir parler français, et l’outil, c’est-à-dire le français considéré alors comme critère de tri préalable entre étrangers.
Car cet outil qu’est la langue à la manière d’un outil primaire se forge, se polit et voit affûter le tranchant de sa lame avec le temps. Il faut donc donner le temps et les moyens d’y parvenir. Que voulons-nous pour les nouveaux immigrés, et notamment pour les travailleuses dont vous avez parlé, monsieur le ministre : un examen de bachotage au bout d’un an, ou une vraie maîtrise de la langue sur le temps long ?
Relever le niveau de langue exigé sans s’en donner les moyens concrets ne mène nulle part. C’est ce que nous défendrons au travers de nos différents amendements.
Le deuxième point de mon propos porte sur la disposition introduite en commission consistant à offrir un nouveau motif légal de refus de visa de long séjour, notamment aux ressortissants d’un État délivrant un nombre particulièrement faible de laissez-passer consulaires. Disons-le clairement, il n’est pas tenable que des États sabotent la mise en œuvre de décisions de la justice française en organisant de manière systémique leur incapacité supposée à reconnaître leurs nationaux.
Mais nous, socialistes, considérons que l’introduction dans la loi de cette politique de rétorsion ne permettra pas d’atteindre l’objectif annoncé, que, je le redis, nous partageons en grande partie.
Il arrive que la diplomatie réclame un peu de finesse, et que cette finesse échappe à la pensée la plus complexe de nos plus hauts dirigeants. Déjà en froid avec nos voisins méditerranéens et avec les opinions africaines, nous enverrions là un signal public bien dommageable.
Si les États, à commencer par le nôtre, ont non seulement des valeurs, mais aussi des intérêts, le travail des chancelleries vaut parfois mieux pour les faire respecter qu’une démonstration de virilité législative contre-productive. Le Gouvernement a d’ailleurs expérimenté cette méthode à compter du printemps 2021 avec les pays du Maghreb, pour constater son échec et y renoncer dès 2022. Eh oui, la diplomatie, comme la préfectorale d’ailleurs, c’est un métier !
Enfin, traitant des aspects internationaux de ce projet de loi, je me dois d’évoquer le cimetière qu’est devenue notre mer commune, la Méditerranée, berceau de civilisations – au pluriel – et matrice de tant de cultures, dont la nôtre, la culture française. On y meurt par centaines dans une indifférence dramatique. Formulons le souhait que notre pays sache, malgré les vents mauvais qui nous agitent et agitent l’opinion, continuer de distinguer les nécessaires débats sur les politiques migratoires – tel celui que nous allons avoir ici – de la nécessité absolue de sauver des vies, quel que soit le contexte et sans aucune condition préalable.
Je tiens à ce propos à faire une remarque. Depuis le début des débats ont été cités le Président Hollande – par vous, monsieur le ministre – et le Président Mitterrand – par la majorité sénatoriale –, mais – il est grand le mystère de la droite – il n’y a personne pour évoquer les déclarations récentes du chef de l’État du Vatican. Peut-être aurons-nous l’occasion de le faire plus longuement au cours des débats, mais c’est en tout cas chose faite pour la discussion générale. Décidément, les socialistes doivent tout faire ici… (Sourires sur les travées du groupe SER. – Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux d’abord dresser un constat, avant d’expliquer la stratégie que nous souhaitons mettre en œuvre.
Après la crise du covid-19, notre pays a renoué avec des flux très importants d’immigration irrégulière. Selon les chiffres de l’agence Frontex, 232 350 personnes ont franchi irrégulièrement les frontières de l’Union européenne au cours des huit premiers mois de l’année 2023 ; c’est le niveau le plus élevé depuis 2016.
En outre, près de 90 000 personnes ont fait l’objet d’un refus d’entrée à nos frontières en 2022, là aussi un record.
Sur notre sol, le nombre de personnes en situation irrégulière ne cesse de grandir également. Le nombre de bénéficiaires de l’AME – un critère d’appréciation parmi d’autres, qui, naturellement, ne suffit pas – s’élève ainsi à 400 000 en 2022, soit 100 000 de plus qu’il y a dix ans. Et je pourrais continuer longtemps d’égrener des chiffres…
Cette incapacité à maîtriser nos frontières est d’autant plus inquiétante qu’elle s’accompagne d’une difficulté à exécuter les reconduites dans les pays d’origine. En effet, nous le savons, sur les 120 000 OQTF prononcées annuellement au cours des dernières années, seules 10 000 sont exécutées, même si cet indicateur est imparfait, parce qu’il faut tenir compte de la difficulté à obtenir des laissez-passer consulaires.
Même notre politique d’immigration régulière est insatisfaisante. Nous n’avons jamais délivré autant de titres de séjour – 316 000 premiers titres en 2022 –, mais nous intégrons de moins en moins bien – j’y insiste.
Je le rappelle, la plupart des étrangers arrivés sur le territoire parlent ou écrivent mal le français à l’issue de leur première année de séjour et je ne parle même pas des « crises des rendez-vous » dans les préfectures. Tout cela démontre nos difficultés.
La situation de notre politique de l’asile n’est pas différente : l’Ofpra comme la CNDA sont au bord de l’embolie ! Nous enregistrerons pratiquement 140 000 demandes en 2023 et les prévisions du Gouvernement pour l’année 2024 font état de 160 000 demandes. La détérioration des délais complexifiera encore les choses…
C’est dans ce contexte que nous est soumis ce texte.
La question de départ est : de quelle politique migratoire la France veut-elle se doter ? Ensuite, une fois cette politique définie, les mesures devront être claires et compréhensibles pour tout le monde. Cette clarté doit reposer sur trois grands principes.
Premier principe : l’immigration régulière doit être une immigration choisie, c’est-à-dire moins importante et correspondant à une immigration économique qualifiée. J’ai entendu dire précédemment que l’immigration était potentiellement une chance ; sans doute, mais à quelles conditions ? Il suffit pour le savoir de relire le rapport de l’OCDE de 2021. (M. Roger Karoutchi approuve.) D’après ce rapport, la difficulté de la France est liée à son immigration économique non qualifiée. Voilà notre handicap ! Et ce n’est pas nous qui le disons, c’est l’OCDE ! Nous avons donc besoin de nous recentrer sur une immigration économique qualifiée et dans une proportion beaucoup moins importante qu’aujourd’hui, afin de faciliter l’intégration.
Second principe : l’intransigeance dans la lutte contre l’immigration irrégulière. On ne peut pas continuer ainsi ! Les différentes procédures permettant de contourner les mesures d’éloignement des étrangers sont très complexes et nombreuses : il existe treize ou quatorze moyens pour appuyer une saisine d’un tribunal administratif. Le rapport d’information que nous avons publié voilà un peu plus d’un an sur le sujet montrait bien que les juridictions administratives étaient en situation de saturation totale. Il serait inacceptable de le nier ! Il faut donc simplifier. Tel est l’objectif de ce texte, qui s’appuie en partie sur notre rapport d’information.
Cela rejoint d’ailleurs la nécessité de répondre rapidement aux demandes et aux situations des uns et des autres, ainsi que notre capacité à établir, disons-le clairement, un rapport de force avec les pays d’origine, parce qu’il faudra bien obtenir les laissez-passer consulaires requis. Or cela ne pourra se faire, je crois que tout le monde le sait, que si notre stratégie est parfaitement claire et parfaitement comprise et si l’on se donne les moyens d’établir ce rapport de force, fût-ce difficile, sans quoi nous n’aurons aucun choix possible.
Le troisième principe, enfin, concerne la procédure d’asile. Depuis plusieurs années, cette procédure est détournée de son objectif. Dans leur très grande majorité, les demandeurs n’ont en effet d’autre but que de rester sur le territoire national le plus longtemps possible et de bénéficier éventuellement d’autres moyens de protection.
M. Roger Karoutchi. Très juste !
M. François-Noël Buffet. Par conséquent, celui qui mériterait d’être protégé par l’octroi du statut de réfugié attend des années et des années, tandis que les autres attendent tranquillement la décision, en se disant que plus elle sera tardive, mieux ce sera et qu’ils en tireront un profit ; nous sommes donc victimes deux fois… Ceux qui méritent la protection rapide de la France, que celle-ci a raison d’octroyer – cela concerne environ, si je ne m’abuse, 35 000 personnes par an –, devraient pouvoir l’obtenir vite et ceux qui ne la méritent pas devraient le savoir rapidement afin que l’on puisse les reconduire dans leur pays d’origine.
C’est en se reposant sur ces trois principes que l’on pourra avancer sérieusement et doter notre pays d’une véritable politique migratoire.
Faut-il en conclure que nous sommes durs ? Bien sûr, nous sommes fermes et nous voulons l’être, car le message que nous enverrons sera tout aussi important que les dispositions du texte. Néanmoins, nous devons aussi être responsables, en nous dotant des moyens suffisants pour intégrer ceux que l’on accepte sur notre territoire. La commission des lois a fixé à cet égard un certain nombre de règles, que les rapporteurs ont rappelées.
Récapitulons dans le peu de temps de parole qu’il me reste : pour le groupe Les Républicains, et pour la majorité sénatoriale, me semble-t-il, ce texte vise à établir de la clarté, dans un objectif d’efficacité pour ceux que l’on accueille, qui doivent bénéficier d’une prise en charge de qualité, et de fermeté pour ceux que l’on ne veut pas voir sur notre territoire, qui doivent repartir dans le cadre de procédures respectueuses, mais très rapides.
Tel est l’objet du travail de la commission des lois, que nos débats permettront d’aborder au cours des jours qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voilà face à un énième texte sur l’immigration. Quelle importance lui accorder ?
Notre premier texte en la matière, qui portait sur la nationalité, les étrangers et l’immigration, date de 1889. Depuis lors, tous les gouvernements, de gauche, de droite, du centre ou d’ailleurs, ont rédigé des textes – avant la guerre de 1914, pendant le Front populaire, dans les années 1950 puis encore aujourd’hui –, tous avec les mêmes fondements : l’immigration est une politique régalienne et elle doit être déterminée par le gouvernement et par l’État, en fonction de sa capacité à intégrer, à maintenir l’unité de la Nation, à laisser la société dans l’état dans lequel elle est.
Ainsi, c’est vrai, voici encore un nouveau texte après celui de 2018, mais la situation a bien changé au cours des quinze ou vingt dernières années !
J’ai la chance et l’honneur de représenter le Sénat au sein de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, et, à plusieurs reprises, je me suis exprimé, au sein tant de la commission des finances que de cet hémicycle, en faveur d’une intégration réussie. Je le dis de manière très calme, mais très sûre : nous n’y parvenons plus ! Un pays qui a plus de 3 000 milliards d’euros de dette, qui a les déficits budgétaires que nous connaissons, qui a les fractures sociales et sociétales qui sont les nôtres éprouve les plus grandes difficultés, matériellement, financièrement, mais également en matière de transmission, pour intégrer.
Les pays qui peuvent intégrer massivement – je pense par exemple à l’Allemagne, dont la chancelière Angela Merkel avait accepté un nombre important de migrants en une seule année – sont dans une situation forte financièrement, économiquement, humainement, ce qui était le cas de l’Allemagne à l’époque. Si Olaf Scholz change aujourd’hui de politique, c’est parce que ce pays n’est plus dans cette situation.
De même, si la France doit aujourd’hui remettre en cause ses mouvements migratoires, c’est parce que notre pays n’est plus dans la situation qui était la sienne voilà trente ou quarante ans.
Bien sûr, la France a très bien intégré, et c’est son honneur, les Italiens et les Polonais arrivés avant la guerre de 1914, les Italiens et les Espagnols venus pendant l’entre-deux-guerres et, après la Seconde Guerre mondiale, les Portugais et les Algériens. Et l’intégration s’est bien passée, il faut le dire très clairement : jusque dans les années 1960 et 1970, elle a été une force de la France.
Néanmoins, elle ne l’est plus aujourd’hui, parce que la société française a changé, parce que, malheureusement – c’est la vie –, l’économie française n’est plus ce qu’elle était, parce que nous n’avons plus la capacité d’intégrer de grands nombres. Je ne sais plus qui en a parlé, oui, l’intégration est facile quand on a un petit nombre, parce que les structures de l’État et des collectivités locales, ce que je reconnais, prennent les choses en main et réussissent cette intégration, mais, lorsque le nombre est trop important, cela ne fonctionne plus.
Je suis de ceux qui, ici, dans cet hémicycle, ont demandé que, à l’issue des cours de français, on fasse passer un examen. En tant que membre de l’Ofii, je suis allé régulièrement dans les salles de cours, j’ai constaté que beaucoup de personnes y venaient, mais que, malheureusement, les hommes imposaient parfois aux femmes de se voiler et leur interdisaient de prendre la parole ; puis, à la fin du cours, on attestait que tous avaient bien été présents quatre-vingts ou cent vingt heures, sans s’assurer qu’ils sachent le moindre mot de français. Ce n’est pas acceptable ! Nous sommes en République, nous défendons la République, la République est là pour tous ! Mais elle est là aussi pour que la société française ne soit pas plus fracturée, car elle l’est déjà suffisamment.
Nous avons tous ici une responsabilité première, en tant qu’élus : faire en sorte que la France reste la nation unique qu’elle a toujours été par rapport à ses opposants, par rapport à la compétition internationale. Si nous ne sommes pas capables d’assurer cela, comment voulez-vous que nous soyons capables d’en intégrer d’autres, de faire en sorte que leur soient transmises les valeurs françaises, républicaines et nationales ? Nous ne sommes même pas capables de faire en sorte qu’elles soient totalement assimilées par la société française…
Nous avons donc tous une introspection à faire, à gauche, à droite, au centre, car tout le monde est responsable de la situation actuelle. Nous n’avons pas vu la société française se fracturer de plus en plus, nous n’avons pas pris conscience de notre quasi-incapacité à intégrer. D’où les territoires perdus, les quartiers difficiles ; en réalité, l’inversion de nos politiques ne s’est pas faite lorsque c’était nécessaire et nous avons cru, peut-être – sûrement ! – avec trop d’angélisme, que nous y parviendrions, puisque nos ancêtres y étaient parvenus des années 1900 aux années 1950.
Or nous ne sommes plus ni dans la France, ni dans l’Europe, ni dans le monde des années 1950. Nous ne parvenons plus à intégrer et nous avons absolument besoin d’une immigration choisie, nous devons maîtriser les flux, faire en sorte qu’il y ait beaucoup moins d’entrées sur le territoire national, afin de pouvoir intégrer ceux qui veulent réellement devenir Français, participer à l’économie et à la société françaises, être fiers d’être français au terme de leur intégration. Nous ne pouvons plus assumer d’avoir des apports tellement massifs qu’ils ne sont pas intégrés, pas assimilés. Nous fabriquons nous-mêmes les anti-France de l’avenir…
La responsabilité de la France et des élus est de définir les moyens dont nous disposons, de déterminer ceux que nous pouvons et ceux que nous ne pouvons pas accepter, et de ne pas aller au-delà, sans quoi nous ne faisons pas de la bonne politique migratoire ni de la bonne politique d’asile.
En effet, cela a été dit, les 140 000 demandes d’asile constituent un détournement manifeste de la procédure. Voilà dix ou quinze ans, il y en avait 35 000 ! On détourne donc clairement l’asile pour faire de l’immigration économique. Nous devons reprendre en main nos structures, parce que, si nous voulons que les immigrés soient fiers d’être Français, il faut qu’ils soient parfaitement intégrés ; pour cela, ils doivent être moins nombreux. Ceux qui entrent sur le territoire de manière illégale doivent donc être reconduits à la frontière ; nous ne pouvons pas accepter que notre système explose en vol. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mme Solanges Nadille et M. Jean-François Longeot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je tiens tout d’abord à remercier les orateurs qui se sont exprimés, en commençant par ceux qui apportent d’ores et déjà un soutien au texte du Gouvernement : le groupe RDPI, le groupe centriste et le groupe des indépendants. J’ai compris qu’il y avait également des « on va voir », celui du groupe du RDSE et celui du groupe Les Républicains. Enfin, j’ai également compris qu’il y avait des gens qui souhaitaient s’opposer au Gouvernement par nature, même s’ils ne refusent pas la discussion…
Mme Laurence Rossignol. Pas « par nature », non. Vous aurez besoin de nous !
M. Gérald Darmanin, ministre. … – alors par définition ou en introduction –, et qui, sans faire le débat d’avance, sont ouverts à un certain nombre de propositions ; c’est le cas des groupes communiste, socialiste et écologiste.
Je ne répondrai pas à tous les orateurs, je me concentrerai sur quelques-uns, soit parce que leurs propos appellent un complément de la part du Gouvernement, soit pour répondre à des questions, soit pour préciser d’emblée certains termes, puisque nous allons passer quelques jours et peut-être quelques nuits à travailler sur ce texte important.
Monsieur Benarroche, il me semble que nous devons dès le début fonder notre discussion non sur des présupposés ou des postures, mais sur des réalités. Vous reprochez par exemple au Gouvernement de plaider pour l’intégration tout en diminuant les crédits destinés à financer l’ADA, l’aide sociale que nous versons aux demandeurs d’asile. Mais c’est au contraire tout à fait cohérent : si j’inscrivais dans le projet de budget une augmentation de ces crédits, cela signifierait que j’anticipe que le présent texte ne sera pas efficace ! (M. Bruno Sido acquiesce.)
En effet, ce texte a pour objectif de simplifier les procédures afin de pouvoir dire très vite, comme l’a indiqué M. Buffet et comme j’ai essayé de vous le démontrer, oui ou non à un demandeur d’asile. Le versement de l’ADA est automatique, il s’imposera à tous les ministres de l’intérieur qui me succéderont. On ne peut pas discuter du montant de l’ADA inscrit dans le projet de budget avec les parlementaires : le Conseil d’État considère qu’il correspond au nombre de demandeurs d’asile qui se trouveront sur le territoire national, pendant la durée de la demande. Ainsi, si j’avais présenté au Parlement une augmentation du montant de l’ADA, on m’aurait dit, sans doute du côté droit de cet hémicycle : « Cher ami, vous êtes bien sympathique, mais vous prévoyez déjà que votre projet de loi – le vingtième ou le trentième sur la question – ne sera pas efficace ! » Je tâche donc d’être cohérent, monsieur Benarroche.
Cela ne signifie pas pour autant – mais ce n’est pas vraiment ce que vous disiez – que l’on n’a augmenté aucun des crédits consacrés à l’intégration dans le projet de budget que je vous ai présenté pour 2024, puisque tous les autres crédits d’intégration, y compris ceux qui sont relatifs à l’intégration par la langue, augmentent.
Donc, oui, le budget de l’ADA baisse, parce que nous réussirons, j’en suis certain, à aller plus vite dans les procédures de demande d’asile, grâce à ce projet de loi et grâce au travail essentiel des agents de l’Ofpra ; mais, non, les crédits d’intégration, notamment par la langue, ne baissent pas, ils augmentent.
Messieurs Karoutchi et Retailleau, M. Scholz prend en effet des mesures de restriction de l’immigration, mais un peu tard ! Je vous le rappelle, si nous comptons entre 130 000 et 140 000 demandes d’asile au moment où je vous parle – un chiffre stable ou en légère augmentation par rapport à l’année dernière –, l’Allemagne en compte 230 000 ! Quand je suis devenu ministre de l’intérieur, nous avions 120 000 demandes d’asile alors que l’Allemagne en avait 160 000 ; trois ans après, nous en sommes à 130 000 ou à 140 000 – nous verrons à la fin de l’année –, quand l’Allemagne en est à 225 000 ! Ils referment donc après avoir beaucoup ouvert.
M. André Reichardt. Tout à fait.
M. Gérald Darmanin, ministre. Il faut le dire clairement, sans quoi on ne comprend pas la position de M. Scholz, qui, d’ailleurs, n’est manifestement pas la même que celle des socialistes français.
Monsieur Benarroche, M. Dossus et vous avez également évoqué la protection temporaire que nous offrons aux Ukrainiens. Vous me demandez – j’entends assez fréquemment cette question – pourquoi on ne fait pas comme nous avons fait avec les Ukrainiens. Je serais tenté de vous dire : Chiche ! mais je ne suis pas sûr que ce soit ce que vous défendiez véritablement.
En effet, en quoi consiste la protection temporaire que tous les ministres de l’intérieur de l’Union européenne ont décidé ensemble d’accorder aux Ukrainiens ? À ne pas leur octroyer l’asile, justement, à leur accorder une protection limitée à une durée de trois ans ! La différence avec la situation d’un Afghan – première nationalité parmi les demandes d’asile en France – est fondamentale : à un ressortissant de cette nationalité, nous accordons l’asile ad vitam æternam, nous ne remettrons pas en cause son asile lorsque la vie démocratique reviendra dans son pays.
En l’espèce, nous pensons que nous allons gagner la guerre contre la Russie en aidant les Ukrainiens, donc, pendant un certain temps, l’ensemble des Européens accueillent les réfugiés sur le territoire européen, mais, en contrepartie, même s’ils peuvent travailler dès le premier jour, ils ne bénéficient pas de l’asile. Certaines associations se sont d’ailleurs élevées à l’époque contre cela en nous demandant pourquoi nous n’accordions pas l’asile aux Ukrainiens. C’est parce que nous pensons qu’ils pourront retourner très rapidement dans leur pays.
Ainsi, si la solution du groupe écologiste consiste à mettre fin à la politique d’asile telle qu’elle existe depuis la Révolution française et les conventions de Genève pour la remplacer par la protection temporaire qu’on offre aux Ukrainiens,…
M. Thomas Dossus. Ce n’est pas ce que nous avons dit.
M. Gérald Darmanin, ministre. … ce n’est pas le ministre de l’intérieur qui s’y opposera, sauf pour vous reprocher d’être beaucoup trop durs avec les demandeurs d’asile…
Monsieur Brossat, sans être d’accord sur le fond de votre intervention en général, j’ai été sensible à certains de vos arguments.
Je peux comprendre la distinction que vous faites entre pays d’accueil et pays d’arrivée pour déterminer ce qui motive le départ de ces personnes. Je pense qu’il y a des raisons extrêmement diverses à ces mouvements. Sans doute, il y a des pays, de grands pays d’Afrique notamment, qui offrent une couverture sociale extrêmement forte à leurs citoyens : logement gratuit, gaz quasi gratuit, essence quasi gratuite, produits de première nécessité quasi gratuits ou encore indemnisation du chômage. Il est donc vrai que leurs ressortissants ne trouvent pas en France la même protection ou en tout cas n’y trouvent pas une protection très différente de celle de leur pays.
Le départ de cette jeunesse, mais également, parfois, de catégories sociales ou professionnelles plus élevées, peut alors s’expliquer par la recherche d’un mode de vie : ils ne viennent pas forcément chercher seulement de la protection sociale – cela peut néanmoins être le cas –, ils cherchent parfois un mode de vie ou une protection en raison de leur orientation sexuelle ou de leur religion, ou bien une protection politique. Il y a diverses motivations. Serait par conséquent fausse l’affirmation selon laquelle les personnes qui viennent en France ou en Europe cherchent uniquement à bénéficier de notre modèle social, qui est effectivement généreux. D’ailleurs, vous avez pris à dessein et à juste titre l’exemple du RSA, parce que, en effet, les personnes en situation irrégulière ne touchent pas cette prestation ; on l’entend beaucoup dire, mais ce n’est pas vrai.
Cela étant, il existe tout de même une forme d’attractivité que vous ne pouvez pas nier, monsieur Brossat ; l’honnêteté intellectuelle oblige à la reconnaître. Si 40 % des demandeurs d’asile qui s’adressent à la France viennent d’autres pays européens, c’est tout de même qu’il y a une forme d’attractivité en comparaison avec leur pays d’arrivée. Sinon, après avoir quitté leur pays en guerre ou dans lequel ils subissaient des persécutions religieuses ou politiques, une fois arrivés en Italie, en Suisse, qui est dans l’espace Schengen, en Belgique ou en Espagne, ils n’auraient pas envie d’aller dans un autre pays de l’espace européen ; là où ils sont, ils ont déjà trouvé un système démocratique, un accompagnement politique et, puisque nous avons à peu près tous signé les mêmes traités qui garantissent les droits de l’homme, l’intégrité de leur existence personnelle. (M. Yannick Jadot proteste.)
Ainsi, si 40 % des demandeurs d’asile enregistrés à l’Ofpra ont déposé leur demande d’asile dans un autre pays que leur pays d’arrivée, c’est bien le signe que quelque chose ne va pas. Soit les demandeurs d’asile multiplient les demandes partout en Europe, et vous savez que ce n’est pas possible eu égard à leurs conditions de vie, soit ils trouvent en France un intérêt linguistique – ils rejoignent une communauté qu’ils connaissent, par exemple –, ce qui est possible, soit ils rejoignent leur famille – ce qui explique qu’une partie d’entre eux vont en Grande-Bretagne, où se trouvent plus d’un million d’irréguliers, pour retrouver leur père, leur mère, leur fiancé ou leurs enfants –, soit ils trouvent en France des moyens de travailler non officiellement – le texte vise justement à lutter contre cet écosystème irrégulier –, soit, enfin, ils y voient une attractivité sociale. Et cela n’est pas péjoratif dans ma bouche, je ferais exactement la même chose à leur place. Simplement, nous devons avoir à cet égard la même position que l’ensemble des pays européens. De fait, le jour où nous aurons une politique sociale analogue, il n’y aura plus de comparaison possible entre pays.
Ainsi, si ce que vous dites est juste dans certains cas, permettez-moi de dire également qu’il y a quand même une partie de ces personnes qui viennent en France pour y trouver des avantages que l’on ne trouve pas dans d’autres pays. Encore une fois, ce n’est nullement un jugement moral, c’est un constat ; ensuite, qu’on l’assume ou non, cela relève de la décision politique.
En revanche – il faut le dire clairement, tâchons d’être honnêtes –, si je ne suis pas tout à fait certain que les gens viennent en France pour notre modèle social, je suis au contraire à peu près sûr que c’est pour celui-ci qu’ils y restent, ce qui est assez différent. Je ne suis pas sûr que l’on vise spécifiquement la France après un voyage long et difficile, même si – je n’en disconviens pas et il faut en effet y remédier – il peut exister des filières de passeurs qui promeuvent le modèle français, mais il est certain – c’est en tout cas ce que je constate depuis que j’ai pris mes fonctions comme ministre de l’intérieur il y a trois ans et demi – que les gens restent parce que notre système n’incite pas suffisamment les personnes à repartir.
Une personne faisant l’objet d’une OQTF confirmée par la justice, qui a donc passé un certain temps sur le territoire national, peut toujours travailler, peut créer sa boîte d’autoentrepreneur sans qu’on lui demande ses papiers d’identité pour livrer des repas ou conduire des personnes dans des voitures. En effet, en l’état du droit, on peut créer son autoentreprise sans avoir à fournir ses papiers d’identité. Une vraie machine à créer de l’irrégularité ! C’est pourtant conforme à la loi française ; d’où la nécessité de ce projet de loi.
Bref, on peut venir irrégulièrement sur le territoire national et, même quand ses demandes de titre de séjour et d’asile ont été refusées, on peut tout de même créer son entreprise – on paie d’ailleurs des impôts et des charges sociales, sans bénéficier de la protection sociale –, on peut accéder à un logement, notamment à un logement social, et on peut accéder à la santé, notamment dans le cadre de l’AME. On bénéficie même, via ce dispositif, d’une couverture à 100 % au bout de neuf mois, pour des raisons que nous pourrons d’ailleurs évoquer lors du débat.
L’AME n’est pas totémique pour moi, ni dans le sens de son maintien ni dans celui de sa suppression, il faut simplement étudier les choses calmement, sereinement, et en discuter.
Il faut évidemment soigner toutes les personnes qui se présentent devant le système français, mais c’est un fait que l’on est plus couvert après neuf mois d’irrégularité qu’avant. Enfin, on peut tout à fait vivre, on l’a évoqué, en ne partageant en aucune manière les valeurs de la République et sans même parler français.
Tout cela n’incite pas les gens à quitter notre pays. En effet, les OQTF reposent pour l’essentiel sur des départs volontaires : je remets un arrêté de reconduite à la frontière à quelqu’un, qui doit l’exécuter lui-même. Le nombre d’OQTF avec départ forcé, prévoyant un accompagnement policier à l’aéroport, est très faible. Il faut que nous tirions les conclusions du fait d’avoir dit non, définitivement, à quelqu’un.
M. André Reichardt. Absolument !
M. Gérald Darmanin, ministre. On ne peut pas l’accompagner socialement, sinon nos politiques publiques sont contradictoires entre elles. C’est ainsi qu’il faut considérer la demande d’asile et l’accompagnement social. C’est bien ce que font tous les pays autour de nous !
Madame Narassiguin, vous avez utilisé plusieurs fois le terme « migrant », contrairement à d’autres orateurs. Peut-être pourrions-nous tous choisir de nommer les choses correctement au cours de notre discussion. Le terme générique « migrant » est difficile d’emploi. Pour ma part, je ne l’utilise pas. Il s’agit soit de demandeurs d’asile, dont il faut étudier la demande et répondre rapidement oui ou non, soit d’un regroupement familial ou d’une réunification familiale, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, soit d’immigrés venus pour des raisons économiques, soit, enfin, de clandestins.
Derrière le terme « migrant » se trouvent toutes ces réalités, mais l’emploi de ce terme donne l’impression que l’on a affaire, quoi qu’il arrive, à des personnes persécutées auxquelles nous devons l’accueil. Ce n’est pas toujours le cas. Il y a à Lampedusa des Sénégalais, des Ivoiriens, des Marocains qui demandent l’asile comme migrants ; ce n’est pas possible !
Première nationalité des demandeurs d’asile en France : la nationalité afghane – cela peut tout à fait se comprendre et nous offrons un très grand taux de protection. Deuxième nationalité : la nationalité bangladaise – c’est déjà un peu moins évident à comprendre, mais il peut y avoir des réfugiés climatiques, je me suis intéressé à cette question. En revanche, la troisième nationalité n’est pas du tout celle d’un pays en guerre, avec lequel nous n’aurions pas de relations diplomatiques et dans lequel nous ne ferions pas d’aide au développement. Il y a, parmi les Sénégalais, les Gabonais, les Ivoiriens, les Marocains, les Tunisiens qui demandent l’asile en France, des cas exceptionnels, qui sont possibles, mais il n’y a tout de même pas 80 % de personnes persécutées dans ces pays !
M. Christian Cambon. C’est sûr !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce sont des immigrés économiques ! Appelons-les ainsi ! Il ne faut pas qu’ils passent par la demande d’asile parce que, ce faisant, ils « embolisent » cette procédure au détriment de ceux qui mériteraient une protection rapide de la République.
Mme Audrey Linkenheld. Et alors ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Eh bien, appelons-les par leur nom : il s’agit de clandestins, de travailleurs économiques ou de demandeurs d’asile, mais le terme « migrant » masque des réalités très différentes selon les nationalités.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est pourtant le terme qu’utilise Emmanuel Macron !
M. Gérald Darmanin, ministre. M. Retailleau a évoqué la question du nombre. Il rejoint ainsi les propos de M. Karoutchi ou des rapporteurs sur la capacité d’intégration. Ce sujet important est en fait éminemment politique.
Au fond, la question est la suivante : quelles sont nos capacités d’intégration ? Nous avons d’ailleurs sur ce point une vraie différence avec l’opposition de gauche : celle-ci parle non pas d’une crise migratoire, mais d’une crise de l’accueil. Je ne pense pas qu’une telle crise existe et je ne sais pas si nous connaissons une crise migratoire – il y en a eu, il y en aura peut-être demain –, en tout cas, nous avons manifestement une incapacité, comme l’a dit M. Karoutchi, à intégrer correctement des gens que jadis la République intégrait. C’est un fait.
Doit-on consacrer beaucoup plus de moyens à l’intégration ? C’est une question de moyens, certes, mais pas seulement : il y va aussi de la capacité pour notre peuple à accueillir sur tout le territoire national des immigrés. Ces derniers sont ainsi très mal répartis dans le pays, puisque 40 % d’entre eux vivent en Île-de-France. La question de la répartition soulève toutefois d’autres difficultés, notamment celles des capacités d’intégration.
Nous aurons sans doute un long débat sur l’article 3.
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour le Gouvernement, cela représente de 6 000 à 8 000 régularisations par an. Après avoir entendu certains orateurs, je me dis qu’on ne parle pas tous du même article 3 ! Je remercie à cet égard Mme Florennes d’avoir rappelé en quoi consistait réellement cet article. On est pour, on est contre, on peut le modifier, le remodifier ; quoi qu’il en soit, il n’est pas au sommet de la pyramide des normes définie par Kelsen, au-dessus même de la Constitution ! On peut débattre de tout, et il s’agit là simplement d’une proposition du Gouvernement – cet article n’est d’ailleurs peut-être pas si mauvais puisqu’il n’a pas été supprimé par la commission des lois… Discutons-en ! (M. Rachid Temal s’exclame.)
J’ai lu des éléments dans la presse qui ne correspondent pas toujours à ce que le Gouvernement a proposé : j’en suis même venu à me demander si mon cabinet ou la direction générale des étrangers en France n’aurait pas, nuitamment, réécrit l’article que j’avais rédigé avec Olivier Dussopt, mais tel n’est pas le cas : ils sont demeurés loyaux ! (Sourires.)
L’article 3 n’a pas changé : il vise « l’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement ». Je précise que la liste des métiers en tension est définie non par le ministère de l’intérieur, mais par un arrêté du ministre du travail.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Rachid Temal. Où est-il ?
M. Gérald Darmanin, ministre. J’indique d’ailleurs que la restauration ne figure pas dans la liste des métiers en tension, ce qui soulève des questions,… (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Bruno Retailleau. C’est une vraie question !
M. Gérald Darmanin, ministre. … mais il n’en demeure pas moins que les exemples qui ont été pris dans le secteur de la restauration par certains orateurs ne s’appliquent pas à ce projet de loi !
En outre, l’article ne vise que certaines zones géographiques : il permet donc de régulariser des personnes non pas dans toute la France, mais seulement dans les zones où la situation sur le marché du travail est tendue, où le chômage est très bas. Nous ne visons donc pas les zones où celui-ci est déjà élevé, auquel cas on pourrait craindre, en effet, une concurrence avec les étrangers en situation régulière, dont plus de 40 % d’entre eux sont au chômage, ou les Français. Le Gouvernement a déjà engagé une grande réforme de l’assurance chômage. Peut-être faut-il faire d’autres réformes ?
Je poursuis la lecture de l’article : l’étranger qui a travaillé grosso modo durant au moins huit mois au cours des vingt-quatre derniers mois, « occupant un emploi relevant de ces métiers et zones » – nous insistons bien sur ces limitations –, « et qui justifie d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France se voit délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention “travail dans des métiers en tension” d’une durée d’un an », qui n’ouvre pas droit au regroupement familial.
Enfin, il est bien précisé que ces dispositions ne sont applicables que jusqu’au 31 décembre 2026.
Les orateurs de la gauche qui nous ont reproché de créer un dispositif valable trois ans, qui forcerait les personnes concernées à vivre dans l’irrégularité et dans la peur des contrôles, n’ont pas dû lire le bon article ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous sommes les seuls à soutenir votre article !
Mme Laurence Rossignol. Il faut être gentil avec les gentils !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce n’est pas du tout ce que nous avons écrit ! Il s’agit que des personnes qui sont rentrées en France quand vous étiez aux responsabilités,… (Mêmes mouvements.)
M. le président. Mes chers collègues, ne coupez pas la parole à l’orateur.
M. Gérald Darmanin, ministre. … que l’on ne peut plus expulser parce qu’elles ont fait leur vie et construit une famille en France, mais aussi parce que nous avons besoin d’elles dans la mesure où elles travaillent dans des métiers en tension, comme l’agriculture, le BTP, etc. – je vous épargnerai la litanie de ces secteurs, dont vous vous faites parfois les porte-parole, mesdames, messieurs les sénateurs, pour réclamer des régularisations –, qui vivent en France depuis au moins trois ans – c’est une proposition dont nous pouvons discuter – puissent être, dans certaines circonstances, régularisées jusqu’en 2026.
Ainsi, une personne qui arriverait aujourd’hui en France ne pourrait pas être régularisée en 2027, puisque le mécanisme aura cessé d’exister !
M. Bruno Retailleau. Nous le savons déjà !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je comprends les questions que peut soulever l’originalité de cet article et je ne suis pas fermé à la discussion. Je tiens toutefois à appeler votre attention sur la situation de certaines personnes qui pourraient être régularisées, mais dont l’employeur ne souhaite pas qu’elles le soient.
Quand l’employeur souhaite obtenir la régularisation d’un employé, il lui suffit de s’adresser au préfet qui peut procéder à une régularisation sur le fondement de la circulaire dite Valls : 7 000 admissions exceptionnelles au séjour en raison d’une activité économique sont ainsi prononcées chaque année. Mais cette circulaire sert aussi de fondement à 23 000 admissions exceptionnelles au séjour pour des motifs familiaux. Lorsqu’une régularisation n’est pas possible, dans ce cadre, au seul titre du travail, le préfet cherche souvent des critères familiaux pour régulariser des personnes dont l’employeur ne demande pas la régularisation.
Mme Corinne Narassiguin. Cela dépend des préfets…
M. Gérald Darmanin, ministre. Prenons l’exemple, monsieur Retailleau, d’une femme dans ce cas : si elle a des enfants, la circulaire Valls prévoit qu’elle peut être régularisée, ce qui n’est pas le cas si elle n’a pas d’enfants.
En bloquant le dispositif, on encourage les étrangers à faire des enfants en France,…
Mme Laurence Rossignol. C’est bon pour la natalité ! (Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Gérald Darmanin, ministre. … ce qui est incompatible avec la loi du nombre. Notre droit est donc quelque peu bizarre !
Nous avons besoin d’une disposition législative pour pouvoir régulariser des personnes qui méritent de l’être, quand bien même l’employeur ne le souhaite pas.
Drôle d’employeur, avouons-le, que celui qui embauche des sans-papiers et refuse leur régularisation ! Voilà un comportement peu acceptable au regard des valeurs républicaines.
Mme Audrey Linkenheld. C’est méchant !
M. Rachid Temal. L’arnaque, c’est pour tout le monde !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous avons des difficultés, en effet, pour identifier les circuits professionnels parallèles. Tous les élus locaux le savent, de même que vous-mêmes pour avoir géré, tous ici, des collectivités locales : dans le BTP, dans la sous-traitance, dans l’agriculture, les sans-papiers sont nombreux.
L’article 3 n’est pas ce qu’on en dit. Je suis prêt au compromis, notamment dans le sens évoqué par Mme Florennes. Il pourrait être en effet complété, comme l’a dit M. Retailleau, en intégrant le critère de respect des valeurs de la République. Cela s’inscrit tout à fait dans le fil rouge du texte que nous défendons. Il ne s’agit pas de régulariser, au prétexte qu’il travaillerait dans un métier en tension, quelqu’un qui aurait un casier judiciaire ou qui adhérerait à une idéologie radicale.
Vous avez estimé, monsieur Retailleau, que la disposition prévue par le Gouvernement à l’article 10 était, certes, intéressante dans sa philosophie, mais que, du fait des nombreuses exceptions, elle manquait de clarté. Vous avez parfaitement raison !
Nous nous sommes fondés sur l’avis du Conseil d’État. La rédaction initiale, que nous lui avons transmise, visait à supprimer toutes les protections contre les mesures administratives d’expulsion et le prononcé des peines judiciaires d’interdiction du territoire français : il aurait été possible de prononcer directement des mesures d’éloignement ou d’expulsion, à charge pour le juge de se prononcer, le cas échéant, sur l’équilibre entre le droit à la vie privée et familiale et la menace pour l’ordre public. Cette rédaction aurait sans doute aussi soulevé des questions au regard de sa constitutionnalité et de sa conventionnalité, en particulier au regard de la Convention européenne des droits de l’homme.
L’avis du Conseil d’État n’était pas extrêmement clair, si je puis me permettre de le dire, mais il nous a fait douter. Comme l’a dit Mme Florennes, il semblait indiquer que le Gouvernement accentuait la tendance au rapprochement, en cours depuis plusieurs années, des régimes de l’expulsion et de l’éloignement…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il y a confusion.
M. Gérald Darmanin, ministre. Ces régimes, définis aux articles 9 et 10, ne donnent pas les mêmes garanties aux étrangers ni les mêmes prérogatives à l’État. Le ministère de l’intérieur préfère procéder à des expulsions, car c’est plus rapide et plus efficace.
Nous souhaitons « faire sauter » les protections, à l’exception de celle, d’ordre judiciaire, qui est relative au respect de la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants. J’y insiste : les personnes qui ont commis des crimes ou des délits lorsqu’elles étaient mineures ne sont pas concernées par la levée des protections. En revanche, nous souhaitons supprimer les huit autres protections existantes.
Nous avons donc proposé une rédaction tenant compte de l’avis du Conseil d’État, même si celle-ci semblait un peu moins claire que celle qui était prévue initialement…
La commission a donc eu raison de chercher à préciser la rédaction, au regard de l’avis du Conseil d’État. Sur mon initiative, le Gouvernement a déposé un amendement sur l’article 10, dont la rédaction me semble encore plus claire. J’espère que nous parviendrons, avec les rapporteurs, à une solution commune. Il s’agit de prendre le risque, en effet, de supprimer l’intégralité des protections, sauf celle qui est relative aux mineurs, pour revenir à la rédaction initiale du projet de loi.
Rien ne serait pire, toutefois, qu’une mesure aussi centrale dans le projet de loi soit censurée par le Conseil constitutionnel.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je pense qu’il est possible de trouver une rédaction adéquate. En tout cas, le Gouvernement est animé de la même volonté que la commission de chercher à éliminer les protections et les exceptions, qui donnent lieu à des jurisprudences interminables.
Vous avez aussi évoqué le délit de séjour irrégulier, qui a été supprimé en décembre 2012 par la précédente majorité, lorsque François Hollande était Président de la République. J’étais député à l’époque et j’ai voté contre.
L’honnêteté me pousse à vous dire que c’est malheureusement une directive européenne élaborée par le parti populaire européen (PPE) qui a abouti à la suppression de ce délit.
M. Bruno Retailleau. Elle rendait impossible la peine de prison, mais pas l’amende.
M. Gérald Darmanin, ministre. Certes, mais il faut reconnaître que ce texte n’est pas ce que l’on a fait de mieux !
Il existe toutefois toujours un délit de maintien sur le territoire, que la police utilise peu. J’ai donné instruction aux services, il y a plus d’un an et demi, d’y recourir davantage. Je note d’ailleurs que la commission a réintroduit non pas des peines de prison, mais une amende en cas de situation irrégulière sur le territoire. Je serai favorable à cette mesure, qui existe dans d’autres pays européens et qui n’est pas contraire au droit européen. Une telle mesure manque aujourd’hui ; elle paraît de nature à renforcer l’efficacité de nos services de police.
Je suis très attaché à la disposition que le président Buffet a fait introduire dans le texte visant à prévoir des restrictions à la délivrance de visas à l’encontre des pays qui ne délivrent pas de laissez-passer consulaires.
Certes, ce n’est pas la panacée, mais les ministres de l’intérieur de ces pays me disent qu’ils appliquent notre droit, mais que celui-ci ne permet pas de conditionner l’octroi des visas à celui des laissez-passer consulaires. Il convient donc d’adopter cette disposition : quand un pays ne délivre aucun laissez-passer consulaire, il n’y a pas de raison de délivrer plus de visas à ses ressortissants que de coutume. C’est très important.
La difficulté, vous le savez bien, monsieur le président de la commission, c’est qu’il s’agit d’un sujet européen. Le Président de la République a été courageux en décidant de restreindre les visas pour les ressortissants des pays du Maghreb. Mais comme l’Espagne octroie des visas, ces personnes essaient de passer par ce pays. Nous plaidons pour un travail commun sur ce sujet à l’échelon européen et défendons ces dispositions. J’ai bon espoir qu’elles pourront être adoptées cette année. De telles mesures ont déjà été adoptées pour l’Irak – même si peu de ses ressortissants sont concernés – ; il faut désormais faire de même avec les pays du Maghreb. Toutefois, ce n’est pas parce que le problème appelle une solution européenne qu’il ne faut pas commencer par agir en France. Je donnerai donc un avis favorable à l’adoption de ces mesures.
Monsieur Patient, je le redis, nous allons traduire directement dans la loi, et non pas par voie d’ordonnance, les mesures d’adaptation pour les collectivités d’outre-mer, hormis pour celles qui relèvent de l’article 74 de la Constitution – le droit en vigueur en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie est en effet très différent. Les mesures concernant les territoires ultramarins méritent d’être examinées dans un débat au Parlement, et non d’être renvoyées à un examen dans le clair-obscur des bureaux des ministères. Je remercie d’ailleurs mes services d’avoir réfléchi à ce sujet, afin que nous puissions aborder ce point, dès l’examen au Sénat.
Je suis aussi extrêmement favorable aux amendements que vous proposez relatifs à Mayotte et à la Guyane. Vous avez raison de souligner qu’il existe un détournement du droit d’asile par le biais du Brésil et que les Guyanais subissent cette situation. Il convient que cela change.
J’indique d’ailleurs que l’adoption de ces dispositions qui relèvent de la loi ordinaire ne doit pas nous interdire d’envisager, si l’on veut aller plus loin pour aider les Mahorais et les Guyanais, d’adopter d’autres mesures d’ordre constitutionnel relatives au droit du sol ou au droit du sang, notamment à Mayotte.
Je tiens à remercier en conclusion tous les orateurs et j’espère que nous aurons un débat de qualité dans les jours qui viennent.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration
TITRE Ier A
MAÎTRISER LES VOIES D’ACCÈS AU SÉJOUR ET LUTTER CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
(Division nouvelle)
Avant l’article 1er A
M. le président. L’amendement n° 518 rectifié, présenté par MM. Ravier et Rochette, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 110-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « , sous réserve du droit de l’Union européenne et des conventions internationales » sont supprimés.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Puisqu’il faut revoir la philosophie générale du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) pour être à la hauteur des enjeux, commençons par le commencement et supprimons la mention explicite, qui figure dans ce code, de la soumission de notre droit national au droit de l’Union européenne et aux conventions internationales.
En effet, des verrous juridiques supranationaux empêchent les meilleures volontés politiques d’agir. Je pense, par exemple, à certaines jurisprudences : ainsi, le 21 septembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée contre la possibilité de refouler systématiquement un ressortissant étranger entré irrégulièrement sur le territoire français. C’est une véritable dépossession de notre liberté d’agir souverainement !
Cet arrêt résulte d’ailleurs d’une saisine de la Cimade, association d’extrême gauche, dont l’action avait déjà été décisive pour empêcher l’expulsion de l’islamiste et assassin de Dominique Bernard, Mohammed Mogouchkov. Il est temps de remettre en cause ces façons de procéder qui font fi de nos décisions juridictionnelles et rendent l’État impuissant.
Par ailleurs, le droit au regroupement familial est déduit, par la Cour européenne des droits de l’homme, du droit à la protection de la vie privée et familiale défini à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Nous sommes soumis, pieds et poings liés, au droit international, qui ne prend en compte que les droits des personnes, mais ne connaît pas le droit des peuples.
La CEDH interdit l’expulsion des clandestins dangereux lorsqu’il existe un risque qu’ils subissent de mauvais traitements dans leur pays d’origine. La CJUE interdit d’infliger des sanctions pénales à des clandestins. La CEDH condamne la reconduite d’une embarcation interceptée en mer dans son pays de provenance. C’est pour cette raison, et pour faciliter les expulsions des migrants, que le ministre britannique de l’immigration, Robert Jenrick, a évoqué un retrait possible du Royaume-Uni de la Convention européenne des droits de l’homme. M. Darmanin a aussi admis que nous pourrions faire fi de ces jurisprudences dangereuses en matière d’expulsions.
Dès lors, sortons notre droit de ce carcan !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Chacun comprend qu’aucun amendement ne peut modifier la hiérarchie des normes juridiques ni nous soustraire à la primauté du droit européen.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. Rachid Temal. Premier cours de droit !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 233, présenté par M. Temal, Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, MM. Roiron, Tissot et Marie, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, M. Kanner, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est créée une Conférence nationale du consensus sur l’immigration, le droit d’asile et l’intégration des étrangers composée de représentants de l’État, des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, de représentants des groupes politiques représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat, de représentants des délégations françaises représentées au Parlement européen, du Président du Conseil économique, social et environnemental, de représentants des organisations syndicales et patronales, et des représentants des associations et organisations non gouvernementales dont l’objet statutaire comporte la défense des droits des étrangers et des demandeurs d’asile.
II. – Préalablement à leur inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ou du Sénat, tout projet de loi relatif aux droits des étrangers et au droit d’asile est soumis pour avis à cette Conférence nationale. Cet avis est rendu public.
III. – Cette Conférence nationale se réunit au moins une fois par an afin de dresser l’état des lieux de l’application des textes et règlements en vigueur et de formuler des recommandations.
IV. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Le texte qui nous est soumis prévoit la tenue d’un débat annuel au Parlement. Ce dernier aurait la possibilité de fixer, tous les trois ans, les objectifs en matière d’immigration.
Si nous croyons évidemment en le rôle du Parlement, nous proposons de créer, à ses côtés, une Conférence nationale du consensus sur l’immigration, le droit d’asile et l’intégration, au sein de laquelle se tiendrait chaque année un débat, associant à la fois le président de chacune des chambres du Parlement, les groupes parlementaires, les syndicats de salariés et d’employeurs – ce qui important lorsque l’on pense à l’article 3 – et les associations.
Le mot important, j’y insiste, est celui de « consensus ». Nous débattons parfois sans pouvoir nous appuyer sur des faits ou des statistiques. Il convient que les élus, ainsi que les entreprises et les syndicats, puissent, en responsabilité, discuter du fond des sujets, afin de faire en sorte qu’un consensus puisse émerger sur un certain nombre de questions, et que le dépôt d’un projet de loi sur l’immigration et l’intégration, par exemple, ne donne pas lieu, une nouvelle fois, à des débats vains ou politiciens, qui ne contribuent pas à l’union nationale.
Si nous, socialistes, reconnaissons, conformément à notre histoire, le droit à chaque État de choisir ceux qui entrent à l’intérieur de ses frontières, nous considérons toutefois que nous devons avoir sur ces questions des débats construits et apaisés. C’est important dans la période que nous vivons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Si la commission souscrit à l’objectif de faire en sorte que le débat soit apaisé, elle a émis un avis défavorable, pour deux raisons.
Tout d’abord, nous souhaitons concentrer le débat sur l’immigration, selon un tempo annuel, au Parlement ; il reviendra à ce dernier de déterminer des objectifs et, comme je l’ai indiqué, de fixer un cap. Créer des comités, entrer dans une logique de « comitologie » – veuillez me pardonner si ce terme peut sembler un petit peu discourtois – risquerait d’affaiblir la force de ce débat.
Ensuite, il convient d’éviter la confusion : la conférence nationale que vous proposez de créer comprendrait des représentants des entreprises, des syndicats, etc. Celle-ci, dès lors, marcherait sur les brisées du Conseil économique, social et environnemental (Cese).
C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable, je le répète, même si nous admettons que votre proposition est parfaitement défendable.
M. Rachid Temal. Merci !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Allez !…
M. Bruno Retailleau. Désolé… (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 233.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er A (nouveau)
L’article L. 123-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 123-1. – Les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration peuvent faire l’objet d’un débat annuel au Parlement.
« Le Parlement prend alors connaissance d’un rapport du Gouvernement, rendu avant le 1er juin de chaque année, qui indique et commente, pour les dix années précédentes, en métropole et dans les outre-mer :
« 1° Le nombre des différents visas accordés et celui des demandes rejetées ;
« 2° Le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;
« 3° Le nombre d’étrangers admis au titre du regroupement familial et des autres formes de rapprochement familial ;
« 4° Le nombre d’étrangers admis aux fins d’immigration de travail ;
« 5° Le nombre d’étrangers ayant obtenu le statut de réfugié, le bénéfice de la protection subsidiaire ou le statut d’apatride, ainsi que celui des demandes rejetées ;
« 6° Le nombre de mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance et les conditions de leur prise en charge ;
« 7° Le nombre d’étrangers mineurs ayant fait l’objet d’un placement en rétention et la durée de celui-ci ;
« 8° Le nombre d’autorisations de travail accordées ou refusées ;
« 9° Le nombre d’étrangers ayant fait l’objet de mesures d’éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées ;
« 10° Les moyens et le nombre de procédures, ainsi que leur coût, mis en œuvre pour lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers ;
« 11° Le nombre d’attestations d’accueil présentées pour validation et le nombre d’attestations d’accueil validées ;
« 12° Les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre les trafics de main-d’œuvre étrangère ;
« 13° Les actions entreprises avec les pays d’origine pour mettre en œuvre une politique de gestion concertée des flux migratoires et de co-développement ;
« 14° Le nombre de contrats d’intégration républicaine souscrits en application de l’article L. 413-2 ainsi que les actions entreprises au niveau national pour favoriser l’intégration des étrangers en situation régulière en facilitant notamment leur accès à l’emploi, au logement et à la culture ;
« 15° Le nombre d’acquisitions de la nationalité française, pour chacune des procédures ;
« 16° Des indicateurs permettant d’estimer le nombre d’étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français ;
« 17° Le nombre de personnes ayant fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence, le nombre des mesures de placement en rétention et la durée globale moyenne de ces dernières ;
« 18° Une évaluation qualitative du respect des orientations fixées par le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile.
« Le Gouvernement présente, en outre, les conditions démographiques, économiques, géopolitiques, sociales et culturelles dans lesquelles s’inscrit la politique nationale d’immigration et d’intégration. Il précise les capacités d’accueil de la France. Il rend compte des actions qu’il mène pour que la politique européenne d’immigration et d’intégration soit conforme à l’intérêt national.
« Sont jointes au rapport du Gouvernement les observations de :
« a) L’Office français de l’immigration et de l’intégration ;
« b) L’Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui indique l’évolution de la situation dans les pays considérés comme des pays d’origine sûrs.
« Le Sénat est consulté sur les actions conduites par les collectivités territoriales compte tenu de la politique nationale d’immigration et d’intégration.
« Le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile, compte tenu de l’intérêt national. L’objectif en matière d’immigration familiale est établi dans le respect des principes qui s’attachent à ce droit. »
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais, avant que le débat ne s’ouvre, dire quelques mots, qui constitueront un simple rappel, plus particulièrement à l’attention de la majorité sénatoriale.
Le texte que nous allons examiner relève, certes, de la politique intérieure de notre pays et représente une occasion de parler aux Français, comme vous l’avez justement rappelé, monsieur le ministre. Je puis néanmoins vous assurer que ce qui sera dit ici dépassera largement les murs de notre hémicycle. Notre débat sera, en effet, suivi, écouté et analysé par-delà nos frontières, et il aura des influences sur notre diplomatie.
Parce que la France a la réputation, traditionnellement, d’être une terre d’accueil et d’immigration, dans ce grand mouvement de mobilité mondiale que vous avez également évoqué dans votre intervention, monsieur le ministre, ce débat affectera le rôle et la place de notre pays dans les relations internationales.
Représentant les communautés françaises établies à l’étranger, je veux témoigner de l’érosion de notre relation avec des populations pourtant francophiles et francophones dont le désir de France a été déçu, notamment par une politique de délivrance de visas trop respective : celle-ci a été vécue comme une punition collective injuste, à laquelle vous avez heureusement mis fin.
S’agissant de Choose France, il n’y a que le ministre de l’économie pour y croire ! Ce n’est pas parce que nous durcirons les règles relatives à l’immigration et que nous ferons preuve de fermeté, que nous n’aurons pas à faire preuve de pédagogie demain sur les enjeux de notre politique migratoire, laquelle, madame la rapporteure, est une chance pour la France : une chance pour le passé et une chance pour l’avenir, ainsi que l’Institut national d’études démographiques (Ined) vient de le rappeler dans son document de travail intitulé Enjeux et perspectives démographiques en France 2020-2050.
Qui peut nier que le vieillissement généralisé des populations européennes nous impose de réfléchir de manière lucide et collective sur la question migratoire ?
Nous devons donc veiller, mes chers collègues, à ce que notre démarche ne soit pas dévoyée et à ce que le message que nous adresserons, à l’occasion de l’examen de ce texte, ne soit pas celui d’une France qui renonce à son histoire et à certaines de ses valeurs fondamentales, au prix d’une méconnaissance de ses besoins.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 1er A prévoit l’instauration d’un débat annuel sur la politique migratoire. Il importe de parler d’immigration sans tabou, avec lucidité, calme, et courage peut-être aussi.
Depuis des décennies, la politique d’immigration française se fourvoie dans une ornière que l’on résumera d’un proverbe que nous connaissons tous : qui trop embrasse mal étreint.
À force d’accueillir des étrangers en trop grand nombre, nous échouons inexorablement à les intégrer, à leur offrir des perspectives désirables, à leur inspirer l’envie de s’assimiler à notre communauté, à fonder une harmonie culturelle et identitaire qui permette d’assurer la cohésion de la société, de faire Nation en somme.
Qu’on ne se méprenne pas, il s’agit non pas de tarir les flux migratoires, mais d’en retrouver la maîtrise. On ne fera pas de la France un fort Chabrol !
Il n’y a rien de honteux à souhaiter reprendre le contrôle de l’immigration en France, quitte à réduire au besoin le nombre d’étrangers présents sur notre sol. Personne n’a le monopole du cœur (Exclamations sur les travées du groupe SER.), même si certains s’arrogent la boussole de la bonne conscience.
Un certain François Mitterrand, cela a été rappelé, ne craignait pas d’être malséant lorsqu’il reconnaissait qu’un seuil de tolérance avait été atteint dès les années 1970…
Réussir l’intégration, c’est d’abord maîtriser l’immigration, pour que celle-ci soit choisie et non pas subie. C’est mieux orienter et contrôler l’aide au développement. C’est faire reculer le communautarisme qui ronge notre vivre-ensemble.
L’immigration peut apporter des plus-values à notre pays, comme elle l’a fait jadis, et l’on pourrait à ce propos citer de superbes exemples dans les domaines politiques, artistiques ou scientifiques – Marie Curie, Gambetta, Joséphine Baker. En revanche, l’immigration massive et incontrôlée est une source de déstabilisation sociale et politique incontestable. Elle ne constitue pas une chance pour notre pays aujourd’hui.
Monsieur le ministre, votre projet de loi comporte d’incontestables points positifs ; la commission des lois en a ajouté d’autres. Il reste quelques écueils, des récifs à éviter pour que votre portulan ne se brouille : je pense notamment aux fameux articles 3 et 4. Mais, quand il y a une volonté, il y a un chemin !
M. Olivier Paccaud. J’espère, monsieur le ministre, que votre pragmatisme saura le trouver.
M. le président. L’amendement n° 331 rectifié, présenté par MM. Dossus et Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Cet amendement vise à supprimer cet article.
Nous ne sommes pas opposés à la tenue d’un débat sur l’immigration – nous sommes nombreux sur ces bancs à vouloir discuter de cette question –, mais nous sommes opposés à la philosophie qui sous-tend cet article : l’approche quantitative de l’immigration, la politique du chiffre, qui déshumanise, comme on l’a constaté à plusieurs reprises.
Le dernier alinéa prévoit que le Parlement fixera des objectifs en la matière. C’est revenir à la logique de l’immigration choisie et non subie, pour reprendre le slogan de Nicolas Sarkozy. Cette politique a lamentablement échoué et Nicolas Sarkozy, lui-même, en est revenu, à la fin de son mandat.
Dans la mesure où nous sommes opposés à cette logique de quotas et d’objectifs que nous n’atteindrons pas, nous vous proposons de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis défavorable.
La commission souhaite rétablir le rôle du Parlement sur ces sujets. Nous voulons non seulement instaurer un débat annuel, mais aussi que le Parlement fixe des objectifs, lorsque cela est possible : tel n’est pas le cas pour le droit d’asile et pour le regroupement familial, mais il est tout à fait envisageable de fixer des plafonds et des règles pour les titres à caractère professionnel.
Ce débat constituerait aussi l’occasion pour la société française d’avoir, par l’intermédiaire de ses parlementaires, un débat – M. Paccaud en évoquait l’intérêt – aussi complet que possible, à partir d’un ensemble de données assez large, comme le texte le prévoit. Cette discussion serait, selon nous, intéressante. Nous mesurons bien les difficultés, qui ont été soulignées par Mme Conway-Mouret et qui le seront aussi sans doute par ses collègues représentant les Français établis hors de France, relatives au délicat équilibre entre la politique diplomatique et les politiques régaliennes d’immigration. Mais c’est bien au Parlement que ce débat doit avoir lieu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Mon propos vaudra sur cet amendement, comme sur la plupart des amendements déposés sur cet article.
Le Gouvernement n’est pas défavorable à la disposition introduite par la commission des lois du Sénat – il y est même, d’une certaine manière, très favorable.
En novembre 2019, le Premier ministre de l’époque avait organisé un comité interministériel sur l’immigration et l’intégration, qui avait acté le principe d’un débat annuel au Parlement : ce dernier, qui avait été annoncé par le Président de la République, chacun s’en souvient, devait permettre de définir annuellement des cibles ou des quotas. Cela allait dans le sens, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, de votre proposition.
Le droit de l’Union européenne n’interdit évidemment pas de fixer des quotas ou des volumes d’entrée sur le territoire pour les ressortissants de pays tiers qui viennent en France dans le but d’y chercher un emploi salarié ou non salarié.
Le dispositif proposé par la commission des lois ne vise que l’immigration économique : il ne s’agit pas d’instaurer des quotas pour l’asile ou le regroupement familial – d’autres dispositions du texte concernent d’ailleurs ce sujet.
Cette disposition est donc tout à fait conforme au droit européen et elle ne semble pas non plus, à notre connaissance, non conforme à la Constitution. Le Conseil constitutionnel n’a jamais eu à statuer sur ce point : il s’était même prononcé plutôt favorablement lorsque le gouvernement, durant le quinquennat de M. Sarkozy, avait imaginé un certain nombre de dispositions afin de mettre en œuvre l’immigration choisie, sans aller d’ailleurs, à l’époque, jusqu’à l’instauration de quotas. Ce texte serait donc une concrétisation de cette démarche.
La tenue d’un débat annuel au Parlement serait utile : il est bon que le Gouvernement ait à justifier, peut-être même de façon encore plus explicite qu’il ne le fait aujourd’hui, sa politique migratoire en matière économique. Les Français et les parlementaires pourraient mieux la juger.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement et soutient l’article 1er A inséré par la commission des lois.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet article comporte des éléments intéressants : le Parlement pourra débattre de la politique d’immigration et d’intégration sur la basse de toute une série de données et fixer des orientations dans ce domaine. Tout cela est très bien, mais la conclusion de cet article est beaucoup plus préoccupante, en tout cas de notre point de vue, puisqu’il est écrit que : « Le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France. » En clair, c’est l’instauration d’une politique de quotas !
M. André Reichardt. Bien sûr !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous sommes bien d’accord !
Vous prévoyez une exception pour les demandeurs d’asile. Encore heureux ! Il n’est d’ailleurs pas possible d’instaurer des quotas en matière d’asile. Toutefois, vous voulez en établir pour les étudiants et pour le regroupement familial. Nous aurons l’occasion de reparler des étudiants tout à l’heure. En ce qui concerne le regroupement familial, la rédaction se heurte à des dispositions internationales.
Sans ce dernier alinéa, nous aurions été favorables à cet article. Mais comme nous sommes opposés à l’instauration d’une politique de quotas, dont il n’est d’ailleurs pas précisé comment elle sera mise en œuvre, nous soutiendrons l’amendement de notre collègue Thomas Dossus.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Sophie Primas.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
Article 1er A (suite)
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 1er A, aux amendements identiques nos 363 rectifié et 519.
L’amendement n° 363 rectifié est présenté par MM. Duffourg et Verzelen, Mme Lermytte et MM. Hingray, Wattebled et Gremillet.
L’amendement n° 519 est présenté par M. Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
peuvent faire
par le mot :
font
La parole est à M. Alain Duffourg, pour présenter l’amendement n° 363 rectifié.
M. Alain Duffourg. La commission des lois a introduit la possibilité d’un débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration.
Nous proposons de faire de ce débat un rendez-vous régulier, sur la base du rapport annuel remis par le Gouvernement, des indicateurs qu’il contient et des perspectives qu’il trace.
La tenue annuelle d’un tel débat est justifiée par le contexte sensible, marqué par une pression migratoire accrue à l’échelle nationale et européenne et par la lutte contre le terrorisme.
Cela permettrait un contrôle régulier par le Parlement de la mise en œuvre des mesures engagées, de l’effectivité des décisions rendues par les juridictions compétentes, de la définition des choix structurants de la politique publique en matière d’immigration et d’asile, mais aussi de prendre la mesure des défis à relever dans les années suivantes.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 519.
M. Stéphane Ravier. Le Parlement débat annuellement de la maîtrise des dépenses publiques ou du rapport de la Cour des comptes.
Or la politique migratoire n’est en aucun cas moins importante que la maîtrise des dépenses publiques : l’une et l’autre sont étroitement intriquées.
La politique d’immigration nous coûte 35 milliards d’euros par an selon l’OCDE, et plus de 54 milliards d’euros selon le démographe Jean-Paul Gourévitch.
Mes chers collègues, avons-nous encore le droit de faire part au Gouvernement de l’avis des Français sur cette gabegie ?
La politique migratoire trace un cap politique, une ligne directrice qui engage notre pays, non pas pour l’année ou les cinq ans qui viennent, mais pour les dix, vingt ou cinquante prochaines années. Elle est donc fondamentale.
On se remet d’un déficit, on peut réduire les dépenses et augmenter les recettes, mais un peuple qui est altéré dans sa substance même ne peut pas, fondamentalement, revenir à sa forme d’origine.
Quelque 2 millions de personnes sont entrées sur notre sol depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron. Nous battons des records de non-exécution des expulsions, et nous ne pourrions pas avoir un débat souverain au Parlement sur ce sujet !
En 2019, après l’assassinat par un terroriste islamiste de quatre fonctionnaires de police à la préfecture de Paris, le Président de la République lui-même s’était pourtant engagé à faire en sorte que le Gouvernement prononce devant le Parlement une déclaration suivie d’un débat sur la politique migratoire de notre pays, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
Après une première déclaration en octobre de la même année, ce débat parlementaire n’a jamais été reconduit. Voilà la considération dont bénéficient les victimes et leur famille !
L’immigration est pourtant l’une des préoccupations majeures des Français et aucun changement d’orientation politique n’a été opéré.
Pour rappel, non seulement la question migratoire n’a jamais été soumise à une consultation démocratique directe par voie référendaire, mais elle échappe également au contrôle indirect des parlementaires.
Mes chers collègues, en refusant d’inscrire dans la loi la tenue obligatoire d’un débat annuel sur l’immigration au Parlement, vous acteriez une véritable déconnexion de nos institutions avec leur socle populaire.
C’est pourquoi je sais pouvoir compter sur votre soutien et sur votre vote.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous ne sommes pas déconnectés. Nous avons toujours considéré que ce débat serait annuel.
La commission émet un avis favorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 363 rectifié et 519.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 158, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
avant le 1er juin de chaque année
par les mots :
à la date de son choix
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement porte non pas sur le débat annuel qui vient d’être évoqué, mais sur le rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d’asile, d’immigration et d’intégration.
Le Gouvernement est censé présenter ce rapport au Parlement chaque année avant le 1er octobre. Or nous sommes au mois de novembre, nous sommes au cœur d’un débat sur un projet de loi relatif à ces questions, et il n’aura échappé à personne que nous n’avons pas reçu, pour l’année 2022, le rapport qui aurait dû être remis au Parlement avant le 1er octobre 2023.
Le Parlement n’a d’ailleurs pas reçu non plus le rapport annuel pour l’année 2021, qui aurait dû lui être transmis avant le 1er octobre 2022.
Constatant cet état de fait, qui ne nous permet pas de disposer de l’ensemble des données les plus récentes nécessaires à une discussion éclairée, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, peut-être un peu facétieux, mais surtout très réaliste, propose, par cet amendement, de supprimer la date obligatoire et de donner la possibilité au Gouvernement de transmettre le rapport au Parlement à la date de son choix.
M. Rachid Temal. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Considérant en effet qu’il s’agit d’un amendement facétieux, nous souhaitons maintenir la date fixée dans la loi. Cela étant, nous aimerions entendre les explications de M. le ministre et savoir pourquoi cette date n’est pas respectée. (Ah ! sur des travées du groupe SER.)
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Avis défavorable.
Le rapport portant sur l’année 2021 a été remis. Celui qui porte sur l’année 2022 ne l’a pas été. C’est une erreur, et elle sera corrigée dans les plus brefs délais. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. L’amendement n° 369 rectifié, présenté par MM. Duffourg et Verzelen, Mme Lermytte, M. Hingray, Mme Guidez et MM. Wattebled et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
cinq
La parole est à M. Alain Duffourg.
M. Alain Duffourg. Cet amendement tend à réduire la comparaison décennale à cinq ans au lieu des dix que prévoit le texte en discussion, la version en vigueur de l’article L. 123-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoyant simplement une comparaison avec l’année écoulée.
Le Conseil d’État souligne que la politique d’immigration et d’asile a connu sept modifications législatives majeures en seize ans, le présent projet de loi étant la huitième.
Or la complexité croissante des actes, titres et procédures complique la maîtrise du droit.
Il serait plus utile d’avoir un état des lieux plus récent et de connaître les perspectives d’évolution, la question de la pertinence d’une étude systématique sur dix ans pouvant se poser.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis défavorable.
Il nous paraît préférable de disposer d’éléments sur dix ans plutôt que sur cinq. Comme le dit l’adage : « Qui peut le plus peut le moins ! » Nonobstant ces considérations, les données en question seront, en tout état de cause, utiles à la représentation nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 149, présenté par Mme Conway-Mouret, M. Chantrel, Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mmes Brossel et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour les visas de long séjour portant la mention « étudiant », le rapport indique, par pays, le nombre de visas accordés et rejetés, en précisant si l’étudiant dispose d’un baccalauréat français ou d’un diplôme étranger, le délai moyen d’instruction des demandes, le nombre des avis, positifs et négatifs, émis par Campus France pour des demandes de départ vers la France, et le nombre d’étudiants qui abandonnent leurs études en France en cours de cursus.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. L’article 1er A vise notamment à enrichir le rapport annuel remis par le Gouvernement au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’asile, d’immigration et d’intégration, afin d’accroître la transparence de l’action gouvernementale en la matière et d’accorder davantage de visibilité à la représentation nationale.
Cet amendement a le même objectif : compléter le rapport avec des données sur les conditions d’examen et de délivrance des visas long séjour aux étudiants étrangers qui poursuivent leurs études en France.
En effet, nous manquons d’informations sur la mobilité étudiante, qui est pourtant devenue en 2021 le premier motif d’admission au séjour en France.
Cette immigration régulière et contrôlée par le soin de nos agents consulaires, dont je salue ici le travail, est une source d’influence. Elle nous permet de former les élites de demain et de renforcer leurs liens avec la France, sans compter son importance pour la francophonie. Elle est aussi une source de richesse économique, puisque l’accueil d’étudiants étrangers permet à l’État d’enregistrer des flux financiers entrants importants, comme le souligne une étude de Campus France. Elle doit donc être soutenue, dans un contexte de compétition internationale accrue.
Les candidats rencontrent toutefois de nombreux obstacles, à commencer par les délais d’attente pour l’obtention d’un rendez-vous et pour l’instruction de leur demande.
Je vous invite donc à voter cet amendement, afin que de telles données soient transmises au Parlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission répond favorablement à cette invitation. Des données supplémentaires seront bienvenues.
Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 160, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après le mot :
rétention
insérer les mots :
ou en zone d’attente
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement vise à modifier le contenu du rapport prévu à l’article 1er A.
Nous sommes en effet particulièrement préoccupés par la question de l’accueil des mineurs. Nous savons qu’il y a par ailleurs une inquiétude générale quant à l’augmentation du nombre de mineurs que nous devons accueillir et aux conditions dans lesquelles nous le faisons.
Nous demandons que le rapport comporte des éléments chiffrés sur le nombre de mineurs étrangers placés en zone d’attente. Cela permettrait de disposer de données beaucoup plus complètes et de vérifier que ces mineurs sont bien accueillis dans le respect du droit.
Mme la présidente. L’amendement n° 311 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° L’ensemble des données relatives à la mise en œuvre des mesures de rétention, de maintien en zone d’attente et d’assignation à résidence ayant concerné des mineurs accompagnants ou non accompagnés ;
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Le nouvel article 1er A a pour objet d’instaurer une discussion annuelle entre le Parlement et le Gouvernement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration.
Il prévoit la communication par le pouvoir exécutif au pouvoir législatif d’un certain nombre de données permettant un dialogue fondé sur des faits partagés.
Notre groupe ne peut pas soutenir les dispositions du texte enjoignant le Parlement à déterminer le nombre d’étrangers admis à s’installer durablement en France pour chacune des catégories de séjour.
Néanmoins, nous convergeons avec la majorité sénatoriale sur la nécessité d’une plus grande transparence dans les données de traitement des étrangers sur notre sol.
L’opacité des pratiques relatives à l’enfermement administratif des mineurs dans toutes ses formes nous inquiète particulièrement.
Aujourd’hui, les données sont disparates. Elles sont principalement recueillies par les associations qui interviennent dans des lieux de privation de liberté, y compris les zones d’attente.
Un certain nombre de données, notamment le nombre d’enfants dont les parents sont visés par une mesure d’assignation à résidence, ne sont pas rendues publiques.
Par le présent amendement, nous souhaitons obtenir de telles données de la part de l’exécutif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Comme l’a indiqué M. le ministre tout à l’heure, il n’y a plus de mineurs dans les centres de rétention.
Les auteurs de l’amendement n° 160 demandent au Gouvernement de faire preuve de transparence en communiquant au Parlement des éléments sur les mineurs qui se trouveraient en zone d’attente. Cela nous paraît légitime.
Ceux de l’amendement n° 311 rectifié souhaitent disposer de données chiffrées relatives non seulement aux mineurs placés en rétention ou en zone d’attente, mais également à ceux qui accompagnent leurs parents dans le cadre d’une assignation à résidence.
Compte tenu de leur rédaction, les deux amendements sont contradictoires ; l’adoption du premier, qui nous semble logique, aurait pour effet de faire tomber le second. Dans ce cas, la question que soulève M. Benarroche demeurerait. Monsieur le ministre, aurez-vous la possibilité de donner des indications quant au nombre de mineurs accompagnant leurs parents dans le cadre d’une assignation à résidence ?
La commission émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 160. Toutefois, si celui-ci n’était pas adopté, nous serions alors favorables à l’amendement n° 311 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Même position que la commission : avis favorable sur l’amendement n° 160 et, si celui-ci n’était pas adopté, avis favorable sur l’amendement n° 311 rectifié.
L’amendement n° 160 correspond en effet plus à ce que nous pourrions proposer au Parlement.
Si le texte est voté dans les termes souhaités par le Gouvernement, il n’y aura plus aucun mineur de moins de 16 ans dans les centres de rétention, à l’exception de Mayotte, où la mesure serait reportée à 2026, pour des raisons que nous pourrons évoquer lors de l’examen des dispositions portant sur les outre-mer.
Si seuls les centres de rétention administrative (CRA) sont mentionnés, j’estime que le Gouvernement doit néanmoins fournir au Parlement toutes les données qu’il demande, qu’il s’agisse des lieux de rétention administrative (LRA), des zones d’attente ou encore des assignations à résidence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez sans doute visité des centres de rétention administrative : sans être des lieux carcéraux, il s’agit tout de même de lieux difficiles. En dehors des bébés de quelques mois, il n’est pas souhaitable de laisser des enfants en âge de se construire évoluer dans de tels lieux pendant plusieurs jours, parfois plusieurs semaines. C’est donc une bonne politique que de vouloir les en écarter.
En revanche, pour des raisons évidentes d’efficacité, le ministère de l’intérieur peut être amené à assigner des personnes à résidence dans un hôtel ou à domicile, en attendant qu’elles soient éloignées du territoire national.
Chacun comprend que le maintien à domicile et la privation de liberté, pendant quelques instants ou quelques heures, de personnes qui sont sur le point d’être reconduites dans un avion ou à la frontière fait partie du travail de la police aux frontières.
Cela ne doit pas nécessairement se faire dans un milieu quasi carcéral, par exemple dans les centres de rétention administrative. D’ailleurs, depuis que je suis ministre de l’intérieur, j’ai souhaité que, désormais, seules des personnes radicalisées ou dangereuses pour l’ordre public y soient placées. À ce titre, les enfants doivent en être écartés, et les femmes ne devraient s’y trouver que de manière exceptionnelle.
En outre, afin d’augmenter le nombre de places disponibles, j’ai mis fin à la plupart des lieux de famille qui existaient dans les CRA, si bien qu’aujourd’hui, 98 % des personnes présentes dans les CRA sont des hommes et que l’on n’y trouve plus aucun mineur.
Permettez-moi enfin d’appeler l’attention du Parlement sur la situation particulière de Mayotte. L’idée n’est évidemment pas que la loi oublie ce territoire ; il s’agit simplement de laisser au Gouvernement le temps de prendre les dispositions adaptées.
Plus de 50 % des reconduites à la frontière se font depuis Mayotte ; je le précise – le Gouvernement ne triche pas ! –, les données relatives à Mayotte sont exclues des chiffres nationaux des reconduites à la frontière. Ce nombre élevé s’explique évidemment par la proximité des Comores.
Le CRA de Mayotte accueille un flux continu de familles qui, parfois, y restent seulement quelques minutes ou quelques heures. La situation sur place mérite donc d’être considérée différemment. Pour l’avoir visité plusieurs fois, je vous assure qu’il n’est pas tout à fait comparable aux CRA situés sur le territoire métropolitain.
Les reconduites à la frontière à Mayotte concernant essentiellement des familles, le Gouvernement a besoin d’un peu plus de temps – je propose une année supplémentaire – pour adapter sa politique aux spécificités de ce territoire.
En résumé, je suis tout à fait prêt à me livrer à l’exercice de transparence demandé par le Parlement.
Si l’amendement n° 160 est adopté, le Parlement pourra obtenir de la part du Gouvernement toutes les informations qu’il demande sur les zones d’attente et autres lieux de rétention.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, je reconnais qu’il n’y a plus de mineurs de moins de 16 ans dans les centres de rétention.
Puisqu’il y aura de moins en moins de mineurs dans les CRA, les chiffres que nous demandons auront une valeur d’autant plus significative. Je remercie Mme Marie-Pierre de La Gontrie d’avoir formulé une telle demande de précision.
Mais il serait également important de connaître le nombre – j’ai noté votre engagement de nous le communiquer, monsieur le ministre – d’enfants assignés à résidence avec leurs parents.
Je maintiens donc mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur Benarroche, ne voyez aucune malice de notre part dans le fait d’avoir émis un avis favorable sur l’amendement n° 160, dont l’adoption aurait pour conséquence de faire tomber le vôtre.
D’ailleurs, si les auteurs de l’amendement n° 160 souhaitent le rectifier pour y ajouter une référence aux mineurs assignés à résidence, je n’y verrai aucun inconvénient. (Marques d’assentiment au banc des commissions.) Le Gouvernement n’a rien à cacher en la matière. Il partagera volontiers les informations concernées avec les parlementaires, ainsi qu’avec la Défenseure des droits.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Madame de La Gontrie, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le ministre ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Oui, madame la présidente. Nous pourrions ainsi insérer à l’alinéa 10, après le mot : « rétention », les mots : « ou en zone d’attente ou assignés à résidence ».
Mme la présidente. Ma chère collègue, une telle rédaction poserait un problème d’intelligibilité de la loi. Je vous propose donc d’en rester à la rédaction initiale de l’amendement n° 160, quitte à retravailler le dispositif dans le cadre de la navette parlementaire.
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 311 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 569 rectifié ter, présenté par MM. Reichardt, Daubresse et Bonneau, Mme N. Goulet, MM. Bruyen, Klinger, Paccaud, Rietmann et Pellevat, Mme Lopez, M. Lefèvre, Mme V. Boyer, M. Maurey, Mmes Schalck, Pluchet, Muller-Bronn et Dumont, M. Bas, Mme Herzog, M. Pointereau, Mme Drexler, MM. Belin et Cadec, Mmes Micouleau et Bellurot, MM. Genet et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. Bouchet, Duffourg, Chatillon, Cuypers et Gueret, Mme Aeschlimann et MM. Levi et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Une indication du nombre de demandes d’asile comparant, pour chaque nationalité, le nombre de demandes déposées depuis le pays d’origine et le nombre de demandes déposées depuis le territoire français.
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Cet amendement a pour objet immédiat de différencier, puis de quantifier, par comparaison, le nombre de demandes d’asile qui sont déposées depuis le pays d’origine des demandeurs et celles qui sont déposées depuis le territoire de la République.
Son objectif final, en revanche, consiste à souligner les avantages que présente le dépôt des demandes d’asile depuis le pays d’origine du demandeur.
Une telle solution est évidente dans les pays d’origine sûrs, dont la liste est tenue par les services de l’asile et des étrangers et qui permet déjà, nous dit-on, un traitement accéléré d’une demande sur cinq. Elle est également praticable dans le reste des pays du monde avec lesquels la France entretient des relations diplomatiques et consulaires stables. Elle éviterait ainsi un certain nombre de difficultés – absence de documents d’identité, problèmes de communication, difficultés à retrouver la personne concernée – qui, souvent, deviennent insurmontables.
Le dépôt des demandes d’asile à l’étranger, dans les pays d’origine, constitue également une réponse indirecte à la place déraisonnable qu’occupent les personnes en situation irrégulière dans de nombreux domaines, sur le marché du travail par exemple, mais également parmi les bénéficiaires du système d’aide et de prestations sociales.
Comment ignorer enfin les difficultés d’éloignement, qui ont pour cause première la simple présence des personnes visées sur le sol français ?
Le présent amendement vise donc à faire un état des lieux consolidé des demandes d’asile déposées depuis la France et depuis un pays étranger tiers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis favorable.
Une telle demande s’inscrit dans la logique globale de transparence qui vient d’être évoquée.
Il nous avait semblé, mon cher collègue, qu’il y avait dans votre amendement une part de malice et une forme d’anticipation d’une éventuelle évolution constitutionnelle ; la fin de votre propos nous a confirmé que malice il y avait. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Avis favorable, d’autant que le chiffre sera zéro, car aucune demande d’asile n’est déposée dans les consulats ou les ambassades, monsieur le sénateur. Nous délivrons des visas aux individus pour qu’ils puissent venir déposer une demande d’asile sur le sol français, mais il n’y a pas de demandes d’asile.
Pour que l’asile puisse être demandé en dehors du territoire de la République, il faudrait au minimum une révision constitutionnelle. Nous pourrons en discuter lors de l’examen de la proposition de loi constitutionnelle du groupe LR. Cette dernière devrait alors modifier non seulement la Constitution, mais également le Préambule de la Constitution de 1946 – aux termes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, celui-ci fait partie du bloc de constitutionnalité –, dont le quatrième alinéa est ainsi rédigé : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République. » Jusqu’à présent, le Conseil constitutionnel a considéré que les personnes en question devaient avoir accès au territoire de la République pour déposer leur demande d’asile, ce qui ne va pas à l’encontre de la possibilité de déposer une demande d’asile dans les consulats.
Je suis prêt à discuter d’une réforme constitutionnelle pour autoriser les demandes d’asile dans les consulats et ambassades, voire dans des pays tiers, ce qui permettrait à des individus pourchassés dans leur pays d’origine, par exemple en Afghanistan, de demander l’asile dans un pays voisin, comme le Pakistan ou la Turquie. Cela permettrait d’étudier leur demande d’asile à la frontière ou dans ce pays voisin. Cependant, cela requiert une révision constitutionnelle et n’empêche pas que l’asile soit demandé sur le territoire de la République.
Nous aurons sans doute le débat constitutionnel à cette occasion.
Encore une fois, monsieur le sénateur, j’ai d’autant moins de mal à émettre un avis favorable sur votre amendement que le chiffre sera zéro. Peut-être pourriez-vous d’ailleurs, sur la base d’une telle évidence, le retirer…
Mme la présidente. Monsieur Reichardt, l’amendement n° 569 rectifié ter est-il maintenu ?
M. André Reichardt. Oui, madame la présidente, même s’il a été déposé avec la malice dont parlait tout à l’heure notre rapporteur.
Cela étant, monsieur le ministre, je vous remercie de nous donner un modus operandi pour la proposition de loi constitutionnelle dont nous avons annoncé le dépôt ; vos propos nous en faciliteront la rédaction !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je suis un peu surpris par ce qui vient d’être dit, car j’ai eu l’occasion de visiter le consulat d’Istanbul cette année, où l’on étudie des demandes d’asile.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce sont des demandes de visa !
M. Olivier Cadic. Pas du tout ! Il s’agit bien de demandes d’asile. Il y a une équipe pour traiter les demandes, avec des auditions.
Idem à Addis-Abeba, pour les personnes demandant l’asile depuis le Soudan.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. L’idée de notre collègue est excellente, et nous y reviendrons dans le cadre de l’examen de la proposition de loi constitutionnelle.
Toutefois, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir comment vous articulez votre raisonnement avec celui qui a été développé dans le cadre du pacte européen sur la migration et l’asile.
Un des points positifs est que les chefs d’État se sont accordés sur la question de la fiction juridique, essentielle, permettant de considérer que, bien que les demandeurs soient parvenus physiquement sur le territoire de l’Europe, ils ne sont pas considérés, d’un point de vue juridique, comme étant sur ce territoire, mais se trouvent en situation d’attente tant que leur dossier n’a pas été instruit. Cela nous permettra de les contenir et d’examiner leurs dossiers sans qu’ils disparaissent dans la nature.
Comment allez-vous articuler votre raisonnement avec le droit européen si l’accord perdure au terme du trilogue ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. La négociation du pacte européen sur la migration et l’asile comportait trois grands « paquets ».
Le premier concerne l’enregistrement de tout étranger ; c’est ce qui me fait dire qu’il manque une pierre dans le raisonnement de M. Retailleau. Nous cherchons à obtenir un changement significatif, et j’espère que le Parlement européen nous suivra sur ce point. Il s’agit d’obliger tous les États de première entrée, comme l’Italie et la Grèce, à enregistrer tous les étrangers arrivant sur leur territoire. Ce faisant, ces États demanderont aux arrivants les raisons de leur venue sur le sol européen. Les demandes d’asile, elles, ne seront plus traitées sur le sol du pays de première entrée. Notre intention est d’écarter ce que nous considérons, en Européens, comme des contournements manifestes, comme les cas des Sénégalais ou des Camerounais, par exemple.
Pour illustrer mon propos, imaginons que des policiers italiens interpellent une personne et lui demandent son identité. Ils enregistrent cette information et lui demandent si elle souhaite déposer une demande d’asile sur le territoire européen. Si cette personne répond affirmativement et vient d’un pays associé à un fort taux de protection, elle sera alors acceptée, et nous procéderons à sa relocalisation, répartissant la charge entre tous les pays européens, de manière obligatoire. Pour ceux dont nous savons que nous allons rejeter la demande à 80 %, 90 %, voire 95 %, ces personnes déposeront leur demande d’asile à la frontière, en vertu de la fiction juridique de non-entrée. Bien que ces individus soient physiquement arrivés sur le territoire, ils ne seront pas juridiquement considérés comme entrés. Les États disposeront de quinze jours pour effectuer les diligences nécessaires. Cela correspond parfaitement à nos engagements internationaux et à l’article 53-1 de la Constitution.
Pour répondre pleinement à la question de M. Retailleau, l’enregistrement de tous les étrangers sera obligatoire, et il incombera aux pays de première entrée, à l’occasion de cet enregistrement, d’examiner les demandes d’asile. Les demandes jugées abusives seront rapidement rejetées. Y aura-t-il rétention ? C’est un débat. L’Espagne a refusé cette approche depuis l’époque de Franco. Cela soulève aussi des questions de capacité, car, au-delà d’un certain nombre de personnes, nous entrons dans une autre phase juridique, mais je ne m’étendrai pas sur ces détails. Par exemple, les 10 000 premières personnes arrivant en Italie verraient leur demande d’asile étudiée à la frontière. Si le taux de protection de leur pays d’origine est très bas, elles seront renvoyées dans leur pays d’origine. Sinon, nous n’accepterons pas immédiatement l’asile ; nous avons simplement accepté de répartir la charge des demandeurs d’asile en provenance de pays où les individus sont persécutés pour des raisons politiques ou religieuses.
De telles propositions ne sont donc pas incompatibles avec ce que nous soutenons. Nous ne disons pas qu’il est impossible de faire des demandes d’asile à l’extérieur de notre territoire. Mais, à la différence de ce que j’ai pu comprendre de votre proposition de loi constitutionnelle, nous soutenons qu’il n’est pas envisageable de prévoir que les demandes d’asile soient faites exclusivement en dehors du territoire. Impossible, en effet, de refuser à une personne présente sur le sol national de demander l’asile. Nous pouvons imaginer de réduire le flux des personnes qui demandent l’asile, pour que cette démarche soit faite dans les consulats, mais ce ne sera jamais 100 %. Sinon, il faudrait changer au moins le préambule de la Constitution ; je ne crois pas que ce soit l’objet de votre proposition de loi constitutionnelle.
Le pacte européen sur la migration et l’asile et la fiction de non-entrée vont tarir une partie des flux. De toute façon, même si un consulat étudie une demande d’asile, pour gagner du temps, à la fin, ce n’est pas lui qui octroie l’asile. Il ne peut que donner un visa pour que la personne concernée puisse venir terminer ses entretiens et déposer formellement sa demande d’asile sur le territoire de la République. Nous ne pourrons pas empêcher des demandeurs d’asile de déposer leur demande sur le sol de la République.
Il peut y avoir des avancées européennes. J’espère d’ailleurs que celles-ci seront votées par les députés du parti populaire européen (PPE). J’ai en effet constaté, monsieur Retailleau, si vous me permettez de faire preuve de malice en cette heure tardive, que les députés français du Parlement européen qui sont au PPE ont réussi à se diviser sur ce texte : trois sont pour, trois sont contre ! (M. Rachid Temal s’exclame ironiquement.)
Mme la présidente. L’amendement n° 260 rectifié, présenté par M. Ouizille et Mme Narassiguin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Sur les dix dernières années, l’évaluation en point de PIB, en milliards d’euros, en volume horaire total agrégé, de la masse salariale concernées par les 1°, 2°, 3°, 4°, 5° et 8° du présent article. »
La parole est à M. Alexandre Ouizille.
M. Alexandre Ouizille. Cet amendement vise à corriger l’énumération proposée dans l’article, qui tient compte seulement des étrangers entrant dans le territoire de la République, sans mentionner l’apport à la Nation que constitue leur travail.
Nous proposons donc d’inclure dans l’article une évaluation, en points de PIB, en milliards d’euros et en volume horaire total agrégé, de la masse salariale que représentent, sur les dix dernières années, les personnes concernées par le présent rapport. Cela permettra d’enrichir notre vision de l’immigration.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis défavorable. Le ministère dispose de statistiques qui peuvent être mises à votre disposition sur ce point.
Mme Audrey Linkenheld. Où sont-elles ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Pour agréger autant de données, dont certaines correspondent à des personnes qui sont salariées de manière irrégulière, il faudrait aller investiguer dans toutes les entreprises françaises avant de se lancer dans une gigantesque consolidation. Ce ne serait pas raisonnable.
Idem s’agissant de votre amendement relatif aux accidents de travail, que nous examinerons dans quelques instants : ce que vous demandez suppose un maillage individuel impossible à consolider à l’échelon national.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.
M. Alexandre Ouizille. Justement, le problème de ce projet de loi – l’absence de M. Dussopt en témoigne – est l’absence d’approche interministérielle de l’immigration. La réforme Sarkozy a confié tous les moyens relatifs aux questions migratoires au ministère de l’intérieur, ce qui empêche une approche globale. Nous sommes dans la continuité de ce qui a, pour l’instant, échoué.
M. Olivier Paccaud. Le bicéphalisme, ça ne marche jamais !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je suis très étonnée de l’argumentation du rapporteur, car ces chiffres existent vraisemblablement quelque part. Vous proposez un rapport extraordinairement complet, avec des items très variés.
Mais votre vision de l’immigration, disons-le franchement, consiste à dire que les immigrés coûtent cher et vivent sur le dos des Français. Sinon, lorsqu’on ose dire qu’ils cotisent aussi, que cela rapporte, pourquoi fermeriez-vous les yeux sur cet aspect ?
L’adoption de cet amendement aurait pour intérêt de nous contraindre à développer une vision panoramique à propos des étrangers, y compris ce qu’ils rapportent, si j’ose dire, par leurs cotisations. M. le rapporteur sait très bien que ce serait utile et que de telles données existent. (M. le rapporteur le conteste.) C’est un artifice de dire que ce serait très compliqué ; en réalité, ce serait très utile, mes chers collègues !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Comme vient de le souligner ma collègue, dire que les données n’existent pas, c’est complètement faux ! Il suffit d’avoir la volonté, d’abord, de colliger toutes ces données et, ensuite, de les utiliser pour donner une vision globale de ce qu’est l’immigration en France.
Là, vous raisonnez uniquement sur une logique d’offre et de demande ou de flux. C’est une logique uniquement comptable, une logique quantitative, qui ne tient pas compte, justement, de l’aspect qualitatif.
Fermer les yeux sur cet aspect, ne pas prendre en compte la possibilité d’intégrer l’ensemble des dimensions relatives à l’immigration, c’est se cantonner à une version tronquée de celle-ci, qui permet toutes les dérives et aussi tous les délires, comme on a pu l’entendre déjà dans certains chiffres qui ont été avancés dans cet hémicycle. Ceux-ci tiennent au mieux de la mauvaise foi, au pire de la folie douce.
Il y a des données structurelles qui convergent. On ne peut pas dire n’importe quoi, même s’il n’est pas question de nier les difficultés par ailleurs.
Mme la présidente. L’amendement n° 261 rectifié, présenté par M. Ouizille et Mme Narassiguin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le nombre d’accidents du travail et de décès au travail des personnes concernées par les 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 8° du présent article, par branche d’activité et par taille d’entreprises. »
La parole est à M. Alexandre Ouizille.
M. Alexandre Ouizille. Dans la même logique, cet amendement a pour objet de sensibiliser au nombre d’accidents du travail et de décès au travail des personnes qui sont concernées par le rapport prévu dans cet article.
Nous avons connu des scandales assez graves dans le monde viticole cet été, au moment des vendanges, avec notamment des décès d’étrangers en situation irrégulière. On sait également que les étrangers sont très présents dans les métiers manuels et dans les métiers contraignants. Cette présence fait qu’ils sont victimes d’une accidentologie extrêmement forte.
Là encore, pour avoir une vision complète de l’immigration dans notre pays, nous vous proposons d’enrichir le rapport.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis défavorable, comme sur l’amendement précédent.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 619, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Une évaluation de l’application des accords internationaux conclus avec les pays d’émigration ainsi qu’avec leurs organismes de sécurité sociale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, l’article 1er A est très important, puisqu’il définit les conditions dans lesquelles le Parlement pourra débattre de la politique d’immigration de notre pays.
Nous souhaiterions faire un focus sur deux sujets qui sont actuellement peu abordés.
Le premier est l’évaluation de nos traités internationaux. En matière migratoire, nous en avons de deux types : les conventions qui nous lient avec les pays d’Afrique de l’Ouest et la Tunisie, et les traités qui nous lient avec l’Algérie. C’est un sujet qui n’a, à notre connaissance, jamais été étudié de manière approfondie. À partir des éléments que nous fournirait le Gouvernement, nous pourrions nous faire notre propre appréciation sur l’effet de ces traités, et décider s’ils doivent être maintenus ou s’il peut y avoir un intérêt pour notre pays à les dénoncer.
Le deuxième serait d’évaluer l’exécution des accords entre les systèmes sociaux. Lorsque le système social d’un pays étranger donne son accord pour qu’une opération soit réalisée en France, sommes-nous sûrs que la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) française est remboursée par les caisses de ce pays ?
M. Christian Cambon. Excellent amendement !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Monsieur le rapporteur, votre amendement est très bien. Mais, voilà quelques secondes, vous avez émis un avis défavorable sur le nôtre, arguant qu’il serait difficile de trouver les données. J’ai fait une recherche à l’instant sur Google depuis mon téléphone : les données existent. Là, vous proposez une évaluation des conventions internationales, c’est-à-dire des rapports entre différents États : je vous souhaite bien du courage ! Dans un cas, vous trouvez des arguties pour dire que c’est très compliqué, alors que les données existent. Dans l’autre, vous inventez une usine à gaz, peut-être intéressante. C’est deux poids, deux mesures.
M. Christian Cambon. Ce n’est pas comparable !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. C’est un peu excessif.
Vous demandez à connaître le volume horaire du travail réalisé par des salariés étrangers en France. Vous pourrez prendre toutes les déclarations à l’Urssaf que vous voudrez – à mon avis, c’est le seul élément qui permette de connaître la masse salariale en question –, vous n’y trouverez rien qui vous indique si la personne concernée est ou non étrangère, et encore moins si elle est en situation régulière ou irrégulière. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Rachid Temal. Vous travaillez pour l’Urssaf ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Les données que vous évoquez sont impossibles à trouver.
La question de l’évaluation des accords internationaux est tout à fait différente : elle est qualitative, pas quantitative.
Et nous savons que les organismes sociaux disposent des éléments. La CPAM connaît les accords qui sont donnés à des pays étrangers. Normalement, elle suit les flux financiers.
Nous n’avons donc pas le sentiment d’être contradictoires dans nos appréciations. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. Nous sommes favorables à cet amendement. Il aurait peut-être fallu demander une évaluation des accords internationaux avant que la commission adopte l’article 14 A, qui porte sur les pays peu coopératifs en matière de délivrance de laissez-passer consulaires. Il y a là un manque de cohérence des rapporteurs.
Mme la présidente. L’amendement n° 259 rectifié, présenté par M. Ouizille et Mme Narassiguin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Sur les dix dernières années, le montant annuel des cotisations sociales versées aux régimes obligatoires de la sécurité sociale et aux caisses de retraites obligatoires par l’ensemble des personnes concernées par le 1°, 2°, 3°, 4°, 5° et 8° du présent article. »
La parole est à M. Alexandre Ouizille.
M. Alexandre Ouizille. Nous allons au plus simple. Il s’agit de demander le montant annuel des cotisations sociales versées au régime obligatoire de sécurité sociale. Dans un pays administré comme le nôtre, vous allez pouvoir trouver cette information, monsieur le ministre !
Il faut sortir des idées reçues selon lesquelles les immigrés sont des assistés. Je ne sais pas si vous le savez, mais ils sont deux fois plus sujets au chômage que la moyenne des Français, et ils touchent en moyenne un revenu inférieur de 20 %, et ce après prestations sociales, dont on dit souvent qu’ils sont les principaux récipiendaires. Vous pourriez faire cet effort pour que le travail soit un peu pris en compte, puisque je croyais que c’était au cœur du projet de loi, et notamment de l’article 3.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 212, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, MM. Roiron, Marie et Tissot, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, M. Kanner, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° L’évaluation quantitative et qualitative des moyens financiers et humains des bureaux du droit des étrangers au sein des préfectures et les délais de traitement des demandes qu’ils sont chargés d’instruire.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Les auteurs de cet amendement souhaitent insérer dans le rapport du Gouvernement une évaluation quantitative et qualitative des moyens financiers et humains des bureaux du droit des étrangers au sein des préfectures et des informations sur les délais de traitement des demandes qu’ils sont chargés d’instruire.
Nous voudrions en effet interpeller le Gouvernement sur l’impérieuse nécessité de régler les difficultés que rencontrent les préfectures dans la délivrance ou le renouvellement de titres de séjour.
Les délais et retards ont des conséquences qui peuvent être lourdes pour les personnes étrangères qui résident sur notre sol, même lorsqu’elles s’y trouvent en situation régulière depuis de nombreuses années : impossibilité d’exercer une activité professionnelle, d’accéder à un logement ou de se déplacer. Cette situation soulève des interrogations quant au respect du droit par l’administration. Les associations dénoncent une maltraitance institutionnelle.
L’augmentation du contentieux qui découle de ces dysfonctionnements est hautement préjudiciable, comme le montrent les travaux des rapporteurs spéciaux Stella Dupont et Jean-Noël Barrot, réalisés dans le cadre du printemps de l’évaluation 2021 de la mission « Immigration, asile et intégration ». Les auteurs rappellent que la question fait régulièrement polémique. Plusieurs institutions, dont la Cour des comptes, le Défenseur des droits et le Conseil d’État, ont régulièrement souligné la résurgence ou la permanence de telles difficultés. Tout cela semble plaider en faveur de l’évaluation que nous souhaitons.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis défavorable.
Nous connaissons tous le sujet du fonctionnement des guichets de préfecture. Nous avons entendu tout à l’heure le ministre annoncer qu’il nous présentera dans quelques semaines une réforme de l’organisation du personnel des préfectures.
En ce qui concerne l’aspect quantitatif, je reconnais que nous disposons de tous les éléments ; ils figurent tout simplement dans les avis budgétaires. Lorsque vous regardez le détail des documents budgétaires, vous trouvez de manière très précise tous les coûts et tous les éléments techniques concernant le fonctionnement des guichets de préfecture. La demande est donc déjà satisfaite.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. M. le rapporteur a raison de dire que la demande est déjà satisfaite, mais je m’en remets à la sagesse du Sénat, étant personnellement favorable à cet amendement. Je n’ai rien à cacher sur le travail des préfectures. Je suis d’accord avec vous, monsieur le sénateur Durain, il y a beaucoup à faire pour améliorer les choses.
J’ai annoncé un plan de refonte totale du fonctionnement des préfectures et du service des étrangers. La faute, d’ailleurs, incombait non aux agents, mais bien à nos procédures et aussi à l’accroissement du stock de dossiers, ainsi qu’à la baisse des effectifs des préfectures. Vous le savez bien, pour avoir voté la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur : pour la première fois depuis vingt-cinq ans, vous avez adopté les crédits d’un ministre qui promet de mettre des agents supplémentaires dans les préfectures ! Peut-être que ce n’est pas assez. Mais la Cour des comptes a constaté une baisse des effectifs des préfectures dans de nombreux services, notamment dans les services des étrangers, depuis vingt-cinq ans.
Aujourd’hui, la loi fixe un délai de 90 jours pour la délivrance d’un premier titre de séjour. Les cibles qui vous ont été présentées étaient de 114 jours en 2020 et 134 jours en 2022. Oui, ce n’est pas satisfaisant : nous sommes de 25 à 45 jours au-dessus de ce que nous devrions apporter comme service public pour les étrangers.
Pour les renouvellements, c’est encore pire : des personnes peuvent tomber dans l’irrégularité non pas de leur propre fait, mais à cause des retards du service public. Alors que le délai est de 30 jours, la cible était à 63 jours en 2020, et à 77 jours en 2022. Ce n’est pas satisfaisant ; je vous en donne acte. C’est pourquoi nous y consacrons des moyens supplémentaires et procédons à une action de numérisation, qui apportera plus d’efficacité à l’intérieur du service public, même si elle ne remplace pas le contact humain.
Nous allons changer complètement la stratégie des préfectures. J’ai demandé au directeur général des étrangers en France (DGEF) et au secrétaire général du ministère de l’intérieur de concentrer notre action sur les premiers titres de séjour, pour vérifier que les personnes concernées répondent bien aux exigences prévues par ce projet de loi, et de prévoir des renouvellements automatiques de titres de séjour, sauf lorsque la justice nous dira qu’il y a un problème, ce qui nous imposera de faire du cas par cas.
Je n’ai rien à cacher : la situation est mauvaise. Mais les dispositions de simplification que nous prenons, les moyens supplémentaires et le changement de paradigme nous permettront de l’améliorer. La situation actuelle est insatisfaisante pour les étrangers, qui subissent ces difficultés, mais aussi pour les agents de préfecture eux-mêmes, qui sont des personnes courageuses confrontées à des difficultés pour répondre à une demande de plus en plus importante. Nous avons adapté le service public.
Par conséquent, même si cet amendement est déjà satisfait, je me garderai bien d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 620, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 22, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ainsi que des actions conduites par les collectivités territoriales compte tenu de la politique nationale d’immigration et d’intégration
II. – Alinéa 26
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cet amendement vise à poser dans le débat annuel que nous souhaitons la question de la participation des collectivités territoriales. Quel est leur niveau d’intervention pour accompagner le volet « intégration » de l’immigration ?
L’attention s’est récemment focalisée sur l’exemple danois, qui repose largement sur des modalités de prise en charge de l’intégration à l’échelon local. Sans nous lancer dans de telles évolutions, il serait pertinent de regarder quelle est la part prise par les collectivités territoriales dans l’effort de la Nation sur les conditions d’intégration des étrangers.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 159 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 448 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 27
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 159.
Mme Laurence Harribey. Notre amendement vise à supprimer les quotas migratoires.
Vous vous en souvenez certainement, Brice Hortefeux avait mandaté en 2008 Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, sur cette question, et le rapport concluait que les quotas migratoires étaient irréalisables et sans intérêt. D’ailleurs, la droite ne les a jamais mis en œuvre entre 2007 et 2012.
Il s’agit donc bien d’un affichage. Mais regardons concrètement ce que prévoit le dispositif et quelles en sont les limites.
D’abord, on peut constater que, pour une fois, le droit d’asile a été exclu du dispositif ; d’une certaine manière, on progresse…
Ensuite, concernant l’immigration familiale, il est indiqué que les quotas en la matière seront « établis dans le respect des principes qui s’attachent à ce droit ». C’est habile, mais, concrètement, cela revient à dire que de tels quotas ne pourront pas être mis en place. On est vraiment dans l’affichage !
Une fois qu’on a exclu le droit d’asile et l’immigration familiale, il reste l’immigration étudiante et l’immigration professionnelle. Là, je vois deux limites.
Dans un contexte de mondialisation des études supérieures, est-ce vraiment légitime et intelligent de mettre en place des quotas d’immigration étudiante qui pourraient être contraires aux intérêts du pays ? Je constate d’ailleurs que le Sénat a adopté tout à l’heure des amendements qui étaient favorables à l’immigration étudiante…
En matière d’immigration professionnelle, l’instauration de quotas de travail n’aurait aucune utilité, puisqu’il existe déjà des dispositifs ad hoc.
Nous sommes donc bien dans l’affichage. C’est un peu dommage…
C’est pourquoi nous proposons de supprimer les quotas : ce sera ainsi plus clair et plus transparent.
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 448.
M. Ian Brossat. Je m’inscris dans le droit fil de ce que vient de dire Laurence Harribey.
Le texte qui nous est soumis prévoit que le Parlement détermine tous les trois ans des quotas d’étrangers admis dans notre pays.
Pour notre part, nous refusons une vision purement numérique de l’accueil des étrangers réguliers en France. Or il s’agit de cela, puisque le Parlement fixerait, par avance et pour trois années, toute l’immigration familiale, étudiante et professionnelle.
Sous la présidence de Nicolas Sarkozy (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), la commission Mazeaud avait déjà balayé l’idée de quotas migratoires, les estimant « sans utilité réelle en matière d’immigration de travail, inefficaces contre l’immigration irrégulière » et, plus généralement, « irréalisables ou sans intérêt ».
Par ailleurs, on doit s’interroger sur les critères qui seraient retenus, en termes tant de nationalité que d’origine géographique.
Une telle mesure irait en fait à l’encontre du principe d’égalité. C’est dire qu’il nous paraît nécessaire de la supprimer.
Enfin, instaurer de tels quotas en matière familiale serait proprement aberrant. Cela serait contraire à la Convention européenne des droits de l’homme et à la jurisprudence européenne.
Il nous paraît donc nécessaire de supprimer une telle mention.
Mme la présidente. L’amendement n° 332 rectifié, présenté par MM. Dossus et Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Remplacer les mots :
l’intérêt national
par les mots et deux phrases ainsi rédigées :
l’équilibre du système de retraites par répartition. Ce nombre ne pourra être inférieur au nombre de personnes nécessaires pour atteindre un ratio de deux cotisants pour un retraité à l’échelle nationale sur une année. Ce nombre sera fourni par le Gouvernement au Parlement au sein du rapport mentionné au présent article
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Je partage ce que viennent de dire Laurence Harribey et Ian Brossat. Nous sommes également opposés à la politique des quotas.
Notre amendement est toutefois un peu différent. Il m’a été soufflé par une déclaration de Bruno Retailleau. Voilà quelques mois, à l’époque où nous travaillions sur la réforme des retraites, celui-ci expliquait : « Un régime par répartition est un régime démographique : soit on veut […] valoriser celles qui ont mis au monde des enfants et ont contribué à consolider le régime par répartition, soit on veut plus d’entrées et d’immigration. »
Vous comprendrez que, dans notre société dominée par le wokisme (Sourires sur les travées du groupe GEST.), où les femmes sont attachées à leur liberté, la première hypothèse est compliquée…
Par conséquent, pour résoudre cette équation à laquelle nous nous sommes heurtés – pas de nouvelles cotisations, pas de dette supplémentaire et, pour notre part, pas d’allongement de la durée du temps de travail –, je pense que, si nous devions fixer des quotas, ce qui me semble être une mauvaise idée, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France ne devrait pas être inférieur au nombre de personnes nécessaires pour atteindre un ratio de deux cotisants pour un retraité à l’échelle nationale sur une année. L’amendement prévoit également que ce nombre devra être fourni par le Gouvernement au Parlement.
Cela nous procurera un apport migratoire, afin d’équilibrer notre régime par répartition et de nous permettre – peut-être ! – de revenir à la retraite à 60 ans. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les amendements identiques nos 159 et 448 tendent à supprimer les quotas migratoires tels qu’ils ont été prévus par la commission.
Mes chers collègues, je me demande pourquoi vous vous acharnez autant à vouloir supprimer une mesure dont vous dites qu’elle est complètement inopérante ! Laissez-la donc dans ce cas ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.) Ces quotas migratoires sont le cœur du dispositif de cet article, qui vise à tenter de reprendre la maîtrise de l’entrée des flux sur le territoire français autant que cela est possible au regard de nos engagements.
Avis défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 332 rectifié, présenté par M. Dossus. J’ai l’impression que nous passons des amendements malicieux aux amendements provocateurs !
Avis également défavorable. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Les quotas tels qu’ils nous sont proposés par la droite sénatoriale ne constituent pas vraiment la question de fond ; il est donc inutile de s’acharner dessus. Je crois que nous devons avoir un discours de vérité. Nous ne pouvons pas laisser croire à la population qu’une politique de quotas serait une réponse.
Une telle politique ne peut pas fonctionner quand un tiers de la population mondiale n’a pas un accès régulier à l’eau potable ou quand l’on prend en compte la question de la survie et des déplacements subis de populations.
Monsieur le ministre, vous aviez raison de dire tout à l’heure que les migrants ne viennent pas nécessairement pour bénéficier de la politique sociale de notre pays. Ils viennent aussi pour la culture et l’image de la France, pays des droits de l’homme, qui peut leur apporter de la sécurité. Nous continuerons d’être un pays d’afflux du fait de notre histoire et de ce que nous avons pu apporter au monde au fil des siècles ! (M. Stéphane Ravier s’exclame.)
Dans ces conditions, nous avons deux options : soit nous vendons du rêve – il n’y a dans cette expression aucun mépris à l’égard des collègues qui défendent une telle position –, en mettant en place une politique de quotas qui ne seront jamais respectés et que nous devrons en permanence réévaluer ; soit nous prenons le taureau par les cornes, en travaillant aux échelons mondial, européen, mais aussi national pour que les femmes et les hommes concernés vivent bien là où ils sont et pour que ceux qui viennent ici soient réellement intégrés. Évidemment, une telle politique est beaucoup plus difficile à mettre en place, elle est moins dans l’air du temps et elle ne tient pas en 140 signes !
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Cardon, pour explication de vote.
M. Rémi Cardon. Pour mettre un peu d’humour dans ce débat,…
M. Rémi Cardon. … je veux partir d’une citation particulièrement inspirante : « Quand j’entends qu’on peut nous proposer, pour la énième fois, des quotas, mais c’est à supposer que, lorsque les quotas ne sont pas respectés, on ait la main pour les faire respecter, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Donc, je ne propose pas une politique idéologique en matière d’immigration. »
Mes chers collègues, j’ai le malheur de vous annoncer que ce ne sont pas mes mots ; ce sont ceux d’Emmanuel Macron, candidat à la présidentielle, en 2017 lors d’un meeting à Lille. Il fustigeait d’ailleurs à l’époque la mesure proposée par Marine Le Pen, au motif qu’elle serait sans utilité et irréalisable.
Vous vous apprêtez donc, mes chers collègues, à voter un article qui relève du strict populisme électoral. Le cheminement idéologique des différents gouvernements depuis 2017 ne relève que de la volonté d’aller grappiller quelques voix à Marine Le Pen par tous les moyens et sans colonne vertébrale idéologique ni cap clair pour le pays.
À travers ces mots, je tenais simplement à vous dire qu’en votant cet article, vous nourrissez ce que la politique a de moins noble. À vos consciences ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Donneur de leçons !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Cécile Cukierman et Rémi Cardon ont bien résumé les choses.
Cette politique de quotas est illusoire. Elle ne fournira pas de résultats et elle ne pourra pas être tenue. Surtout, monsieur le ministre, elle est complètement incohérente avec votre projet de loi initial, dont l’objectif était d’intégrer par le travail et de choisir son immigration. Le contrôle de l’immigration devait reposer sur des critères, que nous ne partagions pas, relatifs par exemple au regroupement familial ou aux métiers en tension.
En ajoutant les quotas à tout cela, on ne change rien aux différents critères qui vont être mis en place pour atteindre vos objectifs, si bien que les résultats dépendront de ces critères, et non des quotas. C’est en cela que ces quotas ne sont qu’une provocation. Ce qui est provocateur, ce n’est pas l’amendement de Thomas Dossus ; c’est le dispositif retenu par la commission !
Monsieur le ministre, je pense que vous en êtes conscient et que la plupart de nos collègues suivront.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.
M. Stéphane Ravier. Pour ma part, je suis tout à fait favorable à la politique des quotas,…
M. Thomas Dossus. Quelle surprise !
M. Rachid Temal. Ce n’est pas pour aider ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe SER.)
M. Stéphane Ravier. … mais des quotas de remigration ! Je le rappelle, pendant la campagne des élections présidentielles, 54 % des Français étaient favorables à la création d’un ministère de la remigration.
Je vous ai présenté la situation durant la discussion générale, mes chers collègues, avec des chiffres officiels : 2 millions d’entrées dans notre pays en cinq ans ; entre 700 000 et 900 000 clandestins qui vivent dans notre pays…
M. Rachid Temal. Seulement ?
M. Stéphane Ravier. … et qui ont tous un toit au-dessus de leur tête, ce qui n’est pas le cas de centaines de milliers de nos compatriotes ; l’insécurité qui est créée par l’immigration de masse ; une démarche de plus en plus conquérante ; le chômage chez nos compatriotes ; 10 millions de nos compatriotes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ; une crise du logement sans précédent ; etc.
Comment pouvez-vous encore vouloir faire croire aux Français que nous sommes capables d’accueillir qui que ce soit ?
M. Mickaël Vallet. Même pas les Ukrainiens ?
M. Stéphane Ravier. J’entends l’argument prétendument historique qui vient des travées de la gauche, mais il est faux de dire que la France est traditionnellement un pays d’accueil ; c’est une erreur, un mensonge ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Il faut tordre le cou à ce canard boiteux. Il n’y a pas eu d’immigration massive en France avant la fin du XIXe siècle et l’immigration européenne, qui a été contenue, est en partie rentrée chez elle ! (Brouhaha sur les mêmes travées.)
C’est le milieu des années 1970 qui a sonné le départ d’une véritable invasion (Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.), un terme utilisé par le Président de la République de l’époque lui-même !
Une collègue parlait de liens avec certains pays, mais ces liens ont été rompus.
Mme la présidente. Concluez, mon cher collègue !
M. Stéphane Ravier. Ces pays faisaient autrefois partie de l’Empire français, ils ont voulu être indépendants. Eh bien, qu’ils se débrouillent ! (Nouvelles protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Rachid Temal. Le bon vieux temps des colonies !
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’aimerais défendre l’amendement de mon collègue Thomas Dossus. La rapporteure nous dit que c’est un amendement provocateur. C’est une position qui m’étonne beaucoup.
Cela montre que, au moment du débat sur les retraites, vous avez invisibilisé un élément important : l’immigration. Vous nous dites toujours qu’en 2070, nous n’aurons plus qu’un cotisant pour un retraité, mais le rapport démographique dépend à la fois de la natalité et de l’immigration. Et il va bien falloir que vous fassiez le deuil des taux de natalité du passé !
On peut en effet piloter notre système de retraite par l’augmentation de la durée du temps de travail, comme vous l’avez fait, ou par le taux d’emploi.
On peut aussi le faire par une politique active d’immigration. (Mme Valérie Boyer s’exclame.) Des pays européens l’ont fait. Mais, par idéologie, vous ne voulez pas le voir !
Il n’y a donc rien de provocant dans cet amendement, madame la rapporteure !
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Pour nous – je rejoins en cela les remarques de mes collègues des travées de la gauche –, la question des migrations n’est pas quelque chose de comptable : nous sommes des êtres humains ! Cela ne touchera pas beaucoup les bancs d’en face (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.), mais je veux tout de même dire que l’on ne réglera pas la question de façon uniquement comptable.
À propos des quotas, deux choses devraient vous faire réfléchir, mes chers collègues.
Tout d’abord, vous voulez fixer des quotas sur trois ans, alors que nous vivons dans un monde d’instabilité et de crises, géopolitiques, climatiques ou sociales. Pensez-vous vraiment que nous pourrons répondre à une crise, comme celle que nous connaissons en Ukraine avec des centaines de milliers ou des millions d’hommes et de femmes qui fuient la guerre, si nous fixons des quotas ? Comment ferons-nous pour accueillir dignement celles et ceux qui fuient une guerre ?
Idem pour les crises climatiques qui ont commencé d’éclater partout dans le monde. Comment ferons-nous demain pour accueillir, par solidarité, les centaines de milliers de personnes qui devront fuir une telle crise ? (M. Stéphane Ravier s’exclame.)
Ensuite, contrairement à une idée répandue à l’extrême droite, les étrangers que nous accueillons en France sont avant tout des étudiants. Concrètement, comment les choses vont-elles se passer pour eux ? Si jamais nous fixons un quota d’étudiants à 50 000, alors qu’ils sont aujourd’hui un peu plus de 100 000, comment choisirions-nous ceux qui sont autorisés à venir et qui va prendre cette décision ? Qui va les choisir ? Vous ? Le ministre ? Qui sommes-nous pour interdire à de jeunes étrangers de venir étudier en France ?
Idem s’agissant du regroupement familial : entre un médecin et un maçon, qui va avoir le droit de faire venir sa famille et ses enfants ?
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. À entendre nos collègues des « bancs d’en face », nous sommes d’affreuses personnes, nous n’avons pas de cœur !
Nous sommes alors nombreux dans le monde dans ce cas, mes chers collègues, puisque beaucoup de pays ont instauré, non pas forcément des quotas au sens propre, mais des plans pluriannuels d’immigration. Je pense par exemple au Canada, à l’Australie, à la Nouvelle-Zélande, à des pays scandinaves,…
Mme Valérie Boyer. Le Danemark !
M. Olivier Paccaud. … qui ne sont pas connus pour être des pays fascisants ! Je crois donc qu’il faut savoir raison garder.
Je me permettrai un peu d’ironie pour terminer. On nous a parlé de Pierre Mazeaud et de Nicolas Sarkozy ; Roger Karoutchi a cité une loi de 1889. Je remonterai également dans le temps : à une époque, la SFIO, l’ancêtre du parti socialiste, prônait les quotas ! (Protestations et brouhaha sur les travées du groupe SER.)
Mme Valérie Boyer. Et ils étaient colonialistes !
M. Olivier Paccaud. Cherchez, mes chers collègues : vous trouverez ; c’était en 1931 !
M. Rachid Temal. Le monde a un peu changé depuis…
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Il me semble que nous avons déjà eu ce débat. Je vous ai indiqué que, pour moi, les quotas n’étaient ni le drame absolu ni la panacée à laquelle semble croire M. Ravier.
M. Stéphane Ravier. Mais pas dans le même sens !
M. Gérald Darmanin, ministre. J’ai bien compris, monsieur Ravier. Il n’est pas nécessaire de recommencer la démonstration. (Sourires.)
Je veux d’abord dire, en particulier à M. Gay, que les quotas ne peuvent s’appliquer que pour les séjours sur lesquels le Gouvernement a une prise, donc pas à l’asile ou au regroupement familial – ou alors il faudrait changer la législation. À droit constant, on ne parle que de l’immigration économique. Il est vrai que l’immigration étudiante est également incluse, mais la question est différente, et nous aurons des débats sur le sujet au cours des prochains jours.
En outre, les quotas, tels qu’ils sont prévus par la commission des lois – cette mesure n’était pas incluse dans notre texte –, ne sont pas prescriptifs. Le Gouvernement devra donner des informations au Parlement sur les besoins dans tel ou tel secteur économique et justifier ses propositions.
Les quotas ne sont pas négatifs en eux-mêmes – M. Paccaud n’a pas tout à fait tort –, et l’on peut imaginer qu’ils seraient différents selon la majorité politique qui gouverne la France à un moment donné : par exemple, celle qui serait dirigée par Fabien Roussel serait peut-être plus « généreuse » que celle dont Bruno Retailleau serait à la tête. L’important est donc moins le principe du quota que la politique menée.
En cela, instaurer un débat au Parlement pour que le Gouvernement explique en quoi il remplit ou non ses objectifs est positif. Un tel débat est d’ailleurs voulu par le Président de la République et le Gouvernement.
Depuis le début de cette discussion, d’aucuns expliquent qu’il faut lever les non-dits de la politique migratoire pour éviter que les populistes ne l’emportent. Il faut donc pouvoir débattre sérieusement de ces sujets et s’interroger. Par exemple, faut-il plus d’étrangers dans tel ou tel métier ?
Prenons l’exemple de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et d’autres acteurs du monde agricole, qui viennent déjà me voir pour me demander la délivrance de visas pour des saisonniers. C’est une forme de quotas. Cela fonctionne. Et je justifie les décisions prises, par exemple lorsque vous m’interrogez sur le nombre de visas délivrés.
Encore une fois, nous parlons donc bien ici de l’immigration économique ou étudiante, mais pas de l’asile, de personnes persécutées ou de la question d’éventuels réfugiés climatiques. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cécile Cukierman. C’est toujours ce qu’on dit…
M. Guy Benarroche. Alors, à quoi vont servir les quotas ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Il faut savoir ! Si cela ne sert à rien, pourquoi vous battez-vous ? Un peu de cohérence tout de même ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)
On peut parler d’une des immigrations, l’immigration économique, qui n’est pas en elle-même négative. Il y a d’ailleurs dans ce texte des mesures à ce sujet, par exemple pour faciliter l’exercice en France de médecins à diplôme hors Union européenne. Le Gouvernement assume de faire venir des médecins étrangers. Je le rappelle, 20 % des médecins qui nous ont soignés pendant le covid étaient étrangers.
Tout cela relève de choix politiques. La France, comme tous les autres pays du monde, a le droit de choisir les personnes qui viennent sur son sol.
Par ailleurs, je veux préciser que la notion de réfugié climatique n’existe pas encore en droit international, y compris dans la convention de Genève.
M. Cardon a cru faire de l’humour. J’ai trouvé sa démonstration plutôt pathétique, pour deux raisons.
D’abord, monsieur le sénateur, vous avez totalement grimé ce qu’a dit le Président de la République en campagne. Il parlait du système de quotas que voulait imposer Mme Le Pen sur l’ensemble de l’immigration française ; je m’en souviens très bien. Il n’a jamais dit qu’il était opposé aux quotas sur les migrations économiques et encore moins à un débat parlementaire sur le sujet. Il est évidemment illusoire, comme le proposent pourtant M. Ravier et le Rassemblement national, d’imaginer des quotas sur l’ensemble de l’immigration. Je crois que personne ici ne parle de cela, pas même la majorité sénatoriale.
Ensuite, monsieur le sénateur, il n’y a pas les méchants, d’un côté, et le camp du Bien, de l’autre. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Si vous le dites !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous n’êtes pas le camp du Bien ! (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Depuis tout à l’heure, on entend des positions morales, mais vous devriez vous interroger. Pourquoi les populistes l’ont-ils emporté dans nombre de territoires, dont le mien, qui étaient des terres de gauche depuis des décennies ? Pourquoi des électeurs communistes et socialistes ont-ils voté Front national ?
C’est parce que vous n’avez pas parlé clairement aux gens du peuple, parce que vous avez choisi Terra Nova, en vous adressant plutôt aux populations immigrées qu’aux populations ouvrières ! (Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Brouhaha.)
Donc, épargnez-nous les leçons de morale ! Quand on a les intentions de vote de M. Faure, il faut, me semble-t-il, respecter le débat parlementaire ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 159 et 448.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote sur l’article.
M. Rachid Temal. J’entends ce que disent le Gouvernement, la commission, etc., mais il est tout de même un peu étrange de devoir se prononcer sur un article qui met en place des quotas sans aucune méthode ni précision, par exemple sur leur champ d’application.
En outre, pour définir des quotas, il faut disposer d’éléments d’appréciation, notamment économiques. Or on nous a dit non sur la conférence de consensus comme sur l’ajout d’informations économiques au rapport qui est prévu à cet article ; Alexandre Ouizille a pourtant proposé d’avancer dans ce sens.
On ne sait donc pas bien sur quoi reposeront les quotas.
Ensuite, l’alinéa 26 précise que le Sénat sera consulté sur les actions conduites par les collectivités territoriales compte tenu de la politique nationale d’immigration et d’intégration. Qu’est-ce que cela veut dire exactement ? C’est particulièrement flou.
Enfin, je m’interroge sur la cohérence de la temporalité. Nous serons amenés à débattre annuellement, mais à voter des quotas sur trois ans. C’est une méthode de travail un peu particulière !
Je ne voterai pas cet article, mais j’espère obtenir des réponses à ces questions.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote sur l’article.
M. Guy Benarroche. Je m’excuse d’insister, peut-être lourdement, mais ce qui me choque le plus, c’est l’incohérence entre, d’une part, les objectifs et les moyens que vous mettez en place pour y parvenir, y compris en termes de travail, d’intégration et de régularisation, et, d’autre part, les quotas, ce truc provocateur qui arrive de nulle part et dont on n’entendait plus parler depuis pas mal de temps.
Au fond, pourquoi pas des quotas ? Dans ces conditions, il faut abandonner la notion de métiers en tension et conserver uniquement les quotas. Ce que je dis n’est peut-être pas très technique, mais il y a un vrai problème sur la compréhension de ce que vous voulez faire passer par ce texte, monsieur le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Benarroche, nous aurons un débat sur les métiers en tension au moment de l’examen de l’article 3. Je sais que vous l’attendez, que vous le souhaitez, et je vois que vous l’anticipez…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pas vous ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je n’ai aucun problème à ce sujet, madame de La Gontrie. Je pense avoir démontré que j’étais ouvert au débat.
Il n’y a pas d’incohérence entre la notion de métier en tension et les quotas. Il me semble d’ailleurs que l’amendement de M. Szpiner prévoit des quotas sur les métiers en tension.
C’est donc peut-être vous, monsieur Benarroche, qui manquez d’imagination. Soyez plus créatif, que diable ! On sent que vous êtes devenu sénateur et que vous avez un peu quitté votre côté révolutionnaire ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er A, modifié.
(L’article 1er A est adopté.)
Après l’article 1er A
Mme la présidente. L’amendement n° 100 rectifié quater, présenté par MM. L. Vogel et Longeot, Mme Aeschlimann, MM. A. Marc, Courtial, Guerriau, Somon, Rochette, Brault et V. Louault, Mme Lermytte, MM. Médevielle et Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Verzelen et Fialaire, Mme Romagny, M. Maurey, Mme L. Darcos et MM. Pellevat, Malhuret et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 123-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 123-… ainsi rédigé :
« Art. L. 123-…. – Les orientations pluriannuelles de la politique migratoire de l’Union européenne peuvent faire l’objet d’un débat annuel au Parlement.
« Le Parlement prend alors connaissance d’un rapport du Gouvernement, rendu avant le 1er juin de chaque année, qui indique et commente, pour les deux années précédentes, les applications sur le territoire national et communautaire :
« 1° Du règlement relatif à l’examen préliminaire tel qu’issu du pacte européen Asile et Immigration ;
« 2° Du règlement Eurodac tel qu’issu du pacte européen Asile et Immigration ;
« 3° Du règlement sur les procédures d’asile tel qu’issu du pacte européen Asile et Immigration ;
« 4° Du règlement relatif à la gestion de l’asile et des migrations tel qu’issu du pacte européen Asile et Immigration ;
« 5° Du règlement relatif aux situations de crise et de force majeure tel qu’issu du pacte européen Asile et Immigration ;
« 6° Du bilan de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.
« Le Gouvernement présente, en outre, les conditions démographiques, économiques, géopolitiques, sociales et culturelles dans lesquelles s’inscrit la politique nationale d’immigration et d’intégration en lien avec la politique migratoire de l’Union européenne. Il rend compte des actions qu’il mène pour que la politique européenne d’immigration et d’intégration soit conforme à l’intérêt national et gage d’une action intégrée avec nos partenaires européens.
« Sont joints au rapport du Gouvernement les rapports et informations de :
« a) L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes ;
« b) La conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement ;
« c) La base de données européenne des empreintes digitales des demandeurs d’asile ;
« d) L’Organisation internationale pour les migrations.
« Le Parlement, par les commissions des affaires européennes, est consulté sur les actions conjointes conduites par les instances de l’Union européenne compte tenu de la politique nationale d’immigration et d’intégration, par l’organisation d’un débat pluriannuel.
« Si le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile, compte tenu de l’intérêt national, cette démarche doit s’inscrire en connaissance des critères retenus par l’Union européenne. L’objectif en matière d’immigration familiale est établi dans le respect des principes qui s’attachent à ce droit. »
La parole est à M. Louis Vogel.
M. Louis Vogel. Notre droit national se décide aujourd’hui, alors que la réglementation européenne, à laquelle il a été fait allusion tout à l’heure, se décidera demain.
Nos rapporteurs, dans leur grande sagesse, ont souhaité que le présent texte s’inscrive dans une autre perspective. J’ai néanmoins souhaité déposer cet amendement d’appel pour souligner que la politique nationale d’immigration ne sera efficace que si elle s’inscrit dans le cadre communautaire. Ce sera le seul moyen de réconcilier la souveraineté nationale et le principe de liberté de circulation des personnes.
Il est donc logique que le Parlement français soit informé des données européennes comme des données nationales. Nous y veillerons le moment venu avec mes collègues de la commission des affaires européennes.
Sachant que cet appel sera entendu, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 100 rectifié quater est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 652 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 490 rectifié bis, présenté par MM. Levi, Laugier et Wattebled, Mmes Guidez, Perrot et Herzog, MM. Pellevat, Houpert et Chasseing, Mmes O. Richard et Vérien et MM. A. Marc, J.M. Arnaud, Chatillon, Menonville, L. Hervé, Hingray et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 333-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si l’entreprise de transport aérien ou maritime se trouve dans l’impossibilité de réacheminer l’étranger en raison de son comportement récalcitrant, seules les autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière seront compétentes pour l’y contraindre. »
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. Avec cet amendement, j’aborde une problématique spécifique, mais cruciale dans la gestion des frontières et pour le respect des procédures d’immigration.
Nous visons la situation où une entreprise de transport se trouve dans l’incapacité de réacheminer un étranger en raison de son comportement récalcitrant.
La législation en vigueur prévoit de lourdes amendes pour le transporteur ne satisfaisant pas à son obligation de prendre en charge le réacheminement, sauf s’il n’a pas pu bénéficier de l’aide des autorités compétentes. Nous souhaitons donc préciser que, dans de telles circonstances, la responsabilité incombe exclusivement aux autorités frontalières.
En adoptant cet amendement, nous protégerions les transporteurs en leur évitant des sanctions injustes et nous ferions en sorte que l’État assume son rôle dans le contrôle efficace et sécurisé de nos frontières. Cela garantirait une application juste et équitable de la loi, tout en respectant les droits fondamentaux des personnes concernées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nos collègues pointent un véritable problème, lorsque les compagnies aériennes se retrouvent en présence d’un étranger récalcitrant refusant d’embarquer et qu’elles décident de ne pas assurer le rapatriement. Dans ce cas, leur responsabilité ne peut en pratique être mise en cause que si elles ont pu bénéficier du recours de la force publique.
Il est en effet difficile de faire intervenir systématiquement la police de l’air et des frontières (PAF). Vous ne pouvez en tout cas pas le demander au travers de cet amendement, sauf à contrevenir à l’article 40. Aussi, vous ne faites que constater une situation.
La commission souhaite tout de même avoir l’avis du Gouvernement sur ce point.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Il me semble que cet amendement est satisfait. Aujourd’hui, quand une compagnie aérienne ne veut pas embarquer quelqu’un qui lui paraît dangereux et susceptible de troubler le vol, deux solutions s’offrent à elle, sachant que le Conseil constitutionnel a jugé que l’on ne pouvait pas transférer à une personne privée des prérogatives de puissance publique.
En premier lieu, des policiers de la PAF embarquent et encadrent la personne reconduite durant le vol, exonérant la compagnie aérienne de sa responsabilité ; c’est ce qui est fait avec la Russie, par exemple.
En second lieu, en cas de danger particulier de la personne ou d’opposition forte de la compagnie aérienne, qui ne veut pas de policiers armés dans l’avion, les autorités affrètent des vols ; c’est ce qui est fait avec la quasi-intégralité des pays qui nous délivrent des laissez-passer consulaires, même lorsqu’ils sont lointains. Pour ce faire, le ministère de l’intérieur dispose d’une flotte d’avions ou il peut en louer à des prestataires externes.
Je le répète, cet amendement me paraît satisfait. Je suis d’accord avec la commission : il s’agit plus d’un constat que d’une disposition. Avis plutôt défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Levi, l’amendement n° 490 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Pierre-Antoine Levi. Oui, madame la présidente.
S’il est adopté, nous sommes sûrs qu’il sera complètement satisfait.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous aussi.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er A.
L’amendement n° 520 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 5 du titre II du chapitre III du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° Les articles L. 423-14 à L. 423-20 sont abrogés.
2° IL est inséré un article L. 423-… est ainsi rédigé :
« Art. L. 423-…. – Le ressortissant étranger reconnu comme réfugié au titre de l’article L. 511-1 peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d’au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de moins de dix-huit ans. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Il s’agit de supprimer le regroupement familial, sauf pour les réfugiés, les vrais ! (Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Le regroupement familial est la première filière d’immigration, son principe même s’opposant au principe d’immigration choisie. Quand la France a laissé entrer des Belges ou des Italiens au début du siècle dernier, elle les a fait repartir quand elle n’en a plus eu besoin. Seuls ceux qui avaient la volonté de rester et de s’assimiler en épousant une Française ou un Français sont restés.
Entre 1870 et 1918, 3 millions d’Italiens se sont installés en France : 2 millions sont repartis ! C’est pour cela que les enfants d’immigrés italiens se sont appelés Jacques François, Stéphane, et non Giacomo, Francisco ou Stefano.
Nous ne voulons pas d’immigration par plaisir ou pour faire le bonheur des autres : nous voulons faire le bonheur des nôtres ! Nous pouvons avoir besoin, ponctuellement, de travailleurs dans une filière spécifique, mais pas de leurs enfants ni de leurs épouses, encore moins des cousins, des cousines, des tontons, des tatas, j’en passe et des pires.
En 2022, ce sont presque 100 000 permis de séjour pour regroupement familial qui ont été délivrés. Depuis 2017, près de 500 000 personnes ont pu s’installer chez nous grâce au regroupement familial. C’est donc l’équivalent d’une ville comme Toulouse qui est venue en France pour en profiter, et non pour contribuer à son développement.
Il est donc urgent, mes chers collègues, de supprimer ce regroupement familial, sauf pour les réfugiés, les vrais !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Décidément, les amendements provocateurs proviennent de toutes les travées ce soir. Je ne ferai pas l’insulte à notre collègue de lui rappeler le principe de la hiérarchie des normes en droit français, qu’il semble pourtant ignorer. Vous savez très bien, mon cher collègue, que le regroupement familial est régi par une directive européenne de 2003, à laquelle, en l’état du droit, nous ne saurions échapper.
M. Joshua Hochart. C’est bien le problème !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il n’est donc pas possible de supprimer le regroupement familial.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je n’ai pas bien compris l’histoire des prénoms, ou alors je l’ai trop bien comprise…
Il se peut que certains de nos concitoyens donnent des prénoms italiens à leurs enfants tout en n’ayant rien à voir avec l’Italie. Un ancien président de la République, qui n’était pourtant pas immigré italien, a ainsi prénommé sa fille Giulia. Il faut arrêter avec cette obsession des prénoms, mais je mets cela de côté.
Monsieur Ravier, j’ajoute à l’excellente argumentation de Mme la rapporteure que votre amendement ne semble pas avoir été très bien travaillé. En effet, vous confondez regroupement familial et réunification familiale.
Le regroupement familial concerne les étrangers ayant des titres de séjour classiques : par exemple, ceux qui s’installent dans notre pays pour travailler ont ensuite le droit de faire venir une partie de leur famille, notamment leur conjoint, leurs enfants. Ce mécanisme date des années 1970 et 1980.
La réunification familiale concerne les réfugiés bénéficiant du droit d’asile. C’est différent du regroupement familial. Ainsi, il n’y a pas de conditions de ressources pour en bénéficier. Nous en parlerons d’ailleurs un peu plus tard, la commission des lois ayant adopté un certain nombre d’amendements sur le sujet. À cet égard, je précise qu’il ne faut pas avoir peur de reconnaître qu’il y a aussi, avec la réunification familiale, des abus qu’il faut pouvoir limiter.
Monsieur Ravier, votre amendement fusionne deux concepts pour créer quelque chose qui n’existe pas en droit français, indépendamment du droit européen : le regroupement familial pour les réfugiés. Je ne sais pas si vous voulez parler des vrais ou des faux… Votre rédaction n’est pas correcte juridiquement, puisque vous auriez dû parler de réunification familiale, qui est quelque chose de spécifique dans le Ceseda. Peut-être devriez-vous retravailler votre texte pour une prochaine fois ?
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je m’étonne toujours de la relecture maladive de l’Histoire de France par notre collègue Ravier.
Comme M. le ministre vient de l’indiquer, le dispositif juridique est complètement incohérent. En revanche, à la différence de M. le ministre, je pense qu’il ne s’agit pas d’une erreur. J’estime au contraire que c’est parfaitement volontaire, parce que cela permet de grossir le trait et de dire n’importe quoi en se fondant sur des chiffres complètement faux.
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.
M. Ian Brossat. Dans le droit fil de ce que vient de dire mon collègue, je pense que cet amendement vise à supprimer totalement le regroupement familial. Or il n’y a pas d’intégration sans la possibilité de vivre en famille. Vous ne vous intégrez pas dans une société dès lors que votre famille continue à vivre dans un autre pays. C’est totalement contradictoire de plaider, d’un côté, pour la suppression du regroupement familial et, de l’autre, pour l’intégration, voire l’assimilation. Si l’on a envie que les immigrés se sentent Français, il faut que leur famille puisse venir en France ; sinon, cela ne fonctionne pas. Cet amendement me paraît complètement à côté de la plaque et mérite d’être rejeté.
Mme Audrey Linkenheld. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.
M. Alexandre Ouizille. Je comprends votre logique, qui est de remigrer les gens. (M. Stéphane Ravier s’exclame.)
Savez-vous quels sont les seuls pays qui interdissent le regroupement familial ? Le régime wahhabite de l’Arabie saoudite et les monarchies du Golfe ! Savez-vous comment ils traient les étrangers dans ces pays ? Savez-vous comment ils ont construit les stades au Qatar ? Les pétromonarchies du Golfe sont donc vos modèles, monsieur Ravier. Bravo ! (M. Ian Brossat applaudit. – M. Stéphane Ravier proteste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 520 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 150, présenté par M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret, de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mmes Brossel et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard douze mois après la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant les conditions de délivrances des visas par nos postes consulaires et présentant les principes directeurs d’une réforme relative à l’organisation des services des visas. Cette réforme devra permettre aux services des visas, dans chaque poste diplomatique et consulaire, de disposer de moyens humains et financiers directement proportionnés à l’activité dont ils ont la charge et aux ressources qu’elle engendre. Elle intégrera des dispositifs permettant de faire la promotion des études supérieures en France et consistera également à donner à nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche les moyens dédiés à la sélection des candidats étrangers.
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Depuis que je suis élu, j’ai la chance de pouvoir faire un peu le tour du monde de nos postes consulaires. À la faveur de ces déplacements, j’ai pu faire deux constats, dont nous pourrons reparler plus tard dans la discussion.
Tout d’abord, permettez-moi de vous dire que votre politique de délivrance des visas est un désastre. C’est particulièrement le cas à l’égard des ressortissants de pays du Maghreb. Vous avez d’ailleurs dû revenir en arrière, car cette politique était inefficace. De surcroît, nous nous mettions à dos tous les pays concernés. Emmanuel Macron, depuis qu’il est Président de la République, doit avoir le record en la matière. Malheureusement, c’est notre pays qui s’en trouve affaibli.
Ensuite, il y a un problème de moyens en personnel. Nos postes consulaires sont sous-dotés pour traiter les demandes de visa. Peut-être est-ce volontaire et motivé par votre ambition de délivrer moins de visas, mais vous devez prendre en considération les conditions de travail de nos personnels, surchargés de travail et en tension. On assiste à des burn-out et à une explosion des arrêts de travail. Allez-y vous-même pour vous en rendre compte, monsieur le ministre !
Il importe de doter suffisamment nos consulats pour la délivrance de visas, notamment au profit des étudiants, car cela participe au rayonnement et à la richesse de notre pays. Il est paradoxal de financer, au titre de l’action extérieure de l’État, des établissements d’enseignement à l’étranger pour que des personnes, qui aiment notre pays, fassent toutes leurs études en français, puis de leur refuser des visas pour poursuivre leurs études supérieures sur notre sol. C’est une politique contre-productive qui affaiblit profondément notre pays.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Yan Chantrel. C’est pour cette raison que nous vous demandons un rapport pour réfléchir à la réforme de notre politique de visas, tenus que nous sommes par l’article 40.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est probable que les auteurs de cet amendement pointent une difficulté réelle, mais ce n’est pas un rapport qui va la résoudre.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne peux pas être d’accord avec vous, monsieur le sénateur. Lorsqu’un pays ne délivre pas, ou quasiment pas, de laissez-passer consulaires pour récupérer ses ressortissants qui présentent une dangerosité certaine, que proposez-vous ? Qu’on leur donne encore plus de visas ? Est-ce cela votre solution ?
M. Yan Chantrel. Est-ce que cette politique a fonctionné ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je constate que, avec la plupart des États que vous évoquez, oui, cela fonctionne beaucoup mieux !
M. Yan Chantrel. Pourquoi l’avoir arrêtée ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Selon vous, moins on a de laissez-passer consulaires, plus on doit donner de visas ?
Ce n’est pas raisonnable. On voit bien que vous n’êtes plus aux responsabilités depuis longtemps.
Avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 511 rectifié bis, présenté par M. Marseille et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur les mesures susceptibles de simplifier l’architecture des titres, cartes et documents de séjour et de circulation pour étranger en France.
La parole est à Mme Isabelle Florennes.
Mme Isabelle Florennes. Actuellement, l’action quotidienne des préfectures dans la gestion des demandes de titres de séjour est largement entravée par le foisonnement des titres existants.
Nous avons aujourd’hui des dizaines de titres différents, avec, pour chacun, une procédure et une liste de pièces justificatives différentes. Cette situation, que connaissent nombre de préfectures, notamment en région parisienne, n’est pas tenable, et nécessite que soit effectuée, en cohérence avec le travail de simplification des procédures contentieuses, une simplification de l’architecture des titres, cartes et documents de séjour et de circulation pour étranger en France.
Le présent amendement a pour objet la remise au Parlement d’un rapport présentant des pistes en ce sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cela ne vous surprendra pas, la commission demande le retrait de cet amendement, en application d’une jurisprudence que tout le monde connaît.
Cependant, j’ai bien conscience que cet amendement a pour vocation d’interpeller M. le ministre et de lui exprimer un désaccord assez marqué de la part d’un grand nombre de nos collègues.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l’heure à la tribune votre intention de réformer l’organisation des guichets de préfecture ou, en réponse à nos collègues socialistes, donné des informations en toute transparence sur les délais normaux pour l’obtention de nouveaux titres ou le renouvellement. Selon nous toutefois, quels que soient les moyens supplémentaires que vous envisagez, vous n’allez pas réussir. Pourquoi ? Parce que l’on demande actuellement aux agents de la préfecture d’apprécier les situations qui leur sont soumises au regard de 187 titres de séjour de nature différente, avec des conditions, des pièces à fournir et des délais différents.
Instruits par les différentes visites de préfectures que nous avons faites avec Mme Jourda, nous pensons que ce système ne fonctionne pas et que vous n’arriverez pas à l’améliorer ainsi. En particulier, le système Anef (administration numérique des étrangers en France) avec le numéro Agdref (application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France), que vous avez évoqué, continuera de dysfonctionner à l’avenir.
Monsieur le ministre, ma question est simple : quand allez-vous lancer le nécessaire chantier de simplification des titres de séjour ? Nous n’avons pas d’a priori sur la procédure à retenir : peu importe que vous choisissiez votre administration, des parlementaires en mission ou le Conseil d’État, comme cela a été fait pour la réforme du contentieux. En tout cas, nous nous étonnons que, depuis le mois de février 2023, ce dossier n’ait pas avancé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. J’entends le questionnement qui naît de cet amendement d’appel. C’est vrai, il y a énormément de titres de séjour en France. Devant ce constat, mon premier élan a été de vouloir les simplifier. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions !
Ces titres de séjour, certes très nombreux et peut-être trop complexes, pour l’étranger comme pour l’agent de préfecture, permettent aussi d’éviter un trop grand nombre de régularisations en multipliant les critères. Il en va des titres de séjour comme de la dotation générale de fonctionnement, mesdames, messieurs les sénateurs, pour prendre un sujet que vous connaissez bien. Tout le monde veut simplifier les critères, mais personne ne le fait. Simplifier les quarante critères de la dotation globale de fonctionnement (DGF), c’est un peu le sujet des fins de repas familiaux… C’est compliqué !
Je n’ai donc pas proposé la simplification des titres de séjour, hormis pour les passeports talent, qui passent de dix à un, car je pense que cela constituerait plus un appel d’air qu’une réponse.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cela ne fonctionnera pas !
M. Gérald Darmanin, ministre. Cela étant, je précise que nous allons retenir et peut-être améliorer, ici ou là, la proposition du président des lois d’une étude à 360 degrés. C’est déjà une réponse, à mon avis. Aujourd’hui, un étranger qui se voit refuser un titre de séjour en préfecture peut utiliser la multiplicité des titres pour refaire des demandes. La proposition du président de la commission des lois, qui obligerait la préfecture à apprécier la recevabilité de la demande au regard de l’ensemble des titres de séjour possibles dès le début, nous aidera à gagner du temps. Cette expérimentation mérite d’être menée.
Ensuite, monsieur le rapporteur, l’Anef nous permettra de trouver, grâce à l’intelligence artificielle, des réponses à vos questions sur les critères.
Enfin, faut-il simplifier les titres de séjour ? Je pense que ce n’est pas au Gouvernement de le faire. Il est désormais trop empêtré dans les critères qu’il a lui-même définis. Néanmoins, que des parlementaires en mission y travaillent, je n’y vois aucun inconvénient. Il y aurait aussi le Conseil d’État. Il faut déjà attendre la fin de l’Anef, l’année prochaine, pour éviter les parasitages. Mais je peux d’ores et déjà m’engager à défendre auprès de la Première ministre l’idée de nommer l’an prochain des parlementaires qui auront pour mission de nous proposer en six mois une simplification drastique des titres de séjour, sans pour autant ouvrir des critères trop larges de régularisation. En effet, moins on met de critères, plus il est facile de se faire régulariser. Or ce n’est pas ce que vous souhaitez.
En résumé, première réponse, les 360 degrés ; deuxième réponse, l’Anef ; troisième réponse, les parlementaires en mission une fois ce texte mis en application et l’Anef derrière nous. Néanmoins, ne vous y trompez pas, cette mission de simplification n’est pas si simple que cela à mener.
Je sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Florennes, l’amendement n° 511 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Isabelle Florennes. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je le reprends, madame la présidente !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 511 rectifié ter, présenté par Mme Marie-Pierre de La Gontrie et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 511 rectifié bis.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 236 rectifié quinquies, présenté par M. Joyandet, Mme Berthet et MM. Houpert, Courtial, Pointereau, Rietmann, Bruyen et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la possibilité, pour l’État, de mettre en place des visas francophones « travailleur » et « entrepreneur », qui permettraient à tout ressortissant d’un pays membre de l’Organisation internationale de la Francophonie de venir plus aisément en France, afin d’y occuper un emploi dans un secteur en tension ou d’y effectuer toute démarche utile à l’accomplissement de ses responsabilités économiques.
La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Il s’agit d’étudier la possibilité de mettre en place un visa francophone. C’est un sujet sur lequel un certain nombre d’entre nous ont travaillé depuis longtemps. La francophonie est une force considérable pour notre pays, pour le développement économique, pour les échanges. Je pense à tous ceux qui, dans les pays de la francophonie, circulent en permanence. Je pense aux chefs d’entreprise, à leurs salariés, aux étudiants, aux chercheurs. Il faut le savoir, 88 pays sont concernés dans le monde, ce qui est considérable. Il est important, à mon sens, de simplifier les déplacements de ces personnes francophones.
J’ai conscience que notre proposition n’est pas vraiment dans l’esprit du texte sur lequel nous travaillons aujourd’hui, mais c’est le support législatif que nous attendions depuis un certain temps pour pouvoir présenter cette possibilité.
Je sais bien que la commission n’aime pas beaucoup les rapports. Je ne sais pas si le ministre les aime. Mais, sur ce sujet de la francophonie, qui est très complexe et qui a des implications tant nationales qu’internationales, je pense que nous avons besoin d’un travail préalable. C’est la raison pour laquelle nous sollicitons ce rapport.
Ce soir, nous parlons beaucoup de l’obligation de parler français pour s’intégrer dans notre pays. Beaucoup de gens à travers le monde ont déjà fait l’effort d’apprendre notre langue. Nous en avons besoin pour le développement et le rayonnement de la France. Donnons un signal positif au monde en disant que tous ceux qui parlent notre langue pourront circuler plus facilement pour venir dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Ce vif soutien à la francophonie exprimé par notre collègue Alain Joyandet est digne d’éloges, mais n’est peut-être pas de nature à infléchir notre jurisprudence sur la question des rapports. La francophonie ne connaîtra pas un élan majeur si un énième rapport est fourni par le Gouvernement.
M. Rachid Temal. Ils peuvent parler français, mais chez eux ! (Rires.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Malgré l’enthousiasme manifesté, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. J’ai bien compris l’esprit qui anime M. le sénateur Joyandet, et je donne un avis favorable à sa proposition de rapport, sans préjuger de ses conclusions.
Je veux juste préciser que cela concerne potentiellement quelques dizaines de millions de personnes.
M. Rachid Temal. Quelque 321 millions de personnes !
M. Gérald Darmanin, ministre. Cela interroge sur la cohérence des positions de votre groupe. Il faudra de toute façon prévoir des critères.
M. Rachid Temal. La République démocratique du Congo par exemple !
M. Gérald Darmanin, ministre. Enfin, je veux souligner les difficultés qui ne manqueront pas de se manifester, si je me remémore les termes du débat que nous venons d’avoir. En effet, si ce n’est pas un titre de séjour classique, c’est comme un visa qui ouvrirait des droits nouveaux…
M. Rachid Temal. Ce n’est pas très tendance !
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est la démonstration de la complexité du sujet. Comme d’habitude, on veut simplifier les critères au début – souvenez-vous de la DGF ! –, puis on en rajoute.
M. Joyandet, si j’ai bien compris, cherchait un véhicule législatif. Je suis favorable au rapport, qui proposera des solutions. Le rapport Hermelin, qui a été remis au Gouvernement, ne portait pas spécifiquement sur la francophonie, mais il peut ouvrir des pistes à cet égard.
Mme la présidente. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.
M. Mickaël Vallet. J’apporte mon soutien à cet amendement. La moitié du Parlement ne peut pas s’exprimer actuellement sur un certain nombre de sujets à cause du 49.3. Au Sénat, c’est l’application stricte de l’article 40 de la Constitution qui nous bride dans certaines de nos initiatives. Si l’on ne peut pas essayer de travailler un peu, à la faveur de rapports, sur des sujets aussi fondamentaux que celui-ci, à quoi servons-nous ? N’ayons pas de fausse pudeur !
J’en viens au fond. Ainsi que l’a indiqué M. le ministre Joyandet, c’est un sujet qui date. D’anciens collègues députés – je pense notamment à Pouria Amirshahi – ont même travaillé sur l’idée d’un passeport francophone, partant du constat que nous avons un espace de coopération qui nécessite beaucoup plus de mobilité. C’est aussi ce que voulait dire Yan Chantrel tout à l’heure quand il regrettait que nous nous mettions à dos une partie de la communauté francophone, qui ne demande pas mieux que de venir nourrir ces échanges sans venir nécessairement s’installer de manière illégale, mais en ayant à tout le moins la possibilité d’étudier en France.
C’est aussi l’occasion de donner un prolongement au discours, excellent sur le papier, du Président de la République, la semaine dernière, à Villers-Cotterêts. Malheureusement, je doute que ses intentions se traduisent vraiment dans les faits quand on voit l’approche globale de ce gouvernement sur la question de la langue française.
Mme la ministre de la culture n’est pas ce soir au banc du Gouvernement, mais, lorsque nous avons eu ce débat très intéressant, la semaine dernière, sur l’écriture inclusive, nous l’avons interrogée sur ces problématiques, et elle n’a pas daigné répondre au Sénat.
Tout cela pour dire que le sujet est très vaste. Il ne peut être traité ni en deux minutes ni en 150 caractères. Franchement, une demande de rapport pour pouvoir discuter de l’opportunité d’un visa particulier pour les pays francophones mérite un accueil favorable de notre assemblée, n’en déplaise à la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Je veux simplement préciser que les Anglais le font dans le cadre d’accords avec les pays du Commonwealth.
Je remercie M. le ministre de son avis positif sur cette initiative. Commençons par certains pays de la francophonie, quitte à ce que d’autres nous rejoignent ensuite. C’est ce que nos voisins d’outre-Manche ont très bien fait. Comme j’ai cru comprendre que l’avis défavorable de la commission portait non pas sur le fond, mais sur la forme – elle ne veut pas de rapport ! –, et que M. le ministre était plutôt favorable à une telle réflexion, je maintiens cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 236 rectifié quinquies.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er A. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Mélanie Vogel et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)
Article 1er B (nouveau)
Le chapitre IV du titre III du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 434-2, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
2° L’article L. 434-7 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « stables », il est inséré le mot : « , régulières » ;
b) Il est ajouté un 4° ainsi rédigé :
« 4° Il dispose d’une assurance maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 16 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj, Roux, Fialaire et Grosvalet, Mmes Guillotin et Pantel et M. Masset.
L’amendement n° 161 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 374 rectifié est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 449 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié.
Mme Maryse Carrère. L’article 1er B compte parmi les dispositions clivantes adoptées par le Sénat en commission.
D’une part, cet article porte de dix-huit à vingt-quatre mois la durée de séjour exigée d’un étranger résidant en France avant de pouvoir déposer une demande de regroupement familial pour l’un de ses proches. D’autre part, il impose au demandeur de disposer d’une assurance maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille.
Ce n’est pas – hélas ! – la première fois que nous discutons d’une telle restriction. Or le regroupement familial est un droit consacré en France dans le Préambule de la Constitution de 1946. Il est défendu tant par la juridiction administrative que par le Conseil constitutionnel.
Surtout, le regroupement familial n’est pas un mécanisme désorganisé ou incontrôlé. Ce mode d’accès au territoire français est déjà encadré et régi par un certain nombre de règles. Il est donc difficile de dire que les vannes du rapprochement familial sont grandes ouvertes. Ce n’est pas en durcissant les règles que les demandes cesseront d’être faites.
Le nouveau dispositif qui nous est proposé aura pour seule conséquence de continuer d’éloigner des parents de leurs enfants, sans réelle justification. Autrement dit, il aura pour effet de précariser davantage les étrangers et de porter atteinte à leur vie privée et à leur vie familiale.
Le présent amendement vise donc à supprimer une telle disposition.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 161.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement vise lui aussi à supprimer l’article, et ce pour deux motifs.
En premier lieu, la disposition qui nous est proposée contrevient à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour européenne des droits de l’homme a tendance à susciter des réactions démesurées de nos collègues de droite. Or on oublie souvent que cet article contient deux alinéas, le second prévoyant des limitations extrêmement fortes. En la matière, même si certaines jurisprudences sont peu compréhensibles, elles sont la plupart du temps relativement équilibrées et laissent une très grande latitude à l’État.
Ensuite, les titres de séjour délivrés au titre du regroupement familial nourrissent les fantasmes les plus fous, notamment à l’extrême droite.
Monsieur le ministre, selon les données du département des statistiques, des études et de la documentation de la direction générale des étrangers en France du ministère de l’intérieur, au cours des douze dernières années, 12 000 personnes par an en moyenne se sont vu accorder de façon directe par les préfectures un titre de séjour dans le cadre d’un regroupement familial, ce qui représente 4,5 % de la totalité des titres délivrés. Ces titres de séjour ne sont donc pas l’essentiel des titres délivrés ; ils sont plutôt à la marge.
Dès lors, une question simple se pose. Pourquoi retarder la possibilité de bénéficier d’un regroupement familial, alors que les titres de séjour accordés dans ce cadre sont non pas la mer, mais l’écume ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 374 rectifié.
Mme Mélanie Vogel. Notre amendement vise également à supprimer l’article.
Avec cet article, vous voulez restreindre encore plus qu’aujourd’hui le droit au regroupement familial. Nous nous y opposons, et ce pour trois raisons.
La première raison est que le droit au regroupement familial est déjà largement limité et restrictif en France. Le délai de dix-huit mois est bien supérieur à celui qui est en vigueur dans certains pays européens, tels que l’Espagne, l’Italie, la Belgique ou les Pays-Bas. Certes, il est inférieur à celui qui existe dans certains autres pays, cependant il n’est pas très court.
En outre, les règles en vigueur imposent déjà au demandeur de disposer de ressources suffisantes et stables, d’un logement de taille appropriée, etc.
La deuxième raison est qu’il existe une contradiction intrinsèque entre la nécessité que vous invoquez pour les étrangers de s’intégrer de manière acceptable et votre volonté de restreindre le regroupement familial. On le sait très bien, pour qu’un étranger puisse bien vivre en société, il faut qu’il puisse faire venir sa famille afin de bénéficier d’un entourage affectif minimal autour de lui. C’est là une condition essentielle.
La troisième raison est que les autres ajouts de l’article, en plus de l’allongement du délai, qui a déjà été commenté, sont complètement absurdes ; je suis désolée de le dire.
L’article prévoit ainsi que, désormais, le demandeur devra disposer de ressources qui soient non seulement stables, mais également régulières. Pour ma part, je ne sais pas exactement ce que sont des ressources « régulières ». Qu’est-ce exactement que la régularité ? Vous allez ainsi potentiellement exclure du droit au regroupement familial des journalistes, des artistes, des travailleurs indépendants, dont les ressources sont stables et suffisantes sur l’année, mais pas régulières.
Enfin, vous demandez que l’étranger dispose d’une assurance maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille. Cela n’a aucun sens ! Si sa famille n’est pas en France, elle ne peut pas être affiliée à la sécurité sociale. Elle peut avoir une assurance privée dans son pays de résidence, mais elle ne sera pas valide en France. Je le répète, cette exigence n’a aucun sens !
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 449.
M. Ian Brossat. Je ne reviendrai pas sur les arguments que viennent d’avancer mes collègues. Notre amendement vise lui aussi à supprimer l’article.
Loin de moi l’idée de vouloir être désagréable, mais je trouve que ce débat nous montre la droite sous un jour tout à fait nouveau. (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous vous faites fort en permanence, par exemple, de défendre la valeur travail, mais vous être contre la régularisation des travailleurs sans-papiers.
Mme Valérie Boyer. Ben oui !
M. Ian Brossat. Vous défendez en permanence les valeurs familiales – certains d’entre vous ont d’ailleurs manifesté pour défendre la famille, il est vrai dans une conception différente de celle de la gauche –, mais vous êtes contre le regroupement familial, c’est-à-dire contre la possibilité de vivre en famille quand on est un étranger.
Je trouve tout de même que tout cela est assez contradictoire et paradoxal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mes chers collègues, je vous trouve bien durs avec la directive européenne relative au droit au regroupement familial. Somme toute, nous ne faisons qu’en reprendre les termes.
Pour répondre à M. Kerrouche, nous ne sommes certainement pas en infraction avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme – ou alors, la directive européenne l’est également.
Le texte que vous souhaitez supprimer prévoit en effet des conditions différentes pour bénéficier d’un regroupement familial, qu’elles rendent probablement plus compliqué, mais nous ne cachons pas notre volonté de mieux maîtriser les entrées sur notre territoire. En outre, contrairement à ce que vous pouvez penser, ces conditions faciliteront sans doute l’intégration des étrangers, car disposer d’une certaine stabilité financière et pouvoir assurer de façon autonome l’assurance sociale de sa famille sont aussi, me semble-t-il, des critères d’intégration.
La commission ayant souhaité resserrer les conditions d’accès au regroupement familial, elle a porté de dix-huit à vingt-quatre mois la durée de séjour exigée pour qu’un étranger puisse demander un regroupement familial. L’étranger devra en outre disposer de ressources qui soient non seulement stables, mais également régulières et d’une assurance sociale pour lui-même et pour sa famille.
Ces conditions sont, je le répète, directement copiées de la directive européenne relative au droit au regroupement familial.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet article, qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement, a été ajouté par la commission des lois du Sénat.
On peut, certes, débattre du regroupement familial dans le cadre d’un texte sur l’immigration : d’une part, les Français en parlent ; d’autre part, c’est une source d’immigration. Pour autant, l’importance du regroupement familial est-elle proportionnelle à la place que cette question occupe dans le débat public ? Sans doute pas.
L’immigration familiale concerne 90 000 personnes par an. Sur ces 90 000 personnes, le regroupement familial dont il est question à l’article 1er B, que la gauche de cet hémicycle propose de supprimer, concerne entre 12 000 et 14 000 personnes par an.
Je rappelle que l’essentiel des regroupements familiaux – plus de la moitié en fait – concerne des conjoints de Français ou des personnes de l’Union européenne, dont nul ne cherche à interdire l’accès au territoire et qui sont, par nature, difficiles à maîtriser.
Chaque année, le regroupement familial ne concerne en moyenne que 13 % à 14 % des 90 000 personnes de l’immigration familiale ; les conjoints de Français ou de citoyens européens en représentent plus de 50 %. Et la réunification familiale, dont on a parlé précédemment, concerne entre 4 000 et 5 000 réfugiés.
Cela étant dit, je pense que la rapporteure a raison de le dire, il est une question qu’il n’est pas interdit de se poser : les personnes qui demandent un regroupement familial peuvent-elles vivre avec leur famille dans de bonnes conditions d’intégration ? Il me semble possible de s’interroger à cet égard sans créer de polémique particulière.
Il me semble d’ailleurs que l’article 1er D est plus important encore que celui que nous examinons. Pour cette raison, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat à la fois sur le présent article tel qu’il nous est proposé par la commission et sur les amendements visant à le supprimer, car je pense que cet article mérite d’être davantage travaillé. Nous y reviendrons sans doute à l’Assemblée nationale.
Cela étant, je le répète, l’article 1er D me paraît plus important. Il porte sur la vérification par le maire des conditions de logement et de ressources attendues d’un étranger désireux d’accueillir sa famille sur notre territoire.
Lorsque j’ai été élu maire de ma commune en 2014, je me suis aperçu que c’était au maire qu’il revenait de signer les attestations relatives à la rémunération et à la surface du logement du demandeur d’un regroupement familial. C’est le maire – personne ne me l’avait dit – qui donne son blanc-seing.
Combien de maires de France font personnellement ces vérifications ? J’imagine que peu de demandes sont déposées dans les plus petites communes et que le maire, puisqu’il fait tout, procède lui-même aux vérifications. En revanche, qui les effectue dans les grandes communes, qui sont les principaux lieux d’immigration ?
Dans ma ville de 100 000 habitants, des dizaines de demandes étaient déposées chaque semaine ; je m’en souviens très bien. Quand on veut faire le travail sérieusement, cela prend beaucoup de temps. L’un de mes adjoints réalisait l’instruction avec les services et je mettais un point d’honneur à signer pour le préfet une vérification sur laquelle je pouvais m’engager.
Je refusais, je me le rappelle, 70 % des demandes qui m’étaient faites, non pas par volonté de refuser le regroupement familial, mais parce que les conditions fixées par les lois de la République n’étaient pas remplies : la surface du logement n’était pas suffisante. Le fait est que cela prend beaucoup de temps d’envoyer la police municipale vérifier le nombre de mètres carrés que compte un logement.
Vous pouvez inscrire autant de critères que vous le souhaitez dans la loi, en termes de surface de logement ou de rémunération – et vous avez raison d’avoir de telles exigences –, mais, si personne ne vérifie qu’ils sont respectés, ils ne servent à rien.
À mon sens, nous devrions tous nous intéresser à l’article 1er D, qui confie au maire la responsabilité de procéder à ces vérifications en renforçant ses pouvoirs et en lui donnant les moyens de s’engager sur le regroupement familial.
Soit l’on considère que l’on donne un faux pouvoir au maire, auquel cas l’État doit sans doute le reprendre ; soit l’on considère qu’il appartient à l’étranger qui demande un regroupement familial de démontrer, comme une sorte d’engagement, qu’il dispose bien des mètres carrés nécessaires et de la rémunération requise. Or il me semble que, aujourd’hui, on ouvre la voie à la fraude, car personne ne peut vérifier les mètres carrés ou les rémunérations que nous avons tous envie de définir.
Par ailleurs, je pense qu’on peut étudier l’allongement du délai de séjour requis pour déposer une demande de regroupement familial. Pourquoi pas ? Je comprends ce qu’a voulu faire la commission. Si un tel allongement peut permettre aux élus et à la préfecture d’effectuer leur travail, de vérifier la bonne intégration des personnes et leur respect des règles de la République, je n’y vois pas d’inconvénient.
On peut avoir l’impression que cet allongement n’a d’autre objectif que de se faire plaisir ou d’embêter les étrangers. Mais, en fait, je le trouve assez cohérent avec la disposition qu’avait proposée le gouvernement de 2007, lorsque Nicolas Sarkozy était Président de la République. Il avait alors institué une condition de langue pour bénéficier du regroupement familial. On demandait aux étrangers non pas de maîtriser la langue, mais au moins de prendre des cours de français par exemple.
Aujourd’hui, cette condition ne figure plus dans la loi de la République. Le regroupement familial est accordé sans prise en compte de la volonté d’intégration des personnes. Se donner quelques mois supplémentaires permettrait de vérifier l’intégration des personnes, y compris dans la perspective d’un regroupement familial. Il me semblerait intelligent de restaurer cette disposition, qui avait été supprimée par la majorité suivante.
Je le répète, j’invite le Parlement à moins s’intéresser à l’article 1er B, qui a peu d’importance, qu’à l’article 1er D, qui donne au maire les moyens de vérifier in concreto les documents permettant d’autoriser un regroupement familial.
On peut s’écharper très longtemps au Sénat ou à l’Assemblée nationale sur cet article, si personne n’effectue les vérifications requises, cela ne servira à rien. On n’empêchera pas les regroupements familiaux et on favorisera la fraude.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voterons bien évidemment ces amendements.
J’appelle l’attention sur un propos qu’a tenu le ministre à l’instant. Alors qu’il donne beaucoup d’explications, notre attention peut parfois fléchir. Il a indiqué que l’ensemble des dispositions concernant le regroupement familial ne figuraient pas dans le projet de loi initial.
J’indique donc à tous nos collègues que l’ensemble des dispositions introduites dans ce texte seront soumises au Conseil constitutionnel pour violation de l’article 45 de la Constitution.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 rectifié, 161, 374 rectifié et 449.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 376 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement de repli vise à conserver la durée de séjour minimale en France ouvrant droit au regroupement familial.
Je rappelle que cette durée est aujourd’hui de dix-huit mois. Cela signifie qu’un étranger a le droit non pas de faire venir sa famille à l’issue de ce délai, mais celui de demander à la faire venir. Ensuite, la procédure prend beaucoup de temps, parfois deux ans ou trois ans, certaines personnes vivant sans leur famille pendant cinq ans.
En quoi l’allongement de six mois du délai va-t-il changer quoi que ce soit ? Qu’est-ce que cela va nous apporter que 6 000 personnes, selon les chiffres de M. le ministre, vivant en dehors de l’Union européenne, conjoints de Français la plupart du temps, passent six mois de plus loin de leur conjoint ?
Le seul effet, c’est que, pendant six mois, quelques milliers de personnes en France seront un peu plus tristes. Cela ne modifiera ni le nombre de mètres carrés de leur logement, ni le niveau, ni la stabilité, ni la régularité de leurs ressources. On va juste rendre ces gens malheureux six mois de plus ! Je n’en vois pas l’intérêt…
Mme la présidente. L’amendement n° 621, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 434-2 est ainsi modifié :
…) Au premier alinéa, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
…) Au 1°, après le mot : « dernier », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « et l’étranger demandant à être rejoint sont âgés d’au moins vingt et un ans ; »
II. – Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
…° Le premier alinéa de l’article L. 434-8 est ainsi modifié :
a) L’avant-dernière occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et à l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation ».
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le présent amendement vise, comme précédemment, à utiliser les moyens prévus dans la directive européenne relative au droit au regroupement familial. Celle-ci prévoit notamment que, « afin d’assurer une meilleure intégration et de prévenir des mariages forcés, les États membres peuvent demander que le regroupant et son conjoint aient atteint un âge minimal, qui ne peut être supérieur à vingt et un ans, avant que le conjoint ne puisse rejoindre le regroupant ». Vous l’avez compris, nous entendons porter précisément cet âge à 21 ans.
À l’heure actuelle, l’article L. 434-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit simplement que le conjoint de l’étranger vivant en France doit être âgé d’au moins 18 ans : il suffit donc d’être majeur pour pouvoir demander le regroupement familial ou pour rejoindre son conjoint.
Par ailleurs, toujours en application de la directive, nous proposons d’exclure les aides personnelles au logement (APL) des prestations prises en compte pour apprécier les ressources du demandeur.
Cet amendement vise également à prévoir que la durée de présence sur le territoire du demandeur d’un regroupement familial doit être non pas de dix-huit mois, mais de vingt-quatre mois.
Mme la présidente. L’amendement n° 375 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
vingt-quatre
par le mot :
treize
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 376 rectifié et 375 rectifié ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Dans la mesure où ces amendements visent à fixer soit à dix-huit mois, soit à treize mois le délai que nous souhaitons porter à vingt-quatre mois, l’avis ne peut qu’être défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Avis défavorable sur les amendements nos 376 rectifié et 375 rectifié.
En revanche, avis favorable sur l’amendement n° 621.
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 375 rectifié n’a plus d’objet.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 339 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Aeschlimann, MM. Allizard, Bacci et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Bruyen, Burgoa et Cadec, Mme Canayer, M. Cambon, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pernot et Perrin, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel, Bouloux, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et, au troisième alinéa du même article, les mots : « mineurs de dix-huit » sont remplacés par les mots : « âgés de moins de seize »
II. – Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa de l’article L. 434-3, les mots : « mineurs de dix-huit ans » sont remplacés par les mots : « âgés de moins de seize ans » ;
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Le présent amendement, issu de la proposition de loi de François-Noël Buffet pour reprendre le contrôle de la politique d’immigration, d’intégration et d’asile, a pour objet d’abaisser l’âge maximal d’éligibilité au regroupement familial des enfants du demandeur de 18 ans à 16 ans. Ce durcissement vise à réserver plus clairement le bénéfice du regroupement familial aux mineurs les plus jeunes et les plus dépendants de leur environnement familial immédiat.
Je le rappelle, si nous sommes dans la situation qui est la nôtre aujourd’hui, très complexe et très douloureuse, comme cela a été évoqué à plusieurs reprises, c’est aussi parce qu’elle s’est aggravée depuis le vote de la loi Collomb en 2018, qui a étendu le bénéfice du regroupement familial.
Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé, le nombre de titres de séjour délivrés dans le cadre du regroupement familial est très important. Il a même augmenté de 17,8 % entre 2018 et 2021. Il y a, certes, eu l’effet covid, mais le fait est que ce nombre a considérablement augmenté.
La commission des lois a souhaité resserrer les conditions d’accès à ce titre dans les limites du droit européen en portant de dix-huit à vingt-quatre mois la condition de séjour pour qu’un étranger puisse formuler une demande de regroupement familial. Nous devons aller plus loin. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement.
Cet amendement est également issu, je le rappelle, de la proposition de loi déposée par Bruno Retailleau, Olivier Marleix et Éric Ciotti au nom du groupe Les Républicains. Il a pour objet de durcir les conditions d’éligibilité et, surtout, de mettre un terme aux difficultés que nous évoquons, en tout cas de réduire, comme les Français le demandent, cette immigration incontrôlée.
Mme la présidente. L’amendement n° 252 rectifié, présenté par MM. Le Rudulier, Anglars, Menonville et Frassa, Mme Josende, MM. Rochette et Courtial, Mmes Puissat et V. Boyer, MM. Ravier et Paccaud, Mmes Petrus et Bellurot, MM. Chasseing et Wattebled, Mme Lopez, M. Bruyen, Mmes Micouleau et Belrhiti et MM. Genet et Duffourg, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Au 2° de l’article L. 434-2, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « seize » ;
…° Au premier alinéa de l’article L. 434-3 et à l’article L. 434-4, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « seize » ;
II. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 434-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 434-9. – Le droit au regroupement familial est exclu pour les étrangers polygames. »
La parole est à M. Jean-Claude Anglars.
M. Jean-Claude Anglars. Le droit au regroupement familial permet notamment à un enfant de moins de 18 ans de rejoindre son parent de nationalité étrangère qui réside régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois.
Le présent amendement vise à porter à vingt-quatre mois la durée minimale de résidence régulière en France exigée pour prétendre à ce droit.
De plus, il est actuellement possible de faire bénéficier du droit au regroupement familial l’un des conjoints d’une personne qui vit en polygamie. Il s’agit d’être clair dans l’article L. 434-9 et d’écrire que le droit au regroupement familial est exclu pour les étrangers polygames.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous comprenons dans quel esprit l’amendement n° 339 rectifié a été déposé ; c’est exactement le même que celui qui a guidé la commission.
Toutefois, l’amendement de Mme Boyer est rigoureusement antinomique des dispositions de la directive européenne relative au droit au regroupement familial. La commission, pour sa part, n’a fait que transcrire ce qui était indiqué dans la directive. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 252 rectifié, qui tend à prévoir que le bénéfice du regroupement familial ne peut être ouvert à des étrangers polygames, est satisfait par la législation existante, notamment depuis la loi confortant le respect des principes de la République. Une réserve d’ordre public a déjà été émise dans cette loi, qui a été codifiée dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Boyer, l’amendement n° 339 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Boyer. Oui, madame la présidente.
Je ferai deux remarques.
D’une part, il est vrai que c’est très compliqué d’être soumis à cette directive. Peut-être faudrait-il la modifier, sachant que tous les États ne l’appliquent pas de la même façon, chaque pays ayant des particularités en matière de regroupement familial.
Si cet amendement n’était pas voté, il serait important d’avoir un débat sur la modification de cette directive, afin que nous puissions choisir les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent se maintenir en France et y faire venir leur famille.
D’autre part, si je comprends bien évidemment la réponse qui m’est faite d’un point de vue juridique, je pense qu’elle donne encore plus de force à notre demande de modification de la Constitution. Nous devons pouvoir, via un référendum, reprendre la main sur un certain nombre de choses. Le regroupement familial ne pourra peut-être pas faire l’objet d’un référendum, mais il me semble important que nous pesions de tout notre poids pour modifier la directive européenne sur ce sujet.
Mme la présidente. Monsieur Anglars, l’amendement n° 252 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Anglars. Non, je le retire, madame la présidente.
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour la clarté de nos débats, madame Boyer, je peux vous dire que je suis d’accord avec vous. Je rappellerai simplement que la directive que vous évoquez date de 2003.
Le travail d’un ministre, tant à l’échelon national qu’à l’échelon européen, c’est d’empêcher que des directives européennes qui seront applicables dans quelques mois ou quelques années ne soient contraires au droit français.
Vous me demandez de corriger des dispositions qui ont été imaginées il y a plus de vingt ans par un gouvernement de droite – pardon de le dire, madame Boyer – et qui empêchent aujourd’hui le Parlement national de voter un certain nombre de dispositions.
Je n’ai pas connaissance de pays européens signataires du traité de Maastricht et soumis aux directives européennes ayant exclu du droit au regroupement familial les moins de 18 ans ou de 16 ans. J’ai étudié votre amendement, qui m’intéressait a priori, mais je n’ai pas trouvé de pays appliquant la disposition que vous proposez d’introduire.
Oui, il faut que l’on puisse modifier un certain nombre de directives. Nous savons tous, malheureusement, qu’il est plus facile de les modifier lorsqu’elles sont en discussion qu’une fois qu’elles ont été adoptées et qu’elles s’appliquent. Cela ne signifie pas, évidemment, qu’il faut refuser ce combat, mais on ne peut pas le mener, comme l’a dit Mme la rapporteure, via le droit national classique.
Si vous avez un exemple de pays qui applique cette directive européenne de façon différente au sein de l’Union européenne, je suis preneur.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, puisque nous abordons un sujet européen et que vous m’avez précédemment taquiné au sujet d’un vote de la délégation du parti populaire européen (PPE), je ne voudrais pas que vous ayez affaire à un ingrat. (M. le ministre sourit.)
Permettez-moi de porter à votre connaissance un vote sur les orientations budgétaires de la délégation Renaissance par lequel celle-ci s’est opposée à un amendement du PPE qui invitait la Commission et les États membres à renforcer les capacités et les infrastructures de protection des frontières.
Bien sûr, la délégation, à deux voix près, s’est opposée à notre amendement. Le problème, c’est que cet amendement visait à reprendre mot pour mot les conclusions du Conseil européen adoptées au mois de février par tous les chefs d’État et les chefs de gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je dis à M. Retailleau qu’il a raison et que je regrette ce vote du groupe Renew. Est-ce que vous regrettez pour votre part le vote du groupe PPE ? (M. Bruno Retailleau sourit.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 377 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
…° Le deuxième alinéa de l’article L. 434-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’indice national des prix à la consommation, hors tabac, atteint un niveau correspondant à une hausse d’au moins 2 % au cours des douze derniers mois, le montant du plancher de ressources mentionné à la première phrase est minoré par un montant équivalent à la hausse de l’indice national des prix à la consommation, hors tabac sur la période des douze derniers mois. »
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à adapter les dispositions relatives au plancher de ressources nécessaires pour avoir le droit de demander un regroupement familial.
Le système actuel a été pensé à une époque où l’inflation était assez faible, de l’ordre de 1 %. Il est indexé sur le Smic. Alors que l’inflation est beaucoup plus forte aujourd’hui et qu’un certain nombre de personnes demandant un regroupement familial ne sont pas concernées par l’indexation du Smic, parce qu’elles ne sont pas salariées ou parce qu’elles sont indépendantes, ce système est très pénalisant. Le salaire de ces personnes augmente en effet moins vite que l’inflation. De ce fait, elles perdent du pouvoir d’achat et leur droit à vivre avec leur famille, ce qui est de plus en plus difficile.
Nous proposons donc d’adapter ce plancher pour qu’il soit minoré d’un montant équivalent à la hausse de l’indice national des prix à la consommation lorsque l’inflation annuelle dépasse les 2 %.
Mme la présidente. L’amendement n° 378 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à supprimer le mot : « régulier » pour qualifier les ressources du demandeur.
Nous comprenons qu’il soit nécessaire de fixer des conditions de ressources, qu’il faille que ces ressources soient stables, c’est-à-dire disponibles tout au long de l’année, mais non qu’elles doivent être régulières. Je ne sais pas ce que sont des « ressources régulières » d’un point de vue juridique. S’agit-il de ressources mensuelles ? Semestrielles ? On ne le sait pas exactement.
Par ailleurs, de nombreuses personnes ont des ressources stables sur l’année, mais, parce qu’elles exercent la profession de journaliste ou d’artiste ou parce qu’elles sont indépendantes, elles n’ont pas des ressources qu’on peut qualifier de « régulières » stricto sensu.
Nous proposons donc de supprimer l’alinéa 4, parce qu’il pénalise certaines personnes de manière injuste. Au demeurant, ce ne sont pas des personnes que vous souhaitez réellement cibler.
Mme la présidente. L’amendement n° 379 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
pour lui-même et pour les membres de sa famille
par les mots :
ou est couvert par la protection universelle maladie prévue à l’article L 160-1 du code de la sécurité sociale
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa prévoyant que la personne qui demande un regroupement familial doit disposer d’une assurance maladie pour elle-même et pour les membres de sa famille.
Je l’ai déjà dit : une telle disposition n’a pas de sens ! En vertu du principe de territorialité posé par le code de la sécurité sociale, la famille du demandeur est affiliée au régime de protection sociale de l’État où elle réside. Des personnes qui ne vivent pas en France ne peuvent donc pas être affiliées à la sécurité sociale française. Ce n’est pas possible.
Il est bien sûr possible d’être assuré de manière privée, ce qui est la plupart du temps le cas dans les pays d’où proviennent ces personnes. Le plus souvent, il n’est pas possible de contracter en France une assurance sans avoir un titre de séjour.
Un tel ajout n’a donc strictement aucun sens. Il crée une situation qui rend de facto les conditions impossibles à remplir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous avons souhaité introduire – vous le comprenez bien – une condition de ressources effectives. Nous prévoyons que celles-ci soient « régulières », d’où notre désaccord sur la désindexation.
Vous vous êtes interrogée, madame Vogel, sur ce critère de régularité. Nous avons en fait repris la directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, qui fait référence à cette notion. C’est pour cela que nous l’avons intégrée.
En ce qui concerne le régime d’assurance maladie, nous pouvons émettre deux hypothèses. Dans la première, la personne à l’origine du regroupement familial serait en mesure de fournir une couverture maladie dont bénéficierait celui qui ferait l’objet du regroupement. Dans la seconde, c’est-à-dire dans le cas contraire, situation qui serait a priori relativement plus rare, il y aurait en effet besoin de bénéficier d’une couverture médicale privée.
Ce dernier cas est tout à fait assumé, puisque nous ne voulons pas que des personnes puissent venir sur notre territoire dans des conditions où, par définition, elles ne pourraient pas bénéficier d’une couverture médicale, ce qui représenterait une charge en matière de solidarité nationale.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 338 rectifié, présenté par M. Tabarot, Mme Aeschlimann, MM. Allizard, Bacci, Bas, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J. B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Bruyen, Burgoa et Cambon, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot et Perrin, Mmes Pluchet, Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol et Somon, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel, Bouloux, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« 5° Il justifie d’une somme d’argent destinée à assurer son installation, dont le montant est adapté à la taille de sa famille. » ;
…° La section 2 du chapitre IV du titre III du livre IV est complétée par un article L. 434-9-… ainsi rédigé :
« Art. L. 434-9-…. – La somme d’argent mentionnée au 5° de l’article L. 434-7 est indexée sur le salaire minimum interprofessionnel de croissance à temps complet et équivaut à quatre mois de salaire pour une famille de deux personnes et à six mois de salaire pour une famille de trois personnes. Au-delà du troisième membre de la famille, ce seuil est majoré d’un montant équivalent à un mois de salaire minimum supplémentaire pour chacune des personnes faisant l’objet d’une procédure de regroupement familial. Le demandeur apporte par écrit la preuve qu’il dispose des fonds. Ces fonds ne peuvent résulter d’un emprunt ou de toute autre immobilisation. Ils sont immédiatement disponibles pour subvenir aux besoins de la famille. Un imprimé officiel et identifiable d’un établissement bancaire situé en France doit faire apparaître l’existence de ces fonds, les informations de son titulaire et ses moyens de paiements. Ce document précise également tous soldes, prêts, dettes et impayés le concernant ainsi que la date d’ouverture des comptes, leur solde moyen sur six mois et leur solde actuel. »
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cet amendement vise à créer un fonds d’installation préalable au regroupement familial.
Avis de sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 514 rectifié, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Belin, Duffourg, Klinger et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Reynaud et Laugier, Mme Berthet, MM. Genet et Favreau, Mmes Jacques et Bellurot, MM. Tabarot, Gremillet et Menonville, Mme Canayer et M. Khalifé, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Il justifie d’un examen médical, pour chaque personne faisant l’objet d’une demande de regroupement familial, réalisé dans le pays d’origine datant de moins de trois mois. Les modalités de cet examen médical sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Actuellement, un examen médical est obligatoire dans le cadre du regroupement familial. Il peut être effectué dans le pays d’origine si une antenne de l’Ofii est présente et l’organise. C’est le cas notamment au Maroc, au Cameroun, au Canada, au Mali, au Sénégal, en Tunisie, en Turquie ou en Roumanie. En l’absence d’antenne, la visite médicale a donc lieu non pas sur place, mais après l’arrivée de la famille en France.
Les candidats au regroupement familial bénéficient ainsi d’un visa temporaire, afin d’effectuer cette visite médicale. Cette dernière permet de vérifier l’état de la vaccination ou encore certains risques, comme la tuberculose. Elle a pour objet de s’assurer que les conditions médicales autorisant le séjour en France sont bien remplies.
Si ces conditions ne sont pas remplies, qu’advient-il alors des candidats à l’entrée ? Normalement, ils doivent retourner dans leur pays d’origine, mais, dans beaucoup de cas, ils restent sur le territoire national et s’inscrivent dans la clandestinité.
Pour prévenir une telle situation, l’amendement vise à instaurer un contrôle médical préventif dans le pays d’origine, comme l’Ofii le fait déjà là où elle dispose d’antennes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous comprenons l’intention de Mme Aeschlimann et des cosignataires de cet amendement. Malheureusement, compte tenu de la rédaction qui est proposée, un tel examen médical n’aurait en réalité aucune conséquence du point de vue du séjour.
La commission demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je comprends bien la problématique que soulève Mme la sénatrice : je constate aussi cette absence de conséquences. Peut-être pourrions-nous adopter cet amendement si vous acceptiez l’idée de l’assortir, lors de la navette parlementaire, de sanctions ou d’autres effets, comme l’a indiqué Mme la rapporteure.
Sur le principe, l’avis du Gouvernement est favorable.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. Madame Aeschlimann, l’amendement n° 514 rectifié est-il maintenu ?
Mme Marie-Do Aeschlimann. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er B, modifié.
(L’article 1er B est adopté.)
Après l’article 1er B
Mme la présidente. L’amendement n° 380 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 434-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Pour les couples homosexuels composés d’au moins une personne résidant ou originaire d’un pays où les couples homosexuels ne peuvent pas se marier, par son partenaire ou sa partenaire avec lequel l’étranger a conclu un partenariat civil avant sa venue en France ;
« …° Pour les couples homosexuels composés d’au moins une personne résidant ou originaire d’un pays où les couples homosexuels ne peuvent ni se marier ni conclure un partenariat civil, par son partenaire ou sa partenaire avec lequel l’étranger menait une vie commune suffisamment stable et continue sa venue en France. »
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à rendre possible le regroupement familial pour les couples de même sexe quand existe un partenariat civil, si ce dernier est possible dans le pays où se trouve le conjoint, ou quand il peut être fait la preuve d’une vie commune, si ni mariage ni partenariat civil ne sont possibles.
Pendant l’examen en commission, Mme la rapporteure m’a indiqué avoir trouvé mon amendement bizarre : pourquoi se limiter aux couples de même sexe et donc exclure les couples hétérosexuels ? L’explication est que de nombreux pays dans le monde vivent dans la situation dans laquelle, chers collègues de droite, vous vouliez que la France demeure avant 2013, c’est-à-dire où le mariage pour tous n’existe pas et où les couples de même sexe ne peuvent pas se marier. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Nous souhaitons donc corriger une discrimination. (Mêmes mouvements.)
Vous auriez aimé – je le sais bien – que la France reste dans l’état antérieur, mais vous avez perdu : désormais, le mariage pour tous est possible en France. Or, dans de nombreux pays dont sont issues les personnes qui ont droit au regroupement familial, le mariage de couples de même sexe est interdit.
Le dispositif actuel est donc purement discriminatoire. Certes, il existe une circulaire qui vise à reconnaître certains cas particuliers, mais apporter des garanties par la loi revient à donner plus de sécurité.
Afin de garantir la non-discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et l’égalité des droits, établies par la Constitution et par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, cet amendement a pour objet de rendre impossibles les différences d’accès au regroupement familial entre couples hétérosexuels et homosexuels.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous avons bien compris l’objet de votre amendement. Ses dispositions sont cohérentes, logiques et, bien entendu, tout à fait respectables. Toutefois, nous émettrons un avis défavorable, pour deux raisons.
D’une part, la rédaction de l’amendement pose des problèmes juridiques, parce que vous créez une asymétrie inverse, c’est-à-dire une situation de discrimination à l’égard des couples non homosexuels.
D’autre part, et c’est ce qui me semble l’argument principal, il s’agit d’un problème qui ne se pose pas. Je ne vois pas de raison de créer des difficultés pour des motifs totémiques. En effet, la situation est parfaitement connue. Chacun sait qu’à travers le monde les situations peuvent être extrêmement différentes en la matière.
Notre pays l’a pris en compte. La circulaire du 10 septembre 2010 a permis l’ouverture du droit au séjour aux étrangers entretenant une relation dûment attestée et durable. En effet, il paraît tout de même normal de vérifier que la relation soit durable ! Ces conditions permettent simplement de contrôler la réalité des liens entre deux étrangers pour éviter une voie de contournement des conditions actuelles du droit au séjour. Nous avons le sentiment que la situation est stable et, à notre connaissance, la mise en œuvre de cette circulaire n’a pas connu de difficultés ; aucune anomalie ne nous est remontée.
Même si nous comprenons parfaitement l’esprit de l’amendement que vous défendez, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est évidemment favorable à cet amendement. Nous précisons que le Ceseda reconnaît déjà les partenaires civils et les concubins en matière de réunification familiale. Il est donc important que la loi entre en cohérence et que le regroupement familial ne passe pas uniquement par une circulaire, afin de clarifier ce droit.
En effet, de nombreux couples sont concernés. Il existe encore beaucoup de pays où les unions homosexuelles ne sont pas reconnues. Les couples y vivent parfois dans des situations difficiles, voire sont mis en danger. Garantir dans le droit français le fait qu’ils puissent avoir droit au regroupement familial est donc une bonne disposition.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 380 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er C (nouveau)
Après l’article L. 434-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 434-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 434-7-1. – L’autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial est délivrée à l’étranger sous réserve qu’il justifie au préalable, auprès de l’autorité compétente, par tout moyen, d’une connaissance de la langue française lui permettant au moins de communiquer de façon élémentaire, au moyen d’énoncés très simples visant à satisfaire des besoins concrets et d’expressions familières et quotidiennes. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 162 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 381 rectifié est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 450 est présenté par M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour présenter l’amendement n° 162.
Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er C, dont l’objet est, une fois encore, de restreindre le regroupement familial. Cette fois-ci, il s’agit de conditionner le regroupement non pas à un examen médical préalable, mais à un niveau de langue.
Nous aurons sans doute tout à l’heure un débat plus approfondi encore autour de cette exigence de maîtrise du français. Nous considérons pour notre part la langue comme un facteur d’intégration, et non d’exclusion. Nous reviendrons à la fois sur le niveau de français qu’il conviendrait d’atteindre et sur la manière dont la maîtrise est contrôlée.
Il est question dans cet article d’exiger un niveau de langue « au préalable » de l’entrée sur le territoire : il est demandé à la personne qui vise un titre de séjour de disposer d’un certain niveau de langue non pas en France, mais avant même son arrivée.
La mesure nous paraît disproportionnée. On peut d’ailleurs se demander ce qu’elle deviendrait si on l’appliquait à nos propres expatriés. Demanderait-on à leur conjoint d’apprendre préalablement le mandarin ou toute autre langue ? Ce ne serait évidemment pas le cas.
Au-delà du parti pris d’exclusion, que nous dénonçons, des questions se posent en matière d’efficacité et de discrimination. Comment fait-on dans certains pays pour acquérir ce niveau de langue ? Pour trouver des structures qui permettent d’apprendre le français ? Nous savons très bien que les États en question sont des pays ruraux ; on ne va pas y pratiquer le e-learning ! Comment fait-on pour payer l’enseignement du français ? Là encore, d’un État à l’autre, la situation est très différente.
Mme la présidente. Il faut conclure, madame Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Parce que cet article est discriminatoire, inefficace et disproportionné, nous en proposons la suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 381 rectifié.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement, identique à celui qui vient d’être présenté, vise aussi à supprimer l’article, pour des raisons similaires à celles que ma collègue a exposées.
Premièrement, il est impossible de mettre en œuvre des politiques qui conduiraient tout le monde à avoir accès à travers la planète à des cours de français permettant d’accéder au niveau de langue requis avant d’arriver en France.
D’ailleurs, comme cela a été souligné, personne ne le fait pour les Françaises et les Français qui s’expatrient. Il serait bien difficile d’exiger des Français qui rejoignent leur conjoint en Chine de maîtriser parfaitement le mandarin auparavant ! Nous trouverions cela extrêmement discriminatoire. Je peux vous l’assurer, parce que je les représente et que je les connais bien : de nombreuses Françaises et de nombreux Français qui vivent à travers le monde et qui ont bénéficié de regroupements familiaux ne maîtrisaient pas avant d’arriver dans le pays de résidence sa langue. (Mme Cécile Cukierman acquiesce.)
Deuxièmement, l’accès à l’éducation est très difficile dans de nombreux pays du monde. J’aimerais bien savoir comment nous ferions pour exiger que les femmes afghanes qui ne peuvent pas aller à l’école suivent des cours de français et maîtrisent le niveau B2 avant d’arriver en France.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Très bien !
Mme Valérie Boyer. Elles ne sont pas concernées !
Mme Mélanie Vogel. Troisièmement, je ne comprends pas ce que vous faites des enfants dans votre affaire. De facto, ils sont couverts par le regroupement familial. Expliquez-moi alors comment exiger d’enfants de 2 ans et demi qu’ils maîtrisent un certain niveau de français quand déjà ils ne maîtrisent pas la langue de leur pays de résidence, parce qu’ils ne maîtrisent pas la langue tout court !
Votre dispositif est donc absurde. S’il venait à être voté, il créerait des situations que nous-mêmes n’accepterions jamais de la part de n’importe quel pays à l’égard de nos compatriotes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 450.
Mme Cécile Cukierman. D’abord, sur le fond de la rédaction de l’article, je souhaite bon courage à celui qui interprétera la notion « d’expressions familières et quotidiennes ». Même entre nous, nous aurions beaucoup de mal à définir ces expressions familières et quotidiennes qu’il faudrait savoir maîtriser pour être autorisé à séjourner en France !
Nous avons là toute une série d’articles qui ont été ajoutés par la commission avant l’article 1er. Ils me laissent à penser une chose : s’ils étaient tous adoptés, je ne comprendrais pas pourquoi nous continuerions à débattre du texte. De fait, il n’y aurait plus beaucoup de personnes concernées par la moindre régulation : il faudrait être en bonne santé, ne pas avoir de famille, maîtriser le français…
Je pense que nous sommes en train d’écrire au Sénat un projet de loi de facto inapplicable ; je ne dirais pas que c’est voulu… Certes, du temps même de la grandeur de l’Alliance française, l’apprentissage et la maîtrise de notre langue avant de séjourner en France n’étaient pas offerts à toutes et à tous. Mais je pense très sincèrement que, là encore, nous nous détournons de la réalité du problème.
À l’heure actuelle, le véritable enjeu pour une partie des étrangers qui viennent en France est celui des moyens que nous leur donnons pour pouvoir acquérir et maîtriser réellement la langue, et pas simplement pour se débrouiller et pour maîtriser quelques expressions de la vie quotidienne. Le constat nous renvoie au débat de la semaine dernière : maîtriser la langue, c’est s’intégrer dans une société.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission pense aussi que maîtriser la langue revient à s’intégrer dans une société. C’est pourquoi elle a adopté l’article 1er C.
Vous vous étonnez du degré de maîtrise de la langue qui est demandé. Il correspond au niveau A1 du référentiel européen. Il est donc parfaitement défini.
Vous vous étonnez également du dispositif lui-même. Il a déjà existé de manière bien plus contraignante avec le précontrat d’accueil et d’intégration (« pré-CAI »), qui imposait de prendre des cours de français. Dans cet article, il est seulement imposé de justifier « par tout moyen » de ce niveau A1, quelque peu élémentaire.
Par conséquent, nous proposons des dispositifs qui ont déjà existé et fait leurs preuves. Ils avaient été supprimés non parce qu’ils ne fonctionnaient pas, mais parce que la majorité en place à l’époque en avait décidé ainsi, pour des raisons guère plus objectives que celles que vous nous reprochez aujourd’hui.
C’est pourquoi nous souhaitons maintenir cet article.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. En effet, je pense que nous ne parlons pas du même article… Lorsque Mme Vogel est intervenue, elle a assuré qu’il fallait que les personnes maîtrisent parfaitement le français. Ce n’est pas ce qui est écrit dans l’article 1er C : « L’autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial est délivrée à l’étranger sous réserve qu’il justifie au préalable, auprès de l’autorité compétente, par tout moyen, d’une connaissance de la langue française lui permettant au moins de communiquer de façon élémentaire, au moyen d’énoncés très simples visant à satisfaire des besoins concrets et d’expressions familières et quotidiennes. » Il ne s’agit pas de maîtriser « parfaitement » le français !
Madame Vogel, vous demandiez comment faire avec les femmes afghanes. Les femmes afghanes – pardon de le préciser – ne relèvent pas du regroupement familial, dont nous parlons au travers de cet article, mais de la réunification familiale, en tant que réfugiées. Dans les pays qui poussent à demander l’asile et dans lesquels sont commises des persécutions, il est évident que nous ne demanderons pas que les personnes prennent des cours de français avant d’accepter leur réunification familiale. L’article a seulement trait aux gens qui relèvent du regroupement familial, selon la distinction qui n’a pas été faite précédemment par le sénateur Ravier.
Il ne faut pas caricaturer le dispositif. Comme l’a évoqué Mme la rapporteure, il a déjà existé à partir de novembre 2007. La majorité socialiste ne l’a supprimé qu’en décembre 2016, dans les six derniers mois de la présidence de M. Hollande, preuve qu’il a été possible de vivre les quatre cinquièmes de son quinquennat avec le « pré-CAI » sans que la République se soit effondrée !
Il est vrai que d’autres pays ont mis en place ce même dispositif. Puisque vous parliez d’exemples à l’étranger, il est demandé en Allemagne pour le regroupement familial que les personnes parlent de façon élémentaire l’allemand ; elles ont le droit de se présenter à trois tests avant de prétendre au regroupement. Le gouvernement allemand réunit socialistes et verts ; je n’ai pas eu l’impression qu’il avait dénaturé profondément leur politique d’intégration…
Des points peuvent être améliorés, parce que notre dispositif a une limite : il faut déterminer où se prennent les cours de français. Que prévoyait le « pré-CAI », dont sont inspirées, j’imagine, les dispositions prévues par la commission des lois ? Lorsque l’on opposait un refus à une personne parce qu’elle ne maîtrisait pas de manière élémentaire la langue, il fallait lui fournir des cours. L’Ofii le fait extrêmement bien ; le sénateur Karoutchi pourrait en témoigner.
La question se pose pour les pays où ne se trouve pas l’Ofii. Mme la députée Jacquier-Laforge a proposé l’année dernière qu’il soit possible d’assurer ces cours soit de manière numérique – comme cela a été indiqué, ce ne serait possible ni partout ni tout le temps, donc forcément imparfait – soit dans les antennes de l’Alliance française.
On peut tout à fait imaginer retravailler la mesure en renvoyant à un décret les dispositions concrètes de son application. Ce renvoi permettrait de prévoir des exceptions, du moins des corrections, là où il n’est pas possible de suivre en ligne ses études ou d’avoir accès à l’Ofii, là où l’Alliance française est absente – avouez que peu de pays sont concernés – et dans les cas qui ne relèvent pas de l’asile, donc de la réunification familiale.
En tout cas, il me semble que le texte écrit par la commission des lois est frappé au coin du bon sens. Le Gouvernement le soutient et émet un avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Premièrement, je ne suis pas convaincu par cette démonstration. En effet, j’essaie seulement de m’imaginer les cas en pratique. Même s’il existait un certain nombre de centres qui permettraient d’assurer, si elle était demandée, une formation à quelques mots du langage quotidien qui restent à déterminer, ils ne pourraient pas forcément s’ouvrir à la totalité des personnes qui souhaiteraient dans les pays en question bénéficier du regroupement familial.
Par ailleurs, je suppose qu’il s’agit de pays où il n’est pas forcément facile de se déplacer ni de suivre des cours à distance, où n’existent ni la possibilité ni même l’habitude de disposer de lieux de formation ou d’écoles pour y apprendre ne serait-ce que le langage courant aux enfants.
Deuxièmement, je ne comprends pas un point ; j’aimerais avoir une précision de Mme la rapporteure. Cette dernière indiquait qu’une telle mesure avait existé et avait fonctionné, donnant des résultats. Du fait du peu de regroupements familiaux qui sont demandés, puisque, M. le ministre le précisait précédemment, ils ne se comptent pas en dizaines de milliers, j’aimerais savoir si une quelconque estimation a été faite sur toutes les mesures restrictives que nous avons prises pour savoir combien de personnes seraient concernées et si le résultat escompté serait atteint.
En effet, l’objectif est très simple : il s’agit non pas d’intégrer, parce que les personnes en question ne sont pas en France, mais d’essayer d’empêcher par la dissuasion un certain nombre de regroupements familiaux et de diminuer le nombre de personnes qui arriveront à ce titre dans notre pays. En réalité, il n’y a pas d’autre raison !
Puisqu’une mesure a existé, dans des termes différents, et a donné des gages de réussite, avons-nous depuis sa suppression en 2016 assisté à une augmentation substantielle des regroupements familiaux ? (Sourires sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. Je veux simplement que mes collègues imaginent ce que cette mesure représenterait si nous la transposions à la réalité de Françaises et de Français qui vivent dans d’autres pays. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Même si je sais que mon propos ne vous intéresse pas, chers collègues de droite, il se trouve que les humains qui vivent dans d’autres pays sont les mêmes que les Français qui vivent en France. Nous sommes pareils ! C’est donc bien de pouvoir se figurer ce que cette mesure signifie.
Prenez par exemple un Français ou une Française qui partiraient au Japon pour travailler dans une entreprise. Très souvent, ces personnes parlent anglais, et non le japonais ; je peux vous l’assurer. Imaginez ce que vous seriez en train de leur demander. D’abord, la personne ne verrait pas son conjoint ou sa conjointe pendant deux ans. Ensuite, il lui faudrait avoir une assurance privée, avoir des mètres carrés, être en régularité… Enfin, il faudrait que la personne en France maîtrise le niveau A1 en japonais avant d’aller rejoindre son conjoint au Japon.
Imaginez ! Prenez simplement cinq minutes – vous n’êtes pas obligés de nous décrire le résultat – pour vous rendre compte du résultat concret dans votre vie si une mesure pareille vous était imposée. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio proteste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 162, 381 rectifié et 450.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 382 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 434-7-1. – Sous demande, l’autorité administrative compétente donne des renseignements sur les cours de langues proposés dans la région à l’étranger qui se voit autoriser d’entrer en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial. »
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Plutôt que de faire l’infaisable, c’est-à-dire de mettre en place un système d’éducation mondiale dans lequel tout le monde aurait accès à des cours de français partout sur la planète, cet amendement vise à faire quelque chose de faisable : permettre que les autorités consulaires informent les ressortissants des pays tiers de la disponibilité de cours de français dans le pays dans lequel ils vivent, afin de les orienter. Ça, c’est faisable ; tout le reste est inapplicable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les regroupés familiaux bénéficient – je le rappelle – du contrat d’intégration républicaine (CIR), qui vise à suivre des cours de langue.
Mme Mélanie Vogel. Lorsqu’ils sont en France !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Évidemment, il ne s’agit pas d’indiquer quels cours existent à l’étranger ! Il ne peut s’agir pour la France que de dispenser des cours sur son territoire.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er C.
(L’article 1er C est adopté.)
Après l’article 1er C
Mme la présidente. L’amendement n° 101 rectifié quater, présenté par MM. L. Vogel, V. Louault et Longeot, Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et Médevielle, Mme Lermytte, MM. Brault, A. Marc, Rochette, Somon, Courtial et Guerriau, Mme Aeschlimann, MM. Wattebled, Verzelen et Fialaire, Mmes Romagny et L. Darcos et MM. Pellevat, Malhuret et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le onzième alinéa de l’article L. 120-2 du code du service national, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° De participer à la conception des contenus relatifs à la formation civique, historique et linguistique visant à une meilleure intégration des étrangers par la langue et le travail. »
La parole est à M. Louis Vogel.
M. Louis Vogel. La signature d’un contrat d’intégration républicaine est un enjeu essentiel de cohésion sociale. C’est dans cet esprit que j’ai proposé que l’on utilise le service national universel (SNU) comme facteur d’intégration.
En effet, il faut enfin passer d’une logique d’immigration par les droits à une logique d’immigration par les devoirs et fonder la démarche migratoire sur un véritable pacte de réciprocité entre, d’une part, l’état d’accueil et, d’autre part, l’intéressé, qui s’engage à participer au projet national par le travail, par la maîtrise de la langue et par l’intégration.
Puisque le pouvoir réglementaire déterminera la portée et le contenu des formations qui sont visées à cet article, je retire mon amendement. Toutefois, je souhaite connaître les intentions du ministre en la matière.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, je ne suis pas le ministre compétent sur ce sujet, qui relève en l’occurrence de la direction générale des étrangers en France (DGEF).
Comme vous, sans présumer de la réponse que pourrait donner le Quai d’Orsay, je suis favorable à l’idée de parvenir à l’intégration ou à une meilleure intégration, par les devoirs et par l’engagement citoyen, notamment par l’Agence du service civique.
Même s’il existe d’autres dispositifs, j’ai compris votre idée générale. Je n’y vois que du positif. Peut-être que, dans la suite des débats, demain ou après-demain, je pourrai vous fournir des éléments en provenance de la ministre chargée de cette question.
Article 1er D (nouveau)
La section 3 du chapitre IV du titre III du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° Après l’article L. 434-10, il est inséré un article L. 434-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 434-10-1. – Le maire de la commune de résidence de l’étranger ou le maire de la commune où il envisage de s’établir procède à la vérification des conditions de logement et de ressources dans un délai fixé par décret.
« En l’absence de réponse à l’issue du délai mentionné au premier alinéa, l’avis est réputé défavorable. » ;
2° Après l’article L. 434-11, il est inséré un article L. 434-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 434-11-1. – Lorsque les éléments recueillis au cours de l’instruction sont de nature à faire suspecter le caractère frauduleux de la demande ou l’existence de fausses déclarations, l’autorité compétente pour instruire la demande de regroupement familial peut demander au maire de la commune de résidence de l’étranger ou au maire de la commune où il envisage de s’établir de procéder à la vérification sur place des conditions de logement et de ressources. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 36 rectifié est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 98 rectifié est présenté par MM. Laouedj, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guérini, Guiol et Roux, Mme Girardin, M. Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset.
L’amendement n° 163 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 322 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 36 rectifié.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, vous avez dit qu’il appartenait aux maires de vérifier les conditions de ressources, ce qui est vrai, et les conditions de résidence. Vous avez aussi souligné les difficultés liées à cet exercice.
Cet article va encore renforcer le rôle des maires en la matière. Il me semble même que l’Ofii pourra saisir les maires aux fins d’effectuer ces vérifications. Comment ces derniers pourront-ils exercer ces contrôles sans disposer des moyens nécessaires ? Une fois encore, l’État se déresponsabilise et s’en remet aux élus locaux sans leur permettre d’assurer leurs missions.
Pour ces raisons, nous vous proposons de supprimer cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 98 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Cet article prévoit de durcir les conditions d’accès au regroupement familial. Le nouveau dispositif aurait un effet prétendument incitatif vis-à-vis et des demandeurs et des communes concernées.
Toutefois, cet effet incitatif nous semble très discutable, voire inexistant pour les communes dans la mesure où les maires ne sont pas tenus par une obligation formelle d’effectuer ces contrôles ni d’établir un processus structuré à cet effet.
Le dispositif en vigueur nous paraît largement suffisant. Il revient déjà aux maires de s’assurer que les conditions de ressources et de logement sont effectivement remplies. Dans ce cadre, des agents peuvent être mobilisés pour effectuer une visite du logement et vérifier que celui-ci satisfait aux normes minimales de confort et d’habitabilité requises.
Un tel dispositif responsabilise autant que nécessaire les communes sans en surcharger les services. Il permet également de respecter le droit et la dignité des familles, qui se trouvent déjà en situation difficile du fait de l’éloignement auquel elles sont confrontées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour présenter l’amendement n° 163.
Mme Colombe Brossel. Au-delà de ce qui vient d’être rappelé sur le rôle des maires dans la vérification des conditions de ressources et de logement, le principal « apport » de la commission, vis-à-vis du projet de loi initial, est l’inversion de la charge de la preuve. Dans le droit existant, sans réponse dans le délai de deux mois, l’avis est réputé favorable ; la commission, dans un souci de restreindre au maximum les procédures de regroupement familial, propose désormais que cette absence de réponse vaille avis défavorable.
Une telle inversion est absolument incroyable ! Quand bien même les personnes ayant entamé des démarches de regroupement familial répondraient aux exigences de ressources et de logement, cette absence de réponse leur serait opposable et équivaudrait à un refus !
Un tel dispositif risque de nous mettre collectivement en situation de fragilité démocratique : un ou plusieurs maires pourraient refuser systématiquement de répondre aux demandes dans les délais impartis pour des raisons idéologiques, par pure opposition au regroupement familial, quand bien même les conditions seraient remplies. Supprimons cet article !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 322 rectifié.
M. Guy Benarroche. Permettez-moi une taquinerie : on peut se demander si une telle inversion de la charge de la preuve ne vise justement pas à réduire le nombre de regroupements familiaux. Si certains maires ne répondaient pas dans les délais impartis, le véritable objectif n’en serait donc que plus facilement atteint…
Ce texte est fait non pour améliorer notre législation sur les conditions d’accueil et d’intégration, mais pour contrôler les flux migratoires, notamment au travers des regroupements familiaux, y compris par des voies détournées.
Toutefois, n’oubliez pas la Convention européenne des droits de l’homme, dont l’article 8 garantit le droit au respect de la vie privée et familiale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Mes chers collègues, vos reproches sont vifs et excessifs.
L’obligation faite aux maires de vérifier les conditions de logement et de ressources est à la fois ancienne et très imparfaitement respectée sur le territoire, ce qui n’est pas acceptable.
Par ailleurs, nous savons que l’Ofii n’a pas les moyens de prendre le relais et d’effectuer l’ensemble des contrôles auxquels il aurait fallu procéder.
Pour ces raisons, nous avons proposé d’inverser la charge de la preuve. Nous espérons que les collectivités seront en mesure de mener les recherches nécessaires.
Monsieur Benarroche, vous soupçonnez des calculs épouvantables derrière le dispositif, en indiquant que cela pourrait même poser problème au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il n’en est évidemment rien : nous n’avons ni modifié les dispositions applicables ni imposé un avis conforme des maires.
Les politiques de regroupement étant régaliennes, elles sont entre les mains de l’État. Si nous avions imposé un avis conforme des maires, plutôt que strictement consultatif, notre système aurait été parfaitement hétérogène. Votre inquiétude est infondée : au bout du bout, le préfet prendra seul la décision.
En définitive, les modifications de fond sont bien moins importantes que ce que vous prétendez. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces quatre amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 36 rectifié, 98 rectifié, 163 et 322 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 383 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
1° Remplacer le mot :
procède
par les mots :
peut procéder
2° Après le mot :
logement
supprimer la fin de cet alinéa
II. – Alinéa 4
Remplacer le mot :
défavorable
par le mot :
favorable
III. – Alinéas 5 à 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
À l’article L. 434-11, les mots : « et après que le maire a vérifié » sont remplacés par les mots : «. Le maire peut vérifier ».
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement, qui est assez similaire aux amendements de suppression, tend à réécrire l’article pour revenir sur l’inversion de la charge de la preuve introduite par la majorité sénatoriale.
J’ai bien compris que l’avis du maire était consultatif, monsieur le rapporteur. Reste que, si on le demande, c’est bien qu’il a une utilité dans cette procédure. De plus, nous ignorons tout du délai, qui sera fixé par décret.
Les maires, qui doivent effectuer de telles vérifications, n’ont pas que cela à faire. Dans certains cas, les délais ne seront pas respectés du fait de l’engorgement des mairies et du manque de moyens humains pour effectuer les contrôles, alors même que les conditions de logement et de ressources seraient réunies. Cela reviendrait en quelque sorte à refuser le baccalauréat à tous les élèves parce que les profs n’ont pas eu le temps de corriger les copies !
Par ailleurs, il deviendra alors très facile aux maires opposés au regroupement familial de choisir de ne pas faire de vérifications et de ne pas donner d’avis, ou plutôt de donner un avis défavorable par défaut, sans raison substantielle.
C’est pour une raison simple que l’avis de l’administration est réputé favorable quand elle n’a pas répondu : inverser la charge de la preuve reviendrait à placer les personnes en situation de vulnérabilité totale face aux manquements de l’administration.
En l’espèce, le maire n’a pas constaté de problème ; c’est le travail qui n’a pas été fait. Le fait que l’administration assume la charge de la preuve est un principe de base du droit public. Mettre de la sorte en danger le droit fondamental au regroupement familial est extrêmement inquiétant.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Bazin et Daubresse, Mme Dumas, M. Mandelli, Mme V. Boyer, M. Reichardt, Mmes Belrhiti et Dumont, MM. E. Blanc, Brisson, Somon, Belin et Courtial, Mme Di Folco, MM. Bouchet et Paccaud, Mme Borchio Fontimp, M. Pointereau, Mme Bellurot, MM. Meignen, Frassa, Burgoa, Piednoir et J.P. Vogel, Mmes Demas, Micouleau, Aeschlimann, F. Gerbaud et Josende, M. Anglars, Mme Noël, MM. Genet et Bas, Mmes Drexler et Joseph et MM. Chatillon, de Nicolaÿ, Grosperrin et Savin.
L’amendement n° 367 rectifié bis est présenté par MM. Duffourg, Verzelen et Hingray, Mme Devésa, M. Chasseing, Mme Guidez et M. Wattebled.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Après le mot :
procède
insérer le mot :
systématiquement
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. L’article 1er D dispose : « Le maire de la commune de résidence de l’étranger ou le maire de la commune où il envisage de s’établir procède à la vérification des conditions de logement et de ressources. »
À mon sens, il est de la responsabilité des maires de vérifier ce qu’il se passe dans leur commune. J’ai été maire, comme M. le ministre ; tout le monde ne l’a pas été ici. (Murmures sur les travées des groupes SER et GEST.)
Il est essentiel de vérifier les conditions de logement et de ressources de celles et ceux qui vont rejoindre leur mari ou leur femme sur notre territoire. Il est de la responsabilité du maire d’éviter que les gens ne soient accueillis dans de très mauvaises conditions.
Cet amendement vise donc à demander une vérification systématique des conditions de ressources par le maire, qui doit s’engager. Nous déplorons dans nos villes, en particulier en banlieue parisienne, des conditions d’accueil extrêmement indignes et des conditions de ressources insuffisantes, qui ne permettent pas aux familles concernées de vivre décemment. On ne peut exonérer les maires de cette responsabilité.
Vous l’avez souligné, il y a des choix politiques : certains sont pour le regroupement familial ; d’autres y sont opposés. Par contre, le contrôle des déclarations est une donnée objective.
Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled, pour présenter l’amendement n° 367 rectifié bis.
M. Dany Wattebled. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 622, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 3
Remplacer le mot :
décret
par les mots :
le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L. 434-12
II.- Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En l’absence d’avis rendu dans ce délai, il est réputé défavorable. » ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.
Madame Vogel, le délai prévu est de deux mois. Votre amendement n° 383 rectifié tend à rendre facultative la vérification des conditions d’accueil par les maires, quand les amendements identiques nos 2 rectifié bis et 367 rectifié bis, visent à le rendre systématique. Nous ne sommes favorables à aucune de ces options.
Rendre cette vérification strictement facultative serait un recul : si l’on veut mettre en place une politique d’intégration réussie, quoi de plus normal que de s’intéresser aux conditions d’hébergement et de ressources ? La diligence demandée aux communes nous semble pertinente.
Rendre cette vérification systématique pose également problème. En pratique, cette obligation n’est pas respectée. Mes chers collègues, quelle serait la sanction si nous la rendions obligatoire ? Il n’y en a aucune. Or il n’est jamais très bon de prévoir des obligations que l’on n’est pas en mesure de faire respecter. Il ne nous resterait qu’à nous en remettre au préfet et à ses services…
Pour ces raisons, la commission est défavorable aux trois amendements proposés par nos collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Avis favorable sur l’amendement n° 622.
Avis défavorable sur l’amendement n° 383 rectifié.
Avis de sagesse sur les amendements identiques nos 2 rectifié bis et 367 rectifié bis.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. M. le rapporteur a demandé où était la sanction. C’est pourtant simple. L’avis étant réputé défavorable si le maire n’a pas répondu dans le délai, il y a bel et bien sanction, mais pour la personne qui n’est responsable de rien, et non pour le maire ! C’est bien ce qui nous choque !
Dans cette assemblée, nous passons notre temps à nous plaindre de tout ce que l’État exige des maires sans leur confier les moyens humains et financiers nécessaires pour tout accomplir. Et nous continuons de demander aux maires de remplir des obligations dont vous dites vous-même qu’elles ne pourront probablement pas être respectées ! Dans la foulée, nous pénalisons même les personnes qui n’y sont pour rien ! C’est inacceptable et illogique ! (Mme Valérie Boyer proteste.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Le dispositif de la commission me semble tout à fait équilibré.
Nous demandons beaucoup aux maires. L’absence de réponse est sans doute liée à une question de moyens. J’ai été maire pendant une vingtaine d’années ; je vois bien qu’il s’agit d’une nouvelle charge.
Il existe pourtant une façon de régler ce problème : généraliser le fichier domiciliaire, en vigueur en Alsace-Moselle. Si toute personne arrivant dans une commune avait l’obligation de se déclarer, les services de la commune, notamment le maire quand il s’agit d’une petite commune, seraient dispensés de cette visite grâce à la connaissance en amont des nouveaux arrivants.
À défaut, le maire devra se rendre sur place pour vérifier les conditions de logement et de ressources. Ce faisant, on systématise une visite qui serait inutile si nous étendions ce fichier à tout le pays.
Monsieur le ministre, je reviens à la charge sur le sujet comme je l’ai fait avec tous les ministres de l’intérieur qui se sont succédé depuis que je suis sénateur. On me répond régulièrement que ce n’est pas possible ou que les listes électorales sont suffisantes… Cela permettrait pourtant de répondre aux attentes des maires. (M. Olivier Paccaud renchérit.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne suis pas le ministre chargé des collectivités territoriales, monsieur Reichardt !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. La situation est assez ubuesque : le rapporteur vient de nous expliquer très clairement que les maires n’ont ni les moyens ni les compétences pour faire ce contrôle, mais on leur demande tout de même d’émettre un avis ! Pis, on voudrait que l’avis, s’il n’est pas donné, soit réputé défavorable !
C’est invraisemblable ! Je n’en reviens pas ! Si l’on demande un avis, il doit être éclairé. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) La personne consultée doit être en mesure de porter un jugement en ayant pu enquêter et vérifier la véracité de certains faits. En l’espèce, rien ne sera fait, mais l’avis sera défavorable !
Mme Valérie Boyer. Cela existe déjà !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bien sûr !
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Les maires effectuent déjà ce contrôle, monsieur Salmon. Certes, des mairies le font tandis que d’autres non.
Je trouve que l’amendement de Jacqueline Eustache-Brinio est excellent,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bien sûr… (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Valérie Boyer. … car il permet de responsabiliser le maire, qui sera tenu pour responsable si les choses se passent mal par la suite.
Votons cet amendement et réfléchissons à la proposition d’André Reichardt. Il est de la responsabilité du maire de savoir ce qui se passe dans sa commune.
Cet examen préalable doit être rendu obligatoire, car certaines villes ne l’effectuent pas pour des raisons idéologiques. À défaut, le maire se retrouvera avec des problèmes de voisinage.
Peut-être faudrait-il adopter un sous-amendement pour accéder à la demande de M. Reichardt, qui me semble tout à fait compatible avec l’amendement de Mme Eustache-Brinio, que je voterai.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. Ce qui existe, ce sont les contrôles que les maires effectuent. Ce qui n’existe pas, c’est le fait que l’avis soit réputé défavorable s’il n’est pas donné et si les contrôles ne sont pas effectués. (Mme Valérie Boyer proteste.) Or c’est cela que vous voulez changer !
L’amendement de Mme Eustache-Brinio est intéressant : le contrôle devient systématique, mais l’avis reste réputé défavorable s’il n’est pas donné. Implicitement, vous acceptez donc l’idée que les vérifications ne soient pas faites. Si vous aviez voulu être cohérente, vous auriez supprimé l’inversion de la charge de la preuve en cas d’absence d’avis, puisque ce dernier doit être systématiquement rendu !
Pourquoi ne pas faire plus simple et écrire dans la loi que, par définition, l’avis des maires sera défavorable ? (Sourires sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne sais pas si des maires nous écoutent, mais, si c’est le cas, ils doivent être surpris du débat au sein de la Haute Assemblée… (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Comment les choses se passent-elles dans la vie d’un maire ? Actuellement, tout le monde doit faire ces contrôles : soit le maire lui-même, soit les services municipaux auxquels le maire a délégué cette compétence.
Mme Valérie Boyer. Tout à fait !
M. Gérald Darmanin, ministre. Le maire assume cette compétence non pas en tant qu’élu territorial, mais en tant que représentant de l’État et officier d’état civil.
Effectuer ce travail de vérification prend du temps ; il faut envoyer sur place la police municipale, le garde champêtre ou les services d’urbanisme, le cas échéant.
De mon expérience de maire d’une ville de 100 000 habitants, les services vous font remonter les informations : lorsque la même personne formule une huitième demande, c’est qu’il y a un problème. De même, on sait aussi que telle personne est venue demander un emploi à la mairie et qu’elle ne peut donc avoir les ressources qu’elle déclare ou que le nombre de mètres carrés annoncé ne correspond pas au permis de construire qui a été déposé. (Mme Valérie Boyer renchérit.) C’est tout du moins comme cela que les choses fonctionnent dans une mairie qui est gérée de manière normale.
Qu’il y ait des gens qui fraudent ici ou là, c’est toujours possible. Mais, lorsque le maire fait son travail, en lien avec ses services, il est généralement capable de se rendre compte des abus éventuels.
Certains élus ne s’occupent pas de ce sujet et préfèrent déléguer ce contrôle, pas forcément pour des raisons idéologiques ; d’autres ignorent tout simplement qu’ils ont à signer ce genre de documents, souvent parce qu’il y a une délégation de signature, et d’autres enfin s’en occupent eux-mêmes.
La question est de savoir si l’absence de réponse du maire dans le délai emporte avis favorable ou défavorable. L’amendement de Mme Eustache-Brinio est intéressant : j’ai émis un simple avis de sagesse, parce qu’il faudrait se pencher sur les sanctions à appliquer lorsqu’un maire se refuse à effectuer ces contrôles pour des raisons idéologiques. J’ai une idée sur la question, mais je veux encore y travailler d’ici à l’examen du texte à l’Assemblée nationale.
Il est évident que, en cas de carence répétée de l’élu, qui agit en tant que représentant de l’État, comme ce serait le cas pour un maire qui refuserait de prononcer un mariage ou d’ouvrir les bureaux de vote, le préfet prendrait ses responsabilités : après relance du maire, il constaterait la carence et engagerait la responsabilité de l’édile, voire proposerait la déchéance de son mandat. C’est ce qui se passe au cours de nombreux conseils des ministres, lorsque nous constatons que le maire ne fait pas son travail de représentant de l’État.
Par ailleurs, le refus qui découlerait d’un motif ostensiblement idéologique pourrait faire l’objet d’un recours, comme tout acte administratif, même si l’absence de réponse équivaut à un avis défavorable. L’étranger qui estime remplir les conditions de ressources et de logement pourrait donc faire constater son bon droit devant les tribunaux administratifs.
Le maire n’est pas tout-puissant dans sa commune : il est soumis au contrôle du préfet, au contrôle de son opposition municipale, qui serait sans doute alertée, et, surtout, au contrôle du juge.
Sauf à considérer qu’il faudrait des sanctions contre le maire qui refuserait d’appliquer la loi de manière répétée, ce que vous auriez pu proposer au travers d’un sous-amendement, je ne comprends pas l’objet de votre irritation.
Ce qui est certain, c’est que de nombreux élus n’effectuent pas ces contrôles, soit qu’ils connaissent parfaitement leur commune, soit qu’ils ne la connaissent pas… Lorsque j’ai été élu maire, j’ai refusé toute délégation de signature pendant trois mois, afin de signer tous les parapheurs, y compris les bordereaux de facture, et d’avoir ainsi une connaissance exacte de ce qui se passe dans la mairie. C’est de cette façon que j’ai découvert que cette compétence était dévolue aux maires.
Peut-être le travail d’explication des préfets est-il insuffisant. Et les parlementaires, en soulevant cette question aujourd’hui, permettront peut-être qu’elle soit mieux traitée avec les élus.
Si certains élus ne procèdent pas à une telle vérification, c’est parce qu’ils ne savent pas que cette compétence leur échoit, tout simplement ; d’autres, en revanche, organisent le refus systématique des demandes.
Mais je veux poser la question à nouveau : combien y a-t-il de maires qui, contre toute logique, signent toutes les demandes de regroupement familial ? Quelle est la sanction envisagée pour le maire qui les signe absolument toutes ? On peut imaginer que l’idéologie est des deux côtés…
Je pense donc qu’il faut faire un peu confiance aux élus. Si Mme Eustache-Brinio ou la commission, à cette heure tardive, présentaient un sous-amendement visant à instaurer une telle sanction, qui serait applicable d’un côté comme de l’autre, nous pourrions l’examiner. Mais votre demande me paraît satisfaite, madame la sénatrice : à supposer que – au hasard – le maire de Tourcoing n’ait signé aucun document depuis un mois, alors qu’à l’évidence il y a des regroupements familiaux dans sa commune, le préfet ferait son travail en lui demandant des comptes.
On peut faire confiance aux élus locaux. Je m’excuse que ce soit le ministre qui le rappelle à une partie de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je voudrais rappeler que les maires ont l’obligation d’effectuer ces visites. C’est la loi, c’est le droit positif : ils doivent faire ces visites. Que, par ailleurs, ils les fassent ou non, c’est autre chose ; reste qu’ils ont juridiquement, j’y insiste, l’obligation de les faire.
Pour être tout à fait objectif, l’ajout du mot « systématiquement » ne changerait rien à la réalité juridique du droit positif. En revanche, à l’heure actuelle, nulle sanction n’est prévue si les maires ne remplissent pas cette obligation.
Ce qu’ont fait les rapporteurs et la commission, c’est d’inclure dans le texte une disposition en vertu de laquelle l’absence de réponse de la part d’un maire, qui, donc, ne ferait pas le travail dont il est question, entraînerait automatiquement un avis défavorable ; c’est déjà une forme de sanction.
Si l’on veut améliorer encore le système en ajoutant une sanction supplémentaire, il faut quand même réfléchir à la manière dont il faut procéder : c’est important.
Je veux dire surtout aux auteurs de l’amendement n° 2 rectifié bis, et en premier lieu à notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio, qu’en son état actuel le texte prévoit de sanctionner, par un avis réputé défavorable, le maire qui ne fait pas son travail alors qu’il a l’obligation de le faire.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié bis et 367 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 104 rectifié bis, présenté par MM. Brisson, Karoutchi et Mouiller, Mme Lavarde, MM. J.M. Boyer, Burgoa, Pellevat, Bas, Perrin, Rietmann, Pointereau et Reynaud, Mmes Dumont, Borchio Fontimp, Garnier, Micouleau et Bellurot, MM. D. Laurent et Reichardt, Mme Puissat, M. Savin, Mme Evren, MM. Genet et Sol, Mmes Drexler, Goy-Chavent et Belrhiti, MM. Bouchet, Sido et Frassa, Mmes Canayer et P. Martin, MM. Tabarot, Gueret et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bouloux et Mandelli, Mme Josende, M. Paumier et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À ces fins, le maire peut obtenir le soutien de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, ou de toute autre autorité administrative.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Il s’agit de conforter et d’aider les maires dans l’exercice de cette mission qui a donné lieu, à l’instant, à de longs débats, une mission que le maire effectue en tant que représentant de l’État, comme nous l’a rappelé M. le ministre.
Ce dernier vient d’ailleurs de montrer le rôle pivot, essentiel, qui est celui des maires en la matière ; il n’y a là évidemment aucune découverte pour le Sénat.
Cet amendement a pour objet que le maire puisse obtenir le soutien de l’Ofii lorsqu’il lui est demandé de vérifier les conditions de logement et de ressources dans le cadre d’une demande de regroupement familial.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Nous entendons bien ce que nous indiquent M. Brisson et les cosignataires de cet amendement. Mais, à l’heure actuelle – et je partage les positions qui ont été exprimées en ce sens –, c’est au maire qu’il appartient de s’acquitter de cette tâche consistant à vérifier les conditions de logement, notamment, lorsqu’est instruite une demande de regroupement familial. Il le fait pour le compte de l’État, certes, mais c’est bien à lui qu’il appartient de le faire ; c’est d’ailleurs une façon pour lui de mieux connaître sa commune. J’ajoute qu’il est sans doute le mieux placé pour le faire…
L’Ofii n’a pas les moyens d’intervenir : il peut seulement intervenir en dernier ressort lorsqu’une véritable difficulté se pose. D’ailleurs, l’Office ne se projette pas partout en France : toutes les villes de France n’abritent pas une délégation de l’Ofii et celui-ci n’a donc pas la capacité d’aider le maire dans cette tâche autrement qu’en dernier ressort. C’est d’ailleurs plutôt l’Office qui, en cas de suspicion de fraude, demande au maire de vérifier si cette suspicion est ou non avérée.
Nous sommes donc en train d’inverser les choses, mon cher collègue : c’est bien le maire qui doit continuer d’être, me semble-t-il, le premier responsable de la vérification des conditions du regroupement familial.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je comprends l’interrogation de M. le sénateur, même si, pour ma part, je n’avais pas vu les choses ainsi. L’Ofii peut déjà aider ponctuellement les maires, notamment en cas de fraude détectée soit par l’Office soit par le maire.
On pourrait imaginer que cette aide soit formalisée en une possibilité de convention, dans certains endroits – pas partout en France : comme l’a dit Mme la rapporteure, nous n’en aurions pas les moyens – où agissent des filières d’immigration irrégulière ou des marchands de sommeil, par exemple. De telles conventions aideraient les maires en leur donnant des moyens de vérification tout en leur laissant le plein exercice de leur mandat.
Monsieur le sénateur, si vous le souhaitez, je suis prêt, au cours de la navette, à étudier comment l’Ofii pourrait aider ponctuellement quelques maires, dans certains territoires, notamment dans les départements où l’immigration est importante et où l’on trouve beaucoup de marchands de sommeil.
Mme la présidente. Monsieur Brisson, l’amendement n° 104 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Max Brisson. Non, madame la présidente : au bénéfice des explications de Mme la rapporteure et des précisions de M. le ministre, je vais le retirer, dans l’espoir que l’on puisse en effet, par la voie de conventions, donner à l’Ofii la possibilité d’aider les maires dans les endroits où cela est vraiment nécessaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 104 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 164, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
au maire de la commune de résidence de l’étranger ou au maire de la commune où il envisage de s’établir
par les mots :
à l’Office français de l’immigration et de l’intégration
La parole est à M. Christophe Chaillou.
M. Christophe Chaillou. La disposition dont nous débattons me semble marquée d’un double sceau : incohérence et décalage.
L’incohérence, tout d’abord : pendant des semaines, au cours de la campagne sénatoriale, j’ai entendu un certain nombre de candidats, dans mon département du Loiret, dire qu’il fallait cesser de tout demander aux maires, ceux-ci n’ayant pas les moyens de tout faire.
Or, en l’espèce, ce qui est proposé est d’ajouter quelque chose au droit existant, qui me convient et convient au maire que j’ai été pendant vingt-cinq ans : on demanderait désormais au maire d’aller vérifier les conditions de logement et de ressources en cas de suspicion de fraude. Est-ce là véritablement le rôle des maires ?
Le décalage et l’inadaptation, ensuite, par rapport à la réalité des attentes et aux moyens dont disposent les maires : je n’ai entendu aucun élu demander pareille compétence.
Il vient d’être proposé de procéder par le biais de conventions. Allons plus loin : écrivons tout simplement qu’il revient à l’Ofii de faire ce travail et, à cet effet, donnons-lui les moyens requis. En tout cas, cette tâche ne saurait relever des maires, qui ont bien d’autres choses à faire en ce moment.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je comprends tout à fait ce que dit notre collègue sur ce qu’il a entendu pendant sa campagne électorale : nous avons tous entendu la même chose. Mais, tout de même, on semble croire que l’obligation pour les maires de contrôler les conditions du regroupement familial vient d’être instaurée par la commission ! Cette disposition existe depuis de nombreuses années, au bas mot depuis vingt ans ; nous n’avons pas poursuivi plus avant nos recherches historiques.
En la matière, il n’y a donc aucune nouveauté : je le dis et je le répète, il appartient d’ores et déjà au maire – c’est de sa responsabilité et il est important que cela le reste – de faire ces vérifications. Je répète également que l’Ofii, quant à lui, ne peut intervenir que de manière ponctuelle, pourquoi pas selon la méthode indiquée par M. le ministre, c’est-à-dire dans un cadre conventionnel.
Ma conviction est en tout cas qu’il faut en rester au droit existant.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vais lever la séance.
Nous avons examiné 57 amendements au cours de la journée. Il en reste 527 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 7 novembre 2023 :
À quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 7 novembre 2023, à une heure cinq.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Jean-François Longeot, Philippe Tabarot, Didier Mandelli, Fabien Genet, Hervé Gillé, Simon Uzenat et Mme Nadège Havet ;
Suppléants : M. Guillaume Chevrollier, Mme Marta de Cidrac, MM. Franck Dhersin, Gilbert-Luc Devinaz, Pierre Barros et Jacques Fernique.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER