Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaire :
Mme Patricia Schillinger.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
situation à gaza et envoi d’armes
M. Guillaume Gontard ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
M. Dominique de Legge ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Dominique de Legge.
accompagnement des agriculteurs après la tempête ciaran
Mme Nadège Havet ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Laure Darcos ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
éligibilité des territoires ruraux aux nouvelles conditions du prêt à taux zéro
M. Christian Bilhac ; M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
M. Hussein Bourgi ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Hussein Bourgi.
annonces du gouvernement à la suite des émeutes de l’été 2023
M. Pierre Barros ; Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la citoyenneté et de la ville ; M. Pierre Barros.
position des maires face aux mariages d’étrangers en situation irrégulière
M. Olivier Henno ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Olivier Henno.
maintien d’atos dans le giron français
M. Cédric Perrin ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique ; M. Cédric Perrin.
M. Patrick Kanner ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
rapport des inspections générales sur la gestion des stocks de procédures
Mme Françoise Dumont ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer.
devenir des concessions autoroutières
M. Vincent Delahaye ; M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports ; M. Vincent Delahaye.
suites judiciaires des émeutes urbaines
Mme Marie-Carole Ciuntu ; Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la citoyenneté et de la ville ; Mme Marie-Carole Ciuntu.
tempête ciaran et rôle des collectivités territoriales
M. Simon Uzenat ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Agnès Evren ; M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Agnès Evren.
M. Jean-Michel Arnaud ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Jean-Michel Arnaud.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas
3. Mise au point au sujet d’un vote
4. Candidature à une délégation sénatoriale
5. Candidatures à une commission d’enquête
6. Candidatures à une délégation sénatoriale
7. Immigration et intégration. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. Patrick Kanner ; M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Demande de priorité des amendements nos 655 et 656. – M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois ; M. Gérald Darmanin, ministre. – La priorité est ordonnée.
Amendement n° 524 rectifié bis de M. Stéphane Ravier
Amendement n° 344 rectifié de Mme Valérie Boyer
Amendement n° 66 rectifié de Mme Valérie Boyer
Amendement n° 69 rectifié de Mme Valérie Boyer
Amendement n° 70 rectifié de Mme Valérie Boyer
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois
Suspension et reprise de la séance
Article 2 bis (nouveau) (suite)
Amendement n° 524 rectifié bis de M. Stéphane Ravier (suite). – Rejet.
Amendement n° 344 rectifié de Mme Valérie Boyer (suite). – Rejet par scrutin public n° 25.
Amendement n° 66 rectifié de Mme Valérie Boyer (suite). – Rejet.
Amendement n° 69 rectifié de Mme Valérie Boyer (suite). – Rejet.
Amendement n° 70 rectifié de Mme Valérie Boyer (suite). – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 628 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 73 rectifié bis de Mme Valérie Boyer. – Retrait.
Amendement n° 74 rectifié bis de Mme Valérie Boyer. – Retrait.
Amendement n° 71 rectifié bis de Mme Valérie Boyer. – Retrait.
Amendement n° 72 rectifié bis de Mme Valérie Boyer. – Retrait.
Amendement n° 481 rectifié bis de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.
Amendement n° 480 rectifié bis de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 121 de M. Christopher Szczurek. – Rejet.
Amendement n° 573 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 122 de M. Christopher Szczurek. – Rejet.
Amendement n° 527 rectifié bis de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 525 rectifié bis de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 528 rectifié bis de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 469 de M. Ian Brossat. – Rejet.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois
8. Candidatures à un groupe de travail
Suspension et reprise de la séance
9. Immigration et intégration. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 270 de M. Jean Hingray. – Devenu sans objet.
Amendement n° 171 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Devenu sans objet.
Amendement n° 464 de M. Ian Brossat. – Devenu sans objet.
Amendements nos 398 rectifié et 390 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Devenus sans objet.
Amendement n° 462 de M. Ian Brossat. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 80 rectifié de Mme Nathalie Delattre et 437 de M. Ian Brossat. – Devenus sans objet.
Amendements nos 391 rectifié et 392 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Devenus sans objet.
Amendement n° 81 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Devenu sans objet.
Amendement n° 14 rectifié bis de Mme Maryse Carrère. – Devenu sans objet.
Amendement n° 174 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Devenu sans objet.
Amendement n° 399 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 82 rectifié de Mme Nathalie Delattre, 172 rectifié de Mme Marie-Pierre de La Gontrie et 394 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Devenus sans objet.
Amendement n° 175 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Devenu sans objet.
Amendements nos 407 rectifié et 395 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Devenus sans objet.
Amendement n° 477 rectifié bis de M. Olivier Bitz. – Devenu sans objet.
Amendement n° 463 de M. Ian Brossat. – Devenu sans objet.
Amendements nos 396 rectifié, 397 rectifié et 400 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Devenus sans objet.
Amendements identiques nos 173 rectifié de Mme Marie-Pierre de La Gontrie et 401 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Devenus sans objet.
Amendement n° 283 rectifié de M. Yannick Jadot. – Rejet.
Amendement n° 33 rectifié bis de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 223 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 405 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 406 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Retrait.
Amendement n° 515 de Mme Corinne Narassiguin. – Rejet.
Amendement n° 460 de M. Ian Brossat. – Retrait.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer
Amendement n° 37 rectifié de M. Ian Brossat. – Devenu sans objet.
Amendement n° 228 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Devenu sans objet.
Amendement n° 296 rectifié bis de M. Guy Benarroche. – Devenu sans objet.
Amendement n° 83 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 240 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie, 295 rectifié de M. Guy Benarroche et 371 rectifié de M. Ahmed Laouedj. – Devenus sans objet.
Amendement n° 438 de M. Ian Brossat. – Devenu sans objet.
Amendement n° 24 rectifié bis de Mme Maryse Carrère. – Devenu sans objet.
Amendement n° 229 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Devenu sans objet.
Amendement n° 231 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Devenu sans objet.
Amendement n° 294 rectifié de M. Guy Benarroche. – Devenu sans objet.
Amendement n° 657 de la commission
Suspension et reprise de la séance
Sous-amendement n° 658 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Sous-amendement n° 674 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Sous-amendement n° 665 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Sous-amendement n° 671 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Sous-amendement n° 673 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Sous-amendement n° 666 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Sous-amendement n° 668 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Sous-amendement n° 676 du Gouvernement. – Adoption.
Sous-amendement n° 662 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Sous-amendement n° 667 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Sous-amendement n° 663 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Sous-amendement n° 669 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Sous-amendement n° 664 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 389 rectifié bis de Mme Mélanie Vogel. – Devenu sans objet.
Amendement n° 402 rectifié bis de Mme Mélanie Vogel. – Devenu sans objet.
Amendement n° 404 rectifié bis de Mme Mélanie Vogel. – Devenu sans objet.
Amendement n° 403 rectifié bis de Mme Mélanie Vogel. – Devenu sans objet.
Amendement n° 170 rectifié de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Devenu sans objet.
Amendement n° 461 rectifié de M. Ian Brossat. – Devenu sans objet.
Amendement n° 468 rectifié ter de M. Ian Brossat. – Rejet.
Amendement n° 222 rectifié ter de Mme Marie-Pierre De La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 393 rectifié bis de Mme Mélanie Vogel. – Devenu sans objet.
Amendement n° 427 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 262 rectifié de M. Alexandre Ouizille. – Non soutenu.
Amendement n° 616 rectifié bis de M. Stéphane Sautarel. – Retrait.
Amendement n° 617 rectifié bis de M. Stéphane Sautarel. – Retrait.
Amendement n° 533 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 575 rectifié de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Retrait.
Amendement n° 587 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Amendement n° 465 de M. Ian Brossat. – Retrait.
Amendement n° 629 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 498 rectifié bis de M. Olivier Bitz. – Rejet.
Amendement n° 362 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 505 rectifié de Mme Anne Souyris. – Rejet.
Amendement n° 4 rectifié ter de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 552 rectifié ter de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 258 rectifié bis de M. Stéphane Demilly. – Retrait.
Amendement n° 76 rectifié bis de Mme Valérie Boyer. – Retrait.
Amendement n° 75 rectifié bis de Mme Valérie Boyer. – Retrait.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Ordre du jour
Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
Nomination de membres d’une commission d’enquête
Nomination de membres d’une délégation sénatoriale
Nomination de membres d’un groupe de travail
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaire :
Mme Patricia Schillinger.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect mutuel et à celui du temps de parole.
situation à gaza et envoi d’armes
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Madame la Première ministre, trente jours ! Trente jours que Gaza est bombardée jour et nuit ! (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Trente jours de siège, sans aide humanitaire, sans eau, sans vivres, sans refuge. Trente jours qui transforment cette prison à ciel ouvert en cimetière, avec des milliers de morts parmi les civils, dont des milliers d’enfants. Trente jours au fil desquels le droit légitime à se défendre s’est transformé en vengeance aveugle et illégale. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Trente jours d’angoisse pour les otages et leurs familles. Trente jours de violation du droit international. Trente jours où, sous couvert de combattre le terrorisme, on le nourrit et le renforce ; Dominique de Villepin le rappelait hier encore, ni la force ni la vengeance n’assurent la paix et la sécurité : seule la justice peut le faire. Trente jours que nous attendons une parole forte et claire de la France, pour un cessez-le-feu, le retour de l’aide humanitaire et la libération des otages !
Le soutien inconditionnel de la France aux opérations militaires d’Israël et à l’occupation est une erreur tragique, qui marquera l’histoire de façon dramatique. Cela ne sert ni les Israéliens ni les Palestiniens.
Depuis dix ans, la France a vendu pour 209 millions d’euros d’armes à Israël – des bombes, des roquettes et des missiles utilisés contre la population de Gaza. La France a pourtant ratifié le traité sur le commerce des armes de l’ONU, dont l’article 6 impose l’arrêt des transferts d’armes si celles-ci sont employées pour commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des attaques dirigées contre des civils ou des crimes de guerre.
Nous ne pouvons pas attendre un jour de plus !
Madame la Première ministre, nous sommes à la veille de la conférence humanitaire de Paris, qui offre à la France une occasion de faire entendre une voix forte, singulière et courageuse. Comptez-vous adopter un embargo sur les ventes d’armes, comme l’avait fait le général de Gaulle lors de la guerre des Six Jours ? Comptez-vous reconnaître l’État palestinien, comme le Parlement l’avait voté en 2014 ? Comptez-vous appeler à l’arrêt de la colonisation et au retrait des colons pour préserver la solution à deux États ?
Madame la Première ministre, face à cette folie meurtrière, nous avons besoin de réponses précises. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Guillaume Gontard, depuis les terribles attaques terroristes perpétrées par le Hamas contre Israël, la situation dans la région est extrêmement préoccupante.
Israël a le droit d’assurer la sécurité de son territoire, mais cela doit se faire dans le respect du droit international, et nous devons impérativement éviter l’escalade et l’embrasement dans la région.
Je le dis sans ambiguïté, la situation humanitaire dans la bande de Gaza est dramatique. Le bilan humain est extrêmement lourd, avec de nombreuses victimes civiles, notamment des femmes et des enfants. Les populations palestiniennes ne doivent pas payer pour les crimes du Hamas. Elles doivent être protégées de toute urgence.
Cette urgence, la France n’a cessé de la réaffirmer, et nous avons condamné très clairement les frappes contre les personnels humanitaires et les sites de l’ONU. Comme nous l’avons dit, le droit international humanitaire impose des principes clairs de distinction, de nécessité, de proportionnalité et de précaution. La protection des civils est à la fois un impératif moral et une obligation internationale. Une trêve humanitaire immédiate et durable est absolument nécessaire. Elle doit pouvoir mener à un cessez-le-feu.
Monsieur le président Gontard, la France est mobilisée pour la paix. Sur l’initiative du Président de la République, une conférence humanitaire internationale pour la population civile de Gaza se tiendra demain à Paris.
J’ajoute que nous suivons de très près la situation de nos ressortissants dans la bande de Gaza. Nous mettons tout en œuvre pour leur permettre de revenir en France ; plus de cent d’entre eux ont pu quitter Gaza depuis vendredi dernier.
De plus, nous restons mobilisés pour obtenir une libération immédiate et sans condition des otages.
Monsieur le président Gontard, face à ce conflit, la seule issue possible est une solution politique avec deux États. C’est la position invariable de la France. C’est le sens de l’initiative pour la paix et la sécurité pour tous que porte le Président de la République. Cette initiative est construite autour de trois piliers : la sécurité, avec une lutte implacable contre le terrorisme ; le soutien humanitaire, avec une réponse internationale rapide et forte face à l’urgence à Gaza ; enfin, la détermination à relancer un processus politique permettant de garantir à la fois la sécurité d’Israël et la création d’un État pour les populations palestiniennes.
Face à la situation au Proche-Orient, la France ne ménage aucun effort pour éviter l’embrasement, protéger les civils et offrir une perspective de paix. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
antisémitisme (i)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Dominique de Legge. Madame la Première ministre, plus d’un millier d’actes antisémites ont été commis depuis le 7 octobre : des croix gammées et des étoiles de David taguées sur les murs ; des lettres de menaces ; des agressions verbales, et parfois même physiques, de Français, jusqu’à leur domicile, parce qu’ils sont juifs ; une haine qui s’affiche même dans le métro.
Comment la France en est-elle arrivée là, madame la Première ministre ? Quelles sont, selon vous, les causes de cette dérive, et comment comptez-vous lutter contre cet antisémitisme d’atmosphère qui gangrène notre société ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Dominique de Legge, il est tout à fait vrai qu’il y a en France une explosion du nombre des actes antisémites.
Ces faits étaient déjà nombreux avant l’attaque terroriste du Hamas contre la population israélienne. Mais l’aggravation est désormais évidente : les 1 159 actes antisémites relevés depuis le 7 octobre dernier représentent à eux seuls trois fois plus de faits qu’au cours de toute l’année 2022.
Ces événements dramatiques – agressions verbales, croix gammées, étoiles de David dessinées là où l’on pense que des Français de confession juive habitent, agressions physiques aussi – ont donné lieu à 518 interpellations par la police et par la gendarmerie.
En effet, à la demande du Président de la République et de la Première ministre, dès le premier jour, dans les 950 lieux où les Français de confession juive ont l’habitude de mener leurs enfants à l’école, de vivre leur culte, ou simplement de vivre, nous avons mobilisé quasiment 11 000 policiers, gendarmes et militaires de l’opération Sentinelle, qui ont pu protéger ces Français contre de très nombreux actes antisémites et interpeller des personnes qui voulaient passer à l’acte.
La haine est aussi traquée sur internet : 7 726 signalements ont été déposés sur la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos). Grâce à ces signalements, nous avons pu identifier 296 personnes et procéder à de nombreuses interpellations, afin que la haine et les menaces sur internet soient condamnées par la justice.
J’ai pris des dispositions très claires pour que les ressortissants étrangers parmi les personnes interpellées se voient systématiquement retirer leur titre de séjour : cela concerne 120 personnes parmi les quelque 500 interpellations que j’évoquais ; une quarantaine d’entre eux sont en centre de rétention administratif. Nous avons déjà commencé les éloignements, comme vous avez pu le voir, parce qu’on ne peut pas toucher un Français de confession juive, un juif en France, sans toucher toute la République.
La haine antisémite touche malheureusement tout l’Occident, mais, en France, les Français de confession juive ont l’absolue protection de la République : toucher à un juif en France, c’est toucher toute la France. Les policiers et les gendarmes pour qui l’on prie tous les samedis à la synagogue le savent très bien ; ils rendent aux juifs de France un peu de la protection et de l’amour que ceux-ci leur donnent. (Applaudissements sur toutes les travées, à l’exception de celles du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.
M. Dominique de Legge. Merci de votre réponse, monsieur le ministre. Mais vous conviendrez avec moi que, pour traiter le mal, il faut le prendre à la racine : il faut accepter d’identifier sans tabou ses origines et ses ressorts. L’antisémitisme déguisé en compassion pour les Palestiniens se nourrit du wokisme (Exclamations sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.) et de sa haine de la culture occidentale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
Dans ce domaine comme dans tant d’autres, il n’y a pas de place pour le « en même temps ». Oui, il y a une culture française, qui puise ses valeurs dans notre histoire judéo-chrétienne. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Très bien !
M. Stéphane Ravier. Bravo !
M. Dominique de Legge. Comment s’étonner de l’échec de l’intégration si nous doutons nous-mêmes de notre histoire, de nos valeurs, de notre culture, quand nous n’allons pas jusqu’à les dénigrer au nom du multiculturalisme ? (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
La vérité est que nous avons, sous couvert de tolérance ou d’accommodements dits « raisonnables », renoncé à notre identité et à notre culture pour épouser un relativisme culturel qui montre aujourd’hui ses limites et ses effets délétères.
Depuis de nombreuses années, des voix se sont élevées, et nous avons refusé de les entendre. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. Stéphane Ravier. La mienne !
M. Dominique de Legge. En 1894 déjà, Anatole France, dans Le Lys rouge, écrivait : « L’antisémitisme, c’est la mort, entendez-vous, de la civilisation européenne. » Des propos qui sont bien d’actualité… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
accompagnement des agriculteurs après la tempête ciaran
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, du Pas-de-Calais à l’Occitanie, les tempêtes Ciaran et Domingos ont traversé notre pays. La Bretagne a été lourdement touchée, notamment dans le Finistère. Des rafales ont été enregistrées à 207 kilomètres par heure à la pointe du Raz, à 193 kilomètres par heure à l’île de Batz. Trois personnes ont perdu la vie – dans l’Aisne, au Havre et à Pont-Aven, dans le Finistère, où Frédéric Despaux, employé d’Enedis, est décédé en intervention.
Je souhaite également souligner le remarquable travail du préfet du Finistère et, à travers lui, saluer l’ensemble de la chaîne de secours et les services de l’État.
Grâce au déclenchement du dispositif FR-Alert et à la sensibilisation des populations en amont, des vies ont probablement été sauvées. Je n’oublie pas la formidable implication de nos élus et de nos agents territoriaux. Qu’ils en soient, dans cet hémicycle, remerciés vivement !
Des difficultés perdurent, évidemment, avec des pannes d’électricité ou l’interruption de l’accès au téléphone à la suite des nombreux dégâts. Les Finistériens affectés sont résilients et solidaires, mais l’inquiétude est immense, particulièrement dans le secteur agricole, où des serres ont été écrasées, des bâtiments, parfois anciens, dégradés, et des éleveurs privés d’eau et d’électricité. La profession évalue le préjudice pour la ferme finistérienne à près de 200 millions d’euros. C’est considérable !
Aujourd’hui, le moral des agriculteurs est très affecté. Plusieurs d’entre eux me disent qu’il leur sera difficile de repartir. Ils ont donc besoin d’un soutien fort.
Monsieur le ministre de l’agriculture, comment les aider ? Comment faciliter les démarches, s’assurer que les matériaux de reconstruction sont disponibles, que les aides de la politique agricole commune (PAC) ne seront pas affectées par la perte des arbres ?
En somme, quel accompagnement offrirez-vous à des agriculteurs qui sont toujours au rendez-vous de la solidarité ? Ils l’ont plusieurs fois prouvé : aujourd’hui encore, ils dégagent les arbres sur les routes ; l’an dernier, ils aidaient les pompiers à éteindre le feu dans les monts d’Arrée… (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Havet, je veux d’abord m’associer au salut que vous adressez à l’ensemble des services publics – ceux des collectivités locales comme ceux de l’État – qui se sont mobilisés durant cette tempête. Je m’associe également à l’hommage que vous rendez aux trois victimes de cette tempête et, en particulier, à cet employé d’Enedis qui, originaire d’une autre région, était venu porter renfort aux équipes de votre département. Je rends enfin hommage, avec vous, à toutes celles et à tous ceux qui se sont battus, ici pour essayer de rétablir l’électricité, là pour répondre à la détresse de telle ou telle victime.
Vous m’interrogez en particulier au sujet de la détresse des agriculteurs, qui ont été particulièrement touchés dans votre département, comme d’autres l’ont été, par exemple dans le Pas-de-Calais, par la succession d’événements climatiques que nous subissons. Je souhaite vous présenter la palette de solutions sur laquelle nous travaillons, tout en vous précisant que je me rendrai la semaine prochaine dans le Finistère pour évoquer ces questions.
Pour les pertes de récoltes, c’est le nouveau système assurantiel, que votre chambre avait approuvé, qui va s’appliquer. Aux termes de ce nouveau système, une indemnité de solidarité pourra être versée aux non-assurés, qui pourront ainsi être partiellement couverts. Parfois, le seuil de 50 % de pertes prévu pour accéder à ce système assurantiel s’avère un peu trop élevé. Nous regardons s’il y a lieu de le modifier, dans le cas où il y aurait des trous dans la raquette. Le cas échéant, un fonds de soutien, ou de crise, pourrait être mis en place pour compléter ce système, comme ce fut le cas pour d’autres événements climatiques comme la grêle ou le gel.
Les pertes de fonds peuvent être importantes – je pense en particulier, mais pas seulement, aux fraises. Certaines de ces pertes relèvent du régime des catastrophes naturelles, comme le ministre de l’intérieur l’a dit hier ; d’autres relèvent du régime des calamités agricoles, comme l’a rappelé le Président de la République. Cela dépend de la nature de l’ouvrage. Nous allons activer ces deux mécanismes dans les jours qui viennent, selon les critères que vous connaissez. Faut-il aller plus loin ? Le président du conseil régional de Bretagne a annoncé vouloir apporter un soutien sur les questions d’investissement : nous examinons s’il y a lieu pour le Gouvernement de suivre cette piste aussi.
Il faut aller vite, car on constate dès maintenant des besoins en main-d’œuvre et en matériel. Nous les recensons, pour que la mise en production puisse être rétablie dans ce département très touché – comme le sont beaucoup d’autres départements de l’Ouest. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
mineurs non accompagnés
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Laure Darcos. Madame la ministre chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, alors que s’ouvrent aujourd’hui les assises nationales des départements de France, je souhaiterais évoquer la question de l’accueil des mineurs non accompagnés.
L’afflux massif de mineurs isolés étrangers sur le territoire français constitue un véritable casse-tête pour les départements, qui assurent la protection de l’enfance, même si ceux-ci ont conscience que cet exode reste dramatique pour la plupart de ces mineurs. Leur prise en charge pèse très lourdement sur les budgets départementaux – 1,5 milliard d’euros au moins – et les compensations financières de l’État sont dérisoires. À l’heure où le produit des droits de mutation à titre onéreux s’effondre – dans mon département de l’Essonne, par exemple, il a baissé de 80 millions d’euros –, il n’est pas incongru d’exiger de l’État un soutien plus important.
Les structures d’accueil sont saturées, malgré les efforts des départements pour dégager de nouvelles solutions d’hébergement spécialisé. De plus, la loi relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, interdit à partir de 2024 l’hébergement dans des hôtels de mineurs confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE).
J’avais déposé deux amendements sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration : l’un visait à permettre que l’accueil des mineurs de plus de 16 ans soit effectué dans des structures d’hébergement hôtelier en mobilisant des dispositifs d’accompagnement, l’autre avait pour objet d’exclure toute prise en charge des mineurs délinquants par l’ASE. Tous deux ont, malheureusement, été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.
Madame la ministre, les départements demandent la mise en œuvre de deux mesures : d’une part, le transfert à l’État de la compétence de mise à l’abri des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés, le temps de l’évaluation de leur minorité par le département ; d’autre part, la compensation à l’euro près des dépenses engagées pour la prise en charge des mineurs non accompagnés reconnus comme tels.
J’ai donc deux questions à vous poser, madame la ministre. D’une part, la politique migratoire étant une compétence régalienne, l’État est-il prêt à tendre la main aux départements dans l’accueil de ces jeunes migrants, dès leur arrivée sur le territoire français ? D’autre part, est-il prêt à engager un effort financier important et pérenne pour soulager les départements et les personnels de l’ASE, pour lesquels l’accueil des mineurs non accompagnés est un défi permanent ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Darcos, permettez-moi avant tout de rappeler un principe auquel nous sommes profondément attachés : un enfant isolé, sur le territoire français, doit être protégé, quelle que soit sa nationalité. Le droit français consacre explicitement ce principe. C’est pourquoi tout mineur non accompagné confié à l’ASE est pris en charge dans les mêmes conditions que les enfants de nationalité française.
Depuis 2016, l’État soutient les départements, par un dispositif de répartition équilibrée des mineurs non accompagnés sur le territoire, mais aussi par une aide financière visant à compenser une partie des coûts qu’entraîne leur prise en charge.
La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a fait évoluer la prise en charge des mineurs non accompagnés au bénéfice de tous, pour protéger les enfants, mais aussi lutter contre les abus, puisqu’il y en a, et réprimer ceux qui ne respectent pas les règles. Au printemps dernier, nous avons renforcé les moyens à la frontière et dans les services de l’État des départements, comme les Alpes-Maritimes, qui ont été les plus touchés par ce phénomène. Le préfet a réquisitionné des locaux et nous avons proposé une aide pour évaluer ces mineurs.
Au début du mois de septembre, le Gouvernement a lancé une enquête flash pour faire un état des lieux des difficultés de prise en charge rencontrées par les départements et en tirer les leçons. Sur cette base, avec Charlotte Caubel, Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti, autour de Mme la Première ministre, nous travaillons à des solutions de moyen et de long terme.
Nous ferons tout pour trouver un consensus avec les départements. C’est sur la base de cette mission et dans la concertation avec l’ensemble des acteurs que nous pourrons prendre des mesures pertinentes. Il s’agit d’enfants ; notre mobilisation est totale et entière. Vendredi prochain, Mme la Première ministre et moi-même nous rendrons aux assises nationales des départements de France, ce qui nous permettra d’évoquer avec eux ces questions. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent.)
éligibilité des territoires ruraux aux nouvelles conditions du prêt à taux zéro
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. « Mes amis, au secours ! » Ce cri d’alarme de l’Abbé Pierre, lancé il y a bientôt soixante-dix ans, a incarné son combat en faveur des sans-logis.
Aujourd’hui, les contraintes de rénovation énergétique, les spéculations sur les locations saisonnières, le « zéro artificialisation nette » (ZAN), l’inflation et les taux d’intérêt d’emprunt élevés sont autant de facteurs qui aggravent la crise du logement.
Déjà, le secteur du bâtiment, qui représente 6 % du PIB, 1 273 000 salariés et 403 400 entreprises artisanales, en ressent les répercussions. Les chiffres sont alarmants : baisse de 30 % du nombre de permis, de 21 % de celui des mises en chantier, de 24 % de celui des constructions individuelles… Quant aux ventes, elles ont diminué de 33 % à 38 % !
Quand le bâtiment va, monsieur le ministre chargé du logement, tout va. Mais quid quand il ne va pas ?
Monsieur le ministre, il faut agir rapidement, car le secteur du bâtiment est un paquebot : beaucoup de temps s’écoule entre le moment où l’on remet les moteurs en route et celui où le navire retrouve sa vitesse de croisière.
Pourtant, dans cette situation, vous supprimez le dispositif Pinel et vous écartez nombre de communes du nouveau prêt à taux zéro (PTZ). Une fois de plus, ce sont les territoires ruraux, supposés hors tension, qui sont oubliés. Pourtant, les besoins en logement y sont énormes et l’accès à la propriété y est un fort facteur d’attractivité. Or, sans aide, l’accès à la propriété est quasiment impossible pour les jeunes couples, alors qu’ils assurent la survie des communes rurales, leur vitalité sociale et associative : sans jeunes couples, plus d’école !
C’est pourquoi je vous demande que les zones rurales soient éligibles aux nouvelles conditions du PTZ. Ainsi, vous assurerez l’attractivité du monde rural, qui, sans cette décision, continuera, encore et toujours, à se désertifier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Ronan Dantec, Jacques Fernique et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Bilhac, comme je le disais hier devant la commission des affaires économiques de votre assemblée, il nous semble nécessaire de faire évoluer notre modèle de développement territorial pour l’adapter aux nouveaux enjeux auxquels nos territoires sont confrontés : le lien entre emploi et logement, la transition écologique, ou encore la diversité des situations locales.
C’est pourquoi nous souhaitons faire évoluer les instruments de la politique du logement et, plus particulièrement, le PTZ. Dans le projet de loi de finances pour 2024, nous proposons donc de prolonger le PTZ jusqu’en 2027 tout en l’adaptant aux différentes situations locales.
En zone tendue, là où il faut absolument construire de nouveaux logements, nous avons souhaité le concentrer sur le neuf, avec davantage de publics éligibles et une aide renforcée.
En zone détendue, nous avons déjà maintenu l’accession sociale à la propriété dans le neuf – en bail réel solidaire (BRS), en prêt social location-accession (PSLA) et dans les quartiers de la politique de la ville.
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous faites fausse route, vous allez tout droit dans le mur !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Pour le reste des primo-accédants, nous avons choisi de nous concentrer sur l’acquisition-rénovation.
M. Marc-Philippe Daubresse. 300 000 emplois en moins !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Pourquoi ce choix ? Quelques chiffres l’illustreront. Dans la Creuse, plus de la moitié des logements obtiennent une note de F ou G au diagnostic de performance énergétique – ce sont des passoires thermiques – et le taux de vacance atteint 15 %. Dans le Cantal, il y a 43 % de passoires thermiques et un taux de vacance de 12 %. Vous comprenez évidemment que, dans ces territoires, il nous faut privilégier l’aide publique destinée à l’acquisition-rénovation. À cela s’ajoute la prime de sortie de la vacance, mise en œuvre dans le cadre du plan France Ruralités animé par ma collègue Dominique Faure. Avec elle, je suis prêt à signer des pactes de rénovation avec les départements, les intercommunalités et les communes qui seraient volontaires pour s’engager dans cette transition et adapter nos outils de politique du logement aux réalités locales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’écrivain martiniquais Frantz Fanon écrivait voilà soixante-dix ans : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. »
Madame la Première ministre, cela fait cinq semaines que les Françaises et les Français dressent l’oreille. Ils sont inquiets, horrifiés, scandalisés par la résurgence de l’antisémitisme en France. Pas un jour ne passe sans que notre pays connaisse une nouvelle agression, une nouvelle menace, une nouvelle dégradation, une nouvelle mise en cause contre nos compatriotes de confession juive.
Cette réalité-là nous scandalise. L’antisémitisme, qui n’a jamais disparu de la société française, redouble d’acuité. Il s’étale sans complexe. Il menace, il sévit, il empoisonne la vie de nos concitoyens, de nos compatriotes.
Madame la Première ministre, toutes les forces politiques républicaines et démocratiques se mobilisent, se dressent – votre gouvernement aussi. Le Président du Sénat et la Présidente de l’Assemblée nationale ont appelé à une manifestation dimanche prochain. C’est une heureuse initiative. Merci, monsieur le président ! (Applaudissements.)
Madame la Première ministre, nous avons besoin de savoir quelle est la genèse de ces faits, quels moyens sont mobilisés pour les empêcher et quelle est la volonté du Gouvernement de lutter contre la résurgence de l’antisémitisme, afin que chacune et chacun d’entre nous prenne sa part, toute sa part, sa juste part, dans la lutte contre ce fléau. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi pas à la Première ministre ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme je viens de le dire en réponse à la question de M. de Legge, plus de 11 000 policiers et gendarmes sont mobilisés, dans le cadre de l’opération Sentinelle, pour protéger les 950 sites où les Français de confession juive ont l’habitude de se rendre.
Une interdiction de manifester a été prise dans les heures qui ont suivi les attaques terroristes islamistes du Hamas contre les populations israéliennes, ce qui a empêché, me semble-t-il, qu’en France, à Paris, comme en 2013 et 2014, on entende crier : « Mort aux Juifs ! » Voyez ce qui s’est passé dans d’autres grandes villes européennes : à Berlin, on a attaqué des synagogues à coups de cocktails Molotov. Fort heureusement, grâce à la fermeté de l’État, grâce à la présence des policiers et des gendarmes, cela n’est pas arrivé chez nous.
Monsieur le sénateur Bourgi, vous demandez qui sont les personnes qui sont passées à l’acte. Malheureusement, elles sont souvent très jeunes. Comme je l’ai dit au président de la commission des lois de votre assemblée, je suis tout à fait prêt à répondre à des questions sur la sociologie de ces personnes. Parmi elles, 120 sont d’origine étrangère, une quarantaine sont en situation irrégulière et trois sont fichées S.
Sur les quelque 500 interpellations réalisées, la moyenne d’âge est extrêmement faible, puisqu’il s’agit souvent de mineurs, comme ceux que l’on a vus chanter des chants nazis et de haine des Juifs dans le métro parisien ; ceux-ci ont été identifiés par la Préfecture de police ; je ne peux vous révéler ici leur identité, du fait des nécessités de l’enquête, mais je vous assure que ce dossier est suivi de très près.
Chaque acte antisémite, qu’il soit commis sur internet ou dans le monde physique, entraîne l’ouverture d’une procédure judiciaire et mobilise des services de police technique et scientifique sur l’ensemble du territoire national, y compris pour un graffiti, qui veut dire bien d’autres choses et, souvent, annonce le passage à l’acte.
Je sais que la sévérité de la justice frappera tous ceux qui profèrent des menaces de mort, notamment contre des rabbins ou des personnes sensibles pour la communauté. Je pense, monsieur Karoutchi, à Levallois-Perret, où la police a su, en moins de vingt minutes et avec l’aide de la plateforme TikTok, arrêter la personne incriminée et la déférer à la justice.
La haine sévit avant tout sur les plateformes. Nous devons donc, collectivement, réfléchir à notre accès à ces plateformes. (MM. Pierre Jean Rochette et Michel Savin applaudissent.) Quand 75 % des contenus antisémites signalés à la police viennent de Twitter, le ministre de l’intérieur se dit que les policiers ne peuvent pas tout faire : tout le monde doit prendre sa part. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, SER, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour la réplique.
M. Hussein Bourgi. Merci de votre réponse, monsieur le ministre. Je crois pouvoir vous dire que sur ce sujet, quels que soient nos groupes politiques, quelles que soient les travées que nous occupons au sein de cette assemblée, vous nous trouverez toujours mobilisés à vos côtés, dimanche prochain comme à l’avenir. Nous sommes, toutes et tous, dépositaires de cette phrase qui circulait voilà quelques décennies en France, en Europe et dans le monde : « Heureux comme un juif en France. » Cette phrase nous oblige, pour aujourd’hui et pour demain ! (Applaudissements.)
annonces du gouvernement à la suite des émeutes de l’été 2023
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Pierre Barros. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mort du jeune Nahel, tué à l’âge de 17 ans, lors d’un contrôle routier, par le tir d’un policier a été le point de départ de huit jours d’émeutes d’une rare intensité, dans toute la France.
Pendant cette tempête urbaine, en tant que maire de Fosses, dans le Val-d’Oise, j’ai été témoin, comme beaucoup d’autres élus, d’actes de violence et de dégradation.
Je salue l’engagement des forces de l’ordre – police et gendarmerie –, des agents des services publics, des élus et des citoyens pendant cette période.
Quatre mois après ces tragiques événements, la présentation du plan du Gouvernement était très attendue.
Madame la Première ministre, vous avez dévoilé vos propositions il y a bientôt deux semaines, dans l’amphithéâtre de la Sorbonne. J’y étais, et je peux vous assurer que de nombreux élus en sont ressortis déçus.
Vos propositions restent largement insuffisantes pour répondre aux enjeux de nos territoires.
Votre plan mêle le tout-répressif et le contrôle social ; il s’impose, telle une double peine, notamment aux familles monoparentales.
Madame la Première ministre, avez-vous bien entendu ce que demandent les élus locaux ? Ne pensez-vous pas que, si des communes ont développé des polices municipales et demandent aujourd’hui leur armement, c’est tout simplement parce que les forces de l’ordre ont purement et simplement disparu de leur territoire ?
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous avez refusé des effectifs supplémentaires dans la loi Sécurité globale !
M. Pierre Barros. Ne pensez-vous pas que le triptyque prévention-répression-insertion gagnerait à ce que l’État assume clairement ses compétences régaliennes liées au maintien de l’ordre public ?
À ce sujet, que proposez-vous pour la prévention spécialisée, si utile pour nos quartiers ?
Enfin, madame la Première ministre, parler de police de proximité, c’est parler de complémentarité. Il faut accroître les effectifs de police et de gendarmerie nationales sur nos territoires,…
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous avez voté contre !
M. Pierre Barros. … mais il faut aussi reconnaître le métier de policier municipal pour ce qu’il est, par une rémunération et une évolution de carrière qui soient à la hauteur de l’engagement des policiers.
Madame la Première ministre, déploierez-vous les moyens nécessaires au succès de cette ambition ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté et de la ville.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la citoyenneté et de la ville. Monsieur le sénateur Pierre Barros, j’apporterai plusieurs réponses à votre vaste question.
Précisons d’abord que la prévention spécialisée relève, me semble-t-il, de la compétence des départements. Cela dit, des mesures ont été prises en la matière.
Vous m’interrogez sur les réponses apportées par le Gouvernement aux émeutes urbaines.
Citons d’abord – vous faites bien de les rappeler – les actions immédiates de gestion de crise visant à rétablir l’ordre républicain et notamment la mobilisation, par le ministre de l’intérieur, de moyens exceptionnels.
Ensuite, des mesures fortes ont été prises pour favoriser la reconstruction, au travers d’un projet de loi transpartisan.
En parallèle, le Gouvernement a pris le temps du diagnostic et de la concertation, avec les élus locaux et les acteurs de terrain, pour rechercher des solutions.
Le 26 octobre dernier, la Première ministre a annoncé un ensemble de mesures fortes, qui concernent toutes les dimensions de l’action publique et non pas seulement la sécurité.
Je veux tout d’abord citer la mise en place de forces d’action républicaine (FAR), dont l’objectif est de renforcer tous les services publics.
Je l’ai dit plusieurs fois : je suis très attachée à ce que le droit commun s’applique dans les quartiers prioritaires comme sur l’ensemble du territoire national.
M. Laurent Burgoa. Comme c’est courageux…
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. Trois de ces FAR seront déployées à titre expérimental à Besançon, Valence et Maubeuge. C’est le moment ou jamais de mener des expérimentations : si vous me permettez l’expression, on a tout essayé, sauf ce qui marche.
Ensuite, la responsabilisation des parents est un enjeu majeur. Nous souhaitons créer une contribution citoyenne à verser quand une infraction est commise par un mineur. Cette contribution participera également à l’indemnisation des victimes, dont on parle trop rarement à mon sens.
Pour renforcer l’encadrement des jeunes délinquants ou décrocheurs, nous développerons également des dispositifs visant leur insertion dans une vie citoyenne et active, comme les classes de défense ou le service militaire volontaire.
Enfin, en ce qui concerne l’usage des réseaux sociaux – vous n’ignorez pas qu’ils ont joué un rôle de catalyseur dans ces émeutes –, nous créerons une peine complémentaire de suspension de compte utilisateur en cas d’infraction commise sur une plateforme en ligne.
Notre réponse est donc multiforme. Il serait trop long d’énumérer ici les annonces qui ont été faites au Comité interministériel des villes (CIV). (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Sous l’autorité de la Première ministre, le Gouvernement mobilise tous les leviers à sa disposition pour que ces événements ne se reproduisent plus.
Monsieur le sénateur, nous pourrions en discuter plus longuement,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. … tant les mesures ont été fortes et nombreuses. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour la réplique.
M. Pierre Barros. Madame la secrétaire d’État, nous avons lu les communiqués de presse, nous connaissons leur contenu. À titre expérimental, l’État pourrait commencer par faire son travail ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER. – M. Michel Savin applaudit également.)
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. Faites aussi le vôtre !
position des maires face aux mariages d’étrangers en situation irrégulière
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Henno. Madame la ministre chargée des collectivités territoriales, je veux évoquer ce que nous appellerons peut-être demain l’affaire Wilmotte.
Stéphane Wilmotte est maire d’Hautmont, dans le Nord. Grâce à son courage, ainsi qu’à la volonté du préfet et de M. le ministre de l’intérieur, un imam salafiste de sa commune a pu être expulsé. Cette expulsion était on ne peut plus normale : dans ses prêches, l’imam en question, qui se trouve aujourd’hui en Algérie, faisait l’apologie du terrorisme et remettait en cause notre modèle républicain.
Les choses auraient pu en rester là, mais il se trouve que ce triste individu a assigné Stéphane Wilmotte à comparaître, demain, devant le tribunal judiciaire d’Avesnes-sur-Helpe.
Loin de moi l’idée d’exercer une pression quelconque sur la justice ; elle est souveraine. Je poserai néanmoins quelques questions légitimes.
Ne serait-il pas opportun de modifier la législation en la matière ? Tel est l’objet d’un amendement que mon collègue Stéphane Demilly et moi-même avons déposé sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. J’ai des doutes sur la question, mais vous y répondrez.
Faut-il, ensuite, renforcer l’accompagnement et l’aide apportés aux maires par les préfets et les procureurs dans ce domaine ? Faut-il, enfin, prolonger les délais d’enquête ?
Ma conviction est en tout cas la suivante : il ne faut absolument pas laisser les maires, ces soutiers de la République, seuls face à cette question des mariages de complaisance.
Ces derniers risquent de se multiplier, au moment même où nous renforçons, à juste titre et de façon légitime, les dispositions législatives relatives au droit des étrangers. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Henno, je veux d’abord, à votre suite, souligner le courage de Stéphane Wilmotte, maire d’Hautmont. L’action qu’il a menée dans cette petite commune du Nord, par ailleurs charmante, mais dont les moyens sont limités, ainsi que les informations qu’il a transmises à M. le préfet du Nord et à moi-même, ainsi qu’à vous, monsieur le sénateur, ont permis l’expulsion de cet imam étranger qui exposait une version moyenâgeuse, radicale et insupportable de l’islam. Oui, grâce à l’action du préfet du Nord, nous sommes en effet parvenus à expulser cet individu et à interdire son retour sur le territoire national.
Vous avez par ailleurs rappelé à raison, monsieur le sénateur, que M. Wilmotte paie cher son courage dans sa vie personnelle et familiale.
Il a, bien sûr, l’entier soutien de la République, du ministre de l’intérieur et de ses services : à plusieurs reprises, j’ai échangé avec lui, et j’ai tenu à garantir sa protection et son intégrité physique, lorsqu’il a été menacé.
Vous avez parfaitement raison : les enquêtes doivent sans doute durer plus longtemps, afin de permettre à un maire, à un officier d’état civil agissant au nom de l’État – en l’occurrence des services de la justice –, d’intervenir en cas de doute sur la véracité d’un mariage.
Même si un étranger en situation irrégulière a constitutionnellement le droit de se marier sur le territoire national, ce mariage ne doit en aucun cas constituer un obstacle à son éloignement.
Le cas s’est présenté à la mairie de Béziers. La personne concernée a été expulsée, malgré la demande qui avait été formulée par le procureur de la République au maire de Béziers de prononcer ce mariage.
Monsieur le sénateur, il y a lieu, sans doute, de réfléchir à de nouvelles dispositions dans le cadre du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
Votre assemblée a ainsi adopté hier soir un amendement d’Olivier Bitz sur la reconnaissance frauduleuse de paternité, délit qui sera désormais passible de cinq ans d’emprisonnement et de plus de 75 000 euros d’amende.
Nous pourrons également travailler ensemble, soit dans le cadre de l’examen de ce texte par le Sénat, soit au cours de la navette parlementaire et lors de la réunion de la commission mixte paritaire, sur des dispositions qui permettraient à un maire, lorsqu’il a un doute sérieux que ses services lui ont permis de documenter – c’était le cas de M. Wilmotte –, de s’opposer au mariage de personnes qui s’engagent dans cette démarche non par amour, mais par intérêt, contre la République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP. – Mme Brigitte Micouleau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.
M. Olivier Henno. Merci, monsieur le ministre, d’avoir souligné le courage de M. Wilmotte et d’avoir affirmé la volonté de l’État en la matière.
Nous avons un devoir : ne pas laisser les maires seuls. Le cas dont je vous ai saisi n’est pas isolé. Les tentations et tentatives de mariages de complaisance risquent de se multiplier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
maintien d’atos dans le giron français
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Cédric Perrin. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Nous sommes entrés dans une ère où la compétition stratégique entre les puissances est désormais la norme, et où la lutte contre les ingérences étrangères est devenue une préoccupation de chaque instant. La délégation parlementaire au renseignement en a d’ailleurs fait le thème central de son dernier rapport.
Son président, Sacha Houlié, membre de votre majorité, madame la Première ministre, y propose un plan d’action pour protéger les intérêts économiques et scientifiques de notre pays. En résumé, il vous invite à sortir du déni.
C’est un vœu similaire que nous formulions le 2 août dernier, avec mes collègues du groupe Les Républicains, dans une tribune intitulée : « Cessons de vendre nos fleurons les plus stratégiques à des puissances étrangères. »
Nous alertions sur la décision du groupe Atos de céder une partie de ses activités à la société EP Equity Investment, propriété du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky.
Depuis cette publication dans les colonnes du Figaro, pas une semaine ne se passe sans un nouveau rebondissement : chute vertigineuse du cours d’Atos, fronde des actionnaires, plaintes déposées auprès du parquet national financier (PNF), départ forcé du président d’Atos, ou encore, cette semaine, arrivée très opportune d’un nouvel investisseur.
Bien sûr, Atos est une entreprise privée, mais elle n’est pas une entreprise comme les autres. C’est sur elle, sur ses supercalculateurs, que repose une partie de notre souveraineté nucléaire.
Son démantèlement et, surtout, l’immixtion d’acteurs étrangers, fussent-ils européens, dans son activité font peser un risque inacceptable.
Alors que l’enjeu est crucial, comment comprendre le silence assourdissant de votre gouvernement sur cette question ?
Madame la première ministre, reprenez les choses en main ! Le projet de M. Kretinsky fera-t-il, oui ou non, l’objet d’un contrôle au titre des investissements étrangers en France ?
Nous attendons une réponse claire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du numérique.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Cédric Perrin, vous avez raison de le dire : Atos n’est pas une entreprise comme les autres.
Ce fleuron industriel français, qui fournit plus de 100 000 emplois, est présent dans plus de soixante-dix pays. Grâce à cette entreprise, des savoir-faire technologiques français rayonnent depuis plus de vingt ans dans le monde entier.
Il est vrai que, certes pour une part minoritaire de ses activités, Atos revêt un intérêt stratégique pour la souveraineté numérique de notre pays.
Je pense évidemment aux supercalculateurs – Atos est la dernière entreprise européenne à savoir les concevoir et les produire –, mais aussi à la cyberdéfense et à la cybersécurité – Atos est le premier partenaire des jeux Olympiques et Paralympiques en la matière –, ou encore, comme vous l’avez rappelé, à la supervision de notre parc nucléaire.
Mme Valérie Boyer. Et la réponse ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Cependant, contrairement à ce qui a été proposé, notamment à l’Assemblée nationale, le Gouvernement n’est pas favorable à la nationalisation d’Atos, comme le ministre de l’économie et des finances l’a rappelé ce matin.
D’une part, une telle décision ne réglerait pas les problèmes opérationnels et financiers de l’entreprise. D’autre part, Atos a besoin non pas de la tutelle de l’État, mais bien d’investisseurs et de partenaires industriels. (M. Jacques Grosperrin s’exclame.)
Cela étant, je veux rappeler, pour vous rassurer, qu’une prise de participation en deçà de 10 % ne confère à son auteur qu’une influence très marginale sur la vie de l’entreprise. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Rachid Temal s’exclame également.) Par ailleurs, nous n’hésiterons pas à activer le contrôle des investissements étrangers en France.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, le code monétaire et financier soumet toute prise de participation par un acteur étranger dans une entreprise d’importance stratégique en France à une autorisation du ministre de l’économie et des finances.
M. Rachid Temal. Et que fera-t-il ?
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Où est-il ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Soyez assuré que, sous l’autorité de la Première ministre, le Gouvernement est attentif à l’avenir d’Atos comme à la garantie de la souveraineté numérique de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.
M. Cédric Perrin. Monsieur le ministre, ceux qui, comme moi, attendaient une réponse claire en sont pour leurs frais ! De fait, l’absence de réponse à ma question obligera le Sénat à exercer son devoir constitutionnel de contrôle. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
En accord avec la commission des affaires économiques, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées exercera bien son devoir de contrôle sur l’affaire Atos. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et CRCE-K.)
aide médicale de l’état
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, depuis la mise en place de l’aide médicale de l’État (AME) par Lionel Jospin en 1999, les détracteurs de cette mesure sont toujours les mêmes : les extrêmes droites, de Le Pen à Zemmour.
Hier soir, le Sénat a voté sa suppression, sans opposition de votre Gouvernement. C’est une digue de plus qui vient de sauter. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cette suppression s’est faite sur fond de cacophonie gouvernementale. Le 7 octobre dernier, M. le ministre Darmanin se déclarait favorable à la suppression de l’AME.
Ce lundi, vous avez vous-même déclaré, madame la Première ministre, y être défavorable, dans l’attente du rapport de MM. Stefanini et Évin, l’AME étant selon vous « un enjeu d’humanité et de santé publique ».
Ce mardi, ici même, après avoir prononcé un plaidoyer émouvant, ou presque, pour l’AME, après avoir indiqué l’attachement du Gouvernement à ce dispositif, après avoir marqué son opposition à la droite sénatoriale, Mme la ministre Firmin Le Bodo s’est totalement dédite en émettant un avis de sagesse, synonyme de blanc-seing pour cette même droite sénatoriale. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le soir même, son ministre de tutelle, M. Aurélien Rousseau la désavouait, en regrettant cette suppression, qu’il qualifiait de « grave erreur ». (Mêmes mouvements.)
Nous partageons l’avis de votre ministre – je précise : celui de ce dernier ! (Rires.)
Nous nous élevons contre cette posture politicienne de la droite sénatoriale, prête à sacrifier la santé des étrangers et les enjeux de santé publique dans un calcul électoral cynique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements nourris sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
L’ensemble du corps médical est révolté. Nos hôpitaux s’en trouvent fragilisés. Une certaine idée de la République sociale est bafouée. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame la Première ministre, à quelques heures de la suppression prévisible des articles 3 et 4 du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, nous n’y comprenons plus rien, sauf à constater la recomposition de la droite, avec votre ministre de l’intérieur à la manœuvre ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Alors, madame la Première ministre, quelle est la position officielle de votre gouvernement sur le devenir de l’AME ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Patrick Kanner, vous avez entamé, ce lundi, l’examen du projet de loi défendu par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin.
Ce projet de loi vise à atteindre un double objectif : d’une part, éloigner plus rapidement ceux qui n’ont pas vocation à rester sur notre sol ; d’autre part, mieux intégrer ceux que nous choisissons d’accueillir.
M. Patrick Kanner. C’est mal parti !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Vous m’interrogez spécifiquement sur l’AME.
Ma position est sans ambiguïté. C’est celle de mon gouvernement et elle a été exprimée très clairement hier. (Exclamations et marques d’ironie sur les travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. Par qui ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. L’AME est un dispositif nécessaire, qui répond à un impératif de santé publique.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Voilà !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Elle doit permettre de soigner les personnes malades qui sont sur notre sol. Elle constitue aussi une protection pour l’ensemble de nos concitoyens, car elle permet de prévenir la propagation de certaines maladies. (Exclamations ironiques et applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. Rachid Temal. Et contre la peste brune ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. La prise en charge, au plus tôt, des infections respiratoires, des hépatites ou encore du VIH est une nécessité.
Je veux ensuite souligner que l’AME est un dispositif très encadré et surveillé. C’est même le dispositif le plus contrôlé de l’assurance maladie. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE-K. – Marques d’ironie sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K, et de scepticisme sur celles du groupe Les Républicains.)
Pour débattre de ce sujet, nous avons besoin d’un diagnostic précis, objectif et actualisé. C’est l’objet de la mission qui a été confiée à Patrick Stefanini et Claude Évin par le ministre de l’intérieur, le ministre de la santé et la ministre déléguée Firmin le Bodo.
M. Rachid Temal. Ils ne sont pas d’accord entre eux !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Cette dernière a eu l’occasion de vous le dire hier : cet état des lieux est indispensable. Il permettra, le cas échéant, de proposer des évolutions de l’AME.
Nous attendons les conclusions de la mission, qui doivent être rendues d’ici au début du mois de décembre. (M. Fabien Gay s’exclame.)
Elles seront naturellement rendues publiques et le Gouvernement en tirera les conséquences dans la suite du débat parlementaire.
Je veux cependant rappeler que l’AME a déjà été réformée en 2019, dans le cadre naturel qu’est une loi de financement de la sécurité sociale.
M. Cyril Pellevat. Sortez les rames !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur Kanner, ma méthode est constante : les faits, le débat, la recherche d’efficacité. C’est l’inverse même du dogmatisme et des postures. (M. Fabien Gay s’exclame.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Dites-le à la droite !
M. Stéphane Ravier. Et le 49.3 !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Cette méthode, c’est celle de mon Gouvernement, sur ce texte comme sur les autres. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Exclamations ironiques sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)
rapport des inspections générales sur la gestion des stocks de procédures
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, ma question s’adressait à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations amusées.)
M. Rachid Temal. Il est occupé !
Mme Françoise Dumont. Le 27 octobre dernier, les journalistes de RMC ont dévoilé des éléments du rapport de l’inspection générale de l’administration (IGA), de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l’inspection générale de la justice (IGJ) sur la gestion des stocks de procédures, présenté au Gouvernement en juin 2023.
Ce rapport, que j’ai demandé, à plusieurs reprises, à pouvoir consulter, tant à vos services, monsieur le ministre de l’intérieur, qu’à ceux du garde des sceaux, n’a pas été rendu public. Pourtant, des journalistes ont pu s’en procurer un exemplaire…
Dans ce document, il serait indiqué que, l’année dernière, les commissariats avaient à leur charge un stock ancien de 2,7 millions de plaintes ; un tiers d’entre elles seraient en stock depuis plus de deux ans. Il faudrait y ajouter 3,5 millions de nouvelles plaintes enregistrées dans le courant de l’année.
Il y serait aussi indiqué que, en moyenne, un policier doit traiter 180 dossiers par an. Pour les enquêteurs les plus spécialisés, on parle de 800 dossiers par an.
Le rapport préciserait que « des dossiers portant sur des faits graves dorment dans certains services sans avoir fait l’objet d’investigations alors même que les auteurs présumés ont été identifiés ». Et de conclure que, en l’absence de mesures correctrices et à délinquance équivalente, le stock de procédures pourrait continuer à augmenter d’ici à 2030 et passer à 3,5 millions de plaintes en attente.
Dans un État de droit, il n’est pas possible de laisser des coupables dehors, en toute impunité. Dans un État de droit, il n’est pas possible de ne pas répondre au devoir de justice vis-à-vis des victimes.
Aussi, monsieur le ministre de l’intérieur, pourriez-vous nous préciser si cette situation est liée à un manque d’effectifs ?
Quelles sont, en outre, les dix-sept recommandations de ce rapport ? Le Gouvernement entend-il y donner suite et, si oui, quand ?
Enfin et surtout, pouvez-vous donner l’assurance, devant la représentation nationale, que l’ensemble des dossiers seront bien traités avant la fin des délais de prescription des éventuels actes, passibles de sanctions pénales, visés par les quelque 2,7 millions de dossiers en souffrance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, c’est précisément parce que M. le garde des sceaux et moi-même avons conscience des grandes difficultés rencontrées au sein des forces de l’ordre et, notamment, de la filière d’investigation que nous avons commandé aux inspections de nos deux ministères un état des lieux. Nous le rendrons naturellement public ; il sera communiqué en premier lieu à la représentation nationale.
Effectivement, un peu moins de trois millions de plaintes n’ont pas été, à ce jour, suivies d’effet. Je rappelle tout de même que, si l’on agrège police et gendarmerie, le nombre de plaintes déposées chaque année atteint cinq millions. Pour de multiples raisons, nos compatriotes déposent un nombre très élevé de plaintes. Cela peut faire suite à des actes extrêmement graves, comme les atteintes à l’intégrité physique de personnes, ou à des atteintes matérielles, qui sont certes tout aussi graves et méritent une réponse, mais ne présentent pas le même caractère d’urgence.
Le stock élevé de procédures s’explique d’abord, il est vrai, par un manque chronique de policiers et de gendarmes. Grâce à votre vote – celui, en tout cas, de la grande majorité d’entre vous –, nous avons pu renforcer les effectifs de 17 000 postes de policiers et de gendarmes.
M. Rachid Temal. Ah ! Quand même !
M. Rachid Temal. Celles de Sarkozy ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Cependant, nous ne pouvons créer ex nihilo des officiers de police judiciaire (OPJ). Le ministre de l’intérieur ne peut pas affecter des OPJ. Ces derniers doivent d’abord être formés.
Ainsi, la dernière loi de programmation du ministère de l’intérieur permet de créer des OPJ dès l’école de police et ainsi, dès cette année, d’envoyer dans les commissariats de jeunes OPJ sans attendre qu’ils passent le concours.
Par ailleurs, nous travaillons évidemment à la simplification de la procédure pénale, que ce soit dans le cadre d’une enquête de flagrance ou dans celui d’une enquête préliminaire. Votre assemblée a ainsi récemment adopté, sur l’initiative du garde des sceaux, un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice où figure cette simplification.
Un autre chantier est la numérisation. Lorsque je suis arrivé, voilà trois ans, au ministère de l’intérieur, toutes les procédures se faisaient sur papier. Ce n’est plus le cas que pour 50 % des procédures aujourd’hui. À l’instar de l’impôt à la source, la police doit se moderniser.
Au travers du même projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, les moyens des parquets et des greffes seront renforcés, les policiers travaillant sous leur autorité.
Enfin, madame la sénatrice, il est absolument évident que nous traiterons l’ensemble des procédures. Il n’y aura pas de délai de prescription lorsque des plaintes ont été déposées.
J’ai par ailleurs donné comme consigne – et renforcé les effectifs en ce sens – que l’on traite en priorité les affaires d’atteintes aux personnes, en particulier celles dont les victimes sont des femmes ou des enfants. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent.)
devenir des concessions autoroutières
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre des transports, le 22 mars dernier, le ministre de l’économie et des finances annonçait publiquement son intention d’interroger le Conseil d’État sur un possible raccourcissement de la durée des contrats de concession d’autoroutes. Le 8 juin dernier, le Conseil d’État rendait son avis.
Entre ces deux dates, est-il exact qu’un contentieux a été entamé par les sociétés d’autoroutes pour atteinte à leur image ? (M. Mickaël Vallet s’exclame.)
Pensez-vous que ce contentieux ait pu avoir un effet sur l’avis du Conseil d’État ?
Enfin, le Sénat a réclamé un « sommet des autoroutes » qui, bien que maintes fois annoncé, a été malheureusement souvent reporté. J’aimerais savoir quand il aura lieu. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Delahaye, chacun connaît ici votre intérêt, votre expertise et, si j’ose dire, votre passion de longue date pour la question autoroutière.
Reprenons précisément la chronologie des faits. Bruno Le Maire et moi-même avons annoncé au mois de mars dernier, devant l’Assemblée nationale et de manière tout à fait transparente, que nous allions saisir le Conseil d’État de deux questions.
La première concernait la durée des contrats en cours : serait-il possible, juridiquement, de raccourcir la durée des concessions sans avoir à verser une compensation significative, voire massive ?
La deuxième question, très importante, sera soumise prochainement à votre assemblée dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. Elle concerne une éventuelle contribution – une compensation, ou une taxation – des sociétés autoroutières à notre stratégie de décarbonation et à notre plan d’investissement pour les transports.
Sur le premier point, comme sur l’ensemble de ces questions, je suppose, les sociétés d’autoroutes ont déposé un contentieux. Je n’ai pas à le commenter : nous sommes dans un État de droit, ces sociétés ont le droit de s’adresser à la justice.
Il existe, selon moi, un seul cas dans lequel un contentieux pourrait avoir un effet sur une saisine consultative du Conseil d’État par le Gouvernement : il faudrait que le Conseil d’État estime que les questions sont suffisamment proches pour qu’il suspende, de lui-même, ses travaux.
Cela n’a pas été le cas : le Conseil d’État n’a pas décidé de suspendre ses travaux consultatifs. Il a rendu un avis que nous avons décidé, avec la Première ministre, de rendre public rapidement, dès la fin de l’été. Cet avis porte bien sur les deux questions que j’ai évoquées.
En résumé, le contentieux spécifique engagé par les sociétés d’autoroute n’a en aucun cas et en aucune façon pu influer sur l’indépendance du Conseil d’État dans sa fonction de conseil du Gouvernement. Le respect des règles a été entièrement assuré.
Si vous évoquez une quelconque pression qui aurait pu être exercée, je peux vous assurer qu’elle serait vouée à l’échec. En effet, nous avons bien décidé, sur le second point, de saisir l’Assemblée nationale et le Sénat, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, sur la question d’une contribution des sociétés concessionnaires d’autoroutes.
Enfin, j’ignore s’il s’agira d’un sommet, mais nous lancerons d’ici à la fin de l’année des travaux sur l’avenir des concessions autoroutières. Le Sénat et l’Assemblée nationale y seront étroitement associés.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour la réplique.
M. Vincent Delahaye. Je vous remercie pour ces précisions, monsieur le ministre. Les informations dont je disposais n’étaient pas les mêmes : il me semblait que le Conseil d’État avait été influencé par le dépôt d’un recours.
Je prends acte de vos déclarations et je serai sensible à la tenue d’un sommet ou de quelque autre travail commun – le nom m’importe peu – sur cette question. Il est important que nous puissions dialoguer, non seulement avec le Gouvernement, mais aussi avec les sociétés d’autoroutes, qui ne sont pas très ouvertes au dialogue.
Nous devons regarder de près l’équilibre financier de ces contrats. Nous considérons en effet que ces derniers sont beaucoup trop profitables pour les sociétés et ne sont pas adaptés à de véritables concessions. Ils prévoient notamment des augmentations de tarifs liées à l’inflation, alors que le résultat financier des sociétés d’autoroutes et leurs charges le sont assez peu.
Je vous demande donc de prêter attention à l’augmentation de tarifs qui sera annoncée pour 2024. L’augmentation de 4,75 % constatée en 2023 a été très importante. Elle permettra aux sociétés d’autoroutes de réaliser, d’ici à la fin des contrats, 4 milliards d’euros de bénéfices supplémentaires.
Je compte sur vous pour être vigilant et pour montrer que, dans une concession, le patron, c’est l’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Somon applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Carole Ciuntu. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, dont nous regrettons l’absence.
Un maire et sa famille pris pour cible, avec une tentative d’incendie de leur domicile, à L’Haÿ-les-Roses ; deux mairies intégralement brûlées, à Villeneuve-le-Roi et à Valenton ; plusieurs postes de police municipale attaqués, dont ceux de Villecresnes et de Sucy-en-Brie : le Val-de-Marne, pour ne parler que de mon département, a payé un très lourd tribut aux émeutes.
Pourtant, quatre mois plus tard, si trois personnes ont bien été condamnées pour l’attaque du poste de police municipale de Villecresnes, il n’y a eu, à ma connaissance, aucune autre suite judiciaire à ces événements, pas même pour ceux de L’Haÿ-les-Roses.
Les émeutes qui se sont déroulées dans notre pays ont occasionné, d’après les assureurs, 650 millions d’euros de dégâts. Un millier de bâtiments publics ont été touchés. Ce sont les symboles de notre République qui ont été visés : les élus, les mairies, les écoles, les commissariats, les polices municipales.
Lors de la réunion tenue à la Sorbonne le 26 octobre dernier, Mme la Première ministre a insisté sur la nécessité d’une « réponse pénale exemplaire » et du « refus total de l’impunité », objectifs auxquels je ne peux que souscrire.
Selon les chiffres communiqués par le Gouvernement au cours de l’été, 1 000 condamnations ont été prononcées, principalement à de courtes peines, pour 10 000 émeutiers.
Mais où en est-on aujourd’hui ? La représentation nationale est en droit de disposer d’un bilan, département par département, du nombre de personnes interpellées et de personnes condamnées, avec le détail des peines et de leur exécution.
Le garde des sceaux peut-il nous confirmer que tous les moyens de l’État sont encore mobilisés pour mener les enquêtes, sanctionner les vrais coupables, les donneurs d’ordre, responsables de toutes les atteintes graves aux personnes et aux biens perpétrées durant ces quelques jours ? Il y va de la crédibilité de l’État et de celle des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté et de la ville.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la citoyenneté et de la ville. Entre le 27 juin et le 7 juillet 2023, 66 départements et 516 communes ont été le théâtre de violences urbaines.
Le 30 juin 2023, le garde des sceaux a adressé une circulaire aux procureurs généraux et aux procureurs de la République, afin qu’une réponse pénale rapide, ferme et systématique soit apportée à l’encontre des auteurs de ces exactions.
Le traitement judiciaire de ces affaires a été effectif et empreint de célérité : un taux de réponse pénale de 92 %, un taux de poursuite par défèrement de 90 %. Le recours à la comparution immédiate a été massif, représentant 60 % des poursuites devant les tribunaux correctionnels. Près de 1 800 personnes ont été condamnées à une peine d’emprisonnement ; le quantum de peine moyen avoisine les neuf mois de prison ferme.
Le ministre de la justice défend douze mesures concrètes visant à renforcer la répression envers les plus jeunes et à responsabiliser leurs parents. Parmi celles-ci, on peut citer la création d’un placement éducatif de jour ou de nuit pour les mineurs – ceux qui ne le respecteraient pas seraient placés en centre éducatif fermé ou en détention provisoire –, un partenariat renforcé avec l’armée pour suivre certains mineurs délinquants, la création d’une responsabilité civile de plein droit pour les deux parents d’un mineur, même s’ils sont séparés, ou encore l’aggravation du délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales envers son enfant.
Voilà quelques mesures assez fortes, qui ont d’ailleurs été saluées, il me semble, par de nombreux élus. J’indique enfin que le garde des sceaux viendra, quand il le pourra, devant votre assemblée pour vous répondre plus précisément. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent. – Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour la réplique.
Mme Marie-Carole Ciuntu. L’espoir du maire de L’Haÿ-les-Roses, qui nous écoute aujourd’hui, de voir ses agresseurs sanctionnés s’amenuise encore ! Vous lui aviez pourtant donné l’assurance, madame la Première ministre, quand vous étiez allée le voir, que ses agresseurs seraient sanctionnés. Nous espérons sincèrement qu’ils le seront ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
tempête ciaran et rôle des collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Simon Uzenat. Madame la Première ministre, la tempête Ciaran a très durement éprouvé la Bretagne. Il faut tout d’abord saluer l’engagement exceptionnel des pompiers, des agents des forces de l’ordre et de la sécurité civile, de ceux des collectivités territoriales, mais aussi de ceux des opérateurs, en particulier d’Enedis.
Honorons la mémoire des victimes et rendons hommage à Frédéric Despaux, agent d’Enedis décédé dans l’exercice de ses fonctions. Nos pensées vont à sa famille et à ses collègues éplorés.
Le monde agricole est très lourdement touché. Une réunion du comité catastrophe naturelle a été annoncée pour le 14 novembre, soit deux semaines après le début de la tempête : c’est bien tard ! En dépit de la promesse du Président de la République, réitérée par le Gouvernement, hier, devant l’Assemblée nationale, nous avons eu confirmation depuis lors que les dégâts provoqués par la tempête n’entraient pas dans le champ de cette garantie. Qu’en est-il précisément ?
En ce qui concerne l’approvisionnement en électricité, vous citez la part des foyers qu’il reste encore à raccorder au réseau, mais, en réalité, ce sont plusieurs dizaines de milliers de Bretonnes et de Bretons qui n’en peuvent plus des promesses non tenues !
De très nombreuses défaillances nous sont rapportées tous les jours : dans la mesure où les préfectures ne fournissent pas de téléphones satellitaires, des élus du Finistère ont été contraints d’improviser un réseau radio citizen-band (CB) ; une usine d’eau potable a été dépriorisée dans les Côtes-d’Armor ; une station d’épuration s’est retrouvée privée d’électricité dans le Morbihan – le maire a été obligé d’appeler le copain d’un copain chez Enedis, faute de disposer des coordonnées de responsables, celles-ci n’ayant pas été transmises en amont aux élus – ; des élus ont dû utiliser leur propre véhicule pour aller chercher des groupes électrogènes, envoyés en Bretagne trois jours après le début de la tempête ; enfin, un maire a été obligé de faire six relances différentes en six jours pour mettre en sécurité deux points critiques.
« Perdus au milieu de nulle part », pour reprendre leurs termes, obligés d’endosser des responsabilités majeures sans disposer des bonnes informations et des moyens appropriés, les maires et les élus sont à bout. La sous-traitance de l’État confine désormais à la maltraitance. Nous voyons là les effets directs du désarmement de nos services publics, du sous-investissement chronique et de la logique du flux tendu, qui ne nous permettent pas de faire face aux épreuves d’un monde qui se dérègle.
Face à la multiplication prévisible des catastrophes climatiques, il est urgent d’agir. Quelles actions concrètes allez-vous mettre en œuvre pour que cette situation ne se reproduise plus ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Uzenat, je veux tout d’abord rappeler que les dommages causés par les vents violents sont couverts par la garantie tempête des polices d’assurance souscrites par les collectivités, en vertu de l’article L. 122-7 du code des assurances.
Par ailleurs, comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, le Président de la République a indiqué, lors de son déplacement dans le Finistère vendredi dernier, que l’état de catastrophe naturelle et celui de calamité agricole seront activés très rapidement : le comité catastrophe naturelle se réunira sur ce sujet le 14 novembre. Vous trouvez que ce délai est un peu long, mais il est quand même très court, monsieur le sénateur ! Le décret paraîtra dans les jours qui suivront. Ce mécanisme bénéficiera évidemment aux collectivités territoriales et permettra, notamment, de couvrir les dommages liés aux phénomènes de submersion ou de débordement des cours d’eau.
Si des difficultés survenaient avec les assureurs quant au remboursement des dommages, nous ferions le nécessaire avec le médiateur des assurances, dont vous savez qu’il peut, depuis le mois de septembre, être saisi par les collectivités elles-mêmes.
Nous disposons enfin de la dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques, qui permet, dans de tels cas, de prendre en charge la réparation des dégâts causés aux biens des collectivités. J’ai demandé la semaine dernière à la direction générale des collectivités locales (DGCL) d’adresser aux préfets concernés un message pour leur rappeler les conditions d’engagement de cette dotation, afin que les prises en charge puissent être rapides et significatives. J’y veillerai personnellement.
Par ailleurs, le ministre de l’agriculture poursuit les travaux d’évaluation des dégâts, afin d’enclencher toutes les procédures de reconnaissance de l’état de calamité agricole dans les délais les plus courts. Les pertes de récoltes seront prises en charge dans le cadre du nouveau système assurantiel, y compris pour les agriculteurs non assurés, par le biais de l’indemnité de solidarité nationale.
Comme chaque fois, nous serons, bien entendu, aux côtés des collectivités, des agriculteurs et de tous nos concitoyens. (M. François Patriat applaudit.)
harcèlement scolaire
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Evren. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Dès votre prise de fonction, monsieur le ministre, et de nouveau il y a quelques jours, vous avez prononcé des mots forts contre le harcèlement. Votre position a été courageuse : parents, enseignants, victimes, tous avaient besoin d’entendre ce message clair. L’omerta était devenue insupportable.
Les chiffres, publiés hier, du sondage réalisé par l’Institut français d’opinion publique (Ifop) pour le compte de l’association Marion la main tendue sont accablants : un jeune sur cinq est victime de harcèlement scolaire, soit deux fois plus qu’auparavant ; la moitié des victimes ne parlent pas ; près de 80 % des parents se disent inquiets. Il y a donc urgence.
Les faits, je le rappelle, sont sans précédent. Auparavant, le harcèlement scolaire s’arrêtait aux grilles de l’école, à seize heures trente. Aujourd’hui, il se répand vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur les réseaux sociaux, comme TikTok, Instagram ou Snapchat, qui, par leur viralité, en démultiplient les effets, avec des conséquences dramatiques, et ne laissent aucun répit aux victimes.
Vous avez annoncé 30 millions d’euros supplémentaires pour la création de brigades anti-harcèlement. Ces moyens seront-ils suffisants ? En effet, trop d’établissements gèrent la pénurie : celle des médecins, des psychologues, des infirmières scolaires.
Pouvez-vous nous confirmer que tous les personnels scolaires seront désormais systématiquement formés pour prévenir et détecter ces faits ? Allez-vous rendre obligatoires les questionnaires d’autoévaluation, alors que les deux heures de temps scolaire banalisées sont facultatives ?
Enfin, en matière de sanctions, pouvez-vous nous donner des précisions sur la mise en place des mesures d’éloignement du harceleur pour protéger la victime ? Ces dispositions, je tiens à le rappeler, avaient déjà été proposées par notre collègue Marie Mercier dans sa proposition de loi, cosignée par 215 sénateurs siégeant sur toutes les travées de cet hémicycle ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le ministre, face à ce drame humain considérable, l’action doit être à la hauteur de la communication. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Evren, s’il est une cause qui peut nous rassembler par-delà les clivages politiques, je crois profondément que c’est la lutte contre le harcèlement scolaire. Ce fléau est absolument insupportable : des élèves vont à l’école la boule au ventre, parfois ils se donnent la mort, parce qu’ils subissent des brimades, des insultes, des coups.
Je vous remercie donc pour votre question très constructive. Pour lutter contre ce fléau, je vous le confirme, nous avons besoin de toutes les bonnes idées : celles qui ont été défendues ici même par le groupe Les Républicains, ces dernières années, notamment par Mme Mercier, nous inspirent évidemment dans notre action. (Ah ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous m’avez posé trois questions très concrètes.
La première concerne la formation. Oui, nous généralisons le programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe), aux termes duquel chaque établissement scolaire doit comprendre au moins cinq adultes réellement formés à la lutte contre le harcèlement : des enseignants, des personnels de vie scolaire, mais aussi d’autres personnels : nous avons ainsi constaté qu’il était très utile de former des agents de la cantine, car ils voient beaucoup de choses et peuvent détecter et signaler certains faits.
La deuxième question porte sur le questionnaire d’autoévaluation. Demain sera organisée, comme chaque année, la journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école. Les années précédentes, un tiers environ des établissements organisaient une action à cette occasion. Cette année, j’ai décidé que tous les établissements scolaires devraient participer.
J’indique aussi, pour vous répondre très concrètement, que les deux heures de temps scolaire banalisées ne sont absolument pas optionnelles. La classe devra s’arrêter pendant deux heures dans tous les établissements : ce temps sera consacré à débattre du harcèlement et à remplir le questionnaire d’autoévaluation rédigé avec Marcel Rufo, Éric Debarbieux et Nicole Catheline.
La troisième question, enfin, porte sur le changement des règles en matière de sanctions. Je l’ai dit cet été, dès mon entrée en fonctions, c’est au harceleur de quitter l’établissement et non plus au harcelé. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
Je vous le confirme, cette règle s’applique. À Mont-de-Marsan, par exemple, un lycéen qui faisait l’objet de harcèlement depuis la rentrée scolaire l’a signalé, le 9 octobre, au chef d’établissement, qui l’a accompagné dans le dépôt d’une plainte. Une semaine plus tard, les trois élèves harceleurs, âgés de 15 et 16 ans, ont été interpellés par les forces de police et placés en garde à vue. Ils passeront devant le juge des enfants le 15 novembre et ont d’ores et déjà été exclus de l’établissement.
Comme eux, plusieurs dizaines de jeunes harceleurs ont déjà été exclus de leur établissement depuis que j’ai pris cette décision. La peur et la honte sont en train de changer de camp. Évidemment, il reste du travail pour que cette mesure s’applique partout, mais vous pouvez compter sur ma mobilisation, comme je sais pouvoir compter sur la vôtre, pour avancer. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour la réplique.
Mme Agnès Evren. Je vous remercie pour vos précisions, monsieur le ministre. Rappelons cependant que, en dépit des nombreuses annonces faites, notamment il y a quelques années, sur le respect de la laïcité à l’école, force est de constater que celle-ci a rarement été aussi fragilisée. J’ose espérer qu’il n’en sera pas de même pour la lutte contre le harcèlement scolaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
arrêt de la cour de justice de l’union européenne sur l’impossibilité de refouler les migrants illégaux
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer ; elle s’inscrit aussi dans le cadre de l’examen, en cours, du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration par notre assemblée.
L’article 78-2 du code de procédure pénale dispose que toute personne peut être contrôlée dans une zone de vingt kilomètres en deçà de la frontière terrestre de la France avec les États de l’espace Schengen.
Ainsi, un étranger qui arrive en France sans en avoir l’autorisation ou sans disposer des documents nécessaires pour s’y établir s’expose à un refus d’entrée sur le territoire et peut être placé en zone d’attente, le temps pour l’administration d’organiser son retour. Cette procédure, qui dure quelques heures seulement, parfois jusqu’à vingt-quatre heures, avait fait la preuve de son efficacité.
Pourtant, dans un arrêt du 21 septembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que la France ne peut pas procéder au refoulement vers un pays voisin d’une personne migrante entrée illégalement sur le territoire sans que celle-ci puisse bénéficier d’un certain délai pour le quitter volontairement. Cet arrêt se traduira, sur le terrain, par la mise en place d’une procédure administrative de réadmission, qui impose de respecter ce délai, ce qui va à l’encontre du message de fermeté et d’efficacité proclamé par le Gouvernement, ainsi que par notre assemblée.
Cette décision de la Cour de justice de l’Union européenne court-circuite le droit national et nos procédures administratives, dans un contexte où la gestion des flux migratoires est très problématique. Je le constate dans mon département, les Hautes-Alpes, où les migrants passent régulièrement entre l’Italie et la France, via notamment les cols de l’Échelle ou de Montgenèvre. Malheureusement, ni l’accueil des migrants ni la surveillance frontalière ne sont à la hauteur de nos exigences démocratiques.
Comment l’État prendra-t-il en compte la décision de la CJUE, alors que nous discutons actuellement un projet de loi relatif à l’immigration ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, à la demande du Président de la République, nous avons expérimenté dans votre département des Hautes-Alpes, ainsi que dans celui des Alpes-Maritimes, une nouvelle façon de tenir la frontière, en renforçant les moyens de manière très importante et en instaurant un commandement unique pour l’ensemble des forces de tous les ministères qui contribuent à la protection de cette frontière.
Ce dispositif est très efficace, puisque les non-admissions et les retours dans les pays d’origine ont augmenté de 70 % depuis le début de cette expérimentation, le 1er juillet dernier, tandis que plus de 60 000 refus d’entrée ont été prononcés depuis le début de l’année.
Dans la mesure où c’est le Conseil d’État qui avait saisi la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre d’une question préjudicielle – celle que vous évoquez –, c’est à lui aussi qu’il revient désormais d’interpréter la décision de la CJUE.
Contrairement à ce que j’ai parfois pu lire, cette décision permet aux États européens de rétablir des contrôles aux frontières intérieures : c’est ce que nous faisons depuis 2015 et que nous continuerons à faire en raison de la menace terroriste très forte, en particulier dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques l’année prochaine.
Il est donc possible d’organiser des contrôles aux frontières intérieures. Tel était l’objet de la question préjudicielle, puisque le Conseil d’État avait été saisi par plusieurs associations militantes. Désormais le Conseil d’État doit nous indiquer comment il convient de mettre en place un système de retenue avant que les gens ne repartent spontanément dans le pays dont ils ont traversé la frontière – l’Italie, dans le cas qui vous concerne, monsieur le sénateur.
Nous espérons que le Conseil d’État donnera la possibilité à la police de ne pas se trouver engoncée dans des procédures administratives ou judiciaires, et décrira un système s’apparentant à la garde à vue, ce qui serait sans doute une lecture un peu restrictive de la décision de la CJUE. En tout cas, le ministère de l’intérieur espère convaincre le Conseil d’État, qui devra nous préciser comment les policiers et les gendarmes peuvent travailler.
Nous pensons que le droit européen est tout à fait compatible avec ce que nous faisons, notamment dans le cadre de l’expérimentation que nous menons depuis le 1er juillet, c’est-à-dire un travail en commun de tous les ministères, afin de procéder à des refus d’admission aussi rapides que possible dès qu’une personne pénètre irrégulièrement sur le territoire national.
J’attends donc avec confiance la décision du Conseil d’État. Oui, nous pouvons réaliser des contrôles intérieurs et refuser des admissions : espérons que nous pourrons le faire dans un cadre aussi simple que possible pour les policiers.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.
M. Jean-Michel Arnaud. Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le ministre. Nous attendons donc la décision du Conseil d’État.
Je me permets d’appeler votre attention sur deux points relatifs à la frontière avec l’Italie dans mon département. Tout d’abord, il est nécessaire d’accompagner dignement les personnes migrantes qui franchissent la frontière : elles sont actuellement accueillies dans des bungalows à 1 850 mètres d’altitude. Ensuite, il convient de renforcer durablement le contrôle à la frontière italienne, notamment dans sa partie centrale, avec un escadron de gendarmerie permanent : celui-ci est indispensable pour garantir l’efficacité des efforts de nos services. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 15 novembre à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Sophie Primas.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes.
Mme Isabelle Florennes. Lors du scrutin n° 24 sur l’article 1er I du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, Mme Élisabeth Doineau souhaitait voter contre.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Candidature à une délégation sénatoriale
Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
5
Candidatures à une commission d’enquête
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-trois membres de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier.
En application de l’article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
6
Candidatures à une délégation sénatoriale
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer autres que les vingt et un sénateurs d’outre-mer, membres de droit.
En application de l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et du chapitre XVII bis de l’instruction générale du bureau, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
7
Immigration et intégration
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (projet n° 304 [2022-2023], texte de la commission n° 434 rectifié [2022-2023], rapport n° 433 [2022-2023]).
Demande de réserve
M. Patrick Kanner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec les articles 2 bis et 2 ter, nous allons aborder des sujets qui ne relèvent pas des questions migratoires, puisque ces articles, relatifs à la nationalité, modifient le code civil.
Par conséquent, conformément à l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, je demande la réserve de l’examen de ces articles à un moment où le garde des sceaux pourra être présent, (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) éventuellement ce soir.
Je m’excuse auprès de vous, monsieur le ministre de l’intérieur, mais votre collègue Éric Dupond-Moretti est davantage compétent sur ces sujets, et il me semble préférable pour tout le monde que nous en débattions avec le ministre qui en a la charge.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il est défavorable, madame la présidente.
La commission mène son travail sur ces sujets depuis longtemps. Les rapporteurs y ont travaillé, en lien avec le cabinet du garde des sceaux et les services du ministère de la justice. Il n’y a donc pas de difficulté réelle.
Je comprends le côté malicieux…
Mme Laurence Rossignol. Facétieux ! (Sourires.)
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. … voire facétieux de cette demande, mais je veux dire à M. Kanner que, si l’un d’entre nous, quel que soit son groupe politique, se trouvait dans la situation qui est celle de M. le garde des sceaux aujourd’hui, je ne ferais pas une telle demande. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur Kanner, cette demande n’est pas nécessaire, elle est sans doute indélicate et elle n’aurait pas de portée si votre assemblée devait la retenir.
Tout d’abord, ce n’est pas nécessaire, parce que, devant le Parlement, un ministre représente l’ensemble du Gouvernement – vous le savez très bien, puisque vous avez vous-même été ministre. Ne prétendons donc pas qu’un ministre ne pourrait pas répondre pour l’un de ses collègues !
Ensuite, ce n’est pas délicat, comme l’a très bien expliqué M. le président de la commission des lois. Vous ne demandez pas la même chose quand nous examinons un autre code que celui de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : vous ne demandez pas la réserve sur des articles qui touchent le code du travail sous prétexte que le ministre du travail n’est pas là ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous allons le faire !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous avons pourtant commencé hier : nous avons débattu de telles dispositions sans que vous demandiez la réserve.
Mme Laurence Rossignol. On a réclamé la présence du ministre Dussopt !
M. Gérald Darmanin, ministre. Mais vous n’avez pas demandé la réserve. Vous le faites à présent pour des raisons politiciennes.
Enfin, une telle demande, si elle était acceptée, n’aurait pas de portée. Je l’ai déjà dit, y compris dans la discussion générale : le Gouvernement sera systématiquement défavorable à toutes les propositions qui concernent la nationalité, parce qu’il nous semble évident que ce sont des cavaliers législatifs et que le Conseil constitutionnel les considérera certainement comme tels.
Je rappelle que le texte initial du projet de loi ne comprenait aucune mesure relative à la nationalité, aucune mesure tendant à modifier le code civil, puisque le code de la nationalité française a été intégré à celui-ci en 1993. Vous le voyez, le garde des sceaux n’a vraiment rien à faire dans cette histoire. S’il était présent à ma place, il émettrait simplement des avis défavorables, comme je vais le faire, en rappelant lui aussi que le Conseil constitutionnel jugerait sans doute que ces mesures constituent des cavaliers.
Dès lors, pour des raisons de fond comme de forme, il me semble pertinent de reprendre le fil normal du débat, même s’il revient à la Haute Assemblée d’en juger.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’entends bien les remarques sur l’élégance, ou que sais-je encore, mais nous sommes dans une situation de dysfonctionnement total.
Je crois comprendre, des propos des uns et des autres, qu’il serait banal que le ministre de la justice en exercice soit en train d’être jugé par la Cour de justice de la République. On nous a même expliqué que cela ne poserait pas de problème pour le bon fonctionnement de son ministère et qu’il pouvait travailler le soir, la nuit, je ne sais trop quand… Il est tout de même assez curieux que vous ne trouviez pas cela problématique !
J’ajoute que je rejoins évidemment les remarques du ministre de l’intérieur sur l’application de l’article 45 de la Constitution, puisque nous les avons nous-mêmes régulièrement formulées en commission – sans succès !
Toutefois, malgré ce problème de recevabilité, nous allons débattre dans cet hémicycle du droit du sol et de la nationalité, il va se dire des choses importantes, voire inquiétantes, et cela en l’absence du ministre chargé de ces sujets.
Nous n’utilisons pas le manuel de savoir-vivre de Nadine de Rothschild ! Nous parlons du fonctionnement du Gouvernement. En ce sens, votre réponse, monsieur le ministre, est particulièrement légère au regard de la gravité du sujet.
Mme la présidente. Je mets aux voix la demande de réserve de l’examen des articles 2 bis et 2 ter, ainsi que des amendements tendant à insérer des articles additionnels après lesdits articles.
(La réserve n’est pas ordonnée.)
Demande de priorité
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la commission des lois demande la priorité d’examen sur l’amendement no 655 de suppression de l’article 3 et n° 656 de suppression de l’article 4, afin qu’ils soient présentés avant les amendements identiques.
Par ailleurs, compte tenu du dépôt de nombreux sous-amendements depuis la réunion de la commission tenue ce matin, nous demanderons une suspension de séance à l’issue de l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 2 ter, de manière que la commission puisse se réunir et examiner ces sous-amendements.
Mme la présidente. Je suis donc saisie, par la commission des lois, d’une demande de priorité de l’examen des amendements nos 655, à l’article 3, et 656, à l’article 4.
Aux termes de l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. La priorité est ordonnée.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 2 bis.
TITRE Ier (suite)
ASSURER UNE MEILLEURE INTÉGRATION DES ÉTRANGERS PAR LE TRAVAIL ET LA LANGUE
Chapitre Ier (suite)
Mieux intégrer par la langue
Article 2 bis (nouveau)
Le premier alinéa de l’article 21-7 du code civil est ainsi rédigé :
« Tout enfant né en France de parents étrangers peut, à partir de l’âge de seize ans et jusqu’à l’âge de dix-huit ans, acquérir la nationalité française à condition qu’il en manifeste la volonté, qu’il réside en France à la date de sa manifestation de volonté et qu’il justifie d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui la précèdent. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, sur l’article.
Mme Corinne Narassiguin. Nous entamons donc l’examen de l’article 2 bis, qui a été introduit dans le présent texte, en commission, par la droite sénatoriale et qui constitue, comme l’a indiqué M. le ministre, un cavalier législatif.
Cette disposition, qui vise à mettre fin à l’acquisition automatique de la nationalité française à 18 ans pour les enfants nés en France de parents étrangers, constitue une régression inacceptable.
On envoie de la sorte un message terrible à tous ces jeunes, à leurs parents, à leurs proches. (M. André Reichardt s’exclame.) On dit à ces jeunes que, quoi qu’ils fassent, ils seront toujours renvoyés à leurs origines et à la nationalité de leurs parents, bien que la France soit le seul pays qu’ils aient connu de toute leur vie. On leur dit qu’ils devront toujours prouver qu’ils méritent d’être Français. Ce n’est pas ainsi qu’on améliore l’intégration citoyenne dans la République !
On ne peut pas donner envie aux jeunes de s’intégrer dans la République quand celle-ci leur fait savoir qu’elle n’a pas envie de les accueillir. La manifestation de volonté doit aller dans les deux sens !
Vous n’ignorez pas qu’une telle disposition avait été introduite dans notre droit par Charles Pasqua en 1993, puis abrogée par le gouvernement de Lionel Jospin en 1998, parce que cela ne fonctionne pas. Patrick Weil avait démontré dans son rapport de 1997 que les premières victimes de ce type de dispositions sont, d’une part, les personnes les plus précaires, les plus éloignés de la chose publique, et, d’autre part, les jeunes filles qui vivent dans des familles très conservatrices : ces familles mettent la pression sur elles pour qu’elles ne demandent pas la nationalité française.
Par conséquent, en plus d’être inefficace, une telle mesure est particulièrement injuste.
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, sur l’article.
Mme Audrey Linkenheld. Je voudrais simplement ajouter à ce que vient de dire Corinne Narassiguin, dont je partage pleinement les propos, que derrière cette « manifestation de volonté » que cherche à imposer la droite sénatoriale pour les jeunes arrivant à l’âge de 18 ans se cachent plusieurs difficultés qui ont été rappelées : il faut penser aux femmes qu’on empêche souvent – malheureusement – de manifester cette volonté et aux publics les plus fragiles.
J’ajoute que cette disposition peut créer une discrimination au sein même des familles, alors que le principe du droit du sol est justement de traiter de manière égale toutes les personnes nées sur le sol français.
En obligeant ces jeunes à manifester leur volonté d’être français, on pourrait avoir, au sein d’une même famille, ceux qui l’auraient fait, peut-être uniquement parce qu’ils étaient mieux informés à un moment donné, moins empêchés, et les autres. Imaginez les difficultés que cela pourrait entraîner par la suite, y compris pour résoudre de manière juste et précise les diverses situations administratives de ces personnes !
Cet article est à l’évidence en contradiction totale avec notre conception de la République et du droit du sol, auquel nous sommes tant attachés. C’est pourquoi nous aurions aimé entendre le garde des sceaux à ce sujet, même s’il est évident que ce sujet n’a rien à faire dans un projet de loi relatif à l’immigration.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 22 rectifié bis est présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj, Roux et Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset.
L’amendement n° 169 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 286 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 467 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié bis.
M. Henri Cabanel. Cet amendement déposé par Maryse Carrère, présidente de notre groupe, vise à supprimer l’article 2 bis.
Si cette disposition, adoptée par le Sénat en commission, devait subsister, on ajouterait une condition pour l’accès à la nationalité française d’un enfant né en France de parents étrangers. Celui-ci devrait « manifester la volonté » d’acquérir la nationalité française. En d’autres termes, l’accès à la nationalité française pour ces enfants et adolescents qui n’ont, le plus souvent, pas connu autre chose que la France cesserait d’être automatique.
Notre commission a donc décidé de faire renaître les lois Pasqua.
M. Roger Karoutchi. Et alors ?
M. Henri Cabanel. Je le dis sans détour : les signataires de cet amendement y sont opposés.
L’introduction de ce mécanisme nous inquiète pour des motifs de fond très évidents. Nous sommes attachés à la protection de l’enfance et nous ne voulons pas conditionner le destin d’un individu à une décision qu’il aurait dû prendre à l’approche de la majorité.
Je ne pense pas qu’une formalité administrative dise véritablement quelque chose de l’attachement à la France d’une personne.
C’est également une question de principe : nous sommes attachés à la reconnaissance du droit du sol par notre nation. Cet article va à l’encontre de ce principe.
Enfin, ce qui nous inquiète particulièrement, c’est que le Gouvernement n’a, pour sa part, pas déposé d’amendement de suppression de cet article. J’espère donc, monsieur le ministre, que vous comptez vous appuyer sur les nôtres.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 169.
Mme Corinne Narassiguin. J’espère, moi aussi, que le Gouvernement soutiendra ces amendements de suppression ; M. Darmanin semblait aller dans ce sens, quand il nous expliquait que ces dispositions relatives à la nationalité n’avaient rien à faire dans ce projet de loi. Mais il est vrai qu’il est inquiétant que le Gouvernement n’ait pas jugé bon de déposer lui-même un amendement de suppression, surtout au regard du nombre d’amendements déposés par ailleurs, certains de manière totalement superflue.
Cet article 2 bis, au-delà des arguments que j’ai déjà évoqués, notamment le fait que c’est une brèche dans le droit du sol – un droit fondamental de notre République qui doit être préservé –, introduit une complication dans notre droit.
En effet, il existe déjà un régime qui permet d’acquérir la nationalité française sur manifestation de volonté : il concerne les mineurs à partir de 13 ans et jusqu’à 16 ans. En créer un autre à l’approche des 18 ans n’a pas beaucoup de sens.
En outre, une telle mesure va, comme je l’ai expliqué il y a quelques minutes, provoquer une rupture d’égalité au sein de la République en matière d’acquisition de la nationalité française, ce qui n’est pas tolérable. S’il y a un domaine dans lequel l’égalité républicaine doit être absolument respectée, c’est bien la citoyenneté, l’appartenance à la République. Il est absolument inacceptable d’introduire des discriminations sociales ou de genre en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 286 rectifié.
M. Guy Benarroche. On peut quand même s’étonner de l’ajout de dispositions relatives à la nationalité dans un texte sur l’immigration ; d’autres l’ont d’ailleurs fait avant moi.
Au-delà, je dois dire que la totalité du groupe écologiste est extrêmement heurtée et choquée par les modifications apportées par cet article au droit du sol.
Le code civil dispose aujourd’hui que tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de 11 ans. Cette rédaction est d’une logique absolue et parfaitement cohérente avec le droit du sol.
L’article 2 bis revient sur cet automatisme, ce qui est très grave, puisque l’une des conditions sine qua non de l’acquisition de la nationalité française à la majorité serait désormais que le jeune manifeste la volonté de l’acquérir.
Nous nous inquiétons, comme l’Unicef, avec lequel nous avons travaillé cet amendement, des conséquences de cette conditionnalité nouvelle et de ce qui pourrait définir cette manifestation de volonté. Les modalités de la manifestation de volonté ne sont pas définies, ce qui pourrait engendrer des décisions aléatoires ou diverses, sans aller jusqu’à les qualifier d’arbitraires, de la part des autorités administratives.
De plus, nous craignons que des personnes n’ayant pas eu accès à cette information avant leur majorité, ou n’ayant pas réalisé l’importance de cette démarche pour leur avenir, se voient privées de leur nationalité – je rappelle que cette démarche devrait être faite entre l’âge de 16 et de 18 ans.
L’article restreint aussi les conditions de résidence habituelle : le jeune devrait justifier d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent la manifestation de sa volonté. Ainsi, les enfants qui, par exemple, auraient suivi durant cette période, même pour quelques mois, leurs parents poursuivant une expérience professionnelle à l’étranger ne pourraient pas demander la nationalité française.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 467.
M. Pascal Savoldelli. Il faut bien le dire, le combat de la droite française pour restreindre le principe du droit du sol n’est pas nouveau. On peut même parler d’une idée fixe. C’est reconnu !
Après la mise en place de la commission Marceau Long par le Premier ministre Jacques Chirac, c’est le gouvernement d’Édouard Balladur qui supprima l’automaticité du droit du sol pour les jeunes de 18 ans nés en France et y résidant depuis une certaine période.
Le droit du sol, manifesté par la naturalisation de ces jeunes qui ont vocation, par leur lieu de naissance et leur résidence, à devenir Français, accompagne toute l’histoire de la République : de 1851 à 1927, en passant par la loi de 1889, le droit du sol s’est ancré dans l’histoire de la République.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas vrai !
M. Pascal Savoldelli. Faut-il rappeler – nous le verrons avec les amendements de Mme Boyer, qui est à l’origine de beaucoup d’ajouts dans ce texte –…
Mme Valérie Boyer. Merci !
M. Pascal Savoldelli. … que, historiquement, ce sont les nouveaux Français qui pouvaient éventuellement renoncer à la nationalité ? La volonté qu’il fallait manifester n’était pas celle d’être Français, mais celle de ne pas l’être !
Comment ne pas se rappeler que c’est le gouvernement de Vichy qui inaugura l’idée de la remise en cause du droit du sol, (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.) avec la mise en place d’une commission de révision de naturalisation, triste instance qui doit encore faire rêver certains partisans de Mme Le Pen ou de M. Zemmour ! C’est l’ordonnance du 19 octobre 1945, issue du combat, main dans la main, des Français et des immigrés contre l’occupant nazi, qui instaura le droit du sol qui s’applique aujourd’hui dans notre pays.
Nous n’acceptons pas la demande dangereuse de la droite sénatoriale, qui, au moment où la cohésion sociale de notre pays est menacée, décide de faire planer le doute sur l’avenir de toute une jeunesse.
Le droit du sol a une origine, une histoire. Il a supplanté le droit du sang. Et rappelez-vous qu’il fut une époque où l’on parlait de sang impur…
Cette question est extrêmement importante, et je crois que ce qui fonde la République, c’est de concevoir le droit du sol comme une citoyenneté politique.
Mme Audrey Linkenheld. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il est défavorable, madame la présidente.
Je voudrais éviter les controverses historiques, monsieur Savoldelli, mais ce débat a commencé avant la Première Guerre mondiale, et les fondements juridiques de ce droit sont un peu différents de ceux que vous avez évoqués. Mais je ne crois pas que ce soit notre sujet.
L’article 2 bis, que ces amendements visent à supprimer, résulte de l’adoption par la commission d’un amendement de Mme Boyer, qui est particulièrement attentive à ces sujets. Il faut bien admettre – nous en avons discuté avec elle en commission – qu’elle nous amène à tangenter les limites de l’article 45 de la Constitution – nous le savons tous. Son amendement a en tout cas été déclaré recevable.
Sur le fond, il ne nous paraît pas anormal de demander une manifestation de volonté à un jeune qui est né sur le territoire français, mais dont les deux parents sont étrangers, de sorte qu’il peut estimer avoir été élevé dans une communauté dont il se sentirait plus proche.
Le fait d’exiger une manifestation de volonté ne nous choque donc pas, d’autant qu’il n’y a rien à prouver. Mme Narassiguin a laissé entendre que ce jeune devrait prouver quelque chose ; ce n’est pas le cas : il n’y a rien à prouver.
Enfin, certains ont rattaché cette disposition à Charles Pasqua. Je ne crois pas que quiconque cherche à faire revivre la mémoire de cet ancien ministre de l’intérieur au travers de cet article, mais je rappelle que cette disposition se rattache plutôt à la commission de la nationalité, qui était présidée par Marceau Long, alors vice-président du Conseil d’État, dont tout le monde reconnaît l’autorité morale. En outre, le rapporteur de ce texte était Pierre Mazeaud, dont vous avez été nombreux à souligner l’intégrité intellectuelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces amendements de suppression : les sujets relatifs à la nationalité n’ont rien à faire dans un texte sur le droit des étrangers en France.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je ne m’étendrai pas sur le fond, chacun votera en conscience, mais je voudrais dire à M. le ministre que je ne suis pas d’accord avec lui – une fois n’est pas coutume ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Il faut que cela se produise, d’autant que j’ai appris tout à l’heure que vous remodeliez la droite autour de vous…
M. Roger Karoutchi. C’est exact ! Dans le « en même temps », tout est possible… (Nouveaux sourires.)
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec le ministre pour une raison simple. Il faut arrêter de dire que le droit du sol est un principe républicain ; ce n’est pas vrai ! En réalité, le premier texte sur les mouvements migratoires – je l’ai dit lors de la discussion générale, mais les gens écoutent plus ou moins… –, c’est la loi de 1889, qui portait à la fois sur l’acquisition de la nationalité et sur les mouvements migratoires. Déjà en 1889, on faisait le lien.
Certains veulent absolument faire du droit du sol un principe républicain, mais il faut lire le compte rendu des débats de 1889 à la Chambre des députés – vous ne serez pas déçus ! Cela n’a strictement rien à voir avec la République : nous étions dans une période de grande faiblesse démographique par rapport à l’Allemagne et le législateur s’est simplement dit qu’il fallait renforcer le nombre de Français pour avoir des troupes au cas où l’on devrait repartir à la bataille contre l’Allemagne. (Marques d’approbation au banc des commissions.) Ces débats sont d’un cru que l’on n’imagine pas : les uns et les autres faisaient leurs petits calculs pour savoir combien l’on aurait de soldats en plus par régiment…
Ce n’est donc pas un principe républicain, c’est un principe de réalité !
Je ne vois donc pas au nom de quoi le ministre peut s’opposer à toute modification du droit du sol et je ne comprends pas pourquoi cet article n’aurait pas sa place dans ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Karoutchi, on écoute certes plus ou moins attentivement les interventions en discussion générale, mais j’ai redit hier soir assez tard – je ne sais pas si vous étiez présent alors – ce que j’avais déjà expliqué à la tribune la veille : le Gouvernement ne s’exprime pas sur l’opportunité de telle ou telle disposition prévue par la commission des lois relative au droit de la nationalité ; il considère simplement que cela n’a rien à faire dans ce texte et que ces propositions constituent des cavaliers législatifs. Je l’ai déjà dit à maintes reprises au président de la commission des lois et aux rapporteurs, mais c’est évidemment le Sénat qui est juge de la recevabilité de ces dispositions.
La quasi-intégralité des textes sur le droit des étrangers ne mélange pas celui-ci avec les dispositions du code civil. Si nous l’avions fait, le Conseil d’État aurait sans doute disjoint une telle disposition – vous le savez bien.
Nous parlons de choses – le droit des étrangers – qui sont déjà assez compliquées ; ajouter des articles sur le droit de la nationalité revient à mon sens à créer des cavaliers, ce qui devrait entraîner la censure du Conseil constitutionnel. Je crains que la Haute Assemblée ne perde son temps : certes, il s’agit de sujets très intéressants, parfois vitaux, mais vos décisions n’entraîneront pas de modifications pour les Français, ce qui peut désespérer un peu plus encore ceux qui suivent nos débats.
Les questions de nationalité peuvent être traitées dans d’autres textes, à d’autres moments, et le Gouvernement est évidemment prêt à en débattre. Mais, je le répète, nous considérons que tout article introduit en commission ou tout amendement qui porte sur le droit de la nationalité est un cavalier pur et simple. C’est pour cette raison que le Gouvernement y est défavorable. J’essaye simplement d’être cohérent.
M. André Reichardt. Nous appliquons l’article 45 de la Constitution !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je n’aborderai pas la question de la place de cet article dans un tel texte, mais je considère, sur le fond, que la disposition qui a été adoptée en commission est particulièrement choquante.
Vous semblez méconnaître profondément, mes chers collègues, ce qu’est un adolescent entre 16 et 18 ans. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Or c’est bien à cet âge que vous leur imposez de « manifester la volonté » d’acquérir la nationalité française. Si j’ai bien compris, après 18 ans, la porte se ferme et les jeunes sont alors obligés de passer par une demande de naturalisation. Est-ce bien cela que vous proposez ?
Il s’agit de mineurs ! Or l’idée qu’un mineur de 16 à 18 ans puisse avoir un conflit affectif avec ses parents ne vous a pas effleurée. Vous demandez à un mineur de faire une démarche qui est avant tout celle d’un adulte. Entre 16 et 18 ans, combien de personnes sont informées de leurs droits ? Combien savent que c’est le moment de demander la nationalité, qu’ensuite la porte se fermera ? Probablement très peu, voire aucun !
Enfin, je ne comprends pas votre approche globale de ce que veut dire « faire nation ». Ce texte est destiné à lutter contre les étrangers qui entrent en France de manière irrégulière et qui voudraient y rester bien qu’ils n’y aient pas droit. Là, nous avons affaire à des enfants qui sont en France en situation régulière, qui doivent « faire nation » avec nous, et vous leur fermez la porte. En fait, vous fabriquez des gens extérieurs à la nation française. Nous n’avons vraiment pas la même conception de ce que veut dire « faire nation » !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le rapporteur, vous nous avez demandé de mettre l’histoire de côté, ce que vous n’avez pas fait vous-même. Ce n’est pas moi qui vais vous en faire le reproche. Je suis plutôt coutumier des désaccords avec Roger Karoutchi (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.), mais jamais je ne lui demanderai de mettre l’histoire de côté, et lui ne me le demandera pas non plus. Il est normal que l’histoire nourrisse nos débats dans cet hémicycle.
M. Roger Karoutchi. Heureusement !
M. Pascal Savoldelli. Dès que le peuple français a eu la possibilité de s’exprimer, il a inscrit le droit du sol parmi les fondements de notre nation. À la Révolution, tout homme ayant vécu un an sur notre territoire a reçu la possibilité de devenir Français. Pourquoi ? Parce que la France s’est constituée comme une nation politique, plutôt que comme une nation religieuse ou ethnique. Une nation politique repose sur la notion de citoyenneté, et ce depuis que le siècle des Lumières a fait triompher la liberté et l’égalité contre la tyrannie. Auparavant, les Français n’étaient que des sujets du roi. Le peuple a refusé le droit du sang, car on lui disait que son sang était impur, contrairement au sang bleu des aristocrates. Le droit du sol est apparu comme la garantie fondamentale de l’égalité des droits. Il est bon de le rappeler.
Mes chers collègues, remettre cela en cause comme vous le faites, c’est remettre en cause les principes mêmes de la République. C’est extrêmement grave !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Laurence Rossignol l’a très bien dit, ces jeunes veulent faire nation avec nous. Je dirai même qu’ils font déjà nation avec nous.
M. Roger Karoutchi. Pas toujours !
M. Guy Benarroche. Ils sont sur notre territoire ; ils apprennent le français dans nos écoles ; ils participent à toutes les activités sportives et aux événements culturels, qu’ils organisent parfois eux-mêmes. Ils font partie de notre pays, et ce depuis leur naissance ou leur arrivée en France.
Pour eux, il est logique, sans questionnement dans 99 % des cas, d’être Français, naturellement. Le seul fait de leur demander d’exprimer la volonté d’être Français revient à leur envoyer un signal négatif : si vous ne faites pas cette demande, leur dit-on, vous n’êtes pas réellement Français !
Alors que nous nous battons aujourd’hui pour lutter contre l’immigration irrégulière au profit d’une immigration régulière, vous ne trouvez rien de mieux que de dire à ceux qui font nation avec nous depuis leur naissance et qui s’estiment Français qu’ils ne le sont pas vraiment, sauf s’ils en font la demande. Je ne vois pas du tout la cohérence de votre pensée.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je ne m’attendais pas à ce que nous entrions dans un débat sur les grands principes. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.) Je partage la lecture historique présentée par M Karoutchi – j’avais bien écouté son intervention dans la discussion générale ! (Sourires.)
Monsieur Savoldelli, vous considérez que le droit du sol fait partie de nos grands principes républicains.
M. Pascal Savoldelli. Oui !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. À cet égard, vous n’êtes pas sans savoir que la loi du 24 août 1993 a été soumise à l’appréciation du Conseil constitutionnel. Permettez-moi de vous lire le passage de sa décision qui concerne ce sujet : « Considérant que la loi déférée dispose que l’acquisition de la nationalité française doit faire l’objet d’une manifestation de volonté de la part de l’intéressé ; » – c’est ce dont nous parlons – « que s’agissant d’une telle condition mise à l’acquisition de la nationalité française par l’effet de la naissance sur le territoire français, » – le droit du sol – « il était loisible au législateur de l’édicter sans porter atteinte à un principe de valeur constitutionnelle ; que, dès lors, le grief évoqué doit être écarté ; »…
J’ai bien compris vos propos, mais le Conseil constitutionnel vous a déjà répondu. Le débat que nous avons sur ces amendements va au-delà de ce point, mais il convient de garder cette décision à l’esprit.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 rectifié bis, 169, 286 rectifié et 467.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 524 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles 21-7, 21-8, 21-9, 21-10 et 21-11 du code civil sont abrogés.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Le droit du sol est devenu un dogme auquel il faut croire. À l’origine, comme l’a parfaitement rappelé notre collègue Roger Karoutchi,… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.) C’est un fait historique ! J’ai le droit d’être d’accord avec lui !
À l’origine, disais-je, le droit du sol a été créé pour une raison simple : faire face à la poussée démographique allemande et rendre nos armées capables de mettre autant d’hommes que possible sur le front en cas de mobilisation générale. Or, s’il y a bien une invasion aujourd’hui, elle ne vient pas de l’autre rive du Rhin !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. N’exagérez pas quand même !
M. Stéphane Ravier. À quel titre devrait-on donner la nationalité française à quelqu’un uniquement grâce au hasard de son lieu de naissance, si, depuis, il ne vit qu’avec des étrangers et se comporte en France comme un étranger ?
Suivre l’école de la République n’est en aucun cas suffisant, surtout de nos jours, puisque l’on y apprend désormais que la France est non plus une patrie charnelle, mais une vague idée.
Je rappelle qu’en 2016, selon l’Ifop, 47 % des lycéens français musulmans plaçaient la charia au-dessus des lois de la République. Quatre ans plus tard, en 2020, ils étaient 57 % !
M. Roger Karoutchi. C’est vrai !
M. Stéphane Ravier. Vous voyez que l’école de la République ne fait pas tout.
En France, aujourd’hui, un enfant sur six naît de deux parents étrangers hors Union européenne, quand c’était moins d’un sur dix en 2001. Depuis 2017, chaque année, ce sont plus de 60 000 personnes nées de parents non communautaires qui peuvent demander à bénéficier du droit du sol : 360 000 étrangers, soit l’équivalent de la population de Nice, ont pu devenir Français par le simple fait d’être nés sur le territoire national.
Pourquoi ce qui a été fait à Mayotte, avec la suspension du droit du sol, ne pourrait-il pas être fait en métropole ?
Selon l’Ifop, en 2018, 52 % des Français étaient favorables à la suppression du droit du sol. Ils étaient 58 % en 2020.
Un veau qui naît dans une écurie, cela ne fera jamais de lui un cheval ! (Sifflets sur les travées du groupe CRCE-K. – Huées sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE.)
M. François Patriat. C’est abject !
M. Stéphane Ravier. Cela, les Français l’ont parfaitement compris, mes chers collègues. C’est à vous de l’admettre enfin : la suppression de cette stupide loi du sol est autant une évidence qu’une urgence !
Mme la présidente. Monsieur Ravier, je vous invite à n’employer que des termes corrects pour parler de nos concitoyens.
L’amendement n° 344 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Aeschlimann, MM. Allizard, Anglars, Bacci, Bas, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Brisson, Bruyen, Burgoa, Cadec et Cambon, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques et Josende, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Muller-Bronn, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot et Perrin, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon, Szpiner et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel et Cuypers et Mme Petrus, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code civil est ainsi modifié :
1° Le titre Ier bis du livre Ier est ainsi modifié :
a) Au second alinéa de l’article 20-5, la référence : « 21-11 » est remplacée par la référence : « 21-7 » ;
b) Le premier alinéa de l’article 21-7 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Tout enfant né en France de parents étrangers peut, à partir de l’âge de seize ans et jusqu’à l’âge de dix-huit ans, acquérir la nationalité française à condition qu’il en manifeste la volonté, qu’il réside en France à la date de sa manifestation de volonté et qu’il justifie d’une résidence habituelle en France pendant les dix années qui la précèdent.
« Dans les mêmes conditions, la nationalité française peut être réclamée, au nom de l’enfant mineur né en France de parents étrangers, à partir de l’âge de treize ans, la condition de résidence habituelle en France devant alors être remplie à partir de l’âge de trois ans. Le consentement du mineur est requis, sauf s’il est empêché d’exprimer sa volonté par une altération de ses facultés mentales ou corporelles constatée selon les modalités prévues au troisième alinéa de l’article 17-3.
c) Les articles 21-10 et 21-11 sont abrogés ;
d) À la fin du premier alinéa de l’article 21-13-2, les mots : « des articles 21-7 ou 21-11 » sont remplacés par les mots : « de l’article 21-7 » ;
e) Au premier alinéa de l’article 21-28, la référence : « 21-11 » est supprimée ;
2° Le titre Ier du livre V est ainsi modifié :
a) À l’article 2493, les mots : « le premier alinéa de l’article 21-7 et l’article 21-11 » sont remplacés par les mots : « les premier et troisième alinéas de l’article 21-7 » ;
b) L’article 2494 est ainsi modifié :
– Au deuxième alinéa, les mots : « les articles 21-7 et 21-11 sont applicables » sont remplacés par les mots : « l’article 21-7 est applicable » ;
– Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l’article 2493, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, s’applique à l’enfant né à Mayotte de parents étrangers entre l’entrée en vigueur de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 précitée et de la loi n° … du … pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Mes amendements sont en discussion commune avec le précédent, mais je n’emploierai pas les mêmes termes que son auteur.
Je veux rappeler que, dès 2012, avec l’élection du président Hollande, on a constaté une forte augmentation de l’immigration : 210 940 personnes en 2014, 250 000 en 2015, 242 000 en 2017, 250 550 en 2018, 276 600 en 2019, 315 000 en 2022, après la parenthèse des années covid. La France semble avoir perdu la maîtrise de son immigration.
Les acquisitions de la nationalité française ont augmenté entre 2017 et 2021, de 53,6 %, pour s’élever à 130 385 naturalisations. Les conditions d’accès à la nationalité, notamment pour les mineurs, restent relativement favorables, ce qui est susceptible de renforcer l’attractivité du territoire français. Aussi, en commission des lois, nous avons souhaité resserrer ces conditions pour les mineurs étrangers nés en France de parents étrangers.
À cet égard, monsieur le ministre, je ne peux que regretter que l’accès à la nationalité, qui favorise l’immigration, compte parmi les sujets occultés dans la rédaction initiale de votre projet de loi, et ce en parfaite contradiction avec son objet, à savoir l’immigration et l’intégration. Pour ma part, je pense que l’acquisition de la nationalité française représente la fin du parcours d’intégration. J’ai ainsi fait adopter un amendement tendant à subordonner l’acquisition de la nationalité française par ces personnes à une manifestation de volonté, comme c’était le cas dans les années 1990.
Aujourd’hui, nous devons aller plus loin encore. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement n° 344 rectifié. Cet amendement, issu de notre proposition de loi pour reprendre le contrôle de la politique d’immigration, d’intégration et d’asile, tend à prolonger l’intention, manifestée dans le texte de la commission, de mettre fin à l’automaticité de l’acquisition de la nationalité en raison de la naissance et de la résidence sur le territoire français – c’est le droit du sol – pour les mineurs étrangers nés en France de parents étrangers.
Nous souhaitons non seulement que l’acquisition de la nationalité par cette voie soit subordonnée à une manifestation de volonté, comme la commission l’a prévu, mais aussi que la durée de la résidence habituelle sur le territoire soit doublée, pour être portée à dix ans.
Je veux faire remarquer au passage que, lorsque la loi Pasqua, en 1993, a mis en place la manifestation de la volonté, aucun désordre ne s’en est ensuivi.
La nationalité pourrait également être acquise par réclamation anticipée, à compter des 13 ans du mineur concerné ; la condition de résidence habituelle de dix ans s’appliquerait toutefois également dans ce cas.
Par ailleurs, le dispositif de cet amendement contient également les coordinations nécessaires pour le cas particulier de Mayotte.
J’ajoute que j’avais déjà présenté des amendements similaires, alors que j’étais députée, lors de l’examen de la loi du 10 septembre 2018, dite loi Collomb. Je regrette qu’à ce moment-là nous n’ayons pas pu avancer sur ce sujet, qui me semble absolument majeur.
Enfin, monsieur le ministre, si l’on ne parle pas de la nationalité à la faveur de ce texte, quand allons-nous en parler ? On nous avait pourtant annoncé le « grand soir » de l’immigration, un grand projet de loi. Cet amendement me semble totalement entrer dans le cadre de notre débat, car il s’agit d’un sujet absolument central.
Mme la présidente. L’amendement n° 66 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot, Genet, Saury et Klinger, Mmes Josende et Goy-Chavent et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 21-7 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa après le mot : « majorité », sont insérés les mots : « à condition qu’il en manifeste la volonté et qu’il justifie de son assimilation à la communauté française dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » et le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix » ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa n’est pas applicable à l’enfant ayant un casier judiciaire ni à l’enfant dont les parents étaient en situation irrégulière en France au moment de sa naissance. » ;
2° L’article 21-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’obtention de la nationalité française est soumise à l’assimilation du mineur et de ses responsables légaux à la communauté française, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement tend à restreindre les conditions d’acquisition de la nationalité au titre du droit du sol, en la réservant aux personnes clairement engagées, ainsi que leur environnement proche, dans une démarche volontaire d’assimilation.
Mme la présidente. L’amendement n° 69 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mmes Garnier et P Martin, MM. Genet et Saury, Mme Romagny, M. Klinger et Mmes Josende et Goy-Chavent, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 21-7 est complété par les mots : « et, si, à la date de sa naissance, ses deux parents résidaient en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans » ;
2° Après l’article 21-7, il est inséré un article 21-7-… ainsi rédigé :
« Art 21-7-…. – À la demande des deux parents et sur présentation de justificatifs, la mention qu’au jour de la naissance de l’enfant, ils résident en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans est portée sur l’acte de naissance de l’enfant selon des conditions et modalités fixées par décret en Conseil d’État.
« Lorsque l’officier de l’état civil refuse d’apposer la mention, les deux parents peuvent saisir le procureur de la République, qui décide, s’il y a lieu, d’ordonner cette mesure de publicité en marge de l’acte, selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État. » ;
3° Au premier alinéa de l’article 21-11, après la première occurrence des mots : « sa résidence » sont insérés les mots : « , si, à la date de sa naissance, les deux parents résidaient en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans » ;
4° Les articles 2493, 2494 et 2495 sont abrogés.
II. – Les articles 21-7 et 21-11 du code civil sont applicables, dans leur rédaction antérieure à la loi n° … du … pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, à l’enfant né en France de parents étrangers avant l’entrée en vigueur de ladite loi si les deux parents justifient avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux mêmes articles 21-7 et 21-1.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise pour sa part à subordonner, en France métropolitaine, le bénéfice du droit du sol à un séjour régulier de deux années sur le territoire national des deux parents.
Mme la présidente. L’amendement n° 70 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mmes Garnier et P. Martin, M. Genet, Mme Lassarade, MM. Szpiner, Saury et Chasseing, Mme Romagny, M. Klinger et Mmes Josende et Goy-Chavent, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 21-7 est complété par les mots : « et, si, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans » ;
2° Après l’article 21-7, il est inséré un article 21-7-… ainsi rédigé :
« Art 21-7-…. – À la demande de l’un des parents et sur présentation de justificatifs, la mention qu’au jour de la naissance de l’enfant, il réside en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans est portée sur l’acte de naissance de l’enfant selon des conditions et modalités fixées par décret en Conseil d’État.
« Lorsque l’officier de l’état civil refuse d’apposer la mention, le parent peut saisir le procureur de la République, qui décide, s’il y a lieu, d’ordonner cette mesure de publicité en marge de l’acte, selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État. » ;
3° Au premier alinéa de l’article 21-11, après la première occurrence des mots : « sa résidence », sont insérés les mots : « , si, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans » ;
4° Les articles 2493, 2494 et 2495 sont abrogés.
II. – Les articles 21-7 et 21-11 du code civil sont applicables, dans leur rédaction antérieure à la loi n° … du … pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, à l’enfant né en France de parents étrangers avant l’entrée en vigueur de ladite loi si l’un des parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux articles 21-7 et 21-1 du code civil.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Ce dernier amendement peut être considéré comme un amendement de repli par rapport au précédent : il a pour objet de subordonner, toujours en France métropolitaine, le bénéfice du droit du sol à un séjour régulier de deux années sur le territoire national d’au moins un des deux parents.
Je le rappelle, nous avons déjà pris un certain nombre de dispositions concernant des territoires français particuliers, comme Mayotte, pour faire face à nos difficultés.
En conclusion de ma présentation de ces amendements, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permets d’attirer votre attention sur des faits qui me semblent d’une particulière gravité. Hier, nous avons évoqué les mineurs non accompagnés, comme tout à l’heure lors des questions d’actualité. Il s’agit d’un autre sujet non traité dans le texte, ce que je regrette. Nous constatons pourtant, sur une bonne partie du territoire français, que ce soit en métropole ou à Mayotte, que des jeunes filles mineures arrivent enceintes pour bénéficier de cette espèce de totem d’immunité que représente le fait d’accoucher en France. Cette situation, absolument désespérante et désespérée, participe du trafic d’êtres humains, ces très jeunes femmes étant victimes de maltraitance. En restreignant les conditions d’acquisition de la nationalité, nous éviterons à ces jeunes filles, mineures ou non, de se retrouver dans ces situations déplorables.
Il faut savoir qu’à Mayotte on réclame des kits d’accouchement pour des personnes qui arrivent par bateau. C’est une situation abominable, qui ne fait que s’aggraver !
Voilà, madame la présidente, j’en ai terminé avec la présentation de ces quatre amendements. Je précise que l’amendement n° 344 rectifié, cosigné par un nombre important de membres du groupe Les Républicains, est à mes yeux le plus important d’entre eux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous sommes défavorables à l’amendement n° 524 rectifié bis de M. Ravier, ainsi qu’aux amendements nos 66 rectifié, 69 rectifié et 70 rectifié présentés par Mme Boyer. En revanche, nous émettons un avis de sagesse sur l’amendement n° 344 rectifié.
Je vais exposer les raisons de ces avis, mais, en préambule de mon argumentaire, je dois dire que je regrette que nous soyons en train de nous éloigner de notre débat. Nous sommes nombreux à aimer l’histoire, celle-ci peut être extrêmement passionnante, mais cela nous pousse parfois à des déclarations excessives. Je fais bien sûr référence aux propos de M. Ravier. Faisons attention à ne pas perdre le fil de notre discussion et la sérénité indispensable à notre débat.
L’amendement n° 524 rectifié bis de M. Ravier ne peut qu’être écarté, puisqu’il est manifestement inconstitutionnel.
J’en viens aux amendements de Mme Boyer. Nous avons eu suffisamment de difficultés à faire admettre par le Conseil d’État, puis par le Conseil constitutionnel, une règle dérogatoire pour Mayotte, qui imposait pour l’acquisition de la nationalité au titre du droit du sol la situation régulière de l’un des deux parents et trois mois de résidence. Imaginez demander cette même règle pour les deux parents, avec une période de résidence de deux ans… Votre amendement de repli, avec un seul parent sur une période de deux ans, est de même teneur. Il est évident que nous sommes en présence d’inconstitutionnalités majeures.
Enfin, nous avons émis un avis de sagesse sur l’amendement n° 344 rectifié, car il a l’avantage de répondre à la question de Mme Corinne Narassiguin concernant le mécanisme juridique à mettre en place pour la manifestation de volonté. Je n’émets cet avis que du bout des lèvres, car vous demandez dans le même temps la prolongation, de cinq ans à dix ans, de la période de résidence exigée du jeune.
Je comprends que vous entendez préparer, en quelque sorte, le débat qui se tiendra en commission mixte paritaire, mais nous sommes déjà à la limite au regard de l’article 45 de la Constitution. Or vous ne faites pas dans la discrétion en préconisant de fixer à dix ans cette période de résidence. Quoi qu’il en soit, je laisse notre assemblée décider de la suite des opérations… (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis défavorable aux amendements présentés par Mme Boyer, pour les raisons que j’ai déjà évoquées. Je souligne que M. le rapporteur reconnaît lui-même que l’amendement n° 344 rectifié est à la limite de l’article 45. Je le dis dans la perspective de la lecture que le Conseil constitutionnel fera de ces débats.
Monsieur Ravier, votre comparaison des humains avec des animaux ne vous honore pas.
M. Stéphane Ravier. C’est une image !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous auriez pu en prendre une autre, mais, manifestement, votre inconscient a parlé. Un ministre de la République ne peut pas se taire face à de telles déclarations quand il est devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Pascal Savoldelli. Et la présidente ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Elle a pris ses responsabilités. Pardonnez-moi de prendre votre défense, madame la présidente, mais je le fais avec plaisir.
Madame Boyer, je ne veux pas entrer dans le détail des dispositions relatives à la nationalité du code civil, mais je veux tout de même évoquer Mayotte, pour vous rappeler que c’est sous la présidence d’Emmanuel Macron que l’on a modifié les règles d’accès à la régularisation et à la nationalité sur ce territoire. Je rappelle ces modifications à l’intention de ceux qui ne sont pas spécialistes du droit qui s’applique à Mayotte : désormais, pour qu’un enfant né dans ce département ait accès à la régularisation et, demain, possiblement, à la nationalité, il faut qu’au moins l’un des deux parents ait séjourné de manière régulière sur le territoire en question depuis au moins trois mois avant la naissance de cet enfant. Ainsi, la jeune femme qui accouche sur un kwassa-kwassa comorien n’entre pas dans ce cadre.
Faut-il aller plus loin en matière de régularisation ? Je le pense. D’ailleurs, vos deux collègues sénateurs de Mayotte, membres du groupe RDPI, ont déposé des amendements sur ce texte ; ils proposent d’instaurer un délai de neuf mois avant la conception de l’enfant et d’imposer le séjour régulier des deux parents. (Mmes Céline Brulin et Marie-Pierre de La Gontrie s’exclament.)
C’est fait exprès pour qu’il n’y ait pas de calcul de la conception de l’enfant dans le but de bénéficier de la régularisation. Ce débat aura lieu : il porte non pas sur la nationalité, mais sur les règles de régularisations. De telles dispositions seraient-elles constitutionnelles ? Nous avons un doute, puisque, lors de la rédaction, en 2018, du texte qui a changé les règles une première fois, le Conseil constitutionnel et, surtout, le Conseil d’État nous avaient mis en garde, expliquant que nous étions à la limite d’une nécessaire révision constitutionnelle. Nous allons tenter d’aller plus loin avec l’amendement de vos deux collègues de Mayotte, auquel je donnerai un avis favorable, quitte à entreprendre une révision de la Constitution si le Conseil constitutionnel venait à censurer la disposition.
Pour autant, madame Boyer, je parle de Mayotte, quand vous parlez de l’ensemble du territoire ; je parle de régularisation, quand vous parlez de nationalité. C’est pourquoi je suis défavorable à tous les amendements que vous avez présentés ; je le suis également à l’amendement de M. Ravier.
Rappel au règlement
M. Fabien Gay. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 32, relatif à la tenue des séances.
Madame la présidente, vous savez que notre groupe est attaché au débat démocratique et républicain. J’aime les personnes qui ont des convictions et qui les affirment. Il y a forcément des désaccords parmi nous. Il peut être fait référence à l’histoire, aux valeurs que nous défendons. Tant mieux ! Je ne suis pas d’accord avec M. Karoutchi, mais ce n’est pas grave. Ce n’est ni la première ni la dernière fois.
Chacun assume ses prises de position, mais ce qu’a dit notre collègue Ravier est indigne et intolérable. Comparer, dans un débat sur le droit du sol, des êtres humains à des animaux n’est pas acceptable, quelle que soit notre position sur le sujet. Tous les républicains qui siègent dans cet hémicycle doivent le condamner fermement. Je l’affirme avec force. Si nous continuons à dériver de la sorte, si un racisme décomplexé peut s’exprimer librement dans cet hémicycle, alors nous basculons dans autre chose.
J’y insiste, notre groupe condamne fermement ces propos, et j’espère que tous les républicains feront de même. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je tiens à évoquer à mon tour les propos tenus par M. Ravier.
Selon notre collègue, un veau qui naît dans une écurie ne devient pas un cheval. Je pense qu’il faut tempérer les condamnations intempestives. À faire l’exégèse de ces propos, l’étranger est le veau et le Français le cheval. Tout le monde est comparé à un animal ! Ce n’est pas d’une grande élégance, je le reconnais, mais nous sommes tous ravalés au rang de bêtes dans cette histoire. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Ce qui me heurte le plus dans ce propos, c’est que la métaphore employée est complètement erronée, parce que la France est un pays universaliste. On peut devenir Français autrement que par la naissance, autrement que par le sol, indépendamment de sa couleur de peau, de sa religion, de son orientation sexuelle et de son origine. En France, quelqu’un qui n’est pas né Français peut le devenir – c’est l’assimilation –, mais cela implique d’adhérer à la totalité de ce qu’est la France. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Je n’ai absolument pas voulu renvoyer les êtres humains, Français ou étrangers, au rang d’animaux. C’est une image. Ce sont les situations que je compare. Si j’ai pu froisser certains, j’en suis navré, mais telle n’était pas ma volonté.
Pour autant (Ah ! sur les travées du groupe CRCE-K.), recevoir une leçon de démocratie et de respect des êtres humains d’un représentant du parti communiste, c’est un peu fort ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.) Le communisme, c’est l’idéologie qui, au cours du XXe siècle, a provoqué la mort de 100 millions de personnes, a privé de liberté syndicale, professionnelle, religieuse, de toutes les libertés fondamentales, des millions d’individus ! Monsieur Gay, vous devriez vous faire plus modeste, plus discret…
M. Fabien Gay. Jamais je ne baisserai les yeux !
M. Stéphane Ravier. C’est honteux de prétendre que l’on combat pour la démocratie et la liberté quand on se réclame du communisme !
Il y a eu, fort heureusement, le Nuremberg du nazisme ; il faudra bien qu’il y ait un jour le Nuremberg du communisme !
M. Laurent Burgoa. Oh là là !
M. Stéphane Ravier. Avec 100 millions de morts, vous osez nous faire la leçon : honte à vous ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je souhaite que nos débats conservent la sérénité qui est la marque de fabrique de notre assemblée et contribue à la bonne image de nos travaux.
À cet effet, je n’hésiterai pas à faire usage des prérogatives que le règlement confère à la présidence de séance. Ce rappel ayant été fait, nous allons reprendre le cours normal de notre discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Lorsque je me suis exprimé à la tribune, au début de nos débats, j’ai formé le vœu que nous ayons des débats respectueux des personnes. Comme je pense que ce n’est pas le cas actuellement, je demande une courte suspension de séance.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-quatre, est reprise à dix-sept heures vingt-six.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mes chers collègues, j’espère que les esprits se sont apaisés.
Article 2 bis (nouveau) (suite)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je salue l’initiative du ministre d’avoir demandé cette suspension de séance, car nos discussions prenaient une tournure peu acceptable. Madame la présidente, le règlement vous offre d’ailleurs une palette de mesures vous permettant de faire revenir l’ordre si certains ne se plient pas spontanément à vos injonctions. En tout cas, nous nous associons totalement aux propos tenus par Fabien Gay.
Pour en revenir à la discussion, je veux dire que nous voterons contre tous ces amendements. J’ajoute, à l’attention de M. le rapporteur, que je suis très étonnée que, sur un amendement au sujet duquel il a exprimé, de la manière si courtoise qui le caractérise, un doute sérieux de constitutionnalité, il ait donné un avis de sagesse. S’il vous semblait inconstitutionnel, monsieur le rapporteur, il aurait fallu donner un avis défavorable !
Enfin, madame Jourda, que vous banalisiez les propos de M. Ravier ne laisse pas de m’inquiéter.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je les remets à leur juste place !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Madame la présidente, je vous remercie d’avoir ainsi, si j’ose dire, rappelé au règlement notre assemblée. Je n’étais pas présent dans l’hémicycle lorsque l’incident de séance s’est produit, mais je crois savoir que notre collègue Valérie Boyer a elle-même mis les choses au point avec justesse lorsqu’elle a pris la parole après M. Ravier.
J’entends parler de problèmes de constitutionnalité dont souffriraient ces amendements. Le Parlement est désormais assez largement diminué, avec l’application combinée des articles 40, 41 et 45 de la Constitution de la Ve République. Si nous-mêmes commençons à nous autocensurer parce que nous craignons une censure du Conseil constitutionnel, nous ne sommes plus législateurs !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Dites-le à Gérard Larcher !
M. Bruno Retailleau. Nous n’étions pas d’accord avec le Gouvernement sur la réforme des retraites. Nous avions identifié deux articles qui posaient problème – ils ont d’ailleurs été censurés –, mais c’est le Gouvernement lui-même qui les avait proposés. Il ne s’était pas drapé dans un manteau d’indignité constitutionnelle pour annoncer qu’il les retirait.
Il nous faut aller au bout de nos convictions,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Comme le président du Sénat ?
M. Bruno Retailleau. … quitte à être désavoués par le Conseil constitutionnel. Parfois, d’ailleurs, nous avons été heureusement surpris. Allons au bout de nos démarches politiques : c’est notre travail de législateur.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 524 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 344 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 25 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 133 |
Contre | 210 |
Le Sénat n’a pas adopté. (M. Thomas Dossus applaudit.)
Je mets aux voix l’amendement n° 66 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 bis.
(L’article 2 bis est adopté.)
Après l’article 2 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 345 rectifié, présenté par M. E. Blanc, Mme Aeschlimann, MM. Allizard, Anglars, Bacci, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Bruyen, Burgoa, Cadec et Cambon, Mmes Canayer et Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mme Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel, Bouloux, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 21-2 du code civil est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « cinq » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « huit ».
La parole est à Mme Frédérique Puissat.
Mme Frédérique Puissat. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis.
L’amendement n° 62 rectifié quinquies, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet et Tabarot, Mme Lopez, MM. Saury, Szpiner, Sido et Klinger et Mmes Josende et Goy-Chavent, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 21-11 du code civil, il est inséré un article 21-11-… ainsi rédigé :
« Art. 21-11-…. – L’étranger perd le droit qui lui est reconnu à l’article 21-7 s’il n’est manifestement pas assimilé à la communauté française. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à permettre à l’autorité publique de s’opposer à l’acquisition de la nationalité française en vertu du droit du sol par un étranger qui n’est manifestement pas assimilé à la communauté française.
L’assimilation resterait ainsi présumée, à la différence du régime de la naturalisation, mais l’État aurait la possibilité d’apporter la preuve de la non-assimilation et de s’opposer à l’acquisition de la nationalité par le droit du sol.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je rappelle que cet amendement entre dans le périmètre de l’article 45 de la Constitution, tel qu’il a été fixé par un vote de notre commission.
Cet amendement tend à prévoir une condition d’assimilation préalable à l’acquisition de la nationalité par le droit du sol. Une telle condition existe déjà pour l’acquisition de la nationalité par naturalisation. Aussi la commission s’en remettra à la sagesse du Sénat sur cet amendement, dont la rédaction gagnerait toutefois à être précisée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 62 rectifié quinquies.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 628, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° À l’article 2493, les mots : « de trois mois » sont remplacés par les mots : « d’un an » ;
2° Sont ajoutés deux livres ainsi rédigés :
« Livre VI
« Dispositions applicables en Guyane
« Art. 2535. – Le présent code est applicable en Guyane dans les conditions définies au présent livre.
« Art. 2536. – Pour un enfant né en Guyane, les deux premiers alinéas de l’article 21-7 ne sont applicables que si, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de neuf mois.
« Art. 2537. – L’article 2536 est applicable dans les conditions prévues à l’article 17-2.
« Toutefois, les articles 21-7 et 21-11 sont applicables à l’enfant né en Guyane de parents étrangers avant l’entrée en vigueur de la loi n° … du … pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, si l’un des parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux mêmes articles 21-7 et 21-11 du présent code.
« Livre VII
« Dispositions applicables à Saint-Martin
« Art. 2544. – Le présent code est applicable à Saint-Martin dans les conditions définies au présent livre.
« Art. 2545. – Pour un enfant né à Saint-Martin, les deux premiers alinéas de l’article 21-7 ne sont applicables que si, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.
« Art. 2546. – L’article 2545 est applicable dans les conditions prévues à l’article 17-2.
« Toutefois, les articles 21-7 et 21-11 sont applicables à l’enfant né à Saint-Martin de parents étrangers avant l’entrée en vigueur de la loi n° … du … pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, si l’un des parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux mêmes articles 21-7 et 21-11 du présent code. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous revenons, avec cet amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 2 bis, sur un sujet qu’a abordé il y a quelques instants le ministre de l’intérieur lorsqu’il a donné son avis sur les derniers amendements que nous avons examinés à l’article 2 bis.
Nous avons tous en mémoire l’amendement défendu par Thani Mohamed Soilihi, sénateur de Mayotte, visant à prévoir que ne pourraient acquérir la nationalité française que les mineurs dont l’un des parents au moins était à la date de leur naissance en situation régulière ininterrompue sur le territoire français depuis plus de trois mois.
Interrogé par le président du Sénat, le Conseil d’État a répondu qu’il était possible sur ce sujet de prévoir une exception pour Mayotte. Nous avions donc adopté l’amendement de Thani Mohamed Soilihi et retenu le délai de trois mois.
Pour prendre en compte la réalité du terrain, le présent amendement vise à porter le délai de résidence régulière d’au moins un parent à un an à Mayotte, dont la situation demeure tout à fait particulière, et à neuf mois en Guyane, où le niveau d’immigration, en provenance du Suriname et du Brésil, est également très élevé, et à appliquer à Saint-Martin, situé près de Haïti, qui est en totale déconfiture, le délai de trois mois actuellement en vigueur à Mayotte.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 73 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mmes Lopez et Lassarade, MM. Saury et Sido, Mme Romagny, M. Klinger et Mmes Josende, Goy-Chavent, Devésa et Aeschlimann, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 21-11 du code civil, il est inséré un article 21-11-… ainsi rédigé :
« Art 21-11-…. – I. – Pour un enfant né en Guyane, le premier alinéa de l’article 21-7 et l’article 21-11 ne sont applicables que si, à la date de sa naissance, les deux parents au résidaient en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans.
« Toutefois, les articles 21-7 et 21-11 sont applicables à l’enfant né en Guyane de parents étrangers avant l’entrée en vigueur de la loi n° … du … pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, si les deux parents justifient avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux mêmes articles 21-7 et 21-11.
« II. – À la demande des parents et sur présentation de justificatifs, la mention qu’au jour de la naissance de l’enfant, il réside en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans est portée sur l’acte de naissance de l’enfant selon des conditions et modalités fixées par décret en Conseil d’État.
« Lorsque l’officier de l’état civil refuse d’apposer la mention, le parent peut saisir le procureur de la République, qui décide, s’il y a lieu, d’ordonner cette mesure de publicité en marge de l’acte, selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps les amendements nos 74 rectifié bis, 71 rectifié bis et 72 rectifié bis.
Mme la présidente. Volontiers, ma chère collègue.
L’amendement n° 74 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mmes Lopez et P. Martin, M. Saury, Mme Romagny, M. Klinger et Mmes Josende, Goy-Chavent, Devésa et Aeschlimann, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 21-11 du code civil, il est inséré un article 21-11-… ainsi rédigé :
« Art 21-11-…. – I. – Pour un enfant né en Guyane, le premier alinéa de l’article 21-7 et l’article 21-11 ne sont applicables que si, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans.
« Toutefois, les articles 21-7 et 21-11 sont applicables à l’enfant né en Guyane de parents étrangers avant l’entrée en vigueur de la loi n° … du … pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, si l’un des parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux mêmes articles 21-7 et 21-11.
« II. – À la demande de l’un des parents et sur présentation de justificatifs, la mention qu’au jour de la naissance de l’enfant, il réside en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans est portée sur l’acte de naissance de l’enfant selon des conditions et modalités fixées par décret en Conseil d’État.
« Lorsque l’officier de l’état civil refuse d’apposer la mention, le parent peut saisir le procureur de la République, qui décide, s’il y a lieu, d’ordonner cette mesure de publicité en marge de l’acte, selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État. »
L’amendement n° 71 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mmes Lopez, Garnier, P. Martin et Lassarade, M. Saury, Mme Romagny, M. Klinger et Mmes Josende, Goy-Chavent, Devésa et Aeschlimann, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 2493 du code civil est ainsi modifié :
1° Les mots : « l’un de ses parents au moins résidait » sont remplacés par les mots : « ses deux parents résidaient » ;
2° Les mots : « trois mois » sont remplacés par les mots : « deux ans ».
L’amendement n° 72 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mmes Lopez, Garnier et P. Martin, M. Klinger et Mmes Josende, Goy-Chavent, Devésa et Aeschlimann, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 2493 du code civil, les mots : « trois mois » sont remplacés par les mots : « deux ans ».
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Valérie Boyer. La situation de nos territoires lointains est particulièrement difficile. Malheureusement, les situations dramatiques, même si elles ne sont pas aussi graves que celles que connaissent Mayotte, la Guyane et certaines îles se rencontrent aussi, à une autre échelle, dans de nombreux territoires de la France métropolitaine.
D’après les informations et les témoignages qui nous parviennent localement, ces situations s’aggravent. Alors que les mineurs non accompagnés étaient jusqu’à il y a peu essentiellement des garçons, on voit aujourd’hui arriver également de très jeunes femmes. Afin de bénéficier d’une sorte de totem d’immunité, elles tombent enceintes et accouchent en France.
Il est donc particulièrement important de prendre ce problème à bras-le-corps. À cet égard, je regrette que les éléments sur la naturalisation que nous venons d’examiner n’aient pas figuré dans le texte initial, tout comme je déplore l’absence dans le projet de loi de dispositions sur les mineurs non accompagnés, qui, souvent, ne sont ni mineurs ni non accompagnés, comme cela a déjà été dit.
Ces amendements ayant reçu un avis défavorable de la commission, je vais les retirer, madame la présidente, mais je me réjouis que les propositions de nos collègues de Mayotte puissent être prises en compte afin que la situation dans leur département ne s’aggrave pas. Je rappelle qu’il y a aujourd’hui dans ce territoire plus de naissances d’enfants étrangers que de naissances d’enfants français. Cette situation est de plus en plus hors de contrôle. Nos parlementaires mahorais le déplorent, quelle que soit d’ailleurs leur appartenance politique.
Cela étant dit, je retire l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. Les amendements nos 73 rectifié bis, 74 rectifié bis, 71 rectifié bis et 72 rectifié bis sont retirés.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 628 de la commission ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame la présidente, je peux certes m’entendre avec la commission et les sénateurs mahorais sur l’allongement du délai de présence exigé des femmes qui viendraient accoucher à Mayotte pour ouvrir droit à une régularisation de la présence de leur enfant sur le territoire national – on constate une forte immigration irrégulière, mais aussi, on l’a dit hier, un trafic de certificats de paternité ; en revanche, je ne peux pas faire de lien entre ce sujet et les questions de nationalité.
Le sénateur Thani Mohamed Soilihi ayant par ailleurs déposé des amendements tendant à demander la remise de rapports sur ce sujet, amendements sur lesquels je m’en remettrai à la sagesse du Sénat, j’émets un avis défavorable sur le présent amendement de la commission.
Monsieur le rapporteur, vous avez parfaitement raison, il convient d’inscrire dans la loi les conditions d’accès à un statut régulier des personnes qui naissent à Mayotte, mais également à Saint-Martin, en Guyane, voire en Martinique, en raison de la proximité de Sainte-Lucie. Il s’agit là d’un sujet très ultramarin. Nous le ferons à l’Assemblée nationale au cours de la navette.
Toutefois, qu’il n’y ait pas de malentendu entre nous, je parle bien de dispositions relatives à la régularisation et non pas de modifications du volet relatif à la nationalité du code civil, une telle modification posant sans doute un problème de constitutionnalité et ne pouvant être faite dans une loi ordinaire.
Le Gouvernement n’est pas opposé par principe à vos propositions. Le cas mahorais est extrêmement complexe, mais il ne peut pas être traité dans une loi ordinaire, en tout cas pas dans ces conditions. Ce serait mentir à nos concitoyens mahorais que de le laisser croire.
Je prends donc l’engagement, monsieur le rapporteur, d’inscrire dans le texte des dispositions relatives à la régularisation du séjour à l’Assemblée nationale, que nous pourrons sans doute finaliser en commission mixte paritaire.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis.
L’amendement n° 481 rectifié bis, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Bitz et Patriat, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un premier bilan de la mise en œuvre des dispositions relatives aux conditions d’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France des enfants nés à Mayotte de parents étrangers.
La parole est à M. Olivier Bitz.
M. Olivier Bitz. Notre collègue Thani Mohamed Soilihi tient à rappeler que la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a déjà instauré un régime dérogatoire d’acquisition de la nationalité française à Mayotte.
Ainsi, pour qu’un enfant né à Mayotte puisse avoir la nationalité française, il est exigé qu’au moins un de ses parents ait, au jour de sa naissance, été présent de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois.
Ce dispositif dérogatoire, qui a désormais cinq ans, produit des effets. Notre collègue, avant d’imaginer un durcissement de ce dispositif, souhaiterait que la loi de 2018 soit évaluée afin de pouvoir disposer d’une connaissance un peu plus fine de ses effets.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cet amendement tendant à demander la remise d’un rapport, la commission demande son retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Cela étant, il me semble que M. le ministre a donné par anticipation son avis sur cet amendement et indiqué qu’il souhaitait avoir un débat sur ce sujet à l’Assemblée nationale.
Je précise également, dans la perspective de l’examen de ce texte par le Conseil constitutionnel, que par son amendement n° 628 visant à prévoir des délais de séjour respectivement de trois mois, neuf mois et un an, la commission a essayé de s’adapter à la situation migratoire.
Pour Mayotte, nous avons tenu compte du rapport déposé par notre collègue députée de Mayotte Estelle Youssouffa, en conclusion des travaux d’une mission d’information. Ces travaux ont justifié l’amendement que nous vous avons présenté.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Bitz, l’amendement n° 481 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Bitz. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 480 rectifié bis, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Bitz et Patriat, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la campagne d’information menée à destination des candidats à l’émigration vers Mayotte à propos des nouvelles règles d’acquisition de la nationalité sur ce territoire, et de prévention à l’égard des Français, et des étrangers en situation régulière, sur les conséquences juridiques et financières encourues en cas de reconnaissances frauduleuses de paternité.
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Dans son avis du 5 juin 2018 sur la proposition de loi de notre collègue Thani Mohamed Soilihi tendant à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte les règles d’acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers, le Conseil d’État avait recommandé que soit menée une campagne d’information, à Mayotte et à destination des pays d’origine des personnes y immigrant irrégulièrement, sur l’état du droit qui résulterait du vote de ce texte.
Les dispositions de cette proposition de loi ont finalement été intégrées dans la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
La campagne d’information n’a cependant jamais été mise en œuvre. Cet amendement vise donc à demander au Gouvernement quelles suites il entend donner à la recommandation du Conseil d’État.
Nous attirons également l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’agir à titre préventif pour faire connaître l’état du droit aux femmes et aux hommes, français ou étrangers, en situation régulière, qui seraient tentés de reconnaître des enfants qui ne sont pas les leurs. Nombreux sont ceux qui ignorent les peines qu’ils encourent.
Pourtant, reconnaître un enfant aux seules fins d’acquérir ou de faire acquérir un titre de séjour ou la nationalité française est actuellement puni de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ; cette amende devrait atteindre 75 000 euros après l’entrée en vigueur du présent projet de loi.
Par ailleurs, cette infraction a des conséquences patrimoniales importantes, puisqu’une contribution à l’éducation et à l’entretien des enfants reconnus pourrait être demandée par la mère et des droits sur l’héritage pourraient être accordés à des enfants.
Il est bien sûr indispensable d’accentuer en aval la lutte contre ces comportements délictueux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Comme pour l’amendement précédent, puisqu’il s’agit d’une demande de rapport, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Buis, l’amendement n° 480 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Bernard Buis. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 ter (nouveau)
Au dernier alinéa de l’article 21-27 du code civil, les références : « 21-7, 21-11, » sont supprimées.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 21 rectifié bis est présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux, Mme Girardin, M. Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset.
L’amendement n° 237 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 285 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié bis.
M. Henri Cabanel. Cet amendement de notre collègue Maryse Carrère s’inscrit dans la continuité de notre amendement de suppression de l’article 2 bis.
L’article 2 ter prévoit de priver les délinquants condamnés à une peine d’emprisonnement d’au moins six mois du bénéfice du droit du sol.
Nous avons trouvé absurde la condition d’une manifestation de volonté édictée à l’article 2 bis. Pour ce qui concerne celui-ci, nous croyons que, lorsqu’un mineur est condamné à une peine de prison alors qu’il a grandi dans notre pays, il faut peut-être d’abord y voir une défaillance de notre système éducatif.
Au-delà de la question du recul du droit du sol, auquel nous sommes opposés, l’exigence morale à l’égard du mineur nous dérange. Les mineurs sont encore trop jeunes pour qu’on leur refuse le droit de commettre des erreurs.
Il est déraisonnable de vouloir conditionner à ce point l’avenir d’un enfant à la seule nationalité de ses parents.
Aussi proposons-nous de supprimer l’article 2 ter du projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 237.
M. Jérôme Durain. L’article 2 ter, s’il était adopté, aurait pour effet de priver un mineur étranger né en France de parents étrangers de l’accès à la nationalité française pour la seule raison qu’il aura été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois d’emprisonnement.
Nous trouvons évidemment que cette mesure est tout à fait disproportionnée. Elle aurait pour conséquence d’obturer définitivement l’avenir d’un mineur étranger, pour des faits potentiellement de faible gravité, au seul motif que ses parents sont étrangers.
Cette mesure est également choquante par son caractère automatique et par l’absence de prise en considération de la personnalité du mineur. Enfin, comme l’a dit notre collègue Henri Cabanel, elle témoigne d’un renoncement à la dimension éducative, à laquelle nous sommes très attachés.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 285 rectifié.
M. Guy Benarroche. Cet article est encore un coup de canif, pour ne pas dire plus, porté au droit du sol.
Un article du code civil empêche déjà l’acquisition de la nationalité par toute personne condamnée à une peine égale ou supérieure à six mois d’emprisonnement non assortie d’une mesure de sursis. Néanmoins, cet article ne s’applique pas aux enfants nés de parents étrangers qui obtiendraient la nationalité française.
L’article 2 ter, il faut en être bien conscient, supprime cette exception. On pourra désormais empêcher un enfant né sur le territoire français, y ayant vécu jusqu’à l’âge de 18 ans, parce qu’il a été condamné à une peine de six mois d’emprisonnement, d’acquérir la nationalité française jusqu’à la fin de sa vie.
Il faut bien mesurer ce dont il s’agit. L’enfant de 16 ans qui serait condamné, par exemple, à une peine de six mois de prison pour agression sonore… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous ne sommes pas là pour évaluer si les peines prévues dans le code pénal en vigueur sont justifiées ou non ! Nous faisons une loi en fonction des dispositions existantes. Or le code pénal prévoit bien qu’une agression sonore est passible d’une peine de six mois de prison.
Quelqu’un qui serait aujourd’hui condamné pour ce motif à six mois de prison ne pourrait pas acquérir, durant sa vie entière, la nationalité française alors qu’il a peut-être commis le délit lorsqu’il avait 14 ou 15 ans.
Mes chers collègues, je peux comprendre, même si nous ne sommes pas d’accord, votre désir d’adopter cet article ; je vous demande simplement de bien peser quelles seraient les conséquences de son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous avons été convaincus, en commission, par l’amendement de Mme Boyer dont est issu cet article, et nous entendons nous en tenir à cette position, au vu de la gravité des faits qui peuvent donner lieu à une telle peine.
Monsieur Benarroche, le texte qui a été adopté ne concerne pas la peine encourue, mais bien la peine prononcée.
Monsieur Durain, vous dites qu’une peine d’emprisonnement de six mois correspond à un délit d’une faible gravité. Or tous les praticiens – nous en comptons d’éminents dans cet hémicycle – savent que, lorsqu’un mineur est condamné à une peine de six mois de prison ferme, il n’a pas commis un acte d’une faible gravité.
Enfin, monsieur Benarroche, l’article 2 ter ne prive pas à vie l’intéressé de la possibilité de demander sa naturalisation. Simplement, il ne bénéficiera pas de la naturalisation de plein droit liée au droit du sol.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voterons évidemment ces amendements.
Il faut bien voir ce dont il est question. On peut tergiverser sur les différences entre peine encourue et prononcée, mais que deviendra un enfant né en France qui n’obtiendrait pas la nationalité française ? Vous me répondrez : « La belle affaire, il aura la nationalité de ses parents. » C’est vraisemblablement exact d’un point de vue juridique, mais le fait est que cet enfant aura vécu depuis sa naissance en France. On le contraindrait donc, alors qu’il n’a jamais mis les pieds ailleurs que dans le pays où il est né, à avoir la nationalité d’un pays qu’il ne connaît pas. Je livre cela à votre réflexion.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je tiens à rassurer M. le rapporteur : je connais très bien la différence entre une peine encourue et une peine prononcée. Cela étant, une peine encourue peut être prononcée !
Dès lors que l’on inscrit dans la loi, monsieur le rapporteur, qu’une condamnation à une peine de six mois d’emprisonnement empêche l’application du droit du sol, cela signifie que toutes les condamnations possibles à une telle peine, si elles sont prononcées, empêchent la mise en œuvre de ce droit.
Par ailleurs, Mme de La Gontrie l’a très bien dit, que ferons-nous de tous ces enfants – il s’agit bien d’enfants, ils ont moins de 18 ans – qui sont nés, ont vécu et ont été éduqués et formés toute leur vie en France ? À quelle nationalité auront-ils droit ?
Le but est-il simplement de compliquer davantage l’accès à la nationalité française ? Je comprendrais très bien que vous le disiez ainsi. Si telle est votre position, qu’on en discute, mais ne dissimulez pas la réalité, comme vous l’avez fait hier concernant l’aide médicale de l’État. Dites que vous souhaitez rendre de plus en plus compliqué l’accès à la nationalité française !
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Szpiner, pour explication de vote.
M. Francis Szpiner. Je suis très étonné de ce débat : manifestement, il y a des gens qui vivent dans les codes, et d’autres dans la vie réelle.
Si vous interrogez les magistrats et les parquetiers des tribunaux pour enfants, ils vous diront que, lorsque des mineurs de 16 ans sont condamnés à des peines d’emprisonnement de six mois ferme, ce n’est qu’après leur sixième ou septième comparution devant le juge des enfants. En général, ils commencent par écoper d’un rappel à la loi, puis d’une remise aux parents et d’un avertissement. J’ai d’ailleurs toujours été étonné que la remise aux parents soit considérée comme une peine !
Une peine de six mois ferme, chers collègues, c’est une grosse peine. Quand un mineur prend six mois ferme, c’est qu’il a commis des actes graves, pas juste – quelle plaisanterie ! – des nuisances sonores !
Ensuite, les magistrats seront parfaitement conscients que, s’ils prononcent une peine d’emprisonnement de six mois ferme, ils prendront le risque que le mineur se voie refuser la nationalité française. Faites donc confiance aux magistrats, qui n’infligeront pas ces peines à la légère quand ils en connaîtront l’enjeu.
Enfin, on nous dit qu’il s’agit d’enfants. Je m’étonne que certains, alors qu’ils prônent la majorité à 16 ans, se rendent soudainement compte que les adultes de demain sont les enfants d’hier. Il faut être un peu cohérent ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié bis, 237 et 285 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 ter.
(L’article 2 ter est adopté.)
Après l’article 2 ter
Mme la présidente. L’amendement n° 121, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Les articles 19-1, 19-3, 19-4 et 20-5 sont abrogés ;
2° Au deuxième alinéa de l’article 20, les références : « 19-1 », « 19-3 » et « 19-4 » sont supprimées.
II. – Les articles 23 et 25 de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 complétant et modifiant le code de la nationalité française et relative à certaines dispositions concernant la nationalité française sont abrogés.
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Notre amendement vise à supprimer tous les articles de notre législation qui consacrent dans le droit positif le droit du sol ou le double droit du sol.
La réflexion sur la question de la nationalité est essentielle pour notre pays. La nationalité est un pilier fondamental de l’identité de notre nation. Il est impératif que notre législation reflète les valeurs et les intérêts de la France.
Être Français s’hérite ou se mérite. Ainsi l’amendement que nous vous soumettons aujourd’hui est une première étape vers l’alignement de notre législation sur cette vision. Le droit du sol tel qu’il est actuellement consacré accorde automatiquement la nationalité française, à sa majorité, à toute personne née sur le territoire français, quels que soient ses antécédents familiaux. De même, le double droit du sol permet à un enfant, né en France de parents étrangers, d’acquérir automatiquement la nationalité française.
Bien que ces principes aient leur légitimité, ils doivent être revus pour s’assurer qu’ils correspondent aux intérêts et aux valeurs de notre nation. La réforme constitutionnelle proposée durant la campagne présidentielle par Marine Le Pen a pour objectif de redéfinir les critères de la nationalité française, notamment en fixant des conditions plus strictes pour son acquisition.
Dans cette optique, il est logique de commencer dès à présent à supprimer les dispositions législatives qui s’opposent à cette vision en éliminant les articles de notre législation consacrant le droit du sol et le double droit du sol. Nous enverrions ainsi le signal fort que la nationalité française ne peut être octroyée automatiquement, mais qu’elle doit être gagnée par des actes et des engagements envers notre nation.
Cette démarche vise à garantir que la nationalité française est un privilège réservé à ceux qui partagent les valeurs qui y sont associées et souhaitent sincèrement contribuer à la prospérité et à l’unité de notre nation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Nous avons eu tout à l’heure un débat bref, mais intense, sur l’origine du droit du sol. Nous avons vu que tout pouvait être discuté, y compris l’histoire du droit du sol, mais il nous semble tout de même difficile de supprimer ce droit au détour d’un amendement, d’autant plus que nous avons déjà adopté au cours de nos débats quelques aménagements, lesquels nous apparaissent suffisants en l’état.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 573 rectifié, présenté par Mme de Marco, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 21-14-1 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 21-14-…. – La nationalité française est conférée par décret, sur proposition d’un député ou d’un sénateur, à tout étranger s’étant illustré par son courage ou son mérite, au service de la société française.
« En cas de décès de l’intéressé, dans les conditions prévues au premier alinéa, la même procédure est ouverte à ses enfants mineurs qui, au jour du décès, remplissaient la condition de résidence prévue à l’article 22-1. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement de notre collègue Monique de Marco est un amendement d’appel.
En 1999, le législateur a introduit dans le code civil une disposition permettant au ministre de la défense d’octroyer la nationalité française « à tout étranger engagé dans les armées françaises qui a été blessé en mission au cours ou à l’occasion d’un engagement opérationnel et qui en fait la demande », ou, en cas de décès de l’intéressé, à ses enfants.
Cette disposition illustrait une réalité : de nombreux étrangers œuvrent quotidiennement au service de la France, sous les drapeaux, mais aussi dans la vie civile. Le Gouvernement a ainsi à sa main diverses dispositions juridiques permettant d’octroyer la nationalité française à des personnalités étrangères qui contribuent au rayonnement de la France, sans que le Parlement puisse d’ailleurs exercer de contrôle de ces naturalisations, dont l’opportunité peut parfois sembler étonnante.
Les choix opérés par le Gouvernement en matière de naturalisation traduisent une certaine vision de la nationalité française. Celle-ci devient le fait du prince dès lors qu’elle relève de la seule prérogative du Gouvernement.
En tant que parlementaires, nous sommes les interlocuteurs privilégiés de tous les élus sur notre territoire national. À ce titre, nous sommes tous les premiers témoins de l’intégration de personnes étrangères dans la vie de la cité, qui remplissent des missions pour notre pays. Elles représentent, et nous avec elles, une certaine idée de la France.
C’est pourquoi cet amendement vise à étendre aux parlementaires la prérogative de droit de naturalisation à titre exceptionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission relève qu’il est déjà possible de naturaliser une personne étrangère pour service exceptionnel rendu à la Nation, ainsi que M. Benarroche l’a lui-même indiqué.
Il est donc tout à fait loisible aux parlementaires de proposer une candidature, de la même façon qu’ils peuvent le faire pour des décorations qu’ils ne décernent pas eux-mêmes.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 346 rectifié bis est présenté par Mme V. Boyer, M. Le Rudulier, Mme Aeschlimann, MM. Allizard, Bacci, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Brisson, Bruyen, Burgoa, Cadec et Cambon, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, M. Milon, Mmes Muller-Bronn et Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot et Perrin, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon, Szpiner et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus.
L’amendement n° 521 rectifié ter est présenté par M. Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 21-17 du code civil, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 346 rectifié bis.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement tend à allonger le délai de résidence au terme duquel la naturalisation peut être accordée à l’étranger résidant habituellement en France, en le faisant passer de cinq à dix ans.
Il convient en effet de renforcer l’appréciation de la réalité des liens que l’intéressé entretient avec la France avant de procéder à sa naturalisation.
De surcroît, le délai de dix ans correspond à la durée de validité d’une carte de résident et présente ainsi l’avantage d’être plus cohérent au regard de certains parcours, ainsi que cela a été rappelé hier.
La durée minimale de résidence est fixée à dix ans en Autriche, en Espagne, en Lituanie, en Pologne, en Slovénie et en Italie, contre neuf ans au Danemark, huit ans en Croatie, en Estonie, en Hongrie, en Roumanie, en Slovaquie et en Allemagne, et sept ans à Chypre et en Grèce.
Une fois encore, la comparaison européenne révèle que la politique d’immigration légale de la France est plus généreuse – si l’on peut dire – que celle que pratiquent la plupart de ses pays voisins et amis.
En France, les exigences en termes d’intégration sont également particulièrement généreuses – ou terriblement faibles, selon les points de vue. Le regroupement familial et l’accès à la nationalité répondent à des règles souvent beaucoup moins strictes que chez ses voisins européens.
De plus, les personnes étrangères font l’objet d’un accueil incomparablement plus généreux en France que partout ailleurs, qu’il s’agisse des réfugiés, des demandeurs d’asile, des mineurs isolés ou encore des étrangers en situation irrégulière.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 521 rectifié ter.
M. Stéphane Ravier. En 2022, 59 900 acquisitions de nationalité française l’ont été par naturalisation.
Dans le recensement 2021, l’Insee a estimé à 4,5 millions le nombre d’immigrés légaux en France, c’est-à-dire d’étrangers nés hors de France, dont une partie très importante se trouve depuis au moins cinq ans sur notre sol, ou s’y maintiendra durant ce délai et pourra ainsi prétendre à obtenir la nationalité française.
Pourtant, la nationalité française se mérite. Il ne s’agit pas d’un droit universel, d’un bout de papier, d’une carte d’allocation ou d’un titre de séjour à durée indéterminée.
La nationalité française est ce que nous avons de plus précieux. Elle n’est pas simplement une fiction juridique, elle est un enracinement de l’âme, un héritage, un lien, une communauté de destin. À cela, on ne saurait prétendre à la légère.
C’est pourquoi le critère de résidence de cinq ans ne semble pas suffisant.
De même qu’un pays peut assimiler des individus, mais pas des masses, il peut assimiler sur le temps long, mais pas dans la précipitation.
Vous rendez-vous compte de ce que le droit signifie concrètement ? Une personne immigrée arrivée au début du quinquennat d’Emmanuel Macron aurait pu être naturalisée l’année dernière ! C’est tout de même trop court, même si je vous accorde que cinq ans avec Emmanuel Macron, c’est long, très long… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
En rester là ne ferait qu’aggraver la crise civique et les fractures de la société. Ce serait nier ce qu’est la France, nier ce que veut dire être Français.
Il convient de mettre un terme à la déconstruction juridique des mots et du sens des choses, car il y a bien une culture et une identité françaises. Ceux qui disent le contraire participent au wokisme qui ronge notre État et notre civilisation.
C’est pourquoi cet amendement vise à porter à dix ans le temps de résidence habituelle minimum pour accéder à la nationalité française. Cette modification est tout à fait faisable et les standards européens sont bien plus exigeants que les nôtres : la Bulgarie, la République tchèque, l’Italie, la Lituanie, l’Espagne et la Suisse prévoient un délai minimum de dix ans.
Mes chers collègues, à l’heure où les processus de décivilisation et de désassimilation…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Stéphane Ravier. … sont à l’œuvre sur notre sol, je vous invite à prendre vos responsabilités : elles sont historiques !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a été convaincue par l’argument développé par Mme Boyer consistant à aligner la durée de résidence requise sur le délai de validité de la carte de résident, ce qui permet ainsi à un étranger de passer de l’intégration à l’assimilation, donc d’obtenir une naturalisation.
La commission émet par conséquent un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. Je tiens à exprimer mon désarroi face à l’avis favorable de la commission sur deux amendements identiques déposés par la droite et l’extrême droite, respectivement Les Républicains et Reconquête.
La dérive dans laquelle s’est engagée notre assemblée apparaît à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, alors qu’il est de nouveau question du droit de la nationalité, qui n’y a pourtant pas sa place, dans le but de rendre la France de moins en moins accueillante envers ceux qui aspirent à devenir Français.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Pour la deuxième fois dans ce débat législatif, des amendements identiques du groupe Les Républicains et du sénateur Reconquête, défendus avec des argumentaires très proches, ont reçu un avis favorable de la commission. Certes, la commission ne mentionne que Mme Boyer et passe sous silence M. Ravier ; reste que tout se passe comme si Les Républicains étaient partis à la reconquête d’une sévérité qui est contraire à la générosité de notre pays.
« On ne saurait pourtant créer un nouvel appel d’air ! » Depuis des années, si l’on en croit les discours sur le sujet, notre pays ne serait plus qu’un vaste appel d’air. À ce titre, il est étonnant que la France ne soit pas le pays européen qui accueille le plus d’immigrés, malgré tous les appels d’air que nous aurions créés, malgré cette générosité démesurée à tous les niveaux : naturalisation, nationalité, traitement des travailleurs immigrés, prestations sociales, salaires…
Comment expliquer cela ?
C’est simple : cet argument ne tient pas, il ne correspond pas à la réalité. Il s’agit d’une fable, contredite par tous les sociologues et par tous les statisticiens, y compris ceux qui travaillent dans les services de l’État, ainsi que par tous les syndicalistes. Il n’y a pas d’appel d’air et la France n’est pas la plus généreuse, celle qui accueillerait des milliers d’immigrants de plus que les autres pays.
Cessons d’utiliser ce raisonnement pour tout et n’importe quoi : aujourd’hui, exiger dix ans de présence sur le territoire français pour prétendre à une naturalisation parce que cinq ans ne suffiraient pas. Et pourquoi pas vingt-cinq ans ? Pourquoi pas toute une vie, après tout ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je tiens à répondre au désarroi de mes collègues qui s’affolent du fait qu’un amendement émanant du groupe Les Républicains soit identique à un amendement de M. Ravier.
Une pensée politique ne saurait s’articuler en réaction à celle d’une autre personne ou d’un autre mouvement. Chacun est libre de penser ce qu’il entend.
J’observe d’ailleurs que, en début de séance, le groupe socialiste a déposé un amendement dont l’objet s’est révélé très proche de celui qui a été présenté par M. Ravier. Vous aviez exactement le même objectif !
Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Corinne Narassiguin. Il s’agissait d’une demande de rapport !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Non, il ne s’agissait pas de cela.
Toujours est-il que, comme vous définissez votre pensée politique en opposition à celle d’autrui, lorsque vous avez constaté cette convergence, vous avez retiré votre amendement, ce qui est tout à fait légitime.
Cessons donc de penser que nous avons le droit d’engager certaines actions seulement parce que celles-ci se distingueraient de celles d’autres groupes politiques. Chacun fait ce qu’il entend faire, en fonction de ses propres convictions ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Ravier applaudit également.)
M. Stéphane Ravier. Bravo !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 346 rectifié bis et 521 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 ter.
M. Stéphane Ravier. La messe est dite !
Mme la présidente. L’amendement n° 122, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 21-27-1 est ainsi rédigé :
« Art. 21-27-1. – Lors de son acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique, l’intéressé perd sa ou ses autres nationalités.
« Le premier alinéa ne s’applique pas aux pays avec lesquels la France a signé des accords bilatéraux autorisant de posséder plusieurs nationalités. » ;
2° L’article 23 est ainsi rédigé :
« Art. 23. – Toute personne majeure de nationalité française, résidant habituellement à l’étranger, qui acquiert volontairement une nationalité étrangère perd automatiquement la nationalité française à compter de la date d’acquisition de la nouvelle nationalité.
« Le premier alinéa ne s’applique pas aux pays avec lesquels la France a signé des accords bilatéraux autorisant de posséder plusieurs nationalités.
« Dans le cas visé au deuxième alinéa du présent article, l’intéressé est libre de choisir entre garder ou perdre sa nationalité française. »
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Cet amendement vise à supprimer la binationalité ou la multinationalité. Il s’agit là d’un sujet complexe qui appelle une réponse pragmatique.
D’un côté, il est important de reconnaître que de nombreuses personnes peuvent entretenir des liens culturels, familiaux ou professionnels avec plus d’un pays.
De l’autre, la binationalité ou la multinationalité peut susciter des questions en matière de loyauté et de cohésion nationale, comme en attestent les événements récents qu’a traversés notre pays.
Par cet amendement, nous prônons une approche équilibrée. Son principe général tend à la suppression de la binationalité et de la multinationalité, de manière à clarifier les obligations et les droits des citoyens français ainsi qu’à renforcer le lien entre la nationalité et la loyauté envers la France.
Nous défendons en effet depuis toujours le principe de l’assimilation. Acquérir la nationalité française, c’est épouser les valeurs et l’histoire françaises ; devenir Français est un acte d’amour. Comme tel, il semble légitime qu’il soit unique.
Faire Nation est un plébiscite de chaque jour. Si le désir d’un étranger est de devenir Français, il serait anormal qu’il conserve la nationalité du pays qu’il a volontairement quitté.
Cependant, notre proposition est placée sous le signe du pragmatisme. À ce titre, elle intègre la possibilité d’accords bilatéraux négociés au cas par cas avec des pays entretenant des liens amicaux forts et anciens avec la France. Cette possibilité de dérogation offre ainsi une approche adaptée aux réalités du monde d’aujourd’hui, dans lequel de nombreuses personnes sont traversées de liens transnationaux.
Pour toutes ces raisons, nous défendons avec vigueur le principe de la suppression de la binationalité, tout en laissant à nos services diplomatiques – fort malmenés depuis six ans – le soin de construire des accords au cas par cas selon les intérêts de la France.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit certainement d’un amendement d’appel : nos collègues ne peuvent raisonnablement envisager que nous supprimions aujourd’hui, au détour d’un simple amendement et sans véritable débat, la binationalité ou la multinationalité, quelles que soient les questions que celles-ci soulèvent.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 527 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 25 du code civil est ainsi rédigé :
« L’individu qui possède la nationalité française peut, par décret pris après avis en Conseil d’État, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride : ».
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Prenons un exemple concret de l’effet qu’entraînerait l’adoption de cet amendement.
Si, comme l’affirme M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Karim Benzema est en lien avec les Frères musulmans et que, comme plusieurs journalistes l’indiquent, il possède la double nationalité franco-algérienne, je demande à son encontre des sanctions, notamment la déchéance de sa nationalité française.
Comme l’explique Florence Bergeaud-Blackler, anthropologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le frérisme est un mouvement politico-religieux qui s’est donné pour mission d’organiser la marche de tous les musulmans vers le même objectif : l’instauration de la société islamique mondiale.
Si les propos du ministre de l’intérieur et des outre-mer sont avérés, nous devons envisager des sanctions contre Karim Benzema, nous devons demander la déchéance de sa nationalité. Nous ne pouvons accepter qu’un binational français connu dans le monde entier déshonore, voire trahisse ainsi notre pays.
Cet amendement vise donc à déchoir tous les binationaux, fussent-ils nés Français, de leur nationalité s’ils affichent clairement une allégeance habituelle et manifeste à une autre nation contre la France, son peuple et ses règles.
Rendons à César ce qui est à César et à notre excellente collègue Mme Boyer ces propos, puisqu’ils lui appartiennent entièrement ! (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mes chers collègues de droite, je vous invite donc à soutenir avec moi Mme Boyer et à voter cet amendement afin que tous ceux qui ne sont que des Français de papier puissent être déchus de leur nationalité, M. Benzema comme les autres.
Mme la présidente. L’amendement n° 525 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 25 du code civil, les mots : « peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’État, être déchu de la nationalité française » sont remplacés par les mots : « est déchu de la nationalité française par décret pris après avis conforme du Conseil d’État ».
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Être Français se mérite ou s’hérite. Quel est le mérite d’un étranger fait Français qui commet un crime ou un délit en France ? Pour quelle grande raison devrions-nous le conserver au sein de la communauté nationale ?
À Marseille, selon les chiffres du ministère de l’intérieur, 55 % des crimes et délits sont commis par des étrangers, ce chiffre atteint 50 % à l’échelon national ; 25 % des prisonniers de France sont étrangers, sans tenir compte, malheureusement, des binationaux.
Même la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a validé en 2020 le principe de la déchéance de nationalité pour les terroristes. Il est urgent de l’étendre à ceux qui terrorisent les Français au quotidien, qui leur rendent la vie impossible en tuant, en pillant, en frappant, en dealant, en violant, en volant nos compatriotes.
Je m’en remets à l’analyse de Robert Badinter (Protestations sur les travées du groupe SER.), apprécié sur ces travées, qui a, lui aussi, défendu la déchéance de nationalité pour les terroristes.
À Marseille, les terroristes du quotidien ne le sont pas moins que les islamistes : les narcoterroristes terrorisent au quotidien des honnêtes gens, des quartiers entiers, et tuent des innocents, honteusement qualifiés de « victimes collatérales ».
Parmi vous, ici, personne ne serait particulièrement malheureux de ne pas faire partie de la même communauté nationale qu’un criminel connu et reconnu.
La Nation est une famille, nous ne sommes pas tenus de garder à nos côtés les pièces rapportées qui déchirent notre contrat social et moral (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.), notre pacte civil, notre fraternité, notre identité, notre réputation.
Savez-vous qui a inventé le principe de la déchéance de nationalité ? Un certain Raymond Poincaré, en 1927. Savez-vous qui était son ministre de l’intérieur ? Un certain Albert Sarraut, radical-socialiste.
Savez-vous qui a mis en place le principe de la déchéance de nationalité pour les naturalisés Français ayant commis un crime ou un délit ? Un certain Édouard Daladier, président du Conseil en 1938, dont le ministre de l’intérieur était, là encore, Albert Sarraut !
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas une référence très glorieuse !
M. Stéphane Ravier. Vive le parti radical-socialiste, dont je suis sans doute l’un des derniers représentants au Sénat !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Comme je l’ai indiqué à propos des amendements précédents, nous n’allons pas modifier aussi lourdement le droit de la nationalité au détour d’un amendement, pas plus que nous ne ferons de la déchéance de nationalité une peine complémentaire.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 527 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 525 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 355 rectifié, présenté par Mmes Ciuntu et Aeschlimann, MM. Allizard, Anglars, Bacci, Bas et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc, Bonhomme, Bonnus et Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa et Cambon, Mmes Canayer et Chain-Larché, M. Chaize, Mme de Cidrac, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau, Frassa et Genet, Mme Gosselin, MM. Gremillet, Grosperrin, Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, MM. Milon et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot et Perrin, Mmes Pluchet et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 958 du code général des impôts, remplacer le montant :
55
par le montant :
250
La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu.
Mme Marie-Carole Ciuntu. Cet amendement a pour objet de relever le niveau du droit de timbre pour naturalisation et de le porter de 55 euros à 250 euros, soit un niveau équivalent à la somme requise dans les pays européens auxquels il est normal de se comparer et plus proche des tarifs habituels concernant les demandes usuelles de documents officiels.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est exact que ce montant n’a pas évolué depuis 2011 et n’est pas très élevé. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)
Par conséquent, sur cet amendement, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 ter.
Mme Valérie Boyer. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Madame la présidente, je demande une suspension de séance d’une quinzaine de minutes. La commission des lois a en effet besoin de se réunir pour examiner les sous-amendements déposés postérieurement à la réunion de ce matin.
Mme la présidente. Mes chers collègues, à la demande de la commission, nous allons interrompre nos travaux pour quelques minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au sein du chapitre II du titre Ier à l’amendement n° 528 rectifié bis portant article additionnel avant l’article 3.
Chapitre II
Favoriser le travail comme facteur d’intégration
Avant l’article 3
Mme la présidente. L’amendement n° 528 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Avant l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre Ier du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé :
« Assimilation à la République française » ;
2° Toutes les occurrences du mot : « intégration » sont remplacées par le mot : « assimilation ».
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous parler d’une République disparue, d’une République exigeante avec elle-même comme avec ceux qui la composaient : la IIIe République. Certes, elle avait bien des défauts, mais elle n’a jamais failli sur un point : la Nation.
Vous connaissez les mots d’Ernest Renan : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. »
L’intégration, c’est le simple fait de vivre ensemble ; l’assimilation, c’est devenir une partie de la Nation. L’intégration, c’est la vie en colocation ; l’assimilation, c’est l’appartenance à une même famille.
Dans une colocation, la vie commune est passagère, transitoire et déterminée dans le temps ; les membres d’une famille sont liés à jamais.
On peut parfois le regretter, avoir envie de s’enfuir, mais l’on n’y parvient jamais, car le devoir moral supérieur de tout individu est de prendre soin de sa famille, avant toute autre considération. C’est ainsi que l’on atteint sa qualité d’homme, sa vertu supérieure.
L’assimilation n’est pas l’oubli de soi, c’est la rencontre et la fusion avec l’autre, ce corps qui vous accueille quand bien même vous lui fûtes étranger, qui vous aime et qui vous soutient, pour peu que vous remplissiez vos devoirs à son égard.
Être Français n’est pas seulement un droit, c’est une somme de devoirs à accomplir pour en être digne.
En remplaçant « intégration » par « assimilation », vous participerez, mes chers collègues, à faire briller davantage ce si beau mot : Français.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Monsieur Ravier, vos métaphores sont désormais plus recevables dans cet hémicycle, je m’en réjouis.
Vous proposez qu’un étranger qui demande un titre de séjour soit assimilé à la communauté française. Cela me paraît tout à fait excessif, l’intégration semblant suffisante. Elle est prévue dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) et nous entendons qu’il en reste ainsi.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 528 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 123 rectifié est présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.
L’amendement n° 529 rectifié bis est présenté par M. Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 225-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il n’y a pas de discrimination en cas de distinction entre les personnes fondée sur la possession de la nationalité française dans les cas de mise en œuvre du principe de priorité nationale, ou de celle d’un État membre de l’Union européenne pour l’application du droit de l’Union. »
La parole est à M. Christopher Szczurek, pour présenter l’amendement n° 123 rectifié.
M. Christopher Szczurek. Cet amendement vise à exclure du champ des discriminations l’application du principe de priorité nationale, notion centrale de notre programme plébiscité par 13 millions de Français à la dernière élection présidentielle.
La priorité nationale est la contrepartie logique et naturelle à la nationalité.
En effet, les Français doivent bénéficier d’un droit prioritaire – et non exclusif – chez eux dans l’accès au logement social, aux aides sociales ou à l’emploi.
Ainsi, il ne s’agit en rien d’une disposition de discrimination ou d’exclusion, mais c’est bien un droit logique et nécessaire, appliqué dans 95 % des pays du monde.
Je rappelle que le principe de la priorité nationale était également cher à Roger Salengro.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 529 rectifié bis.
M. Stéphane Ravier. Vous ne connaissez sans doute pas Adolphe Landry. Pourtant, ce brave ministre radical-socialiste a soutenu au mois de décembre 1931 une loi instaurant la préférence nationale à l’emploi en période de forte crise économique.
Heureusement que je suis là pour remettre à l’honneur le radical-socialisme ! (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Maryse Carrère soupire.)
M. Stéphane Ravier. La priorité nationale ou la préférence nationale – appelez cela comme vous le souhaitez – n’est pas une exception. Elle est la règle dans la plupart des pays du monde, au premier rang desquels les États-Unis ou le Brésil de Lula.
C’est bien normal, d’ailleurs ! Après tout, on l’applique bien dans la fonction publique, où règne même une exclusivité nationale, et on a bien inventé l’exception culturelle française pour protéger l’emploi des Français. Ce qui est possible pour Plus belle la vie ne le serait donc pas pour les caissières, les manœuvres, les agents techniques ou les manutentionnaires ?
Notre pays compte 5 millions de chômeurs. Tout doit être mis en œuvre pour les aider à retrouver un emploi. J’ai bien conscience que la priorité nationale n’est pas une recette miracle, mais elle aidera quelques centaines de milliers de Français à retourner au travail. Quand bien même un seul d’entre eux serait concerné, ce résultat me réjouirait. Retrouver un emploi, c’est retrouver la dignité, la fierté, le chemin de la vie sociale.
La Nation consiste à prendre d’abord soin des nôtres, des Français, trop souvent soumis à une concurrence étrangère déloyale, qui coûte moins cher, qui réclame moins, qui ne s’organise pas.
Oui, la préférence nationale à l’emploi permet aux salariés français de défendre leurs droits. La start-up nation, c’est permettre des livraisons sans contrat de travail à des clandestins qui parcourent les rues des métropoles à vélo ou en scooter, plutôt que d’employer des Français qui connaissent le droit du travail.
Je préfère protéger le salarié français que l’immigré sans-papiers et cette position ne souffre d’aucune ambiguïté ni d’aucune hésitation. Il y a trente ans déjà, je préférais mes filles à mes cousines, mes cousines à mes voisines et mes voisines aux étrangères. Maintenant que j’ai deux filles, vous comprendrez que je tienne à cette priorité !
Mes chers collègues, je vous invite donc à voter cet amendement de bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mes chers collègues, vous nous invitez à sortir l’application du principe de la priorité nationale du champ des discriminations.
Cette proposition se heurte toutefois à une difficulté majeure : ledit principe n’existe pas. Nous pouvons donc difficilement y faire droit.
En outre, il existe tout de même dans la loi des différences de droits entre nationaux et non-nationaux. C’est tout à fait légal et me paraît en outre suffisant.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.
M. Philippe Grosvalet. J’entends dans cette enceinte certains de nos collègues se revendiquer du radical-socialisme. Pour ma part, je n’ai été toute ma vie que socialiste. Dans leur bouche, le mot « radical » est sans doute faible ; quant au mot « socialiste », il aurait peut-être mérité un autre préfixe, pour être bien compris.
M. Stéphane Ravier. Précisez votre pensée ! Un peu de courage ! Faites-vous plaisir !
M. Joshua Hochart. Vous parlez de Mitterrand ?
M. Philippe Grosvalet. À propos de cet amendement, qui aborde la question de l’emploi et du chômage, permettez-moi de rappeler la réalité du terrain.
Dans mon département, devant chaque entreprise, des panneaux proposent 500, 1 000 postes à pourvoir, signe d’un manque criant de main-d’œuvre, notamment d’ouvriers et de manœuvres, pour soutenir les fleurons de l’industrie française : Airbus, les chantiers navals, dans lesquels nous avons la fierté de construire des objets magnifiques, sans parler de nos industries liées la transition énergétique, qui fabriquent les plus grandes éoliennes du monde.
Heureusement que ces entreprises stratégiques recrutent des travailleurs étrangers – ceux-ci représentent 30 % des salariés dans la construction navale –, sinon, il y a bien longtemps que nos industries auraient délocalisé la production de ces biens. Je tenais à le rappeler. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 123 rectifié et 529 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 469, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Avant l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport six mois après la promulgation de la présente loi sur l’application de la circulaire du 28 novembre 2012 relative à la régularisation par le travail et ses limites pour répondre aux réalités socio-économiques des territoires
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, nous proposons la remise au Parlement d’un rapport sur l’application de la circulaire du 28 novembre 2012, dite circulaire Valls, qui donne un cadre à la délivrance des admissions exceptionnelles au séjour.
Sans lever le suspense entourant l’article 3 et les modifications que la majorité sénatoriale s’apprête à apporter à votre texte, monsieur le ministre, on peut indiquer que cet article vise à changer de logiciel. Il s’agit en effet de supprimer l’autorisation préalable de l’employeur qui, dans le cadre de la circulaire Valls, conditionne la régularisation d’un travailleur sans-papiers. Cette condition constitue le principal écueil – nous l’avions d’ailleurs dénoncé en son temps – de la circulaire Valls. Telle est la première raison de notre demande.
La seconde raison est que les deux rapports qui ont précédé ce projet de loi ont mis en avant d’autres limites de cette circulaire. Non seulement elle n’est pas opposable devant les tribunaux en cas de refus de séjour, mais le Conseil d’État souligne que nombre de préfets ont décidé de laisser sans réponse les demandes de rendez-vous pour régularisation de travailleurs, enterrant de fait la circulaire sur leur territoire. Face à la pénurie de moyens humains, les renouvellements de titres de séjour sont en effet privilégiés dans de nombreuses préfectures.
L’article 3 du projet de loi, du moins dans sa version future, puisqu’il y en aura une à l’issue de nos travaux, prévoit dans tous les cas la mise en place expérimentale d’un nouveau titre de séjour de plein droit.
Nous estimons que cette expérimentation ne peut être évaluée correctement sans la remise au Parlement d’un rapport sur la mise en œuvre et les limites de la circulaire Valls au regard des enjeux socioéconomiques de nos territoires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Dans la mesure où il s’agit d’une demande de rapport, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 469.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :
« Sous-section 4
« Étranger travaillant dans un métier en tension
« Art. L. 421-4-1. – L’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l’article L. 414-13 durant au moins huit mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois, et occupant un emploi relevant de ces métiers et zones, et qui justifie d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France se voit délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention “travail dans des métiers en tension” d’une durée d’un an.
« La délivrance de cette carte entraîne celle de l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 5221-2 du code du travail, matérialisée par ladite carte.
« L’article L. 412-1 du présent code n’est pas applicable pour la délivrance de cette carte.
« Les périodes de séjour et l’activité professionnelle salariée exercée sous couvert des documents de séjour mentionnés aux articles L. 422-1, L. 421-34 et L. 521-7 ne sont pas prises en compte pour l’obtention d’une carte de séjour temporaire portant la mention “travail dans des métiers en tension”.
« L’étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la mention “travail dans des métiers en tension” ayant exercé une activité professionnelle dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée peut se voir délivrer, à l’expiration de ce titre, une carte de séjour pluriannuelle portant la mention “salarié” sous réserve de remplir les conditions prévues à l’article L. 433-6.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 436-4, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 421-4-1, ».
II. – Le I du présent article est applicable jusqu’au 31 décembre 2026.
Le présent article reste applicable aux titulaires de la carte de séjour mentionnée au I délivrée avant le 31 décembre 2026 et jusqu’à l’expiration de ce titre.
III. – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois avant la date mentionnée au II du présent article, un rapport dressant le bilan de l’application du I.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Mes chers collègues, permettez-moi de formuler quelques observations sur cet article dont chacun aura compris qu’il a suscité des divergences de vues, voire des désaccords, en particulier au regard de sa portée.
Le groupe Les Républicains n’était pas favorable à cet article, estimant qu’il pouvait entraîner des régularisations nombreuses, pour ne pas dire massives.
Nos collègues centristes ayant opté pour une ligne différente, la commission des lois a d’abord décidé de débattre de cet article en séance publique.
Les choses ont toutefois évolué, si bien que les rapporteurs ont déposé un amendement tendant à insérer un article additionnel après la discussion de l’article 4.
Dans ses grandes lignes, cet amendement vise à renvoyer au pouvoir réglementaire la possibilité de régulariser des étrangers en situation irrégulière qui disposent d’un contrat de travail et souhaitent entrer dans la procédure d’admission exceptionnelle au séjour.
Cette procédure est assortie de conditions supplémentaires – les rapporteurs y reviendront – relatives à la présence sur le territoire et à la durée de celle-ci, ainsi qu’au respect des valeurs de la République au sens large du terme. Il est de plus prévu que le préfet doit saisir l’employeur afin de vérifier la réalité du travail du demandeur.
L’adoption de cet amendement suppose la suppression de l’article 3. Nous souhaitons cette suppression avant l’adoption de l’amendement n° 657, dont je viens d’exposer le dispositif, que nous examinerons après l’article 4.
J’indique également à la Haute Assemblée, même si nous ne sommes pas encore parvenus à son examen, que l’article 4 devra également être supprimé.
Le débat vous paraîtra sans doute quelque peu complexe, mes chers collègues, car notre discussion nous amènera à supprimer deux articles avant d’en insérer un autre qui a vocation à les remplacer. C’est pourtant la procédure que nous devons respecter.
Quoi qu’il en soit, en adoptant de l’amendement n° 657, nous remplacerons purement et simplement l’article 3.
M. Yan Chantrel. S’il est voté !
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je ne doute pas qu’il le sera, mon cher collègue.
Rappel au règlement
M. Patrick Kanner. Madame la présidente, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 33, alinéa 2, qui vous autorise à suspendre la séance à la demande d’un membre de la Haute Assemblée.
J’espère que M. Darmanin ne me taxera pas une nouvelle fois d’indélicatesse, mais, au regard des débats que nous allons avoir, nous souhaitons que le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion soit présent au banc du Gouvernement.
Je n’oublie pas qu’il y a quelques mois de cela je recevais M. Dussopt et M. Darmanin dans mon bureau – j’ai d’ailleurs des témoins – venus nous présenter le grand équilibre – et non pas le grand écart (Sourires.) – entre les parties « intégration » et « gestion des flux migratoires » de ce projet de loi.
Puisque le ministre de l’intérieur est présent, il pourrait sans doute lancer un avis de recherche pour ministre disparu. (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER.) M Dussopt ne comparaissant pas devant une instance juridictionnelle – si vous voyez à quoi je fais allusion, monsieur Darmanin –, il peut venir dans cette enceinte.
Par conséquent, madame la présidente, je sollicite une suspension de séance d’une vingtaine de minutes, de manière que le ministre Olivier Dussopt puisse nous rejoindre pour défendre au nom du Gouvernement les articles 3 et 4 dont il est à l’initiative au nom du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Pascal Savoldelli applaudit également.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Il revient à la présidence d’apprécier. Compte tenu du grand nombre d’orateurs inscrits pour prendre la parole sur l’article 3, je ne puis répondre favorablement à votre demande. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Article 3 (suite)
M. Patrick Kanner. « Un seul être vous manque… » (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Gérald Darmanin, ministre. En de nombreuses occasions, notamment dans la presse, vous avez fait référence à ce texte en l’appelant d’emblée la loi Darmanin. Pourtant, vous feignez soudainement de vous préoccuper de l’équilibre pour éviter d’aborder les sujets difficiles, mais vous ne trompez personne.
Je remercie le président de la commission de sa présentation, ainsi que les services de la séance, qui ont accepté de maintenir l’ordre d’examen annoncé, qui aboutira à ce que l’article 3 devienne l’article 4 bis. Peu importe son numéro, au fond…
La volonté du Gouvernement était de régler deux difficultés auxquelles le pouvoir réglementaire ne permet pas de remédier.
La première difficulté tient au fait que la régularisation d’un travailleur en situation irrégulière ne peut se faire si son employeur ne le souhaite pas. Cela concerne des personnes qui travaillent parfois dans des conditions très différentes – nous l’avons évoqué lors de l’examen des précédents articles.
Je rappelle aussi que les régularisations fondées sur la circulaire Valls relèvent essentiellement du volet famille, puisque leur nombre s’élève à 23 000 par an, contre seulement 7 000 par an pour le volet travail.
Le code du travail conditionne la régularisation d’un travailleur en situation irrégulière à l’obtention d’un formulaire Cerfa signé par l’employeur. Telle est la raison pour laquelle, en dépit de la volonté politique ou préfectorale, certaines régularisations n’ont pas lieu. C’est aussi pour cela que des personnes soutenues par des élus, des syndicats et des associations se massent devant les préfectures. La loi est au-dessus de la volonté préfectorale ou ministérielle.
La première volonté du Gouvernement était de mettre fin à ce servage des temps modernes par lequel l’employeur peut s’opposer à la régularisation d’un employé.
Les employeurs qui s’y opposent le font, non pas évidemment dans un souci de lutte contre l’irrégularité – dans ce cas, ils n’auraient pas embauché un salarié en situation irrégulière ou ils s’en seraient séparés rapidement une fois qu’ils s’en seraient rendu compte –, mais parce qu’ils redoutent que l’on découvre qu’ils emploient d’autres personnes en situation irrégulière et appréhendent les contrôles, notamment de l’inspection du travail, qui en découleraient.
Un article qui a, hélas ! été supprimé par la commission des lois – nous y reviendrons dans la suite du débat – prévoyait à ce titre des sanctions administratives très fortes contre toute entreprise employant des personnes en situation irrégulière sans qu’elle ait manifestement été trompée par celles-ci.
Le dispositif gouvernemental prévoit donc de faire sauter ce verrou qui, dans le code du travail, empêche de régulariser un travailleur en situation irrégulière sans l’accord de son employeur.
La seconde difficulté concerne les « ni ni », c’est-à-dire ceux qui ne sont ni expulsables ni régularisables, et qu’il faut régulariser dans certaines conditions.
Ces personnes ne sont pas expulsables, car elles sont établies en France depuis de longues années et que leur vie privée et familiale est ancrée en France – la moitié des personnes concernées vivent sur notre sol depuis plus de dix ans, elles sont donc arrivées bien avant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Elles ne peuvent toutefois être régularisées, car aucune disposition légale ou réglementaire ne le permet, sauf quelquefois la circulaire Valls.
Ces personnes étant souvent employées dans des métiers dits en tension, on ne peut opposer à leur régularisation l’argument du chômage, auquel le Gouvernement est du reste sensible. L’article 3 prévoit d’ailleurs que les régularisations ne pourront intervenir que pour les salariés exerçant des métiers dits en tension et dans certaines zones géographiques tendues où le taux de chômage est faible. Il faut de plus que les personnes satisfassent à certains critères, notamment qu’elles résident depuis plus de trois ans sur le territoire national.
Le dispositif gouvernemental aurait permis à ces personnes d’obtenir un titre de séjour d’un an n’ouvrant pas droit au regroupement familial – cela est précisé expressis verbis dans le texte.
Nous avions également assorti ce dispositif d’une clause de trois ans qui prévoyait son extinction à la fin de l’année 2026. Il était évident que personne n’aurait pu former le projet de venir en France pour obtenir une régularisation dans ce cadre et que nous évitions donc tout appel d’air. Toujours est-il que, la caricature étant toujours plus facile, j’ai eu du mal à expliquer ce point dans les médias.
Comme je l’ai déjà indiqué, le Gouvernement estime toutefois que l’esprit de compromis doit l’emporter. L’essentiel est que puisse être adoptée une disposition permettant la régularisation de personnes qui travaillent dans notre pays depuis longtemps et dont les employeurs refusent de signer le formulaire Cerfa permettant de les régulariser par peur que l’on découvre le pot aux roses.
J’appelle de mes vœux l’accord qui a été trouvé hier soir par la majorité sénatoriale au travers de l’amendement n° 657, dans l’adoption permettra l’insertion d’un article 4 bis. Cette solution est acceptable pour le Gouvernement,…
M. Bruno Retailleau. Tant mieux !
M. Gérald Darmanin, ministre. … même si certaines dispositions mériteront d’être revues, soit parce qu’elles ont été rédigées à la hâte, soit parce qu’elles sont plus larges que ce que le Gouvernement avait lui-même envisagé.
Monsieur Retailleau, c’est avec un plaisir non feint que j’appelle votre attention sur le fait que votre dispositif permettra des régularisations plus nombreuses que celui qu’avait prévu le Gouvernement. (M. le président de la commission des lois fait un signe de dénégation.) Nous y reviendrons, monsieur le président de la commission des lois.
M. Bruno Retailleau. C’est faux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous proposez en effet que certaines durées de séjour régulier soient prises en compte dans le calcul des périodes travaillées, alors que le dispositif du Gouvernement excluait les périodes travaillées en qualité de demandeur d’asile, d’étudiant ou de travailleur saisonnier.
Pour ma part, je ne doute pas que vous voterez le sous-amendement n° 676 du Gouvernement qui tend à corriger cette erreur.
En tout état de cause, sur l’amendement n° 657 tendant à insérer un article 4 bis, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat, même s’il faudra sans doute retravailler sa rédaction à l’Assemblée nationale. Évidemment, j’aurais préféré le maintien de l’article 3, mais je comprends qu’il ait été nécessaire de trouver un compromis politique ici, au Sénat, et demain à l’Assemblée nationale – c’est l’engagement que je prends, même si les parlementaires sont libres d’y apporter des modifications.
Telle est, monsieur Kanner, la position entière du Gouvernement, telle que l’a exprimée publiquement Olivier Dussopt cet après-midi. Si vous ne disposez pas des moyens de communication modernes dont notre département du Nord est pourtant pourvu, je puis vous envoyer la capture vidéo de son intervention. (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, je remercie la Haute Assemblée de cet esprit de compromis, ainsi que tous les groupes qui ont participé à son élaboration, singulièrement le président Marseille qui a proposé des modifications pertinentes qui figurent à l’amendement n° 657.
L’article 3, tout comme l’article 4 bis qui a vocation à le remplacer, n’est pas l’essentiel de ce texte. Il n’est que l’un des quarante-huit articles qui le composent. Dans la version gouvernementale, le dispositif ne concernait que 7 000 personnes par an et avait vocation à s’éteindre en 2026. Il ne méritait ni les bravos de ceux qui le considéraient comme l’alpha et l’oméga du texte ni les hennissements de ceux qui l’estimaient affreux. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s’exclame.)
Cette mesure permettra avant tout de régler des problèmes individuels qui sont aujourd’hui insolubles et qui, du reste, concernent majoritairement des femmes. Elle nous permettra de lutter contre l’immigration irrégulière et contre ceux qui embauchent des personnes de façon irrégulière. J’espère que, ce faisant, nous mettrons fin à tout un écosystème irrégulier.
Tels sont les éléments que je souhaitais clarifier concernant les propositions formulées par le Sénat. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. Pierre Jean Rochette. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, sur l’article.
Mme Audrey Linkenheld. Il n’est pas simple de s’exprimer sur cet article.
Lorsque je me suis inscrite pour prendre la parole, je devais intervenir sur la version que M. le ministre a rappelée au début de son intervention. Les articles 3 et 4 ont ensuite fait l’objet d’une demande de réserve, puis cette réserve a été levée et il est désormais envisagé de les supprimer au profit d’un article 4 bis…
Plutôt que d’essayer de commenter un article dont on ne sait plus très bien ce qu’il contient, j’indiquerai ce qui, sur les travées du groupe socialiste, nous paraissait intéressant dans sa version initiale, puisqu’il constituait l’une des rares avancées permises par ce projet de loi.
Nous estimons que des travailleurs sans-papiers qui résident en France depuis au moins trois ans, travaillent depuis plusieurs mois et exercent des métiers dont notre société a besoin – auxiliaire de vie, gardien, agent de nettoyage, cuisinier, plongeur… – peuvent avoir droit à une carte de séjour temporaire de plein droit, parce que la loi reconnaît leur contribution à notre économie et à notre société, sans avoir à en passer par une analyse individuelle menée par un préfet.
Telle est la position que nous défendons et que nous continuerons de défendre au travers d’amendements visant à aller encore plus loin que ce qui est prévu dans le cadre des articles 3 et 4. (M. Patrick Kanner applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Depuis des semaines, des travailleurs sans-papiers sont en grève dans une trentaine de sites d’Île-de-France, dont des sites des jeux Olympiques et Paralympiques. Ils manifestent devant les agences d’intérim et les entreprises de nettoyage. Ils demandent ce que la raison et la justice voudraient que nous demandions, à savoir la régularisation de tous les travailleurs sans-papiers.
L’article 3, qui reçoit tant de critiques sur les travées de la droite, réduit pourtant toujours ces travailleurs, dont une grande partie exercent des métiers difficiles et dangereux, à l’immigration entérinée comme « choisie » par Nicolas Sarkozy après les grandes grèves des sans-papiers de 2008, et dont la liste des trente métiers a ensuite été formalisée par la circulaire Valls.
« La loi que j’ai fait voter prévoit d’ailleurs de permettre à titre exceptionnel de régulariser au cas par cas dans des secteurs connaissant de graves pénuries de main-d’œuvre », disait déjà Brice Hortefeux. Rien de nouveau, donc. Mais c’est encore trop ! Il faut durcir, durcir et, surtout, laisser les régularisations à la main des employeurs, même a posteriori.
Cette politique d’immigration jetable est à l’œuvre depuis quinze ans, mais la droite estime que l’article 3, qui prévoyait de l’adoucir, est encore trop laxiste. En sus de son coût humain, une telle politique est pourtant inadaptée.
Comme le constate Émeline Zougbédé, sociologue au CNRS, la liste des métiers en tension telle qu’elle existe aujourd’hui ne correspond pas du tout aux postes qu’occupent les sans-papiers. Problème, donc…
Mes chers collègues, que faites-vous des travailleurs sans-papiers qui ne sont pas employés dans les prétendus métiers en tension ? Que ferez-vous de ceux qui le sont, puis qui ne le seront plus et de ceux qui travaillent depuis des années et font tenir des entreprises et des secteurs entiers, participant ainsi à l’effort collectif ?
Ce que nous devrions défendre, ce que les écologistes défendent, la position raisonnable et humaniste, c’est la régularisation de tous les travailleurs sans-papiers, de plein droit, par l’octroi d’un titre de séjour durable.
Nous en sommes loin ! Même limitée aux emplois vacants, la droite trouve qu’une telle disposition est encore trop, par pure idéologie ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Yan Chantrel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, sur l’article.
M. Patrick Kanner. J’ai dans les mains le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration dans sa version initiale.
L’exposé des motifs de l’article 3, validé par M. Dussopt et vous-même, monsieur le ministre, précise que « la carte de séjour temporaire mention “travail dans des métiers en tension” relèverait de la seule initiative du travailleur étranger. Elle serait délivrée de plein droit sous réserve de la preuve, apportée par tout moyen, d’une ancienneté de résidence sur le territoire national… ».
Tel était l’esprit de l’article 3, qui sera manifestement dénaturé. Je tiens à indiquer que nous nous opposerons à la dénaturation des articles 3 et 4 via leur remplacement, par voie d’amendement, par un article 4 bis.
Mes chers collègues, régulariser une personne qui vit en France, qui y travaille, c’est tout simplement reconnaître sa participation à la vie de notre société. Durant les six semaines de ma campagne électorale, aux mois d’août et de septembre derniers, dans notre département du Nord – nous avons tout de même quelques points communs, monsieur le ministre –, combien de patrons ai-je rencontrés réclamant un encadrement juridique leur permettant de donner une vie correcte à celles et ceux qui enrichissent notre pays ?
En disant cela, je ne suis pas dans le pathos. Je suis simplement en prise avec la réalité économique. Du reste, même mes collègues des travées de droite savent que cette demande existe.
Nous voulons pour notre part un vivre-ensemble dans une République inclusive. C’est pourquoi nous nous opposerons avec force et vigueur à tout ce qui ira à l’encontre des principes, au fond généreux, du projet de loi initial.
Nous voulons des personnes autonomes, intégrées dans notre République. Même si elles sont étrangères, elles méritent notre considération et notre bienveillance.
Tel est l’état d’esprit dans lequel nous défendrons nos amendements à vos différentes propositions, mes chers collègues.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes, sur l’article.
Mme Isabelle Florennes. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous l’avons affirmé dès la discussion générale, le groupe Union Centriste n’a jamais été fétichiste de l’article 3. Sa démarche est pragmatique, guidée par la volonté de parvenir à un compromis satisfaisant.
Que le dispositif soit prévu à l’article 3, après l’article 3, après l’article 4 ou à l’article 13 nous importe peu. Encore une fois, nous ne comprenons pas du tout l’effervescence suscitée par cette disposition sur les métiers en tension.
Fallait-il créer un nouveau titre de séjour avec des critères ouvrant un droit à régularisation dans les métiers en tension ? Non. Cette position n’est pas nouvelle, c’est ce que nous répétons depuis des mois.
Notre ligne sur le sujet est parfaitement claire et n’a pas bougé : le plus efficace est de conserver, comme aujourd’hui, le pouvoir d’appréciation des préfets dans une gestion des dossiers au cas par cas, y compris dans les métiers en tension.
L’amendement que nous avons déposé à l’article 3 tendait à le modifier en ce sens. L’article 3 en tant que tel pose un problème symbolique ? Si tel est le cas, insérons cette disposition ailleurs dans le texte. Pas de problème !
S’appuyant clairement sur le dispositif que le groupe Union Centriste proposait d’introduire par voie d’amendement, la commission nous propose aujourd’hui d’insérer un dispositif similaire dans un article additionnel après l’article 4.
Sans surprise, cela nous convient parfaitement, mes chers collègues. Nous sommes attachés au fond de cet article, pas à sa forme.
Comme nous le souhaitons, le dispositif proposé prévoit bien de modifier le régime applicable en matière d’autorisation de travail. Comme cela a été rappelé, un salarié sans-papiers qui souhaite régulariser sa situation doit recueillir l’accord de son employeur via la signature d’un formulaire Cerfa. Nous ne souhaitons pas que cette disposition soit maintenue.
La solution retenue in extremis par la commission prévoit sa suppression. Il n’y aura donc ni appel d’air ni déni de réalité. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, sur l’article.
M. Ian Brossat. Monsieur le ministre, permettez-moi d’exprimer les regrets du groupe CRCE-K. Nous n’avons jamais considéré que l’article 3 était une panacée. Nous avions plein de propositions à formuler pour en améliorer la rédaction et en étendre l’application. Tout le monde a bien compris maintenant le sort qui sera réservé à cet article par la majorité sénatoriale.
J’ai toutefois des regrets, parce que cet article aurait permis de commencer à sortir de cette forme d’hypocrisie par laquelle nous laissons des milliers de personnes employées dans des métiers pénibles, qui se lèvent tôt et se couchent tard, travailler sans papiers, donc sans droits. Ces personnes travaillent dans le ménage, comme éboueurs ou dans les travaux publics. Elles paient bien souvent des impôts et des cotisations sociales.
Certains éléments de la circulaire Valls sont à nos yeux absurdes. Il est en effet absurde que l’autorisation de l’employeur, qui fait bien souvent sciemment le choix d’embaucher un travailleur sans-papiers, soit nécessaire à la régularisation du même travailleur, plaçant ce dernier en situation de quémander auprès de son employeur la signature d’un formulaire Cerfa.
L’article 3 nous aurait permis d’avancer et je regrette que la majorité sénatoriale ait fait le choix de sacrifier cet élément, et partant, de ne pas sortir de l’hypocrisie.
En dépit de ce regret, je constate avec satisfaction que toutes les enquêtes d’opinion montrent que la majorité des Français, qui sont pourtant durs sur les questions d’immigration, sont favorables à la régularisation des travailleurs sans-papiers. (C’est faux ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Ne vous en déplaise, mes chers collègues, c’est la réalité.
M. Stéphane Ravier. Place du Colonel Fabien, peut-être !
M. Ian Brossat. Montrez-vous capables de la regarder en face ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, sur l’article.
M. Yannick Jadot. Nous arrivons à un point clé de ce débat.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de revenir sur la formule quelque peu infantilisante par laquelle vous avez caractérisé ce projet de loi : « Être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils. » Le résultat, aujourd’hui, est que nous allons être méchants avec les gentils.
Ce projet de loi et ce débat ne s’appuient que sur des mensonges et des contre-vérités. (Marques de désapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas. Heureusement, vous êtes là !
M. Stéphane Ravier. Un million de clandestins !
M. Yannick Jadot. Vous avez incontestablement réussi à diffuser dans l’opinion publique la notion clé d’« appel d’air », que pas une étude, pas un expert, pas un chef d’entreprise, pas un syndicaliste ne confirme.
L’immigration serait incontrôlable. C’est faux ! Aucune statistique ne le valide.
Il faudrait revenir sur la dignité des personnes, attaquer les étudiants, refuser de soigner les immigrés. Il faudrait limiter les mariages mixtes et le regroupement familial. C’est ainsi que l’on répondrait à un enjeu de société. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Vous êtes à côté ! Ce débat est un débat parallèle, reflet d’un monde parallèle sans rapport avec la réalité !
M. Laurent Somon. Inutile de hausser la voix !
M. Philippe Mouiller. Nous sommes au Sénat, ici !
M. Yannick Jadot. Les Françaises et les Français, les citoyens, les entreprises, attendent mieux du Sénat.
M. Stéphane Ravier. Ils en ont ras le bol !
M. Yannick Jadot. Ils attendent que nous répondions sur le fond à la question de l’immigration. Aujourd’hui, pourtant, nous débattons d’un projet de loi du désordre et du mensonge. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
C’est une faute morale que de laisser des dizaines de milliers de personnes qui construisent la France avec nous dans l’illégalité, dans l’indignité, dans la précarité. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Stéphane Ravier. Elles s’y sont mises elles-mêmes !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, permettez-moi de retracer brièvement la genèse de ce projet de loi, dont – je le rappelle – le titre Ier s’intitule « Assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail et la langue ».
Pour préparer ce projet de loi, vous avez reçu, avec Olivier Dussopt – j’ignore s’il va nous rejoindre aujourd’hui, mais il était alors bien présent – l’ensemble des présidents de groupe, dont Guillaume Gontard, accompagnés d’un certain nombre de sénateurs. J’étais présent lorsque vous avez exposé vos intentions.
Nous vous avons déclaré tous les deux que nous comprenions vos motivations et que nous pouvions même envisager d’enrichir le texte d’un certain nombre d’apports, en complément des mesures que vous aviez déjà évoquées et que vous avez rappelées tout à l’heure, et ce pour une meilleure intégration par le travail des immigrés en France.
Un projet de loi a ensuite été déposé au Sénat, puis a été profondément modifié par notre commission des lois. C’est alors que notre assemblée a été stoppée net dans son élan par le Gouvernement.
Par la suite, on nous a dit d’abord qu’il pourrait y avoir deux textes distincts, puis plus un seul. En définitive, nous avons appris qu’il y aurait bien un projet de loi, sans qu’il soit possible de savoir quand.
Aujourd’hui, ce projet de loi est de retour, mais dans la rédaction retenue par notre commission des lois, c’est-à-dire dans sa version sénatoriale. Par rapport au texte initial, la seule différence, c’est que les négociations ont désormais lieu en direct au Sénat. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, d’un projet de loi qui était conçu pour favoriser l’intégration par le travail, on aboutit à un texte qui n’a d’autre intérêt que de vous permettre d’aboutir à un compromis, puisque seul le consensus politicien vous importe.
Voilà ce que sont devenues les dispositions du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, sur l’article.
Mme Mélanie Vogel. Nous en sommes parvenus à la discussion de l’article qui, au fond, ne figurait dans ce texte que pour servir d’élément de langage au Gouvernement, lequel parlait d’un projet équilibré qui marchait sur deux jambes, la jambe des horreurs et la jambe des douceurs.
Pour ce qui est des horreurs, nous avons bien vu de quoi il retournait depuis le début de l’examen du projet de loi, lundi : suppression de l’aide médicale de l’État (AME), durcissement de l’accès au regroupement familial, décalage du versement des allocations familiales, etc. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Aujourd’hui, nous devions en venir à l’autre jambe, celle des douceurs, au nombre très faible du reste. Il s’agissait seulement de donner un peu de dignité à quelques personnes sur un temps réduit. Tel était en effet le sens de l’article 3.
Désormais, il est question d’amputer cette jambe. Cela ne surprendra certes personne de la part du groupe Les Républicains et de la majorité sénatoriale. La véritable nouvelle, ce soir, nous vient en réalité du Gouvernement, puisque vous nous dites, monsieur le ministre, que vous êtes prêt à vous en remettre à la sagesse du Sénat pour ce qui est de l’éventuelle suppression de l’article 3,…
Mme Mélanie Vogel. … qui était pourtant la mesure dont vous faisiez la promotion partout dans la presse.
Mme Mélanie Vogel. Vous avez pourtant indiqué vous en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 655 tendant à supprimer l’article 3 – ou alors, j’ai mal compris,…
Mme Mélanie Vogel. … auquel cas j’espère que vous me corrigerez.
Je reprends : la véritable information ce soir, c’est que le Gouvernement préfère perdre son honneur pour garder un texte plutôt que perdre un vote et garder la face ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Mes chers collègues, nous voilà à un moment clé de l’examen de ce texte.
Depuis le départ, nous manifestons notre opposition aux articles 3 et 4.
Mme Mélanie Vogel. C’est vrai !
M. Bruno Retailleau. Ce soir, j’espère bien qu’ils seront enfin supprimés.
Monsieur le ministre, vous ne manquez pas d’air ! C’est extraordinaire. Je sais qu’en politique le culot est souvent une qualité, mais tout de même !
M. Bruno Retailleau. Vous voulez faire croire que le dispositif de la majorité sénatoriale équivaut à celui que vous proposiez.
M. Bruno Retailleau. Que nenni ! Ou alors les groupes politiques de gauche se trompent tous !
Si toute la gauche monte au créneau, c’est parce qu’elle perçoit bien la différence. (Marques d’approbation sur les travées du groupe GEST.) Elle sait bien que notre proposition ne correspond pas du tout à la proposition initiale, qui était le sommet, que dis-je, le paroxysme de la Macronie, le « en même temps » en matière migratoire. Notre proposition est en effet beaucoup plus restrictive que le dispositif d’origine, monsieur le ministre.
Ainsi, l’article 3 créait un droit automatique : plus longtemps vous fraudiez, plus longtemps la fraude était dissimulée, plus elle était créatrice de droits, en l’occurrence un droit opposable (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) que l’administration elle-même n’aurait pas pu contrarier.
Nous ne voulons pas de cette mesure. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer cet article et le remplacer par une disposition durcissant la circulaire en vigueur.
Les effets de votre dispositif n’étaient pas quantifiables, monsieur le ministre, mais celui-ci aurait sans doute entraîné la régularisation de dizaines de milliers d’étrangers. (M. le ministre rit. – Exclamations sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
La mesure que nous proposons a un impact nettement plus quantifiable ; elle est surtout tenable, parce qu’elle ne crée aucun droit automatique. En outre, nous durcirons ce que l’on appelle la circulaire Valls pour les métiers en tension.
D’ailleurs, si un sous-amendement ayant pour objet de restreindre encore davantage ce nouveau dispositif est déposé, j’inviterai nos collègues de gauche et de droite à le voter – même s’il émane de vous, monsieur le ministre ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Kanner. Un véritable aveu !
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, sur l’article.
M. Thomas Dossus. Je suis d’accord avec le ministre quand il justifie la désertion ou la capitulation d’un gouvernement abandonné en rase campagne ou quand il nous explique que l’article 3 ne valait finalement pas grand-chose.
C’est la réalité : nous aussi, les écologistes, pensions que cet article ne valait pas grand-chose. Nous sommes en effet attachés à la valeur du travail, à l’égalité des droits (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.), donc à la régularisation des travailleurs sans-papiers. Ceux qui travaillent et paient parfois des cotisations dans notre pays doivent avoir accès aux mêmes droits que les autres travailleurs.
Au Sénat, la droite préfère les clandestins et le travail au noir, comme vient de le reconnaître le président du groupe Les Républicains.
Pourtant, ce même président déclarait il y a quelques jours encore que la droite ne voulait plus du tout de cet article 3 ni même d’un jeu de bonneteau qui aurait consisté à réécrire ledit article avant de le réintroduire à un autre endroit du texte.
Or à quoi allons-nous nous prêter aujourd’hui, sinon à un tour de bonneteau, puisque le Sénat va supprimer l’article 3 et le réécrire, mais en pire ?
M. Bruno Retailleau. Vous allez le voter alors ? (M. Guy Benarroche s’exclame.)
M. Thomas Dossus. Certainement pas !
M. Patrick Kanner. Cela dépend ! Pourquoi pas, si vous l’amendez ! (Sourires.)
M. Thomas Dossus. En d’autres termes, on va créer un dispositif qui se révélera encore pire pour les travailleurs que celui qui existe déjà. C’est déjà un bel effort ! (M. Guy Benarroche s’exclame de nouveau.)
Comme l’ont déjà déploré mes collègues, le texte qui résultera de nos débats ressemblera à un cabinet des horreurs.
En réalité, il est le produit de l’accord scellé, non pas entre Les Républicains, les centristes et le Gouvernement, mais entre Les Républicains et le Rassemblement national. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.) Tout ce que l’on trouve dans ce texte figure en effet dans le programme du Rassemblement national, voire dans celui du Front national historique, celui des années 1990.
C’est le pire de ce à quoi l’on pouvait s’attendre. Les digues ont sauté et les centristes se sont fait engloutir, frappés par cette calamité. Au revoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je fais partie de ces parlementaires de toutes les tendances politiques, y compris des membres du parti Renaissance, qui ont estimé nécessaire d’apporter leur soutien à l’article 3, tout simplement pour mettre un terme à l’hypocrisie – le mot a été utilisé tout à l’heure.
Nous le savons tous, vous le savez tous, il y a dans nos villes des personnes qui travaillent dans des restaurants, des supermarchés, parfois dans le bâtiment et les travaux publics (BTP), alors qu’elles se trouvent en situation irrégulière sur notre territoire.
Face à ce constat, deux solutions sont possibles : soit faire en sorte que ces personnes quittent le territoire, soit reconnaître – à l’instar des syndicats d’employeurs, des syndicats de l’hôtellerie et de la restauration par exemple – que nous avons besoin de ces personnes pour faire tourner l’économie.
Quel intérêt aurions-nous à maintenir ces personnes dans l’illégalité, donc dans la précarité, alors que nous en avons besoin ?
On en a beaucoup parlé, la circulaire Valls présente un défaut majeur, celui de conditionner la régularisation d’un sans-papiers à l’autorisation de son employeur. J’indique que l’amendement de la commission tend justement à réintroduire cette condition ; nous y reviendrons, puisque nous nous y opposerons lors de la discussion de cet amendement.
La circulaire Valls présente un second défaut, celui de laisser la décision de régularisation au libre arbitre du préfet. Or, vous le savez sans doute, monsieur le ministre – encore faudrait-il que vous le reconnaissiez ou, plutôt, que vous y fassiez face –, le traitement des dossiers est totalement hétérogène selon les préfectures. C’est du reste sans doute la raison pour laquelle vous affirmiez, pour justifier votre réforme, que la carte de séjour temporaire « salarié » était octroyée de droit.
En revanche, la circulaire Valls présente l’avantage de s’appliquer à l’ensemble des secteurs professionnels, et pas seulement aux métiers en tension, comme le prévoit le dispositif prévu dans ce projet de loi. Sur ce point aussi, il faudra revenir tout à l’heure.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Voilà pourquoi nous soutenions le dispositif de l’article 3 et pourquoi nous allons combattre une mesure désormais trop restrictive.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Reconnaissons que l’article dans sa rédaction initiale et celui qui va être soumis à notre examen ne sont pas tout à fait identiques. S’ils l’étaient, nous n’en serions pas là…
Cet article a déjà fait couler beaucoup d’encre et beaucoup fait parler. Cela étant, ce qui nous satisfaisait dans les intentions qui ont conduit à son élaboration, c’était que le dispositif mettait fin à l’une des principales difficultés que pose la circulaire Valls, à savoir la possibilité offerte aux employeurs de travailleurs sans-papiers d’autoriser ou non leur régularisation. On comprend bien les raisons, notamment philosophiques, pour lesquelles il était difficile d’accepter une telle démarche.
Finalement, nous avons un débat sur la méthode. J’entends la crainte – si je puis dire – exprimée par de nombreux collègues ici, ce soir : cette mesure pourrait constituer une porte ouverte, un appel d’air permettant l’afflux de dizaines, voire de centaines de milliers – je laisse à chacun le soin d’apprécier l’étendue du « risque » – de travailleurs sans-papiers.
À mon sens, on se trompe de débat ! Aujourd’hui, ces femmes et ces hommes sont déjà présents sur notre territoire. Notre collègue de la Loire-Atlantique l’a rappelé : ce sont celles et ceux qui travaillent actuellement dans nos usines, dans les entreprises agricoles, qui construisent et qui rendent possible le Paris des jeux Olympiques et Paralympiques de l’été 2024.
Très sincèrement, je ne pense pas que cet article créera un appel d’air. En revanche, il permettra à ces gens d’être en conformité avec la loi. Et je ne doute pas, comme vous l’avez dit, mes chers collègues, que vous ferez preuve de la même vigilance pour sanctionner les employeurs qui, consciemment, emploient aujourd’hui des sans-papiers de manière irrégulière.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Qu’est-ce qu’une travailleuse ou un travailleur sans-papiers ? Il est bon d’y revenir, car j’ai l’impression que l’on parle sans savoir de quoi il s’agit.
À mon sens, ce sont des travailleuses et des travailleurs, c’est-à-dire des personnes qui exercent un métier ou une activité, qui permettent à notre pays de fonctionner – cela a été notamment le cas pendant la crise du covid-19 – et qui continuent d’aider notre pays à avancer.
M. Stéphane Ravier. Non, ce sont des hors-la-loi !
M. Guillaume Gontard. Quand vous vous rendez dans un hôtel, ce sont toutes ces femmes, ces hommes qui s’occupent du ménage et qui accomplissent des tâches indispensables.
Certes, ces personnes n’ont pas de papiers, mais elles peuvent travailler. C’est d’ailleurs cette question qu’il faudrait se poser : comment se fait-il qu’elles aient la possibilité de travailler ?
Pour notre part, nous revendiquons ce droit au travail et demandons même un droit au travail inconditionnel, car le travail est un facteur d’émancipation, un lieu d’intégration.
La mise en œuvre du droit au travail inconditionnel nous éviterait en outre tous ces débats sur le travail illégal et la meilleure manière d’y mettre un terme. Il faut que ces salariés soient encadrés.
Pour suivre tous nos débats depuis lundi, je m’interroge : que vous arrive-t-il, mes chers collègues de droite ?
Hier, vous avez procédé à une descente en règle de la valeur famille : cette dernière ne serait plus le lieu de l’émancipation ni celui de l’intégration. Il faudrait tout faire et tout mettre en œuvre pour l’éviter.
Ce soir, c’est la valeur travail que vous mettez en cause, celle dont vous nous avez tant parlé et qui ne serait plus celle sur laquelle il faudrait tout miser. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. Personne n’ignore ici que notre société ne fonctionnerait pas sans ces dizaines de milliers de travailleurs sans-papiers.
Chacun sait par exemple que la France ne disposerait pas de la même puissance économique touristique, tout particulièrement en région parisienne, sans toutes ces personnes qui travaillent dans les restaurants, dans l’accueil et qui participent à la richesse de la France. (Mais si ! sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Stéphane Ravier. C’est faux !
M. Ronan Dantec. Sans ces travailleurs, la France serait une puissance affaiblie. Que vous, mes chers collègues de la droite, vouliez une France affaiblie nous étonne un peu, mais, après tout, vous êtes assez constants dans l’effort. (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
Bruno Retailleau vient de parler de fraudeurs. Le terme surgit enfin dans le débat.
Ces travailleurs, qui permettent à notre pays de s’enrichir, seraient en réalité des fraudeurs.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Oui, c’est ça !
M. Ronan Dantec. En revanche, ceux qui les embauchent n’en seraient pas vraiment, puisqu’aucun d’entre vous n’a déposé d’amendement visant à durcir les sanctions à l’égard de ces petits patrons de restaurant qui emploient deux ou trois sans-papiers ou même de ces grands groupes industriels qui, de filiale en filiale, ont recours à de nombreux étrangers en situation irrégulière.
J’attends vos amendements, mes chers collègues !
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il y en a !
M. Ronan Dantec. N’oublions pas un dernier fraudeur, l’État lui-même, qui perçoit à cette occasion des cotisations, qui resteront par définition dans ses caisses.
Aujourd’hui, mes chers collègues de droite, il me semble que vous participez à cette France du non-droit qui, précisément, déstabilise la société française. En tolérant autant de situations de non-droit, en vous mettant au service de leur renforcement, vous devenez les agents de cette déstabilisation manifeste de la société française, alors que notre responsabilité de parlementaires est, à l’inverse, de renforcer la cohésion de notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Franck Montaugé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article.
M. Yan Chantrel. Monsieur le ministre, le projet de loi, dans sa version initiale, était censé améliorer l’intégration des étrangers.
Citez-moi une seule mesure allant dans ce sens. On n’en trouve nulle part ! Injustice partout ; justice et humanité nulle part ! Initialement, le texte en comportait peut-être une ébauche, même si elle était évidemment bien insatisfaisante.
L’article 3 permettrait de régulariser des travailleurs sans-papiers, ce pour quoi certains d’entre vous, mes chers collègues de droite, plaident de manière hypocrite, le ministre ayant lui-même révélé qu’il disposait d’une liste de plusieurs parlementaires y étant favorables (M. le ministre fait un geste de dénégation.), après qu’ils ont pris conscience de l’utilité de ces travailleurs. Cette utilité est d’ailleurs manifeste, puisqu’ils exercent les métiers les plus pénibles.
Mes chers collègues, bien évidemment, vous ne réclamez pas ces régularisations publiquement, mais vous le faites tout de même, tout simplement parce que vous vous êtes rendu compte que ces sans-papiers sont utiles pour la France.
Ce serait à l’honneur de notre pays que de les régulariser. Ce serait en tout cas préférable à ce que nous faisons depuis vingt ans, à savoir passer notre temps à transformer les immigrés en chair à canon électorale (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et à leur taper dessus. C’est cela qui divise notre pays ! Cela ne l’apaise en rien !
Avec vous, c’est la course à l’échalote permanente avec l’extrême droite. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Et la Nupes alors ?
M. Yan Chantrel. Je pense que les grands républicains qui vous ont précédés auraient honte de vous et du débat qui a cours depuis que nous avons commencé l’examen de ce texte.
Vous allez finir par n’avoir de républicain que le nom. Vous glissez sur une pente fatale : plus vous irez vers l’extrême droite, plus elle sera abrupte. Vous ne faites que la renforcer en reprenant les arguments des lobbies.
En réalité, le problème, ce n’est pas l’immigré, c’est la fiche de paie. C’est d’ailleurs pourquoi il faut contribuer à la régularisation des travailleurs sans-papiers, qui sont utiles pour notre pays et qui participent pleinement à l’économie et au fonctionnement de notre société.
Il serait sage qu’à un moment donné la représentation nationale montre davantage de reconnaissance envers ces personnes et cesse de les pointer du doigt en permanence. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais je trouve les postures accusatoires et moralisatrices parfaitement déplacées.
Que ceux qui défendent l’idée que la fraude peut être créatrice de droits ne revendiquent pas pour leur compte la morale et ne nous accusent pas d’hypocrisie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Thomas Dossus rit.)
Par ailleurs, la solution prévue à l’article 3 était celle de la paresse de la puissance publique. (M. Thomas Dossus s’exclame.) C’est la solution de la résignation à ne rien faire pour que les emplois disponibles soient pourvus soit par des Français, soit par des étrangers en situation régulière.
Enfin, nous ne pouvons absolument pas accepter que soit créé un droit à la régularisation, comme le voulait le Gouvernement et comme l’a encore défendu le ministre tout à l’heure. Une telle mesure nous paraît totalement insoutenable.
Que des régularisations soient possibles par l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de l’État, pour récompenser des conduites exceptionnellement vertueuses (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.) et pour permettre l’assimilation d’un certain nombre d’individus à la société française, pourquoi pas ?
En revanche, nous ne pouvons en aucun cas soutenir l’idée selon laquelle il faudrait créer un droit opposable, comme le Gouvernement le voulait, et ce en raison des principes qui sont les nôtres – eh oui, mon cher collègue Chantrel ! –, des principes républicains que j’aimerais d’ailleurs voir mieux partagés dans cette assemblée ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, sur l’article.
M. Christian Bilhac. Nous en sommes enfin parvenus à l’article 3.
Vous le savez, mes chers collègues, nous, les membres du groupe RDSE, adorons le débat (Sourires.), parce que nous pensons que c’est l’essence de la vie parlementaire. Nous aimons également les amendements, car ils font partie intégrante du travail parlementaire.
Je n’irai pas jusqu’à dire, comme l’a fait mon collègue Philippe Bas, que l’article 3 est celui de la paresse, mais nous sommes là pour amender un texte imparfait et faire en sorte de trouver des solutions. Notre travail doit contribuer à ce que ce texte soit plus proche de la réalité et réponde aux attentes.
Mes chers collègues, la semaine prochaine, nous examinerons le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je vous rappelle que ce budget est en déficit – ce n’est pas nouveau, mais cela perdure. Permettez-moi de vous dire que, si nous arrêtions tous les étrangers en situation irrégulière qui travaillent dans les champs, les arrière-boutiques de restaurant ou sur les chantiers du BTP, cela ferait bizarre ! Ne nous cachons pas la tête dans le sable comme les autruches : ce phénomène existe, mais il doit disparaître.
J’ai entendu les critiques sur la possible automaticité des droits à la régularisation que créerait cet article. Peut-être que c’est vrai et peut-être qu’un tel automatisme n’est pas souhaitable dans le cadre d’un projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
Plusieurs solutions sont possibles. J’ai ainsi entendu dire qu’il reviendra aux préfets de prendre les décisions.
Pardonnez-moi, mais je suis bien placé pour savoir qu’à la préfecture de Montpellier, par exemple, il y a des piles de dossiers de régularisation en attente d’être traités – elles atteignent le mètre ! Dans ces conditions, soit il faut mettre davantage de moyens, soit il est peut-être préférable que le préfet n’instruise pas tous les dossiers et se voit accorder un droit de veto, de sorte à réduire les délais.
Monsieur Bas, vous avez parlé de paresse tout à l’heure. À mon sens, supprimer cet article 3 par amendement plutôt que l’amender sur le fond est également une solution de facilité. (M. Mickaël Vallet applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek, sur l’article.
M. Christopher Szczurek. L’article 3 est mort, vive l’article 3 ! Voilà donc le résultat des tractations de la journée.
Si l’amendement que la majorité sénatoriale présentera tout à l’heure vise à limiter à la marge la scandaleuse campagne de régularisation massive que proposait le Gouvernement, il ne réglera en rien le problème principal, qui est au fondement de cette injustice.
En ouvrant la possibilité de la régularisation a posteriori d’un étranger ne respectant pas la loi, employé par un patron lui aussi dans l’illégalité, vous maintenez ouvertes les fenêtres d’une maison déjà exposée aux quatre vents.
L’amendement de la commission des lois n’a aucune justification économique ou sociale : avec 2 millions de chômeurs et 3 millions de sous-employés, l’économie française peut répondre sans immigration à cette prétendue crise de main-d’œuvre qui n’est qu’une crise des salaires et des conditions de travail.
Ne vous en déplaise, les Français ne sont pas des fainéants, mais ils ne peuvent continuer à exercer des métiers difficiles pour des salaires de misère à des dizaines de kilomètres de chez eux, alors que le coût de l’énergie et des carburants continue d’exploser et que les conditions de logement se dégradent toujours davantage.
N’en déplaise à la gauche, la régularisation des sans-papiers alimente l’exploitation des personnes en situation précaire et, fatalement, en situation de faiblesse. Elle valide a posteriori des pratiques condamnables au premier sens du terme, puisqu’elles sont illégales.
La gauche continue de constituer son armée de réserve électorale, la même que Marx appelait l’armée de réserve du capitalisme (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.), puisque c’est le dumping social qui s’organise avec une pression à la baisse sur les salaires.
Ne soyez pas naïfs : à ces régularisations succéderont de nouvelles arrivées de clandestins, lesquelles en arrangent certains.
Ni la situation des travailleurs français ni celle de ceux qui sont venus d’ailleurs, dont on fait des esclaves, ne s’améliorera.
Nous dénonçons cette capitulation, car…
M. Mickaël Vallet. Vous préférez les armistices !
M. Christopher Szczurek. … elle préserve la responsabilité du politique, qui se défausse encore sur les préfets.
Nous aurions pu envisager le vote de ce projet de loi si l’article 3 avait été purement et simplement supprimé, sans contrepartie. À nos yeux, ce texte n’est plus acceptable en l’état. (M. Joshua Hochart applaudit.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Ce n’est pas grave !
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Szpiner, sur l’article.
M. Francis Szpiner. Nous défendons bel et bien la valeur du travail. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Szpiner a la parole !
M. Francis Szpiner. Vous devriez vous interroger sur le fait que certains emplois ne sont pas pourvus par nos compatriotes. Est-ce lié au niveau des salaires ou à un manque de formation ? Cette situation pose en tout cas un certain nombre de problèmes que vous ne voulez pas voir.
Je vous invite à relire les propos de M. Georges Marchais sur l’immigration. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
J’en viens à l’idée que vous essayez de faire passer, à savoir qu’il y aurait une sorte de jeu de bonneteau juridique : l’article 3 que nous abrogeons et l’article 3 reconstitué seraient jumeaux. Eh bien non !
Le Gouvernement voulait créer un droit opposable. Cela vous arrangeait, puisque votre position consiste à dire que, puisque nous ne pouvons rien faire, il faut laisser la crise s’aggraver. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Mais non, ça, c’est la droite !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est l’inverse !
M. Francis Szpiner. On peut penser, comme M. Jadot, que l’immigration ne pose aucun problème, mais, manifestement, nous ne vivons pas dans le même monde !
La différence entre vous et nous, c’est que nous considérons que la politique doit refuser de céder à l’administration.
M. Ian Brossat. C’est l’inverse, c’est vous qui renvoyez la responsabilité aux préfets !
M. Francis Szpiner. Nous préférons exercer le pouvoir et affirmons que c’est à l’autorité politique de décider qui peut être régularisé.
La volonté politique de contrôler l’immigration est aux antipodes d’un droit opposable. Oui, nous voulons contrôler les flux migratoires : ce n’est pas en disant aux personnes étrangères qu’elles peuvent venir en France et rester dans la clandestinité, parce que cela leur permettra d’être régularisées plus tard, que l’on respecte leur dignité ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. Stéphane Ravier. La gauche Terra Nova !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur Szpiner, vous semblez avoir de la mémoire politique, puisque vous avez cité Georges Marchais : permettez-moi de vous dire que celui-ci était non pas contre l’immigration, mais contre le capitalisme !
M. Stéphane Ravier. Il était aussi contre l’immigration !
M. Pascal Savoldelli. La vérité étant rétablie, j’en viens à l’article 3.
J’écoute nos débats de manière très apaisée. J’ai notamment écouté attentivement les interventions du président Retailleau et du ministre Darmanin, et je constate qu’ils disent exactement la même chose !
M. Francis Szpiner. Pas du tout !
M. Pascal Savoldelli. Ainsi, monsieur le ministre, vous avez expliqué qu’il était impossible de régulariser un étranger sans-papiers si l’employeur ne l’autorisait pas.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
M. Pascal Savoldelli. Il n’y a rien de grave à cela. Je le dis en responsabilité et en toute honnêteté intellectuelle.
Cela est vrai pour les patrons dans le secteur privé, dans le secteur marchand – plusieurs exemples ont été cités –, mais c’est également vrai dans le secteur public.
Monsieur le ministre, puisqu’il faut toujours choisir la voie de l’apaisement, je parlerai de faux-semblant, plutôt que d’hypocrisie : comment expliquer en effet que, dans mon département, un certain nombre de travailleurs sans-papiers fassent le piquet de grève depuis vingt-trois mois, alors qu’ils sont salariés de Chronopost, autrement dit La Poste, dont le capital est en partie détenu par l’État ?
Vous devez être au courant de la situation, monsieur le ministre, puisque vous êtes l’un des donneurs d’ordre. Pourtant, vous ne régularisez pas ces travailleurs…
Mes chers collègues, dans le cadre des discussions un peu vives qui nous animent depuis maintenant quelques jours, je me permets de vous poser la question suivante : pourquoi le Parlement et le Gouvernement ont-ils décidé d’ignorer que des milliers de travailleurs sans-papiers sont victimes de ce conflit social ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.
Mme Michelle Gréaume. À l’instar de mon collègue, je suis choquée de constater que l’on ne s’intéresse plus aux sans-papiers, alors même que ceux-ci ne cessent de travailler.
De fait, on ne s’imagine pas qu’ils sont en situation irrégulière. Pourtant, la presse s’est fait l’écho de certaines affaires, notamment à Paris, au Fouquet’s par exemple : personne n’aurait jamais cru que des sans-papiers y travaillaient. Or c’est le cas !
On trouve aussi beaucoup de travailleurs en situation irrégulière dans les filiales de La Poste, comme Pascal Savoldelli vient de l’indiquer. En ce moment même, l’État propose des aides à l’installation de panneaux photovoltaïques : je peux vous dire que de nombreux étrangers travaillent pour cette filière ! Il y en a partout !
Ce qui m’étonne le plus, c’est la nature de vos relations avec le Medef, mes chers collègues.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Ah !
Mme Michelle Gréaume. En règle générale, les chefs d’entreprise, quand on discute avec eux – je le fais moi aussi ! –, disent qu’ils ne trouvent personne pour faire le travail. Voilà pourquoi ils s’adressent à des sans-papiers, des personnes volontaires, qui ne mendient pas et qui ont envie de travailler.
Ces étrangers travaillent et sont présents partout sur notre territoire : c’est la seule vérité qui vaille !
Nous sommes nombreux à pouvoir vous parler des travailleurs sans-papiers : il s’agit de personnes courageuses, qui ne traînent pas dans la rue pour mendier, qui se lèvent tous les matins malgré des conditions de vie difficiles.
Aujourd’hui, il est indispensable de régulariser toutes ces personnes. Discutez un peu avec le patronat, regardez un peu autour de vous : vous verrez ce que les patrons vous diront. Je pense que vous serez très déçus ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Stéphane Ravier s’exclame.)
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. David Ros, sur l’article.
M. David Ros. Si j’ai bien compris, l’article 3 est le tournant des débats.
Permettez-moi de vous lire un extrait d’un article paru hier dans Les Échos : « Au moment où l’examen du projet de loi sur l’immigration, qui prévoit la régularisation sous conditions des étrangers irréguliers dans les métiers en tension, a démarré en plénière au Sénat, l’étude apporte sa contribution au débat : elle juge que la France gagnerait à s’ouvrir davantage aux minorités et aux immigrants. Des pays comme le Canada ou Singapour ont su gérer le sujet de l’immigration de façon à le rendre acceptable pour leur opinion publique et leur économie. »
Difficile de considérer Les Échos comme un organe de propagande des partis de gauche. (Sourires.) L’étude citée a été publiée par l’Insead (l’Institut européen d’administration des affaires), l’Institut Descartes et le Human Capital Leadership Institute.
Monsieur le ministre, vous conduisez la voiture gouvernementale. Avec l’article 3, elle marquait un virage à gauche, après tous les virages à droite que nous avons connus ; or vous semblez vouloir tourner aussi à droite dans ce virage qui part à gauche.
Faites attention, car vous risqueriez de conduire le Gouvernement et la France à droite, non pas vers M. Ravier, mais dans les graviers. Ce serait un déshonneur pour la France. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Thomas Dossus applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cela valait le coup d’entendre cela ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je répondrai aux différentes remarques qui ont été formulées sur ce sujet, certes important, mais qui n’est pas le cœur du texte, même si je comprends bien qu’il le soit désormais.
Pour Mme Vogel, qui a manifestement mal entendu – peut-être me suis-je mal exprimé –, je rappelle la position du Gouvernement. Dans la mesure où il souhaite conserver l’article 3 tel qu’il est rédigé, le Gouvernement émettra un avis défavorable sur les amendements de suppression et un avis de sagesse…
M. Mickaël Vallet. Paresse !
M. Gérald Darmanin, ministre. … sur l’amendement de repli de la commission tendant à insérer l’article 4 bis, qui sera un nouvel article 3. Appelons-le comme on veut.
Je tenais à faire ce rappel, car il n’est pas utile d’ajouter de la confusion à une situation à l’évidence déjà assez confuse.
Mesdames, messieurs les sénateurs, de quoi s’agit-il ? Je parle sous le contrôle de M. le président de la commission des lois.
Premièrement, j’entends que le Gouvernement aurait essayé de créer un droit opposable. Non ! J’ai tenté de fournir au législateur les critères pour régulariser les personnes.
En général les parlementaires – j’ai moi-même été député longtemps – demandent à disposer de règles leur permettant d’agir à la place de l’État, des préfets et des directions territoriales de l’État.
Fort de cela, je soumets au Parlement, en l’occurrence, au Sénat, un projet de loi qui définit les critères de régularisation et vous enjoins, mesdames, messieurs les sénateurs, de faire votre travail de parlementaires. Certains veulent plus régulariser, d’autres moins, mais tout le monde semble vouloir régulariser, puisqu’un article de régularisation existe. La vie est ainsi faite…
Personne n’est véritablement hypocrite ici. Beaucoup sont intervenus en faveur de la régularisation des travailleurs – et c’est heureux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Évidemment, lorsque l’on demande beaucoup de régularisations et que l’on déclare ensuite « surtout pas de régularisations », le ministre de l’intérieur se dit que le moment doit être particulier. En effet, les courriers du matin ne ressemblent pas au débat public du soir… C’est ainsi !
J’invite donc les parlementaires à s’emparer des critères de régularisation. Vous auriez pu proposer de modifier l’article 3 avec des critères bien plus durs : non pas trois ans de présence sur le territoire national, mais cinq, sept ou dix ans ; non pas les zones géographiques tendues, mais celles où le taux de chômage est en dessous de 5 %. Plein de critères auraient pu être choisis : M. Szpiner avait même imaginé des quotas.
Vous refusez d’utiliser ce pouvoir qui vous revient en tant que parlementaires et vous me dites : « Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez l’air vraiment formidable. Nous vous faisons confiance : régularisez au cas par cas. »
Il est tout de même assez rare qu’une assemblée refuse de se saisir de pouvoirs. Nous aurions pu avoir un débat politique très important sur la nécessité de plus ou moins régulariser et sur les critères à fixer à cette fin.
J’espère que, la prochaine fois que nous débattrons parce que vous demandez qu’une disposition relève absolument du domaine de la loi, vous vous souviendrez de ce qui se passe en ce moment, mesdames, messieurs les sénateurs.
Par ailleurs, l’hypocrisie me semble arranger bien du monde. En effet, c’est le ministre qui régularise, après intervention du parlementaire ou du maire. Ainsi, on peut dire publiquement que l’on n’a pas créé de droit opposable.
On parlait d’hypocrisie à mon égard, mais cela ne me paraît pas très juste.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Si, c’est juste !
M. Gérald Darmanin, ministre. À défaut d’être d’accord, il est au moins possible de dire la vérité sur le fond de cet article.
Deuxièmement, je m’adresse maintenant à la gauche de cet hémicycle. Certes, je peux entendre tous les discours ; toutefois, monsieur Kanner, ne me faites pas croire que, si l’article 3 avait été adopté, vous auriez voté le texte ! Le parti socialiste, les Verts, le parti communiste ont, dès le début, indiqué qu’ils ne voteraient jamais ce projet de loi. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
En réalité, monsieur Kanner, vous souhaitez que le Gouvernement n’ait pas de texte, parce que vous souhaitez que le Gouvernement échoue. C’est normal, vous êtes dans l’opposition ! Ne soyez pas hypocrite, vous aussi, en prétendant que, si l’article 3 avait été adopté, vous auriez bien sûr voté les quarante-sept autres articles et soutenu le texte du ministre de l’intérieur. Cette astuce ne dupe personne.
M. Patrick Kanner. Nous ne sommes pas dans l’opposition systématique !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ne dites pas que vous auriez voté le texte dans ce cas. Ce n’est pas vrai, vous avez dès le début annoncé le contraire. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Et vous voudriez que je fasse confiance à ceux qui veulent, quoi qu’il arrive, la mort du projet de loi ? (Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous aurions voté l’article 3 !
M. Gérald Darmanin, ministre. Avouez que c’est une drôle de façon de faire de la politique ! (Exclamations amusées sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Pour ma part, je fais avec les choses telles qu’elles sont.
M. Patrick Kanner. Prenez une ordonnance !
M. Gérald Darmanin, ministre. La politique est un idéal qui tient compte des réalités. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. Pascal Savoldelli. C’est incroyable !
Mme la présidente. Seul M. le ministre a la parole !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ensuite, et c’est très intéressant, vous annoncez que vous ne voterez pas l’amendement de la majorité sénatoriale, parce qu’il ne va pas assez loin. Par conséquent, vous refusez un droit pour les personnes à régulariser. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. Ronan Dantec. Non !
Mme Audrey Linkenheld. C’est faux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Non, c’est tout à fait vrai !
Quelle sera la grande avancée du nouvel article 4 bis s’il est adopté, sinon de supprimer le servage dans lequel le patron tient son employé ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est faux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Non, ce n’est pas faux !
Pour l’instant, dans sa version actuelle, ce qui deviendra l’article 4 bis vise à prévoir une vérification. Nous aurons notamment l’occasion d’en reparler à l’Assemblée nationale, mais c’est toujours mieux que ce qui existe aujourd’hui.
Être un parti de Gouvernement, c’est accepter de petites avancées.
Par hypocrisie, par posture ou par idéologie, vous allez donc refuser le « petit plus » pour les sans-papiers, le « petit plus » pour les travailleurs à régulariser, sous prétexte que vous avez envie d’un débat de postures, comme l’a indiqué Philippe Bas.
Vous êtes totalement incohérents.
Vous avez été aux responsabilités pendant dix ans – une fois sous le gouvernement de M. Jospin, une fois sous la présidence de M. Hollande. Jamais, vous n’avez régularisé de plein droit les personnes. Jamais, vous n’avez supprimé ces articles du code du travail. Tous, vous avez soutenu la circulaire de M. Valls, prise dès le début du mandat de M. Hollande – à l’exception peut-être des communistes –, sans jamais rien modifier.
L’hypocrisie dont vous parlez, c’est la vôtre !
Aujourd’hui, alors que le Gouvernement vous soumet une modification, vous lui tendez un pied pour qu’il se casse la figure et, lorsqu’il propose une modification d’un pas avancé, vous répondez que ce n’est pas assez propre !
Manifestement, vous avez quitté les rivages des partis de gouvernement depuis longtemps, en vous comportant comme cela. (Oh ! sur des travées des groupes SER et GEST.)
C’est tout à fait vrai ! D’ailleurs, votre alliance avec M. Mélenchon en est la démonstration, vous le savez parfaitement.
Troisièmement, la cohérence du texte du Gouvernement reposait sur la présence de l’article 2, de l’article 3, de l’article 5 et de l’article 8.
Je constate que la majorité sénatoriale, lors de ses travaux en commission, n’a pas fait preuve de cohérence. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, vous y avez supprimé l’article 2 – fort heureusement, il a été rétabli hier et je remercie cette assemblée –, ainsi que l’article 5 et l’article 8, mais vous avez conservé l’article 3. Ce fameux article 3 – l’enfer pour la majorité sénatoriale ! – a tout de même passé l’examen de la commission des lois. (Sourires sur les travées du groupe SER.) Il ne devait pas être si dramatique que cela, puisqu’une majorité n’a pas pu être trouvée pour le supprimer.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ce n’est pas correct de dire cela !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ferme la parenthèse, monsieur Retailleau. On s’est aperçu que c’était horrible, mais six mois plus tard.
En quoi consistent les articles 5 et 8 ?
L’article 5 a trait à une filière d’immigration irrégulière, que nous avons tous créée, bien avant le début du mandat du Président de la République. En effet, un sans-papiers peut créer son autoentreprise sur le site du ministère de l’économie et des finances. En ce sens, on crée des irréguliers qui, comme cela a été dit, paient des impôts et des cotisations et qui, au bout d’un certain temps, demandent aux préfets à être régularisés, puisqu’ils travaillent.
Comment la commission des lois peut-elle à la fois demander la non-régularisation automatique des sans-papiers et accepter de ne pas rétablir l’article 5 ? Je le dis par pure cohérence.
Vos interventions doivent se heurter à des intérêts capitalistiques, car de nombreuses entreprises profitent du dévoiement de l’autoentreprise pour travailler avec une main-d’œuvre pas chère.
Vous ne pouvez pas ne pas rétablir l’article 5 : sans cela, vous créez une filière d’immigration irrégulière bien plus grande qu’avec l’article 3, dont vous imaginez qu’il vise à mettre en place un droit opposable.
Monsieur Retailleau, vous avez évoqué des dizaines de milliers de personnes concernées – ce que je réfute absolument –, mais, en laissant la commission supprimer l’article 5, ce seront des dizaines de milliers par an ! J’espère que vous reviendrez sur votre texte et que vous voterez l’amendement de rétablissement du Gouvernement.
L’article 8 concerne quant à lui la fermeture administrative des entreprises ayant embauché des personnes en situation irrégulière. La commission des lois l’a supprimé ! (M. Bruno Retailleau s’exclame.)
MM. Guy Benarroche et Ronan Dantec. Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. En résumé, non seulement la commission des lois n’a pas supprimé l’article 3 – à propos duquel on prétend aujourd’hui qu’il crée un droit automatique, alors qu’il s’agit d’un pouvoir donné aux parlementaires –, mais elle a supprimé l’article 8, qui prévoyait la fermeture administrative de l’entreprise employant des sans-papiers.
Le projet du Gouvernement était pourtant simple : régulariser les personnes qui le demandaient pour savoir quelles entreprises embauchaient des sans-papiers et les faire fermer.
J’espère qu’une cohérence émergera et que le rétablissement des articles 5 et 8 sera voté.
Enfin, monsieur le président Retailleau, je suis favorable au compromis politique – je le rappelle tout le temps –, mais vous ne vouliez pas d’article de régularisation.
Vous avez obtenu un compromis politique – ce qui est normal, car c’est comme cela que fonctionne une assemblée parlementaire et c’est d’ailleurs aussi comme cela que fonctionne un gouvernement disposant d’une majorité relative à l’Assemblée nationale.
M. Bruno Retailleau. Nous ne voulions pas d’un droit automatique !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous ne vouliez pas de régularisation.
Vous êtes mis d’accord entre vous, ce qui est bien normal. Je suis le premier à dire que c’est une bonne chose pour nous tous.
M. Bruno Retailleau. L’amendement est différent de l’article 3 !
M. Gérald Darmanin, ministre. Oui, ce sera l’article 4 bis, s’il est adopté. En cela, il est vraiment différent. (Sourires.)
Monsieur Retailleau, je le répète, vous ne vouliez pas d’article de régularisation. La majorité, notamment les centristes, en voulait un. Vous vous êtes donc mis d’accord sur l’absence de régularisation automatique à partir des critères proposés par M. Marseille.
Vous avez abouti à la rédaction d’un article de compromis, que le Gouvernement soutiendra et qu’il corrigera sans doute à l’occasion de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. (Mme Anne Chain-Larché s’exclame.) Nous verrons ensuite ce qui se passera en commission mixte paritaire et qui, finalement, votera ce texte.
Toutefois, monsieur Retailleau, ne faites pas croire que vous souhaitiez ardemment l’amendement n° 657. Sinon, nous n’aurions pas connu toute cette histoire.
En réalité, que s’est-il passé ? Rien d’autre que de la politique parlementaire.
Il y avait une majorité pour ne pas supprimer l’article 3 et une majorité pour voter contre le texte. En effet, le groupe Les Républicains n’aurait pas été majoritaire si M. Marseille avait vraiment déposé son amendement visant à ne pas supprimer l’article 3 et, évidemment, mes amis de la gauche auraient été très contents de faire tomber le ministre de l’intérieur en votant contre la version finale du texte, tout en ayant adopté l’article 3. (Sourires.)
Alors, j’ai un instinct de survie assez développé depuis quelques années. (Exclamations amusées.)
La politique, c’est assez simple : c’est se battre pour des convictions, c’est essayer d’obtenir des résultats pour 100 % d’entre elles et être déjà plus heureux lorsqu’il est possible d’en satisfaire 50 %.
C’est cela un parti de gouvernement. C’est cela prendre ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Sortons de l’hypocrisie.
Il existe une très grande différence entre l’article 3 dans la version initiale du projet de loi et l’amendement tendant à insérer un article additionnel 4 bis que la commission a déposé.
M. Bruno Retailleau. Bien sûr !
Mme Anne Chain-Larché. C’est ça, la vérité !
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Cette différence porte sur le caractère automatique du titre de séjour accordé dans le cadre de l’article 3 : il aurait alors suffi de justifier que l’on voulait un travail ou d’expliquer que l’on avait un travail, sans vérification de la réalité de celui-ci auprès de l’employeur, et ce dans un texte qui permettait de régulariser largement et quasiment de plein droit. La commission n’était pas d’accord sur ce point.
Si l’article 3 est malgré tout examiné en séance publique, c’est parce que nous avons décidé en commission que le débat aurait lieu dans l’hémicycle. Chacun le sait, nous l’avons indiqué depuis le début.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Bien sûr !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous n’étiez pas d’accord entre vous !
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Que vise l’amendement déposé par nos rapporteurs et élaboré conjointement avec nos collègues centristes ?
Il s’agit de ne pas passer par la loi, de ne pas généraliser le dispositif et de recourir au « cas par cas ».
Tout d’abord, le « cas par cas », c’est le préfet. Ensuite, le préfet agit dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour. C’est le premier point d’entrée pour quelqu’un en situation irrégulière qui aurait un contrat de travail.
Le préfet étudiera alors la situation et vérifiera auprès de l’employeur la réalité de l’emploi, ce qui permettra de contrôler les employeurs voyous.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Voilà !
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Ce n’était pas le cas dans la version initiale de l’article.
Cela me semble très important et vertueux de ne pas régulariser des gens qui sont susceptibles de « bosser pour des voyous ».
M. Bruno Retailleau. Voilà !
Mme Silvana Silvani. Ce sont les patrons qu’il faut sanctionner !
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Que les choses soient claires, il y a bien une différence ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur des travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
J’insiste sur cette différence qui me paraît absolument essentielle.
Oui, bien évidemment, c’est un compromis : nous l’avons discuté avec nos amis centristes et chacun a fait valoir son point de vue, notamment sur les conditions. C’est bien normal ! Et nous sommes d’accord.
Nous ne refusons donc pas de régulariser des étrangers en situation irrégulière qui ont un contrat de travail. Nous demandons simplement, par principe, que cela soit fait au cas par cas. C’est une différence fondamentale avec la version initiale de l’article 3.
Que le débat ait lieu, mais sur la base de la vérité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
8
Candidatures à un groupe de travail
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des trente-sept membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner, sous réserve de son dépôt, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.
En application de l’article 8 bis, alinéas 2 et 3, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Il appartiendra au Sénat de transformer ce groupe de travail en commission spéciale, après le dépôt du projet de loi, conformément à l’article 16 bis de notre règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Immigration et intégration
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
Dans la discussion des articles, nous avons achevé les prises de parole sur l’article 3.
Article 3 (suite)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 655 est présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission.
L’amendement n° 126 est présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.
L’amendement n° 366 rectifié ter est présenté par M. Duffourg.
L’amendement n° 530 est présenté par M. Ravier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 655.
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il convient de revenir sur ce qu’est l’article 3 afin de dégager les raisons qui ont motivé cet amendement de suppression.
Partons de faits connus de tous. Dans ce pays, des employeurs emploient, de façon irrégulière, des étrangers dépourvus d’autorisation de travail, lesquels, de ce fait, travaillent aussi de façon irrégulière.
Je renvoie ces irrégularités dos à dos. En effet, si la responsabilité des uns et des autres peut être discutée, la réalité est que tout le monde trahit la loi. En tant que législateurs, nous ne pouvons pas nous résigner à ce que la loi soit en permanence bafouée.
La première position que nous devons avoir, me semble-t-il, est donc de ne pas accepter cette situation où tant l’employeur que le salarié ne respectent pas la loi.
Pour autant, une fois cette position de principe affirmée, nous savons aussi – pour être quasiment tous des élus locaux, avoir parfois dirigé des exécutifs et avoir une connaissance du terrain – que la réalité est souvent plus complexe que la sèche application de la loi.
C’est pourquoi, en matière de droit des étrangers et de séjour irrégulier, il existe un dispositif, l’admission exceptionnelle au séjour, qui permet de façon exceptionnelle de régulariser la situation d’une personne qui, par définition, n’est pas en situation régulière.
Ce dispositif résulte de l’application, dans le domaine du droit des étrangers, d’un principe général de droit administratif, selon lequel chaque personne – un étranger comme un Français – qui habite sur le territoire français peut solliciter de l’administration une révision de sa situation individuelle.
Dans ces conditions, l’administration peut parfaitement admettre que la personne qui sollicite la révision de sa situation puisse bénéficier d’un droit auquel elle ne peut prétendre selon la stricte application du texte.
Dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie, au regard de l’irrégularité et de la situation de l’étranger, si ce dernier peut se voir délivrer un titre de séjour.
Nous connaissons tous la circulaire Valls : elle définit les orientations générales qui guident les préfets dans le cadre de la procédure d’admission exceptionnelle au séjour. On l’apprécie ou on ne l’apprécie pas, selon les travées où l’on siège dans cet hémicycle. Ces orientations générales permettent d’ailleurs de régulariser plus souvent au titre de la vie privée et familiale que par le travail.
Je ne fais là que rappeler le droit positif, qu’aucun de nous n’a voulu modifier. Nous admettons tous – ou presque – l’existence de l’admission exceptionnelle au séjour.
L’article 3, dans la version initiale, visait la régularisation de travailleurs irréguliers dans des métiers en tension.
Toutefois, dans cet article, le procédé juridique choisi était tout à fait différent. Les travailleurs en situation irrégulière devaient fournir la preuve de leur activité, accomplie pendant un certain nombre de mois après un certain nombre d’années de présence sur le territoire français. Cette preuve étant fournie par tout moyen et sans l’aide de l’employeur, les travailleurs en situation irrégulière auraient été automatiquement régularisés.
Nous ne l’avons pas accepté, parce que nous sortions de la casuistique de l’admission exceptionnelle au séjour qui, par définition, nécessitait d’étudier extrêmement précisément la situation de chacun.
L’application de cette régularisation de droit entraînait la régularisation automatique, sans que l’État, par l’intermédiaire du préfet, fasse usage de son pouvoir discrétionnaire. Cette régularisation était donc automatique, l’État se départait de son droit, dans un domaine aussi régalien que le droit des étrangers. En outre, le mécanisme induisait qu’en faisant la preuve de la fraude un droit était automatiquement créé.
Nous en avons longuement débattu. Il existe un principe de droit, que chacun connaît ici, selon lequel la fraude corrompt tout : ainsi, la fraude devenait créatrice de droit. Nous dépassions largement, nous semblait-il, le cadre de ce que devait être le droit.
À notre sens, le législateur ne pouvait donc pas adopter une disposition qui aurait juridiquement créé un droit uniquement fondé sur la preuve de la fraude, pour peu qu’elle fût suffisamment longue et habile.
En conséquence, nous n’avons pas souhaité maintenir ce dispositif et avons demandé la suppression de l’article 3 au bénéfice d’une autre disposition, laquelle revient à l’admission exceptionnelle au séjour, qui existe et que personne n’a jamais voulu modifier. Elle permet de restaurer le pouvoir régalien de l’État et de rétablir un examen au cas par cas de la situation de chaque personne ayant déposé une demande auprès du préfet, que ce dernier pourra ainsi examiner.
Voilà exposées de façon factuelle les raisons pour lesquelles l’article 3 pourrait être supprimé si notre assemblée votait l’amendement de suppression de la commission.
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour présenter l’amendement n° 126.
M. Christopher Szczurek. En raison de la présence en France de près de 4,5 millions de travailleurs immigrés et de membres de leurs familles, la poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves problèmes.
Il faut stopper l’immigration officielle et clandestine. Nous pensons que tous les travailleurs sont frères, indépendamment du pays où ils sont nés.
Néanmoins, dans la crise actuelle, l’immigration constitue, pour les patrons et le Gouvernement, un moyen d’aggraver le chômage, les bas salaires, les mauvaises conditions de travail, la répression contre tous les travailleurs, aussi bien immigrés que français.
C’est pourquoi nous disons : « Il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage. » Ces mots sont ceux, non pas de Marine Le Pen, mais de Georges Marchais en 1980.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer l’article 3.
M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, pour présenter l’amendement n° 366 rectifié ter.
M. Alain Duffourg. Lorsque j’ai déposé cet amendement de suppression, certains collègues ont trouvé que c’était un peu singulier ou marginal.
À la suite de nos débats, j’ai compris qu’un amendement, s’il était adopté, se substituerait à l’article 3, ce qui permettrait de parvenir à un compromis entre les diverses formations politiques.
Alors que ce texte vise à réguler l’immigration, on veut faire venir des étrangers et les régulariser parce qu’ils exerceraient des métiers dits en tension. Voilà qui me paraît tout à fait contraire et contradictoire.
Dans le même temps, le projet de loi pour le plein emploi prévoit que les personnes qui refuseront à deux reprises une offre raisonnable d’emploi seront privées des droits au chômage.
La France compte aujourd’hui plus de 5 millions de chômeurs. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi nous inciterions aujourd’hui des étrangers à venir travailler dans des métiers dits en tension.
C’est la raison pour laquelle je souhaite la suppression de l’article 3. Je me prononcerai sur la nouvelle rédaction proposée par la commission le moment venu.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 530.
M. Stéphane Ravier. L’article 3, en même temps que le grand remplacement, c’est le grand renoncement.
La nouvelle carte de séjour « travail dans des métiers en tension » est une porte d’entrée supplémentaire pour l’immigration économique, alors que la France compte 2,2 millions de demandeurs d’emploi en France.
Les métiers de couvreur, de serveur, d’agent d’entretien, d’aide à domicile, d’ouvrier en travaux publics, de conducteur de transports en commun ou de pharmacien, qui sont dits en tension, doivent être revalorisés par un allègement ou une exonération de charges et une revalorisation des salaires, non pas par une course au moins-disant salarial et social.
L’article 3 est une concurrence étrangère déloyale sur notre sol et une trappe à bas salaires.
L’immigration n’est pas la réponse. Il existe des solutions : une politique familiale incitative pour un regain de la natalité française, le versement du revenu de solidarité active (RSA) sous conditions de travail, comme dans les Bouches-du-Rhône, le recours à l’apprentissage, la lutte contre le recours excessif des salariés aux prud’hommes.
Cette politique doit être débattue indépendamment de l’examen du projet de loi sur l’immigration. Vous nous prenez en otage.
Six Français sur dix estiment qu’il y a trop d’immigrés en France, sept sur dix pensent que la politique migratoire est trop laxiste. Les Français attendent de la fermeté !
Dans une étude parue en 2021, l’Observatoire français des conjonctures économiques a révélé que, avec seulement 1 % de travailleurs immigrés supplémentaires, les salaires des ouvriers qualifiés, des techniciens et employés et des ouvriers non qualifiés baissaient notablement.
En France, le problème est que les salaires nets sont bas et les salaires bruts élevés. La différence entre les deux, c’est le « pognon de dingue » de la dépense sociale non contributive.
D’après les dernières données du ministère de l’intérieur, en 2017, 14 % des Français âgés de 15 ans ou plus étaient chômeurs, c’est 42 % des Algériens, 43 % des Marocains et 48 % des Turcs vivant en France. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’invite donc ceux qui ne veulent pas l’adoption de cette disposition, qu’elle figure dans la loi ou dans le règlement, à voter mon amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Hier, la suppression de l’aide médicale de l’État a constitué un vrai faux pas. Nous y avons consacré du temps. Avec d’autres collègues, nous avons espéré convaincre, en vain. Tout le monde a vite compris que cette décision de notre assemblée n’avait rien de rationnel et qu’elle n’était que le résultat d’une idéologie quasi dogmatique de la majorité sénatoriale.
Nous risquons à présent de nous égarer une seconde fois, si une majorité accepte de renoncer à la mesure intéressante de ce projet de loi, la seule qui justifie de passer autant d’heures à examiner un énième texte sur l’immigration.
L’article 3 marque une bascule, je vous l’accorde. Il marque la fin d’une hypocrisie – cela a été dit – qui veut que l’on interdise, en droit, le travail clandestin, tout en l’approuvant quotidiennement dans les faits.
Il marque la fin d’une marginalisation systématique d’une catégorie d’employés qui travaillent souvent dur sur des plages horaires particulièrement exigeantes, en échange de bas salaires, toujours pour l’intérêt de notre nation, mais sans jamais bénéficier du moindre droit ni d’une véritable reconnaissance et sans jamais pouvoir véritablement s’intégrer, alors que, dans de nombreux cas, notre pays s’appuie sur eux.
Le groupe RDSE comptait voter l’article 3. Nous étions prêts à concéder des aménagements et des compromis, mais nous voulions, coûte que coûte, que cet article reste dans le projet de loi, à l’issue de son examen par notre assemblée.
Lors de la discussion générale, la présidente du groupe RDSE a indiqué que nous réservions notre position. Si vous ajoutez à la suppression de l’AME celle de l’article 3, vous comprendrez qu’il n’y a plus aucun espoir que nous soutenions ce texte. (Mme Marie-Arlette Carlotti et M. Ian Brossat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Beaucoup a déjà été dit lors des prises de parole sur l’article.
Monsieur le ministre, la véritable question qui nous sépare est la suivante : faut-il créer un droit opposable, en optant pour l’automaticité, ou s’en tenir au cas par cas ?
Personne ne dit que les immigrés en situation irrégulière travaillant dans des secteurs d’emplois compliqués ne doivent en aucun cas être régularisés.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ah si !
M. Yan Chantrel. Il y en a quelques-uns !
M. Roger Karoutchi. Chers collègues, je vous ai écoutés, je vous prie de faire de même.
Monsieur le ministre, vous êtes bien placé pour savoir que les régularisations sont aujourd’hui décidées par les préfets ; l’on en dénombre 7 000 à 8 000 par an. Demain, avec un tel dispositif, elles progresseront dans des proportions indéterminées. Je ne citerai aucun chiffre : en réalité, personne n’est en mesure d’en donner. Personne n’en sait rien, mais une chose est sûre : une telle automaticité est extrêmement dangereuse.
Vous le savez aussi bien que moi : dans ce beau pays de France, le chômage touche non seulement quelques millions de nos compatriotes, mais aussi 500 000 immigrés en situation régulière. Ce dispositif pourrait ainsi créer une forme de concurrence déloyale entre ceux qui ont suivi les règles et ceux qui, bien qu’étant en situation illégale, pourraient être régularisés de manière automatique.
Sans hésitation, je préfère m’en tenir à la logique des régularisations au cas par cas relevant du pouvoir des préfets. C’est tout le sens de l’amendement de la commission.
Il s’agit non pas d’être pour ou contre le travail, mais simplement de s’interroger : faut-il donner une prime à des personnes qui sont entrées en France de manière irrégulière, qui n’ont pas respecté nos lois et qui travaillent peut-être pour ceux que les communistes appelaient autrefois les « patrons voyous », lesquels ne respectent pas davantage les règles ? Pourquoi récompenser, ce faisant, une double irrégularité ?
Mieux vaut régulariser au cas par cas, en trouvant des voies de passage pour que les immigrés en situation régulière obtiennent, eux, des emplois.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pour notre part, nous voterons contre ces amendements identiques.
Certes, l’article 3 ne contient pas toutes les mesures que nous jugeons nécessaires pour ces travailleurs, mais il n’en représente pas moins, à nos yeux, une avancée très importante.
Depuis le début de cette discussion, les rapporteurs, le Gouvernement et nos collègues du groupe Les Républicains esquissent un bien curieux pas de deux. Ce spectacle est au fond assez gênant.
À en croire Roger Karoutchi, personne ne conteste la régularisation des travailleurs sans-papiers en tant que telle. Si ! J’ai entendu exactement l’inverse tout à l’heure…
M. Roger Karoutchi. Au cas par cas ! Ne travestissez pas la vérité !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Dans ce débat, certains ne cessent de dénoncer la fraude. Dans le domaine fiscal ou en matière d’immobilier, on parle plus pudiquement d’erreurs. Ces dernières font d’ailleurs l’objet de régularisations, précisément au nom du droit à l’erreur…
M. Roger Karoutchi. Quel est le rapport ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est toujours intéressant de voir comment les mots sont utilisés. (M. Roger Karoutchi proteste.)
Monsieur Karoutchi, nous nous connaissons depuis longtemps : les mimiques que vous faites lorsque je parle ne me déstabilisent plus depuis au moins dix ans ! (Exclamations amusées.)
M. Roger Karoutchi. Oh, vous savez, je n’essaye même plus ! (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les dispositions de cet article sont bel et bien en deçà de ce qui nous semble nécessaire.
Enfin, monsieur le ministre, je vous interroge sur un point dont nous débattrons lors de l’examen de l’amendement insérant l’article 4 bis – vous avez donc un peu de temps pour préparer votre réponse, si du moins vous le souhaitez. Pouvez-vous confirmer que les préfectures appliqueront ce dispositif de manière homogène ? C’est l’un des problèmes que pose la circulaire Valls : nous avons constaté que tel n’était pas le cas et qu’un grand nombre de préfectures ne l’appliquaient même pas du tout.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, vous nous proposez un dispositif à caractère automatique, en vertu duquel la fraude en viendrait à créer un droit ; nous ne pouvons donc pas accepter l’article 3 en l’état. C’est tout simplement une question de principe.
Je l’ai dit lors de la discussion générale : l’aberration face à laquelle nous nous trouvons est de l’ordre de la capitulation.
En France, le taux de chômage dépasse aujourd’hui 7 %. Penser que, dans un tel contexte, il faut nécessairement régulariser l’immigration clandestine pour faire face aux pénuries d’emploi que connaissent certains secteurs revient à se livrer à une forme d’abandon.
À la fin du mois d’octobre 1993, il y a presque trente ans jour pour jour, François Mitterrand annonçait à la télévision que la France frôlait les 3 millions de chômeurs. Je l’entends encore affirmer devant les caméras que, « dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé ».
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous parlons de 7 000 personnes par an !
M. Yan Chantrel. De personnes qui travaillent déjà !
M. Bruno Retailleau. Cet article est du même ordre. Il revient à dire : « Contre la pénurie d’emploi, on a tout essayé. »
Non, on n’a pas tout essayé ! Roger Karoutchi a rappelé ce chiffre : dans notre pays, plus de 500 000 étrangers en situation régulière sont aujourd’hui au chômage. En parallèle, 1,4 million de jeunes ne sont ni étudiants ni dans l’emploi, 1,9 million de Français sont au revenu de solidarité active (RSA) et 3 millions de Français sont au chômage. Qu’est-ce qu’on fait d’eux ? On les laisse tomber ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous parlons de quelques milliers de personnes !
M. Bruno Retailleau. Vous devez aussi l’entendre : non, on n’a pas tout essayé contre les pénuries d’emploi. (Protestations sur des travées du groupe SER.)
Enfin, chers collègues de gauche, vous devriez être sensibles à cet argument : ce n’est certainement pas avec de petits salaires,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous demandons l’augmentation des salaires !
M. Bruno Retailleau. … ce n’est certainement pas en payant des clandestins au lance-pierre que l’on résoudra ce problème ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Retailleau, je suis évidemment sensible à cette argumentation.
M. Jérôme Durain. On croyait que vous étiez de gauche ? (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Gérald Darmanin, ministre. L’article 3 crée un droit opposable ; quant à l’article 4 bis, il suit une logique de régularisation au cas par cas…
M. Bruno Retailleau. Ah, merci !
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est un fait : nous n’allons pas reprendre notre discussion depuis le début.
Je le répète, je suis sensible à votre argumentation. Le texte du Gouvernement prévoyait d’ailleurs deux critères : d’une part, celui des métiers en tension, dont la liste est publiée chaque année par le ministère du travail,…
M. Bruno Retailleau. Par la Dares !
Une sénatrice du groupe SER. Non, pas chaque année !
M. Gérald Darmanin, ministre. … d’autre part, celui des zones géographiques tenues.
Vous auriez pu ajouter d’autres critères encore – vous pouvez d’ailleurs toujours le faire –, ne serait-ce que parce que tel dispositif existe dans telle région et non dans telle autre. Tout dépend des réalités locales : la Bretagne manque davantage de main-d’œuvre que les Hauts-de-France.
Quant à l’appel d’air que provoquerait ce dispositif, il peut faire donner lieu à un autre argument encore.
À l’évidence, le sort de l’article 3 est joué, du moins pour cette première lecture au Sénat. Je vous rappelle donc le sens de ses dispositions, sans le moindre esprit polémique et sans espoir de vous convaincre : des personnes qui sont déjà présentes sur le territoire national et que l’on ne peut pas expulser – vous ne le pourriez pas plus que moi si vous exerciez mes fonctions – doivent pouvoir accéder à des régularisations lorsqu’elles exercent des métiers en tension – et pour cause, nous avons besoin de cette main-d’œuvre.
Que se passera-t-il dans des régions qui, comme la Bretagne, ne présentent qu’un très faible taux de chômage ? On va y importer une main-d’œuvre régulière.
Que feront la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et d’autres grandes fédérations professionnelles, en Bretagne ou dans le sud de la France ? Vous le savez bien : elles demanderont des visas de travail, notamment dans l’agriculture, par exemple pour que l’on vienne ramasser des fraises à Plougastel…
Mme Sophie Primas. Ce sont des saisonniers !
M. Gérald Darmanin, ministre. Pas seulement, madame la sénatrice.
Par ailleurs, vous savez très bien également que toutes les personnes que font venir les grandes fédérations professionnelles ne repartent pas, loin de là. Beaucoup de saisonniers restent. Disons toute la vérité : ces dispositifs sont aussi des trappes à irrégularité.
Monsieur Retailleau, d’une certaine manière, l’article 3 permet donc de limiter une partie de l’immigration économique légale, qui, ensuite, confère un certain nombre de droits, notamment le regroupement familial.
Bien entendu, la main-d’œuvre dont il s’agit n’a pas vocation à remplacer d’autres travailleurs, qu’il s’agisse de Français ou d’étrangers réguliers, lesquels doivent pouvoir se former et, dans certains cas, faire preuve de mobilité géographique pour occuper les emplois vacants.
C’est précisément ce que nous faisons avec la réforme de l’assurance chômage. Reconnaissons toutefois que ce n’est pas si facile que cela. Ce n’est pas si facile de dire à des personnes qui travaillent dans la restauration dans les Hauts-de-France d’aller travailler dans l’agriculture en Bretagne.
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.
M. Ian Brossat. Je ne reviendrai pas sur toutes les raisons pour lesquelles nous regrettons la suppression de l’article 3, en faveur de laquelle le Sénat s’apprête à voter. Je me contenterai de relever deux arguments que j’ai entendus pour les contester très vivement.
En premier lieu, certains ont avancé cette idée qui me paraît proprement ahurissante et que tous les faits démentent : la régularisation de travailleurs sans-papiers serait une forme de dumping qui nuirait aux autres travailleurs, qu’ils soient Français ou étrangers en situation régulière.
Or c’est l’inverse ! C’est la mise en concurrence des uns et des autres qui constitue du dumping. C’est la cohabitation de deux catégories de travailleurs sur notre sol qui tire tout le monde vers le bas : il y a, d’un côté, ceux qui ont des papiers et des droits et, de l’autre, ceux qui n’ont ni papiers ni droits.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre, la régularisation des travailleurs qui sont déjà là est le moyen d’éviter le dumping social. Elle constituerait donc une bonne nouvelle pour le monde du travail dans son ensemble.
En second lieu, l’idée selon laquelle l’exploiteur et l’exploité auraient le même degré de responsabilité est tout bonnement incroyable ! À la fraude du salarié correspondrait une fraude de même nature ou de même gravité, celle de l’employeur qui fait le choix d’utiliser une main-d’œuvre clandestine…
On n’a pas le droit de dire des choses pareilles. La responsabilité première incombe évidemment à celui qui exploite, c’est-à-dire à celui qui, sciemment, fait le choix d’embaucher des travailleurs sans-papiers, pour les payer moins cher que les autres et leur imposer des conditions de travail déplorables.
M. Jérôme Durain. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, je viens soutenir la suppression de l’article 3, à laquelle vous vous opposez.
J’ai bien retenu les propos que vous avez prononcés tout à l’heure : que l’on dise au moins la vérité sur ce qu’est le fond de cet article. Vous nous avez expliqué qu’il s’agissait de préciser dans la loi des critères encadrant l’exercice par l’État de son pouvoir de régularisation. Eh bien non, monsieur le ministre, le fond de cet article, ce n’est pas du tout cela.
M. Philippe Bas. Vous nous proposez de changer totalement de logique, de passer d’un système reposant sur la faculté, pour l’État, de régulariser à titre exceptionnel un étranger clandestin dans un emploi relevant d’une liste de métiers en tension à un système qui crée un droit.
Vous demandez vous-même que l’on soit précis et que l’on dise au moins la vérité : je vais donc la dire, tout simplement en lisant votre texte.
Je vous épargne l’énumération des conditions posées, il y en a en effet un certain nombre. « L’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée […] se voit délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire. » Vous créez bel et bien un droit – et c’est là toute la différence entre vous et nous.
Nous ne voulons pas entrer dans un tel système, qui crée un droit à la régularisation des travailleurs clandestins. Ce n’est bon ni pour l’employeur qui se livre à une telle fraude ni pour le travailleur clandestin, qui s’est introduit dans notre pays sans titre et travaille dans des conditions parfaitement opaques. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous nous répétez depuis hier cette phrase en forme de postulat : « L’intégration est un échec. »
À elle seule, une telle affirmation mériterait de plus longues discussions. Pour ma part, je la conteste. Il y a dans notre pays de très nombreuses personnes issues de l’immigration, même arrivées récemment, qui sont parfaitement intégrées. (M. Stéphane Ravier s’exclame.) Mais elles n’apparaissent pas sur vos écrans radars. Vous ne les voyez pas,…
Mme Sophie Primas. Si !
Mme Laurence Rossignol. … tout simplement parce qu’elles ne font pas de bruit.
Il y a même une foule de personnes que vous appelez des « clandestins », des « fraudeurs », et que nous appelons plutôt des sans-papiers, qui sont parfaitement intégrés, qui ne font pas de bruit non plus, qui travaillent et qui élèvent leurs enfants.
Il n’y a pas que l’échec de l’intégration. Ce serait bien qu’un jour vous changiez un peu de regard.
Ce que vous proposez avec la suppression des articles 3 et 4, c’est le statu quo en pire,…
M. Jérôme Durain. C’est bien cela !
Un sénateur du groupe Les Républicains. Vous n’avez rien compris !
Mme Laurence Rossignol. … c’est-à-dire une nouvelle fabrique à clandestins.
En fait, vous vous accommodez très bien de la situation. Nous savons tous que ces clandestins garderont les emplois qu’ils occupent, qu’ils ne seront pas expulsés, qu’ils resteront sur le territoire français. Mais vous, vous serez contents : vous aurez fait beaucoup d’agitation politique. Vous vous serez efforcés de parler plus fort que les autres collègues qui déposent les mêmes amendements que vous – le zemmourien et les lepénistes… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Ça va !
Mme Laurence Rossignol. Il y a de quoi être choqué : des centristes à Zemmour, toutes les droites du Sénat proposent le même amendement ! La tonalité de vos discours peut varier, mais vous avez le même but : la suppression de cet article ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Laissez parler l’oratrice !
Mme Laurence Rossignol. Chers collègues, qu’ils vous plaisent ou non, des faits sont des faits ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je tiens à remercier Philippe Bas, car il a dit la vérité. (Sourires et applaudissements ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
Initialement, ce gouvernement pensait bel et bien qu’il fallait régulariser automatiquement un certain nombre de sans-papiers, afin qu’ils puissent être parfaitement intégrés dans notre société : bien qu’ils travaillent déjà en France, ils ne peuvent pas l’être totalement sans cette régularisation, les libérant du couperet de l’expulsion auquel ils sont soumis en permanence.
Je remercie donc non seulement M. Bas d’avoir dit la vérité, mais aussi MM. Darmanin et Dussopt…
Mme Cécile Cukierman. Il n’est pas là !
M. Guy Benarroche. … d’avoir eu cette excellente idée.
J’observe toutefois que, sur la base de calculs strictement politiciens…
Mme Sophie Primas. Parce que vous, vous n’êtes jamais politicien ?
M. Guy Benarroche. … que je comprends très bien – nous faisons tous de la politique, y compris de la politique politicienne (M. Philippe Bas proteste.) ; tous, monsieur Bas ! –, le Sénat en vient à abdiquer.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez rejeté cette idée qui nous semblait pourtant excellente. Pour notre part, nous étions prêts à avancer dans ce sens, en améliorant le dispositif proposé si nécessaire.
Mme Sophie Primas. Et à voter ce texte ?
M. Guy Benarroche. Je ne puis que déplorer cette abdication.
M. le ministre, comme d’autres membres du Gouvernement, n’oublie bien sûr pas que le texte du Sénat sera soumis à l’Assemblée nationale, laquelle pourra très bien le remettre en cause. Il espère précisément que nos collègues députés voteront d’une manière différente.
Je ne dis pas que nous travaillons en vain. Je rappelle simplement que, pour mille et une raisons, il faut régulariser les travailleurs sans-papiers ; faute de quoi, nous renoncerons tout simplement à les intégrer en France, alors même qu’ils sont déjà chez nous depuis des années.
Ce soir, pour des raisons tenant uniquement à des rapports de force politique, nous repoussons cette idée. Je le regrette profondément. (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 655, 126, 366 rectifié ter et 530.
J’ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la deuxième, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires et, la troisième, de la commission.
M. Patrick Kanner. Quel succès ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 26 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 191 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 3 est supprimé (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) et les amendements nos 270, 171, 464, 398 rectifié, 390 rectifié et 462, les amendements identiques nos 80 rectifié et 437, les amendements nos 391 rectifié, 392 rectifié, 81 rectifié, 14 rectifié bis, 174 et 399 rectifié, les amendements identiques nos 82 rectifié, 172 rectifié et 394 rectifié, les amendements nos 175, 407 rectifié, 395 rectifié, 477 rectifié bis, 463, 396 rectifié, 397 rectifié et 400 rectifié, ainsi que les amendements identiques nos 173 rectifié et 401 rectifié, n’ont plus d’objet.
Après l’article 3
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 34 rectifié est présenté par Mme N. Delattre et MM. Bilhac, Cabanel, Guiol, Laouedj, Roux, Grosvalet et Masset.
L’amendement n° 99 rectifié bis est présenté par MM. Menonville et Longeot, Mmes Guidez et Antoine, MM. J.M. Arnaud, Canévet et Kern, Mmes Perrot et Romagny, M. Maurey, Mme Jacquemet et MM. L. Hervé et Bleunven.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 414-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de la délivrance de la carte de séjour “travailleurs saisonniers”, pour les activités relevant des secteurs professionnels tels que définis au 1° de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, la situation de l’emploi est non opposable au demandeur. »
La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 34 rectifié.
M. Michel Masset. Monsieur le président, mes chers collègues, c’est ma première intervention en séance publique en tant que sénateur de Lot-et-Garonne. (Applaudissements.)
Cet amendement vise à fluidifier l’embauche de salariés étrangers qui viennent exercer un emploi à caractère saisonnier dans une entreprise de la production agricole et dont la résidence habituelle est hors de France. À cette fin, il tend à supprimer l’obligation pour les employeurs de justifier que leurs offres d’emploi saisonnier ne trouvent pas de candidats en France.
Aujourd’hui, le marché français ne permet manifestement plus de pourvoir ces emplois. Il s’agit là d’un constat criant, révélé lors de la crise sanitaire. Les causes en sont multiples : elles tiennent à la fois aux problèmes d’attractivité que subissent ces métiers, aux évolutions de notre société et à nos modes de consommation.
Pour remédier à cette situation, la profession et les pouvoirs publics ont déployé bon nombre d’investissements, en vain.
Ces dispositions permettent de résoudre l’une des difficultés rencontrées pour ce type d’embauche. En tant qu’élu d’un département essentiellement agricole, je parle en connaissance de cause : pensons aux difficultés que connaît notre agriculture ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 99 rectifié bis.
M. Claude Kern. Défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mes chers collègues, vous proposez que la situation de l’emploi ne soit plus opposable au recrutement de saisonniers étrangers dans les entreprises de la production agricole.
J’entends parfaitement qu’il existe des difficultés dans ce secteur, mais, pour ma part, je propose surtout que les emplois concernés soient inscrits sur la liste des métiers en tension ; dès lors, votre but sera atteint. J’ajoute que, dans quelques instants, nous débattrons d’un amendement visant à permettre le réexamen plus fréquent de cette liste.
Dans ces conditions, la commission demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Kern. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié bis est retiré.
Monsieur Masset, l’amendement n° 34 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Masset. Oui, je le maintiens !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 283 rectifié, présenté par MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa des articles L. 421-1, L. 421-2, et L. 421-3, au troisième alinéa de l’article L. 421-3 et à l’article L. 421-5, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans ».
2° Le deuxième alinéa des articles L. 421-1 et L. 421-3 sont supprimés.
La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. Chers collègues de la droite sénatoriale, je suis sûr que mon propos va vous plaire ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
Pour les salariés, les entrepreneurs ou les membres de professions libérales, le premier titre de séjour accordé pour le travail est actuellement d’une durée d’un an. M. le ministre a pourtant rappelé combien le renouvellement des titres de séjour pouvait être difficile. Ces procédures parfois kafkaïennes plongent même certains dans d’immenses difficultés.
Des titres de séjour pluriannuels d’une durée de trois ans permettront d’alléger la tâche des préfectures tout en facilitant le travail et l’intégration des intéressés. En votant cet amendement, nous agirons donc au service de toutes et de tous.
Dans la suite de cette discussion, vous proposerez un article traitant des modes de vie. N’oubliez pas que bon nombre de ces sans-papiers travaillent dans les cuisines de nos restaurants : ils font partie de ceux qui, aujourd’hui, maîtrisent le mieux la cuisine française ! (Mme Mathilde Ollivier applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 33 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux, Mme Girardin, MM. Fialaire et Grosvalet, Mmes Guillotin et Pantel et M. Masset, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 421-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par les mots : « ou, à défaut d’autorisation, à la justification par tout moyen de l’exercice d’une activité salariée durant au moins vingt mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Mes chers collègues, nous avons proposé ces dispositions dans le prolongement de l’article 3, qui créait un nouveau titre de séjour « travail dans des métiers en tension ». Notre assemblée a, hélas ! fait le choix de le supprimer : je ne me fais donc guère d’illusion quant au sort de cet amendement…
Le constat dont procède ce dispositif pourrait pourtant nous inciter à nous prononcer différemment.
Vous le savez, les étrangers sans titre de séjour valable travaillent parfois dans la clandestinité depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.
Quel que soit le métier qu’elles exercent, ces personnes sont le plus souvent parfaitement intégrées. Elles participent, par leurs activités, à la vie de notre pays. Malheureusement, en général leurs employeurs refusent de prendre le risque de les déclarer. Ils les laissent ainsi dans une situation de précarité et de dépendance en leur bloquant l’accès au titre de séjour.
Cette irrégularité repose notamment sur l’absence d’autorisation de travail pour ces employés : leur employeur se trouve dès lors dans l’impossibilité de les déclarer régulièrement, en leur fournissant notamment des fiches de paie.
Nous proposons donc qu’un titre de séjour assorti d’une mention « salarié » puisse être demandé et obtenu sans cette autorisation, à condition que le travailleur puisse justifier d’une activité professionnelle suffisante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Monsieur Jadot, vous proposez qu’un étranger puisse bénéficier d’emblée, pour un motif lié au travail, d’un titre de séjour de trois ans.
Il s’agit là d’une durée particulièrement longue. Je vous rappelle ce principe du droit des étrangers, qui souffre certes quelques exceptions, mais n’en garde pas moins toute sa valeur : on commence toujours par un titre de séjour court, notamment afin d’évaluer la capacité d’intégration de son titulaire.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 283 rectifié.
Madame Carrère, vous proposez pour votre part de réintroduire, sous une forme quelque peu différente, le dispositif de l’article 3, vous l’avez reconnu vous-même. Nous venons de supprimer cet article : comme vous vous en doutez, la commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 33 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 223, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, MM. Roiron, Temal, Marie et Tissot, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, M. Kanner, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers est complété par une phrase ainsi rédigée : « La caractéristique selon laquelle l’étranger exerce un emploi sous le statut de travailleur indépendant ne fait pas obstacle à la délivrance d’une carte de séjour, dès lors qu’au moins les deux tiers de son revenu professionnel annuel résultent de l’utilisation d’un algorithme exploité directement ou indirectement par une plateforme numérique telle que définie à l’article 242 bis du code général des impôts. »
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement vise à dénoncer une hypocrisie, en supprimant la restriction selon laquelle une carte de séjour « travail dans des métiers en tension » ne pourrait être délivrée qu’au titre d’une activité professionnelle salariée. Cette hypocrisie, au sens propre et au sens figuré, court les rues.
Une telle disposition exclut en effet les travailleurs des plateformes, qui, en droit français, n’ont pas le statut de salarié.
Oui, il faut sortir de cette hypocrisie ! La relation de travail entre une entreprise de plateforme et les travailleurs qui lui sont liés présente toutes les caractéristiques d’une relation salariée. Ces entreprises ne sont pas de simples intermédiaires entre des prestataires et des clients.
Les travailleurs de ces plateformes, loin d’être des indépendants, sont sous le contrôle de leur entreprise. Ces entreprises fixent le prix des courses, déterminent des horaires préférentiels et organisent les conditions de travail au quotidien. Très souvent, il y a donc un lien de subordination, comme l’a jugé dans plusieurs arrêts la Cour de cassation.
Partons du principe, en raisonnant par l’absurde, que les étrangers travaillant pour ces plateformes ne sont pas des salariés. En quoi cela justifierait-il qu’ils ne puissent être régularisés ? Ces travailleurs contribuent à des pans entiers de l’économie. Le Gouvernement a pour seule réponse de faire comme s’ils n’existaient pas…
Ne pas les comprendre, ce n’est pas une politique ; c’est tout simplement mettre la tête dans le sable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Vous vous en doutez, mon cher collègue, l’extension de la circulaire Valls n’est pas la solution que nous privilégions pour ce problème, qui est réel, je n’en disconviens pas.
Au contraire, la solution à privilégier, sur laquelle il faut travailler – certains d’entre nos collègues l’ont fait en déposant une proposition de loi à ce sujet – est sans doute de nature contractuelle. Il conviendrait de basculer vers un régime contractuel des travailleurs des plateformes. Telle serait la piste à privilégier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 405 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 413-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « Des informations sur la vie en France et des démarches essentielles pour la venue et pour l’installation sont mises à disposition dans les principales langues comprises par les étrangers présents en France lors du passage de l’étranger dans les consulats français, dans les préfectures et dans les locaux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. »
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Le dispositif de cet amendement est assez simple. J’espère donc qu’il ne soulèvera pas les foules contre lui.
Aujourd’hui, l’État met à la disposition des personnes étrangères qui résident en France et qui souhaiteraient s’y installer durablement des informations relatives à leurs droits, à leurs devoirs, etc.
Dans la mesure où vous avez largement durci les conditions d’accès à ces informations pour les personnes qui ne résident pas encore en France, notamment pour les candidats au regroupement familial, qui ne sont donc encore sur notre territoire, nous proposons de mettre aussi à leur disposition, dans les consulats français, les informations relatives à ces mêmes droits et devoirs, de sorte que ces personnes, qui sont désormais obligées d’attendre deux ans, de maîtriser le français, etc., puissent au moins avoir accès aux mêmes informations que celles qui se trouvent déjà en France.
Par ailleurs, j’indique d’emblée que l’amendement n° 406 rectifié est retiré.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission estime que cette information fait plus sens dans les consulats qu’ailleurs, c’est-à-dire avant de venir en France. Dans les faits, c’est déjà le cas.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 406 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 225-1 du code pénal est ainsi modifié :
1° La quatrième occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : « , » ;
2° Sont ajoutés les mots : « ou, en ce qui concerne les personnes étrangères ou apatrides, le type ou la durée de validité de leur titre de séjour ».
II. – L’article L. 1132-1 du code du travail est complété par les mots : « ou, en ce qui concerne les personnes étrangères ou apatrides, le type ou la durée de validité de leur titre de séjour ».
Cet amendement a été retiré.
L’amendement n° 515, présenté par Mme Narassiguin, M. Bourgi, Mme Brossel, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey et G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Marie, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot et M. Vallet, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions d’accès à la fonction publique pour les étrangers non européens, les conséquences de leur statut d’agent contractuel de droit public pour leur intégration et un état des lieux des difficultés de recrutement de la fonction publique.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Il s’agit d’une demande de rapport portant sur les conditions d’accès à la fonction publique pour les étrangers non européens, les conséquences de leur statut d’agent contractuel de droit public sur leur intégration, et présentant un état des lieux des difficultés de recrutement dans la fonction publique.
Monsieur le ministre, il s’agit bien sûr d’un amendement d’appel, puisqu’il n’était pas possible de déposer d’amendements portant sur le droit de la fonction publique, sans que ceux-ci soient considérés comme des cavaliers législatifs.
Toutefois, nous voulons ouvrir le débat sur le fait qu’il existe aussi des métiers en tension dans la fonction publique. Près de 600 emplois n’ont pas été pourvus l’an dernier dans les fonctions publiques d’État et territoriale. Il semble absurde de ne pas modifier notre législation pour ouvrir ces emplois aux étrangers non européens ; dans beaucoup d’emplois, il n’est pas nécessaire d’être Français ou Européen.
Dans les emplois pourvus, beaucoup sont peu qualifiés – je pense aux services de la propreté dans les collectivités territoriales –, mais beaucoup le sont ; ces emplois contractuels sont occupés aujourd’hui par des étrangers non communautaires, très fortement précarisés par leur statut. Parfois, ils se trouvent momentanément en situation irrégulière, car ils se heurtent aux difficultés du millefeuille administratif pour faire renouveler leur titre de séjour ou pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle, ce qui complique la vie de nos collectivités territoriales.
Aussi, il serait bon que des simplifications soient mises en œuvre pour sécuriser le statut de ces travailleurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Par principe, vous le savez, la commission émet toujours un avis défavorable sur les demandes de rapport.
Sur le fond, nous nous demandons aussi si ces étrangers, en se lançant dans un processus de naturalisation, d’acquisition de la nationalité française, ne pouvaient pas aussi manifester leur volonté de participer à la communauté nationale et ainsi pouvoir intégrer la fonction publique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 460, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur l’impact de l’octroi d’un titre de séjour temporaire d’un an à l’étranger qui en fait la demande et a exercé une activité professionnelle salariée ou d’auto-entrepreneur durant au moins huit mois, consécutifs ou non, pendant les vingt-quatre derniers mois et atteste de 3 ans de présence sur le territoire français »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 460 est retiré.
Article 4
Après l’article L. 554-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 554-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 554-1-1. – I. – Par dérogation à l’article L. 554-1, l’accès au marché du travail peut être autorisé, dès l’introduction de la demande, dans les conditions prévues à l’article L. 554-3, au demandeur d’asile originaire d’un pays pour lequel le taux de protection internationale accordée en France est supérieur à un seuil fixé par décret et figurant sur une liste fixée annuellement par l’autorité administrative.
« Cette liste peut être modifiée en cours d’année, en cas d’évolution rapide de la situation dans un pays d’origine, en vue de la compléter ou de suspendre une inscription.
« II. – Le demandeur d’asile qui accède au marché du travail, dans les conditions prévues au présent article, bénéficie :
« 1° De la formation linguistique mentionnée au 2° de l’article L. 413-3, dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l’accueil et de l’intégration ;
« 2° Des actions de formation professionnelle continue prévues à l’article L. 6313-1 du code du travail.
« III. – Le présent article n’est pas applicable lorsque l’Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée en application de la section 2 du chapitre Ier du titre III du présent livre. »
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.
M. Guy Benarroche. Je profite de l’examen de cet article pour répondre à deux interpellations de Gérald Darmanin qui sont intervenues à la fin de la discussion générale et qui sont relatives à l’article 4.
Monsieur le ministre, sur les crédits de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), vous nous avez demandé de poser des questions non pas en fonction de présupposés ou de postures, mais bien de la réalité. Vous m’avez expliqué qu’il était normal que ceux-ci ne soient pas en augmentation en 2024, au regard du texte qui nous était proposé et que nous allions voter.
En fait, vous n’avez pas tout à fait compris mon propos : je soulignais que les crédits de l’ADA avaient été revus à la baisse dès la loi de finances pour 2023. Pourtant, une telle baisse ne peut s’expliquer ni par l’efficacité de votre texte, dont personne n’a pu profiter, puisque celle-ci n’interviendra qu’en 2024, ni par la réduction des délais de traitement, laquelle n’entrera aussi en vigueur qu’en 2024.
Ensuite, sur le modèle d’accueil des Ukrainiens, vous m’avez en substance répondu : Chiche, faisons en sorte que tous les accueils soient temporaires ! Ce n’était pas l’objet de la proposition du groupe GEST, car nous savons très bien que les Ukrainiens ne sont pas dans un parcours d’asile. En revanche, nous souhaitons que la façon de prendre en charge des Ukrainiens, indépendamment de leur vocation ou non à rester sur le territoire, soit le modèle à suivre.
Je vous confirme que nous considérons qu’un accueil digne est inconditionnel, même s’il est temporaire. On ne doit pas préjuger la poursuite du maintien sur le territoire dans l’attente soit de repartir pour un pays en paix, s’agissant des Ukrainiens, soit des décisions d’accorder l’asile pour les autres. Cet accueil doit être le même.
M. Roger Karoutchi. C’est impossible !
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, sur l’article.
Mme Mélanie Vogel. Je souhaite revenir sur le contenu de l’article que vous voulez supprimer par voie d’amendement.
Que propose cet article ? Autoriser les demandeurs d’asile qui se trouvent déjà en France et qui viennent de pays bénéficiant d’un taux de protection très élevé – Afghanistan, Syrie… –, dont nous savons qu’ils obtiendront très certainement l’asile, à travailler.
Le délai entre la demande d’asile et la délivrance du visa est long, car l’administration répond lentement. Reste que nous sommes certains que ces personnes obtiendront l’asile politique en France.
Avec cet article, il s’agit de laisser travailler une personne dans l’attente de la réponse de l’administration – à cause non pas d’elle-même, mais de nous –, dont nous avons la certitude qu’elle sera positive, au regard du taux de protection dont ce demandeur bénéficie. Je dis bien « travailler », c’est-à-dire payer des cotisations et des impôts.
Pourtant, vous êtes contre. Je ne comprends pas !
Comment peut-on s’opposer à la possibilité pour une personne qui est déjà en France et qui, on le sait, se verra accorder le droit de rester, c’est-à-dire de servir la société, de payer des impôts et des cotisations sociales – pour nous, pour tout le monde, pour nos retraites, pour vos retraites ? Comment peut-on s’opposer à un tel dispositif ? Je le répète, je ne comprends vraiment pas !
Nous l’avons fait pour les Ukrainiens qui sont arrivés en France parce qu’ils bénéficiaient de la protection temporaire. Tout le monde a salué ce système, qui a très bien fonctionné. Il s’agit simplement de s’assurer qu’il peut, en cohérence, s’appliquer aux personnes qui ne bénéficient pas de la protection temporaire.
Il n’y a aucun sens à s’y opposer. Expliquez-moi pourquoi vous êtes contre ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Je souhaite répondre à notre collègue Mme Vogel.
Pourquoi ? Parce qu’il faut s’assurer qu’il s’agit bien d’un Afghan et qu’il a réellement de bonnes chances de pouvoir bénéficier du droit d’asile. On ne le sait qu’après avoir examiné le dossier, interrogé le demandeur, vérifié que ce n’est pas un futur débouté du droit d’asile qui aurait abusé de la procédure, en se faisant passer pour quelqu’un de persécuté, alors qu’il ne l’était pas. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, sur l’article.
M. Ian Brossat. Je partage beaucoup des remarques formulées par Mélanie Vogel. Au fond, la question est assez simple : préférons-nous que les gens vivent de leur travail ou des revenus de l’assistance ?
Je suis étonné d’entendre les sénateurs de la droite de cet hémicycle nous expliquer qu’ils préfèrent que les gens vivent de l’assistance plutôt que du travail. (Sourires sur des travées des groupes SER et GEST.)
Je considère – nous sommes nombreux à le considérer – que ce qui permet à quelqu’un d’être digne, c’est de gagner sa vie par son travail. En l’occurrence, on parle de demandeurs d’asile qui aspirent à travailler, à vivre de leur travail, à se rendre utiles pour la société par leur travail. Or vous les renvoyez vers des revenus d’assistance, soit 6,80 euros par jour, me semble-t-il…
Mme Sophie Primas. Quel moralisme !
M. Ian Brossat. Que des gens préférant travailler aient la possibilité d’accéder au travail me paraît une bonne chose ; c’est l’un des meilleurs moyens d’intégration dans notre pays.
Mme Mathilde Ollivier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Beaucoup d’arguments ont été avancés, mais je pense qu’il faut clarifier certains points, pour ne pas nourrir des phantasmes irrationnels.
J’ai bien écouté les arguments de mes collègues sur l’article 3, étayant le refus de délivrer un titre de plein droit et souhaitant offrir la possibilité à l’autorité administrative de délivrer ou non un tel titre. Eh bien, c’est exactement ce que prévoit l’article 4 !
Il ne prévoit pas une autorisation de plein droit ; il est écrit « peut ». En droit, pouvoir, ce n’est pas devoir. La rédaction de l’article 4 devrait donc vous satisfaire, mes chers collègues.
Il s’agit également de savoir quels pays d’origine pourraient être concernés par la disposition, en fonction d’un taux de protection qui serait défini chaque année. L’étude d’impact propose un taux de 50 %.
Aujourd’hui les ressortissants de neuf pays, dont l’Afghanistan, l’Érythrée et la Syrie, bénéficient d’un taux de protection de 50 %. Entre septembre 2021 et septembre 2022, savez-vous combien de personnes ont été réellement concernées et ont pu bénéficier d’une autorisation de travail ? À peine, 354 !
Vous voulez supprimer un article dont les dispositions laissent totalement la main à l’autorité administrative et qui ne délivre pas un titre de plein droit, conformément à votre souhait, lesquelles par ailleurs ne concerneraient que quelques centaines de personnes ! Pourtant, si cet article est adopté, ces dernières n’auraient pourtant plus à attendre plusieurs mois – le délai, de six mois minimum, est de neuf mois en moyenne –, alors que, pendant ce temps, soit elles travaillent au noir soit elles vivent avec 6,80 euros par jour !
Il faut que vous révisiez votre appréciation sur l’article 4. Il est beaucoup plus conforme à ce que vous souhaitez que ce que vous avez dit ou pensez avoir dit…
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, sur l’article.
Mme Colombe Brossel. On a beaucoup parlé d’hypocrisie lors du débat sur la suppression de l’article 3. On pourrait continuer à le faire à propos de l’amendement de suppression de l’article 4 que nous examinons bientôt.
Le problème, c’est que cette hypocrisie est doublée d’un déni de réalité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pardonnez-moi par avance de permettre à la réalité de reprendre pied quelques instants dans ce débat. À Paris, entre le XVIIIe et le XIXe arrondissement,…
M. Jacques Grosperrin. La France, ce n’est pas Paris !
Mme Colombe Brossel. … de l’été 2022 au mois d’octobre 2023, il y a eu – les chiffres sont importants, j’y insiste – douze mises à l’abri de campements de personnes, soit 5 000 personnes !
Dans ces campements se trouvaient à la fois des demandeurs d’asile en cours de demande et des demandeurs d’asile statutaires, c’est-à-dire des personnes à qui la France a accordé sa protection statutaire. Elles en étaient réduites à avoir comme lieu de vie les trottoirs de Paris. C’est de l’indignité absolue.
Pourtant, vous proposez aujourd’hui – regardez les chiffres que rappelait Marie-Pierre de La Gontrie ! – de revenir sur l’article 4…
Au-delà de l’hypocrisie, je le répète, c’est un déni absolu de réalité. Nous ne pouvons faire la loi sans prendre en compte la réalité ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Philippe Bas. Il est temps que la Ville de Paris s’occupe de cette réalité !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.
Mme Laurence Rossignol. J’ai écouté avec attention Philippe Bas, comme je le fais toujours.
Je pense qu’il y a un malentendu sur cet article 4. Vous soupçonnez que ses dispositions ouvriront des droits à de futurs déboutés du droit d’asile. Vous êtes précautionneux, voire méfiants…
Cependant, cet article 4 n’a été rédigé ni par Mme Vogel, ni par Mme de La Gontrie, ni par M. Brossat, mais il l’a été par le ministre de l’intérieur, M. Gérald Darmanin, qui n’est pas le militant le plus No Border que j’ai rencontré dans ma vie. (Rires.)
Vous pourriez au moins mettre au crédit de votre ami Darmanin qu’il n’est pas là pour accroître le nombre de déboutés du droit d’asile bénéficiant d’une autorisation de travailler, ce qui ferait d’eux des clandestins qui ne pourraient plus jamais être renvoyés.
Faites au moins confiance à votre ami Gérald Darmanin, à ses services et à sa volonté de traquer les futurs déboutés du droit d’asile – d’autant que, croyez-moi, d’un point de vue économique, vous faites une erreur !
En effet, comme vous le savez, dès lors que le dossier est déposé, ces demandeurs d’asile touchent l’ADA. Par conséquent, il vaut bien mieux qu’ils travaillent. Tous les verrous ont été mis dans l’article 4, de sorte que seuls bénéficieront de ses dispositions ceux qui sont quasiment certains d’obtenir le droit d’asile.
Je me retrouve donc dans la situation étonnante, pour ne pas dire baroque, de plaider pour que la droite sénatoriale fasse confiance au ministre de droite Gérald Darmanin. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je m’exprime en tant que ministre de l’intérieur et non en tant que militant No Border… (Sourires.)
Ne soyez pas déçus…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Où est Olivier Dussopt ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je dirai quelques mots sur l’article 4, qui sera, j’imagine, supprimé dans quelques instants, hélas !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sait-on jamais !
Mme Laurence Rossignol. On a fait ce qu’on pouvait ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Quelle est la philosophie de cet article ?
Monsieur Bas, si je puis me permettre, vous vous trompez. Il va de soi que l’autorisation de travail sera délivrée uniquement dans les cas où l’identification est évidente. C’est tellement vrai qu’il s’agit, comme l’a très bien fait remarquer Mme Marie-Pierre de La Gontrie, d’une possibilité et non d’une obligation de plein droit.
La question est de savoir, comme l’a souligné M. Brossat, s’il vaut mieux que les demandeurs d’asile vivent de l’aide sociale, en l’occurrence l’ADA, soit 360 euros par mois, dont une partie sert à financer leur logement d’urgence, au titre du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile (DNA), plutôt que du fruit de leur travail réalisé légalement, tout en payant des cotisations, sans que cela ouvre aucunement le droit à une régularisation quelconque.
Cette possibilité, nous la proposons déjà à ceux qui ont passé au moins six mois sur le territoire national. C’est d’ailleurs ce qui a été mis en place en Allemagne, où les demandeurs d’asile, voire ceux qui demandent un titre de séjour, peuvent bénéficier d’une tolérance pour travailler, sans que ce dispositif crée pour eux un droit à être régularisés.
Se pose une autre question : quelles personnes peuvent bénéficier de ce dispositif ? L’étude d’impact mentionne un taux de protection supérieure à 50 %, mais on pourrait imaginer de porter ce taux à 70 % ou à 80 % ; aujourd’hui, les Afghans bénéficient d’un taux de protection de 80 %.
Certaines personnes, en raison de leur nationalité, ne se verront en revanche pas accorder l’asile, car on se doute qu’il s’agit d’une manœuvre dilatoire. Dans ce cas, on pourrait ne pas appliquer la mesure prévue dans cet article.
Ce dispositif va de pair avec la réforme de l’asile dont nous discuterons très bientôt. Il ne s’agit pas d’un dispositif attractif, puisque les pays autour de nous l’appliquent déjà. Il n’est pas directement lié au statut d’asile – il n’a rien à voir. Évidemment, nous vérifions l’identité des demandeurs.
La question est de savoir si les personnes qui sont sur notre sol – personne ici ne réfute le droit d’asile – vivront de l’ADA – 360 euros par mois et un logement payé par l’État, via les associations par exemple – ou s’ils pourront travailler.
Je vois remonter, par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), des cas de personnes exerçant un métier. Parmi tous les Afghans qui ont aidé la France et qui ont été sauvés par l’opération Apagan à la suite de la chute de Kaboul – ils sont plusieurs milliers –, il y avait des traducteurs (Mme Hélène Conway-Mouret acquiesce.) – j’en ai besoin dans mes services de police –, des médecins, des infirmières et d’autres personnes qui exerçaient déjà un métier ou avaient obtenu des diplômes et devaient travailler.
Mme Hélène Conway-Mouret. Des juges, aussi !
M. Gérald Darmanin, ministre. Pourquoi le médecin, l’infirmière ou le traducteur ont-ils dû attendre six mois en percevant 360 euros mensuels avant de mettre en place leur activité en France, alors qu’ils avaient quitté leur pays et tout perdu et qu’ils bénéficieront de l’asile ?
Je trouve que cette situation n’a rien à voir avec l’attractivité ni avec l’immigration. La question est de savoir si, oui ou non, nous voulons que les gens vivent du fruit de leur travail.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je terminerai en répondant à M. Benarroche, qui a parlé de 2024, mais j’imagine qu’il voulait dire 2023.
Dans la loi de finances pour 2023, hors Ukraine, nous avons inscrit 320 millions d’euros dans le budget consacré à l’ADA ; en exécution – il reste encore deux mois –, nous avons dépensé environ 275 millions d’euros, hors Ukraine. On va donc sous-exécuter.
On a inscrit plus de crédits, car on étudie beaucoup plus vite les demandes d’asile. Cela veut dire non pas qu’il y en a moins, mais qu’on les étudie beaucoup plus rapidement. Dès que réponse est faite à une demande d’asile, que ce soit oui ou non, la personne ne touche plus l’ADA. Tout est normal et nos chiffres sont sincères. C’est le signe que notre stratégie fonctionne.
Monsieur Benarroche, les crédits ont baissé alors même que ce texte n’est pas encore en vigueur… Imaginez combien nous pourrons être encore plus efficaces en matière d’ADA quand ce texte sera voté !
Mme Cécile Cukierman. On attend de voir…
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet article 4 ne propose pas une mesure d’attractivité.
Son adoption dépend de savoir si l’on veut que les gens vivent de l’aide sociale ou du fruit de leur travail. Si l’article 4 est supprimé, ils continueront à vivre de l’aide sociale ; c’est dommage, car c’est moins de cotisations, moins de rémunérations et moins de gens dans des logements d’urgence. L’adopter n’implique pas pour autant qu’on les régularisera. (M. Olivier Bitz et Mme Jocelyne Guidez applaudissent.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 656 est présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission.
L’amendement n° 127 est présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.
L’amendement n° 365 rectifié ter est présenté par MM. Duffourg et Hingray.
L’amendement n° 531 est présenté par M. Ravier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 656.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Vous l’avez tous compris, l’amendement de suppression que nous défendons avec Mme le rapporteur découle de l’accord qui est intervenu entre les deux groupes de la majorité sénatoriale. (Exclamations sur des travées des groupes SER et GEST.)
Le contenu de l’accord que nous vous présenterons dans quelques minutes explique cette demande de suppression de l’article 4, qui n’est une surprise pour personne.
Le groupe Union Centriste, qui n’était pas opposé à la mesure proposée par le Gouvernement, a, depuis le début, estimé qu’elle devait être nuancée.
Je voudrais dire à mes collègues assis sur les différentes travées de cet hémicycle que l’importance des principes mis en avant est inversement proportionnelle à celle du sujet.
Je m’explique. On pourrait facilement répondre par une pirouette politique : historiquement, dans notre pays, les demandeurs d’asile pouvaient travailler. Cette possibilité a été supprimée par le gouvernement de Michel Rocard par crainte qu’elle ne constitue un appel d’air… Vous voyez bien, mes chers collègues, cela ne change pas beaucoup et nous sommes dans un éternel recommencement.
Monsieur le ministre a pris l’exemple de l’Allemagne, qui est en train de revoir sa position et de retirer la possibilité de travailler au profit d’une autre modalité, comme nous l’avons lu dans la presse ce matin. L’État allemand imagine ainsi un système de travaux d’utilité collectivité, proposition qui n’est pas dénuée d’intérêt.
J’en viens à la question de fond : proposer la suppression de cet article témoigne-t-il d’un déni de réalité de notre part ? Je ne le crois pas, et ce pour deux raisons.
D’une part, nous parlons d’un sujet à la marge de la marge, si je puis dire, même si je n’oublie pas que cela concerne des individus.
Mme de La Gontrie a parlé de centaines de personnes ; elle a sous-estimé le sujet. À notre connaissance, cela concerne, en 2022, 11 150 demandeurs d’asile…
M. Thomas Dossus. C’est l’invasion…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce ne sont pas mes chiffres !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je prends des chiffres volontairement plus favorables au soutien de votre position.
Il s’agit de 11 150 personnes,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Avec un taux de protection de 50 % ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. … qui ont bénéficié de la possibilité de travailler au bout des six mois prévus par la loi. Nous parlons donc d’un nombre très limité.
D’autre part, avec un taux de protection de 50 %, ce nombre serait d’emblée encore plus limité, et ce pour une raison très simple. Le taux de protection proposé par le Gouvernement concerne les personnes dont on est a priori sûr ou dont il est fort probable que la demande d’asile sera acceptée, parce qu’elles bénéficient d’un taux de protection de plus de 50 %.
Reste que les pays pour lesquels le taux de protection est de 50 %, cela n’existe pas ! Ce taux est une fiction arithmétique ! Dans la réalité, il y a des pays à très fort niveau de protection – Afghanistan, Érythrée, Soudan… – et d’autres à très faible niveau de protection – Tunisie, Sénégal, Côte d’Ivoire, etc. Le taux facial, si je puis dire, de 50 % est le résultat de deux situations extrêmes.
Cela veut dire que bénéficieraient de la proposition émise par le Gouvernement les Afghans, non pas ceux de l’opération Apagan, les traducteurs et médecins, mais ceux qui sont actuellement en Irak ou au Pakistan, ainsi que les Soudanais et les Érythréens. En d’autres termes, il s’agit de personnes qui ne pratiquent pas le français et sont donc très éloignées des conditions d’employabilité.
Imaginer qu’ils puissent être immédiatement…
Mme Colombe Brossel. Allez à la porte de la Chapelle !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Parlons des XVIIIe et XIXe arrondissements ! Vous avez fait référence à des gens ayant fait l’objet de mises à l’abri, qui étaient donc déjà titulaires du droit d’asile – il s’agit donc d’un autre sujet.
La réalité, c’est qu’une infime partie de personnes pourrait être concernée par la disposition prévue à l’article 4. (Protestations sur des travées du groupe SER.)
Mme Colombe Brossel. Et alors ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je n’ai donc pas le sentiment que la suppression de cet article, en exécution d’un accord que nous vous présenterons dans quelques instants, crée une révolution juridique ou politique. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Votez-le alors !
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour présenter l’amendement n° 127.
M. Christopher Szczurek. L’article 4 vise à faciliter l’accès au marché du travail pour les demandeurs d’asile originaires de pays à haut taux de protection sans qu’ils aient à devoir attendre la durée légale de six mois de présence sur le territoire national pour travailler. Ainsi, une personne venue d’Afghanistan ou de Syrie pourra immédiatement travailler sur le territoire national.
Nous proposons évidemment la suppression de cet article. En effet, en laissant à l’autorité administrative le soin de définir un obscur taux de protection, qui permettra à des milliers de migrants à la solution légale instable, de travailler sur notre sol, cet article constitue de facto un appel d’air – je sais que vous aimez ce mot (Murmures sur des travées du groupe CRCE-K.) – à l’immigration massive et irrégulière.
D’une part, cet article vient pervertir un dispositif de traitement des demandes d’asile déjà saturé. En effet, alors que la France accueille un demi-million de demandeurs d’asile sur son sol et que 130 000 demandes ont été recensées en 2022, ce dispositif accroîtra la pression sur les administrations concernées. De plus, il émettra un signal désastreux auprès des migrants cherchant à atteindre l’Europe.
D’autre part, en permettant à un demandeur d’asile dont la situation légale n’est pas stabilisée de travailler, cet article va favoriser l’implantation de migrants sur notre sol avant même que leur situation ne soit régularisée.
Le Rassemblement national s’oppose à une mesure rendant plus facile l’accueil des demandeurs d’asile, craignant que cela ne renforce l’attractivité de la France comme destination privilégiée des migrants, alors que l’assimilation ne fonctionne plus, que les services administratifs et sociaux chargés de l’accueil sur nos territoires sont saturés et que, sondage après sondage, les Français demandent un arrêt de l’immigration, légale comme illégale.
M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, pour présenter l’amendement n° 365 rectifié ter.
M. Alain Duffourg. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 531. (Marques d’impatience sur les travées du groupe SER.)
M. Stéphane Ravier. Calmez-vous, mes chers collègues !
L’article 3 est celui qui a fait couler le plus d’encre et de salive, mais parlons de cet article 4, qui accélérera l’entrée sur le marché des demandeurs d’asile. On ne parle même pas des réfugiés. Quand on sait que 60 % des demandeurs d’asile sont déboutés, c’est à en être dégoûté. Ce serait automatique : vous arrivez en France, déposez votre demande d’asile et, quelques jours plus tard, vous voilà au travail ! Ces acteurs économiques étrangers sont une aubaine pour ne surtout rien changer.
Il faut cesser d’utiliser l’argument utilitariste : le droit d’asile n’a rien à voir avec l’immigration économique.
Monsieur Darmanin, vous appelez à être gentil avec les gentils et méchants avec les méchants.
M. Ian Brossat. Il faut être méchant avec tout le monde ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Stéphane Ravier. Il faut sortir de cette vision manichéenne. En l’occurrence, votre texte considère que les gentils sont ceux que l’on peut employer à bon marché, alors qu’ils sont probablement sur notre sol clandestinement.
Finalement, vous tendez à estomper la frontière entre régularité et irrégularité en ouvrant le marché du travail à la terre entière. Ainsi, monsieur le ministre, vous répondez à l’appel de l’extrême gauche, qui défend le droit au travail inconditionnel. Vous vous apprêtez à ouvrir la boîte de Pandore de l’immigration en cascade. Ne venez pas ensuite vous plaindre de la prétendue fatalité de l’immigration clandestine, de la congestion des tribunaux administratifs ou de l’incapacité à tenir le rythme des expulsions ! Et nous nous retrouverons ici dans dix-huit mois pour discuter d’une trente et unième loi sur l’immigration.
Vous espérez séduire quelques chefs d’entreprise avec cette vision court-termiste, mais c’est leur compétitivité qui finira par être affectée par la charge sociale engendrée par le chômage des Français, l’immigration clandestine régularisée et le regroupement familial qui en découle. Le patron du Mouvement des entreprises de France (Medef) a affirmé samedi 4 novembre dernier qu’il y avait beaucoup de chômeurs dans toutes les régions de France et que notre première responsabilité était de les ramener vers l’emploi.
Alors, mes chers collègues, je vous invite à rejeter sans hésitation cette mesure piège et hors sujet, en votant cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous ne voterons pas ces amendements.
J’ai ressenti une certaine hésitation, voire une contradiction, dans l’argumentation du rapporteur que j’ai pourtant écoutée attentivement. De deux choses l’une : ou bien c’est trop ou bien c’est trop peu. C’est parce que c’est trop que vous opposez à l’article 3 et parce que c’est trop peu que vous vous opposez à l’article 4 … Je ne comprends plus les fondements de votre position.
Je ne le dis pas ironiquement, j’espère toujours convaincre ! Compte tenu de l’enjeu – quelques centaines de personnes –, vous pourriez reconsidérer votre point de vue. Il ne s’agit pas d’une ouverture abrupte du marché du travail, contrairement à ce qui a pu être dit, un peu rapidement, par Bruno Retailleau.
Les chiffres que j’ai évoqués, monsieur Bonnecarrère, sont les vôtres : ils proviennent de l’étude d’impact, ils sont donc forcément exacts.
Je vous conjure de réfléchir. Vous ne pouvez pas à la fois ne pas vouloir quand c’est trop et ne pas vouloir quand c’est trop peu.
Il ne faut pas supprimer cet article. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je rappelle que la commission des lois a demandé la priorité de l’amendement n° 656. Une fois que le vote aura eu lieu, tous les autres amendements deviendront sans objet.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour explication de vote.
M. Michel Masset. J’interviendrai d’abord sur la forme.
Je salue l’ingéniosité et la créativité législative déployées par nos rapporteurs. Les articles 3 et 4 sont quasi enterrés et nous allons assister à la naissance d’un article 4 bis. Dans cet hémicycle où l’on prône régulièrement – pour ma part, je le découvre – l’importance de la clarté et de la lisibilité de la loi, je suis mal à l’aise face aux tours de passe-passe qui nous sont proposés, surtout lorsqu’ils concernent des sujets aussi graves et mobilisent certains des termes que nous avons entendus.
J’en viens au fond. On a l’impression d’un geste non assumé. Vous supprimez l’article 3 tout en reconnaissant secrètement, en fait, la nécessité et les besoins auxquels il répondait. Le dispositif proposé n’apporte finalement pas grand-chose, puisqu’il fixe des critères et des conditions d’appréciation déjà existants et qui ne nécessitent pas d’être précisés dans la loi.
J’attends de voir comment les préfectures et les juridictions administratives apprécieront à l’aune du droit des critères juridiquement folkloriques comme l’intégration à la société française ou l’adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci. Cela pourrait engendrer un foisonnement de contentieux et une congestion des tribunaux.
Par conséquent, fidèles à nos engagements – étant en outre pour ma part issu du monde économique –, nous nous opposons à la suppression de l’article 4, comme nous nous sommes opposés à celle de l’article 3.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je rappelle rapidement les raisons pour lesquelles nous nous sommes opposés dès le départ à cet article et soutiendrons évidemment l’amendement de suppression du rapporteur.
L’enjeu ici n’est pas le droit d’asile en tant que tel, un droit sacré qui doit être préservé tant qu’il n’est pas dévoyé. Il s’agit de l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail.
Il existe une directive européenne de 1989, dite directive Accueil, qui fixe un délai maximal de neuf mois pour cet accès au marché du travail.
À cet égard, les vingt-sept pays européens se répartissent en trois groupes. Certains permettent l’accès au marché du travail après neuf mois pour les demandeurs d’asile, d’autres après six mois – c’est le cas de la France depuis une loi de 2018, votée donc par un gouvernement de la mandature de M. Macron.
Ce que prévoit cet article, c’est l’accès immédiat au marché du travail. Nous y sommes défavorables, car nous pensons que cela enverrait un signal trop favorable, interprété partout dans le monde.
M. Thomas Dossus. Par qui ?
M. Bruno Retailleau. Nous voulons une politique très ferme en matière d’immigration.
Je vous rappelle que 75 % des Français estiment qu’il y a trop d’immigration ; désormais, même les électeurs et sympathisants de gauche, y compris de LFI, pensent en majorité que l’immigration est trop importante en France.
Ne donnons pas de mauvais signal. Supprimons l’article 4 ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 656, 127, 365 rectifié ter et 531.
J’ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe Les Républicains, la deuxième, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et, la troisième, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 27 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 191 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 4 est supprimé et les amendements nos 37 rectifié, 228, 296 rectifié bis et 83 rectifié, les amendements identiques nos 240, 295 rectifié et 371 rectifié, les amendements nos 438, 24 rectifié bis, 229, 231 et 294 rectifié n’ont plus d’objet.
Après l’article 4
M. le président. Je suis saisi de dix amendements et de dix-neuf sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 657, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 435-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 435-4. – À titre exceptionnel, l’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l’article L. 414-13 durant au moins douze mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois, et occupant un emploi relevant de ces métiers et zones, et qui justifie d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » ou « salarié » d’une durée d’un an. Ces conditions ne sont pas opposables à l’autorité administrative.
« Dans l’exercice de sa faculté d’appréciation, l’autorité compétente prend en compte, outre la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci, ainsi qu’aux principes de la République mentionnés à l’article L. 412-7.
« La condition prévue à l’article L. 412-1 n’est pas opposable. »
II. – Après le deuxième alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un titre de séjour “salarié” ou “salarié temporaire” est délivré à l’étranger sur le fondement des dispositions de l’article L. 435-… du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorisation de travail peut lui être accordée, après vérification auprès de l’employeur de la réalité de l’activité alléguée. »
III. – Le présent article est applicable jusqu’au 31 décembre 2026.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Il s’agit là de l’accord trouvé au sein de la majorité sénatoriale sur la réécriture de l’article 4, accord déjà largement présenté par François-Noël Buffet.
Premièrement, nous représentons nos concitoyens et ceux-ci veulent que nous prenions nos responsabilités : ils veulent un texte. Grâce à cet accord, le Sénat aura la possibilité de voter un texte à l’issue de nos débats.
Deuxièmement, nos concitoyens nous demandent de montrer que nous sommes capables de surmonter nos désaccords. Nous aurons apporté la preuve que nous en étions capables au travers de cet accord.
Troisièmement, hier soir, nous avons pris connaissance d’un communiqué de presse du président du groupe Les Républicains Bruno Retailleau se réjouissant que son groupe ait la possibilité de voter sur notre texte. Une heure après a été diffusé un communiqué du président du groupe Union Centriste Hervé Marseille se réjouissant du fait que nous aurons la possibilité de voter sur un texte qui reprend les idées, les souhaits, les desiderata de son groupe. Aujourd’hui, en début d’après-midi, vous avez entendu le ministre s’offusquer, en quelque sorte, qu’on lui vole la paternité de ce texte, fruit de son travail et reflétant les idées et la réflexion du Gouvernement.
Bref, quand un accord a trois pères…
Mme Cécile Cukierman. C’est la sainte trinité ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mariage pour tous ! (Sourires.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. … et lorsque les trois pères sont satisfaits des termes de cet accord, c’est que celui-ci est solide !
Le groupe Union Centriste et le Gouvernement souhaitaient une possibilité de régulariser dans les métiers en tension. L’adoption de l’amendement n° 657 ouvrira une telle possibilité.
Le groupe Les Républicains ne voulait pas d’un titre de plein droit opposable. Il n’y a pas de titre de plein droit, il s’agira d’une procédure discrétionnaire, au cas par cas.
Le groupe Union Centriste souhaitait régler de manière solide la question de l’autorisation préalable de l’employeur, avec ce que l’on a appelé l’accroche législative : la rédaction proposée prévoit cette accroche législative et la dispense de l’autorisation de l’employeur.
Le groupe Les Républicains nous a alertés sur la préservation de l’ordre public et a demandé de la vigilance sur la réalité de l’activité professionnelle alléguée. Toutes ces préoccupations sont satisfaites par les critères qui seront pris en compte par les préfets.
La solution trouvée répond donc bien aux exigences de tous. M. le ministre a regretté dans un raisonnement fort habile que le Parlement, en transférant la décision au cas par cas aux préfets, se dessaisisse de la possibilité de fixer lui-même les critères. Dès lors que nous voulons qu’il soit procédé à un examen spécifique et que l’on puisse vérifier la réalité du travail allégué, comprenez que nous ne pouvons pas fixer des critères dans la loi : il faut laisser de la marge au pouvoir discrétionnaire.
Vous nous avez donné un argument supplémentaire, monsieur le ministre, lors de la discussion générale lundi dernier. Je n’avais pas en tête la répartition que vous avez mentionnée, à savoir qu’au moins la moitié des salariés étrangers dans notre pays ont comme employeurs des étrangers. Dans ces conditions, je comprends que nos collègues souhaitent vérifier la réalité des situations.
Voilà qui explique, mes chers collègues, que le texte ait migré, si j’ose dire, de l’article 3 à l’article 4 bis. Cela ne me paraît pas un très grand voyage. Nous ne devons perdre personne dans ce voyage et c’est une belle promesse pour la suite du texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Le sous-amendement n° 658, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Daniel, MM. Durain, Fagnen, Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Lubin, MM. Lurel et Ouizille, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet et Ziane, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 657
I. – Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
I. – La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :
« Sous-section 4 :
Régularisation pour motif professionnel
II. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
À titre exceptionnel,
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Après cette communication de la droite à la droite, je trouve utile, pour l’ensemble de l’hémicycle, de proposer un tableau complet de la situation. Ce que nous avons entendu par M. Bonnecarrère, c’était l’élaboration parlementaire racontée aux enfants ! (Sourires.) Ce n’est toutefois pas exactement comme cela que les choses se sont passées…
L’amendement qui vous a été présenté est une version extraordinairement dégradée de l’article 3 initial et de la circulaire Valls. Nous avons donc déposé des sous-amendements très rapidement ce matin pour tenter de revenir à un dispositif un peu plus sérieux.
Le sous-amendement n° 658 tend à ce que le dispositif de régularisation soit placé correctement, puisque la circulaire Valls n’est plus adaptée. Restera-t-elle d’ailleurs en vigueur ? La question se pose, puisque le texte qui sera sans doute adopté ne vise que les métiers en tension, alors que la circulaire Valls concerne toutes les activités professionnelles. (M. le ministre le confirme.)
M. le président. Le sous-amendement n° 674, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéa 4
Supprimer les mots :
À titre exceptionnel
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Les travailleuses étrangères et les travailleurs étrangers qui vivent en France sans titre de séjour sont dans la plus grande précarité. C’est inacceptable dans un pays comme le nôtre, mais la situation est même absurde, puisque ces travailleuses et travailleurs cotisent et paient des impôts sans avoir accès aux droits qui devraient être associés.
La seule manière de leur permettre de sortir de la précarité, c’est de les régulariser. Or la droite sénatoriale a proposé un dispositif différent pour la régularisation. Les exemptions et les barrières sont multiples, et la régularisation ne serait pas un droit : en lisant l’amendement du rapporteur, on voit qu’elle sera une mesure exceptionnelle. Pourtant, l’accès au droit ne devrait pas être exceptionnel, il devrait aller de soi !
Dans la même ligne, monsieur le ministre, vous avez proposé une expérimentation de la régularisation jusqu’en 2026. Pourquoi expérimenter une procédure qui a déjà fait ses preuves ? En France, la circulaire Valls est en vigueur, et la régularisation existe déjà dans d’autres pays, comme en Espagne, où plusieurs voies de régularisation coexistent même.
Il faut être très clair sur ce point : nous avons suffisamment d’expérience en la matière, nous savons comment faire. Nous avons besoin non d’une procédure expérimentale ou exceptionnelle, mais de droits et d’un dispositif pérenne. Qui travaille en France a le droit à un titre de séjour.
C’est pourquoi ce sous-amendement tend à supprimer le caractère exceptionnel de la procédure.
M. le président. Les deux sous-amendements suivants sont identiques.
Le sous-amendement n° 659 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Daniel, MM. Durain, Fagnen, Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Lubin, MM. Lurel et Ouizille, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet et Ziane, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Le sous-amendement n° 670 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Amendement n° 657, alinéa 4, première phrase
Supprimer le mot :
salariée
La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter le sous-amendement n° 659.
M. Éric Kerrouche. Monsieur le rapporteur, à la façon dont vous avez présenté cet accord politique, à l’allégresse et à l’euphorie qui étaient les vôtres, on voit que celui-ci a été une joie pour la plupart d’entre vous, notamment pour le groupe Union Centriste.
Le sous-amendement n° 659 vise à supprimer la restriction selon laquelle seuls les étrangers qui exercent une activité professionnelle salariée peuvent être régularisés. Celle-ci exclurait en effet les travailleurs des plateformes, qui n’ont pas le statut de salarié. La non-prise en compte de ces travailleurs est une hypocrisie, dans la mesure où la relation de travail entre les entreprises de plateformes et les travailleurs qui leur sont liés présente toutes les caractéristiques d’une relation salariale, comme nous le savons tous.
Contrairement à ce qu’affirment ces entreprises de plateformes, qui se présentent comme des intermédiaires entre des prestataires et des clients, leurs travailleurs, loin d’être des indépendants, sont sous le contrôle de l’entreprise via des algorithmes : ces algorithmes fixent le prix des courses, déterminent les horaires préférentiels, organisent les conditions de travail au quotidien. Il y a donc très souvent un lien de subordination, comme l’a d’ailleurs rappelé la Cour de cassation.
Enfin, l’exclusion des travailleurs des plateformes du dispositif de régularisation ne peut tenir lieu de politique publique. Le Gouvernement ne peut se contenter de constater le caractère irrégulier du séjour de ces travailleurs sans apporter de réponse à cette situation.
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour présenter le sous-amendement n° 670.
Mme Antoinette Guhl. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande un accès à la régularisation pour l’ensemble des travailleurs, et non pas uniquement l’ensemble des travailleurs salariés. Nous pensons notamment aux autoentrepreneurs et à ceux, nombreux, qui travaillent dans les entreprises de plateforme.
M. Guy Benarroche. Très bien !
M. le président. Les deux sous-amendements suivants sont également identiques.
Le sous-amendement n° 660 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Daniel, MM. Durain, Fagnen, Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Lubin, MM. Lurel et Ouizille, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet et Ziane, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Le sous-amendement n° 672 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Amendement n° 657, alinéa 4, première phrase
Supprimer les mots :
figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l’article L. 414-13
et les mots :
occupant un emploi relevant de ces métiers et zones
La parole est à Mme Colombe Brossel, pour présenter le sous-amendement n° 660.
Mme Colombe Brossel. Encore un déni de réalité…
Nous considérons comme non pertinent d’adosser le dispositif de régularisation des travailleurs étrangers sans-papiers à une liste de métiers en tension – critère qui ne figure pas dans l’actuelle circulaire Valls. Le secteur de l’hôtellerie-restauration, par exemple, n’est pas considéré comme en tension. Pourquoi ? Justement parce que ce sont déjà des travailleurs sans-papiers qui occupent ces emplois…
M. Rémi Cardon. C’est le fameux appel d’air !
Mme Colombe Brossel. Bienvenue en Absurdie…
Nous ne pouvons pas faire la loi en créant des situations absurdes !
Par ailleurs, la liste des métiers en tension était censée être actualisée régulièrement. Elle l’a été en 2008, puis en 2021. Pourtant, le monde du travail avait eu le temps de changer en treize ans ! Depuis avril 2021, rien…
Olivier Dussopt – qui n’est pas là ce soir (Marques d’ironie sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) – avait annoncé lancer une concertation avec les partenaires sociaux pour actualiser la liste de ces métiers début 2023. Je ne sache pas que cette liste de métiers ait été actualisée et les partenaires sociaux que nous avons interrogés ne semblent pas avoir été consultés ou avoir vu paraître une nouvelle liste.
C’est évidemment pour cela que nous vous proposons ce sous-amendement. Il est tout à fait inacceptable de faire reposer la régularisation d’étrangers, de travailleurs, de personnes sans titre de séjour sur un dispositif aussi déficient.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter le sous-amendement n° 672.
M. Guillaume Gontard. Le Gouvernement et la droite sénatoriale veulent régulariser uniquement les travailleuses et travailleurs de certains métiers en tension. Pourrait donc obtenir un titre de séjour la personne qui travaille dans un métier figurant sur une liste. Hélas, cette liste présente de nombreux défauts.
D’abord, elle n’est actualisée que très sporadiquement. La dernière actualisation date de 2021, la précédente datait de 2019, alors que, on le sait, la situation sur le marché du travail évolue vite. Cette mise à jour se fait en outre sans réelle consultation des partenaires sociaux. De plus, elle est incomplète : de nombreux métiers en tension n’y figurent pas. L’exemple le plus frappant est celui du serveur des cafés et restaurants…
Un rapport établi par le ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion montre d’ailleurs que cette liste n’est pas totalement représentative des tensions actuellement constatées sur le marché du travail. Comment prendre des décisions aussi importantes sur la base d’un outil de décision si faussé ?
Ce sous-amendement tend donc à supprimer la liste des métiers en tension.
M. Guy Benarroche. Très bien !
M. le président. Les deux sous-amendements suivants sont également identiques.
Le sous-amendement n° 661 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Daniel, MM. Durain, Fagnen, Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Lubin, MM. Lurel et Ouizille, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet et Ziane, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Le sous-amendement n° 675 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Amendement n° 657, alinéa 4, première phrase
Remplacer le mot :
douze
par le mot :
huit
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 661.
Mme Monique Lubin. Nous contestons que, par l’amendement n° 657, les exigences en matière d’activité professionnelle auxquelles l’étranger devra se soumettre puissent être renforcées.
La circulaire Valls impose actuellement à un étranger de justifier d’une ancienneté de travail de huit mois consécutifs sur les vingt-quatre derniers mois. Un étranger qui travaille est un étranger qui s’intègre. Dans ces conditions, pourquoi lui demander des preuves d’amour supplémentaires ?
Ce sous-amendement tend donc à revenir au délai de huit mois.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter le sous-amendement n° 675.
M. Guy Benarroche. Que vivent réellement les personnes dont nous parlons ce soir, c’est-à-dire les travailleuses et travailleurs étrangers sans titre de séjour ?
Ces individus sont privés de l’essentiel de leurs droits. Cela concerne évidemment l’accès aux soins, avec l’assurance maladie, mais aussi la protection par le code du travail.
Sans cette protection, ces travailleuses et travailleurs doivent accepter plus ou moins toutes les conditions de travail, aussi mauvaises soient-elles. Sans cette protection, ils ne peuvent pas non plus se plaindre lorsqu’ils deviennent victimes de mauvais traitements de la part de leur employeur.
Malheureusement, ces mauvais traitements sont fréquents. Par exemple, l’employeur refuse souvent de délivrer une fiche de paie, ce qui peut constituer un moyen de pression : l’employeur promet de la donner, par exemple, si l’employé accepte des heures supplémentaires. S’il veut sanctionner l’employé, il peut même décider de ne pas délivrer de fiches de paie. Tout est possible, car l’employé n’a pas de voie de recours.
Sans fiche de paie, il est extrêmement difficile pour le travailleur de prouver qu’il a travaillé réellement. C’est pourtant bien ce que l’on attend de lui s’il veut prétendre à la régularisation, laquelle n’est possible qu’à l’issue d’un certain nombre de mois travaillés. À l’origine, cette durée devait être de neuf mois, alors qu’elle est actuellement de huit. Si l’amendement de la commission est adopté, elle sera portée à douze mois.
Monsieur le rapporteur, votre amendement tend à exiger des bulletins de salaire pour une période de douze mois, soit toute une année. Cela pourrait paraître adapté, mais, pour bien des travailleuses et des travailleurs étrangers qui se font exploiter par leur employeur, justement parce qu’ils n’ont pas de papiers, c’est infaisable. Pourtant, c’est justement eux qu’il faudrait aider en priorité.
C’est pourquoi ce sous-amendement a pour objet de ramener cette limite à huit mois.
M. le président. Le sous-amendement n° 665, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Daniel, MM. Durain, Fagnen, Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Lubin, MM. Lurel et Ouizille, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet et Ziane, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéa 4, première phrase
1° Remplacer les mots :
peut se voir délivrer
par les mots :
se voit délivrer de plein droit
2° Dernière phrase
Supprimer cette phrase
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Au travers de ce sous-amendement, nous contestons le fait que la régularisation des travailleurs étrangers sans-papiers demeure tributaire de l’arbitraire administratif.
Le cas par cas que revendiquent les auteurs de l’amendement n° 657 pour refuser la délivrance de plein droit fait surtout régner, en pratique, la règle de l’arbitraire le plus total.
Prenons le cas de deux étrangers qui seraient dans une situation similaire : au sein de la même préfecture, le premier sera régularisé, l’autre non. Entre deux préfectures différentes, il en ira de même. Les inégalités territoriales seraient, alors, évidentes.
Par ailleurs, la délivrance de plein droit n’empêche pas l’autorité administrative compétente de vérifier que les conditions fixées par la loi sont bien remplies par l’étranger.
Il est donc faux de prétendre que la délivrance de plein droit ôte tout pouvoir d’appréciation dans la régularisation des travailleurs étrangers sans titre.
M. le président. Le sous-amendement n° 671, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéa 4
Remplacer les mots :
peut se voir
par les mots :
se voit
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Nous avons eu l’occasion de le dire : l’amendement n° 657 représente un tour de vis et tend à durcir le droit existant, en l’espèce la circulaire Valls.
Hormis les critères de métiers et zones en tension, la réduction du dispositif aux seuls salariés et les mentions inacceptables et floues relatives au mode de vie et à la société aboutissent à la non-automaticité de la délivrance des titres de séjour.
Le principe est clair : les décisions de régularisation reviendront aux préfets. Formellement, ce pouvoir discrétionnaire est mentionné à trois reprises : par son caractère exceptionnel, par son caractère possible et par son caractère non opposable.
Nous avons une opposition de fond contre ce caractère discrétionnaire, pour ne pas dire arbitraire. La loi, c’est la loi. Dès lors qu’il remplit les critères requis, un travailleur étranger devrait être doté d’un titre de séjour et de travail, tout simplement.
Au-delà même de cette opposition de principe, nous trouvons que la rédaction actuelle, par son insistance sur le caractère discrétionnaire de la décision, pèche par excès de zèle.
Ce sous-amendement de bon sens tend simplement à mentionner le caractère arbitraire de votre dispositif deux fois au lieu de trois. Cela ne nous paraît pas déraisonnable.
M. le président. Le sous-amendement n° 673, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Amendement n° 657
1° Alinéa 4
Supprimer la deuxième occurrence du mot :
temporaire
2° Alinéa 8
Supprimer le mot :
temporaire
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Monsieur le rapporteur, vous avez manifestement une mauvaise compréhension de ceux qui méritent d’être régularisés. (M. le rapporteur proteste.)
Vous proposez de régulariser les travailleuses et travailleurs « temporaires ». Cela témoigne d’une interprétation erronée et très éloignée de la réalité de la situation.
À vos yeux, les personnes ayant besoin d’une régularisation ne seraient présentes en France que pendant quelques mois, avant de repartir dans leur pays d’origine. D’une certaine façon, elles seraient en vacances prolongées.
La réalité est tout autre. En effet, une personne étrangère peut se retrouver en situation irrégulière en France, parce que son titre de séjour n’a pas été prolongé.
Imaginez que votre pays est en guerre. Vous êtes blessé et le système de santé national s’est effondré. Heureusement, vous obtenez, pour raisons médicales, un titre de séjour qui vous permet de vous faire soigner en France.
Votre pays étant toujours en guerre, il vous est impossible, une fois soigné, d’y retourner. Votre titre de séjour n’est pas renouvelé : vous vous retrouvez alors en situation irrégulière en France.
Pourtant, vous n’êtes nullement un travailleur temporaire : vous avez besoin d’un titre de séjour protecteur qui vous accorde des droits ; vous avez besoin de savoir que vous pouvez rester en France. C’est la condition de toute intégration, cela a été souligné à plusieurs reprises.
Voilà les raisons pour lesquelles nous refusons votre vision et l’application de ce critère de travailleur temporaire.
À la place, nous souhaitons que toute travailleuse et tout travailleur ait accès à ses droits. La régularisation doit ouvrir droit à un titre de séjour pluriannuel, dont les conditions d’obtention seraient claires et permettraient la régularisation du travail.
M. Guy Benarroche. Excellent ! Bravo !
M. le président. Le sous-amendement n° 666, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéa 4
Remplacer les mots :
d’un an
par les mots :
de trois ans
La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Afin de rappeler l’objectif de régularisation, notre groupe demande la pluriannualité de la carte de séjour portant la mention « travailleur temporaire ».
Une fois n’est pas coutume, nous citerons les déclarations du Gouvernement et de son ministre de l’intérieur lors de la discussion générale : « Nous avons besoin d’une disposition législative pour pouvoir régulariser des personnes qui méritent de l’être, quand bien même l’employeur ne le souhaite pas. »
La proposition des rapporteurs, bien éloignée de celle du Gouvernement, est tout aussi éloignée de la réalité.
Le groupe GEST est loin de penser, théoriser ou accepter une immigration utilitariste. Nous sommes fermement opposés aux dispositifs de correction temporaire de la pénurie de main-d’œuvre.
Bien au contraire, nous défendons le droit des travailleurs de vivre dans une plus grande sécurité juridique, ce qui passe nécessairement par une visibilité supérieure à un an.
Notez que cette pluriannualité limiterait les sollicitations répétitives des services préfectoraux, déjà bien surchargés dans la gestion des titres de séjour.
Aussi, nous entendons, au travers de ce sous-amendement, renforcer les droits que les auteurs de l’amendement souhaitent accorder aux travailleurs étrangers déjà présents sur notre sol.
M. le président. Le sous-amendement n° 668, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéa 4, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Je tiens à souligner le caractère quelque peu lunaire de la situation.
Pendant des mois, puisque l’adoption de ce texte en commission a eu lieu voilà plusieurs mois, le président du groupe Les Républicains Bruno Retailleau nous a expliqué que, comme après le passage d’Attila, l’article 3 disparaîtrait et que jamais il ne repousserait.
« Pas de nouvelle rédaction sous un autre article », disait-il. C’était l’une des conditions – un fil rouge – pour que ce texte soit adopté.
Pourtant, nous sommes en train d’examiner un amendement portant article additionnel après l’article 4, qui est, en fait, une réécriture de l’article 3.
Les auteurs de ce projet de loi ont également fait de nombreuses déclarations dans les journaux ces derniers mois.
Dans le Journal du dimanche, le ministre de l’intérieur a ainsi expliqué que le Gouvernement était attaché à des mesures de justice envers ceux qui produisent dans notre pays sans jamais poser de problèmes à l’ordre public.
Le groupe GEST préfère cette philosophie de justice. Les conditions législatives doivent se suffire à elles-mêmes.
Tout l’équilibre du texte repose sur cette justice entre les travailleurs. L’obtention de leur titre de séjour ne doit pas dépendre d’une décision discrétionnaire du préfet, donc de l’arbitraire administratif.
Nous proposons de supprimer les conditions mentionnées à l’alinéa 4 et de faire de la régularisation un droit opposable.
M. le président. Le sous-amendement n° 676, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les périodes de séjour et l’activité professionnelle salariée exercée sous couvert des documents de séjour visés aux articles L. 422-1, L. 421-34, et L. 521-7 ne sont pas prises en compte pour l’obtention d’une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » ou « salarié » mentionnée au premier alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous proposons de combler un manque dans la rédaction de l’amendement n° 657.
Comme cela était prévu dans la rédaction initiale de l’article 3, il convient d’exclure des périodes prises en compte pour une possible régularisation au titre des métiers en tension les moments de travail étudiant ou de travail saisonnier.
Si nous en restions à la rédaction proposée par la commission, les régularisations seraient plus nombreuses, les étudiants étrangers et travailleurs saisonniers représentant des dizaines de milliers de personnes supplémentaires. Pourtant, il me semble que la volonté des auteurs de l’amendement était non pas d’ouvrir davantage les droits à régularisation, mais au contraire de les resserrer.
M. le président. Le sous-amendement n° 662, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Daniel, MM. Durain, Fagnen, Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Lubin, MM. Lurel et Ouizille, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet et Ziane, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Même si les tractations durent depuis un certain temps, il semble bien que, dans leur exercice précipité de réécriture des articles 3 et 4, les auteurs soient allés parfois un peu vite en besogne.
Nous demandons en particulier la suppression de l’alinéa 5 de l’amendement n° 657. Cet alinéa fixe un certain nombre de critères que l’autorité administrative devrait prendre en compte au moment de l’examen de la demande de régularisation pour motif professionnel.
Or ces critères sont aujourd’hui déjà pris en compte. Ainsi, l’article L. 412–5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile fixe une réserve générale d’ordre public, qui interdit la délivrance d’un titre de séjour lorsque « la présence d’un étranger en France constitue une menace pour l’ordre public ».
Au-delà d’une redondance législative qui, en soi, n’est pas très grave, la répétition de cette condition pourrait laisser penser que la réserve d’ordre public ne serait plus prise en compte dans l’examen des titres de séjour autres que pour motif professionnel.
Ce serait grave : personne ici ne souhaite que soient délivrés des titres de séjour à des personnes qui pourraient menacer l’ordre public.
Cet alinéa posant selon nous un sérieux problème, nous proposons de le supprimer.
M. le président. Le sous-amendement n° 667, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéa 5
Supprimer les mots :
son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci, ainsi qu’aux principes de la République mentionnés à l’article L. 412-7
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. L’amendement n° 657, qui est une réécriture de l’article 3, tend à prévoir une nouvelle vérification préalable à la délivrance de l’autorisation de travail : l’intégration de l’étranger « à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci, ainsi qu’aux principes de la République mentionnés à l’article L. 412-7. »
Si les principes de la République mentionnés à l’article L. 412-7 sont aisément identifiables – il suffit de s’y référer –, les modes de vie et les valeurs de la société française le sont moins. (M. Francis Szpiner s’exclame.)
Ne sachant pas exactement ce que recouvrent ces notions – vous le savez peut-être ! –, j’ai lancé une recherche Google avec la requête « valeurs et modes de vie de la société française ».
Les sources sont multiples ; vous le constaterez vous-mêmes si vous vous prêtez à l’exercice.
J’ai donc pris, au hasard, les résultats d’une enquête du CNRS en date de 2019 : « Les Français veulent choisir leur manière de vivre. Et cela se retrouve dans tous les domaines de la vie : acceptation du divorce, de l’avortement, de l’homosexualité, du suicide, de l’euthanasie… Autonomisation, refus des contraintes, épanouissement personnel : chacun veut avoir son mot à dire. L’indice de libéralisme des mœurs a beaucoup augmenté en quarante ans : la moyenne de cet indice, allant de 1 à 10, est passée de 4,3 à 6,4. »
Selon cette étude, la progression du libéralisme des mœurs est évidente. Je le veux bien, mais, mes chers collègues de droite, je m’inquiète pour vous ! (Exclamation amusée et applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Ian Brossat applaudit également.)
M. le président. Le sous-amendement n° 663, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Daniel, MM. Durain, Fagnen, Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Lubin, MM. Lurel et Ouizille, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet et Ziane, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéas 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Il semble que la rédaction de l’amendement ait été un peu rapide sur un autre point.
L’alinéa 5 contenait une répétition qui pouvait prêter à sourire, quoique j’aie essayé de démontrer que l’on pouvait également s’en inquiéter.
Les alinéas 7 et 8 contiennent un autre type de redondance, qui nous amène à proposer leur suppression.
Depuis le début de notre discussion sur les feus articles 3 et 4 et sur le futur article 4 bis, nous débattons d’un titre de séjour accordé pour motif professionnel.
Ce titre de séjour temporaire est délivré à des personnes qui travaillent depuis un certain temps dans certains métiers ou certaines zones.
Or lesdits alinéas prévoient de conditionner la délivrance d’une autorisation de travail à la vérification de l’activité professionnelle auprès de l’employeur.
De deux choses l’une : ou l’on considère que l’autorité qui a délivré le titre de séjour précisément pour activité professionnelle a mal fait son travail – je ne veux pas croire que les auteurs de l’amendement le soupçonnent, eux qui ont considéré qu’il fallait faire davantage confiance à l’autorité administrative qu’à la loi, puisqu’il est question d’une appréciation au cas par cas par l’administration et non plus d’un droit opposable –, ou l’on se retrouve dans une situation où des personnes régularisées pour des motifs d’ordre professionnel ne pourraient pas exercer d’activité professionnelle. Là non plus, je ne crois pas que cela soit l’intention des auteurs de cet amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 669, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéa 8
Remplacer les mots :
l’autorisation de travail peut lui être accordée, après vérification auprès de l’employeur de la réalité de l’activité alléguée
par les mots :
elle vaut autorisation de travail au sens du présent article
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Avec cet amendement portant article additionnel après l’article 4, vous proposez que l’on puisse accorder un titre de séjour sans l’accompagner nécessairement d’une autorisation de travail.
Nous reculerions alors de quarante ans. Voilà quarante ans en effet qu’a été créé un titre de séjour ouvrant également droit au travail.
Le découplage du titre de séjour et de l’autorisation de travail rend le dispositif complètement ineffectif, voire contre-productif.
Tout d’abord, il rallongerait les délais d’examen en préfecture. Pourtant, les textes du Gouvernement et de la commission semblaient plutôt viser à simplifier et accélérer les procédures relatives aux droits des étrangers.
Ensuite, toute mesure de régularisation doit être vue comme un moyen de sécuriser juridiquement des travailleurs déjà présents sur notre sol.
Pour assurer l’effectivité du dispositif et du recours, il faudrait que le titre de séjour et l’autorisation de travail soient accordés simultanément.
Vous avez répété plusieurs fois que nous étions d’accord sur un point : en faisant en sorte que le salarié, et non l’employeur, fasse la demande, on ferait sauter le verrou de l’employeur.
En réalité, vous réintroduisez un verrou a posteriori. Ce dispositif continuera de concerner les travailleurs et travailleuses sans-papiers qui ne travaillent pas dans des entreprises de voyous.
À l’inverse, les travailleurs sans-papiers qui travaillent dans des entreprises de voyous dont le business model consiste à les embaucher, à les exploiter et à les laisser sans droits, sans cotisation et sans salaire décent, resteront sans-papiers.
Voilà en réalité le modèle que vous proposez !
M. le président. Le sous-amendement n° 664, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Daniel, MM. Durain, Fagnen, Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Lubin, MM. Lurel et Ouizille, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet et Ziane, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 657
I. – Alinéa 9
Remplacer l’année :
2026
par l’année :
2024
II. – Après l’alinéa 9
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard trois mois avant la date mentionnée au III du présent article, un rapport dressant le bilan de l’application des dispositions prévues aux I et II du présent article.
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. En droit, deux adages latins s’opposent.
Le premier, dura lex sed lex, est bien connu : la loi est dure, mais c’est la loi. C’est le parti pris de ce texte, du moins dans sa réécriture par la majorité sénatoriale, son principe étant de durcir au maximum les conditions de la loi.
Toutefois, cet adage s’oppose à un autre adage latin moins connu : summum jus, summa injuria, justice extrême, extrême injustice.
À force de durcir les critères du droit, vous faites en sorte, en réécrivant les articles 3 et 4, de rendre la loi inapplicable, car elle devient trop dure et contient en elle-même une injustice.
Par votre volonté et votre inflexibilité, vous rendez ce texte déjà inapplicable. C’est exactement l’idée que nous souhaitions exprimer au travers de ce sous-amendement.
Certes, il s’agit, une nouvelle fois, d’une demande de rapport. Toutefois, vous dégradez tellement les conditions posées par la circulaire Valls qu’il nous semble évident que le dispositif bricolé que vous nous proposez doit être évalué dans les délais les plus brefs.
Il ne doit être mis en place, à titre expérimental, que pour une durée d’un an. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. L’amendement n° 389 rectifié bis, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV est complétée par une sous-section… ainsi rédigée :
« Sous-section…
« Régularisation des travailleurs
« Art. L. 421-4-1. – L’étranger en situation régulière ou irrégulière, qui a exercé une activité professionnelle salariée ou une activité professionnelle en tant que travailleur indépendant au sens de l’article L. 631-1 du code de la sécurité sociale durant au moins six mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois, qui justifie par tout moyen de l’occupation de cet emploi sur le territoire français, se voit délivrer de plein droit une carte de séjour portant la mention “régularisation des travailleurs” d’une durée de trois ans.
« La carte de séjour mentionnée au premier alinéa est également délivrée de plein droit à l’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée saisonnière relevant du 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail durant au moins huit mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois.
« Les périodes de séjour et l’activité professionnelle salariée exercée sous couvert des documents de séjour mentionnés aux articles L. 422-1, L. 421-34 et L. 521-7 sont pris en compte pour l’obtention de la carte de séjour mentionnée au premier alinéa.
« La délivrance de cette carte entraîne celle de l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 5221-2 du code du travail, matérialisée par ladite carte.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 436-4, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 421-4-1, ».
II. – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard deux ans après l’entrée de la présente loi, un rapport dressant le bilan de l’application du I du présent article.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps cet amendement et les trois suivants, qui sont tous des amendements de repli.
M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 402 rectifié bis, 404 rectifié bis et 403 rectifié bis.
L’amendement n° 402 rectifié bis, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV est complétée par une sous-section … ainsi rédigée :
« Sous-section …
« Régularisation des travailleurs
« Art. L. 421-4-1. – L’étranger en situation régulière ou irrégulière, qui a exercé une activité professionnelle salariée durant au moins six mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois, qui justifie par tout moyen de l’occupation de cet emploi sur le territoire français, se voit délivrer de plein droit une carte de séjour portant la mention “régularisation des travailleurs” d’une durée de trois ans.
« Les périodes de séjour et l’activité professionnelle salariée exercée sous couvert des documents de séjour mentionnés aux articles L. 422-1, L. 421-34 et L. 521-7 sont pris en compte pour l’obtention de la carte de séjour mentionnée au premier alinéa.
« La délivrance de cette carte entraîne celle de l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 5221-2 du code du travail, matérialisée par ladite carte.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 436-4, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 421-4-1, ».
L’amendement n° 404 rectifié bis, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV est complétée par une sous-section… ainsi rédigée :
« Sous-section…
« Régularisation des travailleurs
« Art. L. 421-4-1. – L’étranger en situation régulière ou irrégulière, qui a exercé une activité professionnelle en tant que travailleur indépendant au sens de l’article L. 631-1 du code de la sécurité sociale durant au moins six mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois, qui justifie par tout moyen de l’occupation de cet emploi sur le territoire français, se voit délivrer de plein droit une carte de séjour portant la mention “régularisation des travailleurs” d’une durée de trois ans.
« Les périodes de séjour et l’activité professionnelle salariée exercée sous couvert des documents de séjour mentionnés aux articles L. 422-1, L. 421-34 et L. 521-7 sont pris en compte pour l’obtention de la carte de séjour mentionnée au premier alinéa.
« La délivrance de cette carte entraîne celle de l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 5221-2 du code du travail, matérialisée par ladite carte.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 436-4, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 421-4-1, ».
L’amendement n° 403 rectifié bis, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV est complétée par une sous-section … ainsi rédigée :
« Sous-section …
« Régularisation des travailleurs
« Art. L. 421-4-1. – L’étranger en situation régulière ou irrégulière, qui a exercé une activité professionnelle salariée saisonnière relevant du 3 de l’article L. 1242-2 du code du travail, qui justifie par tout moyen de l’occupation de cet emploi sur le territoire français durant au moins six mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois, se voit délivrer de plein droit une carte de séjour portant la mention “régularisation des travailleurs” d’une durée de trois ans.
« Les périodes de séjour et l’activité professionnelle salariée exercée sous couvert des documents de séjour mentionnés aux articles L. 422-1, L. 421-34 et L. 521-7 sont pris en compte pour l’obtention de la carte de séjour mentionnée au premier alinéa.
« La délivrance de cette carte entraîne celle de l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 5221-2 du code du travail, matérialisée par ladite carte.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 436-4, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 421-4-1, ».
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Mélanie Vogel. L’amendement n° 389 rectifié bis a un objectif très simple, même s’il devient difficile à défendre dans le débat que nous avons depuis lundi, comme dans le débat public que nous avons sur l’immigration depuis des années : la régularisation de tous les travailleurs sans-papiers, pas seulement dans les métiers en tension. (Soupirs sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Ben voyons !
M. Jacques Grosperrin. Et de ceux qui ne travaillent pas ?
Mme Mélanie Vogel. Vous connaissez l’exemple du groupe La Poste. Il a nourri le débat public à maintes reprises.
Monsieur le ministre, les métiers exercés au sein du groupe La Poste font-ils partie des métiers en tension ?
Par le biais d’un système opaque de sous-traitants, ce groupe emploie des centaines de travailleuses et travailleurs étrangers sans titre de séjour.
Comme toutes les travailleuses et tous les travailleurs de ce groupe, ces personnes travaillent tôt le matin, tard le soir, pendant la nuit, pour trier le courrier et livrer les colis que nous recevons tous les jours. Contrairement aux autres cependant, leurs heures supplémentaires demeurent impayées.
Ces personnes ont par ailleurs reçu la consigne de se cacher dès que l’inspection du travail arrive. Elles ne sont pas déclarées, ne bénéficient ni de la sécurité sociale ni des protections prévues par le code du travail, en matière de licenciement par exemple ; en général, elles sont licenciées par SMS. (M. Jean-François Husson s’exclame.)
Oui, une telle précarité existe bien au sein de La Poste. Nous recevons tous quotidiennement du courrier et sommes tous attachés à ce service.
Il ne s’agit pas de métiers en tension. Comment pouvez-vous accepter que ces travailleuses et travailleurs demeurent précarisés, sans protection sociale, sans droit à la santé, sans droit à la retraite, alors qu’ils travaillent parfois depuis des années pour nous livrer notre courrier ?
Sur cette question, notre approche est pragmatique. Qu’elle soit dressée par décret, par région ou par secteur, la liste des métiers en tension est une usine à gaz.
Ces travailleurs sont déjà présents sur notre sol et font un travail nécessaire, sinon ils ne seraient pas là.
Plutôt que de publier des décrets chaque année, le plus simple serait de régulariser tous les travailleurs sans-papiers.
Nous aurions alors toutes les cotisations nécessaires au régime de retraite. Nous n’aurions plus de dumping social. Tout irait beaucoup mieux. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. L’amendement n° 170 rectifié, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :
« Sous-section 4 :
Régularisation pour motif professionnel
« Art. L. 421-4-1. – L’étranger occupant un emploi, et qui justifie par tout moyen d’une période de résidence ininterrompue, régulière ou non, d’au moins trois années en France et d’avoir exercé une activité professionnelle durant au moins six mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois, se voit délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention “salarié” lorsque l’activité professionnelle est exercée dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée ou d’un contrat à durée déterminée d’une durée supérieure ou égale à douze mois, ou portant la mention “travailleur temporaire” lorsque l’activité professionnelle est exercée dans le cadre d’un contrat à durée déterminée d’une durée inférieure à douze mois.
« La délivrance de cette carte entraîne celle de l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 5221-2 du code du travail, matérialisée par ladite carte.
« Les dispositions de l’article L. 412-1 ne sont pas applicables pour la délivrance de cette carte.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 436-4, après les mots : « aux articles », est insérée la référence : « L. 421-4-1, ».
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est défendu !
M. le président. L’amendement n° 461 rectifié, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV est complétée par une sous-section ainsi rédigée :
« Sous-section …
« Étranger travaillant en France
« Art. L. 421-4-1. – L’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée durant au moins huit mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois et qui justifie d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France se voit délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention d’une durée d’un an.
« La délivrance de cette carte entraîne celle de l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 5221-2 du code du travail, matérialisée par ladite carte.
« L’article L. 412-1 du présent code n’est pas applicable pour la délivrance de cette carte.
« Les périodes de séjour et l’activité professionnelle salariée exercée sous couvert des documents de séjour mentionnés aux articles L. 421-34, L. 422-1 et L. 521-7 ne sont pas prises en compte pour l’obtention d’une carte de séjour temporaire.
« L’étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire ayant exercé une activité professionnelle dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée peut se voir délivrer, à l’expiration de ce titre, une carte de séjour pluriannuelle portant la mention “salarié” sous réserve de remplir les conditions prévues à l’article L. 433-6.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 436-4, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 421-4-1, ».
II. – Le I du présent article est applicable jusqu’au 31 décembre 2026.
Le présent article reste applicable aux titulaires de la carte de séjour mentionnée au I délivrée avant le 31 décembre 2026 et jusqu’à l’expiration de ce titre.
III. – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois avant la date mentionnée au II du présent article, un rapport dressant le bilan de l’application du I.
La parole est à M. Ian Brossat.
M. Ian Brossat. Défendu !
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 239 rectifié est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, MM. Roiron, Temal, Marie et Tissot, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, M. Kanner, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 330 rectifié bis est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 370 rectifié bis est présenté par M. Laouedj, Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol et Roux, Mme Girardin, M. Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre I du titre II du livre IV est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :
« Sous-section 4
« Régularisation pour motif professionnel
« Art. L. 421-4-1. – L’étranger en situation régulière ou irrégulière, qui justifie par tout moyen de l’occupation d’un emploi sur le territoire français, figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l’article L. 414-13, se voit délivrer de plein droit une carte de séjour portant la mention “salarié”.
« La délivrance de cette carte entraîne celle de l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 5221-2 du code du travail, matérialisée par ladite carte.
« Les dispositions de l’article L. 412-1 ne sont pas applicables pour la délivrance de cette carte. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 436-4, après les mots : « aux articles », est insérée la référence : « L. 421-4-1 ».
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 239 rectifié.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Défendu !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 330 rectifié bis.
M. Guy Benarroche. Un certain nombre de parlementaires issus de divers partis et groupes politiques – y compris Modem, Liot et Renaissance, c’est-à-dire des groupes centristes et le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale – ont tenté de trouver des solutions afin d’aboutir à un accord et de faire adopter ce texte, en faisant preuve d’imagination – celle-là même qui, selon M. le ministre, manque à notre groupe. Ce faisant, il ne s’agissait pas de vider de son sens le projet de loi initial, mais au contraire de déboucher sur un consensus pour le renforcer.
Monsieur Darmanin, vous dites souvent que vous n’avez pas voulu discuter avec nous, car nous aurions de toute façon, refusé le texte. Vous avez préféré discuter avec la droite, qui elle aussi, aurait refusé ce texte, si vous ne l’aviez pas infléchi dans le sens qu’elle souhaitait.
Vous avez donc privilégié ce type de discussion plutôt que d’avancer dans le sens d’un meilleur accueil des migrants et d’une meilleure intégration par le travail et par la formation.
Cet amendement de repli tend à rétablir l’automaticité de la délivrance du titre de séjour – c’est ce que vous souhaitiez au départ – pour les travailleurs sans-papiers travaillant dans des métiers en tension et dans des zones à déterminer.
Il vise à supprimer la condition de l’accord l’employeur, a priori comme a posteriori.
Monsieur le ministre, il est toujours temps d’émettre un avis favorable sur cet amendement.
Mes chers collègues, il est toujours temps de suivre l’option qui a été proposée par un certain nombre de députés issus de vos groupes respectifs du centre et du centre gauche !
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 370 rectifié bis.
Mme Maryse Carrère. Sur les marchés, dans le bâtiment, dans le secteur agricole, pour les livraisons ou encore dans nos restaurants, la liste est encore longue des secteurs qui vivent en partie du travail clandestin.
Depuis des années, cette clandestinité est condamnée, sans pour autant que nous offrions de solutions constructives.
D’un côté, de nombreux emplois peinent à être pourvus ; d’un autre côté, de nombreux étrangers en situation irrégulière attendent de s’intégrer pleinement dans notre société et d’exercer une activité professionnelle en dehors de toute clandestinité.
Cette équation est simple à résoudre. Le Gouvernement l’avait fait en proposant l’article 3.
Notre législation est aujourd’hui dans une forme de paradoxe. Le travail clandestin est interdit ; pourtant, il existe en dehors de tout contrôle et les employés comme les employeurs sont placés dans la précarité.
Dans le même temps, les travailleurs clandestins cherchent à attester de leur activité professionnelle pour obtenir leur régularisation.
Si nous n’avons aucune illusion sur le sort de cet amendement, nous proposons d’aller plus loin, non pas en créant un nouveau titre de séjour, mais en intégrant le nouveau mécanisme, proche de celui que souhaitait le Gouvernement, au dispositif existant du titre de séjour salarié.
Cela facilitera efficacement la régularisation des travailleurs sans-papiers.
Ce mécanisme nous paraît plus adapté. Il s’intègre au droit en vigueur tout en répondant parfaitement à l’objectif que nous souhaitons atteindre : l’intégration par le travail.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous allons entendre les avis de la commission sur les sous-amendements à l’amendement n° 657 et sur les autres amendements qui viennent d’être présentés.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les sous-amendements sont extrêmement nombreux. Vous avez tous, mes chers collègues, notamment ceux d’entre vous qui ont assisté à la réunion de la commission, une idée de l’avis que je vais formuler. C’est pourquoi, si vous le voulez bien, je donnerai une explication générale sur la position de la commission.
Certains d’entre vous nous ont beaucoup reproché de manquer de pragmatisme face à une situation de fait, qui est celle des étrangers en situation de travail irrégulière en France.
Cette situation existe, en effet, mais je crois que le pragmatisme n’est pas une politique. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.) On ne peut aborder la réalité qu’en fonction des principes que l’on a définis auparavant, et nos principes, vous l’avez compris, ne sont pas tout à fait ceux que certains ont défendus hier, au cours du débat, et qui aboutissent à créer un droit au séjour des étrangers en France.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous ne reconnaissez pas le droit au séjour des étrangers ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous ne reconnaissons pas un tel droit. Nous souhaitons légiférer pour préciser la manière dont les étrangers entrent en France ou y restent et quelle autorisation de travail peut leur être donnée. Dans la mesure où il revient à l’État de décider des conditions de régularité du séjour des étrangers sur le territoire, chacun comprend bien que l’irrégularité de leur présence ne peut pas créer un droit à la régularisation.
L’irrégularité, par principe, ne peut pas être tolérée. Toutefois, le pragmatisme, celui-là même dont l’opposition de gauche se revendique, conduit à reconnaître l’existence d’une situation qui, si elle ne peut pas être tolérée par principe, peut être admise à titre d’exception. C’est pourquoi nous avons choisi la procédure de l’admission exceptionnelle au séjour (AES) pour résoudre, parfois, cette situation, qui sinon, en effet, serait insoluble.
Pas de droit à la régularisation, donc – c’est pourquoi nous avons rejeté l’article 3 –, mais une admission exceptionnelle au séjour, comme celle qui existe aujourd’hui.
Reste à savoir dans quelles conditions celle-ci peut être mise en œuvre. Vous nous avez reproché d’avoir durci les conditions prévues par la circulaire Valls, qui précise comment les préfets doivent appliquer le régime de l’admission exceptionnelle au séjour. Vous avez raison – je ne peux rien vous dire d’autre –, nous avons durci les conditions d’application du dispositif ! C’est conforme à notre conception des choses : les procédures exceptionnelles, j’y insiste, ne doivent pas être facilitées et doivent être correctement encadrées. C’est ce que nous avons fait, dans les conditions que nous avons énumérées précédemment.
Oui donc à l’admission exceptionnelle au séjour, parce que l’irrégularité ne peut pas être un principe et ne peut pas être créatrice de droits. Oui aussi à un régime d’admission plus dur, parce que nous ne souhaitons pas, en effet, que la régularisation soit simple.
Dans ces conditions, nous avons émis un avis défavorable sur tous les sous-amendements et amendements qui ne s’inscrivent pas dans cette vision des choses, c’est-à-dire la quasi-totalité des sous-amendements, à l’exception du sous-amendement n° 676 du Gouvernement, parce que celui-ci, même si le texte que nous allons adopter n’est pas celui qu’avait présenté le ministre, vise à rendre plus restrictives les conditions d’admission exceptionnelle au séjour, conformément à notre logique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces sous-amendements et amendements, et notamment sur l’amendement n° 657 ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je me suis déjà largement exprimé sur l’article 3 et sur l’amendement n° 657, qui vise à introduire un article 4 bis. Je n’y reviendrai pas en détail.
Je tiens toutefois à préciser, madame la rapporteure, que l’adoption de l’amendement de la commission aura pour effet non pas de durcir la circulaire Valls, mais de créer une autre circulaire. Il faut bien le comprendre. (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et GEST.)
Pour répondre à Mme de La Gontrie, la circulaire de M. Valls restera inchangée ; elle ne crée d’ailleurs pas un droit opposable, comme l’a indiqué le Conseil d’État.
L’adoption de l’article 4 bis, qui sera certainement modifié durant la navette, aboutirait à créer une nouvelle circulaire, que l’on appellera comme vous le voudrez, Dussopt par exemple,…
Mme Audrey Linkenheld. Plutôt Retailleau !
M. Guy Benarroche. Ce sera la vôtre !
M. Gérald Darmanin, ministre. … qui permettra de régulariser des personnes qui travaillent dans des métiers en tension.
La rédaction supprime, d’un côté, l’accord préalable de l’employeur, c’est une amélioration, mais elle réintroduit, d’un autre côté, une vérification a posteriori de la « réalité de l’activité » : cette disposition mériterait d’être modifiée, sans doute pas aujourd’hui, mais lorsque nous aurons l’occasion d’en reparler rationnellement lors de futurs échanges.
On crée donc une nouvelle circulaire, dont il est bien précisé qu’elle « n’est pas opposable » : je ne suis pas opposé à cette rédaction, car le ministère de l’intérieur ne souhaite pas non plus, par principe, qu’elle le soit. Toutefois cette disposition me paraît superfétatoire, même si le Gouvernement ne proposera pas de la supprimer – cela risquerait, soit dit en passant, d’attirer l’œil de ceux qui souhaitent contester le texte.
Précisons bien en revanche, j’y insiste, qu’il s’agit d’une autre circulaire que la circulaire Valls. En dépit de ce que j’ai pu lire ici ou là, on ne durcit pas cette dernière, on en fait une autre, dont les dispositions relatives aux conditions de régularisation sont durcies par rapport à l’article 3, même si celui-ci prévoyait un examen au cas par cas.
Il existe aujourd’hui trois types d’AES. Tout d’abord, l’AES prévue par la circulaire Valls, fondée sur des dispositions législatives. L’AES pour les compagnons sans-papiers d’Emmaüs, ensuite, qui avait été imaginée par M. Collomb, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, afin de pouvoir régulariser ces derniers. Enfin, l’AES à destination des jeunes étrangers, l’année de leur majorité, dans certaines circonstances. Cette dernière permet de délivrer un titre de séjour à un jeune en apprentissage, par exemple, qui atteint l’âge de sa majorité, pour lui permettre de terminer son année d’étude : il est difficile de l’expulser alors qu’il a été soutenu par le département et aidé par la République dans son parcours de formation.
Ce texte vise ainsi à créer une quatrième AES, dans les conditions qu’a indiquées Mme la rapporteure.
J’émets un avis favorable sur les sous-amendements nos 669, 671, 665, 675 et 661, qui reprennent en fait l’article 3. J’émets un avis défavorable sur les autres sous-amendements et amendements, car je ne souhaite pas entrer dans la logique d’un élargissement du dispositif de l’article 3. Je m’en remets enfin à la sagesse du Sénat concernant l’amendement n° 657, en espérant toutefois qu’il sera adopté.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, nous demandons un scrutin public sur l’amendement n° 657.
Mon explication de vote portera sur l’ensemble de ces amendements et sous-amendements. Nous sommes opposés à l’amendement n° 657 en l’état ; nous voterons pour tous les sous-amendements, à l’exception de celui présenté par le Gouvernement.
J’ai dit plus tôt que l’on nous servait une version de l’histoire qui s’apparentait à l’histoire racontée aux enfants : personne n’est dupe, la droite devait absolument trouver un accord, car M. Retailleau avait indiqué très tôt qu’il ne voterait jamais l’article 3, quel qu’en soit le contenu avait même ajouté Mme Jourda, notre rapporteure. Il fallait donc se débarrasser de cet article. Pas de chance, le groupe centriste lui trouvait un intérêt !
Comment faire alors, quand la majorité au Sénat nécessite l’accord des deux groupes ? Vous vous êtes rencontrés, vous avez déjeuné, dîné, pris le thé, le café, et eu cette idée de génie : supprimer l’article 3 et le récrire ailleurs – c’est ainsi qu’est née l’idée d’un article additionnel après l’article 4 –, tout en l’assortissant de conditions plus strictes : vous avez ainsi allongé de huit à douze mois la durée de travail nécessaire pour obtenir une régularisation, rétabli, avec une formulation tortueuse, une participation de l’employeur – alors que l’intérêt de l’article 3 était qu’il supprimait cette dernière – et ajouté une dose d’ordre public – cela plaît toujours, à droite –, ainsi que des formules alambiquées.
Mais se pose alors un problème de communication entre vous : chacun dit qu’il a gagné (Sourires sur les travées des groupes SER et GEST.), y compris le Gouvernement, ce qui est pourtant impossible ! Nous verrons bien qui en sortira gagnant à l’extérieur. M. Retailleau a dégainé le premier, avant que MM. Marseille et Darmanin ne réagissent à leur tour. Chacun a son interprétation du dispositif que vous allez voter. Heureusement, l’Assemblée nationale fera le travail.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.
M. Stéphane Ravier. Je crois que nous avons besoin d’un médecin ! Ou de Vogalène, peut-être…
La gauche nous refuse le droit de voir l’immigration partout, mais, depuis deux articles, elle nous explique qu’il y a des immigrés partout : dans nos cuisines, nos champs, nos entreprises…
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas faux…
M. Stéphane Ravier. Il y en a aussi beaucoup dans les commissariats et les prisons ! (Rires sur certaines travées.)
Il conviendrait donc de régulariser les clandestins – sans quoi nous serions dans un déni de réalité – et pas seulement ceux qui travaillent dans les métiers en tension : Mme Vogel a eu la sincérité de souhaiter la régularisation de tous les clandestins. Il en faut toujours plus !
L’amendement de la droite sénatoriale, c’est en réalité la victoire de l’article 3 de M. Darmanin sur l’article 3 de la Constitution, selon lequel « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ».
En votant cet amendement, mes chers collègues, vous vous dessaisissez de vos responsabilités de législateur et acceptez les régularisations massives par voie réglementaire. On nous dit qu’elles se feront au « cas par cas », toutefois on sait ce que cela signifie : cela prendra plus longtemps, mais tout le monde sera régularisé. Reste que la droite n’en portera pas la responsabilité… La question est donc la suivante : veut-on, oui ou non, des régularisations massives ?
D’autres solutions existent : augmentation des salaires en réduisant l’écart entre le salaire brut et le salaire net, grâce à la suppression de 20 milliards de dépenses sociales non contributives chaque année ; mise sous condition du RSA ; développement d’un système de formation adapté ; mise en place d’une politique familiale pour favoriser le regain de la natalité, etc.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Oui, madame de La Gontrie, c’est un accord politique. Ce n’est pas un gros mot ! Cet accord, dont vous vous êtes moquée, révèle la solidité de la majorité sénatoriale. Peut-être est-ce cela qui vous gêne… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il a fallu ramer !
M. Olivier Henno. Cet accord résulte d’un équilibre. Je salue d’ailleurs le travail de nos rapporteurs. Nous avons agi avec prudence en préférant le cas par le cas plutôt que la régularisation systématique. C’est un choix. En tout cas, nous avons avancé et progressé. Ces dispositions ne se substituent pas à la circulaire Valls, elles s’y ajoutent.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est Top Chef !
M. Olivier Henno. Pour reprendre une image que vous connaissez bien : on est un peu plus gentils avec les gentils !
Enfin, n’allez pas nous donner des leçons en matière d’accord politique, quand vous avez signé celui de la Nupes ! (Applaudissements et rires sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Jaloux !
M. Olivier Henno. Voilà un bel exemple de grand écart !
Je voudrais insister sur le principe de prudence. Il me semble, lorsque je vous écoute, que vous êtes bien confiants. Oui, nous abordons ces questions la main tremblante, car le choc démographique est là : nous ne sommes plus dans les années 1980, à l’époque des pancartes « Touche pas à mon pote ».
L’accord politique que nous avons trouvé est équilibré et responsable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Pierre Jean Rochette. Bravo !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le tout c’est d’y croire !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Mon propos vaudra explication de vote de mon groupe sur l’ensemble des sous-amendements et des amendements.
Je ne reviendrai pas sur la dynamique par laquelle les groupes de la majorité sénatoriale sont parvenus à conclure ce fameux accord : Mme de La Gontrie l’a expliquée avec brio.
Je voudrais quand même revenir sur deux points qui me paraissent particulièrement inquiétants pour notre société à l’avenir, si toutefois ils devaient prospérer au cours de la navette et figurer dans le texte qui sera finalement promulgué.
Le premier concerne la suppression de l’AME, dont nous avons discuté hier. Je ne comprends toujours pas la position du Gouvernement, ni pourquoi la ministre a émis un avis de sagesse après avoir brillamment démontré qu’il était contre-productif et inhumain de la supprimer. Cette suppression restera un marqueur du texte issu du Sénat…
Le second point concerne le dispositif de régularisation des travailleurs sans-papiers, sur lequel nous allons voter. Nous souhaitions une régularisation sans condition. Vous souhaitiez la réserver, monsieur le ministre, aux travailleurs des métiers en tension, tant pour faciliter leur intégration que pour satisfaire des demandes émanant de certains secteurs d’activité économique de notre pays.
Finalement, on assiste à un abandon du Gouvernement face à la droite sur ces deux points. Mais y a-t-il eu vraiment un affrontement ? Je ne le pense pas. Il semble qu’il s’agisse plutôt de tensions fratricides entre des partisans de conceptions légèrement différentes sur l’approche à adopter.
L’article 3 du projet de loi comportait, dans sa version initiale, une expérimentation de la régularisation de certains travailleurs dans les zones en tension. Une forme d’automaticité était prévue dans la mesure où les critères étaient inscrits dans la loi, afin que les décisions ne dépendent pas de l’appréciation fluctuante des préfets. Le texte ne prévoyait pas d’intervention de l’employeur, afin que les sans-papiers ne soient pas à la merci de patrons indélicats. Tel était, selon M. Darmanin, le point d’équilibre du texte… (C’est fini ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je poursuis, car il s’agit d’une explication de vote commune à l’ensemble des amendements et des sous-amendements…
M. le président. Mes chers collègues, je laisse M. Benarroche dépasser son temps de parole, comme je l’ai fait également pour les orateurs précédents, car il s’agit d’une explication de vote sur l’ensemble des amendements et des sous-amendements. Cette « tolérance » a pour objet de permettre à la Haute Assemblée d’avoir un débat complet et éclairé.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Monsieur Benarroche, veuillez poursuivre.
M. Guy Benarroche. Je vous remercie, monsieur le président.
Les caractéristiques que je viens d’énoncer représentaient, pour le Gouvernement, le point d’équilibre du texte. M. Darmanin a ainsi déclaré, à la fin de la discussion générale : « Nous avons besoin d’une disposition législative pour pouvoir régulariser des personnes qui méritent de l’être, quand bien même l’employeur ne le souhaite pas. » Il se déclarait « prêt au compromis », notamment à compléter l’article 3 « en intégrant le critère de respect des valeurs de la République ».
Que nous propose la commission des lois au regard du texte initial ?
Elle a bien évidemment conservé l’aspect expérimental. Le compromis évoqué par le ministre sur le respect des valeurs de la République et de nos modes de vie figure également dans le texte, puisqu’il correspond parfaitement à la philosophie de la commission. De même, le pouvoir discrétionnaire du préfet a été rétabli, puisque les conditions citées dans l’amendement n° 657 ne sont pas opposables à l’autorité administrative. La faculté de régularisation ne devient qu’une possibilité, dans la mesure où l’expression « se voit délivrer » est remplacée par : « peut se voir délivrer » une carte de séjour. Enfin, la commission a replacé l’intervention de l’employeur au cœur du dispositif, certes a posteriori, mais celle-ci reste un élément critique pour la délivrance de l’autorisation de travail.
Au final, le point d’équilibre n’est pas atteint : ni celui que nous avons essayé de faire prévaloir avec un certain nombre de nos collègues du Sénat et de l’Assemblée nationale, ni celui que le ministre disait souhaiter, ni même d’ailleurs celui que les centristes souhaitaient, à un moment donné, imposer à la droite, ou du moins celui qu’ils espéraient obtenir en négociant avec elle.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Quand j’entends Olivier Henno, je me retrouve dans la majorité sénatoriale. (Marques d’ironie sur les travées des groupes SER et GEST.) Merci pour cette allusion à la Nupes, qui nous a un peu détendus alors qu’il est déjà minuit.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est la seule chose qui vous rapproche !
M. Bruno Retailleau. Il est clair, après plusieurs heures de discussion, que l’article que tend à créer l’amendement n° 657 de la commission n’a rien à voir avec l’article 3 du Gouvernement. J’en veux pour preuve l’avis défavorable du Gouvernement sur la suppression de l’article 3, l’opposition farouche de la gauche à la suppression de ce dernier, ainsi que son opposition à la proposition de la commission !
Dernière preuve : dans Le Figaro, Sacha Houlié, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, annonce qu’il rétablira « le texte ambitieux de l’exécutif, tout le texte de l’exécutif ». (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) Voilà qui est clair !
M. Bruno Retailleau. Nous avons voulu durcir les conditions de la circulaire Valls…
M. Bruno Retailleau. D’abord, on proclame – c’est une nouveauté par rapport à l’article 3 – qu’il n’y aura jamais de droit automatique à la régularisation. Ensuite, on durcit un certain nombre de critères de manière très claire : la personne devra avoir travaillé non plus huit mois, mais douze mois au cours de vingt-quatre derniers mois ; le préfet devra procéder à une instruction « à 360 degrés » du dossier, pour tenir compte notamment du respect par l’étranger de l’ordre public ou des principes de la République.
Nous prévoyons aussi un dispositif antifraude qui ne figurait pas dans l’article 3 : si le salarié peut déclencher la procédure, le préfet pourra vérifier la réalité du travail en se retournant vers l’employeur – et j’espère d’ailleurs, à ce propos, que des employeurs seront punis pour avoir utilisé frauduleusement une main-d’œuvre sans-papiers. Enfin, le 31 décembre 2026 l’expérimentation s’arrêtera. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. J’ai l’impression que Bruno Retailleau a vraiment très envie de dire qu’il est favorable à l’article de régularisation, et je le remercie de son soutien…
L’article 4 bis ne durcira pas la circulaire Valls, il en ajoute une autre.
M. Bruno Retailleau. Elle sera différente !
M. Gérald Darmanin, ministre. Certes, mais elle ne durcit rien ! Elle crée une nouvelle circulaire, avec des conditions que vous avez fixées.
Aujourd’hui, une femme sans enfant en situation irrégulière qui est embauchée par un patron voyou, qui ne souhaite pas sa régularisation, ne peut être en aucun cas régularisée sur le fondement de Valls « travail » ; en revanche, si elle a un enfant, elle peut être régularisée sur le fondement de Valls « famille ». On l’encourage à avoir des enfants pour être régularisée ! J’y insiste, sans enfant, cette femme ne pourrait être régularisée – la loi l’interdit –, quand bien même le préfet le souhaiterait et quand bien même elle respecterait les critères que vous avez mentionnés.
Il fallait donc légiférer, et je suis heureux que, après des semaines d’échanges par médias interposés, chacun parvienne, monsieur le président Retailleau, à reconnaître cette évidence !
L’article 4 bis créera une nouvelle circulaire…
M. Bruno Retailleau. Il durcit la circulaire existante !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous ne durcissez en rien la circulaire Valls, vous créez une autre circulaire.
Vous dites vouloir lutter contre les patrons voyous : soyez cohérents, votez le rétablissement de l’article 8, que la commission a supprimé. (Marques d’amusement sur les travées du groupe GEST.)
J’anticipe sur le débat à venir : nous proposons des sanctions financières très élevées. Malheureusement, je le constate comme vous, les tribunaux judiciaires ne condamnent pas beaucoup ces employeurs, alors que nous déclenchons de nombreuses procédures avec l’inspection du travail. C’est pourquoi il est nécessaire de rétablir l’article 8.
En attendant, je donne un avis favorable sur l’amendement de la commission, qui vise à introduire un article de régularisation, ce dont je me réjouis.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Le ministre a bien expliqué comment une partie de la majorité sénatoriale s’était fait, tout de même, un petit peu rouler…
La droite a pioché dans ses fonds de tiroir et un peu aussi dans ceux du Rassemblement national pour introduire dans le texte une galaxie de dispositions, toutes plus horribles les unes que les autres. Et puis vous êtes parvenus à ce compromis politique qui crée une nouvelle façon d’obtenir une carte de séjour.
Je m’interroge toutefois sur les dispositions relatives à la vérification du mode de vie. Quels moyens l’autorité compétente déploiera-t-elle pour vérifier la compatibilité du mode de vie avec les valeurs et principes de la République ? Comment procédera-t-elle ? Quels outils de surveillance utilisera-t-elle ? Quelles seront les preuves matérielles ? Qu’en sera-t-il du respect de la vie privée ?
En outre, comme le dispositif n’est pas opposable, il est à craindre que certains ne racontent n’importe quoi. On l’a déjà vu au plus haut niveau de l’État, quand un ministre de l’intérieur a raconté n’importe quoi sur un footballeur, sur son mode vie, l’accusant d’une prétendue proximité avec les Frères musulmans, sans preuve aucune. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le ministre s’impatiente.)
Ce sont aussi de tels exemples qui viennent d’en haut qui inspirent ce genre de texte. Et à la fin, nous avons l’arbitraire de l’État, qui pourra dire n’importe quoi, puisque rien n’est opposable. Vous mettez ainsi les étrangers qui sont en France à la merci de l’arbitraire administratif !
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. J’ai vraiment l’impression d’avoir eu cinquante nuances d’explications de cet accord politique ! C’en était presque amusant… J’ai trouvé que M. Bonnecarrère était plutôt dans l’oraison funèbre, tandis que M. Henno me semblait relativement frétillant dans la brosse à reluire (Sourires sur les travées du groupe SER.), même s’il a fait preuve d’un certain humour – il en faut quand on parle de main tremblante, alors qu’on a utilisé un marteau pour détruire quelque chose…
Mais je reviens sur le fond. L’intitulé de ce texte conjugue immigration et intégration et le projet de loi porte sur le destin des étrangers en France.
Il convient donc de rappeler les faits et une note publiée par l’Insee le 30 mars dernier nous le permet, puisqu’elle porte sur les immigrés et les descendants d’immigrés. Je veux vous en livrer la substance d’autant qu’elle contraste fortement avec ce qu’on entend souvent. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.) Mes chers collègues, vous savez quand même ce qu’est l’Insee ! Malheureusement, il arrive souvent que de tels travaux factuels soient contestés, mais je crois vraiment que nous devons nous garder des fantasmes de l’extrême droite.
Cette note ne dit pas qu’il n’y a pas de difficultés : la population immigrée souffre par exemple de problèmes de logement et de travail ou encore d’un taux élevé de pauvreté monétaire.
Mais il n’y a pas que cela. Ainsi, le niveau de diplôme des descendants d’immigrés et leur répartition par catégorie socioprofessionnelle sont globalement très proches de la moyenne nationale ; un tiers des enfants d’ouvriers immigrés deviennent cadres ou exercent une profession intermédiaire.
On constate une nette ascension sociale qui se double d’un brassage assez rapide : plus d’un descendant d’immigrés sur deux a un parent non immigré ; la mixité des unions augmente au fil des générations et, en matière religieuse, induit une dynamique de sécularisation ; deux tiers des descendants d’immigrés vivent avec une personne sans ascendance migratoire et 90 % des descendants adultes de la troisième génération sont d’ascendance européenne.
Nous sommes donc très loin de l’invasion ! Oui, il y a des catastrophes dans l’intégration – il faut les combattre et c’est ce que nous faisons collectivement –, mais la tendance générale est encourageante. C’est ce qu’il faut retenir. Vous ne voulez pas le voir, vous le niez à travers toutes les caricatures que vous avancez. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 659 et 670.
(Les sous-amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 660 et 672.
(Les sous-amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 661 et 675.
(Les sous-amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 657, modifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains et, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle qu’il s’agit d’un amendement de la commission et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 28 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 226 |
Contre | 119 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4, et les amendements nos 389 rectifié bis, 402 rectifié bis, 404 rectifié bis, 403 rectifié bis, 170 rectifié et 461 rectifié, ainsi que les amendements identiques nos 239 rectifié, 330 rectifié bis et 370 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Mes chers collègues, je vous propose de prolonger nos débats jusqu’à deux heures du matin.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 468 rectifié ter, présenté par M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 414-13 est ainsi rédigé :
« La liste de ces métiers est établie à l’échelle régionale après avis consultatif des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser) de manière tripartite par l’autorité administrative et les organisations syndicales représentatives d’employeurs et de salariés. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Depuis un moment, nous parlons des personnes sans-papiers qui travaillent. D’ailleurs, on entend souvent dire qu’il y a des travailleurs sans-papiers partout, mais il semblerait que personne ne se rende compte qu’ils n’ont pas de papiers…
Il serait donc intéressant de disposer d’un rapport sur l’octroi des titres de séjour dans les métiers en tension et sur l’application des dispositifs existants et leurs limites. Ce rapport devrait également s’attacher à mesurer l’impact des régularisations sur les secteurs économiques concernés.
Un tel rapport est vraiment important. Il nous semble essentiel de prendre la mesure de ce que ces travailleurs représentent dans notre pays et de ce qu’ils apportent à notre économie.
M. le président. L’amendement n° 222 rectifié ter, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, MM. Roiron, Temal, Marie et Tissot, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, M. Kanner, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 414-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après le mot : « établie » sont insérés les mots : « chaque année » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Cette liste peut être modifiée en cours d’année, à l’initiative de l’autorité administrative ou sur demande des organisations syndicales représentatives, en cas d’évolution rapide de la situation du marché de l’emploi. »
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement a pour objet de garantir que la liste des métiers en tension soit actualisée chaque année.
Tout à l’heure, Colombe Brossel évoquait les problèmes qui se posent pour définir ces métiers – on peut quand même parler d’une hypocrisie majeure en la matière.
Quoi qu’il en soit et même si notre sous-amendement n’a pas été adopté, il faut écrire dans la loi que la liste des métiers en tension doit être actualisée chaque année sur l’initiative de l’autorité administrative ou sur demande des organisations syndicales représentatives. En effet, la situation du marché de l’emploi évolue rapidement.
La liste actuelle remonte à avril 2021 et elle n’avait pas été actualisée depuis 2008 ! En novembre 2022, M. Dussopt – qui va visiblement donner son nom à une nouvelle circulaire… – avait annoncé lancer une concertation avec les partenaires sociaux pour actualiser la liste de ces métiers au début de 2023. Nous sommes en novembre et, jusqu’à preuve du contraire, nous sommes toujours sous le régime de la liste d’avril 2021, qui est déconnectée de la réalité du marché de l’emploi. On ne peut pas faire reposer la régularisation des travailleurs sur un mécanisme défaillant.
M. le président. L’amendement n° 476 rectifié bis, présenté par MM. Bitz et Patriat, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 414-13, après le mot : « établie », sont insérés les mots : « et actualisée au moins une fois par an ».
La parole est à M. Olivier Bitz.
M. Olivier Bitz. Cet amendement vise également à prévoir l’annualisation de l’actualisation de la liste des métiers en tension. Il s’agit à la fois de répondre à l’invitation du Conseil d’État de cibler le nouveau dispositif sur certains métiers et certaines zones géographiques et de prévoir une remise à jour régulière de la liste. Nous voulons ainsi concrétiser la volonté du Gouvernement de procéder à une actualisation annuelle.
M. le président. L’amendement n° 393 rectifié bis, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 414-13 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Au moins tous les six mois, l’autorité administrative procède, en accord avec les partenaires sociaux, à une évaluation visant à identifier des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement qui sont, le cas échéant, ajoutées à la liste de ces métiers et zones géographiques. »
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est vrai qu’il est important d’actualiser régulièrement la liste des métiers en tension, si nous voulons que le dispositif soit opérationnel.
L’amendement n° 476 rectifié bis présenté par M. Bitz nous paraît le plus adapté pour cela. Nous y sommes donc favorables et, par conséquent, l’avis de la commission est défavorable sur les autres amendements en discussion commune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 468 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 222 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4, et l’amendement n° 393 rectifié bis n’a plus d’objet.
L’amendement n° 427 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 423-18 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 423-18-… ainsi rédigé :
« Art. 423-18-…. – L’étranger qui justifie par tout moyen être dépourvu d’une protection internationale, qui ne peut pas être renvoyé dans son pays de nationalité ou d’origine pour des raisons humanitaires et risquant la mort, la torture ou tout autre traitement inhumain ou dégradant en cas de renvoi dans son pays de nationalité ou d’origine, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” d’une durée d’un an. La condition prévue à l’article L. 412-1 n’est pas opposable. »
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement a pour objet de résoudre une situation de fait que connaît M. le ministre et dont il a conscience. D’ailleurs, l’article 3 de ce texte avait pour ambition de participer à résoudre une partie de ce problème.
En France, quelques milliers de personnes ne sont ni expulsables ni régularisables. C’est par exemple le cas d’étudiantes afghanes qui sont venues en France et qui se sont retrouvées ensuite sans titre de séjour : même avec une obligation de quitter le territoire français (OQTF), on ne peut évidemment pas les renvoyer en Afghanistan. Une telle situation peut durer très longtemps.
Cela ne représente pas beaucoup de personnes, mais elles vivent dans des limbes juridiques : on ne peut ni les régulariser ni les expulser. Et la France a une position en partie irrationnelle, puisque, en ne voulant pas les régulariser, on les maintient dans la clandestinité, alors qu’on sait très bien qu’on ne peut pas les expulser.
Je sais que Mme Jourda nous accuse d’être pragmatiques, une valeur dans laquelle je peux effectivement me reconnaître, mais il faut savoir que d’autres pays européens, par exemple l’Allemagne, ont justement décidé d’avoir une approche pragmatique, en donnant accès à ces gens au marché du travail.
L’objet de cet amendement est de créer un type de carte de séjour pour les personnes qui sont dans cette situation et j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement sur cette question. Soyons honnêtes avec ces personnes : que faisons-nous d’elles ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Madame Vogel, je ne vous reproche pas d’être pragmatique ; je dis simplement que, si l’on veut faire face à la réalité, il faut avoir des principes – je pense d’ailleurs que vous en avez, mais nous n’avons pas forcément les mêmes…
En ce qui concerne les situations que vous évoquez, il existe déjà un dispositif juridique dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : l’admission exceptionnelle au séjour.
Il ne me semble pas nécessaire d’adopter une autre mesure que celle-là : le droit permet déjà de régler le type de difficulté que vous citez et qui, je le reconnais, est tout à fait réel.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 224 rectifié est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, MM. Roiron, Temal, Marie et Tissot, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, M. Kanner, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 470 rectifié est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’étranger sollicite l’admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, il ne peut être requis aucune pièce justificative nécessitant le concours de son employeur. »
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 224 rectifié.
M. Jérôme Durain. Cet amendement a pour objet de garantir que le demandeur pourra prouver qu’il remplit les conditions exigées – conditions de durée de présence en France et de durée d’activité professionnelle – par tous moyens.
L’article 3 devait permettre à l’étranger de solliciter sa régularisation sans être tributaire de son employeur, comme c’est le cas aujourd’hui. La mise à l’écart de l’employeur dans la procédure de régularisation est une avancée importante de la réforme proposée, mais, en contrepartie, elle rendra nécessairement plus complexe le rassemblement de preuves attestant de la réalité de l’emploi et de sa durée.
C’est la raison pour laquelle il est indispensable de prévoir que ces preuves pourront être établies par tous moyens. Concrètement, cela signifie que le décret en Conseil d’État qui fixera les modalités d’application de cette disposition ne pourra pas établir une liste de documents autorisés.
Il s’agit d’ailleurs d’une garantie qui est mentionnée dans l’étude d’impact qui indique que l’étranger pourra attester, par tous moyens, qu’il remplit les conditions de durée, de présence et d’activité professionnelle qui sont exigées pour la délivrance du titre de séjour « métier en tension ». Formalisons-le dans la loi !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 470 rectifié.
Mme Michelle Gréaume. Tout à l’heure, nous parlions de la circulaire Valls. Cet amendement vise simplement à se prononcer sur la fin du lien de subordination entre l’employeur et l’employé pour une admission exceptionnelle au séjour et au travail.
En effet, la circulaire Valls oblige au dépôt par l’employeur d’un formulaire administratif Cerfa, signé à la préfecture, pour engager les démarches de régularisation.
Or certains employeurs font un chantage au Cerfa ou refusent tout simplement de les signer. Il faut quand même être bien conscient qu’il existe des employeurs voyous : cela les arrange bien d’avoir des salariés à moindre coût et ils jouent sur le fait que ce sont eux qui décident s’ils veulent ou non signer le formulaire.
Prenons le cas de l’entreprise RHTT, une entreprise d’intérim située dans le Xe arrondissement de Paris et en Seine-et-Marne. Ses salariés sont en grève depuis trois semaines pour avoir ce document qui pourrait leur permettre d’obtenir un titre de séjour.
Voilà l’absurdité de la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui, celle d’un système qui fait le jeu de certains patrons qui, eux, s’accommodent bien du travail non déclaré à des tarifs inférieurs au minimum légal et sans payer de cotisations sociales. Voilà la réalité du terrain !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les situations qui sont évoquées ici sont réglées – peut-être pas comme vous le souhaitez ! – par l’adoption de l’amendement n° 657 de la commission.
La commission est donc défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 224 rectifié et 470 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 262 rectifié n’est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 176 rectifié est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 439 rectifié est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre IV du code du travail est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier est complété par une section ainsi rédigée :
« Section… :
« Licenciement d’un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.
« Art. L. 2411-…. – Le licenciement d’un salarié étranger employé en méconnaissance des dispositions de l’article L. 8251-1 et ayant demandé la délivrance de la carte de séjour mentionnée à l’article L. 421-4-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspection du travail.
« Le délai de protection court à compter du dépôt de la demande de carte de séjour auprès de la préfecture et jusqu’à six mois après la réponse de celle-ci. » ;
2° Le chapitre II est complété par une section ainsi rédigée :
« Section… :
« Étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.
« Art. L. 2412-…. – La rupture du contrat de travail à durée déterminée d’un salarié étranger employé en méconnaissance des dispositions de l’article L. 8251-1 et ayant demandé la délivrance de la carte de séjour mentionnée à l’article L. 421-4-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspection du travail.
« Le délai de protection court à compter du dépôt de la demande de carte de séjour auprès de la préfecture et jusqu’à six mois après la réponse de celle-ci. »
La parole est à M. Sébastien Fagnen, pour présenter l’amendement n° 176 rectifié.
M. Sébastien Fagnen. Cet amendement vise à octroyer des protections supplémentaires aux travailleurs sans titre qui engageraient une démarche de régularisation afin de les protéger des éventuelles mesures de rétorsion de leur employeur.
Il peut arriver – ce n’est pas la majorité des cas – que la relation entre un employeur et un employé soit proche de celle qui prévaudrait entre un exploiteur et un exploité et on peut imaginer qu’un employeur engage des mesures coercitives allant jusqu’au licenciement du travailleur sans titre.
Par conséquent, nous vous proposons d’octroyer le statut de salarié protégé aux travailleurs sans titre le temps de la durée de l’instruction de leur demande de régularisation.
En supprimant l’article 3, notre assemblée n’a malheureusement pas reconnu celles et ceux qui sont pourtant essentiels à la croissance économique de notre pays. Ils demeureront donc invisibles aux yeux de la République. Faisons au moins en sorte de leur octroyer cette protection élémentaire, en les préservant de toute mesure de rétorsion que pourrait engager leur employeur dès lors qu’il serait informé de leur démarche de régularisation.
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 439 rectifié.
Mme Marianne Margaté. Notre amendement vise également à protéger contre les éventuelles mesures de rétorsion prises par l’employeur les travailleurs sans-papiers qui demanderaient une régularisation pour motif professionnel.
En effet, un employeur qui apprendrait la démarche de régularisation engagée par son salarié pourrait procéder à son licenciement par crainte d’une sanction de la part de l’administration. Le monde du travail n’est pas pavé de bonnes intentions et le salariat se caractérise par un lien de subordination entre l’employeur et l’employé. Certains des employeurs qui salarient des sans-papiers sont peu scrupuleux.
Notre amendement vise à éviter tout effet pervers afin de mettre fin aux situations de clandestinité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ces amendements concernent un dispositif qui a été supprimé. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Madame la rapporteure, vu le calendrier fixé par la conférence des présidents pour le dépôt des amendements, il était inévitable que certains d’entre eux ne soient plus adaptés à l’état de la discussion, d’autant que le Sénat a finalement décidé de supprimer ou de réécrire complètement certains articles.
On ne peut pas simplement balayer ce type d’amendement d’un revers de main, surtout quand ils soulèvent des problèmes de fond. Ce n’est pas parce que l’amendement n’est plus adapté à l’état du texte que le problème qu’il soulève n’existe pas !
J’ai un peu l’impression, en écoutant nos échanges, que nous revivons d’une certaine manière les grands débats philosophiques du XIXe siècle entre matérialistes et idéalistes. On peut rêver d’un certain monde, se l’imaginer, mais il n’en demeure pas moins que c’est la réalité qui s’impose à nous. Et comme le disait Pascal Savoldelli, il existe aujourd’hui une forme de conflit social invisible.
Je comprends votre argument, madame la rapporteure, mais nous devrons absolument retravailler ces sujets lors de la navette parlementaire – j’espère d’ailleurs que les débats de l’Assemblée nationale seront aussi respectueux que les nôtres.
Il faut prendre en compte la question soulevée par ces amendements, car les travailleurs sans-papiers sont parfois menacés. Si nous ne faisons rien, cela ne peut qu’encourager les pratiques de certains employeurs – je l’ai déjà dit, loin de moi l’idée de considérer que tous les employeurs agissent ainsi.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 176 rectifié et 439 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 616 rectifié bis, présenté par M. Sautarel, Mme Lavarde, MM. Burgoa, Paccaud et Bouchet, Mme Petrus, MM. Panunzi et Bas, Mme Dumont, MM. Anglars, Belin et Rapin, Mme Bellurot, MM. Perrin, Rietmann et Genet, Mmes Drexler, Bonfanti-Dossat et Imbert et MM. de Legge et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 421-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Chaque année, au plus tard le 1er novembre de l’année précédente, le Parlement vote les prévisions quant au nombre de travailleurs étrangers qui seront admis pendant la prochaine année. Ces futurs travailleurs étrangers ont vocation à travailler dans les domaines dits en tension dont la liste des métiers et des zones géographiques caractérisées par des difficultés de recrutement figure à l’article L. 414-13.
« En cas de situation exceptionnelle, le Parlement peut revoir les prévisions votées en les adaptant à la situation.
« Un décret pris en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. Dans le débat qui nous anime, notre pays a aussi besoin de se projeter, d’organiser et de maîtriser l’immigration économique. Outre la question des stocks qui nous a mobilisés avec l’article 3 et sur laquelle je ne reviendrai pas, il convient de traiter les flux.
Cet amendement vise à mettre en place une politique de maîtrise des flux qui relèvera chaque année du Parlement. En effet, avant le 1er novembre, le Parlement devra voter les prévisions du nombre d’étrangers qui seront admis l’année suivante afin de travailler dans les domaines dits en tension, en termes à la fois de métier et de territoire.
Si besoin, le Parlement pourra modifier par un nouveau vote les prévisions en cas de situation exceptionnelle, afin que les chiffres correspondent réellement aux besoins du pays.
Ainsi, cet amendement vise à maîtriser les flux migratoires économiques à venir. Il vient compléter le titre Ier qui vise à redonner des pouvoirs au Parlement.
M. le président. L’amendement n° 617 rectifié bis, présenté par MM. Sautarel, Paccaud et Bouchet, Mme Petrus, MM. Panunzi et Bas, Mme Dumont, MM. Anglars, Belin et Rapin, Mme Bellurot, MM. Perrin, Rietmann et Genet, Mmes Drexler et Imbert et MM. de Legge et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement dans l’année qui suit la publication de la présente loi sur la possibilité de mise en place d’un vote par le Parlement sur les prévisions quant au nombre de travailleurs étrangers qui seront admis pendant la prochaine année. Le rapport évalue notamment la faisabilité, les modalités d’un tel vote ainsi que les conditions qui pourraient être exigées.
La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. Il s’agit d’un amendement de repli qui vise à ce que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur les prévisions du nombre de travailleurs étrangers qui seront admis l’année suivante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a eu la même idée que les cosignataires, dont M. Sautarel, de l’amendement n° 616 rectifié bis, puisqu’elle a inséré dans le texte l’article 1er A qui prévoit qu’un débat aura lieu chaque année au Parlement et que celui-ci déterminera, pour trois ans, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, ce qui inclut l’immigration économique.
Il nous semble donc que cet amendement est satisfait, si bien que nous en demandons le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Quant à l’amendement n° 617 rectifié ter, vous savez, mon cher collègue, que par principe la commission des lois n’accepte pas les demandes de rapport. C’est pourquoi, là aussi, nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Sautarel, les amendements nos 616 rectifié bis et 617 rectifié bis sont-ils maintenus ?
M. Stéphane Sautarel. J’ai moi-même été surpris que l’amendement n° 616 rectifié bis soit placé à ce moment de la discussion ; il aurait été préférable en effet de l’examiner en même temps que l’article 1er A.
Il visait à apporter une réponse spécifique sur l’immigration économique avec une démarche qui n’était pas exactement la même que celle de la commission, mais au regard de ce qui a été adopté à l’article 1er A et de l’avis rendu par la commission, je retire cet amendement.
Je retire également l’amendement n° 617 rectifié bis qui était un amendement de repli.
M. le président. Les amendements nos 616 rectifié bis et 617 rectifié bis sont retirés.
L’amendement n° 533, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 436-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) Le taux : « 55 % » est remplacé par le taux : « 75 % » ;
b) Le nombre : « 2,5 » est remplacé par le nombre : « 4,5 » ;
2° Aux cinquième et septième alinéas, les montants : « 50 euros » et « 300 euros » sont respectivement remplacés par les montants : « 100 euros » et « 1 000 euros ».
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Je propose une augmentation substantielle des taxes sur l’embauche des travailleurs étrangers.
Cette mesure permet de lutter contre la concurrence déloyale des travailleurs étrangers ou salariés détachés, qui constituent une main-d’œuvre attractive pour les entreprises françaises en raison, notamment, de leurs exigences salariales moins élevées.
Pour rappel, le taux de chômage incompressible est estimé à 5 %. Au deuxième trimestre 2023, le chômage en France s’élève à 7,2 %. Cette taxe est une mesure de protection sociale en direction des travailleurs français, mais aussi des entrepreneurs. En limitant l’appel d’air migratoire, elle allège la charge sociale sur les salaires assumée par les patrons et subie par les salariés.
Enfin, pour ne pas aggraver le cas des secteurs les plus en tension, notamment l’agriculture et la viticulture, je prévois que les emplois saisonniers ne seront pas concernés par l’augmentation de cette taxe à l’embauche des travailleurs étrangers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous sommes défavorables à cet amendement, car nous ne sommes pas opposés au travail d’étrangers en situation régulière. C’est une réalité dans notre pays, et il ne me paraît pas très cohérent de rendre ce travail plus difficile, y compris pour des TPE et PME qui recourent aussi à une main-d’œuvre étrangère d’une façon totalement régulière.
Nous devons, me semble-t-il, encourager la régularité du travail, plutôt que de la décourager.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 575 rectifié, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Belin, Duffourg, Klinger et Bouchet, Mmes V. Boyer et Belrhiti, MM. Reynaud, Laugier, Cambier et Bas, Mme Berthet, MM. Genet et Favreau, Mmes Jacques et Bellurot, MM. Karoutchi, Somon, Tabarot, Gremillet et Menonville, Mmes Lopez et Canayer et M. Khalifé, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa de l’article L. 5221-7 du code du travail, les mots : « peut échanger » sont remplacés par le mot : « sollicite ».
La parole est à M. Christian Klinger.
M. Christian Klinger. Cet amendement a pour but de renforcer les exigences en matière de délivrance de l’autorisation de travail nécessaire à l’octroi du titre de séjour mention « salarié » pour les étrangers souhaitant travailler en France.
Cette formulation obligerait désormais l’autorité administrative à solliciter des informations auprès d’autres organismes pour mieux contrôler les demandes d’autorisation de travail. L’autorité administrative s’assurerait d’un examen complet et rigoureux de chaque demande afin d’éviter les abus ou les fraudes potentielles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
En effet, en 2022, il a été procédé à l’examen de près de 240 000 demandes d’autorisation, ce qui est considérable, et 4 000 d’entre elles ont été refusées. Nous avons un dispositif qui permet à l’administration de se concentrer sur les dossiers sur lesquels il peut y avoir une suspicion de fraude. Il me semble que nous pouvons nous en contenter, car il est relativement efficace et ne crée pas une charge disproportionnée pour l’administration.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Klinger. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 587, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le premier alinéa de l’article L. 526-22 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le statut d’entrepreneur individuel n’est pas accessible aux étrangers ressortissants de pays non membres de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ne disposant pas d’un titre de séjour les autorisant à exercer sous ce statut. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. J’ai déjà défendu cet article 5, qui a été supprimé par votre commission des lois. Aujourd’hui, une des filières d’immigration irrégulière les plus importantes provient de la création d’autoentreprises sans vérification du titre de séjour. Aussi étonnant que cela puisse paraître, on peut créer son autoentreprise sans avoir à justifier de façon incontestable de la régularité de son séjour. Il est donc possible de travailler pour des plateformes, de payer des impôts, des cotisations sociales ; à la fin des fins, les intéressés reçoivent un document de Bercy leur disant que, de ce fait, ils sont régularisables.
Si nous voulons lutter contre ces flux d’immigration irrégulière – je rappelle que plus de 100 000 autoentrepreneurs travaillent pour des plateformes –, il faut pouvoir demander de prouver la régularité de son séjour.
Certes, le Conseil d’État a considéré qu’une grande partie de ces dispositions relevaient du domaine réglementaire, mais, compte tenu des difficultés que rencontre l’État pour réguler ce secteur d’activité, je pense qu’il n’est pas superflu de faire intervenir la loi, une partie du dispositif relevant de toute façon du domaine législatif.
Je veux dire aux auteurs des deux autres amendements de rétablissement qu’il me plairait qu’ils les retirent, l’amendement du Gouvernement étant, me semble-t-il, mieux rédigé. Nous avons notamment remarqué que les citoyens de l’Espace économique européen, par exemple du Liechtenstein, ainsi que les ressortissants suisses, n’étaient pas concernés par la première version de la mesure du Gouvernement. Le ministère de l’économie nous a également fait remarquer que nous avions oublié un deuxième régime d’autoentreprise, en voie d’extinction, qui concerne quelques centaines de personnes. À ces deux détails près, les deux autres amendements sont exactement les mêmes, et ils obéissent à la même philosophie : il s’agit de rétablir l’article 5 pour lutter contre cette filière d’immigration irrégulière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. On retrouve en effet la même philosophie dans ces trois amendements. Il est aussi exact que l’amendement du Gouvernement est plus complet, puisqu’il prend en compte une observation faite dans notre rapport. Je suis très heureuse que vous l’ayez lu et que vous vous en soyez inspiré, monsieur le ministre… (Sourires.)
Je dirai même que la commission et le Gouvernement ont la même philosophie. Ainsi, nous sommes d’accord avec le contenu de ces amendements, mais il nous est apparu, à la lecture de l’avis du Conseil d’État, qu’ils étaient déjà satisfaits. Nous avons donc une différence d’interprétation, ce qui nous a amenés à donner un avis défavorable, même si nous sommes d’accord avec ce que vous souhaitez faire. (Sourires.)
Avis défavorable sur un sujet sur lequel nous sommes d’accord… (Nouveaux sourires.)
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 128 est présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.
L’amendement n° 368 rectifié est présenté par MM. Duffourg et Verzelen, Mme Lermytte, M. Hingray, Mme P. Martin et MM. Wattebled et Gremillet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le premier alinéa de l’article L. 526-22 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le statut d’entrepreneur individuel n’est pas accessible aux étrangers ressortissants de pays non membres de l’Union européenne ne disposant pas d’un titre de séjour les autorisant à exercer cette activité professionnelle. »
La parole est à M. Christopher Szczurek, pour présenter l’amendement n° 128.
M. Christopher Szczurek. Nous proposons le rétablissement de l’article 5, initialement supprimé par la commission des lois. Si ces dispositions figurent déjà en partie dans le Ceseda, le texte qui nous est présenté est l’occasion de définir précisément les conditions d’accession au statut d’autoentrepreneur pour les étrangers.
En inscrivant ces dispositions dans le code de commerce, nous souhaitons limiter les abus constatés, particulièrement dans certains secteurs économiques, comme la livraison, qui recourent aux services d’étrangers en situation irrégulière ayant créé une autoentreprise pour pouvoir travailler. La loi doit garantir l’égalité des personnes, particulièrement des étrangers exerçant une activité professionnelle. Il s’agit donc d’inscrire directement dans le code de commerce l’obligation pour un étranger extracommunautaire de disposer d’un titre de séjour valide et lui permettant de travailler pour créer son autoentreprise.
M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour présenter l’amendement n° 368 rectifié.
Mme Pauline Martin. Cet amendement a pour objet de restaurer l’article 5 du projet de loi initial. Il vise à subordonner la création d’une entreprise individuelle à la régularité du séjour de son fondateur en créant une obligation générale pour les ressortissants étrangers de pays tiers de justifier que le document de séjour en leur possession leur permet d’accéder au statut d’autoentrepreneur, qu’il est en cours de validité et l’autorise à exercer l’activité professionnelle liée à ce statut.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Comme je l’ai expliqué précédemment, la commission est défavorable au rétablissement de l’article 5. Cependant, si vous n’avez pas envie de la suivre, mes chers collègues, je vous engage plutôt à voter l’amendement du Gouvernement, qui est mieux rédigé. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Linkenheld. Quelle entente !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Eh oui, ça nous arrive aussi !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. J’ai rarement vu un avis défavorable d’un rapporteur aussi favorable. Puisque nous sommes par ailleurs responsables et partisans d’une politique de fermeté, je pense que ce que nous propose M. le ministre est de bon aloi. Nous pourrions nous y rallier collectivement, mes chers amis de la majorité sénatoriale… Qu’en pensez-vous ?
Mme Audrey Linkenheld. Une nouvelle circulaire Retailleau ?
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.
M. Stéphane Ravier. L’ubérisation entraîne une offre de moins-disant social et salarial créant une trappe à très bas salaires qui devient une niche pour les étrangers, souvent en situation irrégulière, cherchant à subsister par leurs propres moyens.
Selon le journal Capital, deux tiers des livreurs Uber Eats et Deliveroo sont des clandestins. Il y a un mariage de raison entre l’immigration massive et l’ubérisation. Les normes de droit positif en vigueur ont beau se multiplier, elles semblent incapables de réguler ce secteur.
Rien ne sert de signer des chartes entre l’État et les plateformes. Il est impératif de contrôler l’immigration clandestine en amont. Le spectacle des ballets de livreurs dans les métropoles françaises le jour, mais surtout à la nuit tombante, est le reflet une société non pas de progrès, mais de régression vers la tiers-mondisation.
Si le paravent des murs de nos domiciles était levé, nous verrions l’impudeur de la situation : des immigrés exploités, quelle que soit la météo, arc-boutés sur leurs destriers métalliques. Ils sont au service des plateformes étrangères qui mettent en concurrence les commerces d’alimentation et tuent les plus petits ou les plus qualitatifs d’entre eux, pendant que nous revendiquons le confort de pouvoir accueillir le coursier, souvent étranger, à notre domicile, avant de lui refermer la porte au nez, le sourire satisfait. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Contemplez le cynisme ! L’esclavage est devenu une habitude. Il s’est progressivement installé sur nos pistes cyclables, dans nos cages d’escalier, dans nos halls d’immeuble. Le grand remplacement de nos modes de vie, ce n’est pas seulement l’arrivée massive des autres, c’est le changement profond de ce que nous sommes, d’un savoir-être que notre civilisation a élevé au rang d’art et de philosophie. L’art de la table disparaît aussi bien que le respect de la dignité humaine.
Le garde des sceaux avait affiché sans filtre cette conception qui est la vôtre. Je reprends ses propos : « Si les Arabes et les immigrés quittent la France, vous êtes dans la merde pour faire votre ménage ! » Toute la poésie de M. Dupond-Moretti ! De la charité de bidet et de la politique de caniveau ! Comme disait Ruy Blas : « Bon appétit, messieurs ! Ô ministères intègres ! » Ne comptez pas sur moi pour voter ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Bien évidemment, chacun est libre de dire ici ce qu’il veut, mais il serait bon d’éviter le déversement de torrents de haine, qui ne font pas avancer le débat et ne permettent pas de mener une réflexion collective sur ce sujet. C’est peut-être un vœu pieux, mais j’y tiens !
Monsieur Ravier, je vous ai bien écouté. Avec un peu d’ironie, je dirai que vous avez parfaitement raison, et nous sommes un certain nombre à avoir dénoncé ce phénomène depuis longtemps. La problématique de l’ubérisation de notre société est une catastrophe, d’abord pour ceux qui travaillent au service de ces plateformes, les nouveaux exploiteurs du XXIe siècle. Ce qui est terrible, c’est que nous savons tous qu’il y a énormément de travailleurs sans-papiers concernés, mais qui les fait vivre ? Qui fait vivre aujourd’hui ces plateformes ?
L’heure tardive m’autorise à manier un peu la caricature. Ce n’est pas inutile pour se dire deux ou trois vérités.
Les utilisateurs, ce sont des Français nés en France, qui travaillent, qui ont les moyens, qui vivent dans les métropoles, parfois en périphérie, voire en zone rurale, l’ubérisation s’étendant de plus en plus. Ces Français, finalement, alimentent, chacun à leur façon, la cohorte formée par ces travailleurs des plateformes.
Je ne sais pas qui est responsable du mal dans notre pays. Je ne sais d’ailleurs pas si c’est un mal : au lieu d’alimenter ce torrent de haine, prenez les choses avec sérénité.
Il n’y a pas que les méchants immigrés qui viennent en France…
M. Christopher Szczurek. Personne ne dit ça !
Mme Cécile Cukierman. Il y a aussi celles et ceux qui utilisent plus que de raison ces plateformes pour satisfaire leurs petits besoins du quotidien.
M. Stéphane Ravier. Vous ne les utilisez pas, bien sûr !
M. le président. En conséquence, l’article 5 est rétabli dans cette rédaction, et les amendements nos 128 et 368 rectifié n’ont plus d’objet.
Après l’article 5
M. le président. L’amendement n° 465, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’impact de l’octroi d’un titre de séjour pluriannuel aux travailleurs des professions médicales réglementées qui exerce en France.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Nous abordons ici un sujet déterminant pour l’avenir de l’hôpital public, qui, aujourd’hui, fonctionne avec l’apport de plus de 5 000 travailleurs de professions médicales réglementées étrangers, lui permettant de tenir tant bien que mal.
Alors que leur présence est indispensable, les conditions de régularisation de ces travailleurs sont particulièrement dures.
Déjà, en 2019, dans le cadre des débats sur l’article 21 de la loi relative à l’organisation et la transformation du système de santé, notre groupe avait souligné la situation précaire de ces personnels.
Il est important, à nos yeux, d’examiner précisément à ce jour la situation de ces professionnels de santé étrangers, tant les procédures de régularisation demeurent longues et complexes.
Comment ne pas désespérer de la lenteur et de la faiblesse des moyens mis en œuvre pour accélérer l’entrée totale en exercice des personnels dits praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) ? Ce qui est vrai pour les personnels exerçant à l’hôpital public l’est aussi pour les personnels de médecine générale, dont le manque criant n’est plus à démontrer. Je ne refais pas les débats que nous avons eus ici même encore récemment.
La procédure d’autorisation d’exercice des Padhue doit être accélérée et il faut très rapidement faire un état des lieux pour lever les blocages. Tel est l’objet de cette demande de rapport.
Ces femmes et ces hommes qui ont vocation à soigner, dans un contexte de tension considérable de notre système de santé, ne peuvent plus attendre.
J’ajoute pour conclure que j’ai le souvenir d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, en 2018 ou 2019, où nous avions voté ici, à la faveur d’un amendement transpartisan, le principe d’un certain nombre d’expérimentations en la matière. Cette mesure n’avait pas été reprise par l’Assemblée nationale. Si nous continuons à ne rien faire, année après année, nous allons sacrifier l’hôpital public et la santé des Français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. C’est une demande de rapport, donc l’avis est défavorable. J’ajoute quand même que l’étude d’impact jointe au projet de loi contient un certain nombre d’éléments intéressants sur les Padhue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Avis défavorable. C’est tout l’objet de l’article 7, dont nous allons discuter juste après. Le sujet auquel vous faites allusion est suivi au cas par cas.
Mme Cécile Cukierman. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 465 est retiré.
Article 6
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Dans l’intitulé de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre IV, les mots : « du “passeport talent” » sont remplacés par les mots : « d’un titre de séjour portant la mention “talent” » ;
2° Dans l’ensemble des dispositions législatives du même code, les mots : « passeport talent » sont remplacés par le mot : « talent » ;
2° bis (nouveau) L’article L. 421-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 421-9. – Sous réserve de justifier du respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État, se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention “talent-salarié qualifié” d’une durée maximale de quatre ans, l’étranger qui se trouve dans l’une des situations suivantes :
« 1° Exerce une activité professionnelle salariée et a obtenu, dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national, un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret ;
« 2° Est recruté dans une jeune entreprise innovante réalisant des projets de recherche et de développement, telle que définie à l’article 44 sexies-0 A du code général des impôts, ou dans une entreprise innovante reconnue par un organisme public pour exercer des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement de cette entreprise ou avec son développement économique, social, international et environnemental ;
« 3° Vient en France dans le cadre d’une mission entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe et qui justifie, outre d’une ancienneté professionnelle d’au moins trois mois dans le groupe ou l’entreprise établi hors de France, d’un contrat de travail conclu avec l’entreprise établie en France.
« Les critères permettant à un organisme public de reconnaître une entreprise innovante, telle que mentionnée au 2° du présent article, sont définis par décret et leur liste est publiée par voie réglementaire.
« Cette carte permet l’exercice de l’activité professionnelle salariée ayant justifié sa délivrance.
« Par dérogation à l’article L. 433-1, lorsque l’étranger bénéficiaire de cette carte dans les conditions prévues aux 1° et 2° se trouve involontairement privé d’emploi à la date du renouvellement de sa carte, celle-ci est renouvelée pour une durée équivalente à celle des droits qu’il a acquis à l’allocation d’assurance mentionnée à l’article L. 5422-1 du code du travail. » ;
2° ter (nouveau) Les articles L. 421-10 et L. 421-13 sont abrogés ;
2° quater (nouveau) À l’article L. 412-4, au 7° de l’article L. 413-5 et aux articles L. 422-11 et L. 433-1, la référence : « , L. 421-10 » est supprimée ;
2° quinquies (nouveau) À l’article L. 312-2, au a du 7° de l’article L. 364-2, au a du 6° des articles L. 365-2 et L. 366-2, au 2° des articles L. 411-1 et L. 411-4, aux articles L. 421-7, L. 421-8, L. 421-22, L. 432-2 et L. 432-5, les mots : « L. 421-9 à L. 421-11 » sont remplacés par les mots : « L. 421-9 et L. 421-11 » ;
2° sexies (nouveau) À l’article L. 312-2, aux 2° des articles L. 411-1 et L. 411-4, aux articles L. 421-7, L. 421-8, L. 421-22, L. 432-2 et L. 432-5, la référence : « L. 421-13 » est remplacée par la référence : « L. 421-14 » ;
2° septies (nouveau) À l’article L. 412-4 et au 7° de l’article L. 413-5, les références : « , L. 421-10, L. 421-13 » sont supprimées ;
3° À l’article L. 421-8, les références : « L. 421-17, L. 421-18, » sont supprimées ;
3° bis (nouveau) Aux 8° et 9° de l’article L. 426-18, les mots : « à l’article L. 421-13 » sont remplacés par les mots : « au 3° de l’article L. 421-9 » ;
4° L’article L. 421-16 est ainsi rédigé :
« Art. L. 421-16. – Se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention “talent-porteur de projet” d’une durée maximale de quatre ans, l’étranger qui se trouve dans l’une des situations suivantes :
« 1° Ayant obtenu un diplôme équivalent au grade de master ou pouvant attester d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans d’un niveau comparable, justifie d’un projet économique réel et sérieux et crée une entreprise en France ;
« 2° Justifie d’un projet économique innovant, reconnu par un organisme public ;
« 3° Procède à un investissement économique direct en France.
« Cette carte permet l’exercice d’une activité commerciale en lien avec le projet économique ayant justifié sa délivrance. » ;
5° Les articles L. 421-17 et L. 421-18 sont abrogés ;
6° (nouveau) Au 7° des articles L. 442-2 et L. 443-2, la référence : « L. 421-10 » est remplacée par la référence : « L. 421-9 » ;
7° (nouveau) Les tableaux constituant le second alinéa des articles L. 444-1, L. 445-1 et L. 446-1 sont ainsi modifiés :
a) À la douzième ligne de la première colonne, la référence : « L. 421-13 » est remplacée par les mots : « 3° de l’article L. 421-9 » ;
b) À la treizième ligne de la même première colonne, la référence : « L. 421-17 » est remplacée par les mots : « 2° et 3° de l’article L. 421-16 » ;
8° (nouveau) L’article L. 444-2 est ainsi modifié :
a) Aux 5°, 24°, 31°, 46° et 47°, les mots : « L. 421-9 à L. 421-11 » sont remplacés par les mots : « L. 421-9 et L. 421-11 » ;
b) Aux a du 8°, b du 12° et 35°, la référence : « , L. 421-10 » est supprimée ;
c) Au b du 50°, la référence : « , L. 421-10, » est remplacée par le mot : « et » ;
d) Le 23° est ainsi rédigé :
– la référence : « L. 421-13, » est supprimée ;
– la référence : « L. 421-17 » est remplacée par la référence : « L. 421-19 » ;
– après la référence : « L. 421-21 », sont insérés les mots : « et au 3° de l’article L. 421-9, ainsi qu’aux 2° et 3° de l’article L. 421-16 » ;
e) Le 26° est ainsi rédigé :
« 26° Le dernier alinéa de l’article L. 421-16 ne s’applique pas à l’étranger porteur d’un projet économique en France qui satisfait aux conditions prévues aux 2° et 3° du même article L. 421-16 ; »
f) Le 27° est ainsi modifié :
– la référence : « L. 421-18 » est remplacée par la référence : « L. 421-16 » ;
– les mots : « et le second alinéa est supprimé » sont supprimés ;
9° (nouveau) L’article L. 445-2 est ainsi modifié :
a) Aux 4°, 23°, 31°, 46° et 47°, les mots : « L. 421-9 à L. 421-11 » sont remplacés par les mots : « L. 421-9 et L. 421-11 » ;
b) Aux a du 7°, b du 11° et 35°, la référence : « L. 421-10, » est supprimée ;
c) Au b du 51°, la référence : « , L. 421-10 » est remplacée par le mot : « et » ;
d) Le 22° est ainsi modifié :
– la référence : « L. 421-17 » est remplacée par la référence : « L. 421-19 » ;
– après la référence : « L. 421-21 », sont insérés les mots : « et au 3° de l’article L. 421-9, ainsi qu’aux 2° et 3° de l’article L. 421-16 » ;
e) Au début du premier alinéa du 24°, les mots : « À l’article L. 421-13 » sont remplacés par les mots : « Au 3° de l’article L. 421-9 » ;
f) Le 26° est ainsi rédigé :
« 26° Le dernier alinéa de l’article L. 421-16 ne s’applique pas à l’étranger porteur d’un projet économique en France qui satisfait aux conditions prévues aux 2° et 3° du même article. » ;
g) Le 27° est ainsi modifié :
– la référence : « L. 421-18 » est remplacée par la référence : « L. 421-16 » ;
– les mots : « et le second alinéa est supprimé » sont supprimés ;
10° (nouveau) L’article L. 446-2 est ainsi modifié :
a) Aux 4°, 23°, 31°, 46° et 47°, les mots : « L. 421-9 à L. 421-11 » sont remplacés par les mots : « L. 421-9 et L. 421-11 » ;
b) Aux a du 7°, b du 11°, 35° et 52°, la référence : « L. 421-10, » est supprimée ;
c) Au b du 52°, la référence : « , L. 421-10, » est remplacée par le mot : « et » ;
d) Le 22° est ainsi modifié :
– la référence : « L. 421-13, » est supprimée ;
– la référence : « L. 421-17 » est remplacée par la référence : « L. 421-19 » ;
– après la référence : « L. 421-21 », sont insérés les mots : « et au 3° de l’article L. 421-9, ainsi qu’aux 2° et 3° de l’article L. 421-16 » ;
e) Au début du premier alinéa du 24°, les mots : « À l’article L. 421-13 » sont remplacés par les mots : « Au 3° de l’article L. 421-9 » ;
f) Le 26° est ainsi rédigé :
« 26° Le dernier alinéa de l’article L. 421-16 ne s’applique pas à l’étranger porteur d’un projet économique en France qui satisfait aux conditions prévues aux 2° et 3° du même article L. 421-16 ; »
g) Le 27° est ainsi modifié :
– la référence : « L. 421-18 » est remplacée par la référence : « L. 421-16 » ;
– les mots : « et le second alinéa est supprimé » sont supprimés.
II. – Au 3° de l’article L. 5523-2 du code du travail, les mots : « passeport talent » sont remplacés par le mot : « talent ».
III (nouveau). – Au septième alinéa du IV de l’article L. 542-6 du code de l’action sociale et des familles, le mot : « passeport » est supprimé.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Je suis resté silencieux jusque-là, mais j’ai bien écouté toutes les interventions de ce débat, qui est de qualité. Le mérite en revient à la commission des lois et aux rapporteurs, qui ont effectué un travail remarquable.
L’article 6 a pour objet de fusionner les titres « passeport talent » et de simplifier leur dénomination. À la lecture du rapport, très dense, j’ai appris qu’il y avait onze catégories de demandeurs de cartes pluriannuelles, d’une durée de quatre ans au moins, pour les créateurs d’entreprises, investisseurs économiques, jeunes diplômés qualifiés, porteurs de projets innovants, chercheurs, etc. Il est fait mention d’un rapport de François-Noël Buffet datant de septembre 2015,…
M. Laurent Burgoa. Excellent rapport !
M. Marc Laménie. … qui chiffrait à 10 000 le nombre de « passeports talent » délivrés chaque année.
Ces titres, qui concernent également les familles, représentent une proportion modeste de l’ensemble des titres de séjour. Il y en a eu 12 308 en 2021 et 17 000 en 2022.
La commission a opté pour une fusion de tous ces titres en un titre « talent-salarié qualifié » pour simplifier l’instruction des demandes et améliorer l’attractivité du « passeport talent ». Ce dispositif est intéressant, dans la mesure où il permet d’attirer des gens de qualité sur notre sol. J’irai dans le sens de la commission sur cet article 6.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 629, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 13
Supprimer les mots :
À l’article L. 412-4, au 7° de l’article L. 413-5 et
II. – Alinéa 29
Compléter cet alinéa par les mots :
et L. 421-19
III. – Après l’alinéa 47
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
– la référence : « L. 421-13, » est supprimée ;
IV. – Alinéa 50
Remplacer la référence :
3°
par les mots :
premier alinéa
V. – Alinéa 58
Remplacer les mots :
, 35° et 52°
par les mots :
et 35°
VI. – Alinéa 64
Supprimer les mots :
À l’article
et les mots :
Au 3° de l’article
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
I. – La sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 421-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 421-13-1. – L’étranger qui bénéficie d’une décision d’affectation, d’une attestation permettant un exercice temporaire ou d’une autorisation d’exercer mentionnées aux articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique, qui occupe un emploi au titre d’une des professions mentionnées aux articles L. 4111-1 et L. 4221-12-1 du même code, et justifie du respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État, se voit délivrer une carte pluriannuelle portant la mention “talent – profession médicale et de la pharmacie” d’une durée maximale de 4 ans.
« La carte mentionnée au premier alinéa du présent article permet l’exercice de l’activité professionnelle ayant justifié sa délivrance. »
II. – (Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 129 est présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.
L’amendement n° 534 rectifié bis est présenté par M. Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christopher Szczurek, pour présenter l’amendement n° 129.
M. Christopher Szczurek. Nous demandons la suppression de l’article 7, qui crée une carte de séjour pluriannuelle « talent-profession médicale et de la pharmacie ». Ce dispositif, qui vise à favoriser la venue d’immigrés disposant de compétences médicales et pharmaceutiques, ne répond pas à la crise de notre système de santé et n’est pas moralement ni politiquement acceptable.
Les pays étrangers, particulièrement africains, n’ont pas à payer l’effondrement de notre système de santé, provoqué par six ans de présidence Macron et trente ans de majorité socialiste ou LR. Nous ne pouvons pas dépouiller les pays du sud de leurs forces vives en favorisant le départ de leurs meilleurs éléments, au risque de déstabiliser encore plus les systèmes de santé locaux. (Mme Audrey Linkenheld ironise.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 534 rectifié bis.
M. Stéphane Ravier. Cet amendement a pour objet de supprimer la création de deux cartes de séjour pluriannuelles à destination des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne.
C’est formidable de voir comment vous faites de la politique, madame, monsieur les ministres !
En 2018, le Président Macron présente un grand plan pour la santé appelé « Ma santé 2022 » – parlait-il de la sienne ? –, censé structurer notre système « pour les cinquante prochaines années ».
En 2020, nous avons eu le Ségur de la Santé, et, en 2021, le plan « Innovation Santé 2030 ».
En 2022, on assiste aux premiers vœux au monde de la santé par le Président de la République, avec l’annonce de la « refondation d’un système à bout de souffle ».
En 2023, toujours pas de refondation, alors, allons-y pour l’immigration !
Ce projet de loi est une véritable fusée à étages. Dès qu’une politique publique a capoté sous votre responsabilité, on bouche les trous par de l’immigration. C’est avoir la vue un peu trop courte !
La solution miracle serait ainsi de recourir aux praticiens des professions médicales étrangères diplômés hors Union européenne, avec les risques de barrière de la langue et de non-partage de nos valeurs que cela représente. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Cette disposition n’incite pas l’État à réformer ses politiques à destination des zones géographiques médicalement sous-dotées.
Vous avez supprimé le numerus clausus, mais le numerus apertus qui le remplace pose cependant autant de problèmes aux potentiels étudiants en médecine. Ce sont toujours des quotas trop restreints qui ne règlent rien : il manque des lits pour former, car ils ont été fermés par vous et vos prédécesseurs ; il manque également des médecins formateurs, parce qu’ils sont partis à la retraite ou qu’ils ont subi les affres de l’hôpital.
Il faut regarder en face cette grosse tache sur votre tableau, et non pas la recouvrir d’une couche d’immigration supplémentaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le sujet, très complexe, des Padhue a déjà été traité par la commission des affaires sociales. Il est d’ailleurs probable que certains collègues, dans cet hémicycle, auraient plus de capacités pour en parler.
Il s’agit de faire venir des médecins de territoires hors Union européenne. J’ai tendance à partager l’avis d’un des auteurs des amendements sur le risque de dépouiller un certain nombre de pays de leurs médecins.
À leur arrivée, nous leur faisons passer des évaluations pour savoir s’ils ont un niveau suffisant pour soigner en France : c’est ce que l’on appelle des épreuves de vérification des connaissances (EVC). Au vu des résultats, nous pouvons les garder, ou pas, mais ils resteront de toute façon, même sans réussir leurs EVC. C’est une difficulté que nous essayons de résoudre. Il y a d’ailleurs déjà eu des textes sur ce point.
La commission des lois a imaginé une solution qui se distingue un peu de celle du Gouvernement. Nous proposons de recruter hors Union européenne en fonction de la qualité de ces praticiens. Ils viennent dans le cadre de l’immigration de droit commun, passent leurs EVC et, s’ils font la démonstration qu’ils ont la capacité d’intégrer le système soignant, ils se voient délivrer une carte pluriannuelle, ce qui leur permet d’exercer correctement. Nous souhaitons faire de la qualité professionnelle, validée par ces EVC, le juge de paix, si je puis dire, du titre de séjour à accorder.
En conséquence, nous ne pouvons qu’être défavorables à ces deux amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Avis défavorable. Dans un contexte de forte tension sur les ressources médicales, les Padhue contribuent pleinement au maintien de l’offre de soins dans de nombreux territoires. Beaucoup d’entre vous nous sollicitent d’ailleurs régulièrement pour accélérer la procédure d’accréditation de leurs Padhue. La capacité à attirer des professionnels médicaux étrangers très qualifiés et à faciliter leur maintien sur le territoire constitue un levier d’amélioration de l’accès aux soins.
Ce projet de loi offre l’occasion de créer un nouveau titre pour répondre aux besoins de recrutement de ce type dans les établissements de santé, les établissements médico-sociaux, ainsi que les établissements sociaux. L’idée est de coordonner l’autorisation d’exercice de treize mois, le titre de séjour et la vérification du niveau du professionnel. C’est en liant ces trois éléments que nous aurons à la fois une carte de treize mois, un renouvellement possible et une carte pluriannuelle de quatre ans. J’y insiste, nous avons besoin de ces professionnels diplômés hors de l’Union européenne.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 129 et 534 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 498 rectifié bis, présenté par MM. Bitz et Patriat, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – La sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 421-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 421-13-1. – L’étranger qui occupe un emploi pour une durée égale ou supérieure à un an au sein d’un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social au titre d’une des professions mentionnées aux articles L. 4111-1 et L. 4221-1 du code de la santé publique, titulaire de l’attestation prévue aux articles L. 4111-2-1 et L. 4221-12-1 du même code et justifiant du respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État, se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention “talent-professions médicales et de la pharmacie” d’une durée maximale de treize mois.
« L’étranger qui bénéficie d’une décision d’affectation, d’une attestation permettant un exercice temporaire ou d’une autorisation d’exercer mentionnées aux articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du même code, qui occupe un emploi et justifie du respect du seuil de rémunération tels que définis au premier alinéa se voit délivrer une carte pluriannuelle portant la mention “talent – profession médicale et de la pharmacie” d’une durée maximale de 4 ans.
« Les cartes mentionnées aux premier et deuxième alinéas permettent l’exercice de l’activité professionnelle ayant justifié leur délivrance. »
II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 4111-2, est inséré un article L. 4111-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4111-2-1. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 4111-1, l’autorité compétente peut, après avis d’une commission comprenant notamment des professionnels de santé, délivrer une attestation permettant un exercice provisoire dans un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social à des ressortissants d’un État autre que ceux membres de l’Union européenne ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen, titulaires d’un titre de formation délivré par un État tiers et permettant l’exercice de l’une des professions visées à l’article L. 4111-1 dans le pays d’obtention de ce diplôme, qui exercent cette profession, établissent leur expérience professionnelle par tout moyen et disposent d’un niveau de connaissance de la langue française suffisant pour exercer leur activité en France. Ces professionnels s’engagent également à passer les épreuves de vérification des connaissances mentionnées à l’article L. 4111-2.
« La durée de validité de cette attestation ne peut excéder treize mois, renouvelable une fois.
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article, notamment :
« a) Les délais, conditions, composition et modalités de dépôt des dossiers de demande d’attestation ;
« b) La composition et le fonctionnement de la commission mentionnée au premier alinéa ;
« c) Les établissements de santé, sociaux ou médico-sociaux au sein desquels ces professionnels peuvent exercer ;
« d) Les modalités de mise en œuvre, de suivi et de nouvellement de ces attestions. » ;
2° Après l’article L. 4221-12, est inséré un article L. 4221-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4221-12-1. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 4221-1, l’autorité compétente peut, après avis d’une commission comprenant notamment des professionnels de santé, délivrer une attestation permettant un exercice provisoire dans un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social à des ressortissants d’un État autre que ceux membres de l’Union européenne ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen, titulaires d’un titre de formation délivré par un État tiers et permettant l’exercice de la profession visée à l’article L. 4221-1 dans le pays d’obtention de ce diplôme, qui exercent cette profession, établissent leur expérience professionnelle par tout moyen et disposent d’un niveau de connaissance de la langue française suffisant pour exercer leur activité en France. Ces professionnels s’engagent également à passer les épreuves de vérification des connaissances mentionnées à l’article L. 4221-12.
« La durée de validité de cette attestation ne peut excéder treize mois, renouvelable une fois.
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article, notamment :
« a) Les délais, conditions, composition et modalités de dépôt des dossiers de demande d’attestation ;
« b) La composition et le fonctionnement de la commission mentionnée au premier alinéa ;
« c) Les établissements de santé, sociaux ou médico-sociaux au sein desquels ces professionnels peuvent exercer ;
« d) Les modalités de mise en œuvre, de suivi et de renouvellement de ces attestions. » ;
3° L’article L. 4111-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, les mots : « Le ministre chargé de la santé ou, sur délégation, le directeur général du Centre national de gestion » sont remplacés par les mots : « L’autorité compétente » et les mots : « comprenant notamment des délégués des conseils nationaux des ordres et des organisations nationales des professions intéressées, choisis par ces organismes » sont remplacés par les mots : « composée notamment de professionnels de santé » ;
b) Aux sixième, septième et huitième alinéas du I, les mots : « du ministre chargé de la santé ou, sur délégation, du directeur général du Centre national de gestion » sont remplacés par les mots : « de l’autorité compétente » ;
c) Au premier alinéa du I bis, les mots : « Le ministre chargé de la santé ou, sur délégation, le directeur général du centre national de gestion » sont remplacés par les mots : « L’autorité compétente » ;
4° L’article L. 4221-12 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « Le ministre chargé de la santé ou, sur délégation, le directeur général du Centre national de gestion » sont remplacés par les mots : « L’autorité compétente » ;
b) Au sixième alinéa, les mots : « du ministre chargé de la santé ou, sur délégation, du directeur général du Centre national de gestion » sont remplacés par les mots : « de l’autorité compétente ».
La parole est à M. Olivier Bitz.
M. Olivier Bitz. Nous avons eu, voilà environ trois semaines, un débat sur l’offre de soins sur le territoire à l’occasion de la discussion de la proposition de loi Valletoux. Nous avions alors évoqué la contribution des Padhue à cette offre, notamment dans les territoires ruraux.
Cet amendement a pour objet de rétablir les dispositions prévoyant la délivrance d’une carte de séjour de treize mois aux Padhue salariés n’ayant pas encore satisfait aux EVC, mais s’engageant à les passer durant la période de validité de leur contrat de travail, et remplissant par ailleurs les conditions nécessaires à l’obtention d’une attestation d’exercice provisoire.
Lors de la discussion que je viens d’évoquer, la commission des affaires sociales avait décidé de supprimer une disposition identique, au motif que cette création devait intervenir dans le présent texte. Je crois même me souvenir qu’elle avait émis un avis plutôt positif sur le fond. Au regard de la nécessité de créer davantage d’attractivité pour tous les Padhue, il convient donc de rétablir ce titre de treize mois. Il faut relativiser l’importance de cette disposition, puisque, selon l’étude d’impact, elle ne bénéficierait qu’à environ 400 Padhue par an. Nous sommes donc loin d’un enjeu majeur, mais c’est toujours une contribution intéressante à l’offre de soins pour nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, le dispositif proposé étant contraire à celui qu’elle a adopté.
Le dispositif proposé par le Gouvernement consiste à offrir aux praticiens de santé à diplôme hors Union européenne des conditions assez avantageuses afin de les faire venir en France. Ils peuvent ainsi bénéficier immédiatement d’un rapprochement familial et venir avec leur famille.
La question qui se pose sur les Padhue, dont nous avons discuté à plusieurs reprises dans cet hémicycle, est la suivante : que fait-on si ces médecins ne réussissent pas leurs évaluations ? Nous les avons fait venir sur notre territoire, ils y sont venus avec leur famille, ils y restent pour travailler, mais exercent dans des conditions assez dégradées. Nous créons une immigration qui n’a pas de sens. Je rappelle que, s’agissant de médecins étrangers, nous parlons bien d’immigration.
Nous préférons rester sur notre position et nous en tenir à une immigration de droit commun. Les Padhue passent une évaluation et, s’ils la réussissent, peuvent bénéficier d’un titre plus avantageux.
Je le répète, la qualité du médecin lui permettant d’exercer sur notre territoire est le juge de paix : c’est sur elle que se fonde la décision de lui délivrer un titre de séjour.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
La carte de séjour pour une durée de treize mois permet de contrôler le niveau du professionnel de santé. Avec le dispositif que vous proposez, le risque est que le professionnel ne soit jamais contrôlé.
Telle est la raison pour laquelle nous instituons cette carte d’une durée de treize mois, ainsi que le contrôle, au moyen des EVC, à l’issue de cette période. Une seconde tentative sera possible si le médecin n’a pas validé ses examens au bout de treize mois.
En adoptant le dispositif de la commission, nous prendrions le risque, je le répète, que le niveau de certains professionnels ne soit jamais contrôlé.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 498 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 362, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly et Silvani, M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 421-13-1. – L’étranger qui occupe, dans un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social, un emploi pour une durée égale ou supérieure à trois mois au titre d’une des professions mentionnées aux articles L. 4111-1 et L. 4221-1 du code de la santé publique, qui est titulaire de l’attestation prévue aux articles L. 4111-2-1 et L. 4221-12-1 ou des dispositions dérogatoires liées aux territoires mentionnés à l’article L. 4131-5 du même code et dont la rémunération est supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d’État se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « talent-professions médicales et de la pharmacie » d’une durée maximale de treize mois, renouvelable.
II. – Alinéa 2
1° Supprimer la référence :
Art. L. 421-13-1. –
2° Remplacer les mots :
code de la santé publique
par les mots :
du même code
3° Supprimer la quatrième occurrence du mot :
d’une
4° Remplacer les mots :
du même code, et justifie du respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État
par les mots :
dudit code et dont la rémunération est supérieure au seuil prévu au premier alinéa du présent article
et les mots :
profession médicale
par les mots :
professions médicales
III. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
La carte mentionnée au premier alinéa du présent article permet
par les mots :
Les cartes mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article permettent
et le mot :
sa
par le mot :
leur
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Il y a deux semaines, le Sénat examinait la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels. Son article 10 prévoyait la création de deux cartes de séjour pluriannuelles portant la mention « talent-professions médicales et de la pharmacie » pour répondre aux besoins de recrutement des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne dans les établissements de santé, publics ou privés, à but non lucratif.
La majorité sénatoriale a supprimé cet article, car elle a estimé qu’il trouverait davantage sa place dans le présent projet de loi.
Avec l’article 7, nous craignons une instrumentalisation des praticiens étrangers qui exercent dans nos hôpitaux, nos cabinets médicaux, nos établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, dans des conditions pourtant bien différentes de celles de leurs confrères diplômés dans l’Union européenne.
Selon nous, le débat doit porter davantage sur les conditions d’accueil des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne afin de faire face aux difficultés d’accès aux soins et à la pénurie de personnel soignant plutôt que sur des critères de contrôle de l’immigration.
Alors que ces médecins, qui portent à bout de bras nos hôpitaux publics, connaissent déjà la précarité, il ne faut pas leur infliger en plus une précarité administrative.
Pour ces raisons, nous proposons d’abaisser à trois mois la durée d’occupation d’un emploi dans un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social pour bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle « talent-professions médicales et de la pharmacie ».
Nous considérons que la durée de treize mois est insuffisante et qu’elle devrait a minima être alignée sur le nombre de droits à concourir aux épreuves de vérification des compétences de la personne.
Il est urgent de mettre fin à l’invisibilité des Padhue et aux solutions de bricolage.
M. le président. L’amendement n° 505 rectifié, présenté par Mme Souyris, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
et justifie du respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État,
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Je me demande, à l’examen de cet article, si l’on n’a pas peur ici d’avoir trop de médecins et de soignants. La qualification est le critère essentiel qui doit primer pour l’octroi de la carte « talent-professions médicales et de la pharmacie ».
La santé et la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens dépendent de la qualité des soins médicaux qu’ils reçoivent. Subordonner l’accès à ce passeport à des seuils de rémunération pourrait décourager des professionnels de santé qui sont qualifiés, mais qui exercent dans des domaines moins rémunérateurs, de rester en France ou de s’y installer.
En outre, le salaire ne reflète pas nécessairement la valeur du travail médical. Les professionnels de santé peuvent choisir de travailler dans des régions sous-dotées, ou les rémunérations peuvent être plus basses. Ces professionnels répondent à des besoins de santé publique importants et contribuent à réduire les inégalités en matière d’accès aux soins.
En imposant un seuil de rémunération, nous ne faisons que décourager ces professionnels dévoués et compromettre, là encore, l’accès aux soins dans certaines régions.
Enfin, imposer un seuil de rémunération pour l’obtention de ce titre de séjour risque de brouiller les priorités et de susciter des débats inutiles.
Concentrons-nous, chers collègues, sur la qualification médicale et la qualité des soins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je n’expliquerai pas de nouveau quelle est la position de la commission, vous l’avez, je pense, comprise. De même, vous avez compris que si nous pouvons avoir des buts communs, bien évidemment, nous n’avons pas adopté les mêmes moyens.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure.
Bien sûr, nous soutenons comme vous la carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » d’une durée de treize mois pour les Padhue, mais nous estimons que deux des précisions que tendent à apporter ces amendements ne sont pas nécessaires.
Tout d’abord, nous pensons que pour se voir délivrer un passeport « talent », le Padhue doit s’engager pour une durée d’au moins une année au sein d’un établissement de santé.
Ensuite, le dispositif dérogatoire d’autorisation d’exercice spécifique aux outre-mer a déjà fait l’objet d’aménagements lors de l’examen il y a quinze jours, ici même, de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, dite Valletoux.
De plus, nous sommes attachés à ce que l’avantage donné par la carte de séjour « talent » soit lié à l’engagement du Padhue à s’inscrire à la procédure non dérogatoire d’autorisation d’exercice. Cette procédure non dérogatoire est bien entendu aussi possible pour les outre-mer. Chaque année, des postes sont ouverts aux épreuves de vérification des connaissances.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié ter, présenté par Mme Eustache-Brinio, M. Bazin, Mme Noël, M. Reichardt, Mmes Di Folco et Berthet, MM. Frassa, Paccaud et Daubresse, Mmes V. Boyer, Chain-Larché, Joseph et Demas, M. Savin, Mmes Micouleau et Dumont, M. E. Blanc, Mme Belrhiti, MM. Brisson, Saury et Belin, Mme M. Mercier, MM. Bouchet et Pointereau, Mmes Deseyne et Lassarade, M. Duplomb, Mmes Lopez et Bellurot, MM. Cuypers, Perrin, Burgoa, Piednoir et J.P. Vogel, Mmes Aeschlimann, F. Gerbaud et Josende, MM. Anglars, Genet et Bas, Mme Drexler, MM. Chatillon, de Nicolaÿ, Grosperrin et Szpiner et Mme Imbert, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
sous réserve de la signature de la charte des valeurs de la République et du principe de laïcité
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Cet amendement vise à modifier l’alinéa 2 de l’article 7.
Les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les pharmaciens étrangers se voient remettre une carte pluriannuelle portant la mention « talent-professions médicales et de la pharmacie » sous certaines conditions mentionnées à l’article 7.
Cet amendement vise à compléter ces critères et à rendre obligatoire la signature de la charte de respect des valeurs de la République et du principe de laïcité par tout agent exerçant dans un établissement de santé, afin d’éviter toute atteinte au respect de la laïcité de la part des professionnels de santé.
Je précise que cet amendement vise à reprendre la recommandation n° 1 figurant dans le rapport qu’a réalisé en mars 2022 Patrick Pelloux, dont on ne peut pas dire qu’il soit de droite, sur la prévention et la lutte contre la radicalisation des agents exerçant au sein des établissements de santé, à la demande d’Olivier Véran, alors ministre de la santé et des solidarités.
Ce rapport, qui contenait dix-neuf propositions, a malheureusement probablement fini au fond d’un tiroir. C’est dommage, car il est extrêmement intéressant. Je vous invite à le lire et à prendre connaissance des dérives que l’on constate actuellement dans nos hôpitaux.
Mes chers collègues, je vous invite évidemment à voter cet amendement. Sachant que M. Darmanin est très attaché à la charte de respect des valeurs de la République et du principe de laïcité. – nous avons eu le temps d’échanger très longuement il y a quelque temps lors de l’examen d’une loi majeure pour notre pays –, je ne doute pas que cet amendement aura la faveur du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mme Jacqueline Eustache-Brinio relaie ici un rapport sur un sujet essentiel, à savoir la prévention de la radicalisation, la radicalisation représentant une véritable difficulté dans les établissements hospitaliers.
Nous estimons avoir au moins en partie répondu à ce problème à l’article 13, que nous examinerons sans doute demain. Pour autant, au regard de l’importance du problème et de la nécessité de le résoudre, la commission s’en remettra, sur proposition de Philippe Bonnecarrère et de moi-même, à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Tout comme M. Darmanin, l’ensemble du Gouvernement est attaché au respect des valeurs de la République. Nous débattrons de ce sujet lors de l’examen de l’article 13.
Toutefois, pour les mêmes raisons que la rapporteure, le Gouvernement s’en remettra à la sage de la Haute Assemblée sur l’amendement de Mme Eustache-Brinio.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je vais faire un « en même temps » à 180 degrés ! Alors que notre collègue Eustache-Brinio se fait le porte-voix de Patrick Pelloux, nous ne pouvons que nous rejoindre ! (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Au-delà de cet amendement, il faut que nous fassions attention. Certains des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne pourraient venir en France avec une visée radicale et porter atteinte aux valeurs de la République. Il faut donc renforcer les dispositifs existants pour empêcher de telles dérives et nous en préserver.
Mais des milliers d’autres professionnels de santé, en provenance d’autres pays, sont eux bien disposés. Néanmoins, ils peuvent aussi faire peur à certains. À cet égard, je pense à la problématique des médecins cubains. Alors qu’on arrive très bien à travailler avec ces médecins dans nos outre-mer, c’est plus compliqué en métropole.
Soit on est la République française sur tous les continents, soit on ne l’est pas !
Voter cet amendement ne me pose aucun problème. Veillons toutefois à ne pas laisser penser que la majorité des professionnels de santé à diplôme hors Union européenne sont en situation de radicalisation. Nombre d’entre eux partagent les valeurs de la République et pourraient venir s’enrichir avant de repartir dans leur pays, dix ans plus tard, et d’y diffuser les connaissances qu’ils auront acquises ici.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 58 rectifié est présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Savin, Mme Garnier, M. Cadec, Mme P. Martin, MM. Genet, Sido et Klinger, Mmes Josende, Goy-Chavent et Devésa, M. Gremillet et Mme Aeschlimann.
L’amendement n° 257 rectifié ter est présenté par M. S. Demilly, Mme Antoine, M. J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Bleunven, Bonneau, Cambier, Capo-Canellas, Chasseing et Courtial, Mme de La Provôté, MM. Delahaye et Dhersin, Mme Doineau, M. Fargeot, Mme Florennes, M. Folliot, Mmes Gacquerre, Gatel et N. Goulet, M. Guerriau, Mme Guidez, MM. Henno et L. Hervé, Mme Herzog, M. Hingray, Mme Jacquemet, MM. Kern, Lafon, Laugier, Lefèvre et Levi, Mme Loisier, MM. Longeot, P. Martin, Maurey, Menonville et Michallet, Mmes Nédélec et Noël, MM. Pellevat et Pillefer, Mme Puissat, MM. Reynaud et Rochette, Mme Romagny, M. Saury, Mme Sollogoub et MM. Vanlerenberghe, Verzelen, Wattebled, Chauvet, Lemoyne et Duffourg.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 143 du code civil, il est inséré un article 143-… ainsi rédigé :
« Art. 143-…. – Le mariage ne peut être contracté si l’un des futurs époux séjourne
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 58 rectifié.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement est le premier d’une série qui porte sur le mariage.
Nous sommes plusieurs à nous interroger sur la situation absolument absurde dans laquelle les maires sont placés. Il existe des ruptures d’égalité entre les personnes qui sont en situation régulière et celles qui ne le sont pas.
Nous nous interrogeons également sur les trafics, les achats de mariage, les mariages frauduleux. Beaucoup d’articles dans la presse font état de telles situations.
Mon collègue centriste Olivier Henno a posé cet après-midi une excellente question lors des questions d’actualité au Gouvernement sur la situation que connaît un maire dans sa commune.
En France, il n’est nul besoin de se marier pour s’aimer et nul besoin de se marier pour avoir des enfants. Vous le savez, plus d’un enfant sur deux naît hors mariage.
Mme Valérie Boyer. Il faut mettre fin au patriarcat pour être sûr que les gens se marient par amour.
Les maires font face à des situations absurdes et à des injonctions contradictoires.
L’amendement n° 58 rectifié est un amendement d’appel. Il vise à prévoir que le mariage ne peut pas être contracté si l’un des futurs époux séjourne irrégulièrement sur le territoire français.
Je sais parfaitement que ma position est contraire à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. (Rires sur les travées du groupe GEST.) Toutefois, je pense qu’il est important que nous ayons une discussion sur ce sujet aujourd’hui.
Actuellement, pour se marier en France, il faut respecter un certain nombre de conditions d’âge, de résidence, d’absence de lien de parenté et de régularité. Nous devons en ajouter une autre et exiger que les époux soient en situation régulière. À défaut, on place le maire dans une situation absurde.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 257 rectifié ter.
M. Olivier Henno. Je serai bref, puisque j’ai déjà interrogé le Gouvernement cet après-midi.
Cet amendement, déposé par notre collègue Stéphane Demilly, est identique à celui que vient de défendre Mme Boyer. Il vise à nous conduire à nous interroger sur la pression qui pèse sur les maires s’agissant des mariages de complaisance. Alors que cette pression est croissante, il arrive que les maires se sentent bien seuls.
Nous devons débattre de cette question et adopter un dispositif afin de réduire la pression, sachant que l’on demande déjà beaucoup aux maires.
M. le président. L’amendement n° 552 rectifié ter, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 147 du code civil, il est inséré un article 147-… ainsi rédigé :
« Art. 147-…. – On ne peut contracter mariage si l’un des futurs époux séjourne irrégulièrement en France. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Un maire en France est aujourd’hui poursuivi pour avoir refusé de marier, le 7 juillet 2023, un étranger algérien sous OQTF depuis 2022.
Votre incapacité à faire appliquer les OQTF conduit un maire devant les tribunaux pour avoir fait son devoir. Il a signalé que le mariage qu’il lui était demandé de célébrer était peut-être un mariage blanc, contracté dans un autre objectif que celui de partager la vie commune. Pourtant, grâce à l’alerte qu’il a donnée, le préfet a fini par faire placer ce clandestin en centre de rétention et par le faire expulser.
C’est pour protéger ce maire et les autres, pour faire respecter les valeurs du mariage, pour que l’irrégularité ne soit pas un passe-droit dans notre pays que j’ai déposé cet amendement. Il vise à insérer un nouvel article dans le code civil prévoyant qu’un mariage ne peut être contracté si l’un des futurs époux séjourne irrégulièrement en France.
Le problème est double aujourd’hui, il résulte des traités et des juges. D’abord, l’article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme protège les étrangers irréguliers qui veulent se marier. Ensuite, le Conseil constitutionnel estime depuis 2003 que la situation irrégulière d’un étranger sur le territoire français ne fait pas obstacle à son union.
C’est pourquoi le Sénat, s’il est encore le représentant des territoires, devrait souverainement valider cet amendement de protection des maires. La droite, si elle est encore de droite, devrait également voter cet amendement, qui protège le cadre du mariage.
M. le président. L’amendement n° 258 rectifié bis, présenté par MM. S. Demilly et Anglars, Mme Antoine, M. J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Bleunven, Bonneau, Cadec, Cambier, Capo-Canellas, Chasseing et Courtial, Mme de La Provôté, MM. Delahaye et Dhersin, Mme Doineau, M. Fargeot, Mme Florennes, M. Folliot, Mmes Gacquerre, Gatel et N. Goulet, M. Guerriau, Mme Guidez, MM. Henno et L. Hervé, Mme Herzog, M. Hingray, Mme Jacquemet, MM. Kern, Lafon, Laugier et Levi, Mme Loisier, MM. Longeot et P. Martin, Mme P. Martin, MM. Maurey, Menonville et Michallet, Mmes Nédélec et Noël, MM. Pellevat et Pillefer, Mme Puissat, MM. Reynaud et Rochette, Mme Romagny, MM. Saury et Savin, Mme Sollogoub et MM. Vanlerenberghe, Verzelen, Wattebled, Chauvet, Lemoyne, Duffourg et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 165 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, l’officier de l’état civil qui tient cette qualité de l’article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales n’est jamais tenu en conscience de célébrer un mariage si l’un des futurs époux séjourne irrégulièrement sur le territoire français. Lorsque tous les officiers de l’état civil d’une commune refusent de célébrer un mariage car l’un des futurs époux séjourne irrégulièrement sur le territoire français, le maire de la commune en informe le procureur de la République et le représentant de l’État dans le département, auxquels il appartient de désigner un délégué spécial qui procédera à la célébration du mariage.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, notamment les modalités de désignation conjointe, par le procureur de la République et le représentant de l’État dans le département, des délégués spéciaux volontaires mentionnés à l’alinéa précédent qui ont la qualité de magistrat ou de fonctionnaire de l’État. »
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Il s’agit d’un amendement de repli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mme Boyer a bien résumé la situation en parlant des faits et en disant qu’elle savait pertinemment que son amendement était contraire à de nombreux principes, dont celui de la liberté personnelle, qui est consacré par la Constitution et duquel découle la liberté du mariage.
Son amendement, c’est exact, ne peut être en l’état qu’un amendement d’appel, car la loi ordinaire ne nous permettra en aucun cas d’aller à l’encontre de ces principes.
La difficulté est réelle, elle est choquante – tout le monde le comprend –, mais elle ne peut pas être résolue de cette façon. Le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de le préciser d’une façon extrêmement claire et détaillée. La voie est étroite, je le reconnais, pour trouver une solution.
Nous tenterons ultérieurement de favoriser un autre amendement en espérant avoir trouvé une voie, laquelle, on le sait, ne sera pas parfaite.
En tout état de cause, il a été difficile pour la commission des lois d’émettre un avis favorable sur ces amendements, quelle que soit par ailleurs notre volonté commune de résoudre cette difficulté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je pense que nous pouvons, malgré l’heure tardive, essayer de résoudre ensemble ce problème, qui en est un en effet – je le redis devant M. Henno, qui m’a interrogé cet après-midi sur la situation du maire de Haumont – et je vous propose pour cela de nous placer du point de vue du maire, ou de l’officier d’état civil, sans posture.
Ce que souhaite le maire, me semble-t-il, ou celui qui officie en son nom, c’est ne pas être le blanchisseur d’un mariage irrégulier.
Mme Valérie Boyer. Exactement !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il ne veut pas que le mariage ou le pacte civil de solidarité puisse être utilisé pour obtenir des papiers ou différer l’éloignement d’un conjoint devant quitter le territoire.
Son rôle n’est pas d’être l’arbitre des élégances entre la justice et la préfecture. Il n’a pas à se prononcer sur l’OQTF et à trancher la question de savoir si elle est juste ou non. Son rôle est de vérifier que le mariage est fondé sur le consentement libre et éclairé des futurs époux et le souhait de fonder une famille, conformément aux principes du mariage figurant dans le code civil français.
Je pense, madame la sénatrice, que vous prenez les choses du mauvais côté. Comme l’a dit Mme la rapporteure, votre amendement est contraire non seulement à nos engagements internationaux, mais également à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s’appuie sur deux articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Convenez qu’il est possible de modifier beaucoup de choses, mais qu’il serait très osé – mais après tout, pourquoi pas ? – de vouloir modifier la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On est heureux de l’entendre !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je pense que l’on pourrait prendre les choses autrement. Certes, le texte du Gouvernement, tel qu’il a été déposé au Conseil d’État, ne comprend pas de mesure permettant au maire de s’opposer clairement à un mariage, mais peut-être parviendrons-nous à mettre au point un dispositif ensemble, à l’Assemblée nationale ou lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
Comme le suggérait M. Henno dans sa question cet après-midi, peut-être faudrait-il prolonger le délai d’enquête avant un mariage ?
Mme Valérie Boyer. Je le propose aussi !
M. Gérald Darmanin, ministre. Dans les faits, nous n’avons pas de temps pour cela. Il me semble qu’il faut instaurer un dialogue entre le procureur de la République et le maire. Je rappelle que le maire officie au nom du ministère de la justice, en tant qu’officier d’état civil.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Faites appeler le garde des sceaux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Lorsque j’étais maire, je recevais tous les gens de la commune qui voulaient se marier. Ma commune comptant 100 000 habitants, je recevais beaucoup de monde ! Quand les gens ne venaient pas au rendez-vous ou considéraient manifestement qu’on n’avait pas à leur poser de questions pour vérifier la sincérité de leur amour et de leur union, on en informait le paquet. Le parquet ne nous répondait pas toujours, et quand il le faisait, c’était pour nous enjoindre de célébrer le mariage. Les services municipaux avaient pourtant l’impression d’avoir raison.
Je comprends donc l’intention de M. Demilly, qui propose qu’une délégation spéciale puisse procéder au mariage à la place du maire, mais il ne s’agit là que d’un pis-aller, car même si le maire se retire, le mariage sera tout de même célébré.
Je pense que nous aurions intérêt à étudier deux pistes.
La première consisterait à prévoir davantage de temps pour l’enquête administrative ou celle du parquet, afin de pouvoir démontrer l’irrégularité du mariage. Or on sait tous que les parquets ont autre chose à faire.
Mme Audrey Linkenheld. Le garde des sceaux n’est pas là !
M. Gérald Darmanin, ministre. La seconde consisterait à donner le pouvoir au maire de s’opposer au procureur de la République et de refuser de célébrer le mariage. Cette solution obligerait toutefois à prévoir une forme d’appel administratif ou judiciaire de la décision du maire, un maire pouvant évidemment faire n’importe quoi. Ce n’est pas parce qu’on est maire qu’on détient la vérité ou que l’on a la science infuse.
Je rappelle qu’il est très difficile pour le maire de vérifier qu’une personne est en situation irrégulière sur le territoire national. Quand on marie des gens, on ne leur demande pas leurs papiers à jour. Ce n’est pas exactement ainsi que les choses se passent. Ainsi, il peut arriver qu’une personne dispose d’un titre de séjour au moment du dépôt du dossier de mariage, mais que, pour de multiples raisons, il lui ait été retiré trois mois plus tard.
On ne peut pas rendre le maire responsable de la célébration du mariage d’une personne en situation irrégulière. Il est possible qu’il célèbre une telle union sans le savoir. Et il n’est pas question de confier de nouvelles tâches au maire et d’alourdir sa charge de travail.
Par ailleurs, même si, comme Mme la rapporteure, je trouve ce problème choquant, je me vois mal adopter un amendement dont l’objet est contraire à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. On se ferait plaisir quelques instants, mais on sait à coup sûr que cet amendement serait ensuite censuré par le Conseil constitutionnel.
Je sais que vous souhaiterez maintenir vos amendements, madame, messieurs les sénateurs. Je vous propose toutefois de réfléchir ensemble à une solution, soit ce soir en déposant des sous-amendements à vos amendements, soit au cours de la navette et de la réunion de la commission mixte paritaire, afin de donner de véritables moyens au maire de s’opposer à un mariage au motif qu’il serait gris ou blanc. Il ne doit pas s’y opposer en raison de la situation irrégulière de l’un des futurs époux, un tel dispositif serait évidemment censuré par le Conseil constitutionnel. Telle est la proposition que je peux vous faire.
C’est une philosophie d’action pour les maires de France, qui, à mon avis, ne correspond pas à ces amendements ni aux suivants – je ne les ai pas tous examinés dans le détail –, mais qui nous permettrait d’avancer et de donner au maire un réel pouvoir de s’opposer à un mariage, sur le fondement d’une suspicion de fraude et non pas en raison du statut de l’un des futurs époux.
Par ailleurs, il arrive aux maires – j’en ai vu –, et c’est bien normal, d’intervenir pour aider des personnes en situation irrégulière, pour leur obtenir un titre de séjour, pour leur trouver un logement, pour leur permettre d’accéder à des soins, mais aussi pour inscrire leurs enfants à l’école. Si l’on allait au bout de votre raisonnement, on pourrait en venir à dire que les personnes en situation irrégulière ne peuvent pas inscrire leurs enfants à l’école, alors qu’il s’agit là d’un droit inconditionnel sur lequel personne ne souhaite revenir. Je pense qu’il ne faut pas s’engager dans cette voie, même si on peut comprendre la demande des élus de certains territoires, comme Mayotte, qui connaissent une forte pression migratoire.
Si on aborde le problème sous l’angle du statut, on s’y prend mal. Il vaut mieux vérifier qu’il n’y a pas de fraude.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements contraires à la Constitution et à notre bloc de constitutionnalité et je vous propose de travailler ensemble très rapidement à une solution dans le cadre de ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je remercie Valérie Boyer et nos autres collègues d’avoir abordé cette question.
Vous avez expliqué, monsieur le ministre, les limites de cet amendement en termes juridiques ; pour autant, il répond à un problème réel.
Vous avez rappelé que le maire joue un rôle de protection. J’ai moi-même exercé cette fonction pendant trois mandats : ce problème s’accentue. Nous cherchons à protéger les femmes, parce que ces mariages gris ou ces faux mariages sont neuf fois sur dix demandés par des hommes cherchant à épouser des femmes souvent en difficulté et qui, parfois, croient au grand amour.
Mme Valérie Boyer. Il y a ça aussi !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Actuellement, cependant, il ne sert à rien de saisir le procureur : il est débordé. On lui demande tout et n’importe quoi, jusqu’à la vérification de permis de construire : il ne peut pas prendre cela en charge.
Nous ne cherchons pas à nous opposer à un mariage parce que nous considérerions que tel sans-papiers ne mériterait pas de rester en France, il n’est pas question de cela. Même lorsque les maires mènent des auditions séparées, comme je le faisais, lorsqu’ils disposent d’éléments objectifs, qu’ils savent où mènera le processus et d’où viennent ces hommes, ils ne disposent d’aucune option, sinon de refuser le mariage.
Je vous le dis tout de suite : je l’ai fait, j’ai refusé. J’étais dans l’illégalité, car je n’ai pas attendu la demande du procureur, j’ai dit non et les intéressés sont repartis d’où ils étaient venus.
Nous avons la responsabilité de protéger nos administrés, et pour cela, monsieur le ministre, le procureur ne suffit pas. Le maire ne dispose d’aucune autre possibilité que de se placer parfois dans l’illégalité pour protéger ces femmes soumises à des hommes qui leur promettent monts et merveilles. Sur ce sujet, je ne crois ni aux monts ni aux merveilles !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Permettez-moi de partager l’expérience que j’ai vécue lors d’unions avec d’importants écarts d’âge.
Après avoir vu les futurs mariés, j’ai interpellé le procureur, qui a été réactif. Conformément à la procédure, après l’audition séparée des intéressés et la saisie du procureur, une enquête a été diligentée par la police nationale. Il est vrai, toutefois, que cette dernière manque de temps pour réaliser ce travail de manière satisfaisante.
Quoi qu’il en soit, le maire ne doit pas endosser seul toute la responsabilité dans ces affaires. Dès lors qu’une procédure judiciaire est engagée, et qu’une enquête est menée, il se contente de communiquer la décision du procureur.
Faire peser sur lui seul cette responsabilité serait dangereux, alors que les agressions contre les maires se multiplient. La décision émane de la justice, pourquoi le maire devrait-il en assumer les conséquences ?
Certes, le processus actuel comporte des lacunes et les enquêtes sont complexes, mais nous devons réfléchir aux responsabilités à faire valoir en la matière.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. J’ai bien conscience que cet amendement d’appel ne sera pas voté. Puis-je évoquer les suivants dès maintenant ?
M. le président. Non, ma chère collègue, il faut d’abord voter les amendements qui sont en discussion commune.
Mme Valérie Boyer. Je retire donc l’amendement n° 58 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 58 rectifié est retiré.
Monsieur Henno, l’amendement n° 257 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Olivier Henno. Non, je le retire, monsieur le président.
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour ne pas créer de suspense inutile, je vous informe que j’émettrai un avis favorable sur le seul amendement concernant ce sujet qui me semble constitutionnel : l’amendement n° 61 rectifié de Mme Boyer, qui tend à prévoir un déport de deux mois, quitte, si nécessaire, à le sous-amender, sans que je sache actuellement comment.
Nous pouvons, au moins, nous engager sur cet amendement de manière à disposer d’une base de discussion à l’Assemblée nationale, qui pourra ensuite donner lieu à un échange en commission mixte paritaire.
Tous les autres amendements de la série recevront un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le ministre va droit au but et la commission a fait la même analyse : elle a également favorisé l’amendement n° 61 rectifié, seul susceptible de satisfaire à l’exigence constitutionnelle.
Je ne suis pas une fanatique de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais il est tout de même difficile de déroger aux exigences de la Déclaration des droits de l’homme. Nous devons donc faire avec (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) et cet amendement concilie le mieux possible cet impératif et le but que nous recherchons.
En revanche, monsieur le ministre, je suis plus réservée quant à un éventuel sous-amendement. Donnons-nous plutôt le temps de la réflexion afin de trouver un terrain d’entente sur cette disposition. (M. le ministre opine du chef.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 552 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Henno, l’amendement n° 258 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Henno. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 258 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 76 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Savin, Mmes Puissat et Garnier, M. Bruyen, Mme Borchio Fontimp, MM. P. Martin, Genet, Saury, Perrin et Rietmann, Mmes Muller-Bronn et Jacques, M. Chasseing, Mme Imbert, M. Klinger, Mmes Josende et Goy-Chavent et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 175-2 du code civil, il est inséré un article 175-… ainsi rédigé :
« Art. 175-…. – Lorsque le procureur de la République décide de laisser procéder au mariage en application de l’article 175-2, le maire peut refuser de procéder à la célébration du mariage si l’un des futurs époux est un ressortissant étranger en situation irrégulière.
« Dans ce cas, le mariage est célébré par un agent des services préfectoraux sous la responsabilité du représentant de l’État dans le département où réside le ressortissant étranger. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. J’ai entendu les propos de monsieur le ministre au sujet de l’amendement n° 61 rectifié, qui est bien sûr intéressant.
Pour autant, en l’adoptant, nous aurions toujours recours au procureur, qui pourra toujours contraindre un maire à procéder à un mariage, pour des raisons de conformité à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Dans le cas de figure que notre collègue Olivier Henno décrivait, c’est-à-dire quand le mariage est visiblement blanc et implique une personne en situation irrégulière, le maire ne devrait pas se trouver dans cette situation et subir cette pression ; il devrait être possible d’externaliser le mariage à la préfecture.
Nous n’allons pas régler ce problème ce soir, mais je souhaite que, avec M. le ministre, nous nous engagions à régler cette question. L’amendement n° 61 rectifié, s’il permet d’avancer, ne suffit pas, puisqu’il ne vise qu’à offrir un délai.
Je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 76 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 75 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Savin, Mmes Puissat et Borchio Fontimp, MM. P. Martin et Michallet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Saury, Mme Jacques, MM. Sido, Somon et Klinger, Mmes Josende et Goy-Chavent et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 175-2 du code civil, il est inséré un article 175-… ainsi rédigé :
« Art. 175-…. – Lorsque le procureur de la République décide de laisser procéder au mariage en application de l’article 175-2, le mariage est célébré par un agent des services préfectoraux sous la responsabilité du représentant de l’État dans le département où réside le ressortissant étranger. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Il est retiré.
M. le président. L’amendement n° 75 rectifié bis est retiré.
Les amendements nos 60 rectifié bis et 492 rectifié bis sont identiques.
L’amendement n° 60 rectifié bis est présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mme Garnier, MM. Cadec, Genet et Saury, Mme Jacques, MM. Sido, Chasseing et Klinger, Mmes Josende et Goy-Chavent et M. Gremillet.
L’amendement n° 492 rectifié bis est présenté par Mme Aeschlimann, MM. Belin et Duffourg, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Reynaud et Laugier, Mme Berthet, MM. Brisson, Favreau, Karoutchi, Somon, Menonville et Khalifé et Mme Canayer.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 175-2 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il apparaît que le mariage envisagé a pour finalité de tenter de commettre l’une des infractions mentionnées à l’article L. 823-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le procureur de la République, saisi sans délai par l’officier d’état civil, est tenu dans les quinze jours de sa saisine de surseoir à la célébration du mariage et de faire procéder à une enquête sur cette tentative de commission d’infraction. »
2° Au troisième alinéa, les mots : « un mois renouvelable » sont remplacés par les mots : « deux mois renouvelables »
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 60 rectifié bis.
Mme Valérie Boyer. Je le retire.
M. le président. L’amendement n° 60 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Laurent Somon, pour présenter l’amendement n° 492 rectifié bis.
M. Laurent Somon. Il est retiré.
M. le président. L’amendement n° 492 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 61 rectifié sera appelé en discussion demain à la reprise de la discussion de ce projet de loi.
Mes chers collègues, je vais lever la séance. Nous avons examiné 147 amendements, il en reste 290 sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 9 novembre 2023 :
À onze heures :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour le plein emploi (texte de la commission n° 58, 2023-2024) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation (texte de la commission n° 79, 2023-2024).
L’après-midi, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 9 novembre 2023, à une heure cinquante.)
nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Daniel Gueret est proclamé membre de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, en remplacement de Mme Jacqueline Eustache-Brinio, démissionnaire.
nomination de membres d’une commission d’enquête
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier
MM. Guy Benarroche, Étienne Blanc, Michel Bonnus, Mme Valérie Boyer, MM. Ian Brossat, Laurent Burgoa, Olivier Cadic, Mmes Marie-Arlette Carlotti, Marie-Carole Ciuntu, Catherine Conconne, Karine Daniel, MM. Franck Dhersin, Jérôme Durain, Roger Karoutchi, Khalifé Khalifé, Stéphane Le Rudulier, Thierry Meignen, Pascal Martin, Michel Masset, Franck Menonville, Mmes Vanina Paoli-Gagin, Marie-Laure Phinera-Horth et M. Didier Rambaud.
nomination de membres d’une délégation sénatoriale
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Délégation sénatoriale aux outre-mer
Mmes Marie-Do Aeschlimann, Viviane Artigalas, MM. Philippe Bas, Christian Cambon, Mme Agnès Canayer, MM. Guillaume Chevrollier, Mathieu Darnaud, Stéphane Demilly, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Philippe Folliot, Mme Jocelyne Guidez, MM. Éric Jeansannetas, Antoine Lefèvre, Jean-François Longeot, Mme Vivette Lopez, MM. Akli Mellouli, Jean-Gérard Paumier, Mmes Évelyne Perrot, Sophie Primas, MM. Rachid Temal, Pierre-Jean Verzelen.
nomination de membres d’un groupe de travail
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Groupe de travail préfigurant la commission spéciale sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne
MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, Pierre Barros, Mmes Nadine Bellurot, Martine Berthet, M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Hussein Bourgi, Jean-Luc Brault, Vincent Capo-Canellas, Christophe Chaillou, Ronan Dantec, Gilbert Luc Devinaz, Laurent Duplomb, Daniel Fargeot, Christophe-André Frassa, Mmes Amel Gacquerre, Annick Girardin, Béatrice Gosselin, M. Philippe Grosvalet, Mmes Pascale Gruny, Nadège Havet, M. Yannick Jadot, Mme Lauriane Josende, M. Christian Klinger, Mmes Christine Lavarde, Audrey Linkenheld, MM. Jean-François Longeot, Didier Mandelli, Didier Marie, Pascal Martin, Alain Milon, Thani Mohamed Soilihi, Cyril Pellevat, Mme Silvana Silvani, MM. Lucien Stanzione et Louis Vogel.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER