Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaire :
Mme Patricia Schillinger.
2. Immigration et intégration. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Adoption, par scrutin public solennel n° 43, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
3. Mise au point au sujet de votes
4. Financement de la sécurité sociale pour 2024. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Amendement n° 223 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 224 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 225 de la commission. – Après une demande de priorité par la commission, adoption.
Amendements identiques nos 649 rectifié bis de M. Serge Mérillou, 808 rectifié de Mme Raymonde Poncet Monge, 885 rectifié bis de Mme Monique Lubin, 902 de Mme Cathy Apourceau-Poly, 990 de M. Joshua Hochart et 1119 rectifié de M. Victorin Lurel (suite). – Devenus sans objet, l’amendement n° 119 rectifié n’étant pas soutenu.
Amendement n° 226 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 903 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 905 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 943 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 228 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1350 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1316 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Retrait.
Amendement n° 810 rectifié bis de Mme Raymonde Poncet Monge. – Retrait.
Amendement n° 906 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1206 rectifié de M. Yan Chantrel. – Rejet.
Amendement n° 799 rectifié bis de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 800 rectifié bis de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 1051 rectifié bis de M. Ronan Le Gleut. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1205 rectifié de M. Yan Chantrel. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1031 rectifié bis de Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1052 rectifié bis de M. Ronan Le Gleut. – Devenu sans objet.
Amendement n° 162 rectifié ter de Mme Lana Tetuanui. – Devenu sans objet.
Amendement n° 890 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 1201 rectifié de M. Alexandre Ouizille. – Rejet.
Amendement n° 550 rectifié de M. Aymeric Durox. – Rejet.
Amendement n° 1207 rectifié de M. Yan Chantrel. – Rejet.
Amendement n° 525 rectifié de M. Christopher Szczurek. – Rejet.
Amendement n° 892 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 894 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 1196 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° 1198 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° 896 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 724 rectifié bis de Mme Anne Souyris. – Rejet.
Amendement n° 803 rectifié bis de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 526 rectifié de M. Christopher Szczurek. – Non soutenu.
Amendement n° 551 rectifié de M. Aymeric Durox. – Non soutenu.
Amendement n° 726 rectifié bis de Mme Anne Souyris. – Rejet.
Amendement n° 804 rectifié bis de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 723 rectifié bis de Mme Anne Souyris. – Rejet.
Amendement n° 898 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 945 rectifié de Mme Silvana Silvani. – Rejet.
Amendement n° 1174 rectifié ter de Mme Marion Canalès. – Rejet.
Amendement n° 949 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 444 rectifié ter de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 907 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 910 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 125 rectifié ter de M. Alain Milon. – Rejet.
Amendement n° 44 rectifié de Mme Jocelyne Guidez. – Retrait.
Amendement n° 911 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 67 rectifié ter de Mme Évelyne Perrot. – Rejet.
Amendement n° 1332 rectifié de M. Georges Patient. – Rejet.
Amendement n° 1055 rectifié bis de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Rejet.
Amendement n° 1218 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° 231 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 711 rectifié de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 232 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 233 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 59 rectifié bis de M. Henri Cabanel. – Rejet.
Amendement n° 235 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 236 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 237 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1058 rectifié bis de M. Alain Milon. – Retrait.
Amendement n° 238 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 239 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 10 quater (nouveau) – Adoption.
Article 10 quinquies (nouveau)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales
Amendement n° 954 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 1062 rectifié bis de Mme Martine Berthet. – Retrait.
Amendement n° 240 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 813 rectifié de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 1221 rectifié bis de M. Bernard Jomier. – Rejet.
Amendement n° 527 rectifié de M. Christopher Szczurek. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaire :
Mme Patricia Schillinger.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Immigration et intégration
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (projet n° 304 [2022-2023], texte de la commission n° 434 rectifié [2022-2023], rapport n° 433 [2022-2023]).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s’effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l’insérant dans votre terminal de vote. En cas de difficulté, les huissiers sont à votre disposition.
Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.
J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
Vote sur l’ensemble
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Ian Brossat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout au long des débats qui nous ont occupés de nombreux jours sur ce projet de loi relatif à l’immigration, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky a pensé très fort à la grande majorité des étrangers qui vivent sur notre sol, qui travaillent, qui produisent des richesses, qui contribuent au rayonnement de notre pays et qui ont dû se sentir bien mal en écoutant nos débats, ainsi qu’un certain nombre d’outrances qui ont été prononcées ici. Oui, nous avons ressenti un immense décalage.
Vous laisser croire que nous avions placé beaucoup d’espoir dans ce projet de loi serait mentir. Et c’est peu dire… Nous avions espéré malgré tout que ce texte puisse au moins permettre à notre pays d’avancer sur un certain nombre de sujets, notamment sur la question de la régularisation des travailleurs sans-papiers.
Nous avions espéré qu’au moins notre assemblée puisse faire le choix du pragmatisme, lequel aurait consisté à permettre la régularisation de ces travailleuses et travailleurs, qui le méritent.
Or non seulement ce projet de loi, tel qu’il résulte de nos discussions, ne nous a pas permis d’avancer sur ce sujet, mais il a considérablement dégradé la situation des étrangers vivant sur notre sol.
Ce texte est à la fois dur, cruel et, à certains égards, mesquin.
Il est dur quand il prévoit la fin de l’automaticité du droit du sol et l’obligation de résider dix ans en France avant d’accéder à la nationalité.
Il est dur lorsqu’il instaure des quotas triennaux d’immigration sans fixer de critères explicites.
Il est dur lorsqu’il prévoit la limitation de l’immigration étudiante.
Il est cruel lorsqu’il prive l’étranger en situation régulière d’allocations et de prestations sociales pendant ses cinq premières années de présence sur le territoire français, condamné qu’il est à cotiser, à payer des impôts et à ne pas pouvoir profiter des droits qui existent pour tous les autres citoyens vivant sur notre territoire.
Il est cruel lorsqu’il remet en cause – c’est une honte absolue ! – l’aide médicale de l’État (AME).
Il est cruel lorsqu’il prévoit de réduire les titres de séjour pour maladie, qui profitent notamment à des étrangers infectés par le VIH.
Il est dur, cruel et, à certains égards, mesquin lorsqu’il prévoit de supprimer les transports gratuits pour les bénéficiaires de l’AME.
Au fond, le seul qui, au sein de la majorité sénatoriale, ait dit la vérité, c’est le président Bruno Retailleau. Dans le Journal du dimanche, il a estimé que tout ce qui durcissait le droit des étrangers était « bon à prendre ».
De quoi donc sont coupables les sept millions d’immigrés qui vivent sur notre sol, qui veulent vivre dignement de leur travail ? Quels forfaits ont-ils donc commis, qui justifient pareil traitement ?
Disons-le très clairement, mes chers collègues : le pari sur lequel repose cet ensemble de dispositions est totalement faux. Vous faites le pari que, en dégradant les conditions d’accueil des étrangers, vous les dissuaderez de venir sur notre sol. Vous vous trompez : ils viendront, mais dans des conditions déplorables et lamentables en raison des dispositions adoptées dans le présent projet de loi.
En réalité, vous présentez vous-même un mirage, celui qui consiste à faire croire que l’immigration cessera ou se réduira drastiquement, alors même que la misère grandit, alors que les guerres se multiplient, alors que le climat se dérègle comme jamais.
Dans un tel contexte, il est vain d’imaginer que les flux migratoires se tariront ; il est vain d’imaginer que l’immigration cessera.
La seule question qui se pose est la suivante : comment affronterons-nous, ensemble, ce défi migratoire tout en assumant nos responsabilités ? Ce n’est pas avec ce texte que nous y parviendrons !
Surtout, ce projet de loi ne permet pas l’intégration.
Comment intégrer, dès lors qu’on se refuse à régulariser des hommes et des femmes sans-papiers qui travaillent, cotisent et paient des impôts ?
Comment intégrer, dès lors qu’on se refuse à permettre aux demandeurs d’asile de travailler plutôt que de vivre des revenus de l’assistance ?
Comment intégrer, dès lors que vous contribuez à faire des étrangers un groupe à part, privés de tout, sauf du droit d’être exploités ?
Surtout, le texte tel qu’il résulte de nos discussions comporte une contradiction majeure : d’un côté, on y revendique en permanence les valeurs de la République ; de l’autre, on porte atteinte à nos droits fondamentaux en foulant aux pieds les principes républicains auxquels, me semblait-il, nous sommes collectivement attachés.
Bien sûr, des avancées sont intervenues, à la suite notamment de l’adoption d’amendements de notre groupe.
Je pense, par exemple, à la question des victimes des marchands de sommeil. Je me réjouis ainsi que nous ayons pu faire adopter un amendement qui permettra d’accorder un titre de séjour provisoire aux victimes des marchands de sommeil qui portent plainte.
Toutefois, cette avancée ne saurait effacer l’ensemble des reculs que contient ce texte. Par conséquent, les sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky ne pourront que s’y opposer.
Notre conviction profonde est que la France peut accueillir dignement celles et ceux qui cherchent refuge chez elle. C’est notre honneur. C’est aussi notre honneur que d’assumer l’intégration, par l’école, par la langue, par le travail.
Telles sont les convictions qui nous animent et qui continueront de nous animer. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Ahmed Laouedj applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « L’homme n’est réellement libre que lorsqu’il a contribué à agrandir le domaine de la liberté. » Cette formule, prononcée le 27 avril 1948 par Gaston Monnerville – figure du radicalisme dont le RDSE est l’héritier –, aura servi de boussole à notre groupe tout au long de l’examen de ce texte.
Nous avons travaillé dans un climat difficile : les conflits militaires s’intensifient depuis plusieurs mois ; nous marchions ce week-end contre l’antisémitisme ; les nations et les communautés semblent se refermer sur elles-mêmes.
Ce projet de loi pour contrôler l’immigration m’apparaît, en particulier dans sa version sénatoriale, comme le symptôme d’une tendance qui nous préoccupe : celle du rejet de l’autre et de la méfiance envers ce qui nous est étranger.
M. Jérôme Durain. Très bien !
M. Michel Masset. Je n’étais pas encore sénateur lorsque ce texte a été présenté en conseil des ministres, mais j’y avais lu des dispositions constructives et prometteuses.
Je pense naturellement aux articles 3 et 4, ainsi qu’aux dispositions visant à rendre plus effectives les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Il en ressortait une recherche d’équilibre ou de compromis, qui correspond assez bien à l’idée que je me fais d’un législateur républicain.
Je n’étais pas encore membre de la prestigieuse commission des lois lorsque celle-ci, ensuite, examina ce texte. Cela ne m’a pas empêché d’observer la suppression de l’AME, la restriction des conditions du rapprochement familial ou encore la limitation du droit du sol pour l’accès à la nationalité.
Permettez-moi de redire notre position sur ces sujets.
Nous sommes opposés à la suppression de l’AME. Éclairée par son expérience de médecin, notre collègue Véronique Guillotin l’a parfaitement rappelé : les malades seront soignés, que ce soit au titre de l’AME ou de l’aide médicale d’urgence (AMU). Ils pousseront la porte des hôpitaux, et aucun médecin, dans aucun service d’urgences, ne demandera à voir une carte Vitale ou un titre de séjour avant de soigner. De plus, l’hôpital ne sera pas payé si l’AME n’existe plus.
M. Fabien Genet. Bel aveu !
M. Michel Masset. Nous sommes également opposés, dans une large majorité, à la restriction du droit du sol.
Les articles 2 bis et 2 ter nous semblent inappropriés : d’une part, ils ne constituent pas une réponse aux enjeux soulevés par ce projet de loi ; d’autre part, ils font peser le poids de vos inquiétudes sur des enfants et des adolescents.
De même, nous sommes opposés aux dispositions durcissant le rapprochement familial, car elles s’éloignent des valeurs d’humanisme partagées par notre groupe.
Ainsi, nous espérions, sur ces sujets, convaincre notre assemblée de changer sa position en séance publique. Hélas ! trois fois hélas ! nous n’y sommes pas parvenus et nous le regrettons.
Toutefois, au lendemain de l’examen par la commission, il restait un espoir : les articles 3 et 4 demeuraient dans le texte. Mais vous connaissez la suite…
Nous devons donc faire un constat d’échec. L’article 4 bis, bien qu’il ait été soutenu par quelques collègues pragmatiques, n’est pas de nature à nous satisfaire.
Monsieur le ministre, vous nous avez déclaré que les articles 3 et 4 n’étaient pas l’essentiel du texte. Ce n’est pas notre ressenti. Sans eux, ce texte donnera l’impression de n’être qu’une nouvelle réforme parmi d’autres, cela a été largement souligné.
Nous sommes profondément convaincus que le travail est un facteur d’intégration puissant, nécessaire à notre besoin de production et à notre mode de consommation. Nous sommes convaincus que la clandestinité est source d’exclusion et de marginalisation.
Cela ne nous empêche pas d’être réalistes, face d’abord à l’engorgement des préfectures, que la création d’une nouvelle voie de régularisation à la discrétion des administrations ne pourra qu’aggraver ; face ensuite au constat que le travail clandestin ne cessera pas avec ce texte, car il imprègne notre société et répond à un réel besoin.
L’article 4 bis donne donc l’impression d’être le résultat d’un geste non assumé : la suppression de l’article 3, dont nous reconnaissons tous, finalement, la nécessité et l’utilité. Vous l’aurez compris, cette technique ne nous satisfait pas.
J’attends de voir, en outre, comment nos préfectures puis les juridictions apprécieront, du point de vue du droit, les critères juridiquement flottants et subjectifs – « l’intégration à la société française » ou « l’adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci » – que ce nouvel article propose.
Bref, nul besoin de prolonger le suspense plus longtemps : la grande majorité des membres du groupe du RDSE votera contre le texte modifié par le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST, SER et CRCE-K. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. C’est dommage !
M. Michel Masset. Nous avons eu un bref espoir lorsque l’article 2 a été rétabli, contre l’avis des rapporteurs, mais la suppression des articles 3 et 4 a achevé de nous confirmer dans notre position.
Au-delà, le sort d’un certain nombre d’amendements aura contribué à forger notre avis. Nous regrettons, par exemple, que l’on envisage une législation évoquant explicitement « l’assimilation à la communauté française ».
De même, nous regrettons qu’un enfant mineur, entre 16 ans et 18 ans, puisse faire l’objet d’une rétention administrative.
D’ici à quelques semaines, nous remettrons l’ouvrage sur le métier lors de l’examen d’une proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile. Notre groupe exprimera alors sa position sur ce texte, comme il le fait chaque fois que c’est nécessaire.
De toute évidence, les questions de l’immigration et de la nationalité ne doivent pas être oubliées. Personne ne nie la crise migratoire. Toutefois, notre nation doit faire face à de nombreux autres défis, qu’ils soient économiques, écologiques, territoriaux ou encore démographiques.
Nous espérons donc que notre assemblée, dont je défends vigoureusement le sérieux des travaux, veillera à ne pas s’éloigner du cap qu’elle sait tenir : servir l’intérêt général de notre pays et placer, toujours, l’humain au centre du cercle.
« L’homme n’est réellement libre que lorsqu’il a contribué à agrandir le domaine de la liberté. » (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Olivier Bitz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une semaine de débat en séance, nous sommes appelés à nous prononcer sur un texte qui est d’abord le fruit de la volonté politique du Gouvernement, puis celui d’un compromis, lequel doit nous permettre d’avancer.
Au-delà des postures, l’essentiel est bien là : il s’agit de relever les défis posés à notre pays comme à tous les pays européens en maîtrisant mieux les flux migratoires, car il est absolument nécessaire de mieux protéger nos compatriotes des délinquants étrangers et de réussir l’intégration de ceux qui ont vocation à rester sur le territoire national.
La volonté politique du Gouvernement est claire : adapter notre droit aux nouvelles réalités migratoires que connaissent tous les pays avec lesquels nous pouvons être raisonnablement comparés, en corrigeant une trajectoire qui n’est pas soutenable dans la durée pour notre cohésion nationale.
Nous nous réjouissons, d’abord, de la bonne qualité, dans l’ensemble et sur un sujet aussi passionné, des débats qui ont eu lieu au sein de notre hémicycle.
J’adresse nos remerciements à M. le ministre de l’intérieur, pour son sens de l’écoute, du dialogue et du compromis, à nos deux rapporteurs, pour le sérieux de leur travail, et au président de la commission des lois, Jean-Noël Buffet, sans qui – j’en suis certain – nous ne serions pas arrivés à ce point d’équilibre.
M. Olivier Bitz. Je pense que nous pouvons collectivement nous satisfaire de la méthode qui a été adoptée.
La discussion d’un texte important en premier lieu au Sénat est évidemment un message de confiance envoyé à notre assemblée.
M. Didier Marie. C’est surtout un choix tactique !
M. Olivier Bitz. Le projet gouvernemental a ensuite été enrichi par les travaux de la commission, dont la quasi-totalité des propositions ont été reprises par le Gouvernement.
Enfin, le travail en séance aura permis de faire encore évoluer le texte.
En revanche, je le dis très clairement, certaines de ces évolutions nous ont profondément heurtés. Je veux parler en particulier de la suppression de l’aide médicale de l’État. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
Nous espérons que l’Assemblée nationale reviendra sur ce qui représente à nos yeux une faute morale et une erreur grave en matière de santé publique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Le dispositif de l’AME répond à une exigence élémentaire d’humanité. Notre pays doit rester fidèle à sa tradition et à ses valeurs humanistes : l’idée de conditionner l’accès aux soins d’un individu, par hypothèse en souffrance, à la régularité de sa situation administrative est pour nous tout simplement insupportable.
Aussi, nous comprenons et soutenons la démarche des milliers des soignants qui refusent d’être placés, du fait de la loi, dans une impasse déontologique.
Mme Sophie Primas. Ils n’ont qu’à travailler gratuitement !
M. Olivier Bitz. Aucun argument sérieux ne vient raisonnablement à l’appui d’une suppression de l’AME.
L’affirmation selon laquelle cette dernière créerait un appel d’air ne repose sur aucun élément, chacun le sait.
Aucune économie ne serait réalisée en cas de suppression, bien au contraire. Les pathologies seraient prises en charge plus tardivement, ce qui peut être dramatique pour les personnes concernées et encore plus coûteux pour la collectivité. De plus, si elle était définitivement adoptée, cette mesure conduirait à effectuer un transfert de charges entre l’État et l’hôpital public et à engorger encore davantage les services d’urgences.
Le jeu politique a aussi ses limites. Il n’est pas possible de jouer ainsi avec la santé, et donc la vie, d’êtres humains. Si l’AME doit être réformée – elle l’a d’ailleurs déjà été –, réformons-la ! Nous étudierons d’ailleurs avec attention le rapport demandé par le Gouvernement à MM. Stefanini et Évin. Mais, de grâce, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain !
Nous regrettons aussi la suppression de l’article 4, qui prévoyait un accès accéléré au marché du travail pour les demandeurs d’asile dont le besoin de protection est manifeste.
Quelle curieuse idée, de la part de la majorité sénatoriale, de préférer ainsi l’assistanat, supporté financièrement par le contribuable, à la possibilité ouverte pour les personnes concernées de travailler et donc de s’intégrer plus rapidement ! Ce renoncement à la valeur travail est difficilement compréhensible, qui plus est à un moment où nos entreprises font face à une pénurie de main-d’œuvre.
Nous déplorons enfin que les facilités d’accès à un titre de séjour pour les médecins diplômés à l’étranger ayant déjà reçu l’autorisation d’exercer en France aient été rejetées. Au moment où tant de territoires souffrent d’un manque de praticiens, cette décision est d’autant plus regrettable qu’il était question d’à peine 400 situations par an.
En revanche, nous nous réjouissons du maintien d’un dispositif de régularisation pour les salariés dans les métiers en tension. La majorité sénatoriale a préféré s’en remettre largement au pouvoir discrétionnaire des préfets – et donc, in fine, du ministre de l’intérieur – plutôt qu’à des critères impératifs pour l’administration, fixés par le législateur lui-même, quitte, d’ailleurs, à durcir ceux que le Gouvernement avait proposés.
Pour notre part, nous ne serons pas dans la posture : article 3 ou 4 bis, la belle affaire ! L’essentiel est bien que le dispositif de régularisation existe dans les métiers en tension pour les étrangers exprimant la volonté de s’intégrer.
M. François Patriat. Très bien !
M. Olivier Bitz. Ce dispositif facilitera l’intégration des étrangers concernés et permettra de satisfaire un besoin de nos entreprises.
Les dispositions concernant les étrangers délinquants ou constituant une menace grave pour l’ordre public ont également été maintenues. C’était pour nous un dispositif central du texte, destiné à mieux protéger nos concitoyens.
Nous nous félicitons du rétablissement des articles 2, 5 et 8, qui avaient été supprimés par la commission, de même que nous nous réjouissons de tous les dispositifs spécifiques aux territoires ultramarins qui ont pu être adoptés, souvent grâce aux sénateurs du groupe RDPI.
L’adoption de notre amendement visant à durcir les sanctions applicables aux reconnaissances frauduleuses de paternité est un autre motif de satisfaction.
Oui, le groupe RDPI votera majoritairement pour ce texte, en sachant que l’Assemblée nationale reviendra sur certaines dispositions que nous rejetons.
D’autres dispositions – celles qui portent sur la nationalité – sont manifestement des cavaliers législatifs. Elles seront, sans aucun doute, sanctionnées par ailleurs.
Il s’agit donc non pas de donner quitus à la majorité sénatoriale, mais simplement d’exprimer notre volonté d’avancer ensemble, au Sénat.
Ne pas adopter ce projet de loi reviendrait, in fine, à se satisfaire de l’état du droit actuel. Ce serait prendre une lourde responsabilité, alors que notre pays a besoin de renforcer ses exigences en matière d’intégration, de protection des Français, de simplification des procédures et de défense des valeurs de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme du parcours chaotique de ce projet de loi, plus d’un an après sa présentation en conseil des ministres et huit mois après son examen en commission des lois.
Avec cette vingt-neuvième loi sur l’immigration, on nous promettait de contrôler l’immigration et d’améliorer l’intégration. M. le ministre de l’intérieur avait résumé ce texte par cette formule : il s’agissait d’« être gentil avec les gentils et méchant avec les méchants ».
Un an plus tard, l’intégration a totalement disparu du texte.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Elle a disparu, à l’instar du ministre du travail qui, aujourd’hui encore, a renoncé à notre débat. (M. Hussein Bourgi s’exclame.) Résultat : il ne s’agit plus que d’être méchant avec les gentils et avec tous les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Loïc Hervé s’exclame.)
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pour nous, la solidarité, la dignité humaine et l’accès aux droits fondamentaux ne sont pas négociables : ils sont consubstantiels à l’ordre public et social.
À gauche, nous savons ce qu’apportent les étrangers, les travailleurs comme les étudiants, à la société française. Nous croyons à l’intégration par le travail, par l’accès à notre langue, par l’insertion dans notre vie associative et sociale.
Avec ce texte, au contraire, l’étranger n’est vu que comme une menace, un fraudeur, quelqu’un dont on peut, au mieux, tolérer la présence sur notre sol.
M. Loïc Hervé. Ce n’est pas vrai !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Alors que notre pays fait face à un triple dysfonctionnement – de l’accueil, de la protection et de la reconduction –, nous réfutons vigoureusement ce discours simpliste distinguant les « bons » et les « mauvais » étrangers, ainsi que le présupposé selon lequel l’immigration économique serait plus légitime et plus noble que l’immigration familiale ou l’asile.
Oui, nous considérons que la régularisation par le travail est bénéfique à l’ensemble des travailleurs, là où le travail illégal cultive la précarité et la concurrence déloyale, les travailleurs sans-papiers étant contraints d’accepter d’indignes conditions de travail et de rémunération.
La non-régularisation des travailleurs sans-papiers laisse prospérer une forme d’esclavage moderne. Visiblement, au regard du texte sur lequel nous devons aujourd’hui nous exprimer, ce n’est pas la position de la majorité sénatoriale.
Nous, sénatrices et sénateurs socialistes, nous opposons fermement aux dispositions qu’ont introduites dans ce projet de loi la droite et son allié centriste, avec l’assentiment et la bienveillance du ministre de l’intérieur.
Nous combattons la précarisation des étrangers que vous voulez instaurer, par la suppression de toute allocation non contributive avant cinq années de résidence en situation régulière – les enfants, eux aussi, s’en trouveraient punis –, par votre refus de régulariser les étrangers sans-papiers dans les métiers en tension – une mesure pourtant soutenue par l’ensemble des employeurs et par les Français…
M. André Reichardt. Mais non !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous voulez encore précariser les étrangers par l’exclusion des personnes en situation irrégulière du dispositif d’hébergement d’urgence, les condamnant donc à la rue, et par votre refus d’octroyer aux demandeurs d’asile le droit au travail dès le dépôt de leur demande, les condamnant ainsi à ce que vous dénoncez parfois comme de « l’assistanat ».
Nous ne pouvons pas accepter le déni du droit à la santé des étrangers que représente la suppression de l’aide médicale de l’État, qui, pourtant, bénéficie à l’ensemble de la population.
En ce qui concerne l’AME, d’ailleurs, nous ne parvenons plus à suivre la position gouvernementale, qui varie selon les jours et les ministres. Le ministre de la santé s’y est dit favorable quand le ministre de l’intérieur s’y est opposé à titre personnel, avant de regretter sa suppression, le soir, à la télévision. Finalement, la Première ministre s’est prononcée pour le maintien de l’AME, sans que le Gouvernement s’oppose finalement à sa suppression au Parlement.
Nous ne pouvons pas accepter non plus l’arrêt de la prise en charge médicale des déboutés du droit d’asile.
Nous condamnons résolument vos atteintes au droit de la nationalité, par l’élargissement de la possibilité de déchoir une personne de sa nationalité et par la restriction du droit du sol.
Nous contestons également les atteintes au droit à une vie familiale que vous avez introduites en durcissant considérablement l’accès au regroupement familial.
Nous fustigeons avec force les multiples atteintes aux libertés et au respect des droits auxquelles vous avez procédé, notamment en portant à trois ans la durée possible d’une assignation à résidence.
Enfin, nous critiquons les restrictions à l’accueil des étudiants étrangers et à l’aide au développement ou à la politique de visas que vous avez adoptées. Par ce vote, vous faites courir le risque d’une dégradation du rayonnement de la France. À cet égard, l’ambassadeur de France au Maroc qualifiait cette politique, hier encore, de « gâchis ».
Ce faisant, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, votre texte reprend consciencieusement les propositions du Front national et de Marine Le Pen sur chaque thème évoqué lors de l’examen de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDSE. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Votre aile la plus dure a emporté le groupe Les Républicains, avec le soutien du groupe Union Centriste (Exclamations sur les travées du groupe UC.), sur un texte pourtant peu conforme à ses idéaux et avec la complaisance inquiétante non seulement du Gouvernement, mais également du groupe des sénateurs macronistes. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDSE. – Vives protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cette dérive se poursuit, comme le désirait le Front national, avec la proposition de loi constitutionnelle de Bruno Retailleau (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) que nous examinerons en séance publique le 12 décembre prochain et qui ne préconise rien de moins que de se soustraire au droit de l’Union européenne, de fixer des quotas d’étrangers par nationalité et d’expulser tout étranger condamné à une peine de prison.
Nous vivons aujourd’hui, mes chers collègues, un moment de clarification de la droite française.
Ce texte, au parcours chaotique, s’achève tel un naufrage pour la droite (Protestations indignées et huées sur les travées du groupe Les Républicains.). Il constitue une rupture non seulement avec notre modèle républicain, mais également avec l’héritage du gaullisme et l’ambition de cohésion que défendait Jacques Chirac. (M. Roger Karoutchi proteste vivement.)
L’un d’entre vous, mesdames, messieurs du groupe Les Républicains, écrivait, il y a dix-huit mois : « Chez Les Républicains […], notre faiblesse a été d’abandonner le terrain au Rassemblement national. […] (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Toute recherche de synthèse avec “l’autre droite” que nous combattons depuis toujours serait contre nature et nécessairement vouée à l’échec. » (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Il ajoutait : « Si nous renoncions à la fermeté de nos convictions, nous ne serions plus rien. […] Nous incarnons un idéal […] qui ne saurait être indexé sur les aléas de la vie politique, sinon nous ne serions plus que de simples opportunistes. »
Ces mots sont ceux de Philippe Bas ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas. Merci…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous le disons aujourd’hui solennellement à la majorité sénatoriale : ne vous laissez pas dériver vers une droite extrême, qui ne se satisfera jamais de vos propositions.
Au groupe centriste, nous disons : ne vous laissez pas emporter par cette dérive orthogonale (Vives protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) à votre conception de la société, ne passez pas du compromis à la compromission. (Vives protestations sur les travées du groupe UC.) Il est encore temps de mettre un terme à cette dérive.
M. Loïc Hervé. Nous sommes assez grands pour savoir ce que nous devons faire !
M. Marc-Philippe Daubresse. Et Mélenchon ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le groupe socialiste, pour sa part, prend ses responsabilités et s’oppose avec force à une vision étroite de la France, selon laquelle notre pays serait menacé par chaque étranger. Cette vision n’est pas la nôtre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDSE. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe SER et plusieurs sénateurs du groupe GEST se lèvent. – M. Ahmed Laouedj et Mme Guylène Pantel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Bravo ! et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’exprime non pas au nom de la commission des lois, mais au nom du groupe Les Républicains.
Au moment où nous abordons le vote de l’ensemble de ce texte, il nous faut laisser de côté les injures et les caricatures et regarder la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. Éric Kerrouche proteste.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. François-Noël Buffet. C’est, je le crois, la seule base de travail qui vaille ! Les idées, les visions, les conceptions finissent toujours par se heurter à la réalité des faits.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. François-Noël Buffet. Or le Sénat a depuis longtemps largement documenté ces questions et ses analyses ne sont jamais contestées. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Le contexte, vous le connaissez, c’est une pression migratoire sans précédent, régulière – 316 000 premiers titres de séjour ont été délivrés en 2022 – comme irrégulière – on compte 400 000 bénéficiaires de l’AME, mais le ministre lui-même estime que plus de 900 000 personnes sont en situation irrégulière sur le territoire national – et une grande incapacité des pouvoirs publics à réagir face à cette intensification des flux.
La conséquence – regardons-la en face, comme le font les Français – est que le processus d’intégration est grippé, pour ne pas dire qu’il ne fonctionne pas. Nous devons nous en désoler.
Les taux d’éloignement ne sont pas bons, chacun le sait. Les chiffres sont connus : le taux d’exécution des OQTF n’est que de 7 %, ce qui est évidemment largement insuffisant. Nous avons eu l’occasion de nous exprimer sur les raisons de ce phénomène.
La chaîne de l’asile est au bord de l’implosion. On estime que le nombre de demandes d’asile s’élèvera à 160 000 l’année prochaine. Le délai moyen de traitement des dossiers est de onze mois, très supérieur à l’objectif de six mois.
Quelles sont les causes de cette situation ?
Pour la majorité sénatoriale et le groupe que je représente à cette tribune, cette situation résulte d’abord d’une absence de vision de notre politique migratoire. Tant que la France n’aura pas déterminé la politique qu’elle souhaite avoir en la matière, elle ne connaîtra que des échecs.
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
M. François-Noël Buffet. Nous avons souhaité définir précisément notre politique migratoire dans le texte, de manière que tout soit parfaitement clair pour tout le monde et que les mesures qui en découlent soient cohérentes.
Le projet de loi comportait, dans la version que nous a transmise le Gouvernement voilà maintenant plusieurs mois, 27 articles. À l’issue de notre examen, il en comptera plus de 90. On peut donc considérer que le Sénat a beaucoup travaillé. Il a largement modifié ce texte pour définir, conformément à nos objectifs, une stratégie claire.
Le texte a été examiné en commission, évidemment. Nos rapporteurs ont effectué un travail approfondi et fixé six objectifs.
Le premier est de maîtriser les voies d’accès au séjour et de lutter contre l’immigration irrégulière.
Le deuxième est de muscler la politique d’intégration, c’est-à-dire de l’améliorer afin de permettre une intégration des étrangers sur le territoire national. L’objectif est non pas de bloquer les étrangers, mais de décider simplement que, dès lors qu’ils sont entrés sur le territoire national et qu’ils bénéficient d’un titre de séjour, ils doivent être rapidement intégrés à la vie commune dans les meilleures conditions possible ; il ne s’agit pas d’autre chose ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)
Les autres objectifs sont les suivants : autoriser l’éloignement des étrangers qui ne respectent pas nos lois et nos valeurs, nouveauté essentielle qui s’inscrit dans la continuité de la loi confortant le respect des principes de la République ; agir pour la mise en œuvre effective des décisions d’éloignement, évidemment ; mieux encadrer la réforme de l’asile, parce qu’il faut impérativement retrouver de l’efficacité dans ce domaine ; et enfin – personne n’en parle et pourtant c’est crucial –, perfectionner la réforme du contentieux, en portant à trois le nombre de procédures finalement applicables, afin de soulager nos magistrats administratifs en facilitant leur travail.
Le texte est parvenu ensuite au stade de l’examen en séance publique. Des débats importants ont eu lieu de nouveau sur la maîtrise des voies d’accès au séjour et à la nationalité, débats auxquels notre groupe a largement participé afin de muscler le dispositif, mais je n’entrerai pas dans le détail.
Nous avons débattu aussi de la lutte contre l’immigration irrégulière. À ce propos, puisqu’il a été question plus tôt de l’AME et que notre collègue nous a reproché non seulement de ne pas vouloir soigner les gens, mais aussi de supprimer les allocations familiales, je précise – c’est important – qu’il s’agit des prestations familiales non contributives.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Encore heureux !
M. François-Noël Buffet. Nous avons aussi discuté de la politique d’intégration et du fameux article 3.
Vous nous reprochez haut et fort d’être contre l’intégration par le travail. C’est faux ! Nous voulons simplement que la régularisation des sans-papiers travaillant dans les métiers en tension réponde à des règles. Nous refusons qu’elle soit massive et automatique, comme le prévoyait l’article 3 ; son adoption aurait constitué un appel d’air considérable. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Nous avons donc modifié le dispositif initial et confié la décision de régularisation au préfet, dans le cadre de la procédure d’admission exceptionnelle au séjour. Je pense que nous avons bien fait.
Il faut que ceux qui suivent nos travaux sachent que les étrangers qui ont un contrat de travail dans des métiers en tension pourront être régularisés sur le territoire national par le préfet, à la condition qu’ils en fassent, naturellement, la demande au titre de la procédure d’admission exceptionnelle au séjour et que la réalité de leur travail soit contrôlée. Voilà, en réalité, ce que nous avons voulu faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)
Nous avons également travaillé sur la mise en œuvre des décisions d’éloignement. Le sujet est difficile et compliqué, nous le savons, mais la mesure d’éloignement doit être ferme.
Si je devais résumer en quelques mots ce qu’ont voulu faire nos rapporteurs et la majorité sénatoriale, en particulier le groupe auquel j’appartiens, je dirais que nous avons fait en sorte que l’immigration régulière soit choisie, que l’État fasse des choix et les affirme clairement. Nous souhaitons une immigration économique qualitative.
Mme Laurence Rossignol. Piquer les médecins des pays pauvres, c’est tout ce qui vous intéresse…
M. François-Noël Buffet. Nous n’avons pas inventé cette notion tout seuls naturellement, peut-être que nous n’en serions d’ailleurs pas capables, je n’en sais rien… Nous nous fondons sur le rapport de l’OCDE, comme je l’ai déjà dit à cette tribune il y a plusieurs semaines.
Nous voulons une intégration de qualité, grâce à un renforcement des moyens d’apprentissage du français pour élever le niveau de langue et au respect des valeurs de la République. Nous devons évidemment nous donner les moyens d’y parvenir. N’instaurons pas une intégration au rabais !
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. François-Noël Buffet. À cet égard, nous prônons la tolérance zéro face à l’immigration irrégulière. Il faut savoir dire non à tous ceux qui sont en situation irrégulière sur le territoire national, qui y sont arrivés via des réseaux ou d’autres moyens illégaux et qui essaient de s’y maintenir à tout prix. Que les choses soient claires !
C’est aussi une mesure de justice à l’égard de ceux qui respectent les procédures, qui sont venus en France de manière régulière et qui s’y intègrent complètement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP. – Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.) Ces dispositions faciliteront leur intégration dans notre société.
Enfin, il est nécessaire de protéger la procédure d’asile. Il faut bien évidemment appliquer la convention de Genève, accorder le statut de réfugié à tous ceux qui en ont besoin et à qui cette protection est nécessaire.
M. le président. Il faut conclure !
M. François-Noël Buffet. Il faut bien évidemment lutter contre les réseaux de voyous qui profitent de cette procédure et provoquent une embolie du système…
Puisque l’on m’impose de terminer, j’indique que mon groupe votera ce texte. (Bravo ! et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains se lèvent.)
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Mme Laurence Rossignol. Après la copie, voici l’original !
M. Christopher Szczurek. Calmez-vous, madame Rossignol !
« Un acte manqué » : je ne saurais mieux résumer que par ces mots ce dont accouche finalement le Sénat.
Tout n’avait pourtant pas si mal commencé. Nous avions eu quelques espoirs lorsque notre assemblée accepta, un soir, de transformer l’aide médicale de l’État en une plus juste aide médicale d’urgence, mesure que le Rassemblement national appelle de ses vœux depuis de nombreuses années. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Elle permet de recentrer notre solidarité sur nos compatriotes, sans évidemment abandonner quiconque se retrouverait en situation d’urgence vitale.
À cet égard, permettez-moi cette parenthèse : nous nous insurgeons contre le dépôt de plaintes visant deux de nos collègues médecins ayant voté la suppression de l’AME. Ces dépôts de plainte sont évidemment symboliques et « foutraques » d’un point de vue pénal, mais ils attestent d’une volonté de pression sur les législateurs.
Mme Marie Mercier. Ne vous donnez pas ce mal !
M. Christopher Szczurek. Non, tout n’est pas mauvais dans ce texte, mais à la suite des tergiversations de la majorité sénatoriale, la disposition constituant le péché originel de ce projet de loi est revenue, certes par la petite porte, mais elle est tout de même revenue !
Nous restons persuadés que l’article 4 bis ne constituera nullement un frein à l’immigration illégale et au travail clandestin. Certes, il ne prévoit plus exactement un droit opposable, mais nous savons tous très bien ce que ce dispositif donnera dans la pratique – et au fond, vous le savez aussi très bien vous-mêmes, mes chers collègues !
Cet article dont nous avons débattu mercredi soir est un beau gâchis. Son adoption ne permettra pas de rompre avec les politiques d’incitation à l’immigration que nous dénonçons.
Nous savons par ailleurs que le Gouvernement va tenter de « caviarder » ce texte : le président macroniste de la commission des lois de l’Assemblée nationale l’a déjà annoncé et Gérald Darmanin a aussi manifesté sa volonté de cornaquer le travail des députés.
M. Christopher Szczurek. Finalement, tout cela est sans doute le signe que le référendum que nous proposons est la seule issue démocratiquement viable sur ce sujet. Les Français, nous le savons, soutiennent les dispositions que nous défendons, au premier rang desquelles figurent la fin du droit du sol et la priorité nationale.
Dès lors, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour réaffirmer notre vision de la communauté nationale. Comme le disait Jacques Bainville dans son Histoire de France fondatrice : « Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation. »
Quelques décennies plus tôt, Renan expliquait que la nation résultait d’une adhésion collective. Celle-ci trouve évidemment ses sources non pas dans l’ethnie ou dans les origines, mais bel et bien dans le regroupement autour d’une volonté et de valeurs communes.
Telle est notre vision de la France : une volonté commune d’aller vers une même destinée. Dès lors, l’immigration ne peut avoir lieu sans un consentement mutuel des arrivants et, surtout, des accueillants.
Les Français ne sont ni racistes, ni xénophobes, ni fondamentalement opposés à une immigration raisonnable.
Mme Laurence Rossignol. Eux non, mais vous, si !
M. Christopher Szczurek. Ils considèrent simplement comme nous que nous n’avons plus les moyens de l’assumer. Il s’agit évidemment non pas d’une haine des autres, mais d’une envie de protéger les nôtres.
L’actualité étant cruelle, je ne mentionnerai pas les six mineurs migrants isolés interpellés ce matin, après des coups de feu, dans le quartier des Moulins à Nice…
Ce texte aurait pu et aurait dû être une démonstration de courage. Nous déplorons, comme le disait ce matin le député LR Pradié, qu’il soit une reculade. Nous voterons donc contre ce texte. (MM. Joshua Hochart et Stéphane Ravier applaudissent. – Huées sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les questions de lutte contre l’immigration illégale et d’intégration sont devenues pour beaucoup de Français, depuis de longues années, synonymes d’échec et d’impuissance publique. Elles constituent le symbole d’une forme de faillite de l’État.
Il existe un écart entre, d’un côté, un État surnormé, suradministré, qui a le goût du contrôle permanent dans beaucoup de domaines, et, d’un autre côté, un État qui paraît depuis longtemps démuni et dépassé quand il s’agit d’immigration, donnant le sentiment que ce sujet lui échappe et que, en la matière, nous ne sommes plus souverains ni maîtres de notre destin. C’est cet écart, ce paradoxe, qui nourrit les incompréhensions et parfois les colères chez les Français.
M. Joël Guerriau. Tout à fait !
M. Pierre-Jean Verzelen. Le Gouvernement a choisi de déposer un texte régalien en première lecture au Sénat. Notre examen s’appuie sur le travail et le rapport de la commission des lois, présidée par notre collègue François-Noël Buffet. Ce projet de loi était attendu, il était nécessaire.
Les débats ont été animés, parfois houleux, mais ils sont toujours restés corrects. Après l’examen de près de 700 amendements, nous arrivons aujourd’hui au terme de la discussion.
Chacune et chacun pourra objectivement, monsieur le ministre, saluer votre intérêt pour le travail parlementaire et votre implication dans les débats.
Au-delà des différences de points de vue, de convictions et parfois, disons-le, de postures, nous avons pu vérifier pendant la discussion que les questions de régulation de l’immigration et d’intégration sont, dans la pratique, devenues particulièrement techniques et juridiques. Ces matières donnent lieu, depuis quarante ans, à un empilement, une addition, une accumulation d’une multitude de lois, de circulaires, de décrets. Finalement, cette complexité nuit à la clarté et certainement à la capacité d’agir.
Ce texte comporte des avancées significatives.
La première d’entre elles est un renforcement de la législation contre ceux qui vivent de la misère et de la détresse des plus faibles, contre ceux qui n’ont pas de respect pour la dignité humaine : je pense aux passeurs, aux marchands de sommeil et aux patrons voyous.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Pierre-Jean Verzelen. Ensuite, un consensus s’est dégagé sur la nécessité d’organiser un débat annuel au Parlement sur la politique migratoire. C’est une bonne nouvelle. Alors que l’on parle d’immigration partout dans le pays et tout le temps, il est logique que le Parlement en discute au moins une fois par an. Ce sera l’occasion de déterminer les quotas en matière migratoire, en fonction des besoins de notre société.
Les Français attendent, et on le comprend, plus de fermeté. Un certain nombre de dispositions permettront l’expulsion des étrangers qui menacent gravement l’ordre public ou encore de ceux qui sont condamnés pour avoir commis des actes de violence.
Les délinquants étrangers n’ont pas leur place sur le territoire national. Nous souscrivons pleinement à la levée des protections contre leur expulsion. Les auteurs d’infractions lourdes ne pourront plus se maintenir sur notre sol. La faculté pour un juge de prononcer une interdiction du territoire français en cas de condamnation pour un crime ou un délit passible d’une peine de plus de trois ans d’emprisonnement sera enfin généralisée.
Une fois tous les recours exercés devant les tribunaux et le Conseil d’État, trois ans se sont souvent passés avant qu’il ne soit possible de dire définitivement à un étranger s’il peut ou non rester en France. Ce texte permettra de raccourcir significativement ce délai. N’est-ce pas la manière la plus efficace de faire appliquer ces fameuses OQTF, ces obligations de quitter le territoire français ?
Réaffirmons clairement qu’il n’existe pas, en France, de droit opposable au séjour.
Le contrôle du territoire et celui des flux de population constituent des éléments constitutifs de la souveraineté des États : la France ne peut pas et ne doit pas se départir de cette prérogative.
Notre groupe est satisfait du compromis trouvé concernant la régularisation des étrangers qui exercent des métiers en tension. Les préfets s’assureront que les personnes intéressées sont véritablement intégrées. Les démarches ne dépendront plus du bon vouloir de l’employeur.
Finalement, comme toutes les parties prenantes à cet accord estiment avoir eu gain de cause, on peut penser que l’article 4 bis est sans doute un bon compromis.
M. Pierre-Jean Verzelen. La régularisation et l’accueil légal des étrangers ne peuvent pas se faire au détriment de la cohésion nationale. Notre priorité doit être de parvenir à une intégration réussie : nous avons tellement échoué en la matière et depuis longtemps, nous avons tellement négligé cet aspect que nous en subissons aujourd’hui les conséquences.
L’étranger qui arrive en France devra s’engager à respecter les valeurs de la République : la liberté de conscience, la liberté d’expression, l’égalité entre les femmes et les hommes. Le non-respect de ces engagements donnera lieu un retrait du titre de séjour. Il faudra, là aussi, veiller à l’application de ces sanctions.
Les étrangers admis à résider durablement dans notre pays doivent maîtriser notre langue. L’obligation de réussite à l’examen de français est non pas un obstacle, mais, bien au contraire, une condition de la réussite de l’intégration.
« Ma patrie, c’est la langue française », disait Camus.
Le partage de la langue, c’est ce qui permet d’interagir avec l’autre, de transmettre, de comprendre l’histoire, de se respecter, parfois de s’aimer, de s’intégrer, de s’assimiler. La langue constitue la pierre angulaire de toute intégration réussie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Ce projet de loi s’inscrit naturellement dans un cadre européen et reste soumis aux évolutions géopolitiques mondiales. La liberté de circulation des personnes qui prévaut au sein de l’espace Schengen rend d’autant plus cruciale la maîtrise de nos frontières extérieures. Soulignons à cet égard le travail de l’agence Frontex, qui a la responsabilité de cette mission. Son financement a été accru et il faut veiller à renforcer encore ses moyens.
Les défis auxquels notre pays est confronté sont immenses. Les crises d’aujourd’hui nourrissent l’émigration de demain. Les guerres, les famines, le réchauffement climatique, les évolutions démographiques entraîneront des flux migratoires plus importants vers notre continent.
Les relations diplomatiques et économiques avec les pays d’émigration constituent un enjeu majeur et essentiel si l’on veut reconduire les immigrés illégaux dans leur pays d’origine.
En conclusion, ce projet de loi, tel qu’il a été modifié par le Sénat, sera bientôt examiné à l’Assemblée nationale. On entend dire, on lit que certaines et certains ont indiqué que la version du texte que nous avons adoptée serait détricotée, que les compteurs seraient remis à zéro… Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, de veiller à ce que le fruit d’un débat et d’un travail parlementaire approfondis soit respecté à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront ce projet de loi. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque nous avons entamé l’examen de ce projet de loi, nous avions la crainte – fait assez rare dans cet hémicycle – de ne pas pouvoir parvenir à un accord sur l’ensemble du texte.
La discussion avait été riche lors de l’examen en commission en mars dernier et elle l’a été également en séance la semaine dernière.
Aujourd’hui, nous sommes satisfaits d’adopter un texte sur un sujet aussi important pour nos concitoyens. Notre assemblée aura fait œuvre utile, et c’est tant mieux.
Le texte que nous nous apprêtons à voter a bien changé depuis son dépôt sur le bureau du Sénat, le 1er février dernier. Il s’est d’abord étoffé. Nous avons ainsi adopté un nombre d’articles additionnels assez inhabituel. Cela montre que la version initiale du projet de loi présentait plusieurs manques que notre assemblée a dû combler.
Ainsi, le texte ne prévoyait rien en matière de regroupement familial ou de contrôle de l’immigration étudiante alors que des évolutions étaient indispensables sur ces points.
Nous aurions aussi voulu aller plus loin sur le sujet brûlant des mineurs non accompagnés, mais certains de nos amendements ont malheureusement été frappés d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution.
Il était aussi nécessaire de renforcer le rôle du Parlement. Nous avons souhaité qu’il puisse fixer, à l’occasion d’un débat annuel, le nombre d’étrangers admis en France pour chacune des catégories de titres de séjour, à l’exception de l’asile.
Enfin, les débats en séance ont permis d’aller plus loin sur certains aspects du texte, notamment à la lumière de l’actualité dramatique de l’attentat d’Arras. Le Sénat a ainsi facilité la levée des protections contre les expulsions et les interdictions du territoire français, en supprimant certaines de ces protections et en généralisant la possibilité de prononcer leur levée.
Nous avons également rétabli en séance l’obligation pour un employeur de prendre en charge les frais relatifs à l’apprentissage du français.
Certains aménagements ont suscité des doutes ou des réticences au sein de notre groupe. C’est notamment le cas des dispositions de l’article 1er N adopté en séance, qui conditionne l’ouverture des droits aux prestations sociales non contributives à cinq années de résidence stable et régulière. Je rappelle qu’il s’agit des allocations familiales, de la prestation de compensation du handicap (PCH), ou encore des aides personnelles au logement.
Plusieurs membres de notre groupe estiment que ce délai de cinq années est trop long. Je rappelle toutefois que le délai en vigueur aujourd’hui n’est que de six mois. Nous l’avons donc étendu à cinq ans.
De même, la modification de l’aide médicale de l’État a suscité certaines réactions. Le débat se poursuivra à l’Assemblée nationale et en commission mixte paritaire.
Mais, soyons honnêtes, il existe une part de mauvaise foi des deux côtés. Ceux qui annoncent de manière tonitruante que nous avons supprimé cette aide et que c’est très bien ainsi ne rappellent pas toujours que nous avons surtout changé son nom en aide médicale d’urgence et réduit ainsi le panier de soins auquel elle donne droit. De même, ceux qui s’indignent de l’inhumanité de cette suppression font aussi semblant de ne pas voir qu’avec cette AMU, en réalité, on ne laissera aucune personne, qu’elle soit française ou étrangère en situation irrégulière, mourir d’une pathologie grave sur notre sol…
M. Rachid Temal. Cela ne change rien alors !
Mme Isabelle Florennes. Un compromis, je le rappelle mes chers collègues, n’est pas une compromission. J’appelle donc chacun, des deux côtés, à revenir à plus de sérénité et à cesser les déclarations trop radicales, qui ne reflètent pas ce que le Sénat a réellement voté ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Isabelle Florennes. Enfin, nous saluons l’accord qui est intervenu au sein de la majorité sénatoriale sur la question des métiers en tension.
Personne ne voulait, ni au sein du groupe LR ni au sein du groupe UC, de la création d’un titre de séjour qui aurait instauré un droit opposable à la régularisation. Nous sommes sortis de cette discussion par le haut. Je tiens, à cet égard, à saluer particulièrement les rapporteurs, ainsi que le président de la commission des lois, qui nous ont permis de parvenir à cet accord. Ce compromis pragmatique démontre une nouvelle fois l’utilité du travail du Sénat.
Mais une question est maintenant dans toutes les têtes : que va-t-il se passer maintenant ? (Ah ! sur les travées du groupe SER.)
J’espère, monsieur le ministre, que vous avez profité de cette semaine au Palais du Luxembourg, car il ne s’agissait, finalement, que d’un échauffement minutieux. J’ai bien peur que les débats au Palais Bourbon ne soient bien plus acrimonieux.
Le Sénat sera naturellement attentif à ce que feront les députés, mais nous pourrons difficilement transiger, vous l’avez bien compris, sur plusieurs aspects du texte.
Nous conservons l’espoir que le texte qui sera adopté à l’Assemblée nationale permettra la tenue d’un dialogue constructif en commission mixte paritaire. Toutefois, nous ne pourrons pas vous suivre, monsieur le ministre, si les apports du Sénat sont systématiquement remis en cause par la majorité à l’Assemblée nationale.
L’examen par la commission des lois débutera fin novembre et nous donnera des signaux auxquels nous serons attentifs.
Pour l’heure, les membres du groupe Union Centriste voteront très majoritairement en faveur du texte issu des délibérations de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au vote sur l’ensemble de ce projet de loi, dont le parcours chaotique et les débats erratiques auxquels il a donné lieu feront date, hélas !
Ce texte avait été examiné en février par la commission des lois, avant d’être retiré de l’ordre du jour au printemps, puis d’y être réinscrit en cette fin d’automne, dans la rédaction adoptée par la commission, en dépit des déclarations du Président de la République.
Nos discussions n’ont pas été à la hauteur du sujet. (M. Marc-Philippe Daubresse proteste.)
Toutes nos réflexions, toutes nos décisions, toutes nos lois devraient être fondées sur le constat que les flux migratoires sont croissants ; elles devraient être orientées vers la recherche des solutions indispensables pour intégrer les étrangers, qui continueront à arriver, quelles que soient les barrières administratives ou physiques que l’on peut ériger.
Or votre déni débouche sur un panel de mesures toutes plus pénalisantes et répressives les unes que les autres, dont le seul objet est de chercher à freiner l’arrivée, la régularisation et l’intégration des migrants dans notre pays. Quelle vision séparatiste de notre société !
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous êtes orfèvre en la matière !
M. Guy Benarroche. Ce texte a fait les frais de la guerre fratricide à laquelle le Gouvernement et la majorité sénatoriale se sont livrés.
D’un côté, certains dans cet hémicycle ont choisi ce sujet pour se démarquer de la majorité présidentielle : ils se sont donc déplacés sur leur droite, sans complexe.
De l’autre, le Gouvernement, ne voulant pas paraître moins-disant sur la « fermeté » affichée, a émis de nombreux avis favorables, par exemple sur le rétablissement du délit de séjour irrégulier ou sur les restrictions au regroupement familial, y compris pour les conjoints de Français. Il a ainsi accepté maintes aggravations, alors que le texte initial était déjà exagérément sécuritaire.
Les deux camps revendiquent aujourd’hui une victoire politique sur le dos non seulement des migrants, mais aussi des valeurs rassembleuses de notre démocratie. Même les centristes du Sénat revendiquent une victoire sur l’article 3, renommé article 4 bis et vidé de toute sa substance. (Protestations sur les travées du groupe UC.)
L’instauration d’un droit à la régularisation de certains travailleurs sans-papiers n’aura pas lieu si le texte qui nous est présenté aujourd’hui est voté.
Oubliée, aussi, la possibilité de travail immédiat pour les demandeurs d’asile avec le rejet de l’article 4 ; pourtant, quel que soit le devenir ou la vocation à rester sur notre territoire, l’accès au travail, c’est le début de l’autonomisation et de l’intégration.
Mes chers collègues, vous ne pouvez pas accepter ces abandons cyniques.
Ce texte, initialement très déséquilibré, est devenu un infâme repoussoir. Dans toute la gestion de ce projet de loi, actuelle et future, la cohérence d’une vision réfléchie et constructive de l’intégration et de l’arrivée des étrangers en France a été sacrifiée à des jeux de rapports de force politique. La politisation outrancière de la question migratoire est un piège qui ne profite à personne, sauf à une certaine frange de notre spectre politique. Les quelques amendements identiques de la droite et de l’extrême droite votés ici nous le démontrent.
La société ne sort pas indemne d’une libération de la parole qui fait apparaître l’étranger comme un danger. La xénophobie est une haine de l’autre. Contre tous les racismes, toutes les discriminations, notre lutte doit être sans connivence, sans calculs, sans arrière-pensées. Tel ne fut pas le cas pendant nos travaux.
Peut-être un futur référendum présidentiel ménagera-t-il, comme la majorité de cet hémicycle l’a fait, les pauvres propriétaires anglais, désormais exemptés de visa, car il est difficile de solliciter un permis de séjour ou un visa, une procédure longue et complexifiée par de nombreux aléas techniques. Mais pourquoi eux seulement ? Il est insupportable de ne pas individualiser les parcours d’immigration et de faire des catégories de bons étrangers et de bons travailleurs !
Nous avons vu s’accumuler nombre de dispositions – enfin, plutôt des marqueurs électoralistes, revendiqués comme tels - basées sur l’idée que l’étranger était un danger ou une charge, dont il faudrait se protéger en évitant tout appel d’air. Pourtant, cela n’a jamais été observé, jamais corroboré ou jamais démontré par quelque étude chiffrée que ce soit.
Vous avez préféré le récit inlassable, la légende et la croyance, plutôt que l’analyse réaliste, les chiffres, l’humanité, la vie des gens.
M. Loïc Hervé. N’exagérez pas !
M. Guy Benarroche. Vous avez tout oublié, monsieur le président Buffet.
Notre pays ne peut pas mettre les gens dans des situations irrégulières au regard de la loi à cause de la complexité croissante du droit et de l’inflation législative. Notre pays ne doit pas participer à la précarisation des étrangers.
Or qu’a décidé la majorité de cet hémicycle, souvent avec le soutien du Gouvernement ? La suppression de l’AME !
M. Stéphane Ravier. Bravo !
M. Guy Benarroche. Déclarant au début être très attaché à l’AME, le Gouvernement l’a défendue en développant des arguments indiscutables, mais a abandonné sa défense en rase campagne face à ce TOC des Républicains. Cette suppression est une faute, de l’avis même du ministre de la santé.
Les Français soutiennent l’AME,…
M. Jacques Grosperrin. Non !
M. Guy Benarroche. … les professionnels soutiennent l’AME. Les études et retours d’expérience démontrent l’utilité d’une telle mesure.
M. Xavier Iacovelli. Ce n’est pas le Gouvernement qui l’a voulu !
M. Guy Benarroche. En dépit de ces constats, le rapporteur a insisté, s’appuyant sur des arguments d’une bassesse rare (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.), jouant de la précarité de certains de nos concitoyens et de leurs difficultés d’accès aux soins pour justifier une telle suppression.
Nous, écologistes, pensons que nos concitoyens sont sensibles à la fraternité, et qu’ils savent que dégrader les conditions de vie de quelques personnes fragiles ne contribuera pas à améliorer leur situation. Si vous voulez que les Français puissent mieux se soigner, il y a tant d’autres mesures à prendre.
Cette suppression des articles 3 et 4 a bien contribué à enterrer l’équilibre promis, quoique déjà très précaire, du texte initial. Cette promesse a vite été jetée aux oubliettes par le Gouvernement.
Le texte s’est construit dans une vision toujours plus restrictive, reposant sur plus d’automaticité pour les sanctions. En revanche, nous n’aurons aucune automaticité pour les régularisations. Non, le bon travailleur intégré devra rester à la merci de son employeur, soumis à l’arbitraire de l’analyse d’un préfet. Davantage d’automaticité pour la suppression de l’accompagnement, le retrait des APL, les expulsions de logements, les sorties sèches de l’aide sociale à l’enfance, mais aucune pour les régularisations, le droit au travail des demandeurs d’asile, ou même la collégialité de l’étude des recours devant la Cour nationale du droit d’asile, avec le représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
Et que dire de toutes les mesures dont vous n’avez pas souhaité discuter ? Les réfugiés climatiques ? Pas le sujet, alors que l’Australie a commencé à accorder l’asile pour les habitants de Tuvalu. (M. le ministre manifeste son étonnement.) Ce texte n’était pas le bon véhicule, nous avez-vous dit.
En revanche, vous vous êtes tous jetés sur la bête pour y ajouter le sujet de la nationalité, compliquant ou restreignant son accès, y compris pour ceux qui sont nés ici.
Ce texte témoigne d’une vision décomplexée, rabougrie, rétrécie de l’immigration, avec le rejet et l’ostracisation de certains étrangers et des migrants. Vous avez oublié leur participation à notre société, à notre développement, à notre histoire.
M. Bruno Sido. C’est terminé !
M. Guy Benarroche. Le bouc émissaire est revenu pour cliver, et ce texte y participe. C’est le signe d’une dérive : gardons-nous de l’accompagner par des lois !
Rejetant ce texte indigne, notre groupe votera contre avec force et conviction. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
Je vous invite à insérer votre carte de vote dans le terminal et à l’y laisser jusqu’au vote.
Si vous disposez d’une délégation de vote, le nom du sénateur pour lequel vous devez voter s’affiche automatiquement sur le terminal en dessous de votre nom. Vous pouvez alors voter pour vous et pour le délégant en sélectionnant le nom correspondant puis en choisissant une position de vote.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 43 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l’adoption | 210 |
Contre | 115 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Huées sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de remercier tous les collaborateurs du Gouvernement et de votre Haute Assemblée.
Cette semaine de travail, très politique, s’est déroulée dans un climat d’écoute mutuelle et de respect des arguments de chacune et de chacun. J’espère avoir été à la hauteur des attentes du Sénat.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je remercie le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, ainsi que ses deux rapporteurs, Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère. Nous avons eu des désaccords, mais nous avons su mener un travail très important.
Enfin, j’adresse mes remerciements à l’ensemble des sénateurs. La presse et la télévision se sont fait l’écho de la discussion générale, mais il me semble que celle-ci n’a pas été annonciatrice de ce qui s’est joué ensuite. Je rappelle que le Gouvernement a émis des avis favorables sur des amendements issus de l’ensemble des travées de cet hémicycle, comme l’a relevé M. Brossat.
Je veux dire aux groupes de la gauche qu’ils n’ont rien à gagner à caricaturer ce texte, bien qu’ils y soient opposés. Au moins, M. Brossat a eu l’honnêteté de dire que certaines dispositions reprises amélioreront notre législation. (Exclamations amusées sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Monsieur le président, voilà un an, six mois, trois mois ou même quinze jours, peu de monde, y compris dans votre assemblée, aurait parié sur l’avenir du texte du Gouvernement. Il a certes été modifié dans un sens qui ne nous convient pas forcément, comme l’a relevé l’orateur du groupe RDPI, même si je me félicite qu’il contienne une mesure de régularisation. Tel était l’objectif que s’était fixé le Gouvernement, dans une assemblée qui compte moins de quarante sénateurs qui le soutiennent a priori. Je puis vous affirmer que je me rends à l’Assemblée nationale dans un esprit de compromis, ainsi que l’exige la majorité relative qui nous y soutient, et j’espère de tout mon cœur une commission mixte paritaire conclusive pour le bien, non pas du Gouvernement, de la Haute Assemblée ou de l’Assemblée nationale, mais des Français.
Fermeté contre les étrangers délinquants, meilleures conditions d’intégration, augmentation des moyens d’accueil, simplification des procédures : voilà ce qu’est désormais notre feuille de route.
À ceux qui, à gauche, promettent de tout faire lorsqu’ils seront en responsabilité, je rappelle que le Président de la République est le premier à proposer qu’il n’y ait plus de mineurs dans les centres de rétention administrative. Je n’en ai pas entendu un mot à la tribune, alors que la gauche, en soixante ans, n’a pas été capable d’imposer cette mesure progressiste. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste. – Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle également que, pour la première fois, un gouvernement oblige les employeurs à apprendre le français à leurs salariés pendant leur temps de travail. Aucun gouvernement socialiste ne l’a jamais proposé. (Mme Françoise Gatel et M. Loïc Hervé applaudissent.)
Je rappelle enfin que ce gouvernement a émis un avis favorable sur un amendement de M. Brossat, adopté par la suite, et visant à proposer des cours de langue gratuits. Les socialistes ne l’ont jamais proposé quand ils étaient en responsabilité.
Madame de La Gontrie, vous me faites penser à cette phrase prononcée par Georges Clemenceau devant la Chambre des députés : « On reconnaît un discours de Jaurès au fait que tous les verbes sont au futur. » (Rires et applaudissements sur les travées du groupe RDPI ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Merci, monsieur le ministre. Je tiens moi aussi à remercier les rapporteurs, les collaborateurs de la commission des lois, ainsi que l’ensemble de nos collègues qui ont été à la tâche.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Lors du scrutin n° 43 sur l’ensemble du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, MM. Olivier Jacquin et Victorin Lurel souhaitaient voter contre.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Financement de la sécurité sociale pour 2024
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2024 (projet n° 77, rapport n° 84, avis n° 80).
Dans la suite de l’examen des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre Ier de la deuxième partie, à l’article 9.
DEUXIÈME PARTIE (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2024
TITRE Ier (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Chapitre II (suite)
Simplifier le recouvrement social et le financement de la sécurité sociale
Article 9
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 134-1 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « Pour les besoins de cette compensation, les personnes mentionnées à l’article L. 611-1 sont distinguées, au sein du régime général, des autres catégories d’affiliés à ce régime. » ;
b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le calcul de cette compensation, le régime général en tant que régime d’affiliation des personnes autres que les personnes mentionnées à l’article L. 611-1 et les régimes spéciaux dont il assure l’équilibre financier en application du 3° de l’article L. 134-3, forment un ensemble unique. Les transferts relatifs à cet ensemble sont à la charge ou au bénéfice du seul régime général. » ;
2° L’article L. 134-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « l’ensemble » sont remplacés par les mots : « le solde » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° À compter du premier exercice au terme duquel leurs fonds propres sont négatifs :
« a) Du régime mentionné à l’article L. 142-9 du code monétaire et financier ;
« b) Du régime spécial de retraite du personnel de la société nationale SNCF et de ses filiales relevant du I de l’article L. 2101-2 du code des transports ;
« c) Du régime mentionné à l’article L. 2142-4-2 du même code ;
« d) Du régime prévu à l’article 1er de la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et d’assistance des clercs de notaires ;
« e) Du régime institué par la loi n° 57-761 du 10 juillet 1957 portant modification de certaines dispositions de la loi du 6 janvier 1950 en ce qui concerne le statut du Conseil économique ;
« f) Du régime mentionné à l’article 16 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ;
« g) Du régime mentionné à l’article 171 de la loi n° 46-2154 du 7 octobre 1946 portant ouverture et annulation de crédits sur l’exercice 1946 ;
« h) Du régime institué à l’article 3 de l’ordonnance n° 59-80 du 7 janvier 1959 portant réorganisation des monopoles fiscaux des tabacs et allumettes ;
« i) Des régimes des agents des chemins de fer d’Afrique du Nord et d’outre-mer ;
« j) Du régime des personnels de l’Office de radiodiffusion-télévision française. » ;
3° Après le 6° de l’article L. 241-3, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° Une contribution des régimes de retraite complémentaire mentionnés à l’article L. 921-4 du présent code dont le montant est fixé par une convention entre ces régimes et le régime général, approuvée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, du travail et du budget au titre de la solidarité financière au sein du système de retraite. À défaut de fixation par une telle convention, au 30 juin de l’exercice en cours, de la contribution due par les régimes de retraite complémentaire pour tenir compte des conséquences financières, pour chacun des organismes, de la fermeture des régimes spéciaux mentionnés aux a à f du 3° de l’article L. 134-3, un décret fixe le montant de la contribution due au titre de cet exercice. »
II. – Le IX de l’article 25 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 est abrogé.
III. – Après le premier alinéa de l’article L. 4163-21 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les personnels relevant du statut mentionné à l’article 47 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz, pour les personnels relevant du statut particulier mentionné à l’article L. 2142-4-1 du code des transports et pour les agents titulaires de la Banque de France, ces dépenses sont couvertes par une contribution de leur employeur assise sur les revenus d’activité pris en compte dans l’assiette des cotisations définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. »
IV. – La loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et d’assistance des clercs de notaires est ainsi modifiée :
1° Le paragraphe 2 de l’article 1er est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, les mots : « sans aucune interruption » sont supprimés ;
b) Après le même troisième alinéa, sont insérés six alinéas ainsi rédigés :
« Un décret fixe la liste des congés qui permettent le maintien de l’affiliation à ce régime d’assurance vieillesse après le 1er septembre 2023 alors même qu’ils ne donnent lieu ni au versement de cotisations ni à la constitution de droits à pension dans ce régime.
« En cas de rupture du contrat de travail après le 1er septembre 2023, l’affiliation est maintenue :
« 1° Pour une durée d’un mois à compter de la rupture du contrat lorsque cette rupture est à l’initiative du salarié ou d’un commun accord ;
« 2° Pour une durée d’un an à compter de la rupture du contrat lorsque cette rupture est à l’initiative de l’employeur.
« Par dérogation aux 1° et 2°, l’affiliation est maintenue jusqu’à la reprise d’une activité entraînant une affiliation auprès d’un autre régime de sécurité sociale lorsque cette reprise d’activité intervient avant l’expiration des durées mentionnées aux mêmes 1° et 2°.
« En cas de suspension ou de rupture du contrat de travail intervenue avant le 1er septembre 2023, quelle qu’en soit la cause, l’affiliation est maintenue pour une durée maximale de dix ans à compter de la suspension ou de la rupture du contrat. » ;
2° À la seconde phrase du 4° du paragraphe premier de l’article 3, les mots : « du 2° du III de l’article L. 136-2 » sont remplacés par les mots : « du 1° du II de l’article L. 136-1-2 ».
V. – La loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières est ainsi modifiée :
1° Le I de l’article 16 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « sans aucune interruption » sont supprimés ;
b) Après le premier alinéa, sont insérés six alinéas ainsi rédigés :
« Un décret fixe la liste des congés qui permettent le maintien de l’affiliation à ce régime d’assurance vieillesse après le 1er septembre 2023 alors même qu’ils ne donnent lieu ni au versement de cotisations ni à la constitution de droits à pension dans ce régime.
« En cas de rupture du contrat de travail après le 1er septembre 2023, l’affiliation est maintenue :
« 1° Pour une durée d’un mois à compter de la date de la rupture du contrat lorsque cette rupture est à l’initiative du salarié ou d’un commun accord ;
« 2° Pour une durée d’un an à compter de la rupture du contrat lorsque cette rupture est à l’initiative de l’employeur.
« Par dérogation aux 1° et 2° du présent I, l’affiliation est maintenue jusqu’à la reprise d’une activité entraînant une affiliation auprès d’un autre régime de sécurité sociale lorsque cette reprise d’activité intervient avant l’expiration des durées mentionnées aux mêmes 1° et 2°.
« En cas de suspension ou de rupture du contrat de travail intervenue avant le 1er septembre 2023, quelle qu’en soit la cause, l’affiliation est maintenue pour une durée maximale de dix ans à compter de la suspension ou de la rupture du contrat. » ;
c) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « à l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa du présent article » ;
2° Après la seconde occurrence du mot : « énergie », la fin de la première phrase du premier alinéa du V de l’article 18 est supprimée.
VI. – Le 3° du I et le III du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2024.
Les IV et V entrent en vigueur le 1er janvier 2024. Ils sont applicables aux congés et aux suspensions et aux ruptures du contrat de travail intervenues avant cette date.
Les 1° et 2° du I et le II entrent en vigueur le 1er janvier 2025.
La seconde phrase du 7° de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du 3° du I du présent article, ne peut s’appliquer pour la première fois qu’à la contribution due au titre de l’exercice 2025.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 807 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 901 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 1212 est présenté par Mme Lubin, MM. Kerrouche, Lurel, Mérillou, Ouizille et Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Poumirol et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy et Chantrel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 807 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. La réforme des retraites a entériné la fermeture des régimes spéciaux. L’article 9 poursuit la bascule vers le régime général, inscrivant dans ce texte des dispositions transitoires.
Plutôt que de renforcer notre système de retraite en travaillant sur les conditions de travail ou la pénibilité, le Gouvernement a choisi la stratégie du nivellement par le bas en fermant les régimes spéciaux, dont les niveaux de protection et d’indemnisation tenaient compte de la pénibilité, des contraintes spécifiques de la branche visée, et étaient donc plus favorables que le régime général. La crise du travail en France semble être une réalité que le Gouvernement ne souhaite pas prendre en compte.
Pourtant, en 2019, selon l’Enquête européenne sur les conditions de travail, 37 % des actifs occupés en France déclaraient que leur travail était « insoutenable ».
L’intensification du travail s’étend à toutes les catégories socioprofessionnelles. Ainsi, selon Opinion Way, en 2022, 34 % des salariés étaient en état d’épuisement professionnel, 14 % en état d’épuisement sévère et 41 % en détresse psychologique. Par ailleurs, la France est toujours championne d’Europe des accidents du travail.
Face à cette intensification du travail et à la spécificité de la pénibilité dans certaines branches, les régimes spéciaux constituaient une protection pour les salariés. Cet article confirme en quelque sorte leur disparition, en proposant d’ailleurs des modes de financement discutables, puisqu’il prévoit une ponction des réserves de l’Agirc-Arrco, ce que refusent les partenaires sociaux.
En conséquence, le groupe écologiste propose de supprimer l’article 9.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 901.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet article vise à assurer l’équilibrage des régimes spéciaux fermés par l’utilisation du 49.3, contre l’avis unanime des Français. Ces fermetures créent des déficits, puisque le nombre de cotisants sera moindre et que les pensions devront continuer à être versées.
Pour combler ce manque de ressources, le Gouvernement a annoncé son intention de ponctionner 3 milliards d’euros dans les caisses de l’Agirc-Arrco, avant finalement d’annoncer la semaine dernière qu’il ne le ferait pas devant la levée de boucliers qui avait suivi cette annonce.
Il semble utile de rappeler que les ressources de l’Agirc-Arrco sont constituées des cotisations des salariés du secteur privé afin de financer leur retraite complémentaire. Si vous changiez de nouveau d’avis, monsieur le ministre, une ponction de ces excédents constituerait un détournement et une attaque supplémentaires de la gestion paritaire.
Quoi qu’il en soit, l’article 9 prévoit la contribution de l’Agirc-Arrco, dans une convention approuvée par les ministres chargés de la sécurité sociale, du travail et du budget, au titre de la solidarité financière au sein du système de retraite. Cela revient à méconnaître la contribution de fait de ce régime à l’équilibre global du système. Cette décision est une intrusion sans précédent dans la gestion paritaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 1212.
Mme Monique Lubin. Les nouvelles modalités de financement des principaux régimes spéciaux fermés par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ouvrent la possibilité d’un désengagement progressif de l’État dans son rôle d’équilibreur en dernier ressort desdits régimes.
Le présent article doit permettre le transfert de nouveaux cotisants vers le régime général à compter du 1er janvier 2025. Plus précisément, ce dernier maintient la clause du grand-père et prévoit de faire peser le financement des avantages de retraite versés aux bénéficiaires de ladite clause sur les réserves ayant été constituées par les caisses de retraite complémentaire des salariés du privé depuis de nombreuses années.
Dans le même temps, les partenaires sociaux ont refusé, au début d’octobre, de reverser une partie des excédents des retraites complémentaires au régime général en adoptant une revalorisation de 4,9 % à compter du 1er novembre 2023 des pensions complémentaires des ex-salariés du privé.
L’Agirc-Arrco est un système de solidarité professionnelle, qui, au prix des efforts de ses bénéficiaires, parvient à dégager des excédents. La suppression du malus et la décision de la revalorisation constituent l’aboutissement de la politique volontariste consentie par les affiliés de l’Agirc-Arrco pour la constitution de ces réserves.
L’accord national interprofessionnel (ANI) du 4 octobre 2023 mentionne à son article 9 la mise en place au premier semestre de 2024 d’un groupe de travail paritaire chargé de définir des dispositifs de solidarité en direction des allocataires du régime Agirc-Arrco. Cette disposition prévoit non pas l’obligation d’une contribution, mais la prise en compte de la question de la solidarité financière, dans le cadre du paritarisme, s’agissant des excédents permis par une bonne gestion des partenaires sociaux.
On nous dit que la ponction du Gouvernement n’est plus d’actualité. J’ai rencontré des représentants de l’Agirc-Arrco, voilà deux semaines, qui me l’ont confirmé, sauf si un accord était trouvé avant le 12 novembre, soit avant-hier. Aucun accord n’a été trouvé, mais il semblerait que le Gouvernement n’ait pas renoncé pour autant à puiser dans les caisses de cet organisme. Nous attendons des explications.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Ces amendements visent à supprimer l’article 9, qui instaure un nouveau schéma de financement pour les régimes spéciaux fermés aux nouveaux entrants, en les adossant financièrement au régime général. En contrepartie, celui-ci percevrait une contribution de l’Agirc-Arrco correspondant aux cotisations perçues au titre de ces nouvelles affiliations liées à la fermeture des régimes spéciaux au 1er septembre 2023, ainsi qu’une clé de TVA correspondant aux sommes aujourd’hui versées par l’État pour équilibrer les régimes spéciaux déficitaires à travers la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Ce dispositif n’est pas d’une particulière simplicité, j’en conviens. Je tiens d’ailleurs à souligner que la plupart des caisses concernées ont vivement regretté l’absence totale de concertation en vue de l’élaboration de cette réforme. Du reste, celle-ci présente le risque d’un désengagement progressif de l’État de la compensation au régime général des charges liées à l’adossement, et, à tout le moins, d’une perte de visibilité du contribuable sur la part du financement des régimes spéciaux qu’il assume.
Malgré ces réserves, les directions des caisses des régimes qui doivent être adossés à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) m’ont pour la plupart indiqué que la mise en œuvre d’un mécanisme conventionnel visant à prévoir, pour chaque régime, le versement par la Cnav et l’Agirc-Arrco d’une compensation des cotisations supplémentaires qu’ils perçoivent du fait de la fermeture des régimes spéciaux serait relativement lourde. Vous l’aurez compris, les caisses sont plutôt d’accord avec cet article 9.
Je propose donc de le conserver, moyennant certaines précisions visant à assurer la clarté du dispositif et la compensation intégrale de son coût pour le régime général. Nous aurons l’occasion, d’ici à son entrée en vigueur, en 2025, de travailler avec les parties prenantes de façon à assurer la réussite de l’adossement.
Concernant l’Agirc-Arrco, le versement à la Cnav d’une contribution liée aux gains qu’elle tire de l’affiliation des nouveaux agents des entreprises et institutions relevant des régimes fermés est tout à fait légitime. Ces deux organismes versent d’ailleurs déjà une telle compensation au régime de la SNCF depuis sa fermeture, en 2020.
En revanche, il n’est pas acceptable d’imposer à l’Agirc-Arrco le reversement d’une partie de ses excédents au prétexte de faire contribuer le régime à la solidarité financière au sein du système de retraite. La commission vous proposera à ce sujet un amendement permettant de garantir aux partenaires sociaux leur liberté de gestion.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Mesdames les sénatrices, je vais préciser la portée de cet article, et, partant, les conséquences de sa suppression.
Il ne s’agit pas, comme j’ai pu l’entendre, notamment de la part de Mme Lubin, d’une ponction sur l’Agirc-Arrco.
M. François Bonhomme. Rétropédalage !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Il s’agit de tirer toutes les conséquences de la fermeture des régimes spéciaux.
De manière très concrète, cet article permet la poursuite du financement des pensions des personnes affiliées aux régimes spéciaux. Je le rappelle, bien qu’ils n’accueillent plus de nouveaux cotisants, ils continuent à verser des pensions. En revanche, le régime général et l’Agirc-Arrco perçoivent, eux, des cotisations. Pour assurer la continuité des pensions, nous prévoyons donc la contribution de la Cnav et de l’Agirc-Arrco, qui perçoivent des ressources supplémentaires. En aucune façon, j’y insiste, il ne s’agit de ponctionner ce dernier régime pour financer les retraites des régimes spéciaux.
Je rappelle par ailleurs, après Mme la rapporteure, que c’est exactement le dispositif qui a été mis en place au moment de l’extinction du régime spécial de la SNCF, la convention passée avec l’Agirc-Arrco n’ayant à l’époque pas soulevé de difficultés particulières.
En outre, vos amendements, s’ils étaient adoptés, auraient une autre conséquence annexe, qui serait d’empêcher le maintien de l’affiliation des salariés des industries électriques et gazières (IEG) dans leur régime spécial pour un autre volet, qui est celui non pas de la retraite, mais de la santé.
Je le redis avec la plus grande clarté : l’article 9 n’a rien à voir avec une ponction éventuelle sur l’Agirc-Arrco ; c’est tout simplement la reproduction d’un dispositif que nous avons déjà mis en place par un mode conventionnel, et qui permet de garantir la poursuite du versement des pensions des personnes affiliées à un régime spécial.
Je ne pense pas que votre intention, cet après-midi, soit de les empêcher de voir demain leur pension correctement liquidée.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur vos amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le ministre, vos propos ne nous rassurent pas. Finalement, il y a toujours cette épée de Damoclès au-dessus des comptes de l’Agirc-Arrco, avec un risque de ponction.
Pourquoi voulons-nous supprimer cet article, madame la rapporteure ? Car, même si le Gouvernement renonce à son projet initial de ponction, en l’état, l’article 9 permet d’assurer le transfert de nouveaux cotisants vers le régime général tout en finançant la clause du grand-père. Or le régime général n’a pas, selon nous, à se substituer à l’État dans le rôle d’équilibreur en dernier ressort des régimes fermés par la réforme des retraites, adoptée dans les conditions que l’on sait en avril dernier.
Enfin, l’article prévoit la fixation du montant de ladite contribution par simple décret ministériel, passé le délai du 30 juin. Nous refusons une telle logique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, je comprends parfaitement le mécanisme : les régimes spéciaux étant fermés, il faut bien évidemment que quelqu’un paie les retraites, et ainsi de suite.
Cependant, au-delà de cet aspect, vous ne pouvez pas nier que vous avez émis la ferme intention d’opérer une ponction dans les caisses de l’Agirc-Arrco pour financer le régime des retraites dans sa globalité. Les gestionnaires de cet organisme ne sont pas irresponsables, et ils ne nous auraient pas alertés pour rien.
Cette alerte est-elle complètement levée ?
Même si, au bout du compte, ces ponctions effectuées sur les caisses de l’Agirc-Arrco ne servent pas à financer immédiatement la fin des régimes spéciaux, il n’empêche que se pose, à travers elles, la question de l’équilibre général, à terme, de notre système de retraite ; on peut se dire que, si vous ponctionnez l’Agirc-Arrco, c’est bien pour essayer d’équilibrer, à un moment donné, celui-ci. Cela paraît tout de même assez évident !
Je veux donc vous poser une question simple, monsieur le ministre : avez-vous, oui ou non, renoncé définitivement à demander, de manière autoritaire et obligatoire, à l’Agirc-Arrco de puiser dans ses fonds pour venir alimenter…
M. François Bonhomme. Le braquage !
Mme Monique Lubin. … notre système de retraite ? Oui ou non, cela va-t-il arriver ?
Pour ce qui est du reste du débat, nous savons bien qu’un tel mécanisme est nécessaire dès lors que l’on supprime les régimes spéciaux. Simplement, monsieur le ministre, demander la suppression de cet article 9 est aussi une façon pour nous d’exprimer certains désaccords et de vous poser quelques questions.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Madame la sénatrice, il est en fait question de deux articles 9 dans ce débat relatif à l’Agirc-Arrco : le présent article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale et l’article 9 de l’ANI.
Le premier est complètement disjoint des débats entre le Gouvernement et les partenaires sociaux ; j’y reviendrai plus en détail, car je ne veux pas éluder votre question. En tout cas, cet article n’a rien à voir avec les débats qui ont pu agiter les uns et les autres, ces dernières semaines, sur la nature de la possible contribution de l’Agirc-Arrco aux mesures de solidarité envisagées, au vu des excédents que connaît ce régime à la suite de la réforme des retraites.
Comme vous l’avez vous-même reconnu dans votre intervention, madame la sénatrice, le présent article 9 vise simplement à permettre la poursuite du versement des pensions aux personnes qui relèvent des régimes spéciaux en extinction. (Mme Monique Lubin acquiesce.) Supprimer cet article, ce serait empêcher le versement de ces pensions.
Il est tout à fait normal que l’Agirc-Arrco et le régime général, ayant de nouveaux cotisants, encaissent des ressources supplémentaires. À ce propos, je regrette quelque peu que vous ayez employé dans votre intervention le terme de « ponction » : non, madame la sénatrice, il ne s’agit pas d’une ponction ! Dès lors que l’Agirc-Arrco et le régime général encaissent de nouvelles cotisations, il est tout à fait normal que celles-ci servent à payer des pensions, c’est un mécanisme de solidarité.
Voilà l’objet de cet article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Sur ce point, je pense que nous pouvons tous convenir, comme on l’avait fait au sujet de la SNCF, de la nécessité d’assurer un financement pérenne des pensions des bénéficiaires des régimes spéciaux.
J’en viens au second article 9 dont il peut être question ici, à savoir celui de l’ANI. Les partenaires sociaux ont décidé de négocier entre eux la contribution de l’Agirc-Arrco à diverses mesures de solidarité, telles que le minimum contributif, dans le cadre conventionnel qu’ils ont choisi ensemble. Je vous rappelle que le Medef a indiqué, il y a une dizaine de jours, qu’il était d’accord pour discuter avec les autres signataires de l’ANI pour définir dans quelle mesure il pourrait participer à ce processus. Telle était bien la demande du Gouvernement, depuis le premier jour : nous avions affirmé que nous souhaitions une contribution de ce régime, mais aussi que nous préférions que cette contribution soit déterminée par le dialogue social.
C’est justement ce que les partenaires sociaux ont prévu, en inscrivant eux-mêmes dans l’ANI, à son article 9, qu’ils délibéreraient sur ce sujet afin de trouver un accord entre eux. (Mme Monique Lubin le conteste.)
Non, madame la sénatrice, ils l’ont bien inscrit dans l’ANI ! Alors, de grâce, ne confondons pas les deux articles 9 : celui-ci vise à garantir le paiement des pensions des personnes affiliées aux régimes spéciaux en extinction ; il n’a donc rien à voir avec l’article 9 de l’ANI.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je veux dire à nos collègues que nous comprenons tout à fait qu’ils aient déposé des amendements de suppression de cet article ; comme vous l’avez dit vous-mêmes, leur examen offre une occasion à la fois de porter un message politique et de poser des questions à M. le ministre.
Et j’entends celui-ci nous expliquer qu’à aucun moment le Gouvernement n’a eu la volonté de venir ponctionner les caisses de l’Agirc-Arrco… (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Si, évidemment !
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. J’entends le ton que vous prenez aujourd’hui, monsieur le ministre, mais, il faut le dire de manière réaliste, s’il y a bien aujourd’hui un recul de votre part, c’est clairement parce qu’il y a un risque de censure, parce que les partenaires sociaux sont montés au créneau et parce que, au Parlement, nous vous avons indiqué par anticipation que nous serions formellement opposés à une telle approche.
Dès lors, afin de rassurer tout le monde, mais aussi, monsieur le ministre, d’éviter la tentation d’un retour à cette idée, Mme la rapporteure a déposé sur cet article des amendements dont l’objet est de boucler définitivement ce sujet en bloquant par avance toute tentative gouvernementale de procéder à un tel prélèvement plutôt que de recourir à la nécessaire négociation avec les partenaires sociaux. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
M. Laurent Burgoa. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. En effet, comme il vient d’être dit, ces amendements constituent avant tout un message politique, destiné à rappeler notre opposition à la suppression des régimes spéciaux.
Sans vouloir trop anticiper sur le débat que nous allons avoir sur l’Agirc-Arrco, je veux pointer une erreur dans votre dernière intervention, monsieur le ministre : non, ce ne sont pas les partenaires sociaux qui sont convenus, en fin de compte, d’en discuter ; injonction leur en a été faite ! S’ils refusaient, le Gouvernement aurait fait ce qu’il avait prévu, ce qui avait suscité une réaction unanime des partenaires sociaux gérant l’Agirc-Arrco, organisations syndicales comme patronales. (Mme Émilienne Poumirol renchérit.)
Comme Monique Lubin l’a rappelé, le ministère leur a donné un délai – jusqu’à avant-hier – pour se mettre d’accord sur une contribution de ce régime. On pourrait appeler cela une injonction de contribution volontaire ! Autrement, le Gouvernement appliquerait ce qu’il avait prévu à l’origine, de façon arbitraire et unilatérale. C’est une situation assez similaire à celle des lettres de cadrage : on invite les partenaires sociaux à se rassembler, à négocier, enfin à trouver un compromis, mais sans jamais dévier de la lettre de cadrage, où figure, pour les trois quarts, le résultat attendu par le Gouvernement.
Alors, monsieur le ministre, à défaut d’être d’accord, soyons honnêtes !
M. François Bonhomme. Sortez les rames !
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. J’entends exprimer, sur bien des travées de cet hémicycle, des arguments qui me semblent un peu contradictoires.
De quoi est-il question exactement ? La réforme des retraites adoptée cette année – certains ont voté pour, d’autres contre – a permis de dégager des excédents exceptionnels pour les caisses de retraite complémentaire du régime de l’Agirc-Arrco. Depuis plusieurs mois, le Gouvernement mène des négociations pour récupérer cet excédent. Cet objectif n’a jamais été caché. En effet, cet excédent n’aurait jamais existé si la réforme des retraites n’était pas entrée en vigueur.
Il ne s’agit donc pas de « piquer » de l’argent dans la caisse, mes chers collègues de gauche, mais, au contraire, de flécher cet excédent, conséquence de la réforme, vers des mesures de justice sociale, comme l’augmentation de la pension minimale des retraités ou encore une meilleure prise en compte de la pénibilité. Comment pouvez-vous, aujourd’hui, vous opposer à une mesure qui, loin de « piquer » de l’argent à qui que ce soit, permettrait d’améliorer le sort des plus faibles ? (Mme Raymonde Poncet Monge s’esclaffe.)
Je me tourne à présent vers vous, chers collègues membres de la majorité sénatoriale : vous qui d’ordinaire êtes pourtant si prompts à parler de responsabilité et de rigueur financière, vous entendez décider, par voie d’amendement, de supprimer cette possibilité. Je ne comprends pas comment vous pouvez vous y opposer alors que vous nous demandez de faire des économies et de mieux répartir l’argent ; cela me paraît assez incohérent.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 807 rectifié, 901 et 1212.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 44 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 102 |
Contre | 241 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 223, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer les mots :
prévu à l’article 1er de
par les mots :
institué par
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 224, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) Du régime des régies ferroviaires d’outre-mer ;
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle, en intégrant le régime des régies ferroviaires d’outre-mer à la liste des régimes spéciaux fermés qui seront désormais adossés au régime général.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les six premiers sont identiques.
L’amendement n° 649 rectifié bis est présenté par MM. Mérillou, Bourgi et M. Weber, Mme Conway-Mouret, M. Jeansannetas et Mme Féret.
L’amendement n° 808 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 885 rectifié bis est présenté par Mme Lubin, MM. Kerrouche et Tissot, Mme Bonnefoy, M. Montaugé, Mme Narassiguin et M. Cozic.
L’amendement n° 902 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 990 est présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.
L’amendement n° 1119 rectifié est présenté par M. Lurel, Mme Bélim, MM. Pla et P. Joly et Mme Monier.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 20 et 21
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Serge Mérillou, pour présenter l’amendement n° 649 rectifié bis.
M. Serge Mérillou. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 20 et 21 du présent article.
Cette fameuse réforme des retraites, les Français s’y sont opposés, mais vous l’avez tout de même faite. Elle a été adoptée dans les conditions que l’on connaît, et ses conséquences se font aujourd’hui ressentir dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce sont vos choix – ce n’étaient pas les miens, mais je respecte le fait majoritaire – qui s’imposent quant à la gestion de l’Agirc-Arrco.
Vous avez fait ces choix, monsieur le ministre, mais vous n’en assumez pas les conséquences. Face aux déséquilibres que va susciter cette réforme, le Gouvernement souhaite en effet inscrire dans la loi une contribution durable de l’Agirc-Arrco, sous le contrôle des ministres chargés de la sécurité sociale, du travail et du budget. L’alinéa 21 du présent article prévoit que le montant de cette contribution sera fixé par décret si les partenaires sociaux n’aboutissent pas à une convention avec la Cnav avant le 30 juin prochain.
Cette disposition représente une remise en cause totale de la gestion paritaire de l’Agirc-Arrco, ce qui va à l’encontre de la liberté des partenaires sociaux. Avec cette mesure, le Gouvernement cherche à financer les effets d’une réforme qui n’avait pas lieu d’être ; il s’octroie la possibilité de mettre les partenaires sociaux sous pression ; enfin, il les empêchera d’utiliser ces excédents pour revaloriser les retraites complémentaires : comme souvent, les Français en pâtiront.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 808 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 9 ouvre la possibilité pour le Gouvernement de ponctionner – je dis bien ponctionner – les excédents de l’Agirc-Arrco au titre de la solidarité financière au sein du système de retraite.
Le Gouvernement a justifié cette ponction en arguant qu’une telle solidarité entre les régimes permettrait de diminuer les déficits et de présenter un budget en cohérence avec les objectifs budgétaires de réduction du déficit qui découlent du programme de stabilité et du semestre européen. Pourtant, les comptes consolidés envoyés à l’Union européenne comptabilisent déjà les réserves de l’Agirc-Arrco. C’est donc un faux argument.
Par ailleurs, la bonne gestion de l’Agirc-Arrco, qui a tant de fois été soulignée par le Gouvernement, résulte d’un mode de calcul qui comprenait un malus pour les départs à la retraite avant 63 ans. Or, avec la réforme des retraites, cette mesure d’âge tombe et les déficits qui avaient justifié l’instauration de ce malus à partir de 2015 ne sont plus à l’ordre du jour. L’Agirc-Arrco n’a donc plus de raison de maintenir cette mesure d’austérité justifiée par le déficit. L’ambition exprimée par le Gouvernement de ponctionner une partie des excédents générés, toutes choses égales par ailleurs, par la réforme découle donc, en fait, de sa volonté de contraindre ce régime à maintenir un malus devenu sans objet du fait de la même réforme.
Notre collègue François Patriat a un raisonnement à court terme, comme le Gouvernement. Ce n’est pas celui de l’Agirc-Arrco, qui souhaite garantir l’équivalent de six mois de paiement des retraites complémentaires sur quinze ans glissants.
Je rappelle aussi que le recul de l’âge de départ à la retraite va forcément entraîner une augmentation du montant des retraites complémentaires, de 3 % pour les retraites de base. Dès lors, monsieur le ministre, si vous appliquez cette revalorisation sur quinze ans, l’excédent dont vous prétendez l’existence disparaît. On ne doit pas raisonner à court terme ! Vous auriez dû adopter une vue plus large et cesser de ponctionner le Fonds de réserve pour les retraites, qui nous aurait permis, à moyen terme, de faire face à la bosse démographique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 885 rectifié bis.
Mme Monique Lubin. L’objet de cet amendement ayant été très bien présenté, je n’y reviendrai pas. En revanche, je voudrais m’adresser à notre collègue François Patriat.
Vous avez reconnu, mon cher collègue, que le Gouvernement ne s’était pas caché de vouloir prendre de l’argent dans les caisses de l’Agirc-Arrco. Mais comment peut-on avoir eu cette idée ? C’est un petit peu comme si votre voisin, se trouvant en panne de liquidités, décidait d’aller piocher dans votre compte personnel parce que, ma foi, il suppose que vous avez quelques économies. (M. François Patriat proteste.) C’est à peu près la même chose !
Comment, ensuite, pouvez-vous dire que, si l’Agirc-Arrco a des réserves, c’est grâce à une réforme qui vient à peine d’entrer en vigueur et qui n’a par conséquent, de toute façon, pas produit ses effets ?
Si l’Agirc-Arrco a aujourd’hui des réserves, c’est aussi et surtout parce que les partenaires sociaux qui la gèrent ont pris, il y a quelques années, des mesures qui n’étaient pas très favorables à leurs adhérents : ils ont imposé un malus pour tous ceux qui choisissaient de prendre leur retraite à l’âge légal sans attendre. C’est cela, ajouté à l’amélioration de l’activité économique constatée après le covid-19, qui a fait que les réserves de l’Agirc-Arrco se sont régénérées, ce pourquoi les partenaires sociaux ont récemment décidé de rendre aux salariés un peu de ce qui leur avait été pris.
Alors, de grâce, arrêtez de justifier l’ambition du Gouvernement en expliquant que c’est normal, après tout, que celui-ci ne s’en est jamais caché, ou que c’est bien grâce à lui que l’Agirc-Arrco a des réserves, dont il faudrait s’emparer pour financer une réforme que, à vrai dire, l’on n’a certainement pas tout à fait financée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 902.
Mme Céline Brulin. Nous proposons effectivement de supprimer les alinéas 20 et 21, qui contredisent exactement toute l’argumentation que vous avez tenté de nous opposer quand nous proposions de supprimer cet article, monsieur le ministre.
Pour ma part, mes chères collègues, je vous trouve dures avec le président Patriat, car il me semble que notre collègue a au moins eu le mérite d’assumer une décision que le ministre essaie de camoufler dans ses propos. (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K et SER. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Céline Brulin. Je donne toujours une prime à l’honnêteté,…
Mme Michelle Gréaume. Oui, c’est très bien ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Monique Lubin. … car il est bon de dire clairement les choses qu’on envisage de faire, ce que M. Patriat a très bien fait.
Il est question, avec ces alinéas, de ponctionner les réserves de l’Agirc-Arrco. Ce qui est surprenant, c’est que, lors de l’examen de la réforme des retraites, lorsque nous avons précisément eu un débat sur ces régimes spéciaux, on nous a dit que c’était justice d’en finir avec eux – nous devions bien comprendre que les Français ne pouvaient plus supporter que certains d’entre eux bénéficient de régimes particuliers. Eh bien, nous constatons aujourd’hui qu’à cette injustice va s’en ajouter une autre. En effet, bien des affiliés à ce régime complémentaire, comme cela a été très bien expliqué par Monique Lubin, des salariés qui ont dû faire des efforts particuliers pour profiter de cette retraite complémentaire, vont aujourd’hui subir une injustice supplémentaire : en plus de devoir travailler jusqu’à 64 ans, ils vont devoir contribuer davantage à la solidarité de l’ensemble des régimes de retraite !
Ensuite, monsieur le ministre, vous nous dites de ne pas nous inquiéter : cette solidarité fonctionne, preuve en est la SNCF. Justement, le conseil d’administration du régime de retraite de la SNCF a dit tout le mal qu’il pensait de ce que vous êtes en train de goupiller, si je puis le dire en ces termes familiers, en expliquant que les mécanismes actuels, qui ont fait l’objet d’une longue négociation, semblaient donner satisfaction et qu’il n’était donc pas possible de remettre tout cela en cause !
Voilà, me semble-t-il, beaucoup d’arguments pour justifier la suppression de ces alinéas 20 et 21.
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart, pour présenter l’amendement n° 990.
M. Joshua Hochart. Avec cet amendement de suppression de ces alinéas, nous rejoignons effectivement nos collègues de gauche et, je suppose, beaucoup d’autres sur toutes les travées de notre assemblée. Nous souhaitons envoyer un message au Gouvernement.
Monsieur le ministre, vous avez fait passer de force l’odieuse réforme des retraites, par l’emploi du 49.3. Le minimum eût été que le financement de la branche vieillesse fût équilibré, au moins pour l’année 2024. Or il n’en est rien. Cette branche ne saurait être financée en tentant d’organiser le pillage d’un régime excédentaire de 5 milliards d’euros, résultat obtenu grâce à une bonne gestion. Il n’est pas admissible que le Gouvernement détourne ces sommes pour financer ses dépenses. Le but de ce pillage est de masquer l’illégitimité et l’inefficacité d’une réforme des retraites réalisée, rappelons-le, sans aucun consensus. Dans ce même schéma de fonctionnement, le Gouvernement souhaite réaliser cette captation contre l’avis du patronat et des syndicats. Réaliser ce hold-up viendrait de surcroît mettre en péril l’équilibre des comptes de l’Agirc-Arrco.
Mme la présidente. L’amendement n° 1119 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 225, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 21
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 7° Une contribution du régime institué en application de l’article L. 921-1 du présent code, dont les modalités de calcul et de versement sont déterminées par une convention entre ledit régime et le régime général, approuvée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, du travail et du budget, compensant les pertes de ressources résultant de la fermeture des régimes mentionnés aux a à f du 3° de l’article L. 134-3 pour chacun de ces régimes. À défaut de signature de cette convention avant le 1er juillet 2025, un décret, publié au plus tard le 31 décembre 2025, détermine les conditions de calcul et de versement de cette contribution. »
II. – Après l’alinéa 47
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juillet 2024, un rapport présentant les modalités de compensation intégrale par l’État, chaque année, des conséquences financières, pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse, des dispositions du 2° du I du présent article.
III. – Alinéa 48
Remplacer les mots :
Le 3° du I et le III du présent article entrent
par les mots :
Le III entre
IV. – Alinéa 50
Remplacer les mots :
et 2°
par la référence :
, 2° et 3°
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Après avoir envisagé de transférer les réserves de l’Agirc-Arrco au régime universel de retraite, projet abandonné depuis lors, et après avoir tenté de transférer aux Urssaf le recouvrement des cotisations de retraite complémentaire des salariés du privé, idée à laquelle il a ensuite renoncé – tout le monde s’en souvient sans doute –, le Gouvernement souhaite désormais mettre à la charge de l’Agirc-Arrco une contribution de solidarité au titre des gains que ce régime tire de la dernière réforme des retraites, gains dont le montant s’élèverait à environ 1,2 milliard d’euros en 2026 et jusqu’à 3 milliards d’euros d’ici à 2030.
Une telle ponction sur des excédents dégagés au prix des efforts consentis par les salariés du privé, ponction entreprise dans le but de combler les déficits massifs du régime général, constituerait une atteinte inacceptable au paritarisme et une violation du droit de propriété des affiliés du régime de retraite complémentaire.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. S’il est légitime que le régime général, qui assurera désormais le rôle d’équilibreur en dernier ressort des régimes spéciaux fermés par la réforme des retraites, perçoive de la part de l’Agirc-Arrco une compensation des conséquences financières de la fermeture de ces régimes, et s’il est justifié qu’un décret détermine le montant de cette contribution si celui-ci ne faisait pas l’objet d’un accord entre la Cnav et l’Agirc-Arrco, la rédaction objectivement trouble de l’article 9, qui mêle confusément contribution de compensation et contribution de solidarité, a naturellement suscité les inquiétudes des partenaires sociaux et des salariés du secteur privé.
Dès lors, dans un souci de clarté politique et juridique, cet amendement vise à supprimer les dispositions prévoyant une contribution de l’Agirc-Arrco au titre de la solidarité financière du système de retraite, dispositions qui alimentent les craintes des partenaires sociaux, ainsi que les vôtres, mes chers collègues, sans que soit pour autant prévue une solution en cas de blocage des négociations.
Nous souhaitons par ailleurs, concernant la compensation de la fermeture des régimes spéciaux, poser le principe d’une convention pluriannuelle entre la Cnav et l’Agirc-Arrco plutôt que les contraindre à renégocier chaque année le montant des sommes dues. Il en va déjà ainsi de la convention liant la Cnav, l’Agirc-Arrco et la caisse de retraite du personnel de la SNCF depuis la fermeture du régime spécial des cheminots au 1er janvier 2020.
Enfin, pour garantir que l’État n’éludera pas ses responsabilités, cet amendement tend à prévoir – c’est exceptionnel ! – la remise chaque année par le Gouvernement d’un rapport présentant les modalités de compensation intégrale par l’État des conséquences, pour le régime général, de l’adossement des régimes spéciaux fermés. C’est parce que, désormais, on ne pourra pas avoir cette explication dans le cadre du projet de loi de finances que nous demandons qu’un tel rapport soit remis chaque année.
Enfin, monsieur le ministre, faire des réserves, c’est juste de la bonne gestion, c’est ce que font toutes les entreprises ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, je sollicite que l’amendement n° 225 de la commission soit mis aux voix en priorité, avant les autres amendements en discussion commune.
Mme la présidente. Je suis donc saisie, par la commission, d’une demande de vote par priorité de l’amendement n° 225.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à cette demande, même s’il est défavorable à l’amendement en question… (Sourires.)
Mme la présidente. La priorité est ordonnée.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 649 rectifié bis, 808 rectifié, 885 rectifié bis, 902 et 990 ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je ne reprendrai pas tout l’argumentaire, mes chers collègues, mais vous comprendrez bien que, comme j’ai déposé un amendement dont l’adoption répondrait, me semble-t-il, à vos demandes, l’avis de la commission sur les vôtres ne peut être que défavorable.
Mme Raymonde Poncet Monge. Incroyable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je voudrais revenir sur quelques éléments du débat.
D’abord, j’ai beaucoup entendu parler des réserves de l’Agirc-Arrco. C’est une bonne chose que ce régime ait pour 67 milliards d’euros de réserves, et vous avez raison de souligner que c’est d’abord dû à sa bonne gestion. Mais qui a dit que nous allions prélever ces 67 milliards ? (Rires et exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Je le redis, ne vous en déplaise, madame la sénatrice Lubin : il n’a jamais été question de prélever les 67 milliards d’euros de réserves de l’Agirc-Arrco. C’est l’argent des salariés ! (Mêmes mouvements.)
Vous me donnez l’occasion de répondre à vos interrogations, madame Lubin, alors je vous prie de bien vouloir m’écouter. Jamais il n’a été question d’un tel prélèvement. Tout le monde s’est engouffré en disant : « Quelle honte ! Le Gouvernement veut prélever l’argent dûment gagné par les salariés ! » Il est vrai que cet argent est destiné aux retraites des salariés, mais cela n’a rien à voir avec le projet du Gouvernement, je le redis ici.
Mme Monique Lubin. Il faudra l’expliquer au président de l’Agirc-Arrco !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. De quoi s’agit-il ? Nous avons effectué une réforme des retraites qui, si elle ne génère pas les 67 milliards d’excédents de l’Agirc-Arrco, n’en améliore pas moins les conditions financières de ce régime.
Mme Monique Lubin. Peut-être !
Mme Émilienne Poumirol. Pas encore !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est une bonne nouvelle pour ce régime !
Je redis donc à Mme la rapporteure, pour la rassurer, qu’il n’a jamais été question de prélever 67 milliards d’euros. (Nouvelles marques dubitatives sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
En revanche, la position du Gouvernement, que nous n’avons jamais cachée, est la suivante : nous entendons déterminer comment cette réforme, qui, en décalant l’âge de départ à la retraite, améliore la situation de ce régime, peut contribuer à des mécanismes de solidarité. Olivier Dussopt a d’ailleurs lui-même évoqué un montant – 1,2 milliard d’euros en 2026 – qui permettrait une telle contribution sans que l’on prenne un euro des réserves constituées de l’Agirc-Arrco. Ne nous trompons pas de débat !
Je veux insister sur un deuxième point. Je vous ai écoutée défendre votre amendement, madame la rapporteure, et je dois dire qu’il y a quelque chose que je ne comprends pas. Après avoir entendu les uns et les autres défendre le paritarisme, avec beaucoup de vigueur et de sincérité, je ne comprends pas comment on peut défendre un amendement dont l’adoption empêcherait la mise en œuvre d’une des dispositions de l’Accord national interprofessionnel conclu par les partenaires sociaux. Je le redis, l’article 9 de cet accord – ce n’est pas le Gouvernement qui l’a écrit ; ce sont bien les partenaires sociaux – stipule que ces derniers se donnent la possibilité de négocier – écoutez bien, les termes sont importants – comment l’Agirc-Arrco pourrait contribuer aux mécanismes de solidarité. Encore une fois, ce n’est pas le Gouvernement qui l’impose : c’est un accord entre partenaires sociaux !
Or votre amendement, madame la rapporteure, tend à contrecarrer la mise en œuvre de l’article 9 de l’ANI : vous empêchez l’Agirc-Arrco de passer des conventions en dehors du strict cas du financement des régimes sociaux. Si votre assemblée votait cet amendement, vous diriez aux partenaires sociaux qu’ils ne pourront pas mettre en œuvre l’article 9 de leur accord. Mais enfin, ce serait une entorse énorme à la démocratie sociale, à celle que nous défendons tous ! (M. Joshua Hochart s’exclame.) Les partenaires sociaux ont choisi, librement, d’inscrire cet article 9 dans leur accord.
Mme Émilienne Poumirol. Contraints par la lettre de cadrage !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Pour notre part, nous leur avons dit que, s’ils employaient cet article 9, s’ils mettaient en œuvre les dispositions qu’ils ont eux-mêmes prévues, il n’y aurait pas de prélèvement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je vous appelle donc à un peu de cohérence, mesdames, messieurs les sénateurs : ne contraignez pas les partenaires sociaux dans leur liberté en adoptant cet amendement, ce qui aurait pour effet, tout simplement, de revenir sur un accord large entre les organisations syndicales et patronales.
Une autre raison explique mon opposition à votre amendement, madame la rapporteure : c’est qu’il tend à reporter à 2025 la mise en œuvre de cette convention. Seulement, la fin des régimes spéciaux s’est produite au mois d’octobre 2023. Nous avons donc besoin de la mise en œuvre de cette convention dès 2024, notamment pour gérer la fin des régimes spéciaux. Si elle devait être reportée à 2025, nous nous retrouverions dans la situation contre laquelle j’ai mis en garde votre assemblée lors de mon avis sur les amendements de suppression du présent article : le risque d’absence de financement des pensions issues de ces régimes spéciaux.
Dès lors, pour ces deux raisons – l’une de fond, l’autre de calendrier –, le Gouvernement ne peut être que défavorable à l’amendement de Mme la rapporteure, ainsi qu’à ceux qui sont en discussion commune avec lui.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’amendement prévoit l’entrée en application de la convention à partir de 2025 : nous avons seulement repris ce qui était déjà inscrit dans le texte.
Le montant de ces réserves s’élève bien à 3 milliards d’euros. Ce n’est pas une somme que nous avons inventée : elle nous a été indiquée lors des auditions que nous avons menées pour préparer ce texte, au cours desquelles il nous a d’ailleurs été confirmé que, si les partenaires sociaux voulaient faire un chèque, la Cnav pourrait très bien le récupérer. La direction de la sécurité sociale nous a assuré que cela ne poserait pas de problème.
Il n’est donc pas nécessaire d’inscrire ces dispositions dans la loi : nous les laissons plutôt à la main du paritarisme.
Nous n’entravons en rien celui-ci, monsieur le ministre. (M. le ministre délégué manifeste son désaccord.). Je ne comprends pas vos propos. Nos auditions l’ont confirmé : il est tout à fait possible de faire un chèque. Nous maintenons donc bien entendu cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous voterons l’amendement de la commission, étant donné qu’il reprend notre dispositif et une partie de son objet.
En revanche, je déplore votre petite manœuvre politicienne (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)…
Mme Raymonde Poncet Monge. … consistant à mettre aux voix en priorité l’amendement de la commission et, ainsi, à faire tomber les nôtres, après avoir émis un avis défavorable sur ceux-ci.
Pourtant, vous l’avez dit, les partenaires sociaux – tant les organisations syndicales que les organisations patronales – comme l’ensemble des groupes au sein de commission des affaires sociales étaient parvenus à un accord.
Je dirai même que c’est minable ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Oui, vous entendez bien : minable ! C’est comme cela que l’on qualifie un tel comportement ! Mais comme nous avons un peu plus de hauteur de vue (Sourires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), je le répète, nous voterons l’amendement de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je suis désolé : ce n’était pas du tout notre intention. Je l’avais d’ailleurs dit en commission : c’est une simple question de lisibilité. Il paraissait plus logique de commencer par l’amendement de la commission, surtout que le vote par priorité n’empêche aucunement la présentation par leurs auteurs des différents amendements et d’entendre l’avis de Mme la rapporteure.
Il n’y avait donc aucune arrière-pensée : c’était une simple question de logique.
M. Laurent Burgoa. Très bien, bravo ! Et toc !
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Je prends la parole sans illusion, mais je veux répondre à Mme Lubin, qui m’a mis en cause : l’intention n’est nullement de prendre l’argent dans la caisse du voisin, mais plus précisément de demander à ce voisin ou à l’un de ses associés de restituer honnêtement l’argent à celui grâce à qui il l’a gagné. C’est tout à fait différent !
Mme Émilienne Poumirol. Mais la réforme n’est pas encore appliquée !
M. François Patriat. Laissez-moi poursuivre, je ne vous ai pas interrompue !
Ensuite, Mme la rapporteure nous dit que rien ne nous oblige à inscrire ce dispositif dans la loi ; mais rien ne nous empêche non plus de le faire !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Bien entendu.
M. François Patriat. Bien entendu : c’est valable dans un sens comme dans l’autre.
Nous souhaitons tous trouver un accord, afin que les partenaires sociaux puissent organiser une redistribution juste à destination des plus démunis. Cependant, rien ne nous empêche d’inscrire ce dispositif dans la loi pour le cas où aucun accord ne serait trouvé à l’avenir.
Lorsque nous avons réformé le système de retraite dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, nous espérions tous sauver les régimes de retraite, réaliser des économies et en faire profiter tout le monde.
Sans cela, qui paiera la facture ? Les contribuables ! Si vous voulez augmenter les impôts, dites-le ; mais nous, nous voterons contre cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 649 rectifié bis, 808 rectifié, 885 rectifié bis, 902 et 990 n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 226, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 23
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
… – L’article L. 4163-21 du code du travail est ainsi modifié :
…° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
II. – Après l’alinéa 24
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au dernier alinéa, après la référence : « L. 4163-7 », sont insérés les mots : « du présent code ».
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 903 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. Alinéa 38
Supprimer cet alinéa.
II. Alinéa 40
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En cas de suspension de son contrat de travail, l’agent bénéficie de plein droit de la reprise de l’affiliation au régime spécial vieillesse à son retour au sein d’une entreprise des industries électriques et gazières. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. L’article 9 est le prolongement de votre casse des retraites d’avril dernier et de ses trois principales mesures : passage de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, allongement de la durée de cotisation et fermeture de cinq régimes spéciaux – ceux de la RATP, des industries électriques et gazières, des clercs de notaire, de la Banque de France et du Conseil économique, social et environnemental (Cese) – à compter du 1er septembre 2023.
L’alinéa 38 de l’article 9 soulève un certain nombre de difficultés. L’écriture de la clause du grand-père que vous avez retenue a pour conséquence d’exclure l’agent du régime spécial dès lors que ses cotisations ont été interrompues.
Ainsi, tout congé sans solde, tout détachement dans une autre entité sans cotisation au régime spécial ou toute mise à pied entraînerait la sortie de celui-ci.
Bref, dans le droit fil de la loi votée en avril dernier, l’article 9 impose des conditions restrictives extrêmement floues au maintien de l’affiliation au régime spécial de retraite des électriciens et gaziers après le 1er septembre 2023 ; or ces restrictions ne seront exactement connues qu’à la publication du décret, soit après le vote de cet article.
Il s’ensuit que de très nombreux travailleurs sont dans la plus grande incertitude quant au maintien ou non de leur affiliation au régime spécial de retraite des industries électriques et gazières.
Enfin, ces dispositions nous apparaissent contradictoires avec un autre alinéa du même article, qui, précisément, les dispense de l’obligation de justifier qu’ils n’ont connu aucune interruption à cette affiliation pour continuer d’en bénéficier.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous souhaitons la suppression de l’alinéa 38 et de la mention du décret inscrite à l’alinéa 40.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement vise à permettre la réaffiliation au régime des industries électriques et gazières des agents reprenant une activité dans ce secteur après la suspension de leur contrat de travail.
Le régime des industries électriques et gazières ayant été fermé aux nouveaux entrants, il paraît justifié de permettre – mais seulement dans certains cas –, le maintien temporaire de l’affiliation des assurés dont le contrat de travail est suspendu, par exemple en cas de congé familial et conjugal, ou rompu dans l’attente d’une reprise d’activité dans ce secteur d’activité.
Toutefois, il n’est pas envisageable de prévoir un tel maintien d’affiliation pour tous les cas de suspension ou de rupture du contrat de travail et sans limitation de durée. En effet, si cet amendement était adopté, la fermeture du régime des industries électriques et gazières n’aurait plus aucun sens.
C’est donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’adoption de votre amendement aurait pour conséquence de rétablir la condition selon laquelle un salarié des IEG doit rester affilié « sans aucune interruption » au régime spécial, comme Mme la rapporteure vient de le rappeler.
C’est pourtant l’une des avancées de l’article 9 : il assouplit l’interprétation pour éviter les ruptures d’affiliation, par exemple lorsque l’agent des IEG s’est absenté pour un congé familial ou qu’il a été licencié. C’est une sécurité supplémentaire ; or votre amendement la supprimerait. Avis défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 227 est présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 809 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 47
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 227.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement vise à rejeter le gel des taux de la contribution tarifaire d’acheminement (CTA) à leur niveau actuel, tel que le propose le Gouvernement.
Cet impôt, dû par le consommateur final d’électricité et de gaz, représente environ 1,7 milliard d’euros par an. Or il a pour unique objet de couvrir les droits acquis avant 2005, date de l’ouverture à la concurrence du secteur de l’énergie, par les affiliés du régime des industries électriques et gazières relevant du secteur régulé, ainsi qu’une fraction de la soulte due au titre de l’adossement du régime au régime général.
La soulte devant s’éteindre en 2025 et les droits acquis avant 2005 étant en diminution depuis 2018, la CTA doit désormais entrer dans une phase d’extinction progressive et non pas continuer à peser sur les consommateurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 809 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. La contribution tarifaire d’acheminement a été créée en 2005 pour financer une partie des pensions de retraite des agents des IEG. Si elle représente entre 2,5 % et 4 % du total de la facture des particuliers, son impact est resté neutre, compte tenu de la baisse des tarifs de l’électricité et du gaz sur la période. Il a même été proposé par les agents des IEG et leur caisse nationale de baisser le taux de cette contribution, face au surplus de recettes qu’elle générait !
Depuis 2019, la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg), le régime spécial des IEG, reçoit plus de contributions qu’elle n’a de charges à financer, et les excédents cumulés atteindront 1 milliard d’euros à la fin de 2023.
À compter de 2025, la Cnieg prévoit un niveau de CTA de l’ordre de 1,9 milliard par an pour 1,2 milliard de charges à couvrir, soit un excédent annuel de 700 millions d’euros.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale entend supprimer toute mention de la destination et de l’usage de cette taxe qui est actuellement collectée et définie « en fonction des besoins prévisionnels des cinq prochaines années de la Caisse nationale des industries électriques et gazières pour le financement des charges » des pensions de retraite.
Une telle suppression pose la question de l’usage futur de cette taxe par le Gouvernement, mais également de sa possible volonté de déséquilibrer la Cnieg par la création d’un déficit, en appliquant – ce qu’il sait faire - une nouvelle fois la politique des caisses vides.
Pour toutes ces raisons, le présent amendement vise à s’opposer à la modification de destination de la contribution tarifaire d’acheminement.
Mme la présidente. L’amendement n° 905, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 47
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« 2° Après la première phrase du premier alinéa du V de l’article 18 est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Ces taux tiennent compte, le cas échéant, de la résorption de tout ou partie des excédents constitués précédemment par la Caisse nationale des industries électriques et gazières. »
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Le présent amendement vise à s’opposer à la modification de destination de la contribution tarifaire d’acheminement.
La CTA a été créée en 2005 pour prendre en charge une partie des pensions de retraite des électriciens et des gaziers. Si elle représente entre 2,5 % et 4 % du total de la facture des particuliers, son impact est resté neutre, compte tenu de la diminution des tarifs de l’électricité et du gaz sur la période. En effet, le montant de cette taxe a été compensé par une baisse de tarifs de l’électricité et du gaz. Les usagers n’ont donc rien payé de plus.
En outre, depuis 2019, le régime spécial des IEG reçoit plus de CTA qu’il n’a de charges à financer. Les excédents cumulés atteindront 1 milliard d’euros à la fin de 2023.
À compter de 2025, l’excédent annuel atteindra 700 millions d’euros. Ce surplus financier est une preuve supplémentaire de l’autofinancement du régime spécial des IEG. C’est à ce titre que nous craignons que le Gouvernement ne lorgne cette recette pour la transformer en un nouvel impôt déguisé.
C’est aussi pour cette raison que, face au surplus de recettes que générait cette contribution, les agents des IEG ont même proposé d’en réduire le taux.
Or vous entendez supprimer toute mention de la destination et de l’usage de cette taxe, qui est actuellement collectée et définie « en fonction des besoins prévisionnels des cinq prochaines années de la Caisse nationale des industries électriques et gazières pour le financement des charges » des pensions de retraite. Avec cet article, le niveau de la CTA serait fixé par l’État selon son bon vouloir, indépendamment des charges à couvrir par la Cnieg. Une telle suppression doit nous interroger sur l’usage futur de cette taxe et son évolution.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 905 ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’amendement n° 905 vise à ce que les taux de la contribution tarifaire d’acheminement évoluent au rythme du niveau des réserves de la Caisse nationale des industries électriques et gazières.
Ces réserves doivent être prioritairement consommées pour assurer le versement des pensions dans le cadre de l’adossement au régime général : il résulterait donc de l’adoption de votre amendement une extinction de cette contribution bien plus rapide que ne le prévoit le droit en vigueur, à savoir une décroissance progressive à mesure que les droits spécifiques financés par cette contribution s’éteignent. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Ces amendements visent à maintenir les règles actuelles de fixation du taux de la contribution tarifaire d’acheminement.
Le régime des IEG est affectataire de la CTA. Cette affectation n’est pas remise en cause, ce dont vous devriez d’ailleurs vous réjouir. L’alinéa 47, que vous entendez supprimer ou modifier à travers ces amendements, est une mesure technique qui vise à simplifier sa définition.
Par ailleurs, pour répondre à certaines interrogations, cet alinéa ne marque pas un désengagement sur la CTA ni sur l’adossement : la CTA continuera à financer les droits spécifiques et l’adossement des pensions de droit commun du régime.
C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 227 et 809 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 905 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 131-8 est ainsi modifié :
a) Le 1° est ainsi modifié :
– à la fin du deuxième alinéa, le taux : « 53,37 % » est remplacé par le taux : « 55,57 % » ;
– à la fin du troisième alinéa, le taux : « 16,87 % » est remplacé par le taux : « 16,36 % » ;
– à la fin de l’avant-dernier alinéa, le taux : « 25,19 % » est remplacé par le taux « 22,99 % » ;
– à la fin du dernier alinéa, le taux : « 4,57 % » est remplacé par le taux : « 5,08 % » ;
b) Le 2° est ainsi modifié :
– à la fin, les mots : « affecté à la branche mentionnée au 4° de l’article L. 200-2 du présent code » sont remplacés par le mot : « affecté : » ;
– sont ajoutés des a et b ainsi rédigés :
« a) À la branche mentionnée au 1° de l’article L. 200-2 du présent code, pour 24,10 % ;
« b) À la branche mentionnée au 4° du même article L. 200-2, pour 75,90 % ; »
c) Le 8° est ainsi modifié :
– à la fin du deuxième alinéa, après le mot : « affecté », sont insérés les mots : « à la Caisse nationale de l’assurance maladie, au titre » ;
– au début des a et b, le mot : « Au » est remplacé par les mots : « Du financement du » ;
– le c est ainsi rédigé :
« c) À hauteur du solde du produit résultant des affectations mentionnées aux a et b du présent 8°, du financement des charges de la branche mentionnée au 1° de l’article L. 200-2 ; »
2° Au II de l’article L. 223-9, le taux : « 2,00 % » est remplacé par le taux : « 1,87 % ».
3° Au 7° bis de l’article L. 225-1-1, après le mot : « compenser », sont insérés les mots : « , dans la limite d’un montant fixé par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, » ;
4° Le II de l’article L. 225-6 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La répartition entre les recettes affectées aux dépenses de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale prévues aux 7° et 7° bis de l’article L. 225-1-1 est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en tenant compte du niveau des compensations prévues aux mêmes 7° et 7° bis. »
II. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au 3° de l’article L. 731-3, le taux : « 26,02 % » est remplacé par le taux : « 24,51 % » ;
2° Au troisième alinéa de l’article L. 732-58, le taux : « 27,38 % » est remplacé par le taux : « 28,89 % ».
III. – L’article 75 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 est ainsi modifié :
1° Les 1° à 5° du II sont ainsi rédigés :
« 1° À compter du 1er janvier 2024, le taux : “7,70 %” est remplacé par le taux : “7,39 %” ;
« 2° À compter du 1er janvier 2025, le taux : “7,39 %” est remplacé par le taux : “7,57 %” ;
« 3° À compter du 1er janvier 2026, le taux : “7,57 %” est remplacé par le taux : “7,75 %” ;
« 4° À compter du 1er janvier 2027, le taux : “7,75 %” est remplacé par le taux : “7,93 %” ;
« 5° À compter du 1er janvier 2028, le taux : “7,93 %” est remplacé par le taux : “8,10 %”. » ;
2° Au début du A du III, les mots : « Les I et II du présent article » sont remplacés par les mots : « Le I et le II, dans sa rédaction résultant de la loi n° …. du …. de financement de la sécurité sociale pour 2024, ».
IV. – Les 3° et 4° du I s’appliquent à compter du 1er janvier 2023.
V. – Les 1° et 2° du I, le II et le III entrent en vigueur le 1er janvier 2024.
Mme la présidente. L’amendement n° 943, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 10 est la « tuyauterie » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 : chaque année, un article prévoit en effet les transferts financiers entre la sécurité sociale et le budget de l’État.
Cet article est important pour comprendre l’évolution tant du financement de la sécurité sociale que de la philosophie de son modèle. Petit à petit, nous passons d’un modèle assis sur des cotisations sociales des employeurs et des travailleurs pour financer des prestations sociales sans contrepartie et ouvertes à toutes et à tous à un financement de l’État qui impose des conditions sur les droits versés.
La fiscalisation des recettes de la sécurité sociale a commencé par la création de la contribution sociale généralisée (CSG) et n’a cessé de progresser, au point que les recettes fiscales sont équivalentes aux recettes sociales dans le budget de celle-ci. En 2024, les 640 milliards d’euros de recettes proviennent pour moitié de cotisations sociales ; l’autre moitié est issue de la CSG, de la TVA et des taxes affectées. Les recettes de la taxe sur les salaires, de la taxe sur l’utilisation des véhicules de tourisme affectés à des fins économiques ou encore de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) contribuent indirectement à financer les cotisations sociales supprimées par les gouvernements successifs.
Comme nous l’avons dit en commission des finances la semaine dernière, le Gouvernement doit trouver 87,9 milliards d’euros uniquement pour compenser les exonérations de cotisations sociales des entreprises. La situation est devenue tellement absurde que – tenez-vous bien – une fraction des droits d’accise sur les alcools finance l’assouplissement des conditions d’accès aux points gratuits pour les affiliés du régime complémentaire des exploitants non-salariés agricoles, prévu par la dernière réforme des retraites.
Vous rendez-vous compte de la situation ubuesque dans laquelle nous sommes ? Pour nous, la seule réponse possible est le rétablissement des cotisations sociales, la suppression des exonérations et l’arrêt des transferts des recettes fiscales de l’État. Pour cette raison, nous demandons la suppression de l’article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement propose de supprimer l’article 10, qui occupe en effet une place importante dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : son examen, ainsi que celui des amendements tendant à insérer des articles additionnels après celui-ci, devrait nous occuper une partie de la séance. Un vrai tunnel !
L’article 10 concerne l’affectation des recettes. Certaines des modalités qu’il propose avaient été prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Or votre amendement vise à supprimer l’ensemble de ces dispositions.
Par ailleurs, l’article 10 modifie la valeur des fractions de taxes sur les salaires, dont certaines étaient prévues par la loi de financement pour 2023. Il affecte également une fraction supplémentaire du produit des droits sur les alcools au régime d’assurance vieillesse complémentaire des non-salariés agricoles : il serait très gênant de supprimer une telle disposition, qui avait été prévue dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
Cet article prévoit également l’affectation de différentes taxes, comme la taxe sur l’utilisation des véhicules de tourisme affectés à des fins économiques, pour transférer de la branche famille à la branche maladie le produit supplémentaire découlant de leur hausse prévue dans le projet de loi de finances pour 2024.
L’article 10 révise plusieurs affectations de recettes et déterminations de dépenses à des fins de mise en conformité. Nous y reviendrons au cours de l’examen de vos amendements.
Les recettes et les dépenses de la branche autonomie doivent ainsi être mises en cohérence, afin de tirer les conséquences de l’affectation supplémentaire de 0,5 point de CSG de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) vers la branche autonomie.
Aussi sa suppression serait-elle très gênante.
L’un des amendements de la commission, que je présenterai, me paraît plus équilibré. Supprimer de but en blanc l’ensemble de l’article reviendrait à nous priver de beaucoup de mesures qui ont déjà été définies et votées à travers de précédents projets de loi.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Votre amendement vise à supprimer l’article 10 et l’affectation de taxes au financement de la sécurité sociale.
Je vous le rappelle : la diversification des recettes de la sécurité sociale résulte notamment d’une politique d’allégement des cotisations sociales. Notre responsabilité est d’assurer le bon financement de la sécurité sociale, en la dotant d’un panier de recettes. Or, par cet amendement, vous la privez d’un certain nombre de recettes.
Ainsi, l’article que vous proposez de supprimer prévoit le transfert de la taxe sur les salaires entre la branche famille et la branche autonomie au titre du financement de l’assurance vieillesse des aidants. Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Cet article 10 est en effet le symbole de la tuyauterie des lois de financement de la sécurité sociale. Pour le comprendre, il faut le lire en miroir de l’article 32 du projet de loi de finances, qui modifie la part de TVA affectée à la sécurité sociale.
En effet, le Gouvernement a pris l’habitude – ce n’est pas le premier ! – d’opérer des transferts réguliers entre les branches afin de redistribuer les surplus à celles qui sont déficitaires. Mais les conséquences de ces transferts sur le solde de ces branches manquent cruellement de lisibilité.
En plus des transferts réguliers, les réaffectations d’impôts et de taxes par l’État ou les modifications de taux de cotisation correspondent de facto à des transferts entre branches.
Malgré l’importance des montants concernés, ces mouvements, fortement variables d’une année à l’autre, ne font pas l’objet d’un rapport d’évaluation sur leur efficacité, notamment pour réduire les écarts de solde entre branches. En particulier, l’impact de ces changements sur les soldes des différentes branches n’est pas présenté dans les lois de financement de la sécurité sociale.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 poursuit les mesures de transferts financiers résultant de la réforme des retraites, avec notamment un transfert de 194 millions d’euros de TVA de la branche maladie vers la branche vieillesse.
En outre, l’Unédic contribue au financement des politiques de l’État pour encourager l’emploi. Cet article permet au Gouvernement de réduire par arrêté la compensation par l’Urssaf Caisse nationale à l’Unédic du coût du dispositif de réduction dégressive de cotisations sociales patronales. Et ce dispositif n’est pas borné… On peut d’ailleurs s’interroger sur la constitutionnalité d’une disposition qui ne prévoit aucun plafond en la matière.
L’article 10 annule par ailleurs l’augmentation de 250 millions d’euros des plafonds de compensation par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux départements, alors même que ceux-ci ont des besoins importants. Bref, j’arrête l’énumération.
Nous ne voterons pas l’amendement de suppression de nos collègues communistes, mais nous comprenons leur position : il est temps de clarifier ces mécanismes de tuyauterie !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 228, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer le taux :
55,57 %
par le taux :
55,01 %
II. – Alinéa 5
Remplacer le taux :
16,36 %
par le taux :
27,48 %
III. – Alinéa 6
Remplacer le taux :
22,99 %
par le taux :
12,43 %
IV. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I, II et III, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement a un double objet.
Le premier est de corriger une erreur matérielle. Je pense d’ailleurs que l’amendement du Gouvernement a le même objet…
Dans leur rédaction actuelle, les alinéas 4 et 6 transfèrent 396 millions d’euros issus de la taxe sur les salaires de la branche maladie vers la branche vieillesse.
Or, comme cela est indiqué dans l’annexe 9, l’objectif est de ne transférer que 294 millions d’euros ; le delta est important ! Ce montant est composé de 194 millions d’euros au titre des gains permis par la réforme des retraites pour le régime de la fonction publique d’État, et de 100 millions d’euros au titre du transfert d’une partie du supplément de rendement de la taxe sur les véhicules de tourisme affectés à des fins économiques résultant de l’article 14 du projet de loi de finances pour 2024.
Surtout, cet amendement vise à transférer 2 milliards d’euros de taxe sur les salaires de la branche maladie vers la branche famille. C’est finalement le contentieux qui nous a opposés l’année dernière ! Vous n’étiez pas là, monsieur le ministre, mais nous avions déjà identifié ce problème. L’article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a en effet réalisé un transfert de charges de la branche maladie vers la branche famille correspondant à 60 % de la charge des indemnités journalières (IJ) pour congé maternité et à l’intégralité des IJ relatives à l’adoption et à l’accueil de l’enfant, sans transférer les ressources correspondantes.
Le Sénat avait alors adopté un amendement supprimant ce transfert de charges. Toutefois, il avait été rétabli au cours de la navette. C’est pour cette raison que nous revenons à la charge cette année : la commission avait considéré l’année dernière qu’un tel transfert, loin de répondre à un souci de partage logique et équitable des charges entre chaque branche, ne répondait qu’à une logique comptable et masquait un manque d’ambition chronique en faveur d’une politique familiale.
Cela a été très bien rappelé par notre collègue Olivier Henno hier.
Dans son avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, le conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) avait d’ailleurs « vivement déploré le choix opéré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale de transférer à la branche famille de la sécurité sociale des charges reposant actuellement sur la branche maladie au titre des indemnités journalières ». Selon cet avis, « ce transfert de charges pose des questions de principe importantes quant à la capacité de la branche à répondre aux attentes majeures qui lui sont légitimement adressées ».
Mme la présidente. L’amendement n° 1350, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer le taux :
16,36 %
par le taux :
15,80 %
II. – Alinéa 6
Remplacer le taux :
22,99 %
par le taux :
23,55 %
La parole est à M. le ministre délégué pour présenter cet amendement et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 228.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet amendement a lui aussi un double objet.
Le premier, rappelé par Mme la rapporteure générale, est de corriger une erreur matérielle et de rectifier l’affectation entre les branches du rendement supplémentaire des taxes sur l’utilisation de véhicules de tourisme affectés à des fins économiques, qui ont été renforcées par le projet de loi de finances pour 2024.
Conformément à l’étude d’impact de l’article 10, ce surplus doit être partagé entre les branches vieillesse et maladie. Le présent amendement tend à rectifier cette erreur, puisque l’article prévoit l’affectation uniquement à la branche vieillesse.
Son second objet est de réaffecter vers la branche vieillesse les gains résultants du gel des bornes d’éligibilité aux dispositifs de réduction de cotisations d’allocations familiales. Il s’agit de tirer les conséquences d’une mesure adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, en prévoyant un transfert vers une branche déficitaire dans une logique de solidarité financière entre les branches.
En commission des affaires sociales et durant la discussion générale, vous nous avez alertés sur les déficits de la branche vieillesse. Cette mesure permet de répondre pour partie aux demandes d’affectation de nouvelles recettes. Il s’agit d’un amendement de mise en cohérence et de coordination.
S’agissant de l’amendement n° 228, j’en partage de nombreux objectifs, conformes à l’amendement du Gouvernement, à l’exception d’un point qu’a rappelé Mme la rapporteure générale. En effet, je suis en désaccord avec la proposition de transférer 2 milliards d’euros issus de la taxe sur les salaires de la branche maladie vers la branche famille : l’objectif est de revenir sur le transfert réalisé en 2023 au titre – il faut le souligner – des indemnités journalières versées pour le congé maternité pour la période dite « postnatale ».
À cet égard, je vous rappelle que le financement de celui-ci par la branche famille a du sens. En effet, il est lié à l’accueil du jeune enfant et non plus au suivi de la grossesse. (Mme Raymonde Poncet Monge s’exclame.) Voilà qui justifie notre décision de 2023.
Par ailleurs, c’est aussi notre responsabilité au regard de la situation financière des différentes branches.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable. (Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales sourit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1350 ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L’année dernière, nous avions déjà souligné l’incohérence que constituait ce transfert de charges ; nous y revenons cette année au travers de cet amendement qui a pour objet de transférer 2 milliards d’euros.
Nous pouvons entendre vos raisons, monsieur le ministre, mais ce que vous proposez et présentez comme le second objectif de votre amendement s’apparente à un tour de passe-passe !
Certes, la branche vieillesse est en difficulté ; pour autant, prélever d’emblée, au profit de la branche vieillesse, les gains issus de la réforme des « bandeaux » famille et maladie prévue à l’article 10 quinquies, alors même que nous n’en avons pas encore débattu, me semble pour le moins cavalier et rapide.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement. Elle n’avait pas d’autre moyen de souligner que ce transfert de branche à branche n’était pas correct, d’autant qu’un tel débat, je le répète, a déjà eu l’année dernière.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je souhaite répondre à M. le ministre, qui revient tout de même assez maladroitement sur le transfert des indemnités postnatales.
S’il vous plaît, monsieur le ministre ! Dire que le congé maternité après l’accouchement n’est rien d’autre qu’un congé d’accueil du jeune enfant – au même titre qu’un congé parental, si j’ai bien compris votre analyse – me semble pour le moins éloigné de la réalité.
Vous n’êtes pas ministre de la santé, cela se voit ! (Sourires. – M. le ministre délégué s’exclame.)
Je vous rappelle l’importance de la dépression post-partum et sa mauvaise prise en charge en France, sans compter les autres risques associés à l’accouchement et à ses suites, qui, souvent, sont repérés dans l’entretien postnatal.
Monsieur le ministre, on ne parle pas là de l’accueil du jeune enfant ; c’est encore de la santé de la mère et de l’enfant qu’il est question. Si l’on vous suivait, on pourrait même supprimer le congé. Est-il vraiment nécessaire d’accueillir l’enfant ? Ne pourrait-on le mettre à la crèche dès la sortie de la maternité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Le transfert en défaveur de la branche famille est une opération comptable qui ampute celle-ci des moyens nécessaires pour mener à bien le projet ambitieux d’un service public de la petite enfance annoncé par le Gouvernement.
Si l’on fait des annonces dans un sens, mais que l’on agit dans un autre, on ne va pas y arriver !
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 1350 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 1316 rectifié, présenté par Mmes M. Vogel, Ollivier, Souyris et Poncet Monge et M. G. Blanc, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 12
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…) Le 3° bis est ainsi modifié :
– Au b, le taux : « 0,60 % » est remplacé par le taux : « 0,59 % » ;
– Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« …) À la Caisse des Français de l’étranger, mentionnée à l’article L. 766-4-1, pour la part correspondant à un taux de 0,01 % ».
II. – La perte de recettes pour la Caisse d’amortissement de la dette sociale est compensée à due concurrence par un relèvement du taux mentionné au 2° du I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil des propos de Bernard Jomier sur la « tuyauterie ». C’est en effet un peu de cela qu’il est question avec cette proposition relative à la Caisse des Français de l’étranger (CFE).
L’une des problématiques majeures des Françaises et des Français établis hors de France est d’avoir une protection sociale. C’est d’ailleurs pour éviter qu’ils ne se retrouvent sans protection sociale à l’étranger que la CFE a été créée en 1978.
L’adhésion y est certes volontaire - elle n’est donc pas obligatoire -, mais de droit.
La CFE souffre depuis de nombreuses années d’un déséquilibre financier, puisque, contrairement à la sécurité sociale, elle est uniquement financée par le biais des cotisations de ses adhérentes et de ses adhérents. Certes, elle reçoit 380 000 euros de l’État – soit, comme je l’ai dit l’année dernière, le prix d’un appartement à Marseille –, mais ce financement sert uniquement à assurer les personnes les plus précaires, celles qui relèvent de la catégorie aidée.
Les cotisations perçues par la CFE ont diminué de 30 millions d’euros entre 2007 et 2022, alors que ses dépenses continuent d’augmenter. Sur le long terme, la situation n’est pas tenable…
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’attribuer à la CFE une partie des recettes de la CSG provenant uniquement des placements financiers et des revenus du patrimoine – et ce n’est vraiment qu’une partie, puisqu’il ne s’agit que de 0,01 % du produit total.
Par ailleurs, pour éviter que cette nouvelle affectation n’entraîne une diminution des financements des différentes branches de la sécurité, nous majorons légèrement le taux de la CSG.
Par cet amendement, nous souhaitons surtout alerter le Gouvernement sur la nécessité d’avoir une option viable et pérenne – celle que nous proposons ou une autre – pour financer la protection sociale des Français de l’étranger.
En revanche, si nous ne faisons rien, nous allons droit dans le mur !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, vous proposez que, sur le 0,6 point de CSG attribué à la Cades, 0,01 point soit attribué à la CFE.
J’ai dit hier combien il était important que l’on puisse maintenir la capacité de la Cades à régler le problème de la dette. Vous voyez d’ailleurs bien que ce n’est pas suffisant, puisque nous allons sans doute être obligés de reporter son extinction au-delà de 2033.
Certes, vous mettez l’accent sur une caisse qui a des problèmes pour être à l’équilibre, mais la sécurité sociale est, elle aussi, en grave déséquilibre ! Dans ces conditions, pourquoi prendre à la sécurité sociale, au travers de la Cades, pour régler les problèmes de la CFE ?
Je comprends que vous interrogiez le Gouvernement sur cette question. Pour autant, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Madame la sénatrice, la CFE est évidemment un bien très précieux. Vous nous alertez sur sa situation financière, qui a été déficitaire en 2022, mais qui était encore excédentaire en 2021.
De fait, elle n’est pas alarmante… (Mme Mélanie Vogel s’exclame.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Un peu tout de même !
M. Yan Chantrel. Ça ne va pas s’arrêter là !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … et n’exige pas que l’on détourne – c’est bien ce que vous proposez – un pourcentage de ce qui alimente directement la Cades à son profit, alors même que nous avons besoin de rembourser la dette sociale.
Certes, vous ne proposez pas, en contrepartie, de majorer la CSG sur les revenus du capital, mais le fait est que vous entendez bel et bien réaffecter une partie de son produit à la CFE. Or, j’affirme que la Cades est absolument indispensable pour amortir la dette sociale.
Un travail reste à faire sur la situation de la CFE et je suis prêt à le faire conjointement avec le Parlement. J’y suis même favorable, mais cet amendement n’est pas recevable en l’état.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. C’était un amendement d’appel, monsieur le ministre. Vous vous engagez à travailler sur cette question et c’est très bien.
Si nous n’avons pas proposé de majorer la CSG sur les revenus du capital, c’est parce que nous nous heurtons à l’article 40 de la Constitution. Cela ne vous a pas échappé ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. J’entends les critiques sur le dispositif en tant que tel. Je rappelle à mon tour l’existence de l’article 40 de la Constitution, article qu’il a été proposé de supprimer ici même – en vain. Il nous faut donc faire avec.
J’appelle votre attention sur le fait que le déficit de 2022 est structurel ; sans mode alternatif de financement, il se creusera en 2023, puis en 2024. Le nombre de cotisants baissant et les prestations augmentant – les Françaises et les Français de l’étranger ont de plus en plus besoin de soins –, si vous n’avez pas une meilleure proposition, monsieur le ministre, je ne vois pas comment pérenniser cette caisse et éviter la catastrophe.
Je retiens que le Gouvernement est disposé à travailler avec les parlementaires pour réfléchir à un mode de financement durable de la CFE. Si c’est bien le cas – et j’espère avoir bien compris –, j’en suis très heureuse - je pense que ce sentiment est partagé par mes collègues représentant les Français établis hors de France. Je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 1316 rectifié est retiré.
L’amendement n° 810 rectifié bis, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 13 à 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement d’appel vise à supprimer le transfert par répercussion de la branche maladie à la branche vieillesse au titre des « économies générées par la réforme des retraites », afin d’alerter sur la nécessaire compensation des effets récessifs de la réforme sur l’assurance maladie.
Calculées sur des prévisions macroéconomiques surestimées, les économies permises par la contre-réforme des retraites le sont tout autant. La hausse induite des dépenses de protection sociale à la suite du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite n’a jamais été correctement évaluée par le Gouvernement, faute d’étude d’impact réelle.
Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), le relèvement de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans entraînera une hausse des dépenses d’indemnités journalières de sécurité sociale au titre des arrêts maladie, notamment, à ces âges, de longue durée, et des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), estimée à de 970 millions d’euros.
C’est sans compter non plus les effets de la hausse des consultations, ainsi que des dépenses de médicaments : une étude de l’Insee démontre que le recul de l’âge légal de départ à la retraite comporte un effet non négligeable sur les dépenses pour des visites chez les médecins ou les kinésithérapeutes, ainsi que sur les dépenses de médicaments. En 2012, des études ont démontré que le report de l’âge légal aux Pays-Bas avait fait s’accroître de 40 % le taux de dépression.
Par un mécanisme de transfert par répercussion de TVA affectée, puis de produits de taxe sur les salaires, l’article 10 transfère de l’État vers la branche maladie environ 1,4 milliard d’euros à l’horizon 2027 pour les verser à la branche vieillesse. Nous proposons d’annuler le transfert entre ces deux branches, afin de prévenir la dégradation des comptes de l’assurance maladie provoquée par la contre-réforme des retraites, en l’attente d’une véritable étude d’impact.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les alinéas que vous proposez de supprimer au travers de cet amendement d’appel ne correspondent pas aux explications que vous venez d’avancer, ma chère collègue.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En effet, la suppression des alinéas 13 à 17 entraînera le retrait d’un paragraphe de pure technique juridique, qui ne change donc rien concrètement, mais qui ne fait que rendre compatible avec la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques la manière dont la taxe de solidarité additionnelle (TSA) due sur les cotisations des contrats d’assurance maladie complémentaire finance la complémentaire santé solidaire (C2S) et l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI).
Je vous remercie d’avoir exposé vos idées. Reste qu’il y a un décalage entre la suppression de ces alinéas et l’objet que vous vous êtes fixé. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je partage l’analyse de la rapporteure générale de la commission des affaires sociales.
Au travers de cet amendement, madame la sénatrice, vous touchez à une disposition qui vise à mettre en conformité l’affectation de la taxe de solidarité additionnelle avec la loi organique. Son adoption aurait donc des impacts inattendus.
Au-delà de cet argument de technique juridique, ce transfert de la branche maladie à la branche vieillesse est tout à fait conforme au principe selon lequel la totalité des économies générées par la récente réforme doit être consacrée à rééquilibrer le système de retraite. Cela passe par un mécanisme d’affectation de TVA, qui bascule de la branche maladie à la branche vieillesse, dans la mesure où cette dernière ne peut pas recevoir directement de dynamique de TVA. Je partage vos remarques sur l’extrême complexité des circuits de financement… (Sourires.)
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 810 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 229 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 1026 rectifié est présenté par M. G. Blanc et Mme Guhl.
L’amendement n° 1213 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Jomier, Mmes Féret et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès et Conconne, M. Fichet, Mmes Poumirol et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche, Chantrel, Lurel et Michau, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Ouizille, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéas 18 et 24 à 31
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 33
Remplacer les mots :
, le II et le III
par les mots :
et le II
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l’amendement n° 229.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Parmi les mesures qui sont proposées à l’article 10 figure la neutralisation de la compensation aux départements par la CNSA de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Monsieur le ministre, cela ne vous aura pas échappé : nous sommes la chambre des territoires ! (Sourires.)
Une telle neutralisation revient à ne pas comprendre le cadre dans lequel s’inscrit la participation de la CNSA aux frais croissants que supportent les départements pour des prestations de plus en plus importantes en nombre et en volume.
Cette neutralisation, que la commission des affaires sociales propose au travers de cet amendement de supprimer, représente 250 millions d’euros de plus pour tous les départements, ce qui n’est pas grand-chose.
À chaque étape de la décentralisation, nous avons insisté pour que l’État compense à l’euro près. S’agissant de ces prestations, nous en sommes loin : la compensation est d’environ 30 %.
L’adoption de cet amendement permettra d’augmenter un peu plus la compensation aux départements, par le transfert de 0,15 point de CSG, soit 2,6 milliards d’euros, ce qui était prévu par la loi de 2020 relative à l’aide sociale et à l’autonomie.
Nous défendons les départements, dont les charges relatives aux personnes âgées et aux personnes handicapées sont de plus en plus importantes, et nous refusons cette neutralisation de la compensation.
Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour présenter l’amendement n° 1026 rectifié.
M. Grégory Blanc. Nous sommes en effet face au mur du vieillissement. L’enjeu consiste donc à structurer le futur service public territorial de l’autonomie (SPTA).
Pour relever ce défi, nous avons besoin, d’une part, de stabilité institutionnelle, pour que nos agents soient concentrés sur leurs missions auprès des publics. Évitons par conséquent d’ouvrir des débats ici ou là sur la déstabilisation des collectivités territoriales. Il faut, d’autre part, une prise en charge de la perte d’autonomie qui soit financée autrement que par les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), que l’on appelle communément les frais de notaire, c’est-à-dire par le marché de l’immobilier.
Aujourd’hui, les départements financent l’APA à près de 60 % et la PCH à près de 70 %. La Première ministre a annoncé sa volonté de tendre vers une répartition de 50-50 à l’horizon 2030.
Cet amendement vise cet objectif, au moins en garantissant une prise en charge à la hauteur de ce qui a été prévu dans le cadre de la loi de financement de la sécurité pour 2023.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 1213 rectifié.
Mme Monique Lubin. Comme cela vient d’être rappelé, les départements financent à plus de 60 % l’APA et à plus de 70 % la PCH, ce qui représente environ 8,6 milliards d’euros.
Alors que les départements sont confrontés de plein fouet aux augmentations de leurs dépenses en raison du vieillissement de la population, la stagnation des fonds de concours prévue par cet article se trouve en totale contradiction avec les besoins des collectivités pour mettre en place les politiques publiques de prévention de perte d’autonomie telles que les deux heures de lien social décidées par la précédente loi de financement de la sécurité sociale ou encore la structuration du futur service public territorial de l’autonomie.
Loin d’être un simple « article de tuyauterie » sans conséquence, selon l’expression de la rapporteure générale de l’Assemblée nationale, il s’agit bien d’une volonté d’accroître le poids des dépenses des départements, compte tenu de l’augmentation des besoins de financement pour l’APA et la PCH.
Cet amendement vise à maintenir les taux votés dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et, de ce fait, à permettre une augmentation significative des fonds de concours de la CNSA aux départements.
L’adoption de cet amendement constituerait également un signal important pour que le Gouvernement reprenne avec les départements une réforme d’ampleur des fonds de concours de la CNSA en vue de compenser à hauteur de 50 % les variations des dépenses de l’APA et de la PCH.
Il est tout de même un peu curieux de constater que le Gouvernement ne prend absolument pas la mesure des difficultés auxquelles sont aujourd’hui confrontés les départements. Ce n’est que le début, puisque le nombre de personnes éligibles à ces allocations ne fera que croître.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 382 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 1099 rectifié est présenté par Mme Aeschlimann, M. Sautarel, Mme Micouleau, MM. Khalifé et Paccaud, Mme Belrhiti, M. Reynaud, Mmes Petrus, Gosselin, Jacques et Malet, MM. Bruyen, Tabarot et Cadec, Mme Romagny et MM. H. Leroy, Longeot et Panunzi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 18 et 24 à 31
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 382 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que les amendements identiques précédents.
L’augmentation des recettes de la CNSA devrait entraîner une progression des fonds de concours des départements pour faire face à la dépendance par le biais de l’APA et de la PCH, et non un lissage par la baisse du pourcentage afin d’en rester au statu quo.
Il s’agit donc de supprimer l’alinéa 18, ainsi que les alinéas 24 à 31.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour présenter l’amendement n° 1099 rectifié.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Mes propos seront dans la même veine que ceux qui viennent d’être tenus.
Ce n’est pas que de la tuyauterie ! D’ailleurs, la tuyauterie provoque parfois des goulets d’étranglement. (Sourires.)
À mon tour, je rappelle que nous sommes la chambre des territoires ; à ce titre, nous sommes certainement nombreux à avoir été sollicités. Pour ma part, j’ai été contactée par Départements de France et cet amendement a été travaillé avec eux.
Au-delà de ce qui a été dit et de l’effet de ciseaux pour les départements entre des ressources et des revenus qui baissent ou, à tout le moins, qui stagnent – c’est ce que provoquera l’adoption de l’article 10 –, et des dépenses qui ne cesseront de croître de manière significative dans les prochaines années, avec des enjeux et des attentes très forts liés au vieillissement de la population et à la prise en charge de la dépendance, je mentionnerai un autre risque, à savoir des interventions différenciées et une rupture d’égalité entre eux.
En effet, si ces fonds de concours diminuent et que les transferts qui sont jusqu’à présent mis en place ne sont pas maintenus, le risque est que les départements qui le pourront proposeront des services de qualité et en nombre, alors que les départements qui seront moins à l’aise, pour le dire ainsi, « ratatineront » leurs interventions. Cela provoquera donc des ruptures d’égalité entre les territoires.
Il faut examiner cette situation avec un peu de hauteur. La stagnation des concours financiers peut entraîner des différenciations d’intervention entre les départements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 382 rectifié et 1099 rectifié ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ces amendements diffèrent des amendements identiques nos 229, 1026 rectifié et 1213 rectifié, en ce que les éléments de coordination manquent. Pour le reste, leur objet est totalement en phase avec la proposition de la commission des affaires sociales.
La commission émet par conséquent un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces cinq amendements ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je constate que tous ces amendements témoignent d’une position largement partagée sur l’ensemble des travées.
Néanmoins, le Gouvernement émet un avis défavorable, dans la mesure où ils visent tous à supprimer l’évolution prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 sur la part des recettes de la CNSA, alors que celle-ci permettra de faire monter en puissance la branche autonomie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que, tel que nous le prévoyons dans ce texte, la branche autonomie bénéficiera de 0,15 point de CSG.
L’adoption de ces amendements remettrait en cause la montée en charge financière de la branche autonomie, elle seule à même d’assurer le recrutement de 50 000 équivalents temps plein dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) d’ici à 2030, la mise en place de 50 000 solutions nouvelles dans le champ du handicap, ainsi que les dotations complémentaires de qualité et le tarif plancher dans les services d’aide à domicile – qui est souvent un objet de discussion.
Pour autant, ce texte contient un certain nombre de mesures qui intéressent directement les départements. Je les rappelle. Ainsi, la Première ministre a annoncé vendredi dernier un geste sur les fonds de concours aux départements en 2024 à hauteur de 150 millions d’euros (M. Bruno Belin s’exclame.), ainsi qu’un travail sur la révision desdits fonds en lien direct avec les départements en 2025. On connaît la complexité et la multiplicité de ces fonds de concours : c’est là une demande des départements. En outre, les concours dits « historiques » augmenteront de 150 millions d’euros.
Par conséquent, je considère que la réponse qui est apportée permet d’entendre les demandes des départements, tout en préservant la branche autonomie, dont tout le monde convient ici qu’il est besoin de la renforcer pour accroître les effectifs de nos Ehpad.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Belin, pour explication de vote.
M. Bruno Belin. Monsieur le ministre, la situation est grave pour les départements. Je vous demande un peu d’attention, parce que les départements, ce sont toutes les politiques sociales de proximité.
Voilà quelques jours s’est tenu à Strasbourg le congrès 2023 de Départements de France. À cette occasion, on s’est même demandé si on n’allait pas encore dire que les départements étaient l’échelon de trop et en profiter pour les…
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Passer à la trappe ! (Sourires.)
M. Bruno Belin. … laisser de côté.
Il faut absolument, ce soir, au moment où l’on parle de fonds de soutien aux politiques sociales des départements, envoyer un message clair.
Vous parlez de 150 millions d’euros, monsieur le ministre, mais cela représente 1,5 million d’euros par département !
M. Bruno Belin. Vous rendez-vous compte ?
Je me rappelle les propos de notre ancien collègue Jean-René Lecerf, qui a été président du conseil départemental du Nord : un jour de RSA, c’est 2 millions d’euros. Il maudissait à l’époque les années bissextiles, parce que le 29 février lui coûtait cher… Aujourd’hui, les départements sont confrontés aux mineurs non accompagnés (MNA) et au vieillissement – tout cela un coût –, ainsi qu’à l’effondrement d’un certain nombre de recettes. C’est le cas des DMTO, qui restaient les seules recettes dynamiques des départements après que vous avez supprimé la taxe d’habitation.
De la même façon que nous avons eu hier un débat sur les Ehpad, la forte responsabilité liée au vieillissement et l’aide qu’il faudrait apporter aux résidences autonomie, il faut aujourd’hui un message de soutien aux collectivités locales, notamment aux collectivités départementales. C’est pour cela que ce débat a le grand mérite d’avoir lieu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre, vous venez d’émettre un avis défavorable sur ces amendements et j’ai du mal à identifier la réaction que cela provoque chez moi : de la colère, presque du désespoir – mais il m’en faudrait plus pour être désespérée.
Vous prétendez avoir entendu les besoins et les attentes exprimés par les collectivités et par les départements, mais donnez un avis défavorable !
Sans vouloir vous manquer de respect, pardonnez-moi de vous poser la question : de qui se moque-t-on ?
Vous annoncez que la branche autonomie bénéficiera de 0,15 point de CSG. Pourtant, vous savez qu’il faut 9 milliards d’euros par an pour répondre aux besoins et pour prendre sérieusement en charge nos aînés dans la diversité de l’accompagnement.
Vous déclarez que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale amorce une montée en charge pour aller vers les 50 000 emplois ; je rappelle que ceux-ci étaient promis pour 2027, avant que cet objectif ne soit reporté à 2030. On est très loin du compte !
Enfin, vous prévoyez pour les départements un fonds de concours de 150 millions d’euros. Mon collègue vient de le souligner : à l’échelle de tous les départements de France, au regard de leurs besoins et, surtout, des enjeux énormes qui sont liés à l’autonomie, ainsi que des efforts beaucoup plus importants qu’il va falloir consentir au cours des prochaines années, cela ne représente rien du tout !
Hier, lors de la discussion générale, j’ai tenté de me faire l’écho de la colère et de l’inquiétude des élus. Je vous le dis encore une fois, monsieur le ministre : entendez le terrain, écoutez ce qui se passe et apportez des réponses sérieuses.
M. Bruno Belin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre, j’ai écouté avec beaucoup d’attention votre réponse sur l’aide complémentaire accordée aux départements pour faire face à leurs dépenses et je fais miens en tout point les propos de Bruno Belin.
Ce qui m’étonne, ce n’est pas tant vos propos, puisque vous semblez dire que la Première ministre et le Gouvernement acceptent de renforcer les crédits pour venir en aide aux départements les plus en difficulté, que leur décalage avec vos actes.
Il se trouve que la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 correspond non pas à ce qui a été voté par l’Assemblée nationale – en particulier faire passer de cinq à quinze le nombre de départements bénéficiaires du fonds de soutien -, mais à ce que le Gouvernement a décidé de conserver en ayant recours au 49.3.
Le Gouvernement n’a donc pas retenu les propositions des députés. J’espère que le travail du Sénat sur le projet de loi de finances aura de meilleurs résultats, et permettra notamment de mobiliser les crédits nécessaires pour ce fonds de soutien. À ce jour, devant les assises de Départements de France, à Strasbourg, Mme la Première ministre a dit le contraire de ce qui a été retenu dans le texte adopté par 49.3. (M. Bruno Belin le confirme.) Il conviendrait donc d’articuler les déclarations de principe avec les actes !
Les besoins sont importants dans les départements, en particulier pour les politiques en direction des personnes âgées. Cela requiert un accompagnement fort, notamment des départements les plus fragiles, pour faire face aux demandes légitimes de nos familles, accompagner les personnes dépendantes et aider les établissements qui font en sorte que la fin de vie de nos aînés soit aussi digne et respectée que possible.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je m’inscris dans la droite ligne des propos tenus par les orateurs précédents, notamment ma collègue Corinne Féret, qui a exposé les arguments que je souhaitais avancer. Je souligne à mon tour la grande inquiétude qui règne parmi les départements de France, monsieur le ministre.
Le département, c’est essentiellement la solidarité, envers les territoires, certes, mais surtout envers les personnes. Les diverses allocations et prestations – APA, PCH, RSA, etc. - consomment la moitié du budget d’un département. Le vieillissement de notre population et la reconnaissance de handicaps de plus en plus nombreux conduiront les besoins à augmenter très significativement.
Nous sommes toujours dans l’attente d’une loi sur le grand âge prévoyant un financement réel et pérenne de cette fameuse cinquième branche. Pour l’heure, vous ne proposez que de petites gouttes, sans jamais débloquer de fonds importants. Or le produit des DMTO diminue considérablement, et vous avez supprimé l’autonomie fiscale des départements.
Bruno Belin a raison : 150 millions d’euros pour cent départements, cela ne fait jamais que 1,5 million d’euros par département. Savez-vous combien représentent les dépenses pour l’APA ou la PCH ? Les montants n’ont rien à voir !
On ne nous donne même pas des miettes, à peine quelques petites graines, pour nous contenter… Ce n’est pas respectueux du rôle des départements. Et je ne vois pas comment créer les 50 000 emplois que vous nous promettez – même si vous repoussez sans cesse l’échéance – puisque vous n’avez pas prévu ce qu’il fallait sur le plan budgétaire.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Vous avez l’air de dire, madame la sénatrice, que nous ne connaîtrions pas la situation des départements.
Permettez-moi de vous faire part de quelques éléments.
À la fin de 2022, nous avons appris avec plaisir que la situation des collectivités territoriales était très favorable. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Bruno Belin et Mme Émilienne Poumirol. Nous ne connaissons pas les mêmes !
M. Pierre Barros. C’est insoutenable !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Laissez-moi citer mes sources… Ce n’est pas le Gouvernement qui le dit, c’est la Cour des comptes ? Ce constat y figure ! (Mêmes mouvements.) Ensuite, libre à vous de considérer qu’elle travaille mal et de contester ses travaux.
En 2023, le bloc communal se porte bien également, d’après la direction générale des finances publiques (DGFiP), et même mieux qu’en 2022. La difficulté concerne les départements, car les DMTO baissent d’environ 20 %.
M. Bruno Belin. Ils s’effondrent !
Mme Émilienne Poumirol. De 30 % !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Ils baissent, mais en partant d’un niveau historiquement haut, lié à l’emballement des prix de l’immobilier. C’est d’ailleurs la strate départementale qui est la moins endettée : c’est celle qui a le plus reconstitué ses marges. Un discours misérabiliste n’est donc pas de saison, pardon de vous le dire. Ne dites pas que les départements s’effondrent, que c’est la fin !
En réalité, il y a, bien sûr, des départements qui rencontrent des difficultés et que nous devons accompagner. Mais cela ne signifie pas que les 150 millions d’euros seront divisés par cent. (Mmes Corinne Féret et Émilienne Poumirol ainsi que M. Bruno Belin s’exclament.) Nous accompagnerons uniquement les départements qui sont le plus en difficulté. Certains voient le produit des DMTO progresser… (Marques de dénégation sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Lesquels ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous ne sommes pas d’accord, mais je vais finir de vous répondre, car je sais bien que ce sujet passionne votre assemblée ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Une mauvaise idée serait de considérer tous les départements de la même manière et de les aider de manière uniforme. Cela ne correspondrait pas à la réalité territoriale. Diviser les 150 millions d’euros par cent n’aurait aucun sens.
D’ailleurs, cet abondement exceptionnel fera l’objet d’un amendement du Gouvernement, que ma collègue Aurore Bergé défendra le moment venu. Loin des caricatures, nous privilégions une approche réaliste de la situation des départements, situation qui est connue, avec une réponse individualisée. Comme la Première ministre l’a annoncé, la première étape figure dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le ministre, je suis un peu étonnée de ce que vous nous dites. Dans les Hauts-de-France, les départements sont confrontés à de gros problèmes.
Le président du département du Nord a rencontré la Première ministre il n’y a pas très longtemps, justement pour demander des moyens supplémentaires, car nous n’y arrivons plus. Outre les raisons qui ont été citées, il y a la non-compensation totale du RSA, sans parler de la hausse du point d’indice des fonctionnaires.
Vous parliez tout à l’heure de l’autonomie. Mais alors, il faut tout regarder ! Prenons l’exemple des accidents du travail et des maladies professionnelles. Avant la reconnaissance d’un taux d’incapacité et du besoin d’une tierce personne, si le département ne paie pas de PCH, tout reste à la charge de la personne concernée. C’est cela, la réalité du territoire. Ne venez donc pas nous dire que les départements roulent sur l’or.
M. Xavier Iacovelli. Recentralisons donc les prestations sociales…
Mme Michelle Gréaume. D’un département à l’autre, l’action sociale est différente. Je peux vous emmener chez quelqu’un qui, parce qu’il ne touche pas de PCH, est en difficulté, monsieur le ministre. Vous rencontreriez aussi le président du conseil départemental. Nous ne sommes peut-être pas du même bord politique, mais nous sommes d’accord sur un point : il manque de l’argent au département du Nord.
Mme Émilienne Poumirol. À tous les départements !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis d’accord avec mes collègues. En zone rurale, le département est la collectivité indispensable pour l’aide aux communes et le soutien social. Le coût de la PCH et de l’APA va augmenter fortement, quand les recettes, elles, diminuent. Le Gouvernement veut prendre un virage domiciliaire. Cela nécessite de donner aux départements d’importants moyens pour financer de l’aide sociale et multiplier les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad).
Le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans va doubler entre 2020 et 2040. Créer 50 000 emplois – pour un coût non pas de 10 milliards d’euros, mais de 2 milliards – d’ici à la fin du quinquennat est essentiel. C’était une promesse du Président de la République, et cela correspondrait à cinq employés de plus pour chacun des 7 500 Ehpad, soit quinze minutes d’attention supplémentaires par pensionnaire (M. Bruno Belin le confirme.). C’est crucial pour garantir un service adéquat et permettre aux salariés intervenant à domicile de disposer d’un temps suffisant. Faute de quoi, le découragement pointera. La création de ces emplois – en gros, 10 000 emplois par an sur trois ans - est nécessaire, monsieur le ministre. Aidons les départements !
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, quand on a donné aux départements la compétence sur l’APA, une photographie a été prise, en quelque sorte, et il a été convenu d’un partage à 50-50.
Vous nous dites que les DMTO sont dynamiques dans certains départements. C’est le seul levier à l’être, en effet. Le problème est que l’accompagnement de la transition démographique induit des coûts eux aussi très dynamiques.
Nos collègues de droite disent souvent qu’il faut réduire les dépenses pour maîtriser les déficits. Là, il est normal que les dépenses soient dynamiques, puisque cela correspond à la transition démographique.
Ma question est simple, monsieur le ministre : puisque vous mettez en parallèle le dynamisme des DMTO et celui des dépenses, citez-moi un département où les dépenses sont encore partagées à égalité.
Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Vous avez raison, monsieur le ministre, en 2022, les DMTO ont atteint un niveau que nous avions rarement connu en France. Un certain nombre de départements en ont profité pour faire des provisions. Pourquoi ? Parce qu’ils font face à un mur d’investissements. (M. le ministre délégué l’admet.) Face au dérèglement climatique, en effet, il faudra adapter nos routes, par exemple, ou renforcer l’isolation thermique, dans l’ensemble des territoires. C’est bien parce qu’il va falloir investir que nous devons aider les départements à financer leur fonctionnement, les allocations individuelles de solidarité (AIS), afin qu’ils n’aient pas à compter sur une hausse du marché de l’immobilier – leur seule marge de manœuvre – pour pallier les carences de la solidarité nationale.
Monsieur le ministre, le coût de la protection de l’enfance a quasiment doublé en quinze ans. Dans mon département, le nombre d’enfants confiés a augmenté de plus de 20 %, et cette hausse a un impact croissant chaque année. Vous l’avez dit, 2022 a été une réalité, mais 2023 représente une autre réalité : nous entrons à présent dans une spirale où les départements seront confrontés à un effet de ciseaux. C’est pourquoi il est impératif de consolider une prise en charge à 50-50. Aujourd’hui, nous en sommes loin. Mme la Première ministre a évoqué cette trajectoire pour 2030. Si vous refusez ces amendements, nous n’irons pas dans cette direction.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Aux arguments que viennent de développer nombre de mes collègues, notamment sur les compétences de solidarité – qui sont, en effet, le cœur de métier des départements –, je souhaite faire référence à un rapport de la Cour des comptes, plus récent que celui que vous avez cité, monsieur le ministre.
Ainsi, le fascicule 2 du rapport annuel de la Cour des comptes sur les finances locales, qui a été publié à la fin d’octobre, valide ce que vous avez dit sur les années précédentes, mais montre qu’après une évolution particulièrement favorable en 2022, les perspectives économiques des collectivités territoriales s’assombriraient brutalement cette année, tout particulièrement pour les départements. On y lit encore qu’après avoir dégagé un excédent de financement de 4,8 milliards d’euros en 2022, les collectivités territoriales connaîtraient un besoin de financement de 2,6 milliards d’euros en 2023 et de 2,9 milliards d’euros en 2024.
Ce rapport indique que ce sont les régions et les départements qui auront les besoins de financement les plus importants.
Si vous citez des rapports de la Cour des comptes, monsieur le ministre, citez-les en totalité !
L’unanimité que j’observe sur les travées du Sénat pour vous alerter sur les difficultés des départements devrait vous instruire : en ce moment, nous n’avons pas particulièrement coutume de nous montrer si unis !
Mme Anne-Sophie Romagny. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Au cours de ce débat intéressant, nous avons discuté de la capacité des départements à prendre en charge un certain nombre d’actes de solidarité, dont certains sont liés à l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Soyons factuels, monsieur le ministre – il ne s’agit pas d’être misérabiliste, en effet. La réalité est que des départements qui se portaient bien il y a quelque temps sont aujourd’hui en difficulté. C’est le cas du département de la Gironde – c’est un exemple… Nous sommes obligés, en effet, de prendre en charge le vieillissement de la population.
Certes, les produits des DMTO ont été intéressants et ont parfois permis d’améliorer nos autofinancements. Mais c’est la même situation qu’avec l’Agirc-Arrco et l’Unédic : quand les choses vont bien, on ne donne plus d’aide, et même on ponctionne. Pourtant, les départements devront durablement faire face au vieillissement de la population, et leur situation est très tendue : s’il y a moins de bénéficiaires du RSA, le nombre de mineurs non accompagnés a augmenté, tout comme le coût de l’aide sociale à l’enfance, de l’accompagnement des personnes âgées et du soutien aux personnes handicapées. C’est une réalité factuelle.
Il est important de noter que les 250 millions d’euros en question sont pris sur les 2,6 milliards d’euros attribués par la Cades à la CNSA – il ne s’agit que de 0,15 point… La Première ministre a annoncé 150 millions d’euros la semaine dernière pour les départements, mais nous en voulons 250. Il y a une différence entre les deux montants. Ce qui satisfera les départements, c’est que les dépenses croissantes d’APA et de PCH soient mieux compensées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le ministre, c’est là une question philosophique, et je pense que vous ne pourrez qu’être d’accord avec moi.
On peut comparer le transfert de compétences de l’État à certaines collectivités territoriales à un marché public. Dans un marché public, il y a des clauses de revoyure, pour ajuster les termes du marché. Sinon, il faut renégocier à un moment donné, car un écart peut apparaître entre la prestation demandée et le prix retenu. Ce que nous demandons, tant pour les départements que, de manière générale, pour toutes les collectivités territoriales, c’est une clause de revoyure, pour une révision des termes des transferts de compétences au fil du temps. Le Sénat a constamment défendu cette idée de bon sens et de justice.
Effectivement, après le transfert, décidé à un moment donné et dans des conditions définies, il peut y avoir de nouvelles prescriptions imposées par l’État ou le législateur. Ces hausses de coûts imposées ne sont jamais compensées pour les collectivités territoriales. Vous comprenez que c’est simplement une question de bon sens. Nous sommes tous des personnes sérieuses et responsables en matière de budget, mais il y a là une véritable question de fond. Monsieur le ministre, il faudra bien qu’un jour on parvienne à résoudre cette problématique. (Bravo ! sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 229, 1026 rectifié et 1213 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 382 rectifié et 1099 rectifié n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 230 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 839 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 1214 rectifié est présenté par MM. Ouizille et Jomier, Mmes Poumirol, Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche, Chantrel et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 19
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l’amendement n° 230.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement concerne l’Unédic. L’article 10 permet au Gouvernement de réduire par arrêté, dès 2023 et sans plafonnement, la compensation à l’Unédic du dispositif de réduction dégressive des contributions patronales d’assurance chômage. Cet amendement a pour objet de supprimer cette disposition.
Nous avons en effet reçu des représentants de l’Unédic, dont la dette atteint 56 milliards d’euros. Il ne faut pas interrompre sa trajectoire de désendettement en ponctionnant une partie des excédents qu’elle a dégagés depuis que les chiffres du chômage se sont améliorés. Quand on a une dette, on doit la rembourser. Il y va de la pérennité du système lui-même – et cela s’applique aussi à la sécurité sociale ! L’Unédic a la possibilité de rembourser une partie de sa dette. En 2026, elle devrait l’avoir réduite de moitié. Nous voulons l’encourager dans ce cercle vertueux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 839 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 19 de l’article 10, qui permet cette ponction financière et modifie profondément le régime de l’assurance chômage tout en bafouant les conventions en vigueur.
Sous prétexte d’excédent du régime, l’État ponctionne plusieurs milliards d’euros dès l’exercice en cours, puis sur la période 2024-2026. Cela contrevient à l’engagement qu’il avait pris de compenser auprès des caisses les exonérations qu’il accorde généreusement.
Déjà, depuis 2018, la loi relative à la sécurité sociale, dite loi Veil, qui prévoit la compensation auprès des caisses de sécurité sociale, est régulièrement bafouée. Avec cet article, l’une des ressources de l’Unédic serait tarie. Cela revient à faire payer aux chômeurs les généreuses - et en partie inefficientes - exonérations de cotisations des employeurs. Les excédents ainsi ponctionnés résultent d’ailleurs, il faut le dire, autant de la baisse sensible des droits des premiers que de la baisse du chômage.
De plus, l’État se désengage du financement de Pôle emploi, futur France Travail, donc de la politique de l’emploi, en augmentant progressivement la part financée par le régime assurantiel sans que celui-ci ait pour autant un droit de regard sur cette politique régalienne.
Le Parlement est invité à légiférer, mais la lettre de cadrage comprend déjà ces dispositions, avec une injonction pour l’Unédic de se désendetter de moitié, alors que cette dette résulte, à hauteur d’un tiers, de la politique étatique du « quoi qu’il en coûte » !
Ce désendettement était prévu dans la trajectoire de l’Unédic, mais c’était sans compter avec cette ponction de l’État, qui va obliger celle-ci à souscrire de nouveaux emprunts, plus chers, pour honorer ses remboursements, ce qui représente un coût supplémentaire de 800 millions d’euros d’ici à 2026.
Mes chers collègues, je vous invite donc à voter pour cet amendement afin d’empêcher un véritable hold-up sur les ressources de l’Unédic.
Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour présenter l’amendement n° 1214 rectifié.
M. Alexandre Ouizille. Quel est l’objet de ces amendements ? Tout simplement de restaurer la règle du jeu, qui vient d’être rappelée. Lorsque des allégements sont prévus – par exemple l’allégement Fillon, dont il est question ici –, il est impératif que les pertes de recettes soient strictement compensées. Sinon, cela revient à financer la sécurité sociale en puisant dans les réserves de l’assurance chômage.
Cela n’a aucun sens. D’abord, les partenaires sociaux, tant les organisations syndicales que le patronat, sont opposés à cette idée. Ensuite, la logique même des caisses d’assurance chômage repose sur le principe suivant : lorsqu’il y a une amélioration relative sur le front du chômage, elles peuvent reconstituer leurs fonds, faire face à leurs dettes. En revanche, lorsque la situation est moins favorable, elles ont la capacité d’intervenir. En amputant les fonds de l’Unédic lorsque la situation de l’emploi s’améliore légèrement, vous compromettez son avenir.
C’est pourquoi nous proposons, avec la rapporteure générale et nos collègues du groupe GEST, de supprimer cet alinéa 9.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Comme lors du débat sur l’Agirc-Arrco, vous déplorez des ponctions sur les excédents de l’Unédic. En réalité, il s’agit de moins d’un tiers des excédents en question, ce qui ne remet absolument pas en question la volonté, partagée par les partenaires sociaux et soutenue par l’État, de désendetter l’Unédic.
En revanche, nous souhaitons que l’Unédic participe à l’effort de financement de notre politique de l’emploi. Cet argent servirait les demandeurs d’emploi, serait mis au service de France compétences et de France Travail. Il est normal que l’Unédic y contribue,…
Mme Audrey Linkenheld. Non !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … car il s’agit d’outils efficaces qui, lorsqu’ils fonctionnent bien, lui permettent de réaliser des économies. En effet, plus la politique de l’emploi est efficace, plus l’Unédic économise, car les demandeurs d’emploi retrouvent plus rapidement du travail. Il est donc normal qu’il y ait un co-investissement.
Grâce à notre politique économique, le taux de chômage a été ramené à 7,2 %, ce qui a généré des excédents pour l’Unédic. Est-il vraiment anormal de lui demander de participer au financement de la politique de l’emploi, dont les partenaires sociaux bénéficient directement ? Non !
Vous défendez l’Unédic, l’Agirc-Arrco, les collectivités territoriales, mais il y a un autre acteur dont il faut se préoccuper : c’est l’État. Quid du redressement de nos finances publiques ? L’État a protégé tout le monde : les commerçants, les salariés, les associations, les collectivités territoriales, et je rappelle que nous avons déjà un déficit de 5 %. Je pense qu’il faut des efforts partagés pour redresser les finances publiques.
Il serait anormal de ne pas demander aux régimes qui bénéficient de nos réformes de contribuer au financement de certaines politiques publiques. Je le dis aussi aux collectivités territoriales : nous avons tous la responsabilité de redresser les finances publiques. Si l’État – qui, je le répète, a protégé tout le monde – ne redresse pas ses finances publiques, cela aura des répercussions directes sur les collectivités et les partenaires sociaux.
Je suis désolé de vous dire que je ne partage pas l’idée selon laquelle nous ne pourrions pas demander aux acteurs importants menant des politiques publiques de participer à cet effort. Je vous demande également de penser à l’État, et à un sujet qui est régulièrement éludé ici : la nécessité de redresser les finances publiques. Je pense que nous pouvons nous accorder sur cet objectif.
Le Gouvernement émet donc un avis très défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il fallait bien, à un moment donné, qu’on parle des finances publiques !
Comme je l’ai dit au sujet de l’Agirc-Arrco, leur situation est consolidée, notamment vis-à-vis de l’Europe. Le fait que vous passiez les réserves d’une caisse à une autre ne change rien du point de vue des exigences européennes ; ce n’est qu’un jeu de bonneteau.
Quant à l’excédent, il ne provient pas seulement, monsieur le ministre, de votre politique de l’emploi – dont il y aurait beaucoup à dire, d’ailleurs. Il résulte aussi des différentes réformes de l’assurance chômage, c’est-à-dire qu’il a été permis en restreignant les droits des travailleurs à percevoir une indemnisation et en réduisant le montant de celle-ci.
En effet, vous dégagez des excédents en réduisant les droits et vous dites ensuite aux chômeurs qu’ils doivent participer à la politique de l’emploi ! C’est tout de même légèrement pervers…
S’agissant de la politique de l’emploi, j’aimerais bien que l’Unédic ait un droit de regard sur elle, comme elle le demande, d’ailleurs. Au départ, c’était l’État qui payait à travers Pôle emploi - demain France Travail - ; puis, la part prise en charge par l’Unédic n’a cessé de croître, à 10 %, 11 %, puis 12 %. S’il faut comprendre que l’Unédic devra payer 100 % de la politique étatique de l’emploi, dites-le clairement, monsieur le ministre.
Dans ce cas, il faudra que l’organisme puisse exercer un droit de regard. Par exemple, l’Unédic s’intéresse à la qualité de l’emploi en distinguant notamment les contrats à durée déterminée et les emplois durables. Ses représentants ne seront peut-être pas d’accord avec vos mesures qui ont pour effet de fragiliser le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ». Si l’Unédic paie, il lui revient aussi de décider en partie de la qualité de la politique de l’emploi qui doit être mise en œuvre. Or vous en décidez de façon unilatérale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Dans le droit fil de ce qu’ont dit mes collègues, notamment Alexandre Ouizille, je veux indiquer que notre propos ne porte pas sur la politique de l’emploi ou la politique économique ; il est de rappeler ce qu’est le rôle de l’Unédic. En réalité, celui-ci n’est pas de contribuer à la politique de l’emploi ou à la politique économique du Gouvernement (M. le ministre le conteste.), quand bien même les équations que vous avez présentées auraient du sens, philosophiquement. L’Unédic est un organisme qui est soumis à des statuts et dont la mission et le rôle lui ont été assignés par les textes sur lesquels les partenaires sociaux se sont accordés.
Je me permets d’ailleurs de les citer : « Les missions de l’Unédic sont de conseiller les partenaires sociaux, de sécuriser les règles d’assurance chômage, de sécuriser le financement des allocations versées aux demandeurs d’emploi […]. L’Unédic a aussi une mission pédagogique pour rendre accessibles les règles aux demandeurs d’emploi. »
Par conséquent, l’Unédic n’a pas pour rôle de réduire la dette de l’État ni d’apporter les recettes complémentaires dont celui-ci a besoin parce que, à un moment donné, le Gouvernement a fait le choix, dans le cadre de sa politique de l’emploi ou de sa politique des retraites, de dépenser de l’argent en faveur des travailleurs, des chômeurs ou de retraités.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement de suppression. Plus largement, cela justifie aussi que nous nous opposons aux ponctions qui sont opérées sur d’autres structures gérées par les partenaires sociaux, par exemple lorsque le Gouvernement prévoit qu’Action Logement financera la politique du logement.
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas forcément en désaccord avec les grands équilibres que vous défendez ; nous rappelons simplement que ce que prévoit l’alinéa 19 n’entre pas dans le rôle de l’Unédic.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. En ce qui me concerne, je ne vois pas ce qui empêche les partenaires sociaux d’utiliser une partie de leurs excédents pour participer à la création d’emplois ou au développement de l’apprentissage. Le nombre des contrats en apprentissage a doublé grâce à un important soutien financier de l’État et c’est un grand succès.
À mon avis, il est tout à fait possible que les partenaires sociaux participent à la politique de l’emploi aux côtés de France compétences et de France Travail, s’ils le souhaitent, ainsi que le Gouvernement.
Il n’y aurait rien là de contre-nature dans la mesure où les partenaires sociaux s’intéressent aussi à l’emploi et à la formation.
Certes, l’Unédic a une dette importante, 60 milliards d’euros, de sorte qu’il faut que les excédents servent d’abord à réduire son montant. Mais pourquoi ne pas en utiliser une partie pour soutenir la politique de l’emploi si les partenaires sociaux sont d’accord ?
Rien de cela ne me choque. Je m’abstiendrai sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, vous avez fait le parallèle avec ce que nous vous avons opposé précédemment au sujet de l’Agirc-Arrco, ce qui me donne l’occasion de répéter nos arguments. En réalité, là encore, vous faites les poches des salariés (M. le ministre délégué le nie.), car ce sont tout de même leurs cotisations que vous proposez de ponctionner.
De plus, chacun sait que la vie économique connaît des fluctuations, des hauts et des bas. Je préférerais donc que l’on garde les fonds de l’Unédic pour venir en aide aux demandeurs d’emploi, d’autant que les chiffres du chômage commencent à remonter – et je ne le souhaite pas, bien évidemment.
En outre, la réforme des retraites risque d’aggraver la situation des chômeurs de longue durée. Cela est quasi certain parce que le problème de l’emploi des seniors n’est toujours pas réglé. Même si l’on en parle, personne ne trouve les mesures adéquates.
Par conséquent, certains risquent de se retrouver au chômage sur une durée longue. Je préférerais que l’on travaille à garantir l’avenir de ces personnes et que l’on revienne sur les mesures de restriction d’indemnisation qui ont été prises pour les chômeurs de plus de 55 ans. Le besoin est réel. Je gage que nous en reparlerons dans quelques mois…
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. J’entends bien ce que vous nous dites, monsieur le ministre : il faut financer la politique du plein emploi que le Gouvernement veut mettre en place. Toutefois, je tiens à rappeler que, le 29 septembre dernier, les syndicats et le patronat se sont associés dans une déclaration commune contre cette ponction sur l’Unédic.
Ma collègue a eu tout à fait raison de rappeler que le rôle de l’Unédic n’est pas celui que vous voulez lui donner. Il faut écouter les salariés qui s’expriment dans la rue. Ils ont cotisé, ils continuent de cotiser et, bien sûr, leur but n’est pas de finir au chômage, mais de travailler et de construire leur avenir. Toutefois, ils ne sont pas à l’abri d’un accident de la vie et ils peuvent se retrouver au chômage. Or la réforme du chômage leur est tombée dessus, puis la réforme des retraites. À force de tacler les salariés, la situation risque de se tendre dans notre pays.
Je vous le dis sincèrement, monsieur le ministre : l’Unédic n’est pas faite pour ce que vous voudriez en faire, mais pour répondre aux accidents de la vie.
De plus, ce que vous proposez risque d’avoir pour conséquence la hausse du nombre d’arrêts maladie. Après les économies que vous ferez grâce à l’Unédic, viendra une autre réforme de l’assurance chômage et, à force de faire des réformes, le nombre d’arrêts maladie augmentera. Vous commencez par proposer cette ponction, laquelle sera suivie, à n’en pas douter, d’autres mesures.
Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.
M. Alexandre Ouizille. Monsieur le ministre, vous nous disiez qu’il fallait que nous ayons le souci de l’État et de sa santé financière. Certes, mais commencez par vous ! Depuis le début de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous semblez organiser les difficultés de l’État.
Ma collègue Lubin a raison de dire que vous faites les poches des salariés. En réalité, vous avez tronqué le budget de l’État du produit d’un certain nombre d’impôts qui étaient à votre main : après avoir réduit la fiscalité des entreprises, ainsi que celle des ménages les plus aisés avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, vous venez nous dire qu’il faut bien vous rattraper quelque part, en faisant les poches de l’Unédic ou bien celles des uns et des autres.
Or ces organismes sont endettés, comme l’ont rappelé mes collègues, et dans la mesure où l’on peut être sûr qu’une crise « majuscule » interviendra dans les trois, quatre, cinq ou six prochaines années, ils auront à financer des dépenses d’assurance chômage, de sorte qu’ils seront de nouveau en difficulté.
Parce que vous refusez d’organiser un financement correct de l’État et de la sécurité sociale, vous essayez de trouver des solutions à la petite semaine, si bien que le problème ne manquera pas de ressurgir.
Par conséquent, nous vous encourageons à traiter les choses de manière structurelle plutôt que d’aller chercher dans les poches des uns et des autres pour trouver des solutions dont l’efficacité ne durera qu’un instant.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Depuis plusieurs minutes, nous débattons des relations entre les collectivités territoriales, les partenaires sociaux, l’Unédic et l’État, ce dernier manifestant sa volonté soit de mal compenser les départements, soit de prélever dans les recettes et les excédents des structures.
Comme nous l’avons indiqué lors de la discussion générale, la situation financière de la sécurité sociale est extrêmement tendue et compliquée, et la trajectoire que vous proposez, monsieur le ministre, amplifie encore ces difficultés.
Depuis le début de l’examen du texte, nous ne vous avons entendu proposer que très peu de mesures d’économie ou de réforme. En revanche, nous avons entendu que vous vouliez prélever de l’argent chez ceux qui ont certes bénéficié des réformes nationales, mais qui se sont également montrés de bons gestionnaires.
Quant aux départements, leur situation relève d’un pacte de confiance avec l’État. Or ils sont mal compensés – leurs représentants l’ont dit. L’État prend des décisions en matière de politique sociale, les départements paient et ne sont pas compensés à juste hauteur.
Certes, nous pouvons comprendre qu’il y a là une vraie difficulté pour l’État. Toutefois, l’essentiel de notre démarche vise à ce que celui-ci prenne ses responsabilités en matière de réformes.
Par exemple, dans quelques semaines, nous devrons examiner la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France. Le volet financier qui accompagnera ce texte ne manque pas de nous inquiéter, car le Gouvernement reporte en permanence les dépenses sur les départements. Le sujet est important.
Par conséquent, il me semble que les réponses que vous avez données à mes collègues restent insuffisantes et que vous devriez aussi nous faire des propositions qui témoignent de la capacité de l’État à faire lui-même des économies de gestion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
En miroir de cette intervention, il faudra nous montrer respectueux envers les finances de l’État, lors de l’examen des amendements portant articles additionnels après l’article 10, qui prévoient d’introduire des demandes d’exonération pour diverses catégories socioprofessionnelles dans divers domaines d’activité. En effet, d’un côté nous demandons une meilleure gestion de l’État ; de l’autre, prenons garde qu’il se retrouve en difficulté.
Gardons en tête que nous devrons faire preuve de responsabilité et ayons un discours cohérent : demandons à l’État de mieux faire, mais, en même temps, soyons sérieux dans les décisions que nous prendrons. (M. le ministre délégué approuve.)
Mme Michelle Gréaume. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Le président de la commission des affaires sociales nous enjoint – à tout le moins nous y encourage - de faire des réformes pour faire des économies.
Mme Cathy Apourceau-Poly. La réduction Fillon !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. J’en citerai deux. Nous avons conduit une réforme de l’assurance chômage dont chacun peut désormais mesurer les bénéfices par les excédents qu’elle permet de dégager. Cette réforme générant plusieurs milliards d’euros d’économies, il est normal qu’une partie de ces excédents contribuent au redressement des finances publiques – ayons le courage de le dire ! Et c’est aussi le cas de la réforme des retraites. (Mme Émilienne Poumirol s’exclame.)
Oui, nous continuons de mener des réformes structurelles, mais allons jusqu’au bout du raisonnement ! Il n’est pas anormal que les économies résultant de ces réformes qui ont été assumées courageusement, notamment par mon collègue Olivier Dussopt (Vives exclamations sur les travées du groupe SER.), puissent contribuer au redressement des finances publiques.
Laissez-moi conclure mon propos !
Le président de la commission des affaires sociales a raison d’appeler les uns et les autres à la responsabilité avant l’examen des prochains amendements, qui visent, de fait, à dégrader la situation de nos finances publiques.
Je viens de vous donner deux exemples de réformes que nous avons conduites. Il n’y a rien d’anormal à ce que nous en tirions les bénéfices pour le redressement des finances publiques.
Je déplore en effet que ce sujet-là ne soit pas davantage au cœur de nos débats, puisque je dois chaque fois expliquer pourquoi nous souhaitons que ces réformes, qui génèrent des économies, puissent contribuer au redressement des finances publiques. On ne peut pas accepter un déficit public à 5 % du PIB. Sa réduction doit être la conséquence directe des réformes engagées par notre majorité. (Mmes Émilienne Poumirol et Michelle Gréaume protestent.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 230, 839 rectifié et 1214 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 906, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Dans la lignée des amendements que mes collègues ont précédemment défendus, celui-ci vise à supprimer l’alinéa 20 de l’article 10. En effet, nous refusons que s’opèrent des prélèvements sur l’Unédic.
Monsieur le ministre, vous nous dites que nous pensons aux collectivités territoriales, aux partenaires sociaux ou aux différentes caisses, mais pas à l’État !
Prenons donc rendez-vous pour l’examen du projet de loi de finances. Le groupe communiste présentera de nombreux amendements visant à dégager de nouvelles recettes pour les finances de l’État. Nous espérons que vous serez à nos côtés pour les soutenir.
M. Laurent Burgoa. On les connaît vos recettes !
Mme Céline Brulin. D’ailleurs, dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous débattons beaucoup de la manière de réduire les dépenses, mais bien plus rarement de celle par laquelle nous pourrions améliorer les recettes.
À ce propos, je vous remercie, monsieur le président de la commission, d’avoir fait ce rappel à l’ordre sur les mesures d’exonération dont nous débattrons lors de l’examen des amendements portant articles additionnels après l’article 10. En effet, les exonérations deviennent une plaie pour le financement de la protection sociale.
Monsieur le ministre, il faudrait éviter les provocations. Dire que la réforme des retraites, notamment les mesures sur l’Unédic, générera des économies, cela reste à prouver. Les spécialistes sont nombreux à expliquer que le coût social de cette réforme risque d’être considérable.
Enfin, vous vous faites le grand défenseur du paritarisme, mais les récentes – et douloureuses - négociations sur l’Unédic ont été pilotées par une lettre de cadrage extrêmement stricte, qui s’apparente à du verrouillage. Parlons-en donc ! Et je ne reviens pas sur la contribution de l’Unédic à France Travail, qui ne cesse de croître.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En réalité, ma chère collègue, vous auriez dû supprimer l’alinéa 19 et non pas l’alinéa 20, qui ne fait que renvoyer à un décret. Malgré tout l’intérêt de votre diatribe, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Avis défavorable pour les raisons que j’ai développées précédemment.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10, modifié.
(L’article 10 est adopté.)
Après l’article 10
Mme la présidente. L’amendement n° 1206 rectifié, présenté par M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane, Ouizille et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mme Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 3° bis de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au a, le taux : « 6,67 % » est remplacé par le taux : « 6,66 % » ;
2° Il est ajouté un d ainsi rédigé :
« d) À la Caisse des Français de l’étranger, mentionnée à l’article L. 766-4-1, pour la contribution mentionnée à l’article L. 136-1, pour la part correspondant à un taux de 0,01 % ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. À travers cet amendement, je veux revenir sur un sujet que nous avons déjà abordé au cours du débat, à savoir le besoin de financement de la Caisse des Français de l’étranger.
En effet, la CFE est chargée, en partie, d’une mission de service public. Or elle est financée uniquement par ses adhérents puisqu’aucune taxe ne lui est affectée et qu’elle ne bénéficie d’aucun soutien de l’État, hormis pour la catégorie aidée, à hauteur de 380 000 euros.
Elle garantit pourtant une couverture essentielle à nos compatriotes et assure une action de service public puisque la plupart de ceux qui y sont affiliés ne sont pas pris en charge par les assurances privées. C’est le cas, notamment, des personnes âgées ou de celles qui souffrent d’une affection de longue durée. D’où l’importance de pouvoir financer la caisse à hauteur du service public qu’elle fournit.
Cet amendement vise donc à affecter à la CFE une part de la CSG-CRDS, qui est également payée par nos compatriotes établis hors de France. Ainsi pourra s’exercer une pleine solidarité.
Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous avez dit précédemment, le déficit de la caisse est structurel et s’il continue de se creuser durant les deux ou trois prochaines années, la CFE risque d’aller vers une quasi-faillite.
Il est essentiel que le Gouvernement prenne sa part de responsabilité en finançant à sa juste mesure la Caisse des Français de l’étranger, soit 25 millions d’euros selon les évaluations qui ont été faites.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous avons déjà évoqué le financement de Caisse des Français de l’étranger lorsque nous avons examiné l’amendement de Mme Vogel, dont l’objet était de prélever 0,1 point de la CSG attribuée à la Cades. Vous proposez dans votre amendement de prélever le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). L’avis est défavorable, comme précédemment.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. En effet, nous avons déjà évoqué ce sujet et, pour les mêmes raisons que celles qui ont été données par la rapporteure générale, je ne suis pas favorable à ce que l’on détourne une partie d’une recette pour alimenter la CFE.
Je reste néanmoins ouvert à l’idée de faire le bilan de la réforme de 2018, qu’Anne Genetet avait défendue à l’Assemblée nationale, afin que nous puissions examiner ensemble les aménagements éventuels à apporter à ce dispositif.
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.
Mme Hélène Conway-Mouret. Comme vient de le rappeler notre collègue Yan Chantrel, la Caisse des Français de l’étranger assure avant tout une mission de service public. Sa situation a été améliorée grâce au vote, voilà quelques années, d’une loi dont le Sénat avait pris l’initiative, mais elle souffre désormais d’un manque de soutien financier, alors qu’elle en a bien besoin.
En effet, pour accomplir sa mission sociale, la CFE ne peut compter que sur les recettes provenant des contrats d’adhésion, contrairement aux caisses primaires d’assurance maladie, qui bénéficient, quant à elles, de recettes complémentaires issues du produit de la CSG-CRDS ou des taxes affectées.
Par cet amendement, nous proposons d’allouer à la Caisse des Français de l’étranger une partie du produit de la fraction de CSG sur les revenus du patrimoine et sur les revenus de placements affecté au Fonds de solidarité vieillesse. Cela permettrait de renforcer notre modèle d’assurance santé à l’étranger et, in fine, de mieux répondre aux besoins de nos compatriotes.
C’est la raison pour laquelle je vous invite à voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Monsieur le ministre, j’ai entendu votre réponse et je m’en félicite. Si vous pouviez mettre en place un groupe de travail spécifique et transpartisan sur le sujet, l’initiative serait en effet bienvenue.
D’ailleurs, je tiens à vous signaler que l’ensemble des sénateurs des Français établis hors de France, ainsi que quelques députés des Français de l’étranger, ont saisi le président du Sénat, la présidente de l’Assemblée nationale et le Gouvernement pour organiser des assises de la protection sociale concernant nos compatriotes établis hors de France. Vous pourriez profiter de ces assises pour lancer un débat plus large sur la protection sociale des Français de l’étranger.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Je remercie Mme Conway-Mouret d’avoir rappelé la loi sur la réforme de la CFE, que nous avons adoptée et dont j’étais à l’origine.
M. André Reichardt. Charité bien ordonnée… (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa. Il est vrai que la caisse souffre aujourd’hui d’un problème, récent celui-ci. Je ne pense pas que la solution soit de détourner une partie de la CSG.
Toutefois, monsieur le ministre, j’attire votre attention sur la mission de service public qu’assure la CFE, comme viennent de le rappeler mes collègues. En effet, on a obligé la Caisse des Français de l’étranger à prendre en charge ce que l’on désigne comme la « troisième catégorie aidée ». Or l’État ne remplit pas sa mission, car les budgets alloués à cette troisième catégorie aidée, dans le cadre de l’aide sociale, ne sont jamais au rendez-vous.
La Caisse des Français de l’étranger a besoin du concours de l’État pour remplir sa mission sur la troisième catégorie aidée, c’est-à-dire pour couvrir socialement nos compatriotes les plus démunis. C’est là que l’effort doit porter.
Mme la présidente. L’amendement n° 799 rectifié bis, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 135-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les recettes du Fonds de solidarité vieillesse sont par ailleurs constituées d’une fraction du produit de la contribution sociale mentionnée au I de l’article L. 136-7-1 à concurrence d’un montant correspondant à l’application d’un taux de 3 % à l’assiette de cette contribution. » ;
2° Au 3° du I de l’article L. 136-8, le taux : « 6,2 % » est remplacé par le taux : « 9,2 % ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Entre 2014 et 2019, les investissements publicitaires des opérateurs de jeux en ligne et de paris sportifs ont augmenté de 25 %. Ce secteur fait l’objet de campagnes publicitaires intenses, voire agressives, qui incitent fortement à des pratiques de jeu excessives.
Dans une analyse comparée des opérateurs, publiée en juillet 2020, l’Autorité nationale des jeux (ANJ) a ainsi remarqué « un ciblage renforcé des jeunes avec des stratégies de marketing digital sur les réseaux sociaux Snapchat et TikTok ».
Selon cette analyse, trois parieurs en ligne sur quatre ont moins de 34 ans et ce public est particulièrement vulnérable à des phénomènes d’addiction.
À cet égard, les chiffres de Santé publique France sont éloquents. Selon cet organisme, « les paris sportifs représentent le risque le plus important au plan individuel : la part des joueurs à risque modéré est trois fois plus importante que pour les jeux de loterie et la part de joueurs excessifs six fois plus élevée ».
Or cette addiction peut avoir des impacts sociaux graves, car elle touche majoritairement une population déjà précaire.
Dans une étude de 2019, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) relève que « les pratiques [de jeu] à risques modérés ou excessifs se rencontrent chez des hommes plus jeunes, issus de milieux sociaux modestes, ayant un niveau d’éducation et des revenus inférieurs à ceux des autres joueurs ».
La régulation des jeux et des paris sportifs en ligne semble donc un impératif. Aujourd’hui, 40 % du chiffre d’affaires des opérateurs de jeux d’argent provient de personnes ayant une pratique excessive.
En conséquence, cet amendement vise à réguler ces plateformes tout en fournissant des pistes de financement pour la sécurité sociale, en augmentant le taux de CSG sur les paris sportifs, les recettes supplémentaires ainsi perçues étant consacrées à la prise en charge du grand âge, via le FSV.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je remercie notre collègue de mettre en avant ce sujet à ce stade de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. En effet, l’addiction aux jeux en ligne et aux paris sportifs est préoccupante non seulement chez les jeunes, mais aussi chez des personnes moins jeunes. Tous les rapports établis sur le sujet montrent bien le glissement qui s’opère chez certains joueurs : ils ne vivent plus qu’à travers ces jeux.
Néanmoins, vous proposez d’augmenter le taux de CSG dans une proportion importante, en le faisant passer de 6,2 % à 9,2 %, et cela alors que le taux de prélèvement est déjà considérable en France. Ainsi, en 2021, le produit de la CSG dans ce secteur représentait 445 millions d’euros et il atteindra 625 millions d’euros en 2024.
Les recettes sont donc très dynamiques, raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.
Je reste toutefois persuadée qu’il nous faut travailler sur ce sujet parce que les jeunes sont en difficulté et en proie au désespoir, pour une partie d’entre eux, de sorte qu’ils risquent de basculer dans l’addiction au jeu. L’enjeu est de santé publique et il faut en parler, même si le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’offre pas forcément le cadre adéquat pour agir.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous partageons votre préoccupation et l’enjeu est en effet de santé publique, comme vient de le dire la rapporteure générale. D’ailleurs, l’Autorité nationale des jeux, qui est chargée de la régulation du secteur, conduit des campagnes de prévention, encadre la publicité pour les jeux d’argent et mène un travail minutieux pour renforcer l’encadrement du secteur dans lequel interviennent les opérateurs.
Votre amendement vise à augmenter la CSG dont s’acquittent ces derniers. Je ne suis pas convaincu que l’augmentation de la fiscalité sur les opérateurs de jeu aura pour effet de réduire, d’une manière ou d’une autre, la dépendance ou les risques d’addiction de ceux qui s’adonnent aux jeux d’argent.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable, même si nous souscrivons au même objectif que vous en matière de santé publique.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 799 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 800 rectifié bis, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du I de l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « une ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à limiter l’abattement de 1,75 % sur l’assiette de la CSG-CRDS au titre des frais professionnels, non pas à quatre fois, mais à une fois le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass).
Ce plafonnement à quatre fois le Pass a été introduit en loi de finances pour 2011 et le taux d’abattement est passé de 5 % à 1,75 % au 1er janvier 2012. Or cet abattement, qui doit être ciblé sur les revenus bas et moyen, pour un plafond allant jusqu’à 3 666 euros mensuels en 2023, profite désormais davantage aux revenus aisés. Cette injustice a déjà été soulignée dans le rapport Vachey, dont l’objectif était de fournir des pistes de financement pour la branche autonomie, et qui indiquait que « le plafonnement à 4 Pass de cet abattement conduit à offrir un avantage en réduction de la CSG et de la CRDS à des salariés ayant des rémunérations élevées ».
En conséquence, le rapport préconisait une réduction à une fois le Pass du plafond de l’abattement pour frais professionnels. Cette réduction était censée procurer pour l’année 2020, où le plafond était fixé à 3 428 euros mensuels, une recette complémentaire de 150 millions d’euros par an – soit autant que ce que vous prévoyez pour les départements.
Soucieux de trouver des leviers de financement – c’est ce à quoi nous devons nous atteler – pour la branche autonomie, dont les dépenses sont très dynamiques, nous proposons aujourd’hui de reprendre la préconisation du rapport Vachey, en plafonnant l’abattement de 1,75 % applicable au calcul de l’assiette de la CSG-CRDS à une fois le plafond annuel de la sécurité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous entamons l’examen d’une série d’amendements, dont les dispositifs révèlent tout ce que vous êtes capable de déployer comme trésors d’imagination pour trouver des recettes nouvelles.
Avec cet amendement, vous explorez du côté des frais professionnels. Or ces frais sont engagés par les salariés, c’est-à-dire les intéressés eux-mêmes. J’ajoute que, dès 2024, la branche autonomie bénéficiera de 0,15 point de CSG supplémentaire de la part de la Cades. (M. le ministre délégué acquiesce.)
Tout cela représentera un excédent important, de l’ordre de 2,6 milliards d’euros. Je ne suis donc pas certaine qu’il soit souhaitable de plafonner, au niveau que vous proposez, l’abattement de 1,75 % sur l’assiette de la CSG-CRDS au titre des frais professionnels.
Votre amendement a le mérite, ma chère collègue, de rappeler que la question du financement de la branche autonomie risque de se poser à long terme. En attendant, la commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet abattement pour frais professionnels a été mis en place en 1991 à l’occasion de la création de la CSG par Michel Rocard.
Je vais être franc avec vous, madame la sénatrice : votre amendement, s’il était adopté, équivaudrait à une hausse d’impôt de 150 millions d’euros, notamment pour les salariés. Or toute notre politique vise justement à soutenir le pouvoir d’achat de celles et ceux qui travaillent.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il ne serait pas inutile, puisque vous parlez des salariés, de préciser de quels salariés il s’agit : vous évoquez le cas de ceux d’entre eux qui gagnent plus de 3 666 euros par mois.
Mme Raymonde Poncet Monge. Si je le précise, c’est parce que, trop souvent, on parle des petits pour protéger les gros !
Ce n’est pas là affaire d’imagination, madame la rapporteure générale : nos propositions résultent de notre lecture attentive des rapports, dont un certain nombre insistent sur la nécessité de dégager des ressources, non pas à hauteur de 2,4 milliards d’euros, mais de 9 milliards d’euros !
Cela fait plusieurs années que ces rapports fournissent des pistes. Mais, chaque fois que nous proposons de les suivre, on nous objecte que leur mise en œuvre aura pour effet d’accroître les impôts. Monsieur le ministre, si, réellement, vous ne voulez pas de hausse d’impôt, commencez par ne pas toucher aux franchises !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 800 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1050 rectifié bis, présenté par MM. Le Gleut et Frassa, Mme Aeschlimann, MM. Belin, Bouchet, J.M. Boyer, Brisson, Cuypers, Duplomb, Khalifé et Lefèvre, Mmes Dumont et Lopez, MM. Mandelli, Pellevat, Rapin, Rietmann et Sido, Mme Joseph et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 136-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, les mots : « fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts » sont remplacés par les mots « qui sont à la fois redevables de l’impôt sur le revenu en France à raison de certains de leurs revenus et simultanément assujettis à quelque titre que ce soit à un régime obligatoire français d’assurance maladie » ;
b) Les I bis et I ter sont abrogés ;
c) À la première phrase du premier alinéa du III, la première occurrence du mot : « à » est remplacée par le mot : « et » ;
2° L’article L. 136-7 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, les mots : « fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts » sont remplacés par les mots : « qui sont à la fois redevables de l’impôt sur le revenu en France à raison de certains de leurs revenus et simultanément assujettis, à quelque titre que ce soit, à un régime obligatoire français d’assurance maladie » ;
b) À la première phrase du 1° du même I, les mots : « fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts » sont remplacés par les mots : « qui sont à la fois redevables de l’impôt sur le revenu en France, à raison de l’origine de certains de leurs revenus et, simultanément assujettis à un régime obligatoire français d’assurance maladie » ;
c) Les I bis et I ter sont abrogés ;
d) Le deuxième alinéa du VI est supprimé.
II. – Au premier alinéa du I de l’article 15 et à la première phrase du I de l’article 6 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, les références : « aux I et I bis » sont remplacées par la référence : « au I ».
III. – Le 1° du I s’applique aux revenus perçus et aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Ronan Le Gleut.
M. Ronan Le Gleut. Un amendement analogue à celui-ci a été adopté par le Sénat à l’occasion de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Cet amendement vise à exonérer l’ensemble des non-résidents, sans distinction géographique, du paiement de la CSG-CRDS sur les revenus du patrimoine qu’ils perçoivent en France.
Depuis 2012, ces revenus, notamment fonciers, perçus en France par des non-résidents sont assujettis à divers prélèvements sociaux, dont le taux est de 17,2 %, alors même que ceux-ci ne bénéficient d’aucune prestation sociale en contrepartie.
Cette imposition a été jugée incompatible avec le principe d’unicité de la législation de sécurité sociale, consacré par le règlement (CE) n° 883/2004. La Cour de justice de l’Union européenne a ainsi considéré que les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un État membre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse ne pouvaient être assujetties à des prélèvements sociaux sur leurs revenus fonciers en France.
Pour mettre notre législation en conformité avec le droit européen, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a exonéré de la CSG-CRDS les non-résidents affiliés à un système de sécurité sociale de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et de la Suisse.
En revanche, l’assujettissement aux prélèvements sociaux des non-résidents d’un État tiers demeure. Cet assujettissement constitue une iniquité de traitement fiscal, une réelle discrimination face à l’impôt ; en outre, il décourage l’investissement immobilier en France de nos compatriotes établis à l’étranger.
Les non-résidents s’acquittent dans la majorité des cas, en plus de la CSG-CRDS due en France, d’une cotisation soit à une caisse de sécurité sociale à adhésion volontaire, telle que la Caisse des Français de l’étranger, soit au système de protection sociale de leur pays de résidence. Aussi subissent-ils une double imposition à finalité sociale.
Au nom du principe d’équité fiscale, l’exonération de CSG-CRDS devrait être généralisée à tous les non-résidents, où qu’ils habitent.
Mme la présidente. L’amendement n° 1051 rectifié bis, présenté par MM. Le Gleut et Frassa, Mme Aeschlimann, MM. Belin, Bouchet, J.M. Boyer, Brisson et Cuypers, Mme Dumont, MM. Duplomb, Khalifé et Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli, Pellevat, Rapin, Rietmann et Sido, Mme Joseph et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le I ter de l’article L. 136-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« I quater. – Par dérogation aux I et I bis du présent article, ne sont pas redevables de la contribution les personnes, qui sont redevables de l’impôt sur le revenu en France à raison de revenus de source française et simultanément assujettis à quelque titre que ce soit à un régime obligatoire français d’assurance maladie. » ;
2° Après le I ter de l’article L. 136-7, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« I quater. – Par dérogation aux I et I bis, ne sont pas redevables de la contribution les personnes, redevables de l’impôt sur le revenu en France à raison de revenus de source française et simultanément assujettis à quelque titre que ce soit à un régime obligatoire français d’assurance maladie.
« L’établissement payeur mentionné au 1 du IV ne prélève pas la contribution assise sur les revenus de placement dès lors que les personnes titulaires de ces revenus justifient, selon des modalités définies par décret, des conditions définies au premier alinéa du présent I quater.
« En cas de prélèvement indu par l’établissement payeur, ce dernier peut restituer le trop-perçu à la personne concernée et régulariser l’opération sur sa déclaration ou la personne concernée peut solliciter auprès de l’administration fiscale la restitution de la contribution prélevée par l’établissement payeur.
« La contribution assise sur les plus-values mentionnées au 2° du I n’est pas due dès lors que les personnes titulaires de ces plus-values justifient, selon des modalités définies par décret, des conditions définies au premier alinéa du présent I quater. »
II. – À la première phrase du I de l’article 16 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, les mots : « au I ter » sont remplacés par les mots : « aux I ter et I quater ».
III. – Le présent article s’applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2024 et aux plus-values réalisées au titre de cessions intervenues à compter de cette même date.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Ronan Le Gleut.
M. Ronan Le Gleut. Un dispositif similaire a déjà été adopté par le Sénat, le 19 mai 2020, sans opposition, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi relative aux Français établis hors de France présentée par Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues, et rapportée par Jacky Deromedi.
Le Sénat a ensuite adopté, le 12 novembre 2020, un amendement voisin déposé par plusieurs de nos collègues, dont le dispositif, modifié par rapport à la version précédente, consistait à appliquer l’exonération aux personnes redevables de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) en France à raison de certains de leurs revenus et simultanément assujettis à quelque titre que ce soit à un régime obligatoire français d’assurance maladie.
Le présent amendement tend à reprendre cette solution.
Mme la présidente. L’amendement n° 1205 rectifié, présenté par M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane, Ouizille et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mme Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre 6 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le I ter de l’article L. 136-6, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Par dérogation aux I et I bis du présent article, ne sont pas redevables de la contribution les personnes fiscalement domiciliées dans un pays autre que ceux mentionnés au premier alinéa du I ter qui relèvent en matière d’assurance maladie d’une législation d’un pays étranger et qui ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français.
« Pour l’application du premier alinéa du présent … aux gains mentionnés à l’article 150-0 B bis du code général des impôts et aux plus-values mentionnées au I de l’article 150-0 B ter du même code, la condition d’affiliation à un autre régime obligatoire de sécurité sociale s’apprécie à la date de réalisation de ces gains ou plus-values. » ;
2° Après le I ter de l’article L. 136-7, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Par dérogation aux I et I bis du présent article, ne sont pas redevables de la contribution les personnes fiscalement domiciliées dans un pays autre que ceux mentionnés au premier alinéa du I ter qui relèvent en matière d’assurance maladie d’une législation d’un pays étranger et qui ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français.
« L’établissement payeur mentionné au 1 du IV ne prélève pas la contribution assise sur les revenus de placement dès lors que les personnes titulaires de ces revenus justifient, selon des modalités définies par décret, des conditions définies au premier alinéa du présent ….
« En cas de prélèvement indu par l’établissement payeur, ce dernier peut restituer le trop-perçu à la personne concernée et régulariser l’opération sur sa déclaration ou la personne concernée peut solliciter auprès de l’administration fiscale la restitution de la contribution prélevée par l’établissement payeur.
« La contribution assise sur les plus-values mentionnées au 2° du I n’est pas due dès lors que les personnes titulaires de ces plus-values justifient, selon des modalités définies par décret, des conditions définies au premier alinéa du présent …. »
II. – À la première phrase du I de l’article 16 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, les mots : « au I ter » sont remplacés par les mots : « aux I ter et … ».
III. – Le présent article s’applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2022 et aux plus-values réalisées au titre de cessions intervenues à compter de cette même date.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Cet amendement vise à rétablir l’équité fiscale entre tous les Français établis hors de France.
Effectivement, notre pays a été condamné en 2019 par la Cour de justice de l’Union européenne en raison de l’assujettissement des revenus du patrimoine des non-résidents à la CSG-CRDS.
Or, à la suite de cette condamnation, la France n’a exonéré que les Français établis au sein de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse.
Au nom de l’équité fiscale, ce qui est valable pour nos compatriotes établis en Europe devrait l’être tout autant pour ceux qui vivent hors d’Europe.
Aujourd’hui, l’enjeu est de pouvoir répondre à ce besoin de justice. Nous ne sommes évidemment pas opposés au principe d’une taxation – bien au contraire –, mais elle doit être juste.
Ce qui est injuste, comme l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne, c’est de faire contribuer socialement des individus qui n’ont pas accès à la sécurité sociale dans notre pays, ce qui est bien évidemment le cas pour nos compatriotes établis hors de France.
Mes chers collègues, si j’ai défendu un amendement visant à flécher une fraction de cette CSG vers la Caisse des Français de l’étranger, c’est justement à cette fin. Vous n’avez pas souhaité le voter, mais il s’agissait, d’une certaine façon, de réparer cette injustice.
À défaut d’avoir opté pour le plan B que je vous ai soumis, je vous propose désormais cette solution.
Mme la présidente. L’amendement n° 1031 rectifié bis, présenté par Mme Renaud-Garabedian, MM. Bansard, Ruelle, Bouchet, D. Laurent et Panunzi, Mme O. Richard, M. Cadic, Mmes Lopez et Aeschlimann et M. Somon, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre 6 du titre III du livre 1er du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I bis de l’article L. 136-6 est complété par les mots : « et qui ne justifient pas d’une affiliation antérieure d’au moins cinq années à un régime obligatoire français d’assurance maladie, qu’elles soient consécutives ou non » ;
2° Le I bis de l’article L. 136-7 est complété par les mots : « qui ne justifient pas d’une affiliation antérieure d’au moins cinq années à un régime obligatoire français d’assurance maladie, qu’elles soient consécutives ou non ».
II. – Le présent article s’applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2023 et aux plus-values réalisées au titre de cessions intervenues à compter de cette même date.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Contrairement aux Français établis en Europe, nos compatriotes vivant dans un pays tiers sont obligés de s’acquitter de la CSG et de la CRDS sur les revenus fonciers qu’ils perçoivent en France.
Dans notre pays, ces revenus sont taxés, non pas en fonction de la nationalité du contribuable, mais en fonction de la situation du bien immobilier sur le territoire français.
À ce titre, l’exonération de la CSG et de la CRDS pour les Français vivant en dehors de l’Europe profiterait non seulement aux Français résidant à l’étranger, mais également à des étrangers propriétaires de biens immobiliers en France.
Cela fait plusieurs années que, malheureusement, le Gouvernement oppose une fin de non-recevoir à nos différentes demandes, le coût de la mesure étant, dans ces conditions, exorbitant.
Monsieur le ministre, je vous propose un amendement tendant à conditionner cette exonération à l’affiliation préalable à une caisse de sécurité sociale pendant au moins cinq ans.
À la différence des précédents amendements, ce dispositif permettrait de ne pas faire bénéficier de cette mesure les spéculateurs étrangers qui détiennent des actifs immobiliers en France sans y résider.
Cette solution me paraît équitable et juste ; elle est de surcroît attendue par les Français établis hors de France.
Mme la présidente. L’amendement n° 1052 rectifié bis, présenté par MM. Le Gleut et Frassa, Mme Aeschlimann, MM. Belin, Bouchet, J.M. Boyer, Brisson et Cuypers, Mme Dumont, MM. Duplomb, Khalifé et Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli, Pellevat, Rapin, Rietmann et Sido, Mme Joseph et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa du I ter de l’article L. 136-6 et au premier alinéa du I ter de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, les mots : « , par application des dispositions du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, relèvent en matière d’assurance maladie d’une législation soumise à ces dispositions et qui » sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Allons-y pour une nouvelle tentative sur le même sujet… (Sourires.)
Il a fallu attendre la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, et son article 26, ainsi que deux arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, pour que les Français résidant dans l’Union européenne et l’Espace économique européen soient exonérés de la CSG-CRDS sur leurs revenus du patrimoine.
Afin de ne pas allonger inutilement nos débats, puisque mes collègues ont déjà exposé les tenants et aboutissants de ce problème, je me contenterai de déplorer la pression fiscale qui s’exerce sur nos compatriotes vivant hors de l’Union européenne.
En effet, ces Français sont astreints à l’application d’un taux minimum de 20 % sur leurs revenus de source française, taux que le Gouvernement a fait porter à 30 % pour un revenu annuel net imposable égal ou supérieur à 27 519 euros.
De cette situation peut s’ensuivre une imposition de 37,2 % – 20 % de taux minimum plus 17,2 % de prélèvements sociaux – pour les contribuables dont le revenu est inférieur à 27 519 euros, et de 47,2 % – 30 % de taux minimum plus 17,2 % de prélèvements sociaux – pour ceux dont le revenu est égal ou supérieur à ce seuil.
Consciente de cette iniquité, l’Assemblée nationale a voté un moratoire en 2019. Pour notre part, nous proposons de supprimer l’assujettissement de l’ensemble des Français établis hors de France aux prélèvements sociaux.
Mme la présidente. L’amendement n° 162 rectifié ter, présenté par Mme Tetuanui, MM. Kern et Canévet et Mmes Jacquemet, O. Richard, Vérien, Billon et Vermeillet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le I ter des articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Par dérogation aux I et I bis, ne sont pas redevables de la contribution les personnes qui relèvent, en matière d’assurance maladie, de la caisse de prévoyance sociale de Polynésie française. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Lana Tetuanui.
Mme Lana Tetuanui. Dans la continuité des propos tenus par mes collègues, je défendrai la cause des Français résidant en Polynésie française : ce n’est pas à l’étranger, c’est la France, mais avec un statut particulier !
Mon amendement vise tout simplement à corriger une injustice que subit une catégorie de contribuables résidents fiscaux en Polynésie française, dont les revenus proviennent d’organismes issus de l’État.
Ceux-ci sont affiliés à un régime obligatoire de protection sociale, la caisse de prévoyance sociale (CPS) – organisme local en Polynésie française -, selon leur statut professionnel, et leur domicile fiscal n’est pas en France ; pourtant, ils ne sont pas exonérés de CSG-CRDS et sont ainsi soumis à une double imposition pour tous leurs revenus de source française, la retenue à la source ne tenant pas compte de l’existence d’un impôt local, la contribution sociale de solidarité, et de la ponction de l’organisme local de protection sociale, la CPS.
Je demande simplement que les Français de Polynésie française puissent bénéficier du même traitement que celui dont profitent certains Français établis hors de France depuis l’adoption de l’amendement de Christophe-André Frassa l’an dernier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Permettez-moi de vous remercier, mes chers collègues, pour l’ensemble de ces amendements, dont le dispositif est repris et défendu chaque année ici même, au Sénat, mais aussi à l’Assemblée nationale.
Au bout du bout, je sais bien que je ne parviendrai pas, malgré mes explications, à vous faire changer d’avis. L’année dernière, vous aviez ainsi voté majoritairement en faveur de ces amendements analogues. Pour autant, il me revient de tenter de vous expliquer les raisons – bien connues – pour lesquelles la commission est défavorable à vos amendements.
Je comprends tout à fait le sentiment d’injustice dont vous venez de faire part, mes chers collègues, que ce soit celui que ressentent les Français établis hors de France ou les Polynésiens.
Toutefois, je rappellerai que cette différence de traitement n’est évidemment pas intentionnelle de la part des pouvoirs publics.
Depuis un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de 2015, la France doit appliquer une telle exonération aux Français résidant au sein de l’Union européenne. Pourquoi, dans ces conditions, n’a-t-on pas décidé d’exonérer également les Français vivant hors de l’Union européenne ?
En voici les trois raisons principales.
Premièrement, la CSG et la CRDS sont non pas des cotisations, qui créent des droits, mais des impôts, qui ne créent pas de droits quant à eux. Si l’on se met à exonérer de la CSG et de la CRDS les Français vivant hors de l’Union européenne, où s’arrêter ? Pourquoi ne pas les exonérer aussi, par exemple, d’impôt sur le revenu ? Après tout, ils utilisent moins les routes ou les écoles situées dans l’Hexagone…
M. Christophe-André Frassa. Cela n’a rien à voir !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il est peu probable que je parvienne à convaincre l’ensemble de l’hémicycle avec ce premier argument… (Sourires.)
Je vais donc vous exposer la deuxième raison, probablement la plus solide, qui m’incite à rejeter vos amendements : il n’est pas du tout évident qu’il soit juridiquement possible d’exonérer les Français sans exonérer également les étrangers.
Par exemple, vous suggérez de subordonner cette exonération à l’assujettissement à un régime français obligatoire d’assurance maladie ; or le lien entre ce critère et l’exonération de CSG ou de CRDS est loin d’être évident. C’est pourquoi il est douteux qu’un tel dispositif subsiste dans le cas où le juge constitutionnel en était saisi.
Comment faire entendre de surcroît à nos compatriotes que tel ou tel étranger fortuné, voire très fortuné, est exonéré de CSG et de CRDS sur ses investissements en France ?
Troisième raison que j’avais déjà évoquée l’année dernière – cet argument n’avait pas rencontré le succès escompté et je n’avais donc pas emporté la mise (Sourires.) - : le coût de cette mesure est estimé à environ 300 millions d’euros, si ce n’est davantage ; or, comme vous connaissez le contexte financier actuel et la dramatique situation des finances sociales.
À l’heure où le Sénat essaie difficilement de faire entendre un message de rigueur financière, il ne serait donc pas responsable de notre part de décrédibiliser cette position par ce qui serait perçu comme un cadeau fiscal fait à certains de nos compatriotes qui, même s’ils ne sont pas tous très aisés, le sont tout de même suffisamment pour tirer des revenus de leur patrimoine en France, et qui seront nécessairement perçus comme étant aisés par l’opinion publique.
Je comprends que, l’an dernier, le Sénat ait pu adopter de justesse un amendement proche de ceux que vous venez de défendre – ce qui pourrait de nouveau se produire dans quelques instants –, mais, depuis lors, la situation des comptes sociaux s’est considérablement dégradée. Je reste donc défavorable à de tels amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je souscris en tout point à l’argumentaire de Mme la rapporteure générale.
Je voudrais du reste insister sur le dernier point qui a été invoqué.
Vous étiez très nombreux dans cet hémicycle lors de la discussion générale à exprimer votre inquiétude quant à la situation financière de la sécurité sociale. Il y a encore quelques instants, je rappelais la nécessité de nous préoccuper de la situation des finances publiques, et des finances sociales en particulier.
Chacun de ces amendements représente une dépense ou, du moins, une moindre recette d’au moins 250 millions d’euros. Ils s’inscrivent tous dans un cadre très délimité, qui résulte notamment d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.
Nous ne souhaitons pas aller plus loin, afin de préserver les recettes affectées à la sécurité sociale, et c’est pourquoi nous y sommes défavorables.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne sais pas si vous avez vu le film Le jour de la marmotte, ce film sorti en salles il y a quelques années dans lequel le héros se réveillait tous les matins pour revivre la même journée qu’il essayait bien évidemment d’améliorer au fil du temps… (Sourires.)
C’est ce même espoir, me semble-t-il, qui nous pousse chaque année, depuis quatre ans maintenant, à venir devant vous pour tenter de vous convaincre de cette profonde iniquité.
Ce n’est pas un simple ressenti, madame la rapporteure générale : nous déplorons une profonde iniquité fiscale entre les Français résidant dans l’Union européenne, dans l’Espace économique européen ou en Suisse, qui sont exonérés de CSG-CRDS, et les Français résidant dans les pays tiers, qui y sont assujettis.
Vous avez eu raison de rappeler que les prélèvements sociaux étaient des impôts, mais cela signifie aussi que les Français résidant en dehors de l’Europe sont soumis à une double imposition.
Chaque année, nous réclamons sans relâche le rétablissement d’une stricte égalité entre tous les non-résidents, sans distinction géographique, pour combler les effets du régime habilement mis en place par le ministère des finances en 2019 pour se conformer à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne condamnant la France.
Cet amendement n’a ni plus ni moins pour objet que de mettre fin à une discrimination injustifiée et contraire au principe constitutionnel d’égalité de tous les contribuables devant la loi.
Nos compatriotes établis à l’étranger sont des contribuables et des citoyens de la République à part entière – cette expression doit vous être assez familière, mes chers collègues. Ils s’acquittent des mêmes obligations, d’autant que nombre d’entre eux cotisent à des régimes de sécurité sociale obligatoires dans leur pays de résidence ou à la Caisse des Français de l’étranger. Ils devraient donc jouir des mêmes droits.
Vous comprendrez qu’il y a un consensus sur ce sujet par-delà les clivages politiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Monsieur le ministre, ne voyez surtout rien de personnel dans mon propos.
Sachez qu’en 2012 – je suis sénateur depuis 2008 – j’ai assisté à la mise en place de cet assujettissement à la CSG et à la CRDS des revenus du patrimoine des non-résidents. En réalité, ce ne sont pas les ministres qui sont en cause : d’une certaine manière, ils sont sous l’influence de leur administration, à qui je reconnais ce talent merveilleux d’être capable de convaincre du bien-fondé de cette mesure.
Contrairement au héros du Guépard de Lampedusa, Bercy sait bien qu’il faut que « rien ne change pour que rien ne change ». (Sourires.)
Contrairement à ce que vous avancez – Mme la rapporteure générale et vous-même le savez –, cette mesure est contraire à l’esprit de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 26 février 2015, qui dispose que les prélèvements sociaux sont des cotisations et non des impôts. Il n’y a que notre pays qui considère qu’il s’agit d’impôts ! C’est son droit le plus strict, mais ce n’est pas l’avis de l’Union européenne.
S’agissant du caractère discriminatoire de cette situation, il s’agit d’un fait et aucunement d’un ressenti. Notre cause a été plaidée à deux reprises, et les plaignants ont gagné à chaque fois devant les juridictions européennes.
Quant à votre dernier argument, madame la rapporteure générale, soyons sérieux un instant : vous êtes en train de nous expliquer que les Français établis à l’étranger sont là pour renflouer un système, c’est-à-dire l’assurance maladie, auquel ils ne pourront jamais prétendre, sauf s’ils décidaient un jour de revenir en France, ce qui est pour la plupart d’entre eux assez peu probable, si l’on en juge par les chiffres qui démontrent que de plus en plus de Français partent pour l’étranger.
Revenons à l’essentiel et faisons cesser cette discrimination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour explication de vote.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Je constate malheureusement, monsieur le ministre, que l’on sacrifie les Français de l’étranger sur l’autel des recettes fiscales.
Ne pourrions-nous pas nous réunir tous ensemble, afin d’envisager la mise en place d’un dispositif qui pourrait convenir aussi bien à Bercy qu’aux Français établis hors de France ?
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour explication de vote.
M. Ronan Le Gleut. Monsieur le ministre, la Cour de justice de l’Union européenne a reconnu qu’un Français résidant dans un pays membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen était soumis à double imposition si ses revenus du patrimoine étaient assujettis à la CSG et à la CRDS en France.
L’Union européenne a tranché et a obligé la France à changer de législation, de telle sorte qu’un Français résidant à Stockholm ou Madrid n’ait plus à subir cette double imposition. La France s’est mise à contrecœur en conformité avec la jurisprudence européenne, mais elle ne l’a fait que dans le cadre limité des pays de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et de la Suisse.
Aujourd’hui, comprenez bien qu’un Français établi à N’Djamena ou à Buenos Aires est victime d’une iniquité fiscale insupportable. Il ne bénéficie pas du même traitement que les autres Français établis hors de France, ceux qui vivent au sein de l’Union européenne ou de l’EEE.
À l’évidence, un certain nombre de Français établis hors de France sont aujourd’hui soumis à une double imposition que l’Union européenne avait pourtant jugée totalement injuste et inacceptable pour ceux de nos compatriotes résidant en Europe.
Vous aurez beau tourner le problème dans tous les sens, rien n’y fera. Si tous ces amendements font l’objet d’un tel consensus au sein de cet hémicycle, année après année, ce n’est pas le fruit du hasard.
À un moment donné, il faut savoir se poser les bonnes questions : il se peut que les parlementaires et l’Union européenne aient raison, ce qui signifie qu’il vous faudra vous remettre en cause et assumer de revoir votre copie !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10, et les amendements nos 1051 rectifié bis, 1205 rectifié, 1031 rectifié bis, 1052 rectifié bis et 162 rectifié ter n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 890 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° du I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 19,2 % ».
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à relever le taux de CSG sur les produits du patrimoine et les produits de placement. C’est une constante de notre action depuis le début de nos débats : nous cherchons de nouvelles recettes pour renforcer la protection sociale.
Nous savons que les entreprises du CAC 40 ont enregistré des profits considérables en 2023, alors qu’à l’inverse, selon l’Insee, la consommation des Français a chuté de plus de 11 %.
Phénomène plus inquiétant encore, si les profits croissent de manière aussi considérable, c’est en grande partie à cause de l’augmentation des prix qu’un certain nombre de grandes firmes imposent à nos concitoyens.
Dans cette perspective assumée d’aller chercher l’argent là où il se trouve, nous vous proposons cette solution, au même titre qu’un certain nombre de nos collègues défendront dans quelques instants des amendements allant dans le même sens.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 722 rectifié bis est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 891 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° du I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 12 % ».
La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 722 rectifié bis.
Mme Anne Souyris. Cet amendement a pour objet d’augmenter de 2,8 points le taux de CSG applicable aux revenus du capital.
Nous avons à l’évidence besoin de recettes supplémentaires ; la bonne nouvelle est qu’il existe des solutions.
Si cet amendement était adopté, il permettrait de rapporter 3 milliards d’euros supplémentaires aux caisses de sécurité sociale, la moitié des économies nettes prévues dans le cadre de la réforme des retraites à l’horizon 2030 pour la branche vieillesse, le tiers du déficit de la sécurité sociale prévu pour 2023, et trois fois plus que ce que coûte l’aide médicale de l’État (AME) !
Bien sûr, pour garantir notre modèle social, nous devons taxer les revenus du capital, du patrimoine, les produits de placement à la hauteur de la taxation du travail.
Or les revenus du capital, qui progressent à un rythme plus rapide, ne contribuent pas de manière proportionnelle à la solidarité nationale. Ainsi, en 2018, on a augmenté d’un point le taux de CSG applicable aux revenus du capital, quand on a fait croître de 1,7 point le taux de CSG applicable aux revenus d’activité.
Il est temps d’aller plus loin pour assurer une juste contribution à nos services publics et à notre système de sécurité sociale. Faisons nôtre la maxime « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins », et mettons à contribution ceux et celles qui le peuvent : ils le demandent !
Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l’amendement n° 891 rectifié.
Mme Silvana Silvani. Force est de constater que, malgré la promesse du Président de la République, Emmanuel Macron, de lutter contre la rente, le travail reste davantage taxé que le capital en France.
Ainsi, un contribuable gagnant 1 million d’euros de salaire est taxé à plus de 54 %, tandis qu’un actionnaire percevant 1 million d’euros de dividendes l’est à hauteur de 30 %.
Cet amendement de bon sens vise à aligner le taux de CSG applicable aux revenus du capital sur celui des revenus d’activité.
En 2018, le Gouvernement a relevé de 1,7 point le taux de CSG sur les revenus d’activité et de remplacement, sur les salaires et les pensions de retraite, tandis que le taux de CSG sur les revenus du capital progressait de seulement 1 point.
En 2023, les entreprises du CAC 40 ont battu tous les records en versant des dividendes dont le montant a atteint plus de 80 milliards d’euros.
L’adoption de cet amendement rapporterait 3 milliards d’euros supplémentaires aux caisses de sécurité sociale. Il permettrait de revaloriser l’ensemble des prestations sociales au rythme de l’inflation.
Mme la présidente. L’amendement n° 1201 rectifié, présenté par MM. Ouizille et Jomier, Mmes Poumirol, Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche, Chantrel et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° du I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 10,6 % ».
La parole est à M. Alexandre Ouizille.
M. Alexandre Ouizille. Le présent amendement, comme les précédents, vise à augmenter le taux de la contribution sociale généralisée sur les revenus du capital de 1,4 point. En effet, comme l’ont souligné mes collègues, le patrimoine est moins mis à contribution que le travail.
Monsieur le ministre, vous parliez de courage politique au sujet de la réforme de l’assurance chômage, courage qui consiste, en réalité, à prélever de l’argent sur les revenus de personnes ne disposant ni de pouvoir économique, ni de pouvoir social, ni d’un quelconque pouvoir symbolique.
Nous vous proposons de faire preuve d’un réel courage, en prélevant ce surplus de CSG sur les revenus du capital.
Je citerai quelques chiffres importants : l’année dernière, 62 % des dividendes ont été perçus par 0,1 % des Français. Cette mesure permettrait donc, à la fois, de rapporter de l’argent – entre 1,5 milliard et 3 milliards d’euros selon le taux choisi, comme mes collègues l’ont indiqué –, tout en ne touchant que très peu de gens, et d’assurer un financement pérenne de la sécurité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ces quatre amendements, comme les précédents, sont les premiers d’une série d’amendements qui visent à trouver de nouvelles recettes. Aussi mon discours sera-t-il le même sur l’ensemble de ces propositions, et je vous prie de m’excuser de la rapidité avec laquelle je vous répondrai.
Vous vous interrogez sur le niveau des cotisations, des contributions et des impôts qui sont prélevés en France. Bien sûr, ils assurent le financement de notre protection sociale et d’un certain nombre de prestations sociales. Néanmoins, le niveau des prélèvements en France est très élevé, puisqu’il se situe à plus de 45 % du produit intérieur brut.
N’est-ce pas un niveau suffisant ? Que les prélèvements soient injustement répartis, nous pouvons en discuter, mais leur niveau global est tout de même très haut.
Notre protection sociale est très forte, mais aujourd’hui, nous n’arrivons plus à tenir l’ensemble. Nous ne disposons pas des recettes suffisantes pour couvrir les dépenses, qui sont dynamiques – il faut le dire.
Aussi, ne devrions-nous pas plutôt nous interroger sur nos dépenses ?
D’ailleurs, monsieur le ministre, nous n’avons pas eu l’occasion d’évoquer la revue des dépenses, que vous annoncez, qui permettra de réaliser 6 milliards d’euros d’économies : nous aimerions savoir à quel niveau celles-ci seront faites.
Il s’agit véritablement d’interroger la qualité, l’efficience et la performance des dépenses. Augmenter les contributions ne me semble finalement pas nécessaire.
Au travers de ces amendements, vous proposez de passer de 15 milliards d’euros de CSG à 30 milliards d’euros.
Certes, cela ferait du bien à la sécurité sociale – nous n’en doutons pas –, mais la réalité est que nous devons d’abord interroger nos dépenses.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En effet, toutes les contributions imposées aux Français, quels que soient leur niveau ou leur assiette, connaissent déjà une dynamique, comme les allégements, puisqu’il existe aussi de moindres recettes.
Interrogeons d’abord la performance des dépenses avant d’augmenter encore les recettes à tous les niveaux.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Les auteurs de ces différents amendements, dans des proportions différentes, nous proposent un choc fiscal compris entre 3 et 15 milliards d’euros.
Toutefois, augmenter un taux d’impôt ne garantit pas d’accroître les recettes. Par exemple, a contrario, depuis que nous en avons baissé le taux, nous n’avons jamais autant collecté d’impôt sur les sociétés.
Cela peut vous paraître étrange, mais en réduisant le taux de l’impôt sur les sociétés, vous encouragez la création d’activité et d’emploi, ainsi que le développement des entreprises.
Méfions-nous du réflexe qui consisterait à dire : « Vous allez voir ce que vous allez voir, je vais ramener 15 milliards d’euros à la sécurité sociale en augmentant le taux de la CSG. » Cela ne marche pas comme cela. L’exemple de l’impôt sur les sociétés doit nous conduire à réfléchir, puisque – vous le voyez bien –, il n’existe pas de lien direct entre l’augmentation du taux d’imposition et celle des recettes.
J’avancerai un second contre-exemple, celui du prélèvement forfaitaire unique.
Lorsque les dividendes ont été soumis au barème de l’impôt sur le revenu, une baisse des dividendes distribués a été constatée, mais à la suite de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, des dividendes sont réapparus. Alors que, facialement, la fiscalité sur le capital avait baissé, nous avons perçu plus de recettes.
Par conséquent, de tels chocs fiscaux ne garantiraient pas, in fine, le surplus de recettes escompté.
D’autre part, madame Silvani, vous indiquez que l’augmentation du taux de la CSG, telle que vous le proposez, doit permettre de revaloriser l’ensemble des prestations sociales au niveau de l’inflation. Je vous rassure : c’est déjà prévu. Il n’est donc pas nécessaire d’augmenter la fiscalité.
D’ailleurs, au-delà des prestations, le projet du Gouvernement est d’indexer les pensions de retraite sur l’inflation, ce qui représente un effort de 14 milliards d’euros.
Mme Audrey Linkenheld. L’indexation des dotations aussi ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Enfin, pour répondre à Mme la rapporteure générale – qui nous a tendu la main – sur les économies et la revue des dépenses, je puis lui indiquer que 12 milliards d’euros d’économies sont à trouver pour 2025 : 6 milliards sur le budget de l’État et 6 milliards d’euros dans la sphère sociale. C’est un objectif très ambitieux auquel nous œuvrons d’ores et déjà.
Je serais très heureux de travailler avec le Sénat, sur vos propositions, afin de nous aider à ralentir la croissance de la dépense, car c’est de cela qu’il s’agit.
Mme Émilienne Poumirol. Il faut davantage de prévention !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je suis donc à la disposition de Mme la rapporteure générale et de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs intéressés par cette réflexion.
Comme Mme la rapporteure générale, je suis convaincu que nous garantirons le financement à long terme de notre modèle social grâce à la maîtrise de la dépense.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces quatre amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je veux dire à Mme la rapporteure générale que j’ignore quel est le bon niveau de dépenses. En revanche, je sais que la dépense publique se répartit entre trois grands domaines : les services publics, les transferts vers les ménages et les transferts vers les entreprises.
Or, depuis quelques années, les transferts vers les entreprises sont massifs. C’est la politique de votre gouvernement et vous la revendiquez, monsieur le ministre.
Celle-ci a pour résultat le sous-financement des services publics, qui sont en grande difficulté. Aussi, nous tous ici, élus que nous sommes, réclamons des financements pour le transport ferroviaire ou pour les services publics départementaux.
Mais, pour financer les transferts massifs vers les entreprises, l’argent doit être pris sur les revenus des ménages ; c’est ce que vous faites au travers de vos réformes successives. (Mme Émilienne Poumirol renchérit. - M. le ministre délégué manifeste son désaccord.)
Bien sûr ! La réforme des retraites n’avait pas d’autre objectif que de prendre un peu d’argent aux ménages afin de maintenir des transferts massifs vers les entreprises !
Au travers de ces amendements, notamment celui de M. Ouizille, qui propose une hausse très modérée de la CSG, nous disons que la question des recettes doit être posée.
En effet, il ne suffit pas ensuite d’indiquer que les ménages sont soumis à tel taux de prélèvement. Cela dépend du niveau économique de chacun et ceux qui sont les plus favorisés sont soumis à des taux de prélèvement bien trop bas. Une marge significative existe.
Seulement, vous faites un refus d’obstacle total s’agissant de la question des recettes, là encore pour des raisons à 100 % idéologiques ! Vous ne voulez pas prélever quoi que ce soit.
Et quelle bataille a-t-il fallu mener depuis deux ans pour commencer à envisager d’étudier tant soit peu les exonérations qui ne servent à rien !
Voilà où vous en êtes ! Ne nous accusez pas de matraquage fiscal ; c’est vous qui orientez mal la dépense publique. (M. Alexandre Ouizille applaudit.)
Mme Audrey Linkenheld. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour explication de vote.
M. Pierre Barros. Sur la question de l’imposition, en France, nous sommes, en effet, a priori, les champions du monde de la fiscalité, mais nous sommes aussi les champions du monde pour trouver les moyens de ne pas payer d’impôt.
En effet, lorsque l’on peut payer des avocats fiscalistes, on acquitte bien moins d’impôt. C’est une réalité, les services fiscaux le disent tous les jours.
Si nous disposons de recettes très importantes, c’est parce que nous avons un taux d’imposition lui-même très important. Toutefois, en matière d’imposition, il existe des taux, mais aussi des bases. Or le travail d’évaluation des bases n’est pas fait par l’État – nous le percevons sur des secteurs à forte valeur ajoutée en région d’Île-de-France – et, ainsi, on « s’assoit » sur des centaines de millions d’euros tous les ans.
Clairement, les entreprises ne s’acquittent pas des impôts qu’elles devraient normalement payer.
Ainsi, même si les taux sont très hauts, les bases de calcul sont si ridicules et si irréalistes au regard de la surface ou de la valeur ajoutée que le rendement de l’impôt est bien plus faible que ce qu’on pourrait en attendre.
La cause de ce manque à gagner, c’est le non-accomplissement par les services de l’État de son travail, en raison de réductions de postes ou encore du caractère pointu des sujets, qui nécessitent des vérifications.
Ce travail est, en revanche, régulièrement réalisé par les collectivités, qui ont mis le doigt sur ce problème. Cela les conduit à engager des contentieux avec les services fiscaux et l’État, seul moyen pour elles de percevoir ce qui leur est dû. Ce n’est pas normal.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Je vous remercie d’avoir posé le débat en ces termes, car le niveau des prélèvements obligatoires est le cœur du mal dont souffre notre pays. (M. Bernard Jomier le conteste.)
La comparaison avec celui de nos voisins, et plus largement avec celui des autres États, suffit à montrer que notre pays prélève trop.
La question est donc non pas de prélever plus, mais de dépenser moins. S’il faut choisir, il me semble que nous devons aller dans cette direction.
Je souscris aussi à l’idée d’étudier le sujet des transferts. En effet, même si nous prélevons beaucoup, nous ne disposons pas toujours de suffisamment d’argent pour les services publics, ce qui crée un malaise dans notre pays.
Enfin, sur la question des économies à réaliser, nous sommes en quelque sorte à la croisée des chemins. Je le dis avec gravité : nous devons réorganiser notre dépense publique. Toutefois, nous ne pouvons le faire – monsieur le ministre, j’ai entendu votre réponse sur ce sujet – sans réformes structurelles. Sans cela, ce ne seront que des coups de rabot, ce qui a des limites, car on finit par gérer les pénuries, tout en continuant à dépenser beaucoup. C’est un peu ce que nous faisons avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je répondrai donc à M. le ministre : oui aux économies, mais réalisées dans le cadre de réformes structurelles. (Mme Chantal Deseyne applaudit.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, vous indiquez que le niveau des prélèvements est plus élevé en France qu’ailleurs, ce qui n’est pas faux.
Cela résulte notamment du choix fait par la France, en 1945, de se doter d’un certain modèle social, choix qui, à l’époque, rassemblait notamment les communistes et les gaullistes – je ne suis pas sûre qu’il en soit encore ainsi aujourd’hui… (Mme Béatrice Gosselin le conteste.)
Nous avons choisi d’avoir une protection sociale et des services publics de haut niveau, ainsi que de les financer par les prélèvements sociaux ou l’impôt.
Monsieur le ministre, vous ne répondez pas tout à fait au débat que nous voulons lancer ici. Nous avons démontré – à plusieurs voix – que le capital est aujourd’hui moins taxé que le travail, alors que les revenus du capital progressent plus vite que les salaires.
En conservant un niveau de prélèvements constant, nous pourrions mettre en chantier une nouvelle répartition de ces prélèvements. Or ce n’est pas ce que vous proposez, puisque vous indiquez vouloir uniquement étudier les dépenses pour essayer de les réduire.
Le maître-mot de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, décliné sur tous les tons par Mme et MM. les ministres hier lors de la discussion générale, c’est la soutenabilité. Pensez-vous que la soutenabilité doit nous conduire, aujourd’hui, à poursuivre dans une telle voie, où les revenus du capital progressent tant et plus, alors que la plupart de nos concitoyens, y compris des salariés et parfois même des couples de salariés, n’arrivent plus à vivre de leurs revenus ?
À mon sens, ce modèle n’est plus soutenable. Par conséquent, nous vous proposons de dégager des pistes afin de répartir différemment les richesses dans notre pays.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le ministre, sans revenir sur les propos de ma collègue, auxquels je souscris totalement, je veux dire qu’il me paraît nécessaire de trouver des pistes de financement.
En effet, je vous félicite pour les économies réalisées à l’occasion de la réforme du chômage et de la réforme des retraites. Toutefois, vous avez oublié un élément : nombre de familles ont basculé dans le revenu de solidarité active (RSA), dont les départements ont la charge. Nous retrouverons donc cette question à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, c’est certain.
Ensuite, certains pays ont trouvé d’autres solutions. Je prendrai l’exemple de la Belgique, puisque je suis l’élue d’un département frontalier. En Belgique, les salaires augmentent au même rythme que l’inflation. Par conséquent, il en est de même pour les cotisations ! Voilà une piste qui pourrait être explorée.
Une autre piste serait aussi de supprimer les exonérations sur les bas salaires constamment accordées aux entreprises, ce qui encourage ces dernières à embaucher des salariés à de faibles niveaux de rémunération.
En fin de compte, monsieur le ministre, nous vous soumettons plein d’idées.
Tout cela pour vous dire que vos économies sont peut-être de fausses économies.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Notre groupe est celui qui a demandé la plus forte hausse du taux de la CSG appliqué aux revenus du capital ; aussi pourrions-nous retirer notre amendement au profit des autres si le Gouvernement faisait preuve d’ouverture en la matière.
Monsieur le ministre, j’ai écouté votre réponse, qui me semble de nature davantage idéologique que technique. (Mme la rapporteure générale sourit.) J’ai d’ailleurs pu, à cette occasion, découvrir et apprécier la qualité de vos arguments, à la fois politiques et techniques.
Mais ne nous faites pas le coup de l’équilibre !
Vous indiquiez tout à l’heure qu’il est impossible d’accéder à notre demande, car nous devons avant tout réaliser des économies.
Cependant, quand on a 3 000 milliards d’euros de dette - je le dis de manière apaisée, monsieur le ministre –, forcément, c’est que le budget est déficitaire. Par conséquent, ne nous faites pas le coup de l’équilibre pour réfuter ces amendements.
Ensuite, il me semble qu’il y a encore un loup dans ce débat. (M. le ministre délégué proteste.) Cela n’est pas grave, c’est le jeu du débat sur un projet de société.
En effet, ce qui vous bloque dans cette discussion a trait au rapport capital-travail : vous souhaitez encourager la rente.
Rappelons-nous, à propos des retraites, que le projet initial, qui n’est pas abandonné, était celui de la retraite par capitalisation. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRCE-K.)
Il faut mettre des mots sur les choix de société qui sont faits !
Lorsque nous indiquons qu’il faut privilégier l’activité, donc l’économie, donc l’emploi, donc nos entreprises, donc les salaires, et non pas la rente – c’est une très grande différence –, la sagesse serait de nous entendre au regard de la situation dans laquelle se trouve notre pays – et peu importe que nous ne soyons pas du même bord politique. Sinon, le désordre continuera de s’accroître sur un fond d’injustice sociale.
M. Alexandre Ouizille. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Les sujets évoqués par les différents orateurs irriguent nos politiques publiques et sont au cœur de nos équilibres financiers.
Tout d’abord, deux ou trois d’entre vous ont soutenu que je défendais une position idéologique.
Mme Audrey Linkenheld. Oui !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Or je considère, pour ma part, que l’économie, ce n’est pas de l’idéologie. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Si vous me laissez vous répondre, je pourrai vous expliquer pourquoi !
L’économie est davantage une science qu’un art. Vous accordez, me semble-t-il, une dimension artistique à l’économie, alors qu’il s’agit, au fond, d’une approche scientifique. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Alexandre Ouizille. Incroyable !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Laissez-moi vous répondre !
En la matière, je suis agnostique et je me demande simplement si notre stratégie, conduite avec constance depuis 2017, est la bonne. C’est la seule question à se poser.
Honnêtement, chassez l’idéologie !
A-t-on réussi à faire passer le taux de chômage de 12 % à 7 % ? A-t-on créé deux millions d’emplois ? Oui ou non ? (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Pour ma part, j’évalue notre stratégie fiscale à l’aune de ses résultats.
Quel serait notre intérêt d’augmenter les impôts au risque de détruire des emplois et de casser le moteur économique ?
Ne vous en déplaise, si nous tenons un taux de croissance de 1 % en 2023, alors que nos partenaires européens sont entrés en récession, c’est grâce à la force de notre politique économique.
Si notre territoire est le plus attractif de l’Union européenne et attire les investisseurs, c’est aussi grâce à la force de notre politique économique.
Pourquoi, diable, changer de politique ? (Mmes Cathy Apourceau-Poly et Silvana Silvani s’exclament.)
Pour retrouver un taux de chômage de 11 % ou de 12 % ou pour détruire massivement des emplois ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. Arrêtez un peu !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Laissez-moi vous répondre.
Il a beaucoup été question des économies à réaliser – je suis heureux que ce sujet fasse partie du débat –, mais il existe de meilleurs moyens de redresser nos finances publiques et nos finances sociales : ce sont la croissance, l’activité et l’emploi. Ils permettent de faire rentrer des recettes et des cotisations. (Mme Michelle Gréaume s’exclame.)
Ensuite, la fiscalité n’est pas une question idéologique – nous aurons peut-être l’occasion de l’évoquer la semaine prochaine – ; preuve en est la traduction, pour la première fois dans un texte national – le projet de loi de finances –, de l’accord international sur le taux minimum d’impôt sur les sociétés.
Cet accord, défendu par la France et l’Allemagne et conclu dans le cadre de l’OCDE, a fait l’objet d’une directive européenne.
En effet, certaines multinationales échappent à l’impôt et nous avons voulu résoudre ce problème. Notre approche est bien plus pragmatique sur ces questions. Ce n’est pas de l’idéologie.
Mme Corinne Féret. Si, c’est de l’idéologie !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Enfin, monsieur le sénateur Barros, vous évoquiez la perte des bases pour les collectivités territoriales et la révision des valeurs locatives, notamment des locaux professionnels et commerciaux.
Je suis en train de discuter avec les associations d’élus, que j’ai encore rencontrées lundi dernier. Une réforme est prête, mais je ne prendrai aucune décision sur ce sujet sans qu’elle soit soutenue unanimement par celles-ci. En effet, les élus locaux sont les premiers concernés. N’attendez pas que nous menions cette réforme contre leur avis. J’attends leur retour pour avancer - ou pas - sur cette réforme.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Beaucoup de choses ont été dites. Pour ma part, je reviendrai tout d’abord sur une fausse corrélation.
En effet, monsieur le ministre, vous soulignez que la baisse de la fiscalité sur les dividendes a rapporté davantage de recettes, ce qui serait donc la preuve que c’est une bonne chose.
Non, c’est uniquement la preuve d’un effet volume.
Les dividendes battent des records. Ils n’ont jamais été aussi hauts et la France est un des pays où ils explosent. Ainsi, si vous leur appliquiez un taux encore plus bas, ils pourraient encore produire davantage de recettes, en raison de cet effet volume.
Cela résulte donc non pas d’un effet prix ou de dissuasion, mais de la distribution de dividendes, à un niveau qui n’est pas soutenable, si je puis dire, au détriment d’ailleurs des investissements et, auparavant, des salaires.
En réalité, comme cela a été dit, vous avez favorisé les profits par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), les subventions et les exonérations. C’est pourquoi, même en réduisant le taux, l’effet volume vous rapporte beaucoup.
Pour autant, il ne faut pas y voir une corrélation ; il faut plutôt y voir relation de causalité.
Ensuite, il faut tout de même arrêter avec les dépenses.
Si nous voulons réduire les dépenses, alors prenons l’engagement, ce soir, de ne plus vieillir ! En effet, s’agissant de la cinquième branche et de la CNSA, je ne vois pas comment nous allons pouvoir réduire les dépenses.
Il s’agit d’un problème non pas tant de dépenses – qui peut être décliné pour toutes les branches –, mais d’affectation de ressources – c’est encore plus évident pour la cinquième branche.
Si vous ne voulez pas taxer davantage, ne vieillissez plus !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. L’économie, ce n’est pas de l’idéologie. Il faut tout de même dire les choses.
M. Daniel Chasseing. Vous évoquez les dividendes. Toutefois, nombre de petites et moyennes entreprises (PME) ou de très petites entreprises (TPE) ne versent pas de dividendes et n’ont vraiment pas besoin d’être taxées davantage si elles veulent survivre.
Mme Silvana Silvani. Il ne s’agit pas de cela !
M. Daniel Chasseing. En 2000, en France, la part de l’industrie dans le produit intérieur brut était de 18 %, comme en Allemagne, contre 13 % aujourd’hui et 23 % en Allemagne. Pourquoi ? Pendant que nous détruisions des entreprises, l’Allemagne les favorisait. En effet, les entreprises, c’est de la richesse et c’est de l’emploi.
Le CICE, qui a été précédemment évoqué, a été créé par François Hollande. Le Président de la République, Emmanuel Macron, et le Gouvernement ont poursuivi dans cette voie en réduisant les charges. Or, entre 2012 et 2017, le solde entre créations et disparitions d’entreprises était négatif de 300 ; depuis 2018, il est positif de 300. Cela signifie qu’on a favorisé l’emploi et, partant, accru le nombre de cotisants au profit des caisses de retraite, de protection sociale et de celles de l’État.
C’est par l’entreprise qu’on créera des richesses et de l’emploi.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 722 rectifié bis et 891 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 550 rectifié, présenté par MM. Durox, Szczurek et Hochart, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° du I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « et à 11 % pour les personnes dont les revenus définis au IV de l’article 1417 du code général des impôts perçus l’avant-dernière année excèdent 60 000 euros par foyer fiscal ».
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Nous le savons tous, et certains l’affirment haut et fort sur ces travées : depuis six ans, la politique du Président Macron a toujours consisté à taxer les Français qui travaillent et à alléger la pression fiscale sur les hauts revenus et sur le capital.
Cette injustice, propre à son statut de « Président des riches », voire des très riches, doit cesser.
C’est pourquoi les signataires de cet amendement proposent un mécanisme simple qui vise à réduire une situation rendue anormale depuis la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, qui a donc soulagé les plus gros patrimoines et, par la même occasion, diminué les ressources de l’État.
Ainsi, nous estimons qu’un foyer fiscal, dont les revenus fiscaux du capital s’élèvent à 60 000 euros par an, doit voir son taux de contribution fixé à 11 %. Cette mesure de justice sera, sans aucun doute, soutenue sur ces travées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 1207 rectifié, présenté par M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane, Ouizille et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mme Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le rendement de la contribution sociale généralisée et de la contribution du remboursement de la dette sociale payées par les Français établis hors de France.
Ce rapport évalue le rendement de la contribution sociale généralisée et de la contribution du remboursement de la dette sociale au budget de la sécurité sociale et précise le montant perçu par type d’imposition.
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Tout à l’heure, nous avons eu un long débat sur la CSG-CRDS payée par les Français qui ne sont pas établis au sein de l’Union européenne.
Cet amendement vise à demander un rapport au Gouvernement, précisément afin d’évaluer le rendement exact de cette CSG-CRDS payée par les Français qui sont établis hors de France.
Cela nous paraît important pour la transparence du débat public et s’inscrit dans nos propositions relatives à la recherche de financement pour la Caisse des Français de l’étranger, puisqu’il s’agit de cotisations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission est généralement défavorable aux demandes de rapport, et c’est le cas encore aujourd’hui. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 525 rectifié, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Aux quatrième, cinquième et neuvième alinéas, le montant : « 24 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € » ;
2° Aux cinquième et neuvième alinéas, le taux : « 21 % » est remplacé par le taux : « 35 % ».
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Les retraites chapeaux, dont les contributions spécifiques sont définies à l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, sont un dispositif de retraite supplémentaire que certaines entreprises accordent aux salariés occupant en leur sein les plus hauts postes.
Le montant, fixé à l’avance, de la retraite chapeau est en général déterminé en fonction de l’ancienneté et du traitement de son bénéficiaire. J’y insiste : seuls les salariés les plus haut placés, à commencer par les PDG, sont éligibles à un tel dispositif.
Mes chers collègues, souvenez-vous des fameux parachutes dorés : ce scandale a profondément choqué les Français après la crise de 2008.
Un dispositif de participation financière au système de retraite avait certes été voté pour les retraites chapeaux, mais la situation économique actuelle, marquée par la dégradation générale des niveaux de vie, appelle un nouvel effort en ce sens.
Face au déséquilibre structurel de la branche retraite, que la réforme injuste du Gouvernement n’a en rien réglé, nous pensons que les personnes les plus favorisées doivent participer à la juste hauteur au financement de notre système de retraite.
Cet amendement vise donc à redéfinir les plafonds et taux de la contribution applicable aux retraites chapeaux. Nous souhaitons plus précisément limiter l’actuel taux de 14 % à la part de ces rentes inférieure ou égale à 10 000 euros par mois et porter de 21 % à 35 % le taux applicable au-delà de ce seuil.
Mme la présidente. L’amendement n° 892 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux quatrième, cinquième, huitième et neuvième alinéas de l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, le montant : « 24 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € ».
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le ministre, je crois que ces dispositions vont vous plaire. (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.) Elles sont en effet de nature à vous procurer beaucoup de recettes supplémentaires, si bien que vous n’aurez plus à puiser dans les ressources de l’Unédic ou de l’Agirc-Arrco.
Cet amendement a pour objet le régime de retraite supplémentaire dit « de l’article 39 », autrement dit les retraites chapeaux des patrons des grands groupes.
Nous avons longuement parlé des retraites au printemps dernier ; mais, étrangement, les retraites dorées des dirigeants du CAC 40 n’ont été que très peu évoquées.
Ces derniers mois, plusieurs grands patrons du CAC 40 ont pris leur retraite ; ou, pour être plus précis, ils ont cédé la direction opérationnelle de leur groupe tout en restant, au moins provisoirement, actionnaires principaux ou membres du conseil d’administration.
Selon le site de l’Observatoire des multinationales, ces néoretraités ont largement de quoi couler des jours paisibles.
Le dispositif des retraites chapeaux devait disparaître sous sa forme traditionnelle en 2019. Les patrons en fonction continuent toutefois d’en bénéficier.
En outre, des journalistes de L’Humanité ont passé en revue les documents d’enregistrement universel de tous les grands groupes du CAC 40 : ils ont pu constater que, derrière les mesures d’affichage, la pratique des retraites chapeaux perdurait dans les faits.
Avec l’envol des dividendes et des rémunérations, les retraites des dirigeants des très grandes entreprises continuent de planer dans la stratosphère.
M. Jean-Paul Agon, ex-PDG de L’Oréal, pourrait ainsi prétendre à une retraite chapeau de 1,6 million d’euros par an, soit quatre-vingt-huit fois la pension moyenne d’un Français ou d’une Française. M. Benoît Potier, ancien PDG d’Air Liquide, touche quant à lui plus de 1,6 million d’euros de revenus annuels ; M. Denis Duverne, qui vient de quitter la présidence du conseil d’administration d’Axa,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, chère collègue !
Mme Cathy Apourceau-Poly. … a fait valoir son droit à une retraite chapeau de 750 000 euros annuels.
Voilà, monsieur le ministre, de quoi nourrir des recettes supplémentaires !
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 801 rectifié bis est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 1202 rectifié est présenté par MM. Ouizille et Jomier, Mmes Poumirol, Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche, Chantrel et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début des cinquième et neuvième alinéas de l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, le taux : « 21 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 801 rectifié bis.
Mme Raymonde Poncet Monge. À l’heure actuelle, le taux de la contribution due par les bénéficiaires de telles rentes sur la part supérieure à 24 000 euros par mois – entre parenthèses, ce montant représente neuf fois le salaire médian et sept fois le salaire moyen dans notre pays – est de 21 %.
Monsieur le ministre, par cet amendement, nous proposons de porter ce taux à 30 %. Vous ne l’estimerez sans doute pas confiscatoire, le taux de prélèvements obligatoires s’établissant en France, selon vos propres dires, à 45 %.
Un taux de 30 % permettrait non seulement de faire enfin contribuer les plus aisés selon leurs moyens, mais aussi de rendre moins attractif le recours à ce dispositif pour les rentes très élevées.
Nous souhaitons rendre le financement de la sécurité sociale plus juste à l’heure où le Gouvernement propose, pour sa part, un PLFSS insuffisant face aux besoins qui se font jour.
Prenant au mot le Conseil d’orientation des retraites (COR), les élus du groupe écologiste avaient déjà présenté cet amendement lors de l’examen de la réforme des retraites, au printemps dernier.
Le COR – je le rappelle – soulignait que le déficit du système de retraite était principalement dû non à la dynamique des dépenses, mais à un manque de recettes. Il préconisait ainsi la recherche de nouveaux modes de financement. Mal lui en a pris : votre gouvernement a veillé, par une prompte nomination, à ce qu’une telle marque d’indépendance ne se reproduise pas.
Ces nouveaux modes de financement sont d’autant plus indispensables que le report de l’âge légal n’aura, in fine, que des effets limités sur le déficit de la branche vieillesse ; la Cour des comptes l’a souligné dans son rapport de cette année sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.
Loin de moi l’idée de vouloir provoquer un choc fiscal à Bernard Arnault… (Sourires sur les travées du groupe GEST.) Nous proposons simplement de taxer ces retraites extrêmement élevées à hauteur de 30 %. Une rente de 24 000 euros mensuels, et non annuels, passerait ainsi à 16 800 euros, ce qui n’a vraiment rien de confiscatoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour présenter l’amendement n° 1202 rectifié.
M. Alexandre Ouizille. Mes chers collègues, il s’agit tout simplement d’un amendement de décence commune – et je partage la très juste démonstration qui vient d’être faite.
En portant l’âge légal de départ à 64 ans, la récente réforme des retraites épargne, au fond, ceux qui ont commencé à travailler tard – elle ne concerne que ceux qui ont commencé à travailler jeune.
Certains, dans notre pays, touchent des pensions de retraite exceptionnellement élevées. Les montants de certaines retraites chapeaux sont assez éloquents : 1,7 million d’euros chez Danone, 3 millions d’euros chez L’Oréal ou encore 1,3 million d’euros chez Airbus. En portant de 21 % à 30 % le taux de prélèvement applicable à la tranche supérieure de ces revenus, nous souhaitons mettre un peu à contribution ceux qui perçoivent de telles rentes. Il me semble que c’est de bonne politique : il y va d’une certaine idée de la cohésion nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, je vous remercie de ces propositions. On a souvent tendance à parler des plus grosses retraites chapeaux ; c’est d’ailleurs ce que vous avez fait.
Certains montants sont sans doute indécents : je l’entends bien.
Il arrive aussi, toutefois, que le versement d’une retraite chapeau soit décidé, soit par le chef d’entreprise soit en vertu d’un accord collectif, afin de conserver dans l’entreprise certains salariés qui disposent de compétences rares et sont de facto difficiles à remplacer.
Dans ces conditions, on peut comprendre – et il apparaît tout à fait décent – qu’une retraite chapeau puisse être attribuée.
J’ajoute que, si ces retraites sont exonérées de cotisations sociales et de la contribution sociale généralisée (CSG), elles sont bel et bien soumises à contributions.
Les sommes dont il s’agit sont effectivement élevées. Je rappelle néanmoins qu’en 2012, d’après l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (Igas), 84 % des 205 000 bénéficiaires d’une retraite chapeau percevaient une rente annuelle d’un montant inférieur à 5 000 euros.
Vous ne vous étonnerez donc pas, mes chers collègues, que, comme les années précédentes, la commission ait émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, de tels dispositifs me semblent difficilement applicables.
Par une décision du 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a censuré la contribution établie à 21 % pour la part des rentes supérieure à 24 000 euros par mois. En effet, en cumulant ce prélèvement avec d’autres, notamment l’impôt sur le revenu, l’on aurait pu atteindre un taux global d’imposition de plus de 75 %.
Un tel niveau d’imposition a été jugé confiscatoire par le juge constitutionnel ; il est probable, voire quasi certain, que celui-ci apprécierait exactement de la même manière une évolution similaire de la législation. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, le mieux, pour contourner cet obstacle, serait encore d’interdire l’attribution de rentes si élevées : de tels montants sont proprement indécents.
Madame la rapporteure générale, vous avancez qu’à défaut de pouvoir leur promettre 24 000 euros de rentes mensuelles les entreprises ne pourront plus faire venir certains salariés.
C’est au nom de cette logique que l’on n’a cessé d’accroître la rémunération du capital et celle des salariés proches des dirigeants d’entreprise, au prix d’une déflation salariale qui sévit depuis vingt ou trente ans. Et ceux qu’en conséquence l’on ne parvient plus à recruter sont bien plutôt les infirmiers, les aides à domicile ou les éducateurs de jeunes enfants (EJE)…
Nous ne cessons de le répéter : il faut une politique dynamique de salaires pour restaurer les conditions minimales d’attractivité d’un certain nombre de professions. Pour votre part, vous nous dites qu’il ne faut surtout pas taxer ceux qui touchent 24 000 euros de rentes mensuelles ! Ils me semblent pourtant moins utiles que tous ceux qui nous manquent aujourd’hui à cause de la déflation salariale.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 801 rectifié bis et 1202 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 647 rectifié bis est présenté par MM. Mérillou, Bourgi, M. Weber et Tissot, Mme Conway-Mouret, M. Cozic et Mme Lubin.
L’amendement n° 802 rectifié bis est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 893 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 991 rectifié est présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.
L’amendement n° 1116 rectifié bis est présenté par M. Lurel, Mme Bélim, MM. Pla et P. Joly et Mme Monier.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de la première phrase du 2° du II de l’article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».
La parole est à M. Serge Mérillou, pour présenter l’amendement n° 647 rectifié bis.
M. Serge Mérillou. Cet amendement, que j’ai déjà présenté l’an passé, sans succès, vise à revenir sur la réduction fiscale accordée à l’attribution d’actions gratuites.
Monsieur le ministre, il s’agit ni plus ni moins que d’assurer la bonne répartition de l’effort fiscal.
Inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, cette mesure a abaissé de 30 % à 20 % le taux de la cotisation patronale applicable aux actions dont l’attribution gratuite est autorisée par une décision de l’assemblée générale de l’entreprise.
Mes chers collègues, on a ainsi infligé une perte de recettes de 120 millions d’euros par an à la sécurité sociale, uniquement pour donner des avantages fiscaux à certains, qui font déjà partie des plus aisés ! Il s’agit en effet pour l’essentiel de dirigeants et de cadres dirigeants de grands groupes, plutôt bien rémunérés…
C’est peut-être la vision que l’exécutif a de la justice fiscale ; en tout cas, ce n’est pas la nôtre.
Nous l’avons déjà rappelé maintes et maintes fois ce soir : notre système de sécurité sociale a besoin de moyens. Il ne peut pas s’offrir le luxe de se passer de la solidarité fiscale de cette catégorie de contribuables.
Il faut donc cesser d’encourager les politiques de primes ou d’actions gratuites, maniées comme autant de subterfuges pour ne pas augmenter véritablement les salaires. Ne donnons pas aux grandes entreprises les moyens de se soustraire aux cotisations sociales et, dès lors, au financement de notre système de protection sociale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 802 rectifié bis.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, l’allégement fiscal dont il est question ici a été voté et inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. J’imagine qu’à l’époque il s’agissait de résoudre un gros problème…
Le Gouvernement favorise donc la distribution d’actions gratuites et de dividendes ; il entend peut-être, l’effet volume aidant, s’y retrouver, comme l’a expliqué M. le ministre. En attendant, concrètement et objectivement, je peux vous le dire en tant qu’économiste, cette mesure a entraîné une perte de recettes de 120 millions d’euros par an pour la sécurité sociale.
D’après la direction générale du Trésor et la Fédération française des associations d’actionnaires salariés et anciens salariés, les quelques millions de salariés très privilégiés qui sont actionnaires salariés se concentrent à plus de 85 %, en France, dans certains secteurs bien définis et, au sein de ces secteurs, dans les plus grandes entreprises.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 893 rectifié.
Mme Michelle Gréaume. Défendu !
M. Laurent Burgoa. Très bien !
Mme la présidente. Les amendements nos 991 rectifié et 1116 rectifié bis ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il est défavorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 647 rectifié bis, 802 rectifié bis et 893 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 894 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l’article 10.
Après l’article 10 (suite)
M. le président. L’amendement n° 894 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 9 du chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 137-15 est supprimé ;
2° Au dernier alinéa de l’article L. 137-16, le taux : « 16 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Mes chers collègues, nous proposons de dégager de nouvelles recettes en revenant sur les exemptions de cotisations sur l’intéressement, la participation et les plans d’épargne retraite.
Notre amendement tend plus précisément à rétablir le taux de forfait social normal à 20 % pour les versements effectués sur des plans d’épargne retraite. Il vise en outre à réassujettir les entreprises de moins de 250 salariés à la contribution sociale qui est à la charge de l’employeur pour les sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation.
Les rémunérations exemptées de cotisations au titre de la participation sont estimées à 9,53 milliards d’euros, ce qui représente une perte de 930 millions d’euros de cotisations. Les rémunérations exemptées au titre de l’intéressement pèsent quant à elles 12,12 milliards d’euros, ce qui représente une perte de 1,63 milliard d’euros. Les rémunérations exemptées au titre des plans d’épargne retraite, enfin, s’élèvent à 2,71 milliards d’euros, soit 510 millions d’euros de cotisations en moins.
Ce sont donc 3 milliards d’euros de cotisations, correspondant à 24 milliards d’euros de rémunérations exemptées, qui ne sont pas compensés par l’État à la sécurité sociale pour 2024.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Contrairement à la commission, ma chère collègue, vous êtes défavorable aux plans d’épargne retraite : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. De telles dispositions iraient à l’encontre de tous les efforts déployés pour développer l’intéressement et la participation dans les entreprises et à rebours, notamment, du projet de loi relatif au partage de la valeur, lequel traduit d’ailleurs la volonté des partenaires sociaux. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 617 rectifié ter est présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet, M. Kern, Mme O. Richard, M. Cadic, Mmes Sollogoub et Vermeillet, MM. Duffourg, J.M. Arnaud, Longeot, Cigolotti et Levi, Mmes Saint-Pé et Havet et M. Bleunven.
L’amendement n° 806 rectifié bis est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 895 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 137-40 du code de la sécurité sociale, le taux : « 0,3 % » est remplacé le taux : « 0,6 % ».
La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour présenter l’amendement n° 617 rectifié ter.
Mme Nadia Sollogoub. Cet amendement de notre collègue Michel Canévet vise à porter de 0,3 % à 0,6 % le taux de la contribution due par les employeurs privés et publics et affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
On a déjà évoqué les grandes difficultés financières que connaissent les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Dans un tel contexte, notre amendement tend à proposer une solution de long terme pour le financement de ces structures. Nous insistons sur le fait que la situation financière des Ehpad privés est tout aussi dégradée que celle des Ehpad publics.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 806 rectifié bis.
Mme Raymonde Poncet Monge. Par cet amendement, nous proposons d’augmenter la contribution des employeurs au financement de l’autonomie.
On nous avait promis une ambitieuse cinquième branche et une grande loi sur la dépendance. En réalité, il n’y a pas eu de loi d’ampleur sur le grand âge : le Gouvernement a abandonné ce chantier. Il s’est contenté d’une proposition de loi « portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France », texte bien décevant et qui peine même à être discuté.
Or la branche autonomie n’est pas dotée des moyens suffisants pour faire face aux immenses défis de la prévention du risque et de l’accompagnement de la perte d’autonomie.
Le conseil de la CNSA, qui, je le rappelle, a émis un avis défavorable sur ce PLFSS, s’est étonné en particulier de « l’absence de mesures nouvelles sur le domicile ». Cette lacune a suscité « une très forte incompréhension des membres du conseil au regard de l’objectif de promotion de l’approche domiciliaire et d’aide aux aidants ».
Compte tenu du retard accumulé, l’excédent de 1,3 milliard d’euros prévu pour 2024 n’a rien de vertueux.
Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) le relève dans son dernier avis : si la trajectoire des dépenses des administrations de sécurité sociale présente une hausse moyenne de 0,8 % sur la période 2024-2027, elle « ne laisse cependant pas apparaître de surcoût progressif lié aux dépenses de dépendance, malgré la hausse des besoins liés à la perte d’autonomie découlant du vieillissement de la population ».
En conséquence, nous proposons de rehausser le taux de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) afin d’assurer un financement pérenne, et à la hauteur des besoins, de la branche autonomie.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 895 rectifié.
M. Pascal Savoldelli. Plusieurs arguments ont déjà été cités à l’appui de ces dispositions.
À l’évidence, la loi relative au grand âge n’est pas pour tout de suite. Mais, en attendant que le Gouvernement se saisisse de cette question, les besoins explosent : nous en convenons tous ici.
L’arrêté annuel relatif au prix des prestations d’hébergement pour 2023, texte que les membres de notre groupe ont pris soin de consulter, a prévu pour les établissements du secteur privé lucratif un taux d’évolution maximal de 5,14 % par rapport à l’année précédente. Monsieur le ministre, il n’y a là aucune idéologie : il s’agit d’un simple constat, nous sommes bien d’accord ? (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.) Pour ce qui est du prix des prestations des établissements habilités à l’aide sociale à l’hébergement, en revanche, ce taux d’évolution maximal a été limité à 3 %.
Selon nous, élus du groupe communiste, cet écart de 2,14 points n’est pas justifié. Aussi proposons-nous de relever la contribution des employeurs au financement de l’autonomie de 0,3 % à 0,6 % – vous voyez, madame la rapporteure générale, monsieur le ministre, que nous ne versons pas dans l’exagération – afin de financer les besoins des Ehpad, du secteur médico-social et du handicap.
Ces personnes en perte d’autonomie, parmi lesquelles on trouve une majorité de femmes, ont pour la plupart travaillé. Nous défendons non seulement leur retraite, qui n’est autre qu’un salaire différé, mais tout simplement leur dignité. Cette augmentation de la contribution des entreprises, qui reste bel et bien modérée, n’aurait que des effets positifs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, la mesure que vous défendez permettrait effectivement de dégager 2,5 milliards d’euros, qui seraient fléchés vers l’autonomie.
Nous sommes d’accord sur le constat : cette branche en a besoin.
M. Pascal Savoldelli. Ah, ça…
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cela étant – j’ai eu l’occasion de l’indiquer précédemment –, les prélèvements obligatoires s’établissent déjà à un niveau très élevé dans notre pays.
En outre, un tel prélèvement opéré sur les salaires, donc sur l’emploi, pourrait entraîner en définitive une hausse du chômage.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, en doublant le taux de cette contribution sans créer de nouvelle journée de solidarité, on ne ferait que renchérir le coût du travail, ni plus ni moins. Ces 2 milliards d’euros supplémentaires de prélèvements iraient à rebours de toute la politique que nous mettons en œuvre en faveur de l’emploi.
Je le répète, c’est par la création d’emplois que l’on garantit le financement pérenne de notre sécurité sociale.
Le Gouvernement émet donc sur ces trois amendements identiques un avis qui, quoique non idéologique, n’en demeure pas moins défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Madame la rapporteure générale, monsieur le ministre, pour un professionnel du secteur médico-social, pour un résident d’Ehpad ou pour une personne en situation de handicap, de telles réponses sont tout simplement inaudibles.
Ceux qui me connaissent vous le confirmeront : je n’ai pas le moindre penchant pour le populisme ni pour l’essentialisation du peuple. Mais nous devons nous parler franchement !
Monsieur le ministre, vous nous opposez l’argument du retour à l’emploi. Depuis le commencement de ce débat, je vous écoute avec beaucoup d’attention, et c’est normal. Vous savez quel résultat va donner votre réforme de l’assurance chômage : une bascule vers le revenu de solidarité active (RSA) et la prime d’activité qui va avoir un impact pour les collectivités publiques.
Nous ferons les comptes ensemble ! Je sais que vous avez une bonne mémoire – la mienne n’est pas mauvaise non plus (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.) – et qu’il en est de même de notre assemblée tout entière.
Nous proposons de porter le taux de la contribution des employeurs de 0,3 % à 0,6 % en faveur des Ehpad, du médico-social et du handicap : c’est tout de même raisonnable !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à cette question : pourquoi le Gouvernement a-t-il permis aux Ehpad privés à but lucratif d’augmenter leurs tarifs de plus de 5 % alors que, dans les Ehpad non lucratifs, publics ou associatifs, la hausse ne sera en moyenne que de 3 %, comme vous le savez très bien ?
Ces plus de 5 % de progression – je le précise – s’appliqueront aux contrats de séjour en cours. En effet, les Ehpad privés lucratifs sont libres de déterminer les tarifs applicables à leurs nouveaux contrats. Ils peuvent même décider, s’ils le veulent, d’une hausse de 10 % par rapport aux prix des contrats en cours… Le règlement intérieur du groupe Orpea prévoit ainsi l’indexation sur l’inflation du prix des nouveaux contrats : pour ces établissements-là, tout va bien…
Vous devrez répondre de ce différentiel !
En ce moment même, les Ehpad publics ou associatifs en difficulté sont repris massivement par le secteur privé à but lucratif.
Quelquefois, mais pas toujours, les Ehpad privés à but lucratif sont certes confrontés à la baisse de leur taux de marge. Mais, j’y insiste, vous leur octroyez une augmentation de plus de 5 % sur les contrats de séjour déjà signés, alors même qu’ils bénéficient déjà d’une liberté totale quant aux tarifs des nouveaux contrats.
Ce faisant, vous êtes en train de créer un différentiel au profit du secteur lucratif. On se demande bien ce qui peut motiver une telle politique, sinon la position idéologique qui est tout simplement celle des économistes libéraux…
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 617 rectifié ter, 806 rectifié bis et 895 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1196 rectifié, présenté par MM. Lurel, Ouizille, Montaugé et Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche et Chantrel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou et Gillé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 137-41 du code de la sécurité sociale est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Il est institué une contribution de solidarité de financement pour l’autonomie au taux de 1 % assise sur les revenus mentionnés aux articles 109 et 120 du code général des impôts.
Le produit de la contribution est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie définie à l’article L. 223-5 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, si vous me le permettez, je défendrai par la même occasion l’amendement n° 1198 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 1198 rectifié, présenté par MM. Lurel, Ouizille, Montaugé et Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche et Chantrel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou et Gillé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 14 du chapitre 7 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 137-42 ainsi rédigé :
« Art. L. 137-42. – Est instituée une contribution de solidarité des actionnaires pour l’autonomie au taux de 2 % assise sur les revenus distribués au sens de l’article 109 du code général des impôts.
« Son produit est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Bernard Jomier. Ces deux amendements similaires visent à abonder les comptes de la CNSA, le premier par une contribution sur les revenus de capitaux mobiliers, le second par un prélèvement sur les dividendes – incontestablement, les revenus du travail ne sont pas concernés.
On me répondra certainement qu’il ne faut pas procéder ainsi. Pourtant, personne ne nie l’ampleur des besoins de financement de la branche autonomie ; le rapport Libault n’a été contesté par personne.
Monsieur le ministre, en l’occurrence, il s’agit non pas de maîtriser les dépenses, mais de dégager des recettes.
Où sont-elles, ces recettes ? Où les prenez-vous ? Vous ne nous le dites pas. Il faudra 6 milliards d’euros l’année prochaine ; dans quelques années, il en faudra plutôt 9 milliards. Il y a bien un déficit de financement de la branche autonomie !
Il y a quelques années, et une nouvelle fois l’année dernière, nous avions suggéré de regarder du côté des successions. Évidemment, nous avions assorti la mesure proposée d’un abattement, comme il en existe déjà, afin de ne pas pénaliser les Français modestes ou ceux des classes moyennes. On nous a répondu que ce n’était pas possible. Le chef de l’État avait même pour projet d’alléger encore le prélèvement sur les successions : j’espère qu’il y a renoncé.
Quoi qu’il en soit, vous ne nous dites pas comment vous financez cette branche. Vous ne pouvez pas affirmer qu’il y a déjà suffisamment de prélèvements dans notre pays sans apporter de réponse aux besoins de financement de cette branche aujourd’hui en déficit !
On ne traitera pas cette question par des mesures d’économie et de maîtrise de la dépense : il ne s’agit pas de cela. Pour notre part, nous proposons des prélèvements d’une ampleur modérée sur les dividendes et sur les capitaux mobiliers. Ces dispositifs n’auront pas d’impact négatif sur l’emploi ; en revanche, ils permettront de répondre en partie – en partie seulement – aux besoins de financement de la branche autonomie.
M. le président. L’amendement n° 896 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 14 du chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 137-… ainsi rédigé :
Art. L. 137-… – Il est institué une contribution de solidarité des actionnaires pour l’autonomie au taux de 2 % assise sur les revenus distribués au sens de l’article 109 du code général des impôts.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le ministre, comme l’a dit mon collègue Pascal Savoldelli, nous aurions aimé pouvoir débattre d’un projet de loi sur le grand âge. Pendant les cinq années où j’ai siégé à la commission des affaires sociales, j’ai souvent entendu parler d’une future – et grandiose – loi Grand âge et autonomie, mais nous ne l’avons malheureusement jamais vu venir !
À défaut d’examiner une telle réforme d’ensemble, il nous faut anticiper chaque année les besoins de la branche autonomie afin que le risque de perte d’autonomie soit mieux couvert et que cette couverture dépende non pas des ressources des personnes, mais bien de leurs besoins. C’est l’inverse actuellement : compte tenu du montant des restes à charge en Ehpad, tout le monde ne peut pas vivre dignement son existence jusqu’à son terme. Pour rappel, seuls 24 % des résidents en Ehpad peuvent couvrir leurs frais de séjour avec leurs revenus, alors que ces séjours sont souvent subis par les familles comme par les résidents.
Or l’espérance de vie est stable en France et les études démographiques montrent un vieillissement progressif de la population, ce qui va inévitablement faire augmenter les besoins.
Il est donc urgent d’anticiper ce vieillissement en proposant à cet effet un modèle de financement. La volonté de réduire les dépenses et de faire des économies sur le risque dépendance est malheureusement un leurre, puisqu’il faudrait dès à présent y consacrer beaucoup plus de moyens. Il ne peut pas y avoir d’un côté des réductions d’impôt pour les plus aisés, qui iraient en Ehpad, et de l’autre une baisse de la solidarité : celle-ci doit profiter à tous.
Cet effort serait doublement utile : il permettrait aux aidants, quand il y en a, d’être moins sollicités, et aux personnes âgées dépendantes d’être mieux aidées.
Nous proposons ainsi d’instaurer une taxe de 2 % sur les dividendes afin d’abonder la branche autonomie de 2 milliards d’euros supplémentaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Madame la sénatrice, si vous voulez allouer plus de 2 milliards d’euros supplémentaires à la branche autonomie, ce qui est également notre intention, alors il faut voter le projet de loi que je défends, car il permet d’ores et déjà de lui consacrer davantage d’argent – exactement 2,6 milliards d’euros de crédits en plus.
M. Bernard Jomier, Mmes Cathy Apourceau-Poly et Céline Brulin. Ce n’est pas assez !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Ce n’est peut-être pas assez, mais c’est, selon moi, un engagement supplémentaire permettant de mieux financer la branche autonomie sans augmenter les impôts, difficulté que vous avez très justement anticipée.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Les amendements que nous proposons tendent à instaurer de nouvelles recettes pour financer la branche autonomie, car, on le sait, compte tenu du vieillissement rapide de notre population, les besoins en la matière sont extrêmement importants et leur croissance est exponentielle.
Mais, comme l’a dit mon camarade Bernard Jomier, pour le Gouvernement comme pour la majorité sénatoriale, il est tabou de parler de nouvelles recettes et il faut bien plutôt diminuer les dépenses de la sécurité sociale !
Mais où réalisera-t-on cette diminution des dépenses ? À l’hôpital ? Mais il est déjà dans une situation catastrophique, au bord du gouffre, selon toutes les fédérations de soignants hospitaliers ! Va-t-on diminuer les dépenses de soins de ville ? Quid alors du problème des déserts médicaux et des difficultés qu’ont les patients, y compris ceux qui sont atteints d’une affection de longue durée (ALD), à trouver un médecin traitant ? On ne saurait non plus diminuer les dépenses de la branche autonomie : ce n’est pas possible, on le sait ! Le mouvement démographique étant ce qu’il est, les besoins seront de 6 milliards d’euros en 2024, de 9 milliards d’euros dès l’année suivante.
Il faut vraiment briser ce tabou et renouer avec la volonté de trouver des recettes supplémentaires ! Vous nous demandez de ne voir dans vos choix aucune idéologie, mais ils portent bel et bien la marque d’une volonté politique affirmée. Vous allez d’ailleurs jusqu’à prévoir, pour l’année 2024, un budget en déficit de 11 milliards d’euros, déficit confirmé dans la trajectoire financière prévue jusqu’en 2027, alors que, pour la première fois, les dépenses de soins diminuent.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Une fois de plus, monsieur le ministre, les moyens mobilisés sont insuffisants. Nous proposons, par ces amendements, des recettes nouvelles, mais, une fois de plus, vous les rejetez, en nous opposant que des moyens supplémentaires sont déjà prévus dans ce PLFSS. Mais ils sont très nettement insuffisants, et vous le savez, monsieur le ministre !
Vous prétendez dédier ce PLFSS, comme les précédents, à la branche autonomie. Pourtant, même en additionnant les mesures que le Gouvernement égrène année après année, le compte n’y est pas ! Le rapport Libault a été évoqué ; il y est précisé que 9 milliards d’euros seraient nécessaires chaque année pour prendre en charge l’ensemble des enjeux liés à la perte d’autonomie de nos aînés.
Comme l’a rappelé ma collègue, nous attendons toujours la grande loi sur l’autonomie que M. Macron avait annoncée au cours de son premier mandat. Le Président de la République se montre désormais très discret à ce sujet et ne soutient qu’une modeste proposition de loi…
La création de la cinquième branche, en 2020, devait s’assortir de financements spécifiques – c’est en tout cas ce que l’on nous avait dit à l’époque –, mais, au bout du compte, rien ne se précise : il n’est rien proposé que de très insuffisant pour répondre à ce véritable – j’y insiste, il faut bien en avoir conscience – enjeu de société. C’est un véritable plan Marshall qui devrait être mis en œuvre pour relever un tel défi, auquel nous sommes d’ores et déjà confrontés.
M. le président. L’amendement n° 724 rectifié bis, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :
Section …
Contribution exceptionnelle sur les dividendes
Art. L. 137-…. – Il est créé une cotisation exceptionnelle sur les dividendes tels que définis aux articles L. 232-10 à L. 232-20 du code de commerce.
Son taux est fixé à 10 %. Elle est assise sur l’ensemble des bénéfices réalisés par les entreprises mentionnées au premier alinéa, réalisés en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.
La contribution exceptionnelle sur les dividendes est affectée sans rang de priorité aux branches mentionnées à l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. « 2023, année de dividendes records pour les multinationales françaises » : voilà le genre de titres que l’on peut trouver de façon récurrente, depuis quelques années, dans la presse de notre pays, au point que ce sujet est devenu un véritable marronnier. Ce sont 80 milliards d’euros qui ont été déversés sur les actionnaires du CAC 40 en 2022, par exemple.
La France a représenté près de 30 % des dividendes versés en Europe en 2023. La tendance à la hausse, qui est générale, a été plus marquée encore dans notre pays : le montant des dividendes distribués y a augmenté de 13,3 %, plaçant la France devant d’autres grandes économies comme l’Allemagne ou l’Italie. Ce n’est toutefois pas forcément une bonne nouvelle pour les Françaises et les Français : les profits, en effet, ne « ruissellent » pas, le Gouvernement se refusant à augmenter la taxation des ultrariches.
Nous n’entendons jamais parler de hausses des salaires records pour nos soignantes et nos soignants, qui tiennent à bout de bras notre système de santé, ni d’un investissement massif pour notre hôpital public, qui est laissé en totale déshérence.
Des entreprises de l’agroalimentaire, des transports ou encore de la finance ont par ailleurs engrangé des rentes exceptionnelles grâce à la crise, ce qui a contribué à l’augmentation du coût de la vie. Qu’est-ce qui justifie de ne pas les mettre à contribution ?
C’est la fin de l’abondance pour les Français, mais la corne d’abondance pour les actionnaires !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 724 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 803 rectifié bis, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :
Section 1…
Soutien à l’autonomie
Art. L. 137-…. – Il est créé une contribution autonomie dénommée contribution sur les successions.
Son taux est fixé, dès le premier euro, à 1 % sur l’actif net taxable. Les modalités de recouvrement sont réalisées dans les conditions déterminées par l’article 750 ter du code général des impôts.
La contribution sur les successions est affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie mentionnée à l’article L. 223-5 du présent code.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Actuellement, les rendements de la taxation sur les successions sont très faibles, car seule une petite minorité d’entre elles donne lieu à prélèvement : sur les 280 milliards d’euros qui constituent l’assiette de la fiscalité sur les transmissions, seuls 55 milliards d’euros sont effectivement taxables. Le produit de la taxe est donc très faible comparé à l’assiette globale, ce qui permet à certains d’en défendre la suppression pure et simple.
Or l’idée d’une taxation des successions n’est pas nouvelle. Le Conseil d’analyse économique (CAE), dans une note parue en 2021, proposait déjà une réforme en profondeur de la taxation de l’héritage dont la mise en œuvre permettrait de « réduire les droits de succession pour 99 % de la population tout en apportant un surplus de recettes fiscales substantiel ».
Les auteurs de cette note y soulignaient que la part de la fortune héritée dans le patrimoine total représente désormais 60 %, contre 35 % au début des années 1970. Ainsi concluaient-ils : « Ce retour de l’héritage, extrêmement concentré, nourrit une dynamique de renforcement des inégalités patrimoniales fondées sur la naissance et dont l’ampleur est beaucoup plus élevée que les inégalités observées pour les revenus du travail. »
Ce dernier aspect a également été souligné par l’OCDE, qui indique, dans un rapport de 2021 sur l’impôt sur les successions, que les impôts sur les successions et les donations pourraient jouer un rôle important pour réduire les inégalités et améliorer les finances publiques.
Dans le même sens, M. Laurent Vachey, dans son rapport remis en 2020, qui a déjà été cité, avait préconisé la mise en place d’un prélèvement obligatoire sur les successions au taux de 1 %, pour un rendement de 500 millions d’euros en 2020, en direction de la branche autonomie. Outre qu’elle constituerait une mesure de justice intergénérationnelle importante permettant de satisfaire l’objectif d’une redistribution – minimale – du patrimoine, une telle disposition pourrait financer en partie les besoins liés à la perte d’autonomie.
Le présent amendement, qui reprend les recommandations du rapport Vachey, tend à créer une « contribution autonomie » sur les successions au taux de 1 %.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 803 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 526 rectifié n’est pas soutenu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 725 rectifié bis est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 897 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre 7 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :
Section …
Contribution sociale exceptionnelle des sociétés réalisant des superprofits
Art. L. 137-42. – I. – A. – Il est institué une contribution sociale exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés au sens de l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 000 euros.
B. – La contribution est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.
C. – La contribution est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :
1° 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
2° 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
3° 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.
II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution est due par la société mère. Cette contribution est assise sur le résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution.
D. – Sont exonérées de la contribution prévue au présent I, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d’opérations de cession ou d’acquisition d’actifs, pour la fraction du résultat imposable de l’exercice concerné.
E. – La contribution additionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt. La contribution additionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2025. Elles s’appliquent également à l’exercice fiscal de l’année de son entrée en vigueur.
III. – Les produits de la contribution sociale exceptionnelle créée par le présent article sont affectés sans rang de priorité aux branches mentionnées à l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 725 rectifié bis.
Mme Anne Souyris. Les entreprises françaises du CAC 40 ont dégagé en 2022 plus de 142 milliards d’euros de bénéfices, grâce aux résultats records enregistrés par les secteurs du luxe et de l’énergie, lesquels ont bénéficié de l’inflation et de la crise énergétique. Par exemple, TotalEnergies a annoncé un bénéfice opérationnel de 36 milliards d’euros en 2022, en hausse de 90 % sur un an, à la faveur de la guerre en Ukraine.
L’industrie agroalimentaire, quant à elle, profite de l’inflation pour augmenter les prix et engranger des superprofits. Entre la fin de l’année 2021 et le début de l’année 2023, le taux de marge des industries agroalimentaires est passé de 28 % à 48 %. Dans le même temps, une personne sur trois a du mal en France à se payer trois repas par jour !
Les chiffres relatifs aux superprofits réalisés en 2023 risquent également d’être vertigineux, au moment même où les Françaises et les Français se serrent la ceinture et essaient d’atteindre la fin du mois tout en s’évertuant à remplir leur frigo. Les grosses entreprises gagnent de plus en plus d’argent, mais le Gouvernement, lui, souhaite réduire les dépenses sociales.
En proposant d’instaurer une taxe qui générerait environ 10 milliards d’euros de recettes, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande au Gouvernement de rétablir un peu de justice et d’investir réellement pour la santé de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
Il faut augmenter les salaires dans les secteurs sanitaire, médico-social et social, accroître les capacités d’accueil pour les personnes en situation de handicap, ouvrir des places en crèche et engager un vaste plan de recrutement et d’attractivité des métiers du « prendre soin », qui sont excessivement dévalorisés.
Il est temps de changer de paradigme. Il faut sortir de la logique de l’enveloppe budgétaire fermée pour passer à une logique d’investissements pluriannuels ; il faut également en finir avec le cloisonnement des politiques de santé, de solidarité et de transition écologique.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 897 rectifié.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise, comme le précédent, à créer une taxe exceptionnelle – j’y insiste, monsieur le ministre ! – sur les superprofits des grandes entreprises, celles qui font plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Il me semble que de telles entreprises peuvent parfaitement souffrir une légère augmentation de leur taux d’imposition, d’autant que les 10 milliards d’euros supplémentaires ainsi prélevés seraient fléchés vers le financement des besoins de notre système de protection sociale.
Vous vous félicitez d’octroyer 2,6 milliards d’euros supplémentaires à la branche autonomie dans le PLFSS pour 2024. Mais, depuis tout à l’heure, nous n’avons cessé de donner l’alerte, sur la situation des Ehpad par exemple : leur déficit ne peut évidemment plus être qualifié de problème de gestion, tant il est structurel et concerne la majorité des établissements ! Il va falloir aussi créer un choc d’attractivité, on le sait tous, pour un certain nombre de métiers qui sont actuellement mal payés, alors qu’ils demandent beaucoup d’investissement humain de la part de ceux qui les exercent. On sait encore que notre pays va devoir faire face à une évolution démographique qui promet d’être un choc redoutable.
Dans ce contexte, refuser d’examiner sérieusement des possibilités de financement qui vont au-delà de ce que vous proposez nous semble très dangereux pour l’avenir.
Je ne reviens pas sur le reste à charge que les Ehpad peuvent continuer à demander aux familles, sinon pour dire qu’il pèse très lourd dans la période d’inflation que nous vivons.
Nous ne comprenons pas que vous ne daigniez même pas débattre des possibles ressources nouvelles que nous proposons !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J’ai bien compris votre raisonnement, mes chers collègues : la taxation des superprofits pourrait combler les manques que nous observons dans le financement de la branche autonomie. Du reste, je fais le même constat que vous quant à la situation des Ehpad.
Que faire, cela dit, lorsqu’il n’y a pas de superprofits ? (Murmures sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mmes Céline Brulin et Émilienne Poumirol. Il y en a !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le jour où les entreprises seront en difficulté, chaque Français devra-t-il les aider ? (Protestations sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mme Céline Brulin. C’est une taxe… exceptionnelle !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J’inverse la question ! (Exclamations sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
Peut-être certaines entreprises font-elles des superprofits ; mais, si l’on ne leur permet pas de faire des bénéfices, n’auront-elles pas envie de s’installer à l’étranger ?
M. Christian Redon-Sarrazy. Mais bien sûr…
M. Thomas Dossus. Ça n’a rien à voir !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il y a là une autre difficulté, et il faut poser la question. Je me la pose, tout comme vous, mais j’ai des doutes, car il est intéressant pour la France, et pour sa compétitivité, que les bénéfices de nos entreprises s’établissent à un haut niveau : cela leur permet d’investir, de mettre en place des dispositifs d’intéressement pour leurs salariés, de s’inscrire de façon durable dans une démarche relevant de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) en faveur de l’environnement et de la qualité de travail. (M. Thomas Dossus s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous avons créé une taxation sur les profits exceptionnels des énergéticiens : il s’agit de la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité, qui aura rapporté, en 2023, 3 milliards d’euros. (M. Christian Redon-Sarrazy proteste.) Nous vous proposerons de prolonger ce dispositif en 2024.
Par ailleurs, nous souhaitons instaurer un taux d’imposition minimum sur les sociétés en sorte de garantir qu’aucune grande entreprise n’échappe à l’impôt (Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) ; nous aurons l’occasion d’en débattre au cours de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. (M. Christian Redon-Sarrazy ironise.)
Je rebondis sur l’argument développé par Mme la rapporteure générale. Comme nous, mesdames les sénatrices, vous êtes attachées à un financement pérenne de la sécurité sociale. Ne faites donc pas dépendre le financement de la sécurité sociale de profits exceptionnels, sans quoi vous vous retrouverez dans la situation paradoxale consistant à attendre des entreprises qu’elles réalisent de façon permanente des profits exceptionnels afin de garantir le financement de la branche autonomie ! (Émilienne Poumirol s’exclame.) Voilà qui serait paradoxal, vous pouvez le reconnaître !
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Ce qui me pose problème, monsieur le ministre, c’est votre démarche intellectuelle.
Certes, on peut débattre des diverses manières par lesquelles on entend financer les besoins qui sont devant nous en matière de prise en charge du grand âge et de vieillissement de la population : il est plutôt sain qu’à ce sujet plusieurs options différentes se confrontent.
Oui, ce débat est sain : il intéresse nos concitoyens qui veulent savoir comment financer ces besoins de manière pérenne.
Cela étant dit, j’évoquais un problème de démarche intellectuelle : nous vous proposons une taxe exceptionnelle sur des profits qui, en tant que superprofits, ont eux-mêmes été réalisés – peut-être – de manière exceptionnelle.
Mme Céline Brulin. Comment peut-on laisser nos Ehpad dans la situation qui est la leur, qui a déjà fait aujourd’hui l’objet d’amples développements, tout en acceptant de ne pas taxer des entreprises comme CMA CGM – pour ce qui est des énergéticiens, j’en conviens, quelques petits efforts leur ont été demandés ?
À supposer qu’une disposition comme celle que nous proposons soit prise, croyez-vous vraiment que CMA CGM va délocaliser son activité ?
Mme Sophie Primas. Non, mais elle achètera des bateaux plus polluants !
Mme Céline Brulin. Elle le fait déjà !
Ne pensez-vous pas au contraire que les nécessités d’engager une politique du grand âge et de répondre à une situation elle-même exceptionnelle – sans faire la longue liste des problèmes actuels, tous les voyants sont au rouge : les hôpitaux et les Ehpad sont en déficit et les Français n’ont plus de médecins ! – justifient des mesures exceptionnelles ?
Vous nous rétorquez qu’une telle mesure ne permettra pas de financer la branche de manière pérenne et qu’il faut envisager d’autres solutions plus durables ; qu’à cela ne tienne, nous ne demandons ni ne proposons autre chose !
Les Français ne peuvent plus supporter que tant de richesses soient amassées d’un côté alors que, de l’autre, on leur demande des efforts à recommencer inlassablement sans que jamais soit en vue le bout du tunnel. C’est du reste ce que nous ont dit un certain nombre d’acteurs de la protection sociale lorsqu’ils ont été auditionnés : « nous ne voyons même pas le début du bout du tunnel ! »
Des mesures exceptionnelles sont à prendre ; c’est en tout cas ce que nous proposons.
M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, pour explication de vote.
M. Serge Mérillou. J’écoute avec beaucoup d’attention notre débat de ce soir. Je ne sais si nos concitoyens nous reprocheront un jour d’avoir donné un petit coup de pouce au financement de la branche autonomie grâce à une légère augmentation de la fiscalité des entreprises qui sont les plus performantes sur le plan des résultats financiers.
Ce que je sais, en revanche, c’est qu’un jour nos concitoyens nous reprocheront l’état dans lequel nous aurons laissé le service de santé dans son ensemble : hôpitaux, médecins de ville, médecins de campagne, Ehpad.
Comme beaucoup d’entre nous, mes chers collègues, je suis membre du conseil d’administration d’Ehpad publics ; pour visiter régulièrement ces établissements, je ne puis que constater la dégradation catastrophique du service qui y est apporté, malgré les efforts consentis par le personnel. C’est à se demander dans quel pays et dans quel siècle nous vivons pour accepter une telle dégradation du sort que l’on réserve aux personnes les plus âgées, les plus dépendantes et les moins favorisées !
Continuez ainsi à repousser toutes nos propositions, à rejeter tous nos amendements ! Nous vous proposons seulement de mieux répartir l’effort : vous dites non à tout. Un jour viendra où nous serons tous comptables du système que nous léguons et de la façon dont sont traitées dans notre société les personnes les plus âgées et les personnes dépendantes.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Il faut bien reconnaître que la cause que mes collègues défendent est tout à fait louable : la situation qu’ils décrivent, c’est la réalité !
Le plan Grand âge, monsieur le ministre, nous l’attendons depuis des années ; mais sa présentation est différée d’année en année.
Ce n’est pas en augmentant les impôts, à droite, à gauche, que l’on réglera le problème, j’en conviens. Au contraire, les entreprises doivent être compétitives à l’échelle européenne. Il faut bien comprendre néanmoins, monsieur le ministre, que les besoins de financement augmentent beaucoup dans le domaine de la prise en charge de la dépendance ; vos services doivent être à l’écoute sur ce sujet.
Il faut absolument que les crédits annoncés par le Président de la République, correspondant à la création de 50 000 emplois au total dans les Ehpad et les services de maintien à domicile, soient déployés avant la fin du quinquennat. Les professionnels du secteur attendent ces crédits, vous le savez ! Ils font des efforts extraordinaires pour être en mesure de prendre en charge la dépendance, qui augmente. Certains GIR (groupes iso-ressources) moyens pondérés (GMP) dépassent 750 points !
Monsieur le ministre, si vous souhaitez aller dans ce sens, la sécurité sociale et la branche autonomie doivent impérativement être mieux financées.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre, à mon tour de vous alerter ! Je l’ai dit plus tôt, il faut un véritable plan Marshall pour répondre aux besoins d’une population vieillissante.
Mes chers collègues, je souhaite à chacune et à chacun d’entre nous d’être un jour vieille ou vieux ; s’il faut encore un argument à l’appui de ces amendements, pensons tout simplement et égoïstement que nous pourrions nous aussi avoir besoin, dans quelques années, d’un tel accompagnement. Je le répète, il faut un plan Marshall !
L’objet de ces amendements est précisément d’engager une telle démarche en demandant aux entreprises qui ont fait des profits exceptionnels de s’acquitter d’une taxe exceptionnelle.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué qu’en 2022 et en 2023 des efforts spécifiques avaient été demandés à certaines entreprises ; reste qu’au regard d’autres pays, européens ou situés de l’autre côté de l’océan Atlantique, nous avons été bien frileux en matière de taxation ; du reste, les débats ont été tendus quand nous réclamions une taxe sur les superprofits.
C’est un véritable appel à la solidarité nationale que nous devons formuler aujourd’hui ; tel est d’ailleurs le sens de ces amendements.
Une telle taxe est nécessaire pour prendre en charge les personnes vieillissantes dépendantes, dont le nombre devrait doubler d’ici à 2050 – c’est demain… Pour être tout à fait précise, je vous livre quelques chiffres, mes chers collègues : en 2020, 13,5 millions de Français, soit 20 % de la population, avaient 65 ans ou plus ; ils seront 16,4 millions, soit 23,4 % de la population, en 2030 ; entre 2020 et 2030, le nombre de personnes âgées de 75 à 84 ans passera de 4 millions à 6 millions.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Corinne Féret. Je me permets d’insister de nouveau sur l’intérêt de ces amendements en espérant, mes chers collègues, que ces chiffres suscitent quelque écho dans vos réflexions.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’aimerais un peu moins d’hypocrisie. Vous dites que cela ne sert à rien de taxer les superprofits, car, s’agissant d’une recette qui par définition n’est pas récurrente, on ne saurait de cette manière financer, demain, les besoins de la branche.
Mais je rappelle que, lors de la crise de la covid-19, situation exceptionnelle s’il en est, alors que nous vous proposions de taxer les superprofits à titre exceptionnel, vous n’avez pas non plus voulu le faire !
Nous cherchions à éviter ce qui s’est passé en définitive : vous avez transféré à la Cades la dette covid. Las ! celle-ci pèse désormais sur le budget de la sécurité sociale et de chacune de ses branches, et ce de façon récurrente, pour de nombreuses années !
Un an durant, Bruno Le Maire, ministre de l’économie, a prétendu, lorsque nous l’interpellions, qu’il ne savait pas ce qu’était un superprofit ; il a mis un an à trouver ! Avec de tels économistes, la France est bien gouvernée… Et le Gouvernement a fini par mettre en place une taxe sur les superprofits des énergéticiens.
Une telle démarche est très hypocrite. Ce que vous n’avez pas fait hier, de façon exceptionnelle, sur des superprofits qui, peut-être, étaient exceptionnels, quoiqu’ils aient une certaine tendance à se renouveler, pèse aujourd’hui et pour des années sur le budget de la sécurité sociale. Accédez donc à notre demande, même avec retard, en sorte d’alléger le poids de la dette !
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.
M. Christian Redon-Sarrazy. Je souhaite revenir sur l’argument avancé par Mme la rapporteure générale et par M. le ministre quant au financement de dépenses récurrentes par des ressources, les superprofits, qui, pour être exceptionnelles, se renouvellent tout de même assez régulièrement…
Je connais nombre de directeurs ou de présidents de conseil d’administration d’Ehpad. Mettons, monsieur le ministre, que vous leur annonciez la création d’une dotation spéciale destinée à financer l’isolation des bâtiments : il ne s’agirait pas d’une dépense récurrente – il suffirait de le faire une fois. Or une telle dotation leur permettrait, à terme, d’économiser sensiblement sur leurs factures d’énergie. Ils accepteraient tout à fait que l’on finance une telle mesure en soumettant des profits exceptionnels – supposons qu’ils le soient – à une contribution exceptionnelle.
Nous aurons ainsi financé l’isolation thermique des bâtiments, voire, en effet, contribué au désendettement, ce qui, compte tenu de l’augmentation des taux d’intérêt, sera toujours ça de pris. De multiples solutions existent donc pour utiliser à bon escient cette contribution exceptionnelle sans perturber le fonctionnement des établissements.
Ayant moi-même, à l’instar de nombre d’entre vous, géré des collectivités et des établissements, je sais bien que l’on ne finance pas du point d’indice avec des contributions exceptionnelles ; les salaires sont des dépenses récurrentes.
En revanche, on peut identifier beaucoup d’investissements qui, financés une bonne fois pour toutes, se révéleront des choix pertinents et amélioreront significativement les comptes de fonctionnement des établissements dans les années qui suivront. (Mme Émilienne Poumirol et M. Michaël Weber applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Je dis simplement à Mme Poncet Monge que ne pas partager son avis ne fait pas nécessairement de nous des hypocrites !
M. Thomas Dossus. Ce propos était destiné à M. le ministre !
M. Olivier Henno. Les Ehpad et les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) subissent bien sûr des difficultés financières considérables qui les mettent sous pression. Souvenons-nous : la branche autonomie a été créée un soir de débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale ; après avoir hésité nous avions décidé, avec Alain Milon, de faire contre mauvaise fortune bon cœur. (Mme Céline Brulin s’exclame.)
Aujourd’hui, il est clair qu’il faut honorer le rendez-vous du financement comme de la gouvernance de cette branche. La CNSA est-elle toujours, par exemple, l’outil le plus adapté à cette gouvernance ? Il faut lancer ce chantier.
Sur le plan fiscal, je soutiens qu’il faut à la fois de la stabilité et de la visibilité, même pour les grandes entreprises. Je ne suis pas du tout opposé à l’idée d’une contribution exceptionnelle, mais seulement s’il s’agit de financer des dépenses exceptionnelles. On ne saurait utiliser un tel instrument pour abonder un budget durable tel que celui de l’autonomie. Cela n’aurait pas de sens et nous conduirait très vite à rechercher d’autres modes de financement.
Il est donc impératif d’engager un débat sur la branche autonomie : il lui faut une gouvernance ainsi qu’un financement durable. Cela dit, par pitié, n’en décidons pas par simple amendement : ne procédons pas comme nous l’avons fait pour la création de la branche elle-même ! La financer par une contribution exceptionnelle appliquée à des profits exceptionnels n’aurait pas de sens et ne servirait pas la cause que nous défendons.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.
M. Pierre Jean Rochette. La cause est noble et les arguments pour la défendre sont louables.
Cependant, je ne crois pas que nous puissions régler les problèmes des établissements de santé et médico-sociaux en nous contentant d’instaurer des taxes.
Les propos de notre collègue Raymonde Poncet Monge ne sont pas tout à fait justes : nous avons tiré des enseignements de la crise du covid-19 – la prime Ségur est née de cette crise. Elle a tout de même représenté une augmentation du salaire mensuel brut de 220 euros pour les aides-soignants, ce qui n’est pas négligeable.
Je maintiens que nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes de notre système de santé, et plus particulièrement ceux des établissements médico-sociaux, puisqu’il s’agit du sujet qui en cet instant nous occupe, par la création de nouvelles taxes, encore moins en ciblant les entreprises. Pour le coup, celle qui a été évoquée, CMA CGM, est totalement délocalisable : elle serait capable de mettre les voiles sans attendre…
Nous sommes tous pleins de bonnes intentions, mais il nous arrive de voter des mesures qui ont un impact sur le quotidien de nos soignants. À cet égard, je nous invite à nous pencher sur le sujet du poids des normes et du travail administratif que nous leur imposons.
L’attractivité d’un métier ne se résume pas au salaire. On le voit bien, d’ailleurs : en dépit de l’effort important que représente la prime Ségur, l’attractivité n’est toujours pas revenue dans ces métiers-là. Les soignants, médecins, aides-soignants, infirmiers, en ont marre de passer du temps à faire de la paperasse administrative.
Sans du tout critiquer les prises de parole précédentes, je considère que nous devrions réexaminer notre modèle : nous ne pourrons nous contenter, pour traiter ce sujet précis, d’instaurer de nouvelles taxes et prélèvements. (Mmes Françoise Gatel, Jocelyne Guidez et Nadia Sollogoub applaudissent.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 725 rectifié bis et 897 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 551 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 726 rectifié bis, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre 7 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complété par une section 15 ainsi rédigée :
« Section …
« Contribution sociale exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières
« Art. L. 137-…. – I. – A – Il est institué une contribution additionnelle sur les bénéfices générés par les activités domestiques d’exploration et d’exploitation de gisements d’hydrocarbures et de raffinage des sociétés productrices de pétrole redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 000 euros.
« 2° La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.
« 3° La contribution additionnelle est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution additionnelle est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :
« a) 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« b) 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« c) 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.
« II. – 1° Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la contribution additionnelle est due par la société mère. Elle est assise sur le résultat d’ensemble et la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminés avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
« 2° Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis dudit code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
« 3° Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution additionnelle.
« 4° Sont exonérées de la contribution prévue au présent I, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d’opérations de cession ou d’acquisition d’actifs, pour la fraction du résultat imposable de l’exercice concerné.
« 5° La contribution additionnelle est reversée sans rang de priorité aux branches mentionnées à l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2025.
III. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation provisoire de l’application du I du présent article avant le 31 décembre 2024 et un rapport d’évaluation définitif au plus tard le 31 juillet 2026.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. TotalEnergies a dévoilé en début d’année ses bénéfices nets pour l’année 2022 : ils atteignent le chiffre record, dans l’histoire de l’entreprise, de 19 milliards d’euros. Le groupe pétrolier engrange ainsi pour la deuxième année consécutive des bénéfices colossaux. Après avoir réalisé 14,2 milliards d’euros de profits en 2021, soit 40 % de plus qu’en 2019, une nouvelle augmentation s’annonce, d’environ 30 %.
Ces bénéfices plus que confortables sont uniquement dus à la hausse du cours du pétrole et du gaz et aux effets inflationnistes de la guerre en Ukraine. Les superprofits des grands groupes pétroliers comme TotalEnergies proviennent donc directement du porte-monnaie des Françaises et des Français, alors que le prix à la pompe n’a cessé de grimper depuis des mois : une nouvelle fois – nous nous répétons –, ce sont eux qui paient la note.
Il faut de surcroît comptabiliser, pour compléter le tableau, la hausse des prix de l’alimentation, d’une part, ainsi que, d’autre part, la fin du bouclier tarifaire et l’augmentation afférente des factures d’électricité. Nos concitoyens souffrent ; les grandes entreprises savourent. Souvenons-nous : Emmanuel Macron taxait ces dernières, lors du G7, de « profiteurs de guerre ».
Le signal d’alarme a été tiré depuis longtemps sur l’indécence de ces bénéfices, le Gouvernement lui-même le reconnaît.
Ces superprofits sont surtout l’illustration d’un système destructeur à long terme : détruire la planète et la rendre inhabitable rapporte beaucoup et cette rentabilité à court terme ne pousse pas les entreprises à envisager un véritable virage en faveur des énergies renouvelables.
Ces bénéfices extraordinaires n’ont pas servi à accroître massivement les investissements en ce domaine ; pis encore, les entreprises pétrolières sont responsables des projets d’extraction de combustibles fossiles les plus destructeurs de la planète, en activité ou en construction : il s’agit de véritables bombes climatiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 726 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 804 rectifié bis, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre 7 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :
« Section 15
« Contribution sociale exceptionnelle sur les bénéfices des distributeurs de produits de grande consommation
« Art. L. 137-…. – I. – A – Il est institué une contribution additionnelle sur les bénéfices générés par les activités des distributeurs de produits de grande consommation redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 000 euros.
« 2° La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.
« 3° La contribution additionnelle est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution additionnelle est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :
« a) 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« b) 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« c) 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.
« II. – 1° Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la contribution additionnelle est due par la société mère. Elle est assise sur le résultat d’ensemble et la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminés avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
« 2° Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
« 3° Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution additionnelle.
« 4° Sont exonérées de la contribution prévue au présent I, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d’opérations de cession ou d’acquisition d’actifs, pour la fraction du résultat imposable de l’exercice concerné.
« 5° La contribution additionnelle est reversée sans rang de priorité aux branches mentionnées à l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale. »
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2025.
III. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation provisoire de l’application du I du présent article avant le 31 décembre 2024 et un rapport d’évaluation définitif au plus tard le 31 juillet 2026.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Depuis deux ans, l’inflation est alimentée par une boucle prix-profits.
Les économistes libéraux – qui ne sont certes pas des idéologues !… – nous ont parlé pendant vingt ans de la boucle prix-salaires, mais nous les entendons moins évoquer un autre phénomène, qui est pourtant tout aussi bien documenté : la boucle prix-profits, qui dope les taux de marge des entreprises de certains secteurs, notamment l’agroalimentaire.
L’existence d’une telle boucle a été démontrée par le Fonds monétaire international (FMI), qui est loin d’être la plus gauchiste des institutions : il a conclu que l’inflation était due à 45 % à l’augmentation des profits.
Une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) indique, dans le même sens, que les cinq secteurs les moins concurrentiels répercutent plus de 100 % du choc énergétique dans leurs prix de vente. En d’autres termes, ils augmentent plus leur prix que ne le justifierait l’augmentation réelle de leurs coûts de production. C’est cela, la boucle prix-profits.
L’étude pointe en particulier l’industrie agroalimentaire, dont le taux de répercussion atteint 110 % et dont le taux de marge est en conséquence passé de 28 % à 48 %, un record historique !
Cette boucle prix-profits dans le secteur agroalimentaire a des conséquences très concrètes sur les personnes les plus précaires : la vente de certains produits donne lieu à des marges qui vont de 30 % à 60 % !
Face à l’inflation, le Gouvernement promeut des dispositifs de partage de la valeur. Or le véritable partage de la valeur, c’est le salaire – nous vous le rappellerons bientôt, monsieur le ministre. Il convient donc d’augmenter les salaires.
Des mesures de justice et de redistribution s’imposent également, comme la taxation des marges indues, car il est inconcevable de laisser la boucle prix-profits s’emballer, alors même que nous avons à discuter d’un PLFSS dont les montants sont toujours très en dessous des besoins.
En conséquence, cet amendement tend à créer une contribution sur les bénéfices des distributeurs, afin de financer la protection sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 804 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 723 rectifié bis, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Contribution de solidarité sur la fortune
« Art. L. 137-…. – I. – Il est institué une contribution de solidarité sur la fortune au taux de 2 % lorsque la valeur des biens des personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France ou hors de France, est supérieure à 1 000 000 000 €.
« II. – Le produit de cette contribution additionnelle est affecté sans rang de priorité aux branches mentionnées à l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. « Taxez les ultrariches et faites-le maintenant. C’est de l’économie simple et de bon sens. C’est un investissement dans notre bien commun et un avenir meilleur […]. »
Ces mots, qui pourraient être les miens, sont ceux de plus de deux cents millionnaires qui demandent à être plus fortement taxés.
Mme Sophie Primas. Ils n’ont qu’à donner leur argent !
Mme Anne Souyris. En France, d’après Oxfam, la fortune des milliardaires a augmenté depuis 2020 de plus de 200 milliards d’euros, soit une hausse de 58 %. Selon Forbes, en dix ans, leur nombre a été multiplié par trois et leur fortune a été multipliée par quatre.
Cet amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vise à créer une contribution de solidarité sur la fortune des milliardaires français.
En effet, le dernier rapport d’Oxfam indique que 2 % seulement de ladite fortune suffiraient à financer le déficit attendu des retraites et ainsi à couvrir presque entièrement le déficit annuel de 12 milliards d’euros attendu en 2027 selon le Conseil d’orientation des retraites.
Reculer l’âge légal de départ à la retraite et augmenter la durée de cotisation était un choix politique ; de nombreuses autres possibilités de financement ne reposant pas sur les plus précaires existaient, mais elles ont été balayées d’un revers de main, comme toutes les autres taxes sur les superprofits.
En revanche, la réforme des retraites a été votée, contre la majorité des Françaises et des Français, qui la rejetaient fortement : les véritables idéologues ne se trouvent pas de notre côté de l’hémicycle !
Pour le Président de la République et pour le Gouvernement, ne pas toucher à l’imposition des plus riches est devenu un principe quasi sacré et néanmoins insensé ; nous le constatons encore ce soir.
Les taxes et les impôts ne doivent pas être un tabou : il s’agit d’un outil dont le Gouvernement n’a aucune raison de se priver, sinon par idéologie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 723 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 898 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre II du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 5° du I de l’article L. 213-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le recouvrement de la contribution mentionnée à l’article L. 245-13 du présent code ; »
2° La section 4 du chapitre 5 du titre IV du livre II est ainsi rétablie :
« Section 4
« Contribution des revenus financiers des sociétés financières et non financières
« Art. L. 245-13. – I. – Les revenus financiers des prestataires de service mentionnés au livre V du code monétaire et financier entendus comme la somme des dividendes bruts et des intérêts nets reçus sont assujettis à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation salariale et patronale d’assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l’article L. 241-3 du présent code.
« Les revenus financiers des sociétés tenues à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés en application de l’article L. 123-1 du code de commerce, à l’exclusion des prestataires mentionnés au premier alinéa du présent article, entendus comme la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus sont assujettis à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation salariale et patronale d’assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l’article L. 241-3 du présent code.
« Les contributions prévues au présent article ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d’assurance vieillesse.
« II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital de France Stratégie vient de publier son quatrième rapport ; il y est mis en évidence qu’un tiers des revenus financiers supérieurs à 1 million d’euros sont réservés à 4 000 foyers fiscaux, soit 0,01 % d’entre eux.
Convaincus qu’il faut aussi modifier les recettes et en proposer de nouvelles, nous souhaitons assujettir les revenus financiers des sociétés à une contribution pour l’assurance vieillesse.
Établie au même taux que les cotisations patronales et salariales du secteur privé, cette contribution de justice sociale procurerait 30 milliards d’euros de recettes nouvelles, ce qui permettrait largement de financer les retraites et même de revenir sur la mauvaise réforme que vous avez imposée aux Français, lesquels, je vous le rappelle, y étaient massivement opposés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 945 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly, Brulin et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 242-… ainsi rédigé :
« Art. L. 242-…. – Les entreprises, d’au moins vingt salariés dont le nombre de salariés à temps partiel, de moins de vingt-quatre heures, est égal ou supérieur à 20 % du nombre total de salariés de l’entreprise, sont soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble de leurs salariés à temps partiel de moins de vingt-quatre heures. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1174 rectifié ter, présenté par Mme Canalès, M. Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche, Chantrel et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane, Ouizille et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud, Cardon et Cozic, Mme Blatrix Contat, M. Stanzione, Mme Linkenheld, MM. Montaugé, Gillé et Mérillou, Mme Artigalas, MM. Marie, Tissot et Chaillou, Mmes Monier, Conway-Mouret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé une cotisation sur les dividendes des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes privés lucratifs. Le taux de cette contribution est fixé à 15 %. Elle est reversée intégralement à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
La contribution est assise sur l’ensemble des dividendes réalisés dans les entreprises mentionnées au premier alinéa, réalisés en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.
Un décret fixe la date et les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. Il est de nouveau question, avec cet amendement, de la cotisation de 15 % sur les dividendes des Ehpad privés à but lucratif.
Tous les acteurs de cette économie doivent prendre leur part dans le développement d’une réponse juste et efficace au défi de la dépendance et de la perte d’autonomie. Comme mes collègues l’ont souligné, il manque actuellement 9 milliards d’euros pour financer ces besoins.
Je ne reviens pas sur les dérives liées aux pratiques des grands groupes pour réduire les coûts, remplir les chambres, rationner les repas, etc. : elles sont connues. L’objet de cet amendement est de limiter en ce domaine la recherche du profit, mais surtout du superprofit. Que les entreprises gérant des Ehpad privés à but lucratif fassent des profits, pourquoi pas ? Qu’elles fassent des superprofits, nous y sommes fermement opposés ! En tout état de cause, elles doivent contribuer à l’effort national.
Leur fonctionnement repose en effet sur un actif public : l’autorisation délivrée par l’acteur public est un bénéfice pour l’acteur privé, qui en tire un profit. En conséquence, il est tout à fait légitime que cet actif fasse l’objet d’une rémunération, comme le relevait notre collègue députée Christine Pires Beaune dans le cadre de sa récente mission sur le sujet.
À ce jour, il n’existe aucune valorisation de l’autorisation publique accordée aux acteurs privés pour assurer cette mission. Est-ce normal ? Non.
Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, les enjeux sont immenses ; il est essentiel de lutter contre la financiarisation de la santé. L’occasion vous est donc donnée de traduire en actes ces propos.
De l’argent, il en faut : 3,5 milliards d’euros d’économies sont prévus sur les dépenses de santé et vous attendez encore 1,3 milliard d’euros de la responsabilisation de chacun.
Le moment est venu de mettre à contribution les groupes privés à but lucratif, qui sont des groupes internationaux – la Cour des comptes souligne d’ailleurs qu’il existe en la matière une véritable exception française. Rappelons que l’un de ces groupes a été acheté en 2014 au prix de 650 millions d’euros avant d’être revendu pour la somme de 2,3 milliards d’euros, puis vendu de nouveau 4,3 milliards d’euros. Qu’y a-t-il là, sinon un cas typique de financiarisation ? C’est en tout cas impressionnant.
Avec le doublement des franchises, on acte la hausse du reste à charge pour les malades, alors que d’autres recettes pourraient être envisagées afin d’éviter de faire des économies qui seront préjudiciables aux Français.
M. le président. L’amendement n° 949 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une cotisation spécifique est prélevée sur les revenus générés par les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes privés à but lucratif, dont le taux et l’assiette sont définis par décret. Les recettes sont directement affectées à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Le livre de Victor Castanet intitulé Les Fossoyeurs a mis en lumière la situation de maltraitance systémique qui régnait au sein du groupe Orpea, mais aussi le dysfonctionnement généralisé qui caractérise la gestion des Ehpad privés à but lucratif.
Depuis la parution de ce livre, d’autres situations ont été mises en évidence. Ce qui se passe, par exemple, au sein de certaines crèches privées à but lucratif doit mobiliser toute notre attention et toute notre vigilance.
Nous ne saurions rester sourds à ces témoignages : nous le devons aux résidents, mais aussi à leurs familles. Or, malgré un certain nombre de rapports, d’enquêtes, d’indignations parfois ponctuelles, les profits des grands groupes privés à but lucratif restent très florissants, voire atteignent des niveaux stratosphériques.
Il est tout de même incroyable que le domaine de l’hébergement des personnes âgées en situation de dépendance soit un secteur d’activité des plus lucratifs, alors que, en parallèle, les établissements publics sont en déficit.
Les contrôles doivent sans doute être améliorés. Je sais qu’un certain nombre d’opérations en ce sens ont déjà été décidées par le Gouvernement, mais il nous semble qu’il serait efficace de mettre à contribution les revenus tirés des dividendes distribués par ces groupes afin de financer un renforcement des contrôles et ainsi de mettre fin aux pratiques indécentes qui sont observées.
Vous nous répondrez que l’on ne saurait s’appuyer pour cela sur des ressources qui ne seraient pas pérennes, car ces groupes adopteront peut-être un jour une attitude vertueuse et feront, le cas échéant, beaucoup moins de profits, nous laissant le bec dans l’eau…
Mme Émilienne Poumirol. Ce n’est pas demain la veille !
Mme Céline Brulin. Si au moins nous réussissons à orienter ensemble les choix de ces groupes en faveur d’un accompagnement humain de nos anciens et d’une prise en compte authentique de leurs besoins, nous aurons fait œuvre utile ! C’est là, me semble-t-il, tout le rôle de la puissance publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J’entends bien vos propositions, mes chères collègues.
Comme vous l’avez dit, l’affaire Orpea a dévoilé un certain nombre de dysfonctionnements et la parution du livre que vous avez cité a été pour ces établissements un véritable moment de rupture, les obligeant à se pencher sur le bien-être de leurs résidents, mais également sur la qualité de vie au travail de leurs salariés, sujet fort du livre, et sur leur propre structure financière.
Des mesures ont été prises par le Gouvernement. Loin de moi l’idée de faire sa publicité, mais il était nécessaire de renforcer les contrôles, et c’est la première action qu’il a entreprise.
Dans le PLFSS examiné l’année dernière, nous avons donné à la Cour des comptes la faculté de procéder à des contrôles dans ces établissements ; nous en attendons les résultats.
Pour autant, il convient aussi de prendre un peu de recul par rapport à ce livre : il faudra prendre un peu de temps pour voir comment les choses évoluent et déterminer si les établissements concernés parviennent à se recentrer sur leur mission, qui est de prendre soin des résidents et d’accompagner les familles.
Il me semble en tout état de cause délicat de taxer davantage ces établissements à but lucratif, qui ne se sont pas tous mal comportés et dont certains ont vécu cette période avec difficulté. La situation a en particulier été très difficile à vivre pour les personnels des Ehpad, car tous ne versent pas dans la maltraitance. Actuellement, certains groupes rament un peu pour faire revenir des résidents dans leurs établissements ; nous ne sommes pas là pour les accabler financièrement encore davantage…
Il paraît donc prudent de veiller à ce que chacun se remette en question et prenne de bonnes résolutions.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Si nous partageons l’objectif des auteurs de ces amendements, nous divergeons quant à la solution à adopter.
Après le scandale Orpea, comme cela a été rappelé, nous avons considérablement renforcé l’arsenal des obligations comptables et de la transparence financière ainsi que la capacité de contrôle dont disposent les agences régionales de santé (ARS), via le recrutement de 120 contrôleurs supplémentaires.
À mon sens, il convient de porter le fer sur la régulation et le contrôle plutôt que de recourir systématiquement à une nouvelle taxe à chaque difficulté rencontrée. Taxer n’est pas toujours la bonne solution.
Mme Céline Brulin. Elle me convient, pourtant !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. En l’espèce, je crois plutôt à un renforcement du dispositif de contrôle.
Nous aurons l’occasion de faire le bilan de toutes ces mesures et de répondre ensemble à la question de savoir si elles suffisent à garantir le bon accueil de tous les résidents des Ehpad privés et le plein respect des engagements pris par ces établissements, dont nous avons besoin.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Nous sommes tous d’accord sur un point : nous assistons de plus en plus à une financiarisation du monde de la santé, qui concerne en particulier les âges les plus vulnérables de la vie.
Ma collègue a parlé de la maltraitance dans les crèches, sujet qu’a pointé l’Igas dans un rapport récent, dans lequel, d’ailleurs, un lien et une comparaison sont faits avec la situation des Ehpad.
Le deuxième âge vulnérable correspond bien sûr au grand âge et à la perte d’autonomie – je ne reparle pas de l’affaire Orpea, qui a déjà été longuement commentée.
Monsieur le ministre, vous venez d’affirmer que la taxation n’était pas toujours la bonne solution. En ce qui concerne les grands groupes, qui n’ont d’autre dogme que l’argent, d’autre raison d’être que le profit, toucher à leurs bénéfices peut emporter des conséquences favorables.
Je suis profondément convaincue que les mesures ici proposées, parce qu’elles les touchent au portefeuille, parce qu’elles mettent à mal leurs profits, ne peuvent être qu’intéressantes. Il faut donc adopter ces amendements !
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Je verse à notre débat un autre argument : la proportion de personnes éligibles à l’aide sociale à l’hébergement (ASH) s’élève à 12 % dans les Ehpad privés à but lucratif, contre 98 % dans les établissements publics. Cela fait peser sur les maires, sur les présidents d’intercommunalité et sur les hôpitaux, qui président les Ehpad publics, une grande responsabilité.
Le contribuable est par ailleurs une victime secondaire du système qui règne au sein des Ehpad privés à but lucratif, dans la mesure où certains groupes n’hésitent pas à recourir à des stratégies d’optimisation fiscale.
Nos anciens collègues sénateurs Bernard Bonne et Michelle Meunier, dans leur rapport d’information sur le sujet, soulignaient à juste titre qu’il est urgent de réguler l’appétit des acteurs du secteur lucratif, dans lequel on trouve certes quelques indépendants, mais surtout beaucoup de groupes multigestionnaires dont le développement se fait à l’échelle internationale. En ce domaine, mes chers collègues, il faut vraiment passer la seconde !
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Madame la rapporteure générale, je vous trouve clémente ! Vous avez parlé de dysfonctionnements à propos du scandale Orpea, mais il s’agissait de fautes lourdes.
Je ne sais pas si vous avez lu le livre jusqu’au bout, mais les révélations qui y sont faites sont particulièrement graves et solidement documentées ; de surcroît, elles sont loin de concerner un seul établissement. Il s’agit bien de fautes lourdes.
Et il faudrait maintenant que nous évitions de trop « taper » sur ces groupes, au motif qu’ils ne remplissent pas leurs établissements ? Compte tenu des masses financières qu’ils ont brassées au détriment des personnes dont ils avaient la charge,…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Monique Lubin. … avec tout le respect que je vous dois, je ne peux pas partager vos propos.
Il ne s’agit pas uniquement d’Orpea, car nous connaissons tous des exemples similaires. La maltraitance commence quand, dans un Ehpad, un résident qui paie 3 000 euros par mois doit compter sur un membre de sa famille pour le nourrir le soir, faute de personnel en nombre suffisant pour s’occuper de lui. De tels exemples ne concernent pas seulement des groupes dont les noms sont connus.
C’est pourquoi je souhaite que l’on taxe, que l’on surveille, que l’on soit intraitable avec ces gens-là ! (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.
M. Christian Redon-Sarrazy. Une précision quant à l’amendement de ma collègue Marion Canalès : il a pour objet de taxer les dividendes, c’est-à-dire les bénéfices réalisés. Nous ne cherchons pas à réduire les moyens de fonctionnement de ces établissements.
Cette mesure interviendrait une fois l’exercice comptable clos et le bénéfice réalisé : nous en prendrions une petite partie.
Considérant ce qui vient d’être rappelé au sujet d’Orpea et d’autres groupes dont la situation est similaire, une taxation au taux de 15 % n’est pas confiscatoire : nous ne les priverions pas de la totalité de leurs revenus et des dividendes qu’ils distribuent. Il s’agit d’une contribution, d’une cotisation spécifique.
Les excédents dégagés proviennent peut-être, en effet, d’économies de fonctionnement ; peut-être ces entreprises ont-elles pris de bonnes décisions, après la révélation des problèmes que nous évoquions, et parviennent-elles malgré tout à faire des bénéfices tout en offrant une meilleure prise en charge aux personnes hébergées ? Le cas échéant, une partie de ces bénéfices pourrait utilement être affectée au financement de la branche autonomie.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1174 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 444 rectifié ter, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Daubet et Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet, Guérini, Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une cotisation spécifique est prélevée sur les dividendes des établissements de santé privés à but lucratif, dont le taux et l’assiette sont définis par décret.
Les recettes sont directement affectées à la Caisse nationale de l’assurance maladie.
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Historiquement, les établissements de santé privés étaient pour les professionnels de santé des outils de travail leur permettant d’exercer au mieux leurs fonctions.
Progressivement, au fil du temps, ils ont été rachetés par de grands groupes financiers. On aurait pu espérer que ceux-ci apportent innovation et meilleure gestion, mais, très vite, il est devenu évident que leur seule motivation était la recherche du profit.
Cette dérive va croissant dans les Ehpad, dans les cliniques privées et, désormais, dans les centres de santé. Dans ces derniers, on salarie les professionnels, les pratiques de surprescription deviennent de plus en plus fréquentes et la manière dont est géré le personnel l’incite à exercer la médecine d’une manière qui n’est pas toujours la plus économe du point de vue de la santé publique…
Au regard des besoins en matière de santé et de prise en charge des personnes les plus dépendantes, il est choquant qu’une partie des dépenses de santé soit consacrée à la distribution de dividendes.
Par cet amendement d’appel, je souhaite insister sur la nécessité de mettre un terme à ces dérives par lesquelles l’argent de la santé rémunère parfois de manière excessive les investissements de groupes qui, au départ, n’ont rien à voir avec la santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Émilienne Poumirol. Comme ça, c’est simple !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 444 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 907, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
L’article L. 241-5 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il est instauré un malus, fixé par voie réglementaire, sur les cotisations des employeurs dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les entreprises n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour éliminer un risque avéré de maladie professionnelle.
« La détermination de l’effort de l’employeur en matière de prévention et de lutte contre les maladies professionnelles se fait sur la base de critères définis par voie réglementaire à partir du bilan social de l’entreprise, défini aux articles L. 2312-28 à L. 2312-33 du code du travail. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Par cet amendement, nous proposons d’insérer dans le projet de loi un article additionnel relevant les taux des cotisations dues au titre de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) par les entreprises présentant une sinistralité anormalement élevée.
De nombreuses entreprises continuent de ne pas prendre les mesures nécessaires à la limitation, voire à l’élimination, du risque d’accidents du travail et de maladies professionnelles pour leurs salariés.
Ces accidents et maladies condamnent, parfois à vie, les travailleuses et les travailleurs à un état de santé dégradé, à un quotidien compliqué, et ce à cause de conditions de travail non sécurisées.
Cet amendement vise donc à inciter les entreprises à effectuer un véritable effort en matière de prévention et de lutte contre les maladies professionnelles, de sorte que les salariés ne sacrifient plus leur santé et leur vie au travail. Une fois encore, nous défendons le droit pour chacun d’avoir un travail décent, c’est-à-dire bien rémunéré, effectué dans de bonnes conditions et sans risque pour la santé.
Les entreprises qui ne mettent pas tout en œuvre pour protéger leurs salariés des accidents du travail et des maladies professionnelles doivent être condamnées à un malus qui permettra de dégager des fonds pour la réparation, l’évaluation et la prévention des risques professionnels ainsi que pour la promotion de la santé au travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement avait déjà été déposé et rejeté, après avoir reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement, lors de l’examen du PLFSS 2023.
Les entreprises qui ne consentent pas les efforts nécessaires en la matière sont déjà pénalisées, puisque plus de 70 % du montant des cotisations dépendent en moyenne de leur taux de sinistralité.
En outre, la caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) peut imposer des majorations de cotisations aux entreprises qui présentent des risques exceptionnels, notamment lorsqu’elles ne respectent pas les règles d’hygiène et de sécurité ou n’observent pas les mesures de prévention édictées par la caisse.
Le malus supplémentaire que vous proposez de créer existe donc déjà, ma chère collègue.
Votre amendement étant satisfait, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Votre amendement est en effet satisfait par le fonctionnement même de la branche AT-MP, qui fait dépendre le montant des cotisations de la sinistralité, madame la sénatrice.
J’estime du reste qu’il est préférable que ce calcul se fonde non sur le bilan social des entreprises, comme vous le proposez, mais sur les signalements transmis par les caisses, le degré d’information étant dans ce second cas nettement supérieur.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Les accidents du travail sont particulièrement fréquents dans les activités de services, notamment dans le domaine de la santé et dans les Ehpad.
Or les femmes sont surreprésentées dans ces métiers, si bien qu’en 2019 106 000 accidents du travail reconnus ont été subis par des femmes employées dans ces activités de services. En vingt ans, le nombre d’accidents du travail touchant des femmes a augmenté de 42 %, tandis que dans le même temps ce nombre baissait de 27 % pour les hommes.
Non seulement les femmes travaillent gratuitement entre le 6 novembre et le 31 décembre, comme cela a été rappelé il y a quelques jours, mais elles subissent une sinistralité qui s’accroît de manière sensible dans certains métiers de services. Il faudra nous pencher rapidement sur cette question, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Non, la demande n’est pas satisfaite.
Des mesures existent, certes, nous le savons ; mais, par cet amendement, nous proposons de faire preuve de plus de fermeté à l’égard d’entreprises que vous avez déjà identifiées, monsieur le ministre, comme ne satisfaisant pas aux obligations minimales de sécurité et de prévention qu’elles doivent à leurs salariés.
C’est pour cela que la disposition proposée s’appelle un malus, mes chers collègues.
M. le président. L’amendement n° 910, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Selon l’annexe 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, les exonérations de cotisations salariales sur les heures supplémentaires ont entraîné une perte de recettes de 2,2 milliards d’euros en 2022. En 2024, la perte devrait atteindre 2,48 milliards d’euros.
Par cet amendement, nous proposons de revenir sur la désocialisation des heures supplémentaires, ce qui ne revient évidemment pas à remettre en cause dans son principe le fait que les salariés réalisent des heures supplémentaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. La mise en œuvre d’une telle disposition serait un mauvais coup porté au pouvoir d’achat des salariés et des agents publics, qui se verraient en moyenne privés de 450 euros par an.
Avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 471 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel et Daubet, Mme Girardin, MM. Grosvalet, Guérini, Guiol et Laouedj et Mme Pantel.
L’amendement n° 620 rectifié bis est présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et O. Richard, MM. Delcros, Longeot, Kern, Duffourg et Courtial, Mme Havet, MM. S. Demilly et Henno et Mme Gatel.
L’amendement n° 1086 rectifié bis est présenté par MM. J.M. Arnaud et P. Martin, Mmes Gacquerre, Jacquemet et Billon, M. Bleunven, Mme Romagny et M. Laugier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 4° du II bis de l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …°À 10,27 % pour les garanties prévoyant le remboursement des thérapeutiques non médicamenteuses, validées par la Haute Autorité de santé, non prises en charge par le régime obligatoire d’assurance maladie français, sous réserve que l’organisme ne recueille pas, au titre de ce contrat, d’informations médicales auprès de l’assuré ou des personnes souhaitant bénéficier de cette couverture et que les cotisations ou primes ne soient pas fixées en fonction de l’état de santé de l’assuré. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 471 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. En juillet 2021, un rapport de l’Assemblée nationale intitulé La sédentarité : désamorcer une bombe à retardement sanitaire rappelait les données inquiétantes relatives aux effets de la sédentarité.
Les jeunes de 9 à 16 ans ont perdu 25 % de leurs capacités physiques en quarante ans. En dix ans, le temps passé par les adultes devant des écrans a augmenté de 53 %. Et le nombre de morts évitables liées aux conséquences de la sédentarité est estimé en France à 50 000 chaque année.
Si les confinements imposés par la crise sanitaire n’ont pas arrangé les choses, ils ont permis de mettre en évidence les incontestables bienfaits de l’activité physique et sportive.
La lutte contre la sédentarité est devenue plus que jamais un enjeu sanitaire majeur pour tous les âges de la vie. Il existe aujourd’hui des thérapies non médicamenteuses validées scientifiquement par la Haute Autorité de santé et par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) qui ont fait la preuve de leur efficacité en cas d’obésité, de diabète, d’hypertension artérielle et pour combattre certains cancers.
Aussi cet amendement a-t-il pour objet d’appliquer une fiscalité spécifique aux garanties des complémentaires santé qui prennent en charge certaines actions de prévention telles que l’activité physique adaptée ou des séances de diététique : celles-ci feraient l’objet d’un taux de taxe de solidarité additionnelle (TSA) réduit à 10,27 %.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 620 rectifié bis.
M. Michel Canévet. En complément de ce qui vient d’être exposé par Nathalie Delattre, je tiens à souligner que, si l’actuel gouvernement a introduit la prévention dans l’intitulé du ministère de la santé, il importe à présent de traduire en actes ce choix terminologique.
Tel est l’un des objets de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour présenter l’amendement n° 1086 rectifié bis.
Mme Anne-Sophie Romagny. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. S’il convient en effet d’encourager le virage de la prévention – nous en sommes tous d’accord –, le remboursement de telles dépenses relève de la politique de différenciation des organismes complémentaires d’assurance maladie. Une telle prise en charge devrait donc pour ces derniers constituer un argument sans qu’ils aient pour cela à bénéficier d’un taux réduit spécifique de TSA.
Tout en partageant votre objectif, mes chers collègues, j’estime donc que la disposition proposée n’est pas l’outil adapté pour l’atteindre.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je partage l’avis de la rapporteure générale. Il existe déjà huit assiettes et six taux de TSA ; le virage de la prévention qu’évoquait M. le sénateur Canévet doit s’inscrire dans ce paysage déjà extrêmement complexe.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 471 rectifié, 620 rectifié bis et 1086 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 485 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet, Guérini, Guiol et Laouedj et Mme Pantel.
L’amendement n° 636 rectifié est présenté par M. Canévet et Mme N. Goulet.
L’amendement n° 1088 rectifié ter est présenté par M. J.M. Arnaud, Mmes Antoine, Saint-Pé, Gacquerre, Jacquemet et Billon, M. Bleunven, Mme Romagny et MM. Kern, Henno et Laugier.
L’amendement n° 1249 est présenté par Mme Féret, M. Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès et Conconne, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche, Chantrel et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane, Ouizille et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 4° du II bis de l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …°À 7,04 % lorsque les garanties de protection en matière de frais de santé des contrats d’assurance maladie complémentaire souscrites par une personne physique ne bénéficient pas d’une participation au financement par l’employeur ou dont les primes sont visées aux articles 154 bis à 154 bis – 0 A du code général des impôts. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 485 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Une part importante des assurés couverts par des contrats de complémentaire santé bénéficient d’une aide pour le paiement de leurs cotisations, notamment grâce à l’obligation faite à l’employeur de participer au financement du contrat de ses employés.
Le régime sociofiscal applicable à certains contrats permet par ailleurs d’alléger la charge liée aux cotisations pour les employeurs et les assurés.
Ainsi, pour les travailleurs non salariés, la loi du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle, dite loi Madelin, a mis en place un dispositif réduisant les différences de protection avec les salariés.
La réforme de la protection sociale complémentaire pour la fonction publique a de même introduit l’obligation de participation des employeurs publics à l’horizon 2026 sur le volet santé.
Pour autant, certaines populations et certains types de contrats ne bénéficient d’aucune aide.
Cet amendement tend donc à instaurer une diminution du taux de la taxe de solidarité additionnelle pour les contrats ne bénéficiant pas d’avantages fiscaux ou d’une prise en charge par l’employeur. Seraient par exemple concernés les retraités, les chômeurs ne bénéficiant plus de la portabilité et les jeunes sans emploi.
Dans les cas visés, le taux serait porté à 7,04 % afin d’offrir à ces personnes, à cotisations identiques à la complémentaire santé, un avantage équivalent à celui dont bénéficient les salariés du privé et à celui qui est prévu pour les agents de la fonction publique en matière de revenus imposables.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 636 rectifié.
M. Michel Canévet. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour présenter l’amendement n° 1088 rectifié ter.
Mme Anne-Sophie Romagny. Défendu !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 1249.
Mme Corinne Féret. Cet amendement ayant été défendu, je précise simplement qu’il a été élaboré avec la Mutualité française.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ces amendements ont certes été travaillés avec la Mutualité française, mais ils ont déjà été présentés lors du précédent PLFSS, mes chers collègues. Je crains donc que la réponse soit la même que l’année dernière.
Ces amendements identiques tendent à appliquer un taux réduit de taxe de solidarité additionnelle aux cotisations de complémentaire santé que l’employeur ne contribue pas à financer.
Est-ce à la sécurité sociale de subir en quelque sorte les conséquences des choix de l’employeur ? (M. Bernard Jomier lève la main.) J’observe que l’un de nos collègues demande déjà la parole pour répondre à la question que je viens de poser…
Du reste, une telle réduction pourrait même constituer, pour l’employeur, une incitation à ne plus participer au financement de ces contrats.
L’avis de la commission est donc défavorable, mais j’attends avec impatience la réponse que je vois poindre. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. La complémentaire santé solidaire vise précisément les publics peu couverts, les publics précaires, notamment les demandeurs d’emploi que vous évoquez, madame la sénatrice Delattre.
Si je m’apprête à émettre un avis défavorable sur ces amendements, c’est pour une autre raison, plus fondamentale encore : le coût d’une telle disposition, chiffré à 500 millions d’euros par mes services, se heurte à l’enjeu de la soutenabilité financière de notre régime de sécurité sociale.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je tiens bel et bien à vous répondre, madame la rapporteure générale.
L’adoption de ces amendements identiques aurait pour effet de rééquilibrer les conditions de concurrence entre le secteur de la bancassurance et celui de la mutualité : voilà le sujet de fond.
J’entends bien la réponse du Gouvernement, qui souligne le coût du dispositif proposé, mais il faut être conscient du point auquel diffèrent les portefeuilles de clientèle – pardonnez la laideur de l’expression, mes chers collègues – respectifs de ces deux secteurs : la bancassurance assure des personnes qui sont en général jeunes et en bonne santé, tandis que le secteur mutualiste assure des personnes plus âgées et souvent atteintes de pathologies chroniques.
Une grande banque proposera une complémentaire santé à ses clients de 30 ans, mais elle n’en proposera pas à ses clients de 65 ans. Il en résulte une distorsion qui entraîne d’indéniables surcoûts pour le secteur mutualiste.
Plusieurs solutions existent.
La première consiste à abaisser le taux de TSA : c’est celle qui nous est soumise par les auteurs de ces amendements identiques – je les voterai.
La seconde consiste à créer, sur le modèle de ce qu’ont fait certains pays nordiques, un fonds de péréquation auquel les organismes sont contributeurs ou dont ils sont bénéficiaires en fonction de la structure de leur portefeuille de clientèle. Dans ce cas, l’effet est neutre pour la sécurité sociale.
La seule question est dès lors de savoir si l’on souhaite ou non instaurer un outil de rééquilibrage entre le secteur mutualiste et le secteur de la bancassurance. Pour nous, la réponse est oui.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 485 rectifié, 636 rectifié, 1088 rectifié ter et 1249.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 125 rectifié ter, présenté par MM. Milon et Burgoa, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 313-1-3 du code de l’action sociale et de la famille, il est inséré un article additionnel L. 313-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 313-1-…. – Une redevance solidaire est appliquée à l’ensemble des établissements relevant du I de l’article L. 313-12 dont l’autorisation d’activité prévoit un pourcentage de places habilitées à l’aide sociale inférieur à 50 %. Cette redevance s’applique de façon forfaitaire à chaque place non habilitée à l’aide sociale. Les modalités de fixation et de révision du montant de cette redevance sont fixées par décret.
« Les produits de cette redevance sont affectés à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. »
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Je présente cet amendement avec mon collègue Laurent Burgoa.
La possibilité pour un opérateur d’exploiter un Ehpad suppose l’obtention d’une autorisation des pouvoirs publics.
Cette autorisation engendre de facto la perception par l’opérateur de dotations publiques issues de la branche autonomie lui permettant de financer principalement le salaire des soignants via l’affectation de cette dépense à la section soins. Cette autorisation d’exploitation représente donc un actif public dont peut bénéficier un opérateur privé.
Les Ehpad non majoritairement agréés à l’aide sociale ont la liberté de fixer leurs tarifs sur la section hébergement. C’est sur cette section tarifaire correspondant aux sommes qui sont à la charge des résidents que les établissements peuvent dégager des marges.
Il faut faire contribuer ces profits au financement de l’adaptation de notre société à l’enjeu démographique qui est devant nous. Il est donc proposé qu’un système de redevance solidaire soit appliqué sur les bénéfices réalisés par ces opérateurs sur leur budget hébergement ; les recettes en seraient directement affectées au budget investissement de la CNSA.
Une telle disposition figurait parmi les recommandations du récent rapport d’information fait par Bernard Bonne et Michelle Meunier au nom de la commission des affaires sociales et intitulé Le contrôle des Ehpad. Nous honorerions nos deux anciens collègues en votant cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je vous remercie, mon cher collègue, d’avoir déposé cet amendement qui, comme d’autres amendements que nous avons examinés précédemment, est présenté à la suite de la remise du rapport d’information de nos anciens collègues Michelle Meunier et Bernard Bonne.
J’estime que nous pourrons approfondir ces sujets dans le cadre de l’examen de la proposition de loi Bien vieillir, qui sera prochainement inscrite à l’ordre du jour.
Mme Émilienne Poumirol. Ça n’empêche pas !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je vous l’accorde, ma chère collègue.
Par cet amendement, Alain Milon propose de prendre pour critère le taux de places habilitées à l’aide sociale. Celui-ci a le mérite d’être plus restrictif que le critère retenu par nos collègues dans le rapport précité. Cela étant dit, la situation financière du secteur des Ehpad est globalement dégradée.
Comme nous tous, madame Lubin, j’ai été sidérée à la lecture du livre sur Orpea. Il importe toutefois, au-delà de l’électrochoc qu’a représenté cet ouvrage, de ne pas jeter l’opprobre sur l’ensemble des Ehpad à but lucratif et de se prémunir contre un réflexe très français – l’un se comporte mal et tous pâtissent d’une décision arbitraire.
S’il convient de contrôler très sérieusement les Ehpad à but lucratif et de ne rien laisser passer, soyons prudents, mes chers collègues, car des emplois sont en jeu sur nos territoires.
Compte tenu des difficultés financières que rencontrent les Ehpad, qu’ils soient ou non à but lucratif, l’heure est plutôt à faire le point et à examiner comment les choses évoluent, en particulier pour s’assurer que les résidents et les salariés de ces établissements sont bien traités, ce que nous pourrons faire à l’occasion de la discussion de la proposition de loi Bien vieillir.
Pour l’heure, l’avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’adoption de votre amendement aurait pour effet quasi immédiat d’augmenter les tarifs des Ehpad, monsieur le sénateur : la contribution que vous proposez d’instaurer se reporterait immédiatement sur celles et ceux qui sont hébergés.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Mme la rapporteure générale nous propose d’attendre la proposition de loi qui est sur le point d’arriver. Admettons ! Mais cela fait cinq ou six ans maintenant que nous attendons vainement un autre texte, le fameux grand projet de loi Autonomie.
Je suis pour ma part très favorable à cet amendement, qui, comme l’a rappelé Alain Milon, est issu d’un rapport transpartisan coécrit par Bernard Bonne et Michelle Meunier. Nos anciens collègues y faisaient état des manœuvres frauduleuses extrêmement graves auxquelles a eu recours la société privée Orpea, comme, sans doute, d’autres entreprises du secteur.
Contrairement à vous, monsieur le ministre, j’estime que toucher ces sociétés à la poche serait efficace sans menacer les emplois locaux pour autant. En diminuant leur marge bénéficiaire, qui est la seule chose qui compte réellement aux yeux des dirigeants de ces entreprises, nous les obligerions à réagir.
Une telle source de recettes ne doit donc pas être négligée, d’autant que la redevance ainsi proposée peut être mise en place immédiatement. Cela ne nous empêchera certes pas de faire tous les contrôles qui doivent être faits et qui, je l’espère, le seront. En tout état de cause, l’ampleur du scandale justifie que nous prenions des dispositions sans attendre une hypothétique proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, en soumettant à la redevance tous les Ehpad « dont l’autorisation d’activité prévoit un pourcentage de places habilitées à l’aide sociale inférieur à 50 % », vous y assujettiriez, en sus des établissements privés, les Ehpad des collectivités territoriales, notamment les centres communaux d’action sociale (CCAS).
Le pourcentage de places habilitées à l’aide sociale est inférieur à 50 % dans la plupart des Ehpad de mon département ; 70 % d’entre eux sont néanmoins déficitaires. Or tous seraient assujettis à cette redevance.
En raison de cette difficulté, je ne voterai pas l’amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 125 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 483 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 633 rectifié ter est présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et O. Richard, MM. Delcros, Longeot, Kern, Duffourg et Courtial, Mme Havet et MM. S. Demilly, Henno et Bleunven.
L’amendement n° 669 rectifié est présenté par Mme Romagny.
L’amendement n° 798 rectifié bis est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 888 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa du 3° du I de l’article L. 314-2 du code de l’action sociale et des familles est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque les tarifs des établissements sont fixés dans les conditions de l’article L. 342-3 et, sauf pour ceux gérés de façon désintéressée, ils s’acquittent d’une redevance proportionnelle au chiffre d’affaires pour lequel ils sont en tarification libre fixée conjointement par arrêté du ministre chargé de l’économie et des finances et du ministre chargé des affaires sociales. Le produit de cette redevance est affecté à la branche mentionnée au 5° de l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 483 rectifié bis.
Mme Nathalie Delattre. Le « prix hébergement » des Ehpad est fixé différemment selon que les places sont habilitées à l’aide sociale ou non.
Pour les places habilitées à l’aide sociale, c’est le conseil départemental qui fixe le montant du prix hébergement. Pour les places non habilitées à l’aide sociale, c’est le gestionnaire de l’établissement qui fixe librement le prix hébergement.
Dans les établissements les plus onéreux, ce tarif peut atteindre plusieurs milliers d’euros. C’est sur ce poste que se fait l’essentiel des profits des résidences privées.
À la suite de l’affaire Orpea, en 2022, certaines organisations du secteur avaient suggéré de fixer une redevance dont devraient s’acquitter les établissements non habilités à l’aide sociale. L’idée était de permettre à ces établissements de pratiquer des tarifs d’hébergement dits libres tout en réinjectant les sommes collectées via la redevance dans les établissements habilités à l’aide sociale, afin de pérenniser le modèle de ces derniers.
Dans cet esprit, cet amendement vise à instaurer une redevance pour les établissements non habilités à l’aide sociale qui souhaitent pratiquer des tarifs d’hébergement dits libres. Le produit de cette redevance serait affecté à la branche autonomie.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 633 rectifié ter.
M. Michel Canévet. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour présenter l’amendement n° 669 rectifié.
Mme Anne-Sophie Romagny. Défendu !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 798 rectifié bis.
M. Laurent Burgoa. Défendu !
Mme Raymonde Poncet Monge. Il y a un problème, mon cher collègue ?
Vous avez raison, monsieur le ministre, taxer n’est pas la solution.
En 2023, l’arrêté annuel a prévu un taux maximal d’évolution des prix de 5,14 % pour les structures du secteur privé lucratif, contre 3 % pour les établissements habilités à l’aide sociale.
À la différence des établissements non habilités, les établissements ayant une habilitation totale ou majoritaire ne peuvent pratiquer des tarifs différents de ceux qui sont fixés par le conseil départemental.
En offrant aux établissements non habilités à l’aide sociale la possibilité d’augmenter leurs prix de 5,14 %, monsieur le ministre, vous créez un différentiel au détriment du public et du privé non lucratif qui équivaut à une taxe ; et, en l’espèce, taxer est en effet un problème !
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 888 rectifié.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il a été très bien défendu par Mme Poncet Monge.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 483 rectifié bis, 633 rectifié ter, 669 rectifié, 798 rectifié bis et 888 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par Mmes Guidez et Vermeillet, MM. Henno et Vanlerenberghe, Mme Jacquemet, MM. Kern et Canévet, Mmes Billon et Gatel, MM. J.M. Arnaud, Longeot, Duffourg, Guerriau, Houpert et Panunzi, Mmes Lermytte et Morin-Desailly, MM. Gremillet et Bleunven et Mme Malet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le quatrième alinéa de l’article L. 313-1 du code de la construction et de l’habitation, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cadre de l’aide à l’acquisition à la propriété de la résidence principale, en complément des deux modalités existantes, prévues aux premiers et seconds alinéas et totalement exonérées de charges sociales et fiscales, l’employeur peut prendre en charge tout ou partie des intérêts du coût du crédit immobilier contracté par le salarié.
« Dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, sont exonérées de cotisations sociales, hors contribution sociale généralisée, contribution pour le remboursement de la dette sociale et forfait à 20 %, les sommes versées par les entreprises, chaque mois, pour la prise en charge d’une partie ou de la totalité des intérêts du coût du crédit immobilier contracté par le salarié.
« Ce dispositif vient en complément de la participation des employeurs à l’effort de construction (Peec), entendu au sens des règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale acquitté par les entreprises au taux de 0,45 %.
« Cette exonération est instaurée pour une durée d’un an, au titre de l’exercice budgétaire 2024.
« Ce dispositif, sur une base volontaire, est plafonné à 5 % du nombre de salariés en contrat à durée indéterminée et dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article. »
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la réduction de 16 % à 14 % du plafond annuel de la sécurité sociale, correspondant au montant maximum de l’abondement versé par l’employeur au plan d’épargne pour la retraite collectif et exonéré de cotisations, au sens des règles prévues au chapitre Ier du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Face à la crise du logement, il est plus que jamais essentiel de favoriser l’accession à la propriété de tous les ménages, particulièrement des classes moyennes, notamment dans les zones tendues.
Dans cette perspective, plusieurs entreprises – vingt-deux à ce jour – accompagnent leurs salariés en prenant en charge tout ou partie du coût des intérêts du crédit immobilier contracté par ces derniers, la prise en charge moyenne annuelle s’élevant à 1 727 euros.
Cette aide, considérée jusqu’à présent comme un avantage en nature fourni par l’employeur, renforce l’apport personnel du salarié, ce qui améliore sa capacité d’emprunt et l’aide à respecter les normes définies par le Haut Conseil de stabilité financière, à savoir un taux d’endettement maximum de 35 % et une limitation à vingt-cinq ans de la durée des prêts.
Ce dispositif pour le logement des salariés vient en compléter d’autres comme la participation des employeurs à l’effort de construction (Peec) ou encore, par exemple, l’épargne salariale.
Toutefois, l’absence d’exonération de charges sociales pour l’employeur désireux de participer à l’effort de logement de ses salariés est un obstacle à la généralisation du dispositif. Les salariés se voient contraints, dans les faits, de mobiliser leur épargne retraite.
Nous proposons de préciser que cet abondement de l’employeur reste assujetti, comme l’est le plan d’épargne retraite (PER) collectif, à la CSG sur les revenus d’activité et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), ainsi qu’au forfait social au taux de 20 %.
Les entreprises privées employant 50 salariés ou plus versent déjà une taxe de participation à l’effort de construction qui représente 0,45 % de leur masse salariale. Celles d’entre elles qui proposent un dispositif complémentaire sous forme de prêt subventionné doivent pouvoir être exonérées de charges sociales et fiscales comme le sont les prêts à l’accession distribués par Action Logement.
Le présent amendement vise donc à établir, sur la base du volontariat et pour une durée d’un an, du 1er janvier au 31 décembre 2024, une phase d’expérimentation durant laquelle les entreprises bénéficieront du gel des cotisations sociales, hors CSG, CRDS et forfait social à 20 %, sur les sommes versées chaque mois pour la prise en charge d’une partie ou de la totalité du coût des intérêts du crédit immobilier du salarié.
Il s’agirait donc d’un dispositif collectif, fléché sur le seul achat de la résidence principale et sans plafond de ressources, complémentaire des dispositifs existants.
Selon les prévisions de Sofiap, une telle mesure rapporterait à l’État 27 millions d’euros de recettes annuelles, tout en permettant à près de 80 000 ménages d’être soutenus dans leur démarche d’accession à la propriété pendant toute la durée de l’expérimentation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je vous remercie, ma chère collègue, d’évoquer la question du logement. Si les médias y reviennent de manière lancinante depuis quelque temps, si tous les élus locaux nous alertent, c’est qu’il y a en la matière un sérieux problème.
Est-ce pour autant à la sécurité sociale qu’il revient de soutenir ce secteur ?
Mes chers collègues, je vous encourage à ne pas créer de nouvelle niche sociale, car nous en avons déjà créé beaucoup.
Par ailleurs, j’entends votre calcul : ce dispositif pourrait rapporter à l’État de nouvelles recettes. Toutefois, la durée de l’exonération proposée – un an seulement – me paraît trop courte pour constituer un véritable levier de lutte contre la crise du logement. (Mme Jocelyne Guidez proteste.)
Il faut trouver d’autres solutions, ma chère collègue : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est un montage assez complexe qui est proposé : on créerait une exonération sur les cotisations sociales pour permettre à l’employeur de prendre en charge les intérêts d’un prêt souscrit par le salarié.
Je partage l’avis de Mme la rapporteure générale : il n’est pas souhaitable de créer une nouvelle exonération de cotisations sociales. Nous avons besoin de ces prélèvements pour financer la sécurité sociale.
En outre, ce dispositif reviendrait à impliquer l’employeur dans la décision d’acquisition du salarié, donc à créer une nouvelle relation entre l’un et l’autre. Or il me semble que l’employeur n’a pas à connaître d’une telle décision. S’il veut aider le salarié dans son acte d’acquisition, il y a plus simple : la prime de partage de la valeur, que la majorité a pérennisée.
Mme Audrey Linkenheld. Et la taxation du capital !
Mme Jocelyne Guidez. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié est retiré.
L’amendement n° 911, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le taux de cotisation patronale versée au titre du financement de l’assurance vieillesse est augmenté d’un point.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement a pour objet d’augmenter d’un point le taux des cotisations d’assurance vieillesse versées par l’employeur.
À l’occasion de la discussion de la réforme reculant l’âge légal de départ à la retraite, nous n’avions pas pu débattre, avec la majorité sénatoriale, de l’autre option que représente l’augmentation des taux de cotisation pour la branche vieillesse, et en particulier du taux des cotisations qui sont dues par les employeurs.
M. Bruno Retailleau – je le salue – avait utilisé l’article 38 du règlement pour faire tomber 1 100 amendements, y compris celui que nous proposions à cet effet, et réécrire l’article 7 du projet de loi, qui permet aux salariés de travailler deux années de plus…
Or, à l’époque, 59 % des Français – pas plus de gauche que de droite – étaient prêts à cotiser davantage plutôt que de travailler plus longtemps, ce qui témoigne d’un écart de vision entre le Gouvernement et les salariés à l’égard des cotisations sociales.
Je vous propose un petit calcul : ainsi ferons-nous pour une fois de l’économie plutôt que de l’idéologie ! (M. le ministre délégué s’en amuse.)
Imaginons, pour une rémunération équivalente au salaire moyen, une hausse des cotisations de 11 euros par mois en 2024, augmentant progressivement jusqu’à atteindre 28 euros mensuels en 2027 : au total, 12 milliards d’euros de déficit seraient ainsi résorbés !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ça, c’est de l’économie !
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, vous répétez régulièrement, comme le Gouvernement l’a fait au moment de la réforme des retraites, qu’il ne faut pas augmenter le coût du travail. La priorité – vous aimez le dire le cœur sur la main –, c’est l’emploi !
Résultat : vous avez volé deux de leurs meilleures années de retraite aux salariés. Vous n’avez pas augmenté le fameux coût du travail ; cela n’empêche pas le déficit du système de retraite d’atteindre 4 milliards d’euros, excusez du peu. En outre, 60 000 emplois ont été supprimés.
Cet amendement vise donc, dans un esprit de responsabilité, à augmenter d’un point le taux de cotisation patronale de la branche vieillesse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur Savoldelli, j’adore votre démonstration : elle a presque un côté magique… (Sourires.)
Cela étant, il est habituel que les salariés que je rencontre me demandent comment il est possible que les cotisations inscrites sur leur bulletin de paie, salariales comme patronales, soient si nombreuses : si l’on additionne celles qu’ils règlent en tant que salariés et celles qui sont payées par l’entreprise, cela fait en effet beaucoup, d’autant que cette part va croissant. Ils n’en sont pas dupes, même si ces cotisations – ils le comprennent – leur permettent d’être couverts contre différents risques.
Si l’on continue d’augmenter la part des cotisations, on renforcera cette impression qu’ont beaucoup de salariés : c’est de l’argent qui ne va pas directement dans leur poche. (Mme Monique Lubin proteste.)
Par ailleurs, le volume des cotisations est déjà si énorme pour les entreprises que l’accroître encore conduirait probablement certaines d’entre elles à ne plus pouvoir embaucher ou à embaucher moins. Elles pourraient peut-être d’ores et déjà recruter davantage, d’ailleurs, si elles avaient moins de cotisations à payer…
Surtout, une telle augmentation risque de donner à certains l’idée d’aller s’installer ailleurs, où les cotisations sont beaucoup moins importantes. (Protestations sur des travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. C’est trop facile !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Certes, l’argument est facile et vous me direz que nous l’invoquons régulièrement, mais c’est ce que me disent les chefs d’entreprise.
L’augmentation des cotisations peut aussi faire perdre le goût de l’entrepreneuriat. En effet, nombreux sont ceux qui, au moment de monter une entreprise et de remplir leur déclaration sociale nominative, ont pensé renoncer devant l’importance des sommes à payer.
Les entreprises aussi connaissent des moments difficiles ; ainsi de la période d’inflation que nous traversons. Les crises, elles les subissent.
M. Christian Redon-Sarrazy. Et les salariés ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Votre solution, mon cher collègue – toujours plus de cotisations ! –, a des airs de miracle ; mais elle n’est qu’un mirage.
Elle n’est en tout cas pas la bonne, me semble-t-il – nous pourrons en débattre, aujourd’hui comme demain.
J’adore votre voix radiophonique et votre capacité à emporter la conviction de vos auditeurs ! (Sourires. – Mme Silvana Silvani fait semblant de jouer du violon.) Je suis néanmoins au regret d’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, c’est en effet un choc fiscal que vous nous proposez : 8 milliards d’euros d’alourdissement du coût du travail.
Nous faisons et nous défendons tout l’inverse, y compris dans le projet de loi de finances dont nous aurons prochainement à débattre : nous continuons à baisser les impôts de production, non pour des raisons idéologiques, mais parce que nous voulons atteindre le plein emploi.
Je vous renvoie à un chiffre que vous avez cité dans votre intervention : 8 milliards d’euros d’augmentation du coût du travail, ce sont 60 000 emplois détruits.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je remercie le groupe communiste d’avoir repris, pour partie, l’amendement que j’avais déposé lors de la discussion du projet de loi sur les retraites – je me contentais d’une hausse d’un demi-point. (M. Pascal Savoldelli lève le pouce.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. On nous oppose qu’une telle hausse alourdirait le prix du travail. Reste que, pour le moment, en repoussant l’âge de départ à la retraite, nous n’avons fait qu’alourdir la charge qui pèse sur les salariés.
Il s’agit donc d’une mesure d’équilibre : il me semble nécessaire aujourd’hui, dans ce pays, d’envoyer un signal d’apaisement en prenant des mesures d’apaisement.
Mme Émilienne Poumirol. Tout à fait.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. On a demandé aux entreprises de faire un effort en matière d’emploi des seniors ; j’attends toujours !
Mmes Cathy Apourceau-Poly, Audrey Linkenheld et Monique Lubin. Eh oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Lors des dernières négociations sur l’assurance chômage, le patronat a d’ailleurs repoussé la discussion sur les seniors.
L’effort que doivent faire les entreprises, car elles doivent en faire un, est modeste. J’avais donné des chiffres : pour une petite entreprise de cinq salariés qui se trouvait être celle du vice-président d’une union patronale, la mesure représentait 1 250 euros, au maximum 1 500 euros… par an !
Mme Émilienne Poumirol. Par an !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ce n’est rien du tout ! Vous dites qu’une telle augmentation détruirait des emplois, madame la rapporteure générale, monsieur le ministre, mais je demande à voir et je suis même convaincu du contraire.
Mme Audrey Linkenheld. Et ce n’est pas idéologique !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Sans doute me montrerez-vous des études du Conseil d’analyse économique faisant état d’un risque de destruction d’emplois. Je demande à voir ! Je n’y crois pas le moins du monde.
D’autres facteurs entrent en ligne de compte, à commencer par la confiance des salariés. L’entreprise est une communauté : si les salariés n’ont plus confiance dans l’avenir, ils travaillent moins bien. On le voit bien : la productivité a baissé. Les conditions de travail jouent énormément également.
Je suggère que l’on prenne une autre disposition dans le même sens. En discussion générale, j’ai proposé un swap entre les cotisations de retraite complémentaire que prennent en charge les employeurs et leurs cotisations de retraite de base.
Madame la rapporteure générale, monsieur le ministre, j’espère que vous saurez vous montrer favorables à cette proposition : la solution pourrait venir de là. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Il n’y a rien de magique dans cet amendement, comme il n’y a rien de magique, heureusement, dans les dispositions que nous proposons de substituer aux mesures défendues par le Gouvernement et par la droite sénatoriale.
Il n’y a pas une unique vérité absolue, monsieur le ministre ! Prétendre le contraire serait remettre en cause la légitimité des grands débats qui ont opposé entre eux les économistes ces dernières années.
Quant à la question du coût du travail et de son effet sur les créations ou destructions d’emplois, elle ne se résume pas – heureusement ! – à celle du montant des cotisations sociales.
Madame la rapporteure générale, je vous ai bien écoutée. Au-delà de nos accords ou de nos désaccords, ne tombons pas dans l’écueil qui consisterait à satisfaire et à encourager un individualisme déjà bien développé dans notre pays.
Nombreux sont ceux, plus encore dans cette période de crise, qui voudraient tout, tout de suite, maintenant.
Comme nous avons oublié de rappeler que les cotisations ne sont pas des charges, mais du salaire différé, nous avons laissé petit à petit s’installer l’idée, dans la tête des salariés, que cet argent leur était pris et qu’ils n’en bénéficieraient pas. (M. le président de la commission approuve.)
Madame la rapporteure générale, vous avez livré le témoignage de certains salariés ; mais on peut aussi rencontrer des salariés qui n’ont pas d’enfants, paient des impôts et se demandent pourquoi ils ont à financer le système scolaire… (Mme la rapporteure générale acquiesce.) Et nous pourrions raisonner ainsi pour toute une série de financements publics…
Tâchons de conserver, même dans la contradiction, notre capacité à faire communauté.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Madame la rapporteure générale, vous l’avez dit, les salariés ne sont pas dupes.
Il est nécessaire de rappeler que les cotisations sociales ne sont pas des charges : elles apportent de la protection et du salaire différé – on a tendance à l’oublier.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous sommes d’accord.
Mme Monique Lubin. Quand on le leur explique bien, les salariés le comprennent parfaitement et ils adhèrent à ce système.
Je remercie notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe pour le courage de son exposé : ce n’est pas toujours aux mêmes de faire des efforts.
À condition que les efforts soient partagés, donc, je suis certaine que les salariés accepteront une légère augmentation de leurs cotisations, laquelle, rapportée à la masse des cotisants, représentera une manne considérable.
Il faut aussi que les employeurs soient mis à contribution. On me dit qu’ils cesseraient immédiatement de recruter ; mais qu’avons-nous tous constaté ces dernières années, au sortir de la crise du covid-19 ? Les employeurs se plaignaient beaucoup de la pénurie de main-d’œuvre, à la suite de quoi, miraculeusement, des emplois qui étaient fort mal rémunérés ont été soudain revalorisés. Il a fallu augmenter les salaires – et, par voie de conséquence, les employeurs ont cotisé davantage – pour attirer des salariés bien formés et faire tourner les entreprises.
L’entreprise est une communauté. Pour que l’économie fonctionne, il faut que les salariés soient bien traités et bien payés et que tous cotisent, employeurs comme employés.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Mme la rapporteure générale, évoque un choc sur la feuille de paie des salariés ; M. le ministre parle d’un choc fiscal.
Mais le principal choc, pour les salariés, c’est de devoir travailler deux années de plus ! Allez à leur rencontre et vous verrez que c’est ce que la majorité d’entre eux ont compris.
Par ailleurs, nous tirerons tous les enseignements de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). La conclusion finira peut-être même, de proche en proche, par s’imposer à l’ensemble de l’hémicycle : c’est une erreur qui a été faite.
Si notre collègue Vanlerenberghe souhaite sous-amender notre amendement afin de n’augmenter le taux de cotisation patronale que de 0,5 point, je l’invite à le faire. (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)
Cela fera un demi-choc fiscal pour M. le ministre, qui pourra tout de même passer une nuit apaisante (M. le ministre délégué s’en amuse.) : nous ferions entrer 6 milliards d’euros dans les caisses publiques !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Plutôt 4 milliards…
M. Pascal Savoldelli. Notre groupe voterait volontiers un tel sous-amendement ; et nous ne serions pas seuls.
Mme Émilienne Poumirol. Nous le voterions également !
M. Pascal Savoldelli. Voilà une proposition constructive, formulée dans un esprit de responsabilité. Il n’y a là ni magie ni radiophonie ! (Sourires.)
Derrière cette question, l’enjeu est celui du financement de la sécurité sociale.
En fait de choc, je garde en mémoire le moment où, à l’occasion de la réforme des retraites, on a dégainé des articles du règlement pour tuer le débat parlementaire.
M. Bruno Retailleau. Je plaide coupable… (Sourires.)
M. Pascal Savoldelli. L’amendement dont nous sommes en train de parler comptait parmi les 1 100 amendements dont le sort a été réglé en moins de deux minutes avant réécriture de l’article 7 ; et ce dernier, qui a reculé de deux ans l’âge de départ à la retraite, a été et reste un choc pour les salariés.
Je mentionne pour conclure un trou dans la raquette parmi les trous dans la raquette : je veux parler de l’emploi des seniors. Allez rencontrer des seniors, madame la rapporteure générale : ils vous diront les énormes difficultés qu’ils rencontrent. (Marques d’approbation aux bancs des ministres et de la commission.)
Voici donc une proposition constructive, mes chers collègues : votons notre amendement sous-amendé en optant pour une augmentation du taux de 0,5 point. Nous le ferons pour notre part avec enthousiasme.
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Mon cher collègue Vanlerenberghe, vous dites que 1 850 euros par an pour une petite entreprise de cinq salariés, ce n’est rien.
Or, pour payer ces 1 850 euros de cotisations, une entreprise artisanale qui dégage un bénéfice égal à 5 % de son chiffre d’affaires devra réaliser 37 000 euros de chiffre d’affaires.
Allez dire à un artisan qui emploie cinq salariés qu’il doit faire 37 000 euros de chiffre d’affaires et tâcher, s’il le peut, de dégager un bénéfice ! Les petites entreprises n’en peuvent plus… (Mme Monique Lubin proteste.)
Cela ne cesse jamais : chacun a sa petite idée et prétend qu’elle ne coûte pas cher.
Dans ma région, la présidente du conseil régional vient encore d’augmenter les prélèvements fiscaux. « C’est le coût d’un café tous les matins », dit-elle : aucun problème ! Mais faites le calcul à la fin de l’année… Et l’intercommunalité du coin fait pareil, l’État ne se prive pas, etc. (M. le ministre délégué s’exclame.)
Mme Monique Lubin. Ce raisonnement est absurde…
M. Alain Joyandet. Les entreprises n’en peuvent plus et les salariés non plus ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Quand j’ai commencé à travailler, on nous prélevait 7 % sur notre salaire brut. Désormais, on prend 25 % aux salariés : c’est comme si, tous les quatre mois, on les privait de salaire.
Aux entreprises auxquelles on a prêté de l’argent après leur avoir interdit de travailler pendant la crise du covid-19, on demande maintenant de rembourser. Elles remboursent, mais elles avaient déjà des dettes auparavant et on les a privées de 100 % de leur chiffre d’affaires !
Arrêtez donc avec toutes ces initiatives ! Chacun y va de la sienne. Bien sûr, prises une par une, ces dispositions ne coûtent pas cher ; mais c’est l’histoire du millefeuille ! Au bout du compte, que devient le pouvoir d’achat des salariés ?
Taxons donc les gros bénéfices, me direz-vous. Voilà la solution au problème ! En réalité, notre seul problème est que la France est la championne d’Europe, bientôt du monde, des prélèvements sociaux,…
Mme Annie Le Houerou. C’était avant, ça !
M. Alain Joyandet. … alors même que nos services publics sont aux abonnés absents.
Essayons tous de faire des progrès en matière de gestion. Baissons les taxes, baissons les impôts. Cherchons des idées pour améliorer notre productivité. Arrêtons de créer chaque jour de nouveaux impôts, taxes et prélèvements. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Duffourg applaudit également. – Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. L’amendement n° 67 rectifié ter, présenté par Mmes Perrot et Antoine, MM. Bonnecarrère, J.M. Arnaud, Bleunven, Bonneau, Canévet, Capo-Canellas, Cigolotti et Courtial, Mme de La Provôté, MM. Duffourg, Folliot et Henno, Mme Jacquemet, MM. Kern, Longeot, Maurey et Menonville, Mmes Morin-Desailly, O. Richard, Romagny, Saint-Pé et Vermeillet et M. Delcros, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la section 3 du chapitre IV du titre II du livre II du code monétaire et financier, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section…
« Le plan d’épargne retraite couple solidaire
« Sous-section 1
« Dispositions communes
« Art. L. 224-39-1. – Les conjoints, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité peuvent verser des sommes dans un plan d’épargne retraite couple solidaire. Le plan a pour objet l’acquisition et la jouissance de droits viagers personnels ou le versement d’un capital, payables aux titulaires à compter, au plus tôt, de la date de la première liquidation de pension dans un régime obligatoire d’assurance vieillesse ou de l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale. Ces droits viagers personnels ou le versement des capitaux sont répartis de manière inversement proportionnelle aux sommes versées. La part versée au titulaire ayant le moins contribué au plan ne peut être inférieure à cinquante-et-un centièmes et ne peut pas excéder quatre-vingts centièmes.
« Le plan d’épargne retraite couple solidaire donne lieu à l’ouverture d’un compte-titres. Il est ouvert auprès d’un établissement de crédit ou d’une entreprise d’investissement. Le plan ne peut pas avoir plus de deux titulaires. Le plan d’épargne retraite individuel donnant lieu à l’ouverture d’un compte-titres est ouvert par l’intermédiaire d’un prestataire agréé pour exercer l’activité de conseil en investissement mentionnée au 5 de l’article L. 321-1 du présent code.
« Le plan peut donner lieu à l’ouverture d’un compte en espèce associé au compte-titres.
« Le plan prévoit la possibilité pour chaque titulaire, dans les conditions de répartition visées au premier alinéa, d’acquérir une rente viagère à l’échéance prévue au premier alinéa du présent article, ainsi qu’une option de réversion de cette rente au profit d’un bénéficiaire en cas de décès du titulaire. En cas de décès d’un des titulaires avant la première liquidation du plan, l’ensemble des droits restants sont rendus disponibles au bénéfice du titulaire survivant et sont transférables vers tout autre plan d’épargne retraite. Le transfert des droits n’emporte pas modification des conditions de leur rachat ou de leur liquidation prévues à la présente sous-section.
« Les frais encourus à l’occasion d’un tel transfert ne peuvent excéder 1 % des droits acquis. Ils sont nuls à l’issue d’une période de cinq ans à compter du premier versement dans le plan, ou lorsque le transfert intervient à compter de l’échéance mentionnée au premier alinéa.
« Les dispositions prévues aux articles L. 224-28 à L. 224-30 sont applicables.
« Sous-section 2
« Composition et gestion
« Art. L. 224-39-2. – Les versements dans un plan d’épargne retraite ayant donné lieu à l’ouverture d’un compte-titres sont affectés à l’acquisition de titres financiers offrant une protection suffisante de l’épargne investie et figurant sur une liste fixée par voie réglementaire, en prenant en considération les modalités de gestion financière du plan.
« Sauf décision contraire et expresse des titulaires, les versements sont affectés selon une allocation de l’épargne permettant de réduire progressivement les risques financiers pour les titulaires, dans des conditions fixées par décret. Il est proposé aux titulaires au moins une autre allocation d’actifs correspondant à un profil d’investissement différent, une allocation permettant l’acquisition de parts de fonds investis, dans les limites prévues à l’article L. 214-164 du présent code, dans les entreprises solidaires d’utilité sociale au sens de l’article L. 3332-17-1 du code du travail.
« Les allocations permettant de réduire progressivement les risques financiers correspondent à des profils d’investissement adaptés à un horizon de long terme. La qualification de ces profils tient compte du niveau d’exposition aux risques financiers et de l’espérance de rendement pour le titulaire, dans des conditions précisées par un arrêté du ministre chargé de l’économie.
« Les conditions de partage ou d’affectation aux plans d’épargne retraite des rétrocessions de commissions perçues au titre de leur gestion financière sont fixées par voie réglementaire.
« Sous-section 3
« Disponibilité de l’épargne
« Art. L. 224-39-3. – I. – Les droits constitués par un titulaire dans le cadre du plan d’épargne retraite couple solidaire peuvent être, à sa demande, liquidés ou rachetés avant l’échéance mentionnée à l’article L. 224-39-1 dans les seuls cas suivants :
« 1° L’invalidité du titulaire, de ses enfants, de son conjoint ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité. Cette invalidité s’apprécie au sens des 2° et 3° de l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale ;
« 2° La situation de surendettement du titulaire, au sens de l’article L. 711-1 du code de la consommation ;
« 3° L’expiration des droits à l’assurance chômage du titulaire, ou le fait pour le titulaire d’un plan qui a exercé des fonctions d’administrateur, de membre du directoire ou de membre du conseil de surveillance et n’a pas liquidé sa pension dans un régime obligatoire d’assurance vieillesse de ne pas être titulaire d’un contrat de travail ou d’un mandat social depuis deux ans au moins à compter du non-renouvellement de son mandat social ou de sa révocation ;
« 4° La cessation d’activité non salariée du titulaire à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire en application du titre IV du livre VI du code de commerce ou toute situation justifiant ce retrait ou ce rachat selon le président du tribunal de commerce auprès duquel est instituée une procédure de conciliation mentionnée à l’article L. 611-4 du même code, qui en effectue la demande avec l’accord du titulaire ;
« 5° L’affectation des sommes épargnées à l’acquisition de la résidence principale. Les droits correspondants aux sommes mentionnées au 3° de l’article L. 224-2 du présent code ne peuvent être liquidés ou rachetés pour ce motif.
« II. – Le décès des titulaires avant l’échéance mentionnée à l’article L. 224-1 entraîne la clôture du plan.
« Art. L. 224-39-4. – À l’échéance mentionnée à l’article L. 224-39-1 :
« 1° Les droits correspondant aux sommes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 224-39-1 sont délivrés sous la forme d’une rente viagère ;
« 2° Les droits correspondant aux autres versements sont délivrés, au choix du titulaire, sous la forme d’un capital, libéré en une fois ou de manière fractionnée, ou d’une rente viagère, sauf lorsque le titulaire a opté expressément et irrévocablement pour la liquidation de tout ou partie de ses droits en rente viagère à compter de l’ouverture du plan.
« Sous-section 4
« Information des titulaires
« Art. L. 224-39-5. – Les titulaires bénéficient d’une information régulière sur leurs droits, dans des conditions fixées par voie réglementaire, s’agissant notamment de la valeur des droits en cours de constitution et des modalités de leur transfert vers un autre plan d’épargne retraite.
« Les titulaires d’un plan d’épargne retraite bénéficient d’une information détaillée précisant, pour chaque actif du plan, la performance brute de frais, la performance nette de frais et les frais prélevés, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de l’économie. Cette information, qui mentionne notamment les éventuelles rétrocessions de commission perçues au titre de la gestion financière des plans, est fournie avant l’ouverture du plan puis actualisée annuellement.
« Art. L. 224-39-6. – Toute personne bénéficie gratuitement d’informations relatives aux produits d’épargne retraite auxquels elle a souscrit au cours de sa vie. Le service en ligne mentionné au III de l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale donne accès à tout moment à ces informations. Il est créé un répertoire consacré à la gestion de ces informations, qui sont mises à disposition par les gestionnaires dans les conditions prévues à l’article L. 132-9-6 du code des assurances, à l’article L. 223-10-5 du code de la mutualité et à l’article L. 312-21-1 du présent code. Ces informations peuvent comprendre les références et la nature des produits ainsi que la désignation et les coordonnées des gestionnaires des contrats.
« Les informations mentionnées au premier alinéa du présent article ne peuvent figurer au sein du relevé de situation personnelle prévu au III de l’article L. 161-17 dudit code. Lors de la mise à disposition des informations, le service en ligne mentionné au même III indique de manière claire au souscripteur que les produits dont l’existence lui est notifiée en vertu du premier alinéa du présent article ne relèvent pas de régimes de retraite légalement obligatoires.
« Dans le cas où le traitement des informations transmises par les gestionnaires au groupement mentionné au premier alinéa de l’article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale ne permet pas de déterminer avec certitude l’identité du souscripteur d’un produit d’épargne retraite et si plusieurs souscripteurs potentiels ont pu être identifiés pour ce même produit, le groupement précité peut notifier aux souscripteurs potentiels l’existence de droits éventuels constitués en leur faveur au titre de l’épargne retraite. Cette notification s’effectue au moyen du service en ligne mentionné au III de l’article L. 161-17 du même code.
« Les gestionnaires assurent le financement des moyens nécessaires au développement, au fonctionnement et à la publicité des dispositions prévues au présent article, dans les conditions prévues par une convention conclue entre le groupement mentionné au premier alinéa de l’article L. 161-17-1 dudit code et les représentants professionnels de ces gestionnaires. Cette convention précise également la nature des informations adressées au groupement ainsi que les modalités d’échange avec les gestionnaires.
« Le groupement mentionné au même premier alinéa peut notifier périodiquement aux gestionnaires le succès ou l’échec d’identification du souscripteur ainsi que l’accès de celui-ci au service en ligne mentionné au III de l’article L. 161-17 du même code au cours des douze derniers mois. Cette notification peut s’effectuer au moyen du répertoire mentionné au premier alinéa du présent article. Il n’est pas autorisé à communiquer d’autres informations concernant le souscripteur identifié.
« Les gestionnaires concernés par le présent article sont les entreprises d’assurance, les mutuelles ou unions, les institutions de prévoyance ou unions, les organismes de retraite professionnelle supplémentaire, les établissements de crédit, les entreprises d’investissement ou les établissements habilités pour les activités de conservation ou d’administration d’instruments financiers.
« Un décret en Conseil d’État définit la liste des produits d’épargne retraite concernés, outre les produits mentionnés à l’article L. 224-1 et L. 224-40 du présent code. »
II. – Après le 5° ter de l’article 157 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
«…° Les capitaux et rentes viagères prévus à l’article L. 224-39-1 du code monétaire et financier ; ».
III. – Au 11° de l’article L. 136-1-2 du code de la sécurité sociale, après la référence : « L. 224-1 », sont insérés les mots : « ou L. 224-39-1 ».
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État des I à III est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. L’égalité salariale entre les hommes et les femmes n’est toujours pas réalisée dans notre pays ; cela est particulièrement vrai pour ce qui est des droits à la retraite.
C’est pourquoi notre collègue Évelyne Perrot a imaginé un dispositif de plan d’épargne retraite couple solidaire.
Il s’agit d’offrir aux membres d’un couple la possibilité de cotiser à un plan d’épargne retraite et de bénéficier ensuite de façon inversée des rentes provenant de ce plan.
Ce dispositif n’alourdit nullement les charges des entreprises et permet de rétablir une certaine égalité salariale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à instaurer un plan d’épargne couple solidaire, qui donnerait droit à la jouissance de droits viagers personnels ou au versement d’un capital payable lors de la retraite. Les prestations de retraite seraient, bien entendu, exonérées de CSG.
La particularité de ce plan est que ces droits viagers personnels ou le versement des capitaux sont répartis de manière inversement proportionnelle aux sommes versées. De cette façon, on obtiendrait l’égalité.
Selon l’objet de l’amendement, il s’agit de remédier à une situation dans laquelle, en raison de carrières plus souvent hachées du fait du temps consacré à la famille, les pensions des femmes sont souvent inférieures aux pensions des hommes. Les carrières des femmes sont en général moins dynamiques et leurs pensions sont moindres.
Ce dispositif est original et nous n’avons pas eu le temps de l’expertiser pleinement. S’agissant d’une exonération de CSG, son rattachement au PLFSS est certes juridiquement possible ; il n’en est pas moins quelque peu artificiel.
D’une manière générale, la commission n’est pas favorable à la multiplication des niches sociales. Nous demandons néanmoins l’avis du Gouvernement. (Ah ! sur plusieurs travées.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous proposez la création d’un plan d’épargne retraite couple solidaire ; mais votre demande est satisfaite.
En effet, le plan d’épargne retraite permet déjà d’activer une option de réversion en cas de décès du titulaire. Cette option est d’ailleurs plus large que celle que vous proposez, car l’identité du bénéficiaire peut être fixée librement.
Le marché offre déjà ce type de solutions financières, assorties de niveaux de réversion variables : la réversion peut même excéder 100 % afin de prendre en compte les cas où la différence de revenus est élevée entre les conjoints – et c’est précisément la volonté de compenser de telles différences qui motive la présentation de cet amendement.
Pour ces raisons, le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Monsieur Canévet, l’amendement n° 67 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Michel Canévet. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1332 rectifié, présenté par MM. Patient et Buis, Mme Duranton, MM. Lemoyne, Omar Oili et Rambaud, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard un an après la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à l’application du barème innovation et croissance du régime prévu à l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Cet amendement déposé par mon collègue Georges Patient a été travaillé avec la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom).
Principal instrument d’intervention en faveur de la baisse du coût du travail dans nos économies, avec plus de 1,4 milliard d’euros d’aides, le régime spécifique d’exonération de charges sociales patronales applicable aux entreprises ultramarines dit Lodéom, du nom de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, a été profondément remanié à compter du 1er janvier 2019 consécutivement à la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).
Le présent amendement tend à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport qui serait un outil structurant en prévision de la prochaine évaluation du régime.
En effet, certains paramètres du régime Lodéom d’exonération de cotisations sociales patronales doivent être réexaminés pour permettre d’y inclure plus largement les salaires intermédiaires, en particulier dans certains secteurs structurants, innovants et exportateurs de nos économies ultramarines. Il est nécessaire en particulier de limiter les effets de « trappe à bas salaires » induits par le régime actuel.
Il s’agit tout particulièrement de revoir le barème dit innovation et croissance, qui permet un allégement dégressif des cotisations sociales patronales jusqu’à 3,5 Smic dans les secteurs de la recherche et développement et des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).
L’appréciation arbitraire des critères à remplir pour bénéficier de ce dispositif, tels qu’ils sont fixés par les dispositions réglementaires en vigueur, rend le régime, en pratique, relativement inaccessible. Qu’est-ce qu’un « projet innovant dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC) » ? Selon quel périmètre la notion de « salariés principalement occupés à la réalisation » de tels projets doit-elle être entendue ?
En l’absence de ressources expertes à sa disposition, la caisse générale de sécurité sociale s’estime en effet peu outillée pour juger de ces situations : caractéristiques et durabilité de la dimension innovante, lien ou non avec le dépôt de brevets, rapport direct ou dérivé aux TIC.
Du fait de cette imprécision, de nombreuses entreprises potentiellement bénéficiaires ne sollicitent pas ce dispositif.
M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.
M. Dominique Théophile. En l’état, la réforme mise en œuvre en 2019 par le Gouvernement ne permet pas de répondre à l’enjeu de la création d’emplois hautement qualifiés dans les outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, il nous faut évaluer le dispositif Lodéom dans toutes ses composantes, y compris celle sur laquelle vous venez d’insister : avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 1055 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, M. Sautarel, Mme Micouleau, MM. Khalifé et Paccaud, Mmes Belrhiti, Petrus et Gosselin et MM. Tabarot, Cadec, Genet, H. Leroy, Longeot et Panunzi, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur l’application de l’article 28-3 de l’ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique, à l’assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte, modifiée respectivement par l’article 8 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014. Ce rapport présente de manière détaillée le financement de la sécurité sociale à Mayotte, notamment concernant l’évolution du taux de contribution et l’opportunité d’une accélération.
M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé.
M. Khalifé Khalifé. L’objet de cet amendement est d’obtenir au plus vite la remise d’un rapport sur l’évolution du mode de financement de la sécurité sociale à Mayotte et d’acter la convergence des droits sociaux de ce territoire, qui en a bien besoin, avec ceux des autres territoires de la République.
Le rapport attendu contiendra notamment une présentation détaillée de l’évolution du taux de contribution et des recommandations quant à l’opportunité d’une accélération de cette convergence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L’avis de la commission est défavorable sur toute demande de rapport.
Je rappelle que, l’année dernière, plusieurs demandes de rapport avaient été malgré tout votées par le Sénat et qu’à ce jour aucun de ces rapports n’a été remis. (Mme Raymonde Poncet Monge s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Dossus. Où sont les rapports ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1055 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 1218 rectifié, présenté par MM. Lurel et Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche et Chantrel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Michau, Mme Bonnefoy, M. Ouizille, Mme Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Montaugé, Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou et Gillé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à l’application des régimes prévus aux articles L. 752-3-2, L. 752-3-3 et D.752-7 du code de la sécurité sociale aux exploitations hôtelières de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion.
La parole est à Mme Karine Daniel.
Mme Karine Daniel. Il s’agit là encore d’une demande de rapport ; de telles demandes nous permettent en effet de mettre en lumière certains sujets et certains problèmes qu’il convient de traiter.
En l’occurrence, nous souhaitons qu’un travail spécifique soit mené sur la question des désavantages compétitifs du secteur hôtelier dans les départements et régions d’outre-mer (Drom), singulièrement en Martinique, à La Réunion et en Guadeloupe.
On a observé ces dernières années une baisse de la compétitivité des structures hôtelières aux Antilles et une diminution corollaire du nombre de chambres mises sur le marché, qui est de 45 % en Martinique et de 38 % en Guadeloupe. Ces chiffres témoignent d’un désintérêt pour l’accueil des touristes qui est notamment la conséquence d’une dégradation du parc hôtelier. Le sous-investissement qui en est la cause est lui-même probablement lié aux coûts de rénovation des bâtiments qui, dans ces régions, sont assez élevés.
Cet amendement, qui a été rédigé avec la Fédération des entreprises des outre-mer, a pour objet d’améliorer la connaissance, l’analyse et la prise en compte de cette question ; il y va d’un secteur stratégique pour les régions et départements concernés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet amendement est satisfait, dans la mesure où j’ai pris l’engagement de procéder à l’évaluation du dispositif Lodéom.
Je demande donc à ses auteurs de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1218 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 10 bis (nouveau)
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 722-5 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du 3° du I, les mots : « met en valeur une exploitation ou une entreprise agricole dont l’importance est supérieure au minimum prévu à l’article L. 731-23 et qu’elle » sont supprimés ;
b) Le III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans le cas où l’activité minimale est appréciée selon la condition prévue au 3° du même I, seuls les membres ou associés qui remplissent cette condition sont considérés comme chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole. » ;
2° Au début de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 731-23, les mots : « Sous réserve du 3° du I de l’article L. 722-5, » sont supprimés.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Je voudrais profiter de l’examen de l’article 10 bis, qui prévoit l’affiliation au régime des non-salariés agricoles des exploitants de petites surfaces, pour évoquer la question des retraites de nos agriculteurs.
L’adoption par le Parlement des lois Chassaigne – loi du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer et loi du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles les plus faibles – a permis de revaloriser la retraite minimale des agriculteurs, à hauteur de 85 % du Smic, ainsi que celle de leurs conjoints exploitants, mais il reste des angles morts dans le dispositif. Je sais que mon collègue député André Chassaigne y travaille déjà.
En attendant, comme d’autres parmi vous, mes chers collègues – je n’en doute pas –, j’ai été sollicitée par une organisation syndicale de mon département, l’antenne locale de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), pour ne pas la citer, qui m’a alertée sur le fait que la réforme des retraites cantonne à un minimum de 747 euros par mois les pensions des conjoints retraités ayant une carrière incomplète. Seuls les futurs retraités agricoles auront droit, en effet, à un coup de pouce de 100 euros mensuels.
À la même occasion, j’ai été alertée quant à la nécessité que le minimum de 85 % du Smic concerne non seulement tous les futurs retraités agricoles ayant effectué une carrière complète, mais aussi les membres de leur famille dont les carrières sont incomplètes.
Enfin, il est anormal que le Smic pris pour référence dans le calcul du minimum de retraite ne soit pas le même pour un chef d’exploitation et pour un salarié : la référence à un Smic agricole aboutit à un montant inférieur d’une dizaine d’euros par mois, qui n’a pas lieu d’être.
Il me semble que ces sujets devraient faire l’objet de toute notre attention comme de celle du Gouvernement : nous devons nous y pencher afin de trouver des solutions favorables à nos agriculteurs.
M. le président. L’amendement n° 231, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
…) Le III est ainsi rédigé :
« III. – En cas de coexploitation ou d’exploitation sous forme sociétaire, les membres ou associés participant aux travaux sont considérés comme chef d’exploitation ou d’entreprise agricole si l’activité minimale de l’exploitation ou de l’entreprise agricole est égale à celle fixée aux 1° ou 2° du I.
« Dans le cas où l’activité minimale est appréciée selon la condition prévue au 3° du même I, seuls les membres ou associés qui remplissent cette condition sont considérés comme chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole. » ;
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement de précision, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Je profite de cette occasion pour vous poser une question, monsieur le ministre, relative à la proposition de loi, adoptée par le Sénat et par l’Assemblée nationale, visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses.
Le Gouvernement devait remettre au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport précisant les modalités de mise en œuvre de cette réforme, préalable indispensable au travail de développement informatique qui devra être réalisé par la Mutualité sociale agricole (MSA).
Or voilà déjà neuf mois que la loi a été promulguée ! La MSA et les instances agricoles attendent ce rapport ; elles pensaient le recevoir avant le 31 décembre, c’est-à-dire demain…
Pourriez-vous, monsieur le ministre, faire passer le message à votre collègue du Gouvernement ? Ce rapport est vraiment très attendu sur le terrain et dans le milieu agricole.
Mme Nathalie Delattre. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’article 10 bis, modifié.
(L’article 10 bis est adopté.)
Article 10 ter (nouveau)
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 131-6 est ainsi modifié :
a) Les I à IV et le premier alinéa du V sont remplacés par un I ainsi rédigé :
« I. – Les cotisations de sécurité sociale dues par les travailleurs indépendants non agricoles ne relevant pas du dispositif prévu à l’article L. 613-7 sont assises sur l’assiette définie à l’article L. 136-3. En sont toutefois déduites les sommes mentionnées aux articles L. 3312-4, L. 3324-5 et L. 3332-27 du code du travail qui leur sont versées.
« Cette assiette inclut également le montant des revenus de remplacement sans lien avec une affection de longue durée, au sens des 3° et 4° de l’article L. 160-14 du présent code, qui leur sont versés :
« 1° À l’occasion de la maladie, de la maternité, de la paternité et de l’accueil de l’enfant au titre des contrats mentionnés aux deux derniers alinéas du I de l’article 154 bis du code général des impôts ;
« 2° Par les organismes de sécurité sociale. » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– au début, est ajoutée la mention : « II. – » ;
– à la première phrase, les mots : « revenus énumérés aux II et III » sont remplacés par les mots : « éléments énumérés à l’article L. 136-3 et au I » et les mots : « calculé selon les modalités fixées au premier alinéa du présent V » sont remplacés par les mots : « et de contributions sociales dues selon les règles fixées à l’article L. 136-3 et au I du présent article » ;
2° L’article L. 131-6-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « du revenu d’activité de » sont remplacés par les mots : « de l’assiette de cotisations prévue à l’article L. 131-6 pour » ;
b) À la deuxième phrase du même deuxième alinéa, les mots : « d’un revenu forfaitaire fixé » sont remplacés par les mots : « d’une assiette forfaitaire fixée » ;
c) À la dernière phrase du deuxième alinéa et au troisième alinéa, les mots : « le revenu d’activité de » sont remplacés par les mots : « les éléments énumérés à l’article L. 136-3 et au I de l’article L. 131-6 sont définitivement connus pour », les mots : « est définitivement connu » sont supprimés et, à la fin, les mots : « ce revenu » sont remplacés par les mots : « l’assiette résultant de ces éléments en application de l’article L. 136-3 et du I de l’article L. 131-6 » ;
d) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « du revenu estimé de » sont remplacés par les mots : « de l’assiette de cotisations estimée pour » ;
3° Le II de l’article L. 131-6-4 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « le revenu ou la rémunération est inférieur ou égal » sont remplacés par les mots : « l’assiette des cotisations mentionnées au I est inférieure ou égale » ;
– à la seconde phrase, les mots : « de revenu ou de rémunération » sont remplacés par les mots : « d’assiette » et les mots : « le revenu ou la rémunération est égal » sont remplacés par les mots : « l’assiette est égale » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la deuxième phrase, les mots : « le revenu pris » sont remplacés par les mots : « l’assiette prise » et les mots : « du revenu » sont remplacés par les mots : « de l’assiette, prévue à l’article L. 131-6, » ;
– à la dernière phrase, les mots : « du revenu » sont remplacés par les mots : « de l’assiette » ;
4° L’article L. 131-9 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « revenus d’activité et de remplacement perçus par les » sont supprimés ;
b) À la fin de la deuxième phrase, les mots : « de leurs revenus d’activité définis aux articles L. 131-6 et L. 242-1 et de leurs revenus de remplacement qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu » sont remplacés par les mots : « des sommes entrant dans le champ des assiettes de cotisations définies aux articles L. 131-2, L. 131-6 et L. 242-1 et qui ne sont pas assujetties à la contribution mentionnée à l’article L. 136-1 » ;
5° Le 4° du II de l’article L. 136-1-1 est abrogé ;
6° L’article L. 136-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 136-3. – I. – La contribution due par les travailleurs indépendants au titre des activités mentionnées aux 1° et 2° du présent I autres que celles relevant des articles 50-0 ou 102 ter du code général des impôts, est assise, sous réserve du III du présent article :
« 1° Au titre des activités mentionnées au premier alinéa de l’article 34 et à l’article 35 du code général des impôts, sur le montant, hors plus-values et moins-values de long terme, des produits tirés de ces mêmes activités, diminué du montant des charges que l’acquisition de ces produits nécessitent, tels que ces éléments résultent des articles 36 à 40 du même code, autres que celles, précisées par décret en Conseil d’État, permettant des déductions ou des provisions exceptionnelles ou l’étalement ou le report de parties des bénéfices ou des plus-values ;
« 2° Au titre des activités mentionnées à l’article 92 dudit code, sur le montant, hors plus-values et moins-values de long terme, des recettes perçues ou de celles acquises en cas d’exercice de l’option mentionnée à l’article 93 A du même code, au cours de l’année, diminué du montant des dépenses exposées ou de celles engagées en cas d’exercice de la même option, au cours de l’année, pour l’acquisition de ces recettes, tels que ces éléments résultent du 1 de l’article 93 et des I et III de l’article 93 quater du même code.
« En cas d’exercice en société, ces montants sont retenus en proportion des droits aux bénéfices dans la société dont disposent ces travailleurs indépendants, au sens de l’article 8 du même code, et à hauteur des rémunérations et des avantages personnels non déductibles des résultats de la société qu’ils ont perçus.
« II. – Par dérogation au I du présent article, la contribution due au titre des activités donnant lieu à assujettissement à l’impôt sur les sociétés est assise, sous réserve du III :
« 1° Sur les sommes ainsi que sur les avantages et accessoires en nature ou en argent qui y sont associés perçus par les travailleurs indépendants pour l’exercice de leurs fonctions ;
« 2° Sur la part des dividendes et des revenus mentionnés aux a et b de l’article 111, à l’article 111 bis et au 4° de l’article 124 du code général des impôts perçus par les travailleurs indépendants, leurs conjoints ou les partenaires auxquels ils sont liés par un pacte civil de solidarité ou leurs enfants mineurs non émancipés qui est supérieure à 10 % d’un montant de référence constitué du capital social, primes d’émission incluses, détenu en toute propriété ou en usufruit par ces mêmes personnes et des sommes inscrites dans leurs comptes courants d’associés. Par dérogation, pour les entrepreneurs individuels, ce montant de référence est égal au montant net défini au I du présent article ou, lorsque ces travailleurs indépendants font application de la section 2 du chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce et que montant est supérieur, à la valeur des biens du patrimoine affecté constaté en fin d’exercice.
« III. – L’assiette résultant de l’application des I et II du présent article fait l’objet d’un abattement de 26 %. Toutefois, cet abattement ne peut être ni inférieur à un montant plancher, fixé par décret, qui ne peut dépasser le montant mentionné à la dernière phrase de l’article L. 633-1 du présent code, ni supérieur à un montant plafond fixé, également par décret, à une valeur au moins égale au plafond annuel mentionné à l’article L. 241-3.
« IV. – La contribution due par les travailleurs indépendants au titre des activités relevant des articles 50-0 ou 102 ter du code général des impôts pour lesquelles les dispositions mentionnées à l’article L. 613-7 du présent code ne sont pas applicables est assise sur le montant des bénéfices déterminés aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts. » ;
7° L’article L. 136-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 136-4. – I. – A. – La contribution due, au titre des activités mentionnées à l’article 63 du code général des impôts, par les travailleurs indépendants agricoles autres que ceux relevant des articles 64 bis et 76 du même code est assise, sous réserve du III du présent article, sur le montant, hors plus-values et moins-values de long terme, des produits tirés de ces mêmes activités, diminué du montant des charges que l’acquisition de ces produits nécessitent, tels que ces éléments résultent, sous réserve des adaptations mentionnées aux articles 72 à 73 E du même code autres que celles, précisées par décret en Conseil d’État, permettant des déductions ou des provisions exceptionnelles ou l’étalement ou le report de parties des bénéfices ou des plus-values et sous réserve de l’application de l’article 75-0 A du même code et des dispositions énumérées au 1° du I de l’article L. 136-3 du présent code.
« Sont exclus des produits mentionnés au premier alinéa du présent A :
« 1° La dotation d’installation en capital accordée aux jeunes agriculteurs ;
« 2° La différence entre l’indemnité versée en compensation de l’abattage total ou partiel de troupeaux en application des articles L. 221-2 ou L. 234-4 du code rural et de la pêche maritime et la valeur en stock ou en compte d’achats des animaux abattus.
« B. – Les travailleurs indépendants agricoles sont autorisés, sur option, à déduire des montants mentionnés au présent I la part du revenu cadastral des terres qui sont mises en valeur par leur exploitation ou leur entreprise et dont ces dernières sont propriétaires excédant un abattement égal à 4 % de ces montants, minorés de ce revenu cadastral et multipliés par la part de ce dernier dans le revenu cadastral de l’ensemble des terres mises en valeur par l’exploitation ou l’entreprise, que ces dernières en soient propriétaires ou non. Cet abattement ne peut être inférieur à un montant fixé par décret.
« Un décret détermine les conditions dans lesquelles cette option est exercée et sa durée de validité.
« En cas d’exercice de cette option, les montants mentionnés au présent I sont majorés des revenus issus de la location par le travailleur indépendant agricole des terres, des biens immobiliers à utilisation agricole et des biens mobiliers qui leur sont attachés lorsque ces terres et ces biens sont mis à la disposition d’une exploitation ou d’une entreprise agricole aux travaux de laquelle il participe effectivement.
« C. – En cas d’exercice en société ou de coexploitation, les montants mentionnés au présent I sont retenus en proportion des droits aux bénéfices dont disposent ces travailleurs indépendants au sein de l’ensemble des associés ou coexploitants.
« L’assiette du travailleur indépendant agricole est majorée des montants, appréciés en application du premier alinéa du présent C, attribuables à son conjoint, au partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou à ses enfants mineurs non émancipés, lorsqu’ils sont associés non exploitants de la société, et qui excédent 10 % du montant de référence mentionné à la première phrase du 2° du II de l’article L. 136-3.
« II. – Le II de l’article L. 136-3 est applicable aux travailleurs indépendants agricoles mentionnés au I du présent article.
« III. – L’assiette résultant de l’application des I et II du présent article fait l’objet d’un abattement calculé selon les règles mentionnées au III de l’article L. 136-3.
« IV. – La contribution due, au titre des activités mentionnées au A du I du présent article, par les travailleurs indépendants agricoles relevant des articles 64 bis et 76 du code général des impôts est assise sur le montant des bénéfices déterminés aux mêmes articles 64 bis et 76, sous réserve de l’exclusion du montant des recettes des sommes mentionnées aux 1° et 2° du A du I du présent article et sous réserve de l’application, le cas échéant, des B et C du même I. » ;
8° Le troisième alinéa de l’article L. 136-5 est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Le premier alinéa de l’article L. 731-14 et les articles L. 731-15, L. 731-16, L. 731-22 et L. 731-23 du code rural et de la pêche maritime sont applicables à l’établissement de la contribution due par les personnes affiliées au régime de sécurité sociale des non-salariés des professions agricoles. » ;
b) Le début de la première phrase est ainsi rédigé : « Elle est recouvrée et contrôlée par… (le reste sans changement). » ;
9° Au 2° bis du I de l’article L. 213-1, après le mot : « psychologues, », sont insérés les mots : « psychomotriciens, » ;
10° L’article L. 621-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 621-1. – Les travailleurs indépendants mentionnés à l’article L. 611-1 sont redevables, au titre de la protection universelle maladie et de la couverture d’assurance maternité dont ils bénéficient, d’une cotisation dont le taux est fixé par décret. » ;
11° L’article L. 621-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 621-2. – Les travailleurs indépendants bénéficiant du droit aux prestations en espèces mentionnées à l’article L. 622-1 sont redevables de cotisations supplémentaires calculées sur l’assiette de cotisations prévue à l’article L. 131-6, retenue dans la limite de plafonds.
« Le taux et le plafond applicables pour le calcul de ces cotisations, selon qu’elles sont dues par les travailleurs indépendants mentionnés à l’article L. 631-1 ou par ceux mentionnés à l’article L. 640-1, sont fixés par décret. Pour les travailleurs indépendants mentionnés à l’article L. 640-1, ce décret est pris sur proposition du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales.
« Pour les travailleurs indépendants qui ne relèvent pas du dispositif prévu à l’article L. 613-7 et dont les revenus sont inférieurs à un montant fixé par décret, ces cotisations sont calculées sur la base de ce dernier montant. » ;
12° Le I de l’article L. 621-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « les revenus d’activité sont inférieurs à 1,1 fois la valeur du plafond mentionné au premier alinéa de l’article L. 241-3 » sont remplacés par les mots : « l’assiette de cotisations, calculée en application de l’article L. 131-6, est inférieure à un montant fixé par décret » ;
b) Le second alinéa est supprimé.
II. – Le livre VII du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 718-2-1, les mots : « des revenus professionnels » sont remplacés par les mots : « de l’assiette déterminée à l’article L. 731-15 du présent code » et le mot : « déterminés » est remplacé par le mot : « déterminée » ;
2° Le 3° du I de l’article L. 722-5 est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, les mots : « Le revenu professionnel de la personne est au moins égal » sont remplacés par les mots : « L’assiette déterminée en application des articles L. 731-15 et L. 731-23 de la personne est au moins égale » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « le revenu professionnel diminue mais reste au moins supérieur » sont remplacés par les mots : « l’assiette diminue mais reste au moins supérieure » ;
3° Au second alinéa de l’article L. 722-6, les mots : « les revenus professionnels sont au moins égaux » sont remplacés par les mots : « l’assiette déterminée à l’article L. 731-15 est au moins égale » ;
4° La seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 722-12 est ainsi rédigée : « Les revenus professionnels de l’ensemble des activités sont pris en compte dans les conditions prévues à l’article L. 731-15 pour le calcul de cette cotisation. » ;
5° À la première phrase de l’article L. 723-13-2, après les mots : « professionnel agricole », sont insérés les mots : « et d’assiette des cotisations et contributions sociales » ;
6° L’article L. 725-3-3 est abrogé ;
7° L’article L. 731-14 est ainsi rédigé :
« Art. L. 731-14. – Les cotisations de sécurité sociale dues par les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole sont assises sur l’assiette définie à l’article L. 136-4 du code de la sécurité sociale et, au titre des activités mentionnées à l’article L. 136-3 du même code dont l’exercice relève du champ défini aux articles L. 722-1 à L. 722-3 du présent code, sur l’assiette mentionnée à l’article L. 136-3 du code de la sécurité sociale.
« Cette assiette est établie après déduction des sommes mentionnées aux articles L. 3312-4, L. 3324-5 et L. 3332-27 du code du travail versées au bénéfice des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole.
« Elle inclut le montant des revenus de remplacement sans lien avec une affection de longue durée, au sens des 3° et 4° de l’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale, qui leur sont versés :
« 1° À l’occasion de la maladie, de la maternité, de la paternité et de l’accueil de l’enfant au titre des contrats mentionnés aux deux derniers alinéas du I de l’article 154 bis du code général des impôts ;
« 2° Par les organismes de sécurité sociale. » ;
8° L’article L. 731-15 est ainsi rédigé :
« Art. L. 731-15. – I. – Les cotisations des chefs d’exploitation et d’entreprise agricole sont calculées sur la moyenne des revenus professionnels déterminés en application de l’article L. 731-14 se rapportant aux trois années antérieures à celle au titre de laquelle les cotisations sont dues.
« II. – Par dérogation au I du présent article, les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole peuvent, dans des conditions fixées par décret, opter pour que leurs cotisations soient calculées sur les revenus professionnels, définis à l’article L. 731-14, se rapportant à l’année précédant celle au titre de laquelle les cotisations sont dues.
« Le décret mentionné au premier alinéa du présent II fixe notamment le délai minimal dans lequel les chefs d’exploitation ou d’entreprise doivent formuler cette option préalablement à sa prise d’effet, sa durée minimale de validité et les conditions de sa reconduction et de sa dénonciation.
« Les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole ayant dénoncé l’option ne peuvent la réexercer dans un délai de six ans. » ;
9° L’article L. 731-16 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la deuxième phrase, les mots : « premier alinéa » sont remplacés par la référence : « I » ;
– la dernière phrase est supprimée ;
b) La première phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :
– les mots : « du premier alinéa de l’article L. 731-15 ou du premier alinéa de l’article L. 731-19 » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 731-15 » ;
– à la fin, les mots : « des revenus agricoles du foyer fiscal relatifs, selon les cas, à la période visée au premier alinéa de l’article L. 731-15 ou au premier alinéa de l’article L. 731-19 » sont remplacés par les mots : « de l’assiette déterminée pour l’ensemble de l’exploitation ou de l’entreprise en application du même article L. 731-15 » ;
c) À la fin de la première phrase du troisième alinéa, les mots : « des revenus professionnels agricoles du foyer fiscal au cours de la période visée, selon le cas, au premier alinéa de l’article L. 731-15 ou au premier alinéa de l’article L. 731-19 » sont remplacés par les mots : « de l’assiette déterminée en application de l’article L. 731-15 » ;
10° À l’article L. 731-22, après le mot : « sociales », sont insérés les mots : « , dans les conditions prévues à l’article L. 731-15, » et les mots : « de l’assiette des revenus » sont remplacés par les mots : « d’une assiette » ;
11° L’article L. 731-23 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « définis à » sont remplacés par les mots : « déterminés en application de » ;
– la deuxième phrase est supprimée ;
– à la troisième phrase, au début, les mots : « Les revenus imposés au titre de l’article 64 bis du code général des impôts s’entendent des » sont remplacés par les mots : « Pour les personnes relevant de l’article 64 bis du code général des impôts, les » et le signe : « , » est remplacé par le mot : « sont » ;
– au début de la quatrième phrase, les mots : « À défaut de revenu » sont remplacés par les mots : « Lorsque l’assiette n’est pas connue » ;
– à la fin de l’avant-dernière phrase, les mots : « les revenus sont connus » sont remplacés par les mots : « l’assiette est définitivement connue » ;
b) Au début du deuxième alinéa, les mots : « Les articles L. 725-12-1 et L. 731-14-1 sont applicables » sont remplacés par les mots : « L’article L. 725-12-1 est applicable » ;
12° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 731-25, les mots : « les revenus professionnels ou sur l’assiette forfaitaire définis aux articles L. 731-14 à » sont remplacés par les mots : « l’assiette déterminée en application des articles L. 731-15, L. 731-16 et » ;
13° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 731-35, les mots : « des revenus professionnels » sont remplacés par les mots : « de l’assiette » et les mots : « ou de l’assiette forfaitaire, définies aux articles L. 731-14 à » sont remplacés par les mots : « , déterminée en application des articles L. 731-15, L. 731-16 et » ;
14° L’article L. 731-42 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « ; elles » est remplacé par le mot : « . Elles » ;
b) Au 1°, les mots : « des revenus professionnels du chef d’exploitation ou d’entreprise ou de l’assiette forfaitaire, tels qu’ils sont définis aux articles L. 731-14 à » sont remplacés par les mots : « de l’assiette déterminée en application des articles L. 731-15, L. 731-16 et » ;
c) Au 3°, les mots : « des revenus professionnels ou sur l’assiette forfaitaire définis aux articles L. 731-14 à » sont remplacés par les mots : « de l’assiette déterminée en application des articles L. 731-15, L. 731-16 et » ;
15° Au premier alinéa de l’article L. 732-59, les mots : « des revenus professionnels ou de l’assiette forfaitaire obligatoire des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole, tels que pris en compte aux articles L. 731-14 à L. 731-21 » sont remplacés par les mots : « de l’assiette déterminée en application des articles L. 731-15, L. 731-16 et L. 731-22 » ;
16° Les articles L. 731-14-1, L. 731-18, L. 731-19, L. 731-21 et L. 731-26 sont abrogés.
III. – Au septième alinéa du 8° du XVI de l’article 15 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 les mots : « à leur demande » sont remplacés par les mots : « sur demande formulée avant le 31 décembre 2023 ».
IV. – Le IV de l’article 19 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les revenus des années 2020, 2021 et 2022, les corrections que le travailleur indépendant apporte, le cas échéant, à la déclaration d’éléments qui affectent la détermination du montant des cotisations et contributions sociales dues après la date limite de dépôt de la déclaration mentionnée à l’article 170 du code général des impôts sont transmises par voie dématérialisée par le travailleur indépendant aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale. » ;
2° Après les mots : « même code », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « , dans leur rédaction résultant du I du présent article, sont applicables à compter des déclarations transmises en 2023 au titre des revenus de l’année 2022. »
V. – Au premier alinéa du C du III de l’article 12 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, après le mot : « psychologues, », il est inséré le mot : « psychomotriciens, ».
VI. – Avant le 1er mai 2024, le Gouvernement transmet à chaque organisme mentionné aux articles L. 641-1 et L. 651-1 du code de la sécurité sociale gestionnaire d’un régime d’assurance vieillesse complémentaire mentionné aux articles L. 644-1 ou L. 654-1 du même code un document évaluant les impacts financiers des I et II du présent article sur le régime d’assurance vieillesse complémentaire dont il a la charge.
Ce document précise l’impact des mêmes I et II sur les cotisations et contributions sociales dues par les assurés du régime concerné et sur la trajectoire financière de celui-ci. Il fixe le cadre dans lequel doivent évoluer les règles relatives à la détermination du montant des cotisations dues et des prestations versées dans ce régime, aux fins de garantir, sous réserve des contraintes découlant, le cas échéant, de son équilibre financier ou de l’évolution prévisible de celui-ci, la neutralité financière desdits I et II pour les assurés qui relèvent de ce régime, pris dans leur ensemble. À ce titre, le cadrage ne peut autoriser une hausse des cotisations inférieure au montant des baisses de prélèvement dont bénéficient, en application des dispositions d’application du présent article, les assurés de ce même régime pris dans leur ensemble. Ce cadre tient compte, en outre, de l’équité intergénérationnelle en son sein, selon que les assurés y ont déjà liquidé ou non leur retraite et, dans ce dernier cas, selon leur durée de cotisation dans ce régime.
À défaut de transmission, avant le 1er septembre 2024, aux ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, sur le fondement du dernier alinéa de l’article L. 641-5 du code de la sécurité sociale ou des articles L. 644-1 et L. 654-5 du même code, de propositions d’évolution des paramètres de cotisation et de prestations respectant le cadre mentionné au deuxième alinéa du présent VI, un décret fixe, pour le régime d’assurance vieillesse complémentaire concerné, le mode de calcul, les montants et les taux des cotisations et les valeurs d’achat et de service qui assurent ce respect et lui sont applicables.
VII. – Le I du présent article, à l’exception du 9°, s’applique au calcul des cotisations dues par les travailleurs indépendants non agricoles autres que ceux mentionnés à l’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2025. Le II du présent article s’applique au calcul des cotisations dues par les travailleurs indépendants agricoles au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2026.
M. le président. L’amendement n° 711 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Selon les prévisions du Gouvernement, la réforme proposée à l’article 10 ter permettrait à la majorité des travailleurs indépendants, mais non à tous, de bénéficier d’une diminution de leurs cotisations sociales et, surtout, d’une augmentation de leurs droits, notamment en matière de retraite.
La neutralité financière de la réforme fait qu’il y aura aussi, par construction, des perdants. Une étude d’impact aurait précisément permis de faire la transparence à ce sujet.
Par exemple, cette réforme entraînera mécaniquement une réduction des droits à la retraite des avocats et une fragilisation de leurs régimes de retraite de base et de retraite complémentaire. La disposition dont il est question se traduira ainsi in fine par une augmentation du montant des cotisations retraite des avocats. En outre, l’assiette de la CSG étant réduite, les cotisations maladie seront inéluctablement augmentées pour financer les pertes de recettes de l’assurance maladie.
Il convient de rappeler que le régime de retraite des avocats, géré par la Caisse nationale des barreaux français, est autonome et est fondé sur deux valeurs primordiales : la solidarité professionnelle et intergénérationnelle entre avocats, d’une part, et l’équité, qui garantit l’égalité entre les hommes et les femmes, d’autre part.
De manière unanime, les organisations représentatives de la profession, parmi lesquelles le Conseil national des barreaux, l’ordre des avocats du barreau de Paris, la Conférence des bâtonniers ou le Syndicat des avocats de France, s’opposent à cet article introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, donc sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État.
Soyons clairs : c’est pour cette dernière raison que nous déposons cet amendement. Si la réforme est nécessaire et si nous la soutenons, si nous sommes notamment pour rapprocher le régime des indépendants de celui des salariés, nous estimons néanmoins que cela commence à suffire de faire passer des réformes importantes via des amendements déposés à la va-vite, sans étude d’impact, donc sans transparence quant à leurs effets.
C’est pour cette raison que nous présentons cet amendement, et non pour défendre les perdants de la réforme !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 10 ter, qui unifie en une assiette unique les deux assiettes sociales des travailleurs indépendants.
Ces professionnels cotisent en effet sur la base d’une assiette « nette » et versent des contributions sociales calculées à partir d’une assiette « superbrute », tandis que les cotisations des salariés sont assises sur leur salaire brut. Il en résulte que les indépendants paient proportionnellement, comparé aux salariés, plus de CSG et de CRDS, contributions qui ne sont pas créatrices de droits, et moins de cotisations sociales, qui, elles, ouvrent des droits, notamment à pension de retraite et d’invalidité ainsi qu’aux indemnités journalières.
Comme il s’y était engagé lors de la réforme des retraites, le Gouvernement nous propose aujourd’hui d’harmoniser ces assiettes, en calculant les cotisations et les contributions sociales des indépendants sur une même assiette, qui se rapprocherait de celle des salariés. Concrètement, cette assiette correspondrait aux revenus professionnels, dont seraient déduits les charges et les frais professionnels autres que les prélèvements sociaux, et auxquels serait appliqué un abattement de 26 % représentatif d’une partie des cotisations sociales.
Par conséquent, l’assiette de cotisation des indépendants serait élargie, dans la mesure où elle intégrerait désormais une partie des cotisations ainsi que les contributions sociales, tandis que l’assiette de CSG-CRDS se trouverait réduite, car elle n’inclurait plus qu’une partie, et non la totalité, des cotisations.
En d’autres termes, les indépendants verseront moins de CSG et de CRDS et davantage de cotisations. Dès lors, ils acquerront davantage de droits sociaux, notamment au titre de l’assurance vieillesse et de la retraite complémentaire. Je vous assure, mes chers collègues, que cela correspond à une demande très ancienne de leur part.
Je regrette moi aussi que le Gouvernement ait introduit cette réforme importante par voie d’amendement, sans étude d’impact et sans apporter au Parlement de précisions concernant son coût.
J’indique que je n’ai reçu que ce matin, j’y insiste, les précisions que j’avais demandées au Gouvernement sur ce sujet.
D’après les informations qui m’ont été communiquées, la réforme représenterait un coût brut de 1,7 milliard d’euros en 2026 ; à la même date, ce coût serait de 1,1 milliard d’euros en cas de modification des barèmes des cotisations d’assurance vieillesse et d’assurance maladie. Une modification des barèmes applicables aux cotisations de retraite complémentaire devrait permettre de dégager un montant équivalent.
Il n’en reste pas moins que les régimes de retraite complémentaire percevraient en définitive 600 000 euros de recettes supplémentaires et que les régimes de base perdraient un montant équivalent de recettes, sans qu’il nous soit précisé de quelle manière cette somme leur serait compensée, si tant est qu’il soit prévu qu’elle le soit.
Nous ne disposons pas davantage d’une évaluation satisfaisante des effets de la réforme pour les différentes catégories professionnelles. Certains d’entre vous ont d’ailleurs dû recevoir des mails, mes chers collègues, notamment de la part des avocats.
Il m’a été indiqué ce matin que ceux dont les revenus sont supérieurs à 90 000 euros par an, notamment les médecins conventionnés en secteur 2 et un certain nombre de professionnels libéraux tels les avocats, seraient redevables d’un surplus de cotisations supérieur aux gains obtenus en matière de CSG et de CRDS, avant modification des barèmes de retraite complémentaire.
Ces pertes devraient toutefois être partiellement compensées par une diminution concomitante de l’impôt sur le revenu. En tout état de cause – je tiens à le rappeler clairement –, une majorité écrasante des travailleurs indépendants gagnerait à la réforme.
Il convient maintenant de préciser que, si certains pourraient devoir verser davantage de prélèvements sociaux, la réforme ne réduira en aucune façon les droits acquis par les indépendants, bien au contraire. Du reste, tant le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants que les organisations professionnelles se sont déclarés favorables à cette refonte, qu’ils appellent de leurs vœux depuis des années.
Dans la mesure où celle-ci ne sera pas applicable avant 2026, nous aurons le temps, mes chers collègues, d’examiner en détail, avec toutes les parties prenantes, les modalités techniques de mise en œuvre de l’unification des assiettes sociales des indépendants et de les ajuster, le cas échéant.
Nous serons particulièrement vigilants à ce que le Gouvernement nous informe régulièrement des mesures réglementaires qu’il prendra, notamment en ce qui concerne les taux de cotisation maladie, maternité et vieillesse.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, mais j’attends que cette réforme donne davantage de droits aux indépendants, car c’est là ce qu’ils attendent eux-mêmes : ils estiment qu’ils paient beaucoup de cotisations pendant leur carrière professionnelle sans toucher beaucoup lorsque celle-ci s’achève.
M. le président. Madame le rapporteur, j’ai volontairement omis de vous interrompre pendant votre longue démonstration afin que la Haute Assemblée soit parfaitement éclairée.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet article est extrêmement important et votre amendement de suppression, madame la sénatrice Poncet Monge, appelle de ma part plusieurs réponses.
Cette réforme est très attendue, de longue date, par les indépendants. Elle a fait l’objet de nombreuses discussions et ils l’ont eux-mêmes négociée jusqu’à la dernière minute. Le Gouvernement avait pris l’engagement de l’intégrer dans le PLFSS dès que nous obtiendrions leur accord.
Il s’agit en effet, comme Mme la rapporteure l’a rappelé, d’une mesure technique, complexe, qui consiste en une diminution de la part des contributions sociales, au premier chef la CSG, dans les prélèvements des indépendants et en une augmentation de la part des cotisations sociales. C’est ce qui explique que nous l’ayons introduite par voie d’amendement. Il n’y a en effet pas d’étude d’impact, car nous n’avions pas encore finalisé tous les paramètres de cette réforme au moment du dépôt du texte.
Pour autant, les partenaires sociaux eux-mêmes n’ont pas souhaité que nous repoussions la mise en œuvre de la réforme ; il est donc très important que son examen ait lieu sans attendre.
Il s’agit d’une mesure de simplification, les modalités actuelles de calcul des prélèvements sociaux des indépendants étant très complexes. Surtout, ce texte va permettre d’améliorer la situation d’un très grand nombre d’indépendants du point de vue de leurs droits à la retraite.
Concrètement, nous diminuons la CSG et augmentons les cotisations, ce qui améliore leurs droits à la retraite. Cette disposition, je l’ai dit, tous les indépendants l’attendent, comme l’ont réaffirmé récemment tant la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) que l’Union des entreprises de proximité (U2P).
La situation des avocats a été évoquée. Mais, au bout du compte, en matière de droits acquis, tout le monde sera gagnant : les droits à la retraite vont augmenter pour tous les indépendants. Certes, ce mouvement de bascule entre baisse de la CSG et augmentation des cotisations pourrait avoir quelques effets à la marge pour certains, en fonction des niveaux de revenus ; en revanche, je le répète, tous les indépendants verront s’accroître leurs droits à la retraite, dont le montant dépendra aussi des décisions des caisses de retraite complémentaire.
Voilà donc une grande avancée, très attendue, pour un grand nombre d’indépendants. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. À ce stade de nos débats, monsieur le ministre, je voudrais m’arrêter quelques instants sur la méthode.
Vous venez d’expliquer que cette réforme était attendue, qu’elle avait déjà été évoquée lors de la réforme des retraites, il y a donc plusieurs semaines, plusieurs mois ! Cela signifie que vos services y travaillent depuis plusieurs mois.
Et voilà que vous introduisez cette réforme à plus d’un milliard d’euros par voie d’amendement, lors de l’examen du PLFSS à l’Assemblée nationale, au détour d’une énième utilisation du 49.3…
Nous ne disposons d’aucun élément chiffré pour en évaluer l’impact et nous devons vous croire sur parole : aucune précision, aucune étude d’impact, et ce n’est que ce matin que vous nous avez fourni des compléments d’information ! Au mieux, vous ne maîtrisez pas le sujet ; au pire, vous voulez cacher des éléments à la représentation nationale !
Nous savons que cette réforme est importante, nous la soutiendrons, mais je ne peux que regretter la méthode que vous employez. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Thomas Dossus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je voudrais répondre au président de la commission des affaires sociales : je comprends son insatisfaction quant au délai d’élaboration de cet amendement.
Nous avons pris auprès de la CPME et de l’U2P l’engagement de ne rien introduire dans le texte sans leur accord. Aussi avons-nous déposé cet amendement le jour où nous avons reçu leur accord formel. Olivier Dussopt et moi-même pourrons vous transmettre les courriers que nous avons échangés avec ces organisations : nous leur avons écrit formellement pour leur demander leur accord sur les paramètres de la réforme. Nous ne pouvions pas présenter cette réforme plus tôt : c’eût été remettre en cause notre engagement.
Notre but était que ces dispositions répondent à leurs attentes : faute d’accord, pas de réforme. Nous étions donc partagés entre deux objectifs : tenir nos engagements vis-à-vis des indépendants, d’une part ; assurer la qualité des débats devant la représentation nationale tout en respectant le calendrier fixé, d’autre part. (M. Laurent Burgoa ironise.)
J’entends vos critiques, monsieur le président de la commission, elles sont légitimes, mais nous avons voulu faire au mieux dans les délais qui nous étaient impartis et faire avancer au plus vite cette réforme très attendue.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je rejoins complètement Philippe Mouiller.
L’article que vous nous présentez, monsieur le ministre, est sans nul doute très important, quoique – je le note en passant – nous ayons reçu un certain nombre d’observations de la part des indépendants.
Mais cet article d’une importance extrême se retrouve noyé au milieu d’une flopée d’articles qui portent, eux, sur la vaccination contre le papillomavirus, sur les protections hygiéniques, sur le déficit des hôpitaux, sur la médecine libérale, qui est à l’agonie, sur les 9 milliards d’euros de déficit de la sécurité sociale, et j’en passe.
Comment voulez-vous, dans ces conditions, qu’un article si petit, mais si important, puisse attirer l’attention des parlementaires ? J’ai moi-même malgré tout déposé un amendement que je retirerai si l’amendement de notre rapporteure est adopté.
Comme certains d’entre nous l’avons dit hier dans la discussion générale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale mélange des dispositions relatives aux financements, à la santé et à des tas de sujets divers, en sorte qu’une confusion totale finit par régner dans nos esprits.
La meilleure solution eût été – vous m’excuserez de vous donner un conseil, monsieur le ministre – de présenter un projet de loi spécifique, n’eût-il comporté qu’un seul article. Nous l’aurions étudié tranquillement et probablement voté.
En l’état, je rejoins totalement notre rapporteure.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le Parlement n’est pas respecté et, d’une certaine manière, nous l’acceptons, alors qu’il est essentiel que notre avis soit éclairé.
Madame la rapporteure, vous avez reçu des réponses ce matin – je vous remercie, d’ailleurs, de ne pas nous les avoir transmises… (Mme le rapporteur s’offusque. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’ai fait l’effort de suivre votre démonstration technique. Je la maîtrise et, je l’ai dit, je suis pour cette réforme. Mais, soyons sérieux, qui ici votera en ayant été éclairé ?
Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous aviez attendu avant de présenter cette réforme parce que vous aviez besoin de l’accord des organisations représentatives. Mais telles ne sont pas du tout les informations que j’ai reçues ! Plusieurs organisations nous ont demandé d’informer les parlementaires que, contrairement aux déclarations du Gouvernement, certaines professions n’ont pas été véritablement consultées – sans doute s’agit-il de celles qui s’estiment perdantes – sur ce projet de réforme. Elles restent en attente des nécessaires projections et simulations à ce sujet. Ce serait quand même la moindre des choses que toutes les professions disposent, via leurs organisations représentatives, des informations que Mme la rapporteure a reçues !
Que dire de cette réforme qui, comme l’a bien dit M. Milon, est présentée entre deux articles avec lesquels elle n’a rien à voir, sinon qu’elle est bâclée ?
Il s’agit pourtant d’une réforme fondamentale que le groupe écologiste veut soutenir.
Il est vrai qu’ici, dans cette assemblée, on voulait faire adopter la réforme des retraites par voie d’amendement… Tout est possible !
Je déplore donc très solennellement que nous ne soyons pas respectés et que, d’une certaine façon, nous l’acceptions : après une petite protestation du bout des lèvres pour solde de tout compte, la réforme finit par passer. Pourquoi le Gouvernement procéderait-il autrement ? Faites passer toutes les réformes fondamentales entre deux articles qui n’ont rien à voir, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Il me semble, madame la rapporteure, que l’article 10 nonies habilite précisément le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure visant à rendre applicable la disposition dont nous sommes en train de parler.
Le Gouvernement nous présente donc un dispositif en deux temps : l’article 10 ter, assorti des explications très complètes que vous nous avez fournies, et l’article 10 nonies,…
Mme Émilienne Poumirol. Voilà le respect du Parlement !
M. Bernard Jomier. … qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur le dispositif en question. Tout cela est un peu…
Mme Émilienne Poumirol. … cavalier !
M. Bernard Jomier. Non, justement : désarçonnant ! (Sourires.)
Comme cela a été dit, on retire au Parlement le droit d’avoir un avis éclairé sur le dispositif présenté. Bien sûr, en régime de 49.3, nous ne nous faisons aucune illusion et nous voyons bien pourquoi le Gouvernement procède de la sorte. Au moyen du 49.3, il a introduit dans le texte une vingtaine d’articles qui n’ont pas même été étudiés par l’Assemblée nationale, ni, bien sûr, examinés par le Conseil d’État. Le Gouvernement ne respecte plus rien, et surtout pas le Parlement ! De toute façon, peu importe ce que nous voterons, le Gouvernement, via le 49.3, fera passer sa disposition, un point c’est tout !
Quant à la réforme, Pascale Gruny l’a bien expliqué, elle est, nous le savons, nécessaire et complexe. Au lieu de nous présenter un dispositif sur lequel nous pourrions émettre un avis, le Gouvernement nous présente dans deux articles différents, dont l’un contient une habilitation à prendre des ordonnances, un dispositif sur lequel nous sommes incapables de nous prononcer, parce que nous ne savons pas quel en sera l’impact, positif ou négatif, pour les uns et pour les autres.
Débrouillez-vous, monsieur le ministre !
Mme Audrey Linkenheld. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, la nuit étant ouverte, je vous informe que nous poursuivrons nos travaux jusqu’à une heure du matin environ. (Oh ! sur toutes les travées.)
L’amendement n° 232, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 14
1° Supprimer les mots :
à l’article L. 136-3 et
2° Après la première occurrence de la référence :
L. 131-6
insérer les mots :
et à l’article L. 136-3
3° Supprimer les mots :
de l’article L. 136-3 et
4° Après la deuxième occurrence de la référence :
L. 131-6
insérer les mots :
et de l’article L. 136-3
La parole est à Mme le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 233, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 28
1° Remplacer les mots :
au titre des activités mentionnées aux 1° et 2° du présent I
par les mots :
non agricoles au titre des activités
2° Après les mots :
sous réserve
insérer les mots :
des dispositions
II. – Alinéa 29
1° Remplacer les mots :
mentionnées au premier alinéa de l’article 34 et à
par les mots :
relevant du premier alinéa de l’article 34 et de
2° Remplacer le mot :
précisées
par le mot :
déterminées
III. – Alinéa 30
Remplacer les mots :
mentionnées à
par les mots :
relevant de
IV. – Alinéa 36
Remplacer les mots :
pour lesquelles les dispositions mentionnées à l’article L. 613-7 du présent code ne sont pas applicables
par les mots :
mais ne relevant pas du dispositif prévu à l’article L. 613-7 du présent code
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Là encore, il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 59 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 90
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 731-19 est ainsi modifié :
a) À la première et à la dernière phrases, les mots : « précédant celle » sont supprimés ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les cotisations sont calculées, chaque année, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu professionnel de l’année précédente. Pour les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole qui ont effectué l’option mentionnée à l’alinéa précédent lors de leur affiliation au régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles ou lorsque la durée d’assujettissement ne permet pas de déterminer ledit revenu professionnel, les cotisations sont calculées à titre provisionnel sur la base d’une assiette fixée forfaitairement dans des conditions déterminées par décret. Lorsque le revenu professionnel est définitivement connu, la cotisation fait l’objet d’une régularisation.
« Par dérogation au précédent alinéa, les cotisations peuvent être calculées à titre provisionnel sur la base d’une assiette forfaitaire dès lors que les éléments d’appréciation sur l’importance des revenus professionnels des assurés au cours de l’année au titre de laquelle la cotisation est due établissent que ces revenus sont différents de l’assiette retenue en application de cet alinéa. Les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par décret. » ;
II. – Alinéa 107
Supprimer la référence :
L. 731-19,
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Je dépose cet amendement chaque année.
Les agriculteurs ont actuellement le choix entre deux méthodes de calcul pour leurs cotisations sociales : soit l’assiette triennale, constituée par la moyenne des revenus lissés sur les trois années antérieures à celle au titre de laquelle les cotisations sont dues, soit l’assiette optionnelle, constituée par les revenus de l’année n–1.
Je propose que le montant de la cotisation soit calculé sur la base des revenus de l’année n : il me semble que c’est la méthode la plus juste. C’est aussi une question d’équité, car la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante permet déjà aux artisans et aux commerçants de payer leurs cotisations sociales sur la base de leurs revenus estimés de l’année n.
À l’heure où les problèmes climatiques que rencontre l’agriculture sont de plus en plus violents, jusqu’à mettre en péril l’équilibre de certaines exploitations, cette mesure donnerait aux agriculteurs un souffle supplémentaire : leur permettre de fonder le calcul de leurs cotisations sur les revenus de l’année en cours me semble normal et équitable. Les agriculteurs devraient ainsi prévoir leur chiffre d’affaires, tandis qu’un réajustement aurait lieu à la fin de l’exercice comptable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que les non-salariés agricoles cotisent systématiquement, et non plus sur option, à titre provisionnel, sur la base de leurs revenus de l’année précédente. Il vise également à leur permettre d’opter pour le calcul de leurs cotisations provisionnelles sur la base d’une assiette forfaitaire lorsqu’ils estiment que leurs revenus de l’année seront trop éloignés de ceux de l’année précédente.
L’article 10 nonies du présent PLFSS vise justement à habiliter le Gouvernement à réformer par ordonnance le parcours déclaratif des travailleurs indépendants, dans le cadre de l’unification de leurs assiettes sociales, tandis que l’article 10 octies prolonge l’expérimentation de la modulation en temps réel des cotisations des travailleurs indépendants.
Il paraît donc plus opportun de s’en remettre au Gouvernement pour simplifier et contemporanéiser le mode de calcul et le versement de ces cotisations.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Lors des discussions sur les PLFSS des années précédentes, le Gouvernement s’était en effet engagé à procéder à une réforme visant à rendre autant que possible contemporaine l’assiette des cotisations pour les exploitants agricoles.
Demeuraient néanmoins des interrogations : une assiette pluriannuelle peut permettre aussi de lisser dans le temps le montant des cotisations, compte tenu de la variabilité de l’activité agricole.
Nous avons engagé des travaux avec la profession agricole, la FNSEA, la Mutualité sociale agricole, afin d’identifier des solutions. Finalement, un certain nombre de difficultés techniques, mais aussi des doutes quant à l’opportunité même d’aller dans le sens que vous indiquez, monsieur le sénateur, nous ont conduits, d’un commun accord, à ne pas avancer dans cette voie.
C’est eu égard à ce travail et aux demandes de la profession elle-même que j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Vous avez travaillé avec la profession agricole, soit. Pour ma part, j’ai travaillé avec Cerfrance, qui est une référence dans le domaine de la comptabilité agricole. Or cet organisme soutient la demande que je fais ce soir.
Quand un agriculteur subit des aléas climatiques forts, puissants, inédits, et qu’il doit payer des cotisations sociales sur la base d’une année n–1 « normale », c’est, pour lui, la double peine : le chiffre d’affaires n’est pas au rendez-vous et il doit pourtant cotiser sur la base des revenus d’une année où tout s’est bien passé.
Pourquoi la profession n’adhère-t-elle pas à l’assiette contemporaine ? Celle-ci régit pourtant les déclarations des artisans et des commerçants : pour eux, nous avons modifié la loi. Et les agriculteurs resteraient les seuls à voir leurs cotisations calculées sur la base de l’assiette n–1 ou de l’assiette triennale ? Je ne comprends pas !
M. le président. L’amendement n° 235, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 100
1° Remplacer les mots :
les revenus
par les mots :
est assise sur les revenus
2° Remplacer la deuxième occurrence des mots :
l’assiette
par les mots :
, dont le taux est fixé par décret, est assise sur l’assiette
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Amendement de précision !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 236, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 101
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 731-35 est ainsi modifié :
…) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « des revenus professionnels » sont remplacés par les mots : « de l’assiette » et les mots : « ou de l’assiette forfaitaire, définies aux articles L. 731-14 à » sont remplacés par les mots : « , déterminée en application des articles L. 731-15, L. 731-16 et » ;
…) Au deuxième alinéa, les mots : « pour les travailleurs indépendants mentionnés au 2° de l’article L. 621-1 du même code » sont supprimés ;
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 237, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 111
Remplacer les mots :
à la déclaration d’éléments
par les mots :
aux éléments déclarés et
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1058 rectifié bis, présenté par MM. Milon, Burgoa, J.B. Blanc et Khalifé et Mmes Demas, Lassarade et Petrus, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 115, deuxième à dernière phrases
Supprimer ces phrases.
II. – Alinéa 116
Rédiger ainsi cet alinéa :
Les organismes mentionnés aux articles L. 641-1 et L. 651-1 du code de la sécurité sociale gestionnaires d’un régime d’assurance vieillesse complémentaire transmettent aux ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, avant le 1er septembre 2024, sur le fondement du dernier alinéa de l’article L. 641-5 du code de la sécurité sociale ou des articles L. 644-1 et L. 654-5 du même code, des propositions d’évolution des paramètres de cotisation et de prestations respectant le cadre mentionné au deuxième alinéa du présent VI.
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Je vais m’attacher à montrer combien est complexe la proposition du Gouvernement, qui entend réformer l’assiette des cotisations sociales et des contributions sociales CSG-CRDS des travailleurs indépendants dans un objectif de simplification du calcul et d’amélioration des droits financés par les cotisations sociales.
Ce projet de réforme repose sur deux piliers.
Tout d’abord, il y a le principe, à savoir l’unification de l’assiette sociale des travailleurs non salariés avec celle des salariés, et ce pour toutes les charges, y compris les cotisations et les contributions sociales, et la généralisation de cette assiette unique à tous les travailleurs non salariés.
Ensuite, il y a les modalités de mise en œuvre, et là, tenez-vous bien, mes chers collègues ! Il s’agit de définir un salaire superbrut pour les travailleurs indépendants, correspondant au chiffre d’affaires diminué des charges autres que les prélèvements sociaux. À partir de ce salaire superbrut, il est déterminé un salaire brut qui constituera l’assiette unique des charges sociales. Ce salaire brut est défini à partir du salaire superbrut, déduction faite d’un abattement proportionnel calculé sur la base d’un taux forfaitaire de 26 % et ne pouvant être inférieur à un montant plancher équivalant à 1,76 % du plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) ni supérieur à un montant plafond équivalant à 1,3 Pass. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans le projet du Gouvernement, cet abattement est censé correspondre au montant des charges patronales fictives des travailleurs non salariés, c’est-à-dire qu’il est censé comprendre les cotisations sociales des travailleurs non salariés, soit en totalité soit en partie, selon que la cotisation est exclusivement ou partiellement patronale dans le régime salarié. Il s’agit plus précisément des cotisations sociales suivantes : cotisations d’assurance maladie, indemnités journalières, invalidité, décès et famille, qui sont exclusivement patronales dans le régime salarié, et équivalent de la part patronale des cotisations de retraite.
Selon la présentation qui en est faite par le Gouvernement, ce dispositif permettrait d’instaurer une sorte d’équivalence avec le régime des salariés dans la construction du financement de la sécurité sociale des non-salariés.
L’objet de cet amendement, que je présente avec quelques collègues, vise à confirmer l’idée d’un document d’orientation de l’État, comme pour les conventions d’assurance chômage, tout en évitant une remise en cause de l’autonomie des caisses.
M. le président. L’amendement n° 238, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 115
1° Remplacer les mots :
. Il fixe le cadre dans lequel doivent
par les mots :
ainsi que le cadre dans lequel doivent
2° Après les mots :
, pris dans leur ensemble
insérer les mots :
, et pour les finances publiques
3° Supprimer les deux dernières phrases.
II. – Alinéa 116
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 238 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1058 rectifié bis.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’amendement de notre collègue Alain Milon a été magnifiquement défendu, mais la commission a imaginé un amendement concurrent, et beaucoup mieux écrit, cher Alain… (Sourires.) Je demande par conséquent à notre collègue de bien vouloir retirer son amendement au profit du mien ; à défaut, l’avis serait défavorable.
L’amendement de la commission vise, comme celui d’Alain Milon, à supprimer les dispositions de l’article 10 ter qui autorisent le Gouvernement à modifier par décret les taux et les assiettes des cotisations de retraite complémentaire des professions libérales et des avocats, ainsi que les valeurs d’achat et de service de leurs points de retraite complémentaire.
Outre qu’elles ne relèvent pas du champ des lois de financement de la sécurité sociale, ces dispositions constitueraient en effet un dangereux précédent et une première étape vers l’étatisation des retraites complémentaires.
Il est préférable, au contraire, de faire confiance aux partenaires sociaux, lesquels devront prendre leurs responsabilités et mettre en œuvre les mesures nécessaires à la garantie de la neutralité financière de la réforme pour les finances publiques et pour les travailleurs indépendants, tout en favorisant l’amélioration des droits contributifs acquis par ces derniers.
Le Gouvernement remettrait donc aux caisses concernées une évaluation des conséquences financières de la réforme sur la trajectoire financière des régimes et sur les prélèvements sociaux dont s’acquittent leurs affiliés. Cette évaluation serait toutefois limitée à la présentation des mesures paramétriques qui seraient à même de garantir la neutralité financière de la réforme pour les assurés et pour les finances publiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’avis du Gouvernement est défavorable sur ces deux amendements. En effet, ils visent d’une certaine manière à amputer d’un élément essentiel l’accord passé avec les organisations professionnelles. Cet élément consiste en un cadrage ponctuel et temporaire qui doit permettre de garantir que soit tenu l’un des engagements pris dans le cadre de cette réforme, à savoir la neutralité pour les finances publiques.
Je m’explique : nous prenons l’engagement de baisser la CSG en contrepartie d’une augmentation des cotisations, cotisations du régime de base et cotisations du régime complémentaire, ce qui assure la neutralité de la réforme et, in fine, une amélioration des droits des indépendants.
Je le répète, tel est l’engagement qu’ont pris les organisations professionnelles – je pense à l’U2P et à la CPME ; et c’est là tout l’objet du document de cadrage que vous souhaitez supprimer au travers de cet amendement. Or c’est bien un accord global que nous avons obtenu avec ces organisations : améliorer les droits tout en veillant à l’équilibre financier de la réforme. Ce dispositif est de surcroît parfaitement respectueux de l’autonomie de gestion des caisses, le pouvoir réglementaire ne s’exerçant que si, finalement, ces engagements ne sont pas tenus. Il s’agit d’une clause assez classique qui vise simplement à graver dans le marbre de ce document de cadrage le principe de l’équilibre de la réforme.
Ne la déséquilibrez pas ! J’y insiste, cet engagement a été pris par la CPME et par l’U2P et il est au cœur de la disposition que nous proposons.
M. le président. Monsieur Milon, l’amendement n° 1058 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Milon. J’abonde dans le sens de M. le ministre, mais, si cette mesure est si importante, pourquoi ne pas l’avoir présentée séparément ? Nous aurions eu le temps de l’étudier et, peut-être, de nous rallier à vos positions. En attendant, je retire mon amendement au profit de celui de Mme Gruny.
M. le président. L’amendement n° 1058 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 238.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 239, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 117
I. – Première phrase
1° Remplacer la deuxième occurrence du mot :
du
par la référence :
des 7° à
2° Après le mot :
cotisations
insérer les mots :
et contributions
II. – Deuxième phrase
1° Remplacer les mots :
Le II du présent article s’applique
par les mots :
Les 7° et 8° du I et le II du présent article s’appliquent
2° Après le mot :
cotisations
insérer les mots :
et contributions
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 10 ter, modifié.
(L’article 10 ter est adopté.)
Après l’article 10 ter
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 651 rectifié bis est présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Estrosi Sassone, M. Cuypers, Mme Primas, MM. D. Laurent et Chatillon, Mmes Drexler et Puissat, MM. Savin, Sol et J.B. Blanc, Mme Dumont, MM. Lefèvre et Panunzi, Mmes Noël, Goy-Chavent, O. Richard et Richer, MM. Bruyen, Michallet et Levi, Mme Berthet, MM. Bacci et Bouchet, Mme Muller-Bronn, MM. Longeot, Chasseing, Pellevat, Paul, de Nicolaÿ, Tabarot, Belin et Bonhomme, Mme Demas, M. Allizard, Mme Malet, MM. Milon, Duffourg, Meignen et Mandelli, Mmes Micouleau et Nédélec, MM. S. Demilly et Cadec, Mmes Garnier et Billon, MM. Gremillet, Sido, Pointereau et Henno, Mmes Romagny, Josende et Lopez, M. P. Martin, Mme Belrhiti, M. Rietmann, Mmes Lassarade, Bonfanti-Dossat, Pluchet et de La Provôté et MM. Somon, Klinger et Rapin.
L’amendement n° 1017 rectifié ter est présenté par M. Menonville, Mme N. Goulet, M. Bonnecarrère, Mme Guidez, MM. Bonneau, Chevalier, Courtial, Kern et Wattebled, Mmes Aeschlimann et Jacquemet, MM. J.M. Arnaud et Bleunven, Mme Saint-Pé et MM. Chauvet et H. Leroy.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 731-25 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Nonobstant l’article L. 613-1 du code de la sécurité sociale, la réduction est également applicable aux personnes bénéficiant de l’exonération partielle mentionnées à l’article L. 731-13 du présent code. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 731-35 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Nonobstant l’article L. 621-3 du code de la sécurité sociale, la réduction est également applicable aux personnes bénéficiant de l’exonération partielle mentionnées à l’article L. 731-13 du présent code. » ;
3° Le deuxième alinéa de l’article L. 731-13 est supprimé.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Laurent Duplomb, pour présenter l’amendement n° 651 rectifié bis.
M. Laurent Duplomb. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut mener une politique efficace en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs.
Le problème est simple : il faut davantage inciter les jeunes agriculteurs à s’installer en groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec), structure qui leur offre un cadre plus confortable pour développer leur activité professionnelle tout en préservant leur vie privée. Les jeunes agriculteurs peuvent certes choisir, depuis que j’ai fait voter un amendement en ce sens en 2022, soit le taux de cotisation réduit, soit l’exonération partielle de cotisations. Or il arrive, dans certains Gaec, que, passé les trois premières années, le jeune paie davantage de cotisations sociales que ses aînés.
Si l’on veut régler ce problème, il faut améliorer le système que j’avais fait voter en 2022 en donnant aux nouveaux exploitants la possibilité de cumuler le bénéfice de ces deux mesures, le taux réduit et l’exonération partielle.
À défaut, l’installation en Gaec demeurera insuffisamment attractive pour les jeunes agriculteurs.
Monsieur le ministre, il me semble, mais vous pourrez me le confirmer, qu’un tel cumul est possible dans le cadre de l’aide aux créateurs et repreneurs d’entreprise (Acre). Le cas échéant, il serait possible de corriger l’anomalie que j’ai indiquée : si pareil cumul est autorisé pour certaines créations d’entreprise, la même solution pourrait trouver à s’appliquer aux jeunes agriculteurs dans les années qui suivent leur installation.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour présenter l’amendement n° 1017 rectifié ter.
Mme Jocelyne Guidez. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Ces amendements visent à permettre aux jeunes agriculteurs de cumuler les bénéfices de l’exonération partielle de cotisations accordée en tout début d’activité et de la réduction des cotisations maladie-maternité dont bénéficient les travailleurs indépendants.
En effet, en raison de sa dégressivité dans le temps, l’exonération partielle devient moins intéressante que la réduction des cotisations maladie-maternité après quelques années. C’est la raison pour laquelle, sur l’initiative de notre collègue Laurent Duplomb, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a accordé aux jeunes agriculteurs un droit d’option entre ces deux dispositifs. Ces professionnels sont donc désormais à même de choisir celle de ces deux formules qui leur est le plus favorable.
Dans ces conditions, il ne paraît pas justifié de leur permettre de cumuler le bénéfice de l’exonération et celui de la réduction.
Monsieur Duplomb, vous avez cité en exemple les indépendants. La réduction des cotisations maladie-maternité est bel et bien cumulable avec l’Acre, qui permet d’exonérer de cotisations, mais seulement pendant un an, les créateurs d’entreprise.
Mais il s’agit ici de cumuler ladite réduction avec une exonération spécifiquement accordée aux jeunes agriculteurs pendant cinq ans et de manière dégressive. L’incidence du cumul n’est donc pas la même, mon cher collègue.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Si l’on veut instaurer une équité de traitement entre les jeunes agriculteurs et les créateurs d’entreprise, la solution ne serait-elle pas de permettre le cumul à partir de la troisième année sur les cinq années que dure le dispositif d’exonération ? En effet, c’est à ce moment-là que le problème se pose au sein de certains Gaec. Le cumul ne durerait que deux années et les jeunes exploitants seraient ainsi traités à peu près de la même manière que les créateurs d’entreprise qui cumulent les deux mesures pendant une année.
L’amendement que j’avais fait adopter en 2022 permettait de choisir, mais nous avons eu le temps de constater, depuis deux ans, que cette possibilité ne permettait pas de corriger complètement l’anomalie observée – j’en conviens. Doit-on faire la politique de l’autruche ? Essayons ensemble de trouver une solution efficace en autorisant le cumul sur un temps limité, non pas cinq ans, mais, par exemple, un ou deux ans. Il faut sortir de l’ambiguïté !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 651 rectifié bis et 1017 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 10 quater (nouveau)
I. – Le 5° de l’article L. 133-5-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le mot : « agricoles » est supprimé ;
2° Les mots : « à l’article L. 712-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 712-1 et L. 712-2 » ;
3° Sont ajoutés les mots : « dont les salariés relèvent du régime agricole ».
II. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 712-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 712-1. – I. – Tout employeur, à l’exclusion des particuliers employeurs, qui fait appel, au moyen d’un ou de plusieurs contrats de travail à durée déterminée répondant à des conditions de durée et de niveau de rémunération fixées par décret, à l’exclusion des contrats mentionnés à l’article L. 1242-3 du code du travail, à des salariés occupés aux activités ou dans les exploitations, entreprises ou établissements mentionnés aux 1°, 2° et 6° de l’article L. 722-20 du présent code peut souscrire au service dénommé : “titre emploi simplifié agricole” proposé par les caisses de mutualité sociale agricole.
« II. – Le titre emploi simplifié agricole permet aux employeurs mentionnés au I du présent article de satisfaire aux formalités et obligations prévues aux articles L. 712-4 à L. 712-7 du présent code.
« Par dérogation aux articles L. 3242-1 et L. 3242-3 du code du travail, lorsqu’il est fait usage de ce titre pour des travaux saisonniers, les salariés sont rémunérés à l’issue de chaque campagne saisonnière, et au moins une fois par mois.
« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
« IV. – Le titre emploi simplifié agricole proposé par les caisses de mutualité sociale agricole ne peut être utilisé qu’en France métropolitaine. » ;
2° L’article L. 712-2 est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, les mots : « Toute entreprise, à l’exception de celles » sont remplacés par les mots : « Tout employeur, à l’exception des entreprises » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les particuliers employeurs peuvent bénéficier du dispositif prévu au premier alinéa du présent article pour l’emploi des personnes mentionnées aux 2° et 3° de l’article L. 722-20 du présent code. » ;
3° L’article L. 712-4 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, le mot : « entreprise » est remplacé par le mot : « employeur » ;
b) Après le mot : « souscrire », la fin du 2° est ainsi rédigée : « la déclaration sociale nominative mentionnée à l’article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale ou, le cas échéant, d’établir les formalités et les déclarations auxquelles la déclaration sociale nominative se substitue. » ;
4° L’article L. 712-5 est ainsi modifié :
a) Le mot : « entreprise » est remplacé par le mot : « employeur » ;
b) Les mots : « cette dernière » sont remplacés par les mots : « ce dernier » ;
5° L’article L. 712-6 est ainsi modifié :
a) Au 4°, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 1221-5-1, » ;
b) Sont ajoutés des 5° et 6° ainsi rédigés :
« 5° La tenue du registre mentionné à l’article L. 1221-13 du même code ;
« 6° La déclaration mentionnée à l’article 87-0 A du code général des impôts. » ;
6° L’article L. 712-7 est complété par les mots : « dans les conditions prévues à l’article L. 133-11 du code de la sécurité sociale ». – (Adopté.)
Article 10 quinquies (nouveau)
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 241-2-1, après le mot : « pas », sont insérés les mots : « un montant, fixé par décret, qui ne peut être inférieur à 2,5 fois le salaire minimum de croissance applicable au 31 décembre 2023, dans la limite de » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 241-6-1, après le mot : « pas », sont insérés les mots : « un montant, fixé par décret, qui ne peut être inférieur à 3,5 fois le salaire minimum de croissance applicable au 31 décembre 2023, dans la limite de ».
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, sur l’article.
Mme Silvana Silvani. L’article 10 quinquies reprend un amendement du député Renaissance Marc Ferracci déposé à l’Assemblée nationale et retenu par le Gouvernement dans le texte considéré comme adopté après usage du 49.3. Cet amendement vise à définir les seuils en deçà desquels s’appliquent les exonérations de cotisations maladie et les exonérations de cotisations famille en euros, et non plus en multiples du Smic.
Nous parlons donc ici des anciennes exonérations de cotisations du CICE. Je rappelle que, lors de la mise en œuvre du CICE, le président du Mouvement des entreprises de France (Medef) avait annoncé la création d’un million d’emplois en contrepartie de ce crédit d’impôt.
Selon les études de France Stratégie, ce dispositif aurait permis non pas de créer des emplois, mais seulement d’en préserver 200 000.
Le Conseil d’analyse économique avait d’ailleurs recommandé d’« abandonner pour le budget 2020 les baisses de charges au-dessus de 2,5 Smic, voire 1,6 Smic, si les évaluations à venir de France Stratégie venaient à confirmer leurs résultats décevants ».
Le bilan est donc négatif pour l’emploi, pour les recettes de la sécurité sociale et pour les comptes de l’État.
Nous voyons dans cette manœuvre de la majorité gouvernementale tendant à réorienter les exonérations de cotisations une critique en creux de l’efficacité du dispositif.
La commission des affaires sociales propose, avec son amendement n° 240, d’encadrer cette modification des seuils pour, une nouvelle fois, préserver au maximum les entreprises…
Pour notre part, nous considérons que ces modifications des critères de déclenchement des exonérations de cotisations sociales ne participent pas d’un système socialement plus juste. Par conséquent, nous voterons contre l’article et contre l’amendement de la commission.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Malgré l’heure tardive, je vais m’efforcer d’expliquer cet article 10 quinquies, qui est très technique. Je remercie Mme Silvani d’avoir commencé à éclaircir le sujet. (Sourires.)
Cet article a trait aux allégements généraux, ou généreux, diront certains (Nouveaux sourires.), de cotisations patronales. Nous nous intéresserons plus précisément au « bandeau famille » et au « bandeau maladie ».
Le bandeau famille est issu du pacte de responsabilité et de solidarité, tandis que le bandeau maladie, dont a parlé notre collègue, est le dispositif qui a remplacé le CICE. Ces deux bandeaux ont été créés à des moments différents et les montants en jeu ne sont pas du tout les mêmes. Le premier coûte 10 milliards d’euros, il consiste en une réduction de 1,8 point de cotisations jusqu’à 3,5 Smic. Le second coûte 25 milliards d’euros, il s’agit d’une réduction de 6 points jusqu’à 2,5 Smic. Au total, ces allégements ont représenté une somme de 60 milliards d’euros en 2022, et de 66 milliards d’euros environ en 2023. C’est considérable.
Les économistes qui ont analysé avec précision les effets de ces mesures estiment que c’est sur les bas salaires qu’elles se révèlent intéressantes : elles le sont moins sur les salaires plus élevés. Or, je l’ai dit, le bandeau maladie s’applique jusqu’à 2,5 Smic, ce qui est déjà beaucoup, et le bandeau famille jusqu’à 3,5 Smic. C’est pourquoi il est proposé depuis longtemps de supprimer ces exonérations pour les hauts salaires. Le CAE l’a suggéré dès 2019 et la direction de la sécurité sociale l’a elle-même envisagé.
Le député Marc Ferracci s’est emparé du sujet, déposant un amendement qui a été adopté par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Le dispositif a ensuite été corrigé à l’occasion du dépôt d’un autre amendement en séance publique.
Votre commission des affaires sociales partage cette analyse au sujet des exonérations. C’est pourquoi nous sommes favorables à l’article 10 quinquies, qui prévoit que, désormais, les limites de 2,5 Smic et de 3,5 Smic seront définies par rapport au Smic applicable au 31 décembre 2023.
Concrètement, un Smic annuel est d’environ 20 000 euros. Si nous prenons l’exemple du bandeau maladie, dont bénéficient les salaires jusqu’à 2,5 Smic, cela fait environ 50 000 euros. Avec l’article 10 quinquies, ce seuil n’évoluera plus et restera bloqué au niveau de 2023, qui constitue désormais un repère dans le temps. Les années passant, le Smic augmentera ; ce plafond de 50 000 euros correspondra donc à un multiple du Smic de l’année en cours de plus en plus faible.
Selon la commission, cette méthode de réduction progressive des deux seuils présente l’intérêt de ne pas provoquer de choc pour les entreprises.
Notre amendement n° 240 vise à sécuriser encore ce dispositif pour les bas salaires en prévoyant que les seuils actuels de 2,5 Smic et de 3,5 Smic ne pourront pas passer en dessous de 2 Smic de l’année en cours.
Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur tous les amendements tendant à réduire explicitement, donc, nous semble-t-il, trop rapidement les seuils que j’ai évoqués, de même que sur ceux dont l’objet est de subordonner le bénéfice des exonérations au respect de critères sociaux ou environnementaux – c’est une tentation qu’ont eue certains de nos collègues. Certes, ces objectifs sont légitimes ; utiliser à cet effet les allégements de cotisations patronales, c’est néanmoins risquer de n’en atteindre aucun tout en rendant lesdits allégements inefficaces en matière de création d’emplois.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 61 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel et Daubet, Mme Girardin et MM. Gold, Grosvalet, Guiol et Laouedj.
L’amendement n° 1061 rectifié bis est présenté par Mme Berthet, MM. Bouloux et Pellevat, Mmes Petrus, Joseph, Puissat, Dumont et Belrhiti et MM. Lefèvre, Piednoir et Panunzi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 61 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. L’article 10 quinquies, introduit à l’Assemblée nationale, vise à geler à son niveau de 2023 la valeur du Smic qui permet de calculer le montant plafond des rémunérations bénéficiant des allégements généraux pour les cotisations maladie, 2,5 Smic, et famille, 3,5 Smic.
Cette mesure, qui n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact, risque d’avoir des conséquences particulièrement néfastes pour le secteur industriel. Elle pourrait en effet aboutir, pour les entreprises du secteur industriel, à une hausse du coût du travail de 140 millions d’euros la première année ; ce surcoût atteindrait 0,5 milliard d’euros en 2027.
Couplée au décalage de la baisse de la CVAE, cette mesure intervient alors que nos concurrents engagent des politiques industrielles offensives. Aussi, dans un contexte de déficit de la balance commerciale et de perte de compétitivité, l’objectif de réindustrialisation du pays fixé par les pouvoirs publics justifie le maintien de mesures d’allégement en faveur des emplois qualifiés. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 10 quinquies.
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour présenter l’amendement n° 1061 rectifié bis.
Mme Martine Berthet. Un tel gel de l’indexation des exonérations de cotisations aurait des conséquences de plus en plus pénalisantes pour les entreprises au fur et à mesure des revalorisations du Smic, provoquant un renchérissement du coût du travail.
Seraient particulièrement affectées les entreprises du secteur industriel et les activités les plus confrontées à la concurrence internationale. Ce sont pourtant les secteurs les plus dynamiques en matière de créations d’emplois. Le retentissement serait en définitive considérable sur notre balance commerciale, qui connaît déjà un déficit record.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. J’y insiste, il ne s’agit en aucune manière de supprimer les allégements de charges. Mesdames les sénatrices, j’ai entendu vos inquiétudes à ce sujet, mais laissez-moi vous redire notre détermination à poursuivre la réindustrialisation de notre territoire.
Je veux toutefois vous donner quelques chiffres pour que nous mesurions bien l’évolution des allégements de charges ces dernières années : ils ont augmenté de 8,6 % en 2021, de près de 15 % en 2022, de 10 % en 2023. Au total, entre 2021 et 2023, ils auront augmenté de 17 milliards d’euros, et le montant global de ces allégements atteindra 80 milliards d’euros en 2024.
Mme Émilienne Poumirol. Eh oui !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Au bout du compte, le gel de ce que nous appelons les « points de sortie » vise non pas à diminuer les allégements de charges, mais à maîtriser leur impact sur les finances publiques.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, il a été question du rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) : ses auteurs, Marc Ferracci et Jérôme Guedj, proposaient une remise en cause de ces allégements, notamment sur les rémunérations les plus élevées. Telle n’est pas l’option que nous avons retenue.
En revanche, la solution que nous souhaitons voir appliquer permet, tout en garantissant le maintien des allégements de charges, de limiter leur impact sur les finances publiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l’ai dit il y a quelques instants au sujet de la réforme des indépendants, on ne peut pas faire comme si la contrainte des finances publiques ne pesait pas aussi sur l’équilibre du financement de la sécurité sociale.
M. Bruno Retailleau. Il a raison.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cette mesure de gel des points des bandeaux représente une somme comprise entre 500 millions et 600 millions d’euros. Il faut bien que nous tenions compte de cet enjeu de la maîtrise des finances publiques !
Ma conviction à cet égard est que nous avons trouvé un bon équilibre : nous maintenons une politique favorable à l’emploi et à l’industrie tout en maîtrisant son impact sur les finances publiques.
Mme Émilienne Poumirol. Du « en même temps » !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est une position d’équilibre que nous vous proposons : avis défavorable, donc, sur ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne sais pas si tout le monde a bien compris que cet article aurait des effets très modestes.
Les chiffres sont assez simples à comprendre : tout le dispositif repose sur des multiplicateurs du Smic, qui, lui, est indexé sur l’inflation. Si l’on retient un plafond de 3,5 Smic, par exemple, les salaires n’augmentant pas tous au rythme du salaire minimum, l’indexation de ce dernier a pour effet mécanique de faire entrer dans le champ de l’exonération, au fil des années, des salaires plus élevés qui n’y étaient auparavant pas éligibles. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de faire le constat d’une dynamique un peu débridée.
Le gel au montant de 2023 réduira la perte de ressources publiques de 600 millions d’euros, quand les exonérations représentent 60 milliards d’euros au total : la réforme proposée est vraiment timide !
Il n’y a pas d’étude d’impact, a-t-on dit et répété. Ce qui est bien documenté, en tout cas, c’est qu’appliquer l’allégement de cotisations jusqu’à 2,5 Smic ou jusqu’à 3,5 Smic conduit à prendre en compte des emplois qui n’ont absolument pas besoin de ce type de mesures. On sait même que l’impact est nul au-delà de 2 Smic.
À rebours de ces analyses, et de peur que les seuils ne baissent trop rapidement, la commission des affaires sociales nous propose de fixer un niveau plancher à 2 Smic de l’année en cours. Mes chers collègues, il n’est pas sérieux de prétendre que ces 600 millions d’euros vont léser nos entreprises et pénaliser les emplois qui sont rémunérés 3,5 Smic !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 61 rectifié et 1061 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 954, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale est complété par sept alinéas ainsi rédigés :
« La réduction dont bénéficie chaque employeur peut être minorée en fonction :
« 1° Du nombre de fins de contrat de travail, à l’exclusion des démissions ;
« 2° De la nature du contrat de travail et de sa durée ;
« 3° De la politique d’investissement de l’entreprise ;
« 5° De l’impact de l’entreprise sur l’environnement ;
« 6° De la taille de l’entreprise ;
« Un décret précise les modalités de calcul de la minoration de la réduction du taux des cotisations d’assurance maladie. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je sais bien que M. le ministre et la majorité sénatoriale s’agacent un peu quand nous parlons des exonérations de cotisations sociales, dont le coût dépasse tout de même 87 milliards d’euros. Mais ce montant, nous ne l’avons pas inventé : il provient du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale publié en mai 2023. J’en cite la page 56 : « L’année 2023 devrait marquer la fin des mesures d’urgence visant à limiter l’impact de la crise sanitaire. Toutefois, le coût des dispositifs d’exonération continuerait de croître à un rythme élevé, bien qu’un peu moins rapide qu’en 2022, +7,4 %, pour s’établir à 87,9 milliards d’euros pour l’ensemble des attributaires. »
Cette précision étant faite, revenons au présent amendement, par lequel nous proposons de minorer les réductions de cotisations patronales de la branche famille en fonction du nombre de fins de contrat de travail, de la nature du contrat de travail et sa durée, de la politique d’investissement de l’entreprise, ou encore de l’impact de l’entreprise sur l’environnement. Nous entendons ainsi reprendre une proposition formulée par l’ensemble des organisations syndicales à l’occasion de la conférence sociale organisée par le Gouvernement.
Pour nous, qui combattons les exonérations de cotisations sociales, il s’agit évidemment d’un amendement de repli, qui revient à dire : nous consentons aux exonérations, mais il faut des contreparties. La majorité sénatoriale, si imaginative quand il s’agit de trouver des critères d’activité à imposer aux bénéficiaires du RSA, ne sera pas capable, je le crains, de trouver avec nous des conditions à imposer aux entreprises qui bénéficient des aides publiques. Ce hiatus est étonnant…
M. le président. L’amendement n° 1062 rectifié bis, présenté par Mme Berthet, MM. Bouloux et Pellevat, Mmes Petrus, Joseph, Puissat, Dumont et Belrhiti et MM. Lefèvre, Piednoir et Panunzi, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 241-2-1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « maladie », sont insérés les mots : « applicable du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2024 » ;
b) Les mots : « calculés selon les modalités prévues au deuxième alinéa du III du même article L. 241-13 » sont remplacés par les mots : « applicable au 31 décembre 2023 ».
2° Le premier alinéa de l’article L. 241-6-1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « familiales », sont insérés les mots : « applicable du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2024 est réduit de 1,8 point pour les salariés dont l’employeur entre dans le champ d’application du II de l’article L. 241-13 et dont les revenus d’activité tels qu’ils sont pris en compte pour la détermination des assiettes des cotisations définies à l’article L. 242-1 n’excèdent pas 2,5 fois le salaire minimum de croissance applicable au 31 décembre 2023 » ;
b) Le nombre : « 3,5 » est remplacé par le nombre : « 2,5 » ;
c) Les mots : « calculé selon les modalités prévues au deuxième alinéa du III de l’article L. 241-13 » sont remplacés par les mots : « applicable au 31 décembre 2023 ».
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à mon amendement précédent ; celui-ci vise à limiter à la seule année 2024 l’impact du gel de l’indexation des exonérations de cotisations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il est défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 954 est défavorable, en raison des complexités qu’un tel dispositif susciterait.
Quant à l’amendement de Mme Berthet, je comprends qu’il est motivé par la crainte de voir perdurer l’effet du gel de l’indexation. Dans cet esprit, le Gouvernement émettra un avis favorable sur l’amendement n° 240 de la commission des affaires sociales, qui vise justement à garantir que le seuil plafond d’exonération ne descendra pas en dessous de 2 Smic de l’année en cours. Je veux croire, madame la sénatrice, que cela répondra à votre souci de ne pas laisser le montant de ce seuil s’éroder complètement au fil du temps.
Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 1062 rectifié bis au profit de l’amendement de la commission.
M. le président. Madame Berthet, l’amendement n° 1062 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Martine Berthet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1062 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote sur l’amendement n° 954.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il faut bien se dire que le dogmatisme dont font preuve le Gouvernement et la majorité sénatoriale en matière de recettes frôle l’hypocrisie !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Pour notre part, quoique hostiles au principe même des exonérations de cotisations sociales, nous proposons ici un mécanisme qui tend à les rendre plus vertueuses. Nous ne refusons certes pas d’évoquer l’attractivité des entreprises ; néanmoins, s’agissant à la fois des recettes de la sécurité sociale et des compensations financières que verse l’État à cette dernière, nous devrions être doublement attachés à la bonne maîtrise de l’argent public.
Le coût du CICE nouvelle version s’élève à 28 milliards d’euros en 2024. Ce sont donc 28 milliards de cotisations patronales qui ne rentrent pas dans les caisses de la sécurité sociale, mais aussi 28 milliards d’euros de compensations qui sont soustraits aux recettes fiscales de l’État. Nous discutons donc, tranquillement, de la bonne utilisation de 56 milliards d’euros.
La majorité sénatoriale, si imaginative d’ordinaire – je l’ai dit –, pourrait trouver des solutions : nous les accepterions, sans dogmatisme. Tout ce qui nous sera proposé, nous le prendrons !
M. le président. L’amendement n° 240, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
, dans la limite de
par les mots :
et 2 fois le salaire minimum de croissance calculé selon les modalités prévues au deuxième alinéa du III du même article L. 241-13, dans la limite de
II. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
, dans la limite de
par les mots :
et 2 fois le salaire minimum de croissance calculé selon les modalités prévues au deuxième alinéa du III de l’article L. 241-13, dans la limite de
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je le présenterai de manière assez rapide, monsieur le président, car je me suis déjà exprimée sur ce que veut faire la commission.
Il est vrai que, dans sa rédaction actuelle, l’article 10 quinquies donne au Gouvernement la possibilité de relever par décret le montant du seuil s’il convient d’en enrayer la baisse. Toutefois, il semble plus prudent d’inscrire un seuil minimal dans le dur de la loi.
Ce seuil minimal, nous proposons de le fixer à 2 Smic de l’année en cours, ce qui n’est pas la même chose que 2 Smic de l’année 2023. Concrètement, dans dix ou vingt ans – le temps passe vite ! –, quand le Smic aura beaucoup augmenté, les plafonds des deux bandeaux, qui sont actuellement de 2,5 et de 3,5 Smic, pourraient ne plus équivaloir qu’à 2 Smic de l’année en cours ; aux termes de notre amendement, ils se stabiliseraient alors à ce niveau.
Ce choix de 2 Smic correspond en partie à une convention : on considère habituellement que les allégements de cotisations conservent une certaine efficacité un peu au-dessus de 1,6 Smic et qu’ils la perdent tout à fait autour de 2,5 Smic. En quelque sorte, nous avons coupé la poire en deux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Je salue l’œuvre de pédagogie de notre rapporteure générale.
Ayons tout de même conscience que ce n’est pas une décision légère que nous prenons en adoptant cet article : nous sommes en train de toucher au dogme de la baisse du coût du travail en acceptant l’augmentation, certes légère, qui découlera du gel des exonérations de cotisations. Certes, cela se fait de manière extrêmement lissée ; cependant, en adoptant l’amendement de Mme la rapporteure générale, qui vise à empêcher que les plafonds d’exonération ne baissent en dessous de 2 Smic de l’année en cours, nous compléterons utilement le signal que nous envoyons.
Je voterai donc cet amendement ; il faut avoir conscience de ce que nous sommes en train de faire en matière de coût du travail.
M. le président. Je mets aux voix l’article 10 quinquies, modifié.
(L’article 10 quinquies est adopté.)
Après l’article 10 quinquies
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 813 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale, le nombre : « 3,5 » est remplacé par le nombre : « 1,6 ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à limiter aux salaires inférieurs ou égaux à 1,6 Smic le champ d’application de l’allégement de cotisations d’allocations familiales. En effet, comme je l’ai déjà dit, les rapports s’accordent pour établir que cet allégement est inefficient pour des salaires plus élevés.
L’extension aux salaires élevés, via le bandeau famille, des allégements de cotisations d’allocations familiales, décidée à la suite des préconisations du rapport Gallois dans le but d’augmenter la compétitivité des entreprises, n’a eu aucun effet ni sur l’emploi ni sur l’industrie. Cela a d’ailleurs été démontré par le CAE, qui préconisait en 2019 de revenir sur les exonérations de cotisations au-delà de 1,6 Smic, ainsi que dans le récent rapport de MM. les députés Ferracci et Guedj : ces derniers recommandent de revenir sur la part du bandeau famille portant sur les hauts salaires, la jugeant inefficace et coûteuse.
En outre, cette réduction des cotisations familiales sur les salaires profite surtout aux grandes entreprises : 270 grandes entreprises concentrent 28,3 % du volume de l’allégement sur les rémunérations comprises entre 2,5 et 3,5 Smic. Il s’agit dès lors d’un véritable cadeau pour les hauts salaires, cadeau qui n’a aucune justification, puisque son efficience pour l’emploi et la compétitivité est quasi nulle.
Ainsi, chaque année, cet allégement inefficace sur les cotisations de la branche famille coûte plus de 4 milliards d’euros à la sécurité sociale, soit deux fois le montant dont ont besoin les hôpitaux et établissements publics de santé afin de réellement compenser l’inflation et les revalorisations salariales survenues en 2023.
Cet amendement vise donc à suivre les recommandations du CAE et du rapport de MM. Ferracci et Guedj en limitant ces exonérations aux salaires inférieurs à 1,6 Smic. Avec votre plancher à 2 Smic, madame la rapporteure générale, on n’en est plus très loin : encore un effort !
M. le président. L’amendement n° 1221 rectifié bis, présenté par MM. Jomier et Ouizille, Mmes Poumirol, Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche, Chantrel et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 1er janvier 2024, au premier alinéa de l’article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale, le nombre : « 3,5 » est remplacé par le nombre : « 3,2 ».
II. – Au 1er janvier 2025, au premier alinéa de l’article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale, le nombre : « 3,2 » est remplacé par le nombre : « 2,8 ».
III. – Au 1er janvier 2026, au premier alinéa de l’article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale, le nombre : « 2,8 » est remplacé par le nombre : « 2,5 ».
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Dans un esprit similaire à celui qui inspire l’amendement que vient de présenter Mme Poncet Monge, cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à limiter le champ d’application de l’allégement de cotisations patronales d’allocations familiales : on réduirait progressivement, sur trois ans – c’est très doux ! –, le montant maximal des salaires donnant lieu à cet allégement à 2,5 Smic, en lieu et place du plafond actuel de 3,5 Smic.
Cela a été dit et redit, y compris par M. le ministre : en trente ans, le coût des allégements généraux de cotisations sociales patronales a explosé.
Le coût des allégements de cotisations et exemptions d’assiette est désormais, au total, de plus de 80 milliards d’euros. Vous l’avez même évalué, monsieur le ministre, à 87 milliards d’euros !
Le bandeau famille, dispositif d’exonération de cotisations d’allocations familiales, consiste notamment en une réduction de cotisations sur les rémunérations élevées, comprises entre 2,5 et 3,5 Smic ; cette réduction fut conçue en 2014 comme une mesure en faveur de la compétitivité et de l’industrie. Les éléments objectifs issus des différentes études sur le sujet prouvent toutefois que cet allégement a en vérité des effets quasi nuls sur l’emploi et un impact difficilement décelable sur la compétitivité.
En supprimant progressivement ces exonérations, nous permettrons à la branche famille d’accroître ses ressources d’au minimum 1,6 milliard d’euros d’ici trois ans.
M. le président. L’amendement n° 527 rectifié, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Après l’article 10 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale, le nombre : « 3,5 » est remplacé par le nombre : « 3 ».
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Par cet amendement, mes chers collègues, il vous est proposé de supprimer les allégements de cotisations patronales pour les salaires qui vont de 3 à 3,5 fois le Smic.
Le Rassemblement national propose et continuera de proposer, au cours de nos échanges, un changement de logique dans la politique de baisse du coût du travail. Si nous considérons que les Français sont trop peu rémunérés, les politiques constantes de baisse des cotisations sociales sur les salaires jusqu’à 3,5 Smic ne portent pas leurs fruits, toutes les études le montrent. En effet, selon une note publiée par le CAE en janvier 2019, la baisse des cotisations patronales n’a d’effets significatifs sur l’emploi que lorsqu’elle est limitée aux salaires inférieurs à 1,6 Smic.
Nous proposerons donc, dans la suite de ce débat, l’adoption de la mesure phare de Marine Le Pen : pour une augmentation de 10 % des salaires, après concertation entre les salariés et les employeurs, ces derniers bénéficieraient d’une annulation des cotisations patronales afférentes.
En attendant, par cet amendement, nous vous proposons de supprimer les allégements de cotisations patronales accordés pour les salaires compris entre 3 et 3,5 Smic, afin de faire rentrer dans les caisses de notre système social un argent qui lui manque tant, mais également de préparer ce grand choc de hausse des salaires qui fut plébiscité par des millions de Français en 2022.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1221 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 1083 rectifié bis, présenté par Mme Vermeillet, MM. Bleunven et Canévet, Mmes Sollogoub et N. Goulet, MM. Laugier et Kern, Mme O. Richard, MM. Mizzon et Henno, Mmes Gatel, Saint-Pé, Perrot et Gacquerre, MM. P. Martin et J.M. Arnaud, Mme Jacquemet, M. Duffourg et Mme Romagny, est ainsi libellé :
Après l’article 10 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale est complété par trois paragraphes ainsi rédigés :
« III. Au sens du présent code, les salariés mis à la disposition, en tout ou partie, d’un ou de plusieurs de ses membres par un groupement d’employeurs ne sont pas pris en compte dans l’effectif de ce groupement d’employeurs, sauf en ce qui concerne l’application des dispositions relatives à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles. »
« IV. Au sens du présent code, les salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs sont pris en compte par l’entreprise utilisatrice à due proportion de leur temps de travail, pour le calcul de ses effectifs, sauf en ce qui concerne l’application des dispositions relatives à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
« V. Les dispositions des alinéas III et IV sont applicables à compter du 1er janvier 2025. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Les groupements d’employeurs ont pour vocation de mutualiser les besoins de main-d’œuvre en mettant leurs salariés à la disposition de leurs adhérents. Ils interviennent à 90 % auprès de très petites entreprises (TPE) de moins de 11 salariés. Dans le secteur agricole, notamment, cette mutualisation permet aux exploitants d’accéder à une fonction d’employeur qui serait inenvisageable sans cet outil, notamment pour des raisons de simplification.
La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi Travail, a permis de préciser que les salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs ne sont pas pris en compte dans l’effectif de ce groupement. Les cotisations sociales desdits groupements sont donc appelées selon les seuils des entreprises de moins de 11 salariés.
Toutefois, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, en intégrant l’ensemble des salariés, y compris ceux qui sont mis à la disposition des entreprises adhérentes, dans le décompte des effectifs retenu pour le calcul des cotisations, a conduit à appliquer aux groupements d’employeurs les seuils qui s’imposent aux entreprises de plus de 50 salariés.
Cela induit, au minimum, un doublement de leur taux de contribution, en matière de formation notamment, qu’ils répercutent en facturant plus cher aux entreprises adhérentes la mise à disposition de leurs salariés.
En cohérence avec la réalité de l’activité des groupements d’employeurs, nous proposons, par cet amendement, d’assujettir l’ensemble de la masse salariale des groupements d’employeurs aux mêmes taux qui s’appliquent aux entreprises de moins de 11 salariés pour ce qui concerne les déclarations sociales.
L’idée est de ne pas exiger des entreprises qui bénéficient du concours de quelques salariés des groupements d’employeurs davantage que ce qu’elles devraient payer si elles embauchaient elles-mêmes. Ce qui leur serait facturé par le groupement correspondrait ainsi aux charges sociales d’une entreprise de moins de 11 salariés, car telle est la réalité des effectifs qu’elles emploient.
M. le président. Le sous-amendement n° 1379, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 1083, alinéa 5
1° Après les mots :
à compter
insérer les mots :
d’une date fixée par décret et au plus tard à compter
2° Remplacer l’année :
2025
par l’année :
2026
La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter le sous-amendement n° 1379 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1083 rectifié bis.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Comme vous, madame la sénatrice Vermeillet, nous souhaitons soutenir les groupements d’employeurs. Votre amendement soulève néanmoins quelques réserves de notre part quant au délai proposé pour la mise en œuvre de ces dispositions. C’est pourquoi je présente ce sous-amendement, qui tend à la repousser de 2025 à 2026.
J’émets d’ores et déjà un avis favorable sur l’amendement de Mme Vermeillet, sous réserve de l’adoption du sous-amendement du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission s’était à l’origine prononcée défavorablement sur l’amendement de Mme Vermeillet, parce que, comme le Gouvernement, nous estimions que la date prévue pour l’entrée en vigueur de ses dispositions était trop proche. L’adoption du sous-amendement n° 1379 du Gouvernement viendrait lever cette objection, en laissant du temps pour préparer les choses.
Par conséquent, sous réserve de l’adoption du sous-amendement gouvernemental, je peux désormais émettre un avis favorable sur l’amendement n° 1083 rectifié bis.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Nous sommes nombreux, sur toutes les travées de l’hémicycle, à être issus de territoires ruraux ; nous savons donc l’importance et surtout l’efficacité de l’outil souple et pratique que représentent les groupements d’employeurs pour les exploitations agricoles.
Je n’ai pas le sentiment qu’adopter cet amendement serait faire un geste en leur faveur : il s’agit simplement d’ajuster le montant des cotisations qui leur sont demandées à la réalité de leur situation, puisque les exploitations où travaillent les salariés mis à disposition par le groupement d’employeurs comptent bel et bien moins de 11 salariés. Dès lors, je ne comprends pas ce qui justifie un tel délai administratif.
Je soutiendrai donc cet amendement de bon sens ; quant à l’entrée en vigueur de ces dispositions, le plus tôt sera le mieux, car vous savez bien, mes chers collègues, combien elles sont attendues, par le monde agricole en particulier.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Comme vient de le dire Nadia Sollogoub, cet amendement est très attendu, pour une raison simple : les groupements d’employeurs, en permettant notamment de partager des salariés, jouent un rôle important, dans le secteur agricole, bien sûr, mais aussi pour beaucoup d’autres entreprises de taille modeste. Cet outil permet à de nombreuses entreprises de taille modeste de compléter le temps de travail de leurs salariés et ainsi de répondre à des problématiques saisonnières.
Dès lors, à l’inverse du Gouvernement, j’aurais plutôt déposé un sous-amendement tendant à ramener à 2024 l’année de mise en œuvre du dispositif, tant il est attendu par l’ensemble des acteurs. J’espère à tout le moins que notre assemblée aura été rendue sensible à ce sujet et soutiendra une mise en œuvre aussi rapide que possible de ce dispositif important. C’est une question de logique !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1083 rectifié bis, modifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10 quinquies.
Mes chers collègues, nous avons examiné 120 amendements au cours de la journée ; il en reste 623 à étudier sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 15 novembre 2023 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte n° 77, 2023-2024).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 15 novembre 2023, à une heure cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER