M. le président. Décidément, Jean Jaurès est à l’honneur, ce matin… (Sourires.)
La parole est à Mme Nadège Havet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Nathalie Delattre entend aménager la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, en soumettant les sports mécaniques à des prescriptions dérogatoires. Celles-ci devront concilier leur pratique avec la protection de la tranquillité du voisinage et de la santé humaine.
Les modalités d’application seront à préciser par un décret en Conseil d’État.
Pour faire suite à loi de modernisation de notre système de santé, votée en 2016, le décret Bruits du 7 août 2017 a défini l’ensemble des mesures obligatoires visant à protéger l’audition du public exposé à des sons amplifiés à des niveaux sonores élevés dans les lieux ouverts au public ou recevant du public, ainsi que la santé des riverains de ces lieux.
Plus spécifiquement, cette mesure est venue modifier le niveau sonore applicable aux activités des sports mécaniques en soumettant les circuits au droit commun des bruits de voisinage.
Ainsi, les circuits de sports mécaniques sont désormais soumis à deux réglementations complémentaires : d’une part, les règles techniques et de sécurité édictées par les fédérations délégataires qui fixent les niveaux sonores à la source ; d’autre part, les textes précités qui fixent les émergences sonores émises par l’activité des circuits lorsqu’elles atteignent les habitations riveraines.
Un arrêté pris en 2023 est venu à son tour apporter des précisions.
Dans ce cadre nouvellement défini, l’exposé des motifs de la proposition de loi énonce que les circuits de sports mécaniques « se trouvent soumis à des règles disproportionnées, voire parfois inapplicables […] ».
Plusieurs lieux en France se retrouvent ainsi dans l’incapacité de respecter la réglementation en vigueur, y compris le circuit de Nevers Magny-Cours ou encore le circuit des 24 heures du Mans, ce dernier devant s’adapter à deux niveaux d’émergence sonore différents selon que la période est diurne ou nocturne.
Cette situation paraît en effet difficilement conciliable avec les activités concernées.
En outre, le risque évident de contentieux préoccupe les fédérations sportives délégataires, en raison de l’insécurité juridique et technique dans laquelle elles se trouvent désormais.
Pour répondre à cette problématique, le texte propose de soumettre les sports mécaniques à des prescriptions particulières.
Nous rappelons l’impératif de lutter contre la pollution sonore, ainsi que la Commission européenne l’a encore récemment rappelé.
S’il votera majoritairement en faveur du dispositif proposé, le groupe RDPI souhaite évidemment que les efforts des constructeurs et des organisateurs se poursuivent et que le décret prévu par la proposition de loi fixe une trajectoire, certes praticable, mais ambitieuse, en matière de gestion du bruit. J’ai d’ailleurs pu prendre connaissance de certaines avancées en la matière, notamment dans le domaine du motocyclisme, qui a accompli d’importants progrès pour réduire les nuisances sonores.
Je profite de l’examen de ce texte pour saluer l’engagement des professionnels du spectacle vivant, qui font eux aussi face à d’importantes contraintes en la matière et à une réglementation sonore ambitieuse. En effet, quelque 3 000 festivals musicaux sont concernés en France.
Alors que les professionnels de la filière doivent relever un grand nombre de défis techniques, des expérimentations sont menées afin de concilier la qualité de l’expérience sonore et le respect de l’environnement. Ces démarches complexes, mais volontaristes, préfigurent les festivals de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Elsa Schalck applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté ce matin par notre collègue Nathalie Delattre vise à déroger au droit commun en matière de prévention des risques liés aux bruits émis par des circuits automobiles.
Pour rappel, le décret Bruits du 7 août 2017, pris dans la continuité de l’article 56 de la loi de Marisol Touraine sur la modernisation de notre système de santé, permettait de renforcer la protection des riverains exposés au bruit. L’impact des nuisances sonores sur la santé et son coût social sont clairement démontrés par une récente étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Cet impact est à prendre en compte en termes de santé environnementale et de santé humaine.
Comme beaucoup, nous avons été alertés par la difficile application du décret Bruits aux festivals. Je note à mon tour les efforts des fédérations sportives pour s’adapter : organisation de compétitions de véhicules électriques ou encore mise en place d’un baromètre environnemental des sports mécaniques. Il est impérieux d’aller plus avant dans cette voie, car ces activités de loisirs automobiles ont de forts impacts en matière de consommation d’énergie fossile.
Sans méconnaître l’importance de ce secteur, il est nécessaire d’encadrer le dispositif qui nous est proposé, afin que les riverains se sentent suffisamment protégés de toute dérive sonore ouverte par un nouveau décret.
En outre, si nous pouvons entendre l’objectif des auteurs de la proposition de loi, il ne faudrait pas que notre assemblée s’empêche de veiller à ce que des garde-fous soient clairement posés.
À ce titre, nous avons déposé trois amendements dont l’objet est de garantir un meilleur encadrement du dispositif.
Premièrement, il s’agit de rendre obligatoire la consultation du Conseil national du bruit (CNB) dans le cadre de l’élaboration du décret. Celle-ci nous paraît en effet indispensable dans la mesure où cette instance est composée de représentants des collectivités locales, des organisations syndicales, des personnalités qualifiées et des représentants des différents groupements, associations et professions concernés par les problèmes de lutte contre le bruit et d’amélioration de l’environnement sonore.
Certes, le Conseil national du bruit détient un pouvoir d’autosaisine, mais les choses vont mieux en le disant, mes chers collègues ! Cela est d’autant plus vrai que texte laisse peu de marges de manœuvre aux parlementaires que nous sommes, puisqu’il renvoie au pouvoir réglementaire le soin de réviser le décret de 2017.
Deuxièmement, dans le but de sécuriser le dispositif, nous défendons l’insertion d’un nouvel article, qui permettra d’évaluer, au moyen d’un rapport remis au Parlement, la dérogation permise par cette proposition de loi.
Il me semble très important que nous puissions assurer le suivi des décisions que nous prenons ici, car le sujet concerne non pas uniquement la filière des sports mécaniques, mais aussi les riverains. Un rapport d’évaluation permettra de veiller à la bonne application du texte et à un équilibre entre les besoins de l’ensemble des parties prenantes.
Troisièmement, nous proposerons de modifier l’intitulé de la proposition de loi, dans le but d’en clarifier l’objectif.
Ces amendements tendent donc tous à trouver un meilleur équilibre entre la préservation de la filière des sports mécaniques, la préservation de la santé humaine et la protection du voisinage.
Monsieur le rapporteur, j’avoue ne pas comprendre les positions rigides que vous avez exprimées en commission à l’endroit de ces amendements. Vous avez déclaré tout à l’heure avoir cherché à concilier tous les avis : ce n’est pas tout à fait ce que j’ai perçu. J’espère que la discussion qui s’ouvre permettra d’améliorer ce texte, qui, à ce stade, n’exige aucune contrepartie des bénéficiaires de la dérogation prévue.
Par ailleurs, à la suite d’une question écrite de l’un de nos collègues, le ministère a indiqué qu’un groupe de travail avait été mis sur pied. Une réunion interministérielle s’est tenue au mois d’octobre 2021 en présence de la Fédération française de motocyclisme et de la Fédération française du sport automobile.
Madame la ministre, pourriez-vous nous en dire plus sur les avancées de ce groupe de travail ? Avez-vous d’ores et déjà prévu des aménagements au décret ? Si oui, dans quel sens ? Où en sont les conclusions ? (M. Jacques Fernique applaudit.)
Ces éléments auraient sans doute été très utiles pour éclairer notre débat et auraient peut-être rendu cette proposition de loi inutile au regard des évolutions réglementaires envisagées par le Gouvernement.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous demeurons circonspects face au manque de souplesse du rapporteur en commission. Si nos amendements devaient être rejetés en séance publique, nous n’aurions d’autre choix que de nous opposer à cette proposition de loi telle qu’elle nous est soumise. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac. (Mme Elsa Schalck applaudit.)
Mme Marta de Cidrac. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tant qu’ancien membre du Conseil national du bruit, je ne peux que me réjouir de l’examen de cette proposition de loi, qui nous donne l’occasion de nous exprimer sur le bruit, sujet ô combien sensible pour la majorité de nos concitoyens.
D’emblée, je partage avec vous ma conviction que mieux différencier et mieux encadrer les risques liés aux bruits est une bonne initiative. Ce n’est certainement pas créer un droit à la pollution sonore.
La filière des sports mécaniques en France concerne des technologies au service d’une recherche industrielle de pointe, qui s’intéresse au développement de la sécurité automobile et, bien sûr, au développement économique. Elle représentait, il y a cinq ans encore, environ 13 000 emplois et 2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Biocarburants, hybridation, motorisation électrique, remplacement du carbone par le chanvre, télémétrie, aérodynamique, toutes ces technologies viennent initialement de la course automobile et sont maintenant érigées comme d’incontournables standards pour réussir la transition écologique.
Pour saisir l’opportunité de ces innovations, il est essentiel qu’à tous les niveaux et dans toutes les disciplines les sports mécaniques tiennent compte des évolutions de notre société et conservent un écosystème d’infrastructures dynamique. À ce titre, je salue l’emblématique circuit Jean-Pierre-Beltoise de mon département, acteur engagé dans le domaine de la sécurité routière.
Cependant, cette dynamique est aujourd’hui fragilisée ; c’est la raison pour laquelle nous sommes réunis. En effet, depuis 2017, les sports mécaniques pâtissent de l’application d’un régime général sur la sanction des nuisances sonores. Même si l’intention qui en est à l’origine est parfaitement compréhensible, prenons garde de menacer l’existence même d’une activité dynamique dans les territoires.
À terme, en effet, cette règle pourrait devenir néfaste pour toute une filière et priver la France d’opportunités favorisant son rayonnement sportif et industriel.
En appliquant le droit existant, même les très vertueuses formules électriques, pourtant érigées en modèle de la compétition automobile durable, seraient en infraction. En effet, une monoplace électrique a un niveau sonore d’environ 85 décibels ; or un tel seuil de bruit d’activité est suffisant pour contrevenir à la loi. Il s’agit d’un exemple parmi tant d’autres des incohérences qui se glissent parfois dans notre droit et qui pénalisent ce qui est devenu un véritable laboratoire pour une industrie automobile durable et responsable.
Au-delà de l’urgence climatique, les objectifs européens vers lesquels cette industrie doit tendre en matière de transition écologique et de mobilités durables nous rappellent que le temps presse.
En renvoyant les sports mécaniques à un régime différencié du droit commun, nous ferions donc œuvre utile et de bon sens. Il n’est nullement question d’autoriser sans contrôle une pollution sonore active ; il s’agit seulement de mieux encadrer les pratiques. Particulièrement sensible à la problématique du bruit, je souhaite qu’un chemin de crête équilibré soit trouvé. Nos concitoyens et riverains des circuits ont, à l’instar de chaque Français, droit à la tranquillité publique.
Le sport mécanique n’est pas le seul domaine où la lutte contre la pollution sonore peut se concilier avec des objectifs économiques et écologiques. Bien qu’étant en dehors du champ de la loi de 2016, le transport aérien connaît lui aussi des adaptations aux réalités locales, en cas de survol à basse altitude de zones habitées. C’est un problème que le département des Yvelines connaît bien et j’ai d’ailleurs plusieurs fois interrogé le Gouvernement sur la mise en œuvre de trajectoires d’approches aériennes dites « en descente douce ». Cette solution semble convenir à tous les acteurs, preuve que s’adapter à certaines réalités sectorielles est souvent une solution de bon sens.
Malgré tout, le bruit est devenu l’un des maux du monde moderne. L’intensification des transports routier, aérien, ferroviaire, le bruit des activités économiques, la généralisation des casques et écouteurs audio, tout cela fait peser sur notre système auditif de fortes contraintes.
Par ailleurs, la pollution lumineuse est souvent associée au bruit. Tout cela n’est pas sans conséquence sur notre santé, sur la biodiversité ou sur les milieux naturels. Prenons conscience que l’audition est l’une des fonctions de l’organisme qui ne cesse jamais.
Le bruit entraîne pour l’homme des troubles du sommeil, engendre des pathologies cardiovasculaires sérieuses et des dommages auditifs parfois irréversibles. Cette problématique doit être considérée avec le plus grand sérieux.
Plus généralement, je salue le travail de tous les acteurs qui se mobilisent dans le domaine de la lutte et de la prévention contre les nuisances sonores. Je sais les élus locaux et les services de l’État particulièrement engagés, notamment au travers des plans d’exposition au bruit.
Reste que le problème n’est pas que politique ou administratif : il y a un travail de sensibilisation important à mener auprès de nos concitoyens ; de même, certains secteurs comme celui de la construction devront prendre leur part. On entend beaucoup parler de l’isolation thermique des bâtiments, mais peu de l’isolation sonore. Comme la performance thermique, la résilience acoustique d’un bien fait partie du diagnostic immobilier, on l’oublie trop souvent.
Mes chers, collègues, ce texte améliorera la prévention et la lutte contre les nuisances sonores issues des sports mécaniques. Comme cela a été à plusieurs reprises souligné, il ne vise nullement à créer une exception juridique ; il s’agit bien plutôt d’adapter un dispositif trop large, qui ignore la réalité des contraintes sonores liées aux sports mécaniques. Le droit à la différenciation ne rime nullement avec l’octroi de privilèges.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous l’avez deviné, nous voterons cette proposition de loi. Nous devons rester vigilants sur son application réglementaire, car le double enjeu économique et sanitaire de ce texte devra être respecté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier.
M. Cédric Chevalier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur l’ensemble de nos territoires, les courses automobiles sont de réels lieux d’échanges et de rencontres. Bien sûr, la Formule 1 ou encore les 24 heures du Mans sont les vitrines de ces sports mécaniques, mais nous avons tous, dans nos départements, un rallye ou des compétitions auto et moto sur les nombreux circuits automobiles que compte la France. C’est une partie intégrante de notre culture.
Sans vouloir paraître chauvin, je vous citerai, pour ma part, le célèbre circuit de Gueux, proche de Reims, classé au patrimoine monumental français, le rallye Épernay-Vins de Champagne, qui a vu débuter Sébastien Loeb dans cette catégorie, ou le passage, certaines années, dans notre beau département, du rallye Monte-Carlo historique.
À titre personnel, j’ai été bercé par les exploits de mon arrière-grand-père, Charles Delfosse, constructeur automobile et pilote automobile dans les années 1920, qui a notamment affronté les 6 heures des routes pavées avec des voitures dont il avait conçu les châssis.
Aujourd’hui, comme l’ont déjà évoqué les orateurs précédents, les sports mécaniques sur circuit sont soumis à de strictes restrictions en matière sonore qui ne correspondent pas à la réalité de ces pratiques, alors même que, depuis de nombreuses années, les fédérations sportives automobiles œuvrent à la réduction de toutes formes de pollutions, y compris sonores.
Les progrès sont sous nos yeux et cette proposition de loi en tire les conséquences. J’en profite pour saluer le travail de l’auteur de ce texte, ainsi que celui du rapporteur et de notre commission.
Nous avons, en effet, été très attentifs aux développements et aux orientations que nous souhaitions engager pour le secteur automobile. De manière générale, nous avons voulu instaurer un cadre permettant à la fois de réduire les nuisances que provoquent les véhicules routiers tout en laissant aux inventeurs la possibilité d’innover en la matière.
Parce qu’il est essentiel de desserrer l’étau quand il exerce une pression trop forte ou qu’il le fait inutilement, nous avons voulu mettre en place des dispositions pragmatiques pour les sports automobiles. Comme cela a été souligné, il n’est pas question de mettre en place un droit à la pollution sonore ; il s’agit au contraire de trouver une voie équilibrée en permettant le développement et la pratique de ce sport tout en tenant compte des contraintes extérieures et des nuisances possibles.
Permettez-moi de relever que les circuits automobiles ne sont pas sortis de terre ces dernières années. En effet, la plupart d’entre eux existent depuis un certain temps. Que les riverains se plaignent maintenant des niveaux sonores peut paraître surprenant… On n’est pas dans un film d’Yves Robert où des quadras achètent une maison de campagne aux abords d’un aéroport un jour de grève des avions ! (Sourires.)
Plus sérieusement, ce texte soulève une question plus profonde. Alors que nous sommes en pleine transition et, particulièrement, en pleine réflexion sur nos modes de transport, il faut rappeler que les avancées techniques développées dans le sport automobile se répercutent sur l’ensemble de l’industrie automobile et servent à tous les conducteurs.
Je ne reviendrai pas sur les données économiques de la filière, pas plus que sur les milliers d’emplois pérennes créés. J’évoquerai simplement l’excellence de la France dans ce domaine, elle qui est reconnue, à travers le monde, pour son savoir-faire en la matière.
Je vous rappelle que le moteur turbo a été développé grâce à la Formule 1. Il en est de même du système d’antiblocage des roues, plus connu sous le nom d’ABS, qui sauve bien des vies depuis qu’il est sur nos voitures de série. Le système de récupération d’énergie cinétique vient également tout droit des circuits de F1. Quant aux freins à disque, ils ont été d’abord présentés lors des 24 heures du Mans.
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
M. Cédric Chevalier. Bref, ce qui se passe sur nos circuits de sports mécaniques est un véritable accélérateur d’innovation et le travail sur les nuisances sonores en fait partie.
Il faut donc trouver une position équilibrée entre la pratique de ces sports mécaniques et les nuisances sonores qu’ils provoquent. Je rappelle que les filtres intelligents placés au niveau des moteurs réduisent les bruits. De nombreuses améliorations ont été réalisées de ce côté.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants, investi dans le progrès et l’innovation, trouve ce texte équilibré et votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Nadia Sollogoub. « Dans cet univers plein de bruit et de fureur, c’est le bruit des uns qui provoque la fureur des autres. » Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, difficile de trouver plus approprié que cette citation d’Antoine Blondin pour introduire l’examen du texte qui nous occupe aujourd’hui.
Pour autant, bruit et fureur sont relatifs à des lieux et à des circonstances : un bruit insupportable ici peut être jugé tout à fait acceptable là-bas. C’est cette réalité à géométrie variable qui est aujourd’hui interrogée.
Dans un souci de protection de la santé publique, le législateur a souhaité, par un décret pris le 7 août 2017, établir une règle de protection des riverains « des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés ».
Ce texte définit des niveaux sonores à respecter par des activités impliquant la diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés. Il détermine également des mesures de protection individuelle des risques auditifs, telles que l’information du public, la mise à disposition de protections auditives et la mise en place de dispositions permettant le repos auditif. Les seuils sont fixés en décibels dits « pondérés », des niveaux de pression acoustiques maximums, sur une durée déterminée.
Ces dispositions concernent les activités impliquant la diffusion de sons à des niveaux sonores élevés, tels les festivals.
Le décret comporte également un volet concernant les lieux hébergeant des activités susceptibles d’occasionner la diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés, en prenant cette fois en compte un critère d’émergence de bruit, c’est-à-dire la différence entre le niveau de bruit ambiant « comportant le bruit particulier mis en cause » et le niveau de bruit résiduel constitué par l’ensemble des bruits habituels.
Curieusement, on trouve dans ce décret des dérogations pour les bruits provenant des infrastructures de transport et des véhicules qui y circulent, des installations particulières de la défense nationale, des installations nucléaires de base, des installations de transport et de distribution d’énergie, des mines, des carrières, et de certaines installations classées pour la protection de l’environnement, de même, pour une raison qui m’est inconnue, des lieux hébergeant des activités bruyantes situées à Saint-Barthélemy !
Ce cadre, qui se veut de bon sens, prévoit évidemment des dérogations, lesquelles induisent des incohérences. Ainsi, le bruit émis par un véhicule sur une infrastructure routière n’est pas plafonné – comme si l’on considérait qu’il ne représentait pas de risque pour la santé des riverains. Depuis la parution du décret Bruits de 2017, le même bruit émis par le même véhicule peut être interdit s’il est produit dans l’enceinte d’un circuit automobile, et ce pour protéger la santé de ses riverains – comme si la santé des riverains d’une autoroute comptait moins que la santé des riverains d’un circuit automobile…
Ce n’est pas anecdotique en effet, au-delà d’être incohérent, puisque ce système a de graves conséquences pour le sport automobile. Il représente une menace certaine pour les manifestations et, par conséquent, les circuits, qui se trouvent désormais dans une situation juridique fragile.
Nous sommes plusieurs sur ces travées à mesurer le rayonnement des circuits automobiles et leur effet d’entraînement sur les entreprises locales, qui se constituent souvent en pôles techniques, économiques et de formation, véritables creusets de recherche pour nos territoires.
Nous constatons également, pour le pratiquer au quotidien, qu’un fonctionnement dynamique régulier entraîne une attraction touristique et « ruisselle » sur tous les lieux d’hébergement touristique.
Je vous en parle savamment, car, étant élue de la Nièvre, département rural peu connu, combien de fois ai-je constaté que l’unique moyen de faire identifier mon territoire consistait à citer le circuit de Nevers Magny-Cours – et aussi le vin de Pouilly, je dois bien l’avouer… (Sourires.)
Ainsi, certaines populations sont venues s’installer chez nous en raison des occasions professionnelles induites par le circuit. Personne n’a acheté une maison sans remarquer sa présence à proximité. Tous les riverains sont là en connaissance de cause. Le maire me confirme que le circuit tout proche est un atout inestimable pour sa commune et non pas une source de conflits ou de tensions : il a fait venir plus d’habitants qu’il n’en a fait partir.
Il me livre même deux anecdotes révélatrices.
Habitué qu’il est à entendre des moteurs, il me dit reconnaître à l’oreille une F1 des années 1970, tant celle-ci est plus bruyante qu’une voiture contemporaine ! Voilà qui en dit long sur les progrès réalisés dans ce domaine par le sport automobile en général.
Il me dit aussi que le mât de mesure de bruit installé sur le bâtiment de sa mairie lui a permis de constater que les nuisances provenaient surtout des fortes circulations sur l’autoroute toute proche…
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tout état de cause, il faut de la mesure. Citation pour citation, je conclus avec Sénèque : « Ayez le souci de séparer les choses du bruit qu’elles font. » C’est ce que nous faisons en autorisant la circulation sur les axes routiers et le fonctionnement d’équipements industriels pourtant bruyants.
Considérons l’apport indéniable du sport automobile, ses retombées économiques, les avancées technologiques qu’il nous offre. Permettons à nos préfets de reprendre la main et de pouvoir localement, avec discernement, autoriser ce qui peut l’être. Permettons aux acteurs locaux, élus et dirigeants d’équipements sportifs, de mettre en place une solution qui vaut mieux que tous les décrets : la discussion, l’écoute et le travail en bonne intelligence.
Merci donc à notre collègue Nathalie Delattre d’avoir déposé ce texte et à mon collègue du groupe Union Centriste Alain Duffourg d’en avoir été un si bon rapporteur. Mes chers collègues, vous l’aurez compris le groupe Union Centriste votera cette proposition de loi le pied au plancher ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la pollution sonore est sans doute l’une des pollutions les plus négligées. Pourtant, ses impacts sanitaires sont bien démontrés.
L’Organisation mondiale de la santé nous apprend que le bruit est le second facteur environnemental provoquant le plus de dommages sanitaires, derrière la pollution atmosphérique. Environ 20 % de la population européenne, soit plus de 100 millions de personnes, se trouve exposée de manière chronique à des niveaux de bruit préjudiciables pour la santé.
Cette pollution affecte non seulement la santé humaine, mais aussi presque toutes les branches du vivant. La biodiversité et les espèces animales subissent des perturbations comportementales, de reproduction et de communication en raison du bruit intense. Dans un contexte global déjà délétère pour la faune, il y a urgence à faire moins de bruit.
Selon une étude conjointe du Conseil national du bruit et de l’Ademe, le coût social total du bruit est estimé en France à 147 milliards d’euros chaque année. Rendez-vous compte !
La proposition de loi que nous examinons, qui vise à accorder aux sports mécaniques sur circuit une dérogation à la réglementation antibruit, va donc à contre-courant des préoccupations environnementales, des préconisations issues des rapports scientifiques, du droit européen, de notre code de l’environnement et de celui de la santé publique. Aujourd’hui, ce dernier protège les personnes exposées au bruit des circuits : quoi que l’on en dise, l’adoption de cette proposition de loi serait un recul de leur droit à la santé.
Le groupe écologiste s’y opposera donc. Il est essentiel de maintenir des normes sérieuses. Elles s’imposent au regard des problèmes de santé que provoque l’exposition à des niveaux élevés de bruits : hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires, mortalité prématurée. Cela affecte significativement la santé physique, mentale, en particulier des riverains vivant à proximité des circuits de vitesse qui voient leur bien-être altéré.
À Biltzheim, en Alsace, face au vacarme des bruits de moteurs, d’accélération et de freinage provenant du circuit de l’Anneau du Rhin, mais aussi en raison des effets collatéraux des voitures et motos qui traversent sans retenue les villages voisins du circuit jusqu’à Pfaffenheim, nombre de riverains sont contraints de cocher régulièrement le calendrier des événements du circuit pour quitter à chaque fois leur domicile. Dans ces conditions, monsieur le rapporteur, où est la création du lien social que vous avez vantée ?
Il paraît intolérable de ne pas protéger nos concitoyens par des normes sérieuses. Le décret Bruits de 2017 en contient !
Bien sûr, les circuits suscitent de la ferveur populaire, de la passion, de l’engouement. Nous reconnaissons l’importance économique, sociale et culturelle des sports mécaniques pour les territoires concernés. Cependant, ces sports ne doivent pas être pratiqués au détriment de la santé publique et de la protection de l’environnement.
L’argument – encore entendu ce matin - selon lequel ces circuits existaient avant l’installation des riverains, qui seraient donc venus en connaissance de cause, relève d’une logique à laquelle nous, écologistes, sommes habitués à nous confronter depuis des décennies. Il témoigne, lorsqu’on y réfléchit, d’une conception singulière des principes républicains et de la valeur accordée aux codes de la santé publique et de l’environnement.
Un ancien pilote, directeur d’écurie, ancien responsable de circuit, a récemment affirmé sans ambages que « la moitié de l’intérêt de ce sport vient du bruit du moteur ». Par ces propos, il nous fait crûment comprendre que les sports motorisés doivent se transformer, à l’heure où les engins thermiques sont engagés dans une transition inéluctable vers l’électrique,…