M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, pour explication de vote.
M. Adel Ziane. Je tiens également à saluer le travail fait en commission, dans le cadre d’échanges toujours respectueux.
Je souhaite aborder trois points en conclusion.
D’abord, il était essentiel pour nous qu’un certain nombre de thématiques, qui nous semblaient disparaître de l’EMC, ne soient pas renvoyées vers d’autres dispositifs dont les contours ne sont pas encore clairs ni formalisés.
Ensuite, la distinction entre les principes et les valeurs de notre République nous tenait particulièrement à cœur. Je remercie l’ensemble des collègues qui ont permis d’en débattre sereinement.
Enfin, sur le statut de l’étudiant élu, qu’il me soit permis de remercier le sénateur Cabanel. Les informations et propositions qui sont ressorties des travaux de la mission d’information dont il a été le rapporteur nous sont très utiles. Ce débat fait bien entendu écho au Congrès des maires, qui se tient actuellement, et à des discussions qui ont eu lieu au sein de diverses enceintes. Nous devons être en mesure de proposer à des étudiants qui souhaitent s’engager aujourd’hui dans un véritable parcours politique et citoyen un statut susceptible de les y aider, ne serait-ce que financièrement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Prisca Thevenot, secrétaire d’État. Je vous rejoins sur le principe de la création d’un statut dédié aux étudiants élus. Le texte n’en est encore qu’à la première étape de la navette parlementaire : le sujet devra être travaillé en étroite collaboration avec le ministère de l’intérieur.
Je me tiens à votre disposition pour avancer sur cette mesure durant le parcours législatif de ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures deux.)
3
Prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen, de la proposition de loi visant à aménager la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, présentée par Mme Nathalie Delattre et plusieurs de ses collègues (proposition n° 919 [2022-2023], texte de la commission n° 83, rapport n° 82).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nathalie Delattre, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)
Mme Nathalie Delattre, auteure de la proposition de la loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’entrée en vigueur du décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, dit décret Bruits, a modifié l’article R. 1336-6 du code de la santé publique.
Cette modification, qui trouve son origine dans la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, a fait basculer l’ensemble des activités des sports mécaniques dans le droit commun des bruits de voisinage.
Cette évolution soumet de fait les sports mécaniques à un dispositif d’infractions pénales plaçant de très nombreux circuits et, surtout, la pratique encadrée de ces sports dans l’incapacité de respecter la règle d’émergence.
Elle porte en germe des risques contentieux bien réels qui menacent la pérennité des activités sportives des fédérations françaises du sport automobile et de motocyclisme.
En effet, aucun circuit ne peut raisonnablement respecter ce nouveau cadre réglementaire disproportionné. Celui-ci a malheureusement fait fi de la situation des sports mécaniques, puisque ses acteurs n’ont à aucun moment été associés aux discussions préalables à la mise en œuvre de ce décret d’application.
Par cette proposition de loi, il s’agit de trouver une solution équilibrée, partageant l’objectif ciblé et pragmatique de création d’un régime proportionné contre le bruit, conciliant pratique des sports mécaniques et protection de la tranquillité publique. À aucun moment l’objet de cette proposition de loi n’est d’autoriser un bruit excessif et nuisible à la santé.
Les circuits de sports mécaniques font partie du patrimoine collectif de notre pays. Environ 2 300 épreuves sportives sont organisées chaque année à travers notre territoire, sur plus de 1 000 circuits, dont 37 circuits de vitesse. Ils sont le porte-étendard du savoir-faire français en matière de sports mécaniques. L’aura et la popularité auprès d’un public varié de ces compétitions, telles que les 24 heures du Mans ou le Grand Prix de France de Formule 1, dépassent largement les frontières hexagonales.
La filière des sports mécaniques en France représente 2,3 milliards d’euros annuels d’impact économique et 13 500 emplois directs, ce qui la propulse au rang de troisième filière économique et sportive en France.
Autour de chaque site, c’est tout un écosystème générant des emplois directs et indirects qui s’est tissé, un ferment de cohésion sociale et d’animation de nombreux territoires, tant ruraux qu’urbains.
Nous ne pouvons laisser planer cette épée de Damoclès sur la continuité de ces activités. Nous devons trouver une solution aménageant les contraintes qui pèsent tant sur les fédérations de sports mécaniques que sur les acteurs des circuits automobiles, tout en garantissant le respect des normes de sécurité et de protection de l’environnement.
Aujourd’hui, les fédérations sportives délégataires doivent se conformer à une réglementation complexe rendant l’application de ce décret Bruits d’autant plus excessive. Après obtention d’un arrêté d’homologation de la part du préfet qui se renouvelle tous les quatre ans, après visite et avis de la Commission nationale d’examen des circuits de vitesse ou de la commission départementale de sécurité routière, ces fédérations édictent, dans le cadre de leur mission de service public, les règles techniques et de sécurité, dont les réglementations sonores font déjà partie intégrante.
De nombreux circuits font désormais face à l’impossibilité de respecter la règle d’émergence prévue par le nouveau cadre juridique en vigueur, identique à celle qui encadre les activités industrielles ne relevant pas du régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Cette règle limite le bruit à 5 décibels en journée et à 3 décibels en période nocturne. Ainsi, une seule plainte émanant d’un riverain ou d’un collectif suffirait à menacer de fermeture un grand nombre de ces circuits.
Cette menace se renforce à mesure que l’urbanisation se déploie et s’étend à proximité des circuits, pourtant initialement construits en périphérie des centres urbains pour ne pas engendrer de nuisances.
Les inquiétudes sont d’autant plus fortes que l’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation, qui prévoit l’opposabilité de l’antériorité de la construction aux activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques, ne s’applique pas aux sports mécaniques.
Or cette menace est d’autant plus paradoxale que la filière des sports mécaniques est un vecteur d’innovations technologiques et techniques en matière environnementale.
La France est pionnière en la matière : les émissions sonores à la source des véhicules ont été réduites de plus de 20 décibels en vingt ans. Reconnue pour ses compétences et son excellence dans le domaine de l’ingénierie automobile, de la conception des moteurs aux pneumatiques, la filière a développé de manière significative, grâce à ses fédérations et ses constructeurs, de nouvelles technologies profitant à l’ensemble de l’industrie automobile ainsi qu’à l’ensemble des citoyens.
À l’origine de la motorisation hybride ou électrique et du biocarburant, les compétitions de sports mécaniques catalysent et transposent les avancées technologiques et techniques réalisées sur circuit vers nos véhicules de série.
Entraver leur développement, c’est par conséquent ralentir l’indispensable transition écologique des transports, qui, je le rappelle, restent la première source de gaz à effet de serre sur notre territoire.
Preuve de leur volonté de poursuivre leurs efforts en la matière, la Fédération française du sport automobile (FFSA) et la Fédération française de motocyclisme (FFM) seront les deux premières fédérations sportives françaises à rendre les conclusions du baromètre environnemental qu’elles viennent de mettre en place, au début du mois de décembre prochain.
Par ailleurs, ne pas prévenir la paralysie de l’économie des sports mécaniques, c’est aussi prendre le risque que se développent les rodéos urbains. Dois-je vous rappeler qu’il y a cinquante ans, le gouvernement avait justement décidé le développement de nombreux circuits de sports mécaniques afin de répondre aux problématiques de rodéos urbains et à leurs conséquences tragiques ? Ainsi, le circuit Carole, à Tremblay-en-France, a été ainsi nommé en mémoire de la dernière victime déplorée avant la création du circuit.
Il ne s’est en outre jamais autant vendu de motos que ces dernières années. N’est-il pas préférable d’encourager une pratique encadrée sur circuit plutôt que de voir ces derniers fermer un à un, menant inéluctablement au développement de ces rodéos urbains ? Je suis bien placée, en Gironde, pour en attester !
De nombreux maires, inquiets de perdre leur circuit, m’ont fait part de leur soutien à l’occasion de ma proposition de loi ; je salue d’ailleurs la maire d’Albi, présente dans les tribunes. Ces élus craignent le développement de la conduite hors cadre, qui, comble de la situation, ne serait soumise à aucune mesure de limitation du bruit, puisque la voirie publique, bordée de millions d’habitations, n’est pas concernée par ce décret Bruits !
Cette proposition de loi trouve ainsi son essence dans toutes les raisons que je viens d’évoquer.
Elle ne crée pas un droit à la pollution sonore, pas plus qu’elle ne représente en un retour en arrière ou ne donne un blanc-seing aux sports mécaniques pour faire du bruit.
Elle propose de trouver un compromis entre survie des circuits et santé publique.
Ce compromis se matérialise par l’introduction d’une dérogation à l’article L. 571-6 du code de l’environnement. Celui-ci dispose que les activités bruyantes sportives de plein air, ainsi que « les activités bruyantes, exercées dans les entreprises, les établissements, centres d’activités ou installations publiques ou privées établis à titre permanent ou temporaire, et ne figurant pas à la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement, peuvent être soumises à des prescriptions générales », voire à une procédure d’autorisation.
La dérogation serait ainsi applicable aux seuls sports mécaniques, prévoyant qu’ils soient soumis à des dispositions particulières, précisées par décret et tenant compte des contraintes propres à leurs activités.
Cette loi permettrait ainsi au pouvoir réglementaire de modifier le décret Bruits de 2017 et d’accompagner la transition écologique et technique des acteurs des sports mécaniques plutôt que de continuer à imposer des normes inapplicables, car disproportionnées, et à plonger cette filière dans le marasme et à mettre la sécurité routière en grand danger.
Enfin, je remercie le rapporteur Alain Duffourg et les services de la commission pour leur travail consciencieux et positif, ainsi que mon groupe, pour avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour de notre niche parlementaire.
Il nous incombe à présent, mes chers collègues, de débattre en conscience, et dans les temps : j’aimerais que ce texte puisse être voté avant treize heures. Sans cela, nous serions obligés de l’inscrire à l’ordre du jour de notre prochaine niche, ce qui serait dommage. Je compte sur vous pour dire l’essentiel – le dire, certes, mais en respectant ce délai. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP.)
M. le président. Si nous parvenons en effet à débattre dans le temps imparti, tout en disant l’essentiel, nous pourrons voter cette proposition de loi avant treize heures !
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Duffourg, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour l’examen de la proposition de loi visant à aménager la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés.
Les sports mécaniques appartiennent au patrimoine de notre pays. Il s’agit de la troisième filière économique sportive nationale, représentant un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros et 13 500 emplois directs et indirects.
Chaque année, sur les 1 000 circuits français, 2 300 épreuves sportives sont organisées. Cette filière joue donc un rôle particulier au sein de l’économie française.
Je peux d’autant plus en parler que mon département, le Gers, a la chance d’accueillir le circuit de Nogaro, qui réunit chaque année de nombreux participants à l’occasion des Coupes de Pâques. Je salue d’ailleurs le maire de Nogaro, qui est à la tribune et qui est venu écouter ce débat avec beaucoup d’intérêt.
La proposition de loi déposée par Nathalie Delattre, que je remercie, vise à assurer la continuité de ces activités tout en luttant contre les nuisances sonores. Elle ne constitue pas une entrave à la sécurité sanitaire que nous défendons tous.
Les premières à être conscientes de ce risque environnemental et sanitaire, ce sont les fédérations sportives mécaniques elles-mêmes. Elles ont engagé depuis longtemps un travail important pour réduire les nuisances sonores générées, en améliorant la technicité des moteurs.
Cette proposition de loi n’a pas vocation, contrairement à ce que j’ai pu entendre, à court-circuiter la prévention des risques liés aux bruits. Au contraire, elle vise à adapter le dispositif législatif.
Avant 2017, les circuits de sports automobiles étaient régis par les fédérations nationales de sport automobile et de motocyclisme. Pour chaque circuit, le préfet pouvait imposer des mesures supplémentaires pour préserver la tranquillité publique.
Toutefois, sans consultation préalable des acteurs de la filière, le décret Bruits de 2017 a soumis les sports mécaniques aux règles générales de lutte contre les bruits de voisinage, que nous connaissons tous. Mais un circuit de vitesse n’est pas un voisin comme un autre ! Ne laissons pas peser une épée de Damoclès sur les circuits et sur les communes qui sont propriétaires ou concessionnaires de ces circuits : l’adoption de cette proposition de loi, au contraire, les sécuriserait.
C’est la raison pour laquelle il faut concilier la pratique de ces activités et la protection de la santé humaine.
La commission, qui partage l’objectif ciblé et pragmatique de ce texte, s’est attachée à sécuriser juridiquement le dispositif et à en clarifier le champ d’application. En résulte un texte pragmatique et adapté, qui propose une réglementation équilibrée entre l’exercice du sport automobile et la protection de la santé humaine.
Ce texte me paraît tout à fait équilibré et adapté. Il enverra un signal fort à l’économie du sport automobile, et il fera vibrer beaucoup de nos concitoyens, car les circuits automobiles sont source de lien social pour nombre de Français qui apprécient la pratique de ces sports.
En conclusion, je remercie Nathalie Delattre d’avoir proposé ce texte, le président de la commission, Jean-François Longeot, qui, dans sa grande bienveillance, m’a nommé rapporteur, ainsi que les services de la commission, qui ont effectué un travail exceptionnel.
Je pense que la majorité de mes collègues présents soutiendront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. André Reichardt applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, cher Jean-François Longeot, monsieur le rapporteur, cher Alain Duffourg, madame la sénatrice, chère Nathalie Delattre, mesdames, messieurs les sénateurs, la France est une grande nation de sport. Si elle l’est devenue en acclimatant un certain nombre de disciplines, notamment celles qui sont nées outre-Manche, à commencer par le football ou le rugby, elle a également, à plusieurs reprises, été pionnière. C’est le cas du sport automobile, domaine dans lequel elle n’a jamais cessé d’être à la pointe de l’innovation, à la fois technologique, comme en témoignent les moteurs hybrides, mais aussi sociétale, à l’image de la ceinture de sécurité.
C’est ainsi que les sports mécaniques sont devenus une passion et une mythologie bien françaises. Les 1 200 circuits qui accueillent chaque année plus de 2 300 épreuves automobiles et motocyclistes en sont l’illustration, au même titre que les 160 000 licenciés et les 130 000 bénévoles qui, chaque semaine, partout en France, font vivre et rayonner nos territoires, notamment ruraux.
Ce rayonnement a d’ailleurs, de longue date, dépassé les seules frontières de l’Hexagone, tant les circuits de Magny-Cours, Paul Ricard et, bien sûr, des 24 heures du Mans se sont fait une place à part dans la grande épopée du sport mondial.
Aujourd’hui, en envisageant à haute voix de retrouver un Grand Prix de Formule 1 sur le territoire national, c’est cette grande histoire que la France entend poursuivre, avec la ferme volonté de continuer à concilier et à enrichir ces liens entre passion des courses, innovations technologiques, développement durable et protection de la santé publique.
Voilà pourquoi, madame la sénatrice, chère Nathalie Delattre, je tenais à vous remercier d’avoir pris cette initiative parlementaire, avec plusieurs de vos collègues et de manière transpartisane.
Son objectif n’est pas, comme vous l’avez rappelé lors des travaux en commission, de placer les sports mécaniques en dehors de tout cadre de prévention du bruit excessif pour les populations. Il s’agit au contraire de définir le meilleur dispositif juridique possible – c’est-à-dire un dispositif pragmatique, responsable et pleinement applicable – pour permettre à ces activités de continuer à faire rayonner nos territoires, dans lesquels elles sont souvent implantées de longue date, tout en continuant de s’inscrire dans une dynamique de réduction de leur empreinte sur notre environnement, au sens le plus complet du terme.
Or, comme vos travaux l’ont démontré, le cadre juridique actuel – celui qui est issu du fameux décret Bruits du 7 août 2017 – crée une double impasse, dans sa philosophie comme en pratique.
Dans sa philosophie d’abord, ce décret résulte en effet d’une disposition de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, adoptée sans concertation préalable avec les acteurs sportifs ni étude d’impact. Il a ainsi intégré, du jour au lendemain, les sports mécaniques dans le champ des règles d’émergence fixées par le code de la santé publique. Ce nouveau cadre législatif et réglementaire a donc été imposé à l’ensemble des circuits sans mesures transitoires : ceux-ci se trouvent dans une position particulièrement délicate, alors même qu’ils étaient déjà régis par des règles techniques fédérales, mais aussi par des prescriptions relevant de leur homologation par le préfet ou le ministre de l’intérieur.
Ensuite, cette erreur de méthode se double aujourd’hui d’une impossibilité pratique d’application de la réglementation par le secteur. Soumis en droit au respect de la règle d’émergence, soit la différence entre un bruit ambiant – l’activité des sports mécaniques sur circuit – et un bruit résiduel – le bruit sans l’activité hors circuit –, les circuits sont bien souvent, malgré eux, pris au piège.
Ainsi, qu’il se situe en milieu urbain ou à l’écart des habitations, le circuit est rarement en mesure de respecter ce cadre réglementaire.
En pleine ville, l’activité du circuit affecte nécessairement son voisinage immédiat, qui s’est souvent installé postérieurement à la création de l’équipement sportif. Le circuit d’Albi en est le parfait exemple, comme l’a expliqué à plusieurs reprises la maire d’Albi, Stéphanie Guiraud-Chaumeil.
En zone rurale, le bruit résiduel étant particulièrement faible, la règle d’émergence est, mécaniquement, impossible à respecter.
Dans cette soustraction entre le bruit ambiant et le bruit résiduel mesuré dans les logements du voisinage, soit le premier terme est considéré comme trop élevé, soit le second comme trop faible. Les circuits sont donc face à une impossibilité pratique d’appliquer la législation.
De même, certaines courses de premier plan, comme les 24 heures du Mans ou encore le Bol d’Or, ne peuvent respecter les règles d’émergence différentes entre la période diurne et la période nocturne, auxquelles les compétitions sont pourtant assujetties de plein droit par le décret Bruits. Enfin, des circuits les plus modestes jusqu’au Grand Prix moto de France, de nombreuses situations sont confrontées aux mêmes difficultés.
Face à ces règles élargies aux sports mécaniques, nous constatons les difficultés de la filière : le flou juridique dans lequel elle se retrouve pénalise avant tout les autorités publiques, au premier rang desquelles les collectivités territoriales, qu’elles soient propriétaires ou gestionnaires de certains circuits, mais aussi l’État, dont la responsabilité peut être invoquée pour indemniser les exploitants ou les collectivités ayant investi dans ces circuits.
Au quotidien, face à ces difficultés, ce sont nos préfets qui se trouvent dans une position particulièrement complexe, en étant à la fois les autorités homologuant la plupart des circuits et celles qui sont chargées, aux côtés de nos maires, d’assurer la police de l’environnement.
Ces règles ont des conséquences très concrètes : au-delà de la remise en question de l’organisation de nombreuses compétitions, leur non-respect entraîne, pour l’organisateur, des sanctions pénales élevées.
Pourtant, les deux fédérations délégataires de service public – la Fédération française du sport automobile et la Fédération française de motocyclisme – n’ont pas attendu le décret Bruits ni la menace qu’il fait peser sur leurs disciplines pour prendre conscience de leur responsabilité en matière de tranquillité publique et de santé.
Depuis le début des années 2000, ces fédérations travaillent en effet à une réduction du bruit généré par leurs activités.
La FFSA a adopté une politique ferme visant à réduire drastiquement le bruit à la source des véhicules : en a résulté une réduction de plus de 20 décibels dans les deux dernières décennies.
De son côté, la FFM a également engagé un travail important depuis 2009, avec une baisse des émissions sonores qui représentera, en 2024, de 5 à 7 décibels pondérés A, selon les disciplines, étant entendu qu’une réduction de 3 décibels A revient à diviser par deux l’intensité sonore ressentie.
Cet engagement responsable de nos fédérations, auquel je suis particulièrement attachée, place la France à l’avant-garde mondiale de la mutation de la pratique des sports mécaniques.
Ainsi, c’est en France que la première compétition automobile électrique sur circuit s’est déroulée, dès 2009, et qu’un véhicule électrique a participé pour la première fois à une compétition sur route, en septembre 2020. De leur côté, plusieurs disciplines sportives ont, d’ores et déjà, opéré leur mutation énergétique en évoluant vers des carburants décarbonés, à l’instar de la Formule 4.
Plus largement, la FFSA et la FFM se sont engagées dans une démarche plus durable en se fixant un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 et en lançant, dès 2022, le premier baromètre environnemental des sports mécaniques, dont les résultats me seront très prochainement présentés.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, je considère qu’il est tout à l’honneur de l’initiative parlementaire de rechercher un nouveau point d’équilibre. L’enjeu est la pérennisation d’un secteur automobile, fleuron de notre paysage sportif et économique national, ainsi que la protection de la tranquillité publique et la santé humaine. Je partage pleinement cet objectif de conciliation.
Le dispositif proposé demeure perfectible, et ce sera tout l’objectif du débat parlementaire. L’intitulé de la proposition de loi et le processus de consultation préalable avant adoption du décret permettant d’en assurer l’application font notamment débat, comme nous le verrons tout à l’heure.
Au-delà de ces deux points, je m’interroge sur la nécessité d’exposer plus explicitement la nature des dérogations ainsi fixées au code de la santé publique, mais aussi de préciser la nature des prescriptions particulières auxquelles devront encore être soumis les sports mécaniques, en renvoyant le cas échéant au pouvoir d’appréciation des autorités préfectorales.
Dans ce cadre, je m’engage à mener un travail spécifique pour qu’ensemble, et aux côtés des deux fédérations délégataires, nous continuions à améliorer le dispositif que vous proposez et que nous trouvions le meilleur équilibre. Pour cela, nous devrons nous appuyer en tant que de besoin sur les préfets directement concernés, tout en tirant parti de l’éclairage supplémentaire qui sera apporté par la remise, en décembre, du baromètre environnemental de la filière des sports mécaniques.
Pour toutes ces raisons, s’agissant du texte aujourd’hui débattu en séance, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en nous appuyant sur votre connaissance inégalable de nos territoires et votre approche du droit, résolument tournée vers la pratique, je suis persuadée que nous parviendrons à concilier de la manière la plus efficace et adaptée possible ces deux impératifs essentiels : la pérennité des sports mécaniques et la protection de la tranquillité et de la santé publiques.
Vous pouvez compter sur moi pour mobiliser l’ensemble des acteurs et appeler chacun à ses responsabilités, en faveur de cet objectif de progrès, appuyé sur un devoir d’exemplarité – deux horizons sur lesquels nous n’avons pas le droit de décevoir nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, INDEP et UC.)
M. le président. Je salue les nombreux maires présents dans les tribunes, notamment Mme Stéphanie Guiraud-Chaumeil, maire d’Albi, que je connais et que vous avez nommée.
La parole est à M. André Guiol. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. André Guiol. Monsieur le rapporteur, madame la ministre, mes chers collègues, l’entrée en vigueur du décret relatif à la prévention des risques liés aux bruits a fait basculer l’ensemble des activités des sports mécaniques dans le droit commun des simples bruits de voisinage.
Certes, il était nécessaire de mieux protéger les populations des risques liés aux bruits générés par l’ensemble des activités humaines et plus particulièrement des nuisances sonores produites par des comportements souvent illicites et agressifs, tels que les rodéos urbains.
Cette proposition de loi déposée par notre collègue Nathalie Delattre vise à aménager les règles qui régissent, en la matière, les fédérations de sports mécaniques et les gérants des circuits automobiles.
En effet, sans distinction ni discernement, ces acteurs des sports mécaniques se trouvent à la portée de plaintes émanant de riverains ou de collectifs associatifs et sont exposés à des poursuites pénales disproportionnées, au regard des services rendus à notre société.
Il pourrait apparaître inopportun de soutenir ou de favoriser la poursuite des sports mécaniques, qui reposent encore aujourd’hui sur la performance des moteurs thermiques, alors que, dans le même temps, la société s’est engagée dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Pourtant, la filière développe une industrie décarbonée, privilégie les transports électrifiés, collectifs ou covoiturés, et nous assistons à la montée en puissance de courses automobiles à propulsion électrique qui contribueront, à leur tour, à faire progresser cette technologie en matière de performance, de sécurité et de fiabilité.
Ces avancées technologiques bénéficieront bien entendu à l’ensemble du parc automobile, qui pèse encore lourdement aujourd’hui dans la production de gaz à effet de serre, tout en contribuant à réduire globalement les nuisances sonores qui nous préoccupent aujourd’hui.
Rappelons que les sports mécaniques, dont la filière génère 13 500 emplois directs et l’impact économique s’élève à 2,3 milliards d’euros, ont jusqu’à ce jour largement contribué à réduire la pollution des moteurs thermiques. Dans le même temps, les performances mécaniques et la fiabilité de ces derniers se sont considérablement accrus, au point qu’ils sont désormais la motorisation par excellence de presque toutes les activités humaines : transports terrestres et maritimes, génie civil, secteur militaire.
Il en est de même pour les groupes électrogènes, eux qui alimentent encore de nombreuses îles et fermes isolées et qui, par leur fiabilité, viennent en secours de l’alimentation électrique des hôpitaux, des centrales nucléaires et de tout le secteur industriel. C’est en grande partie grâce aux progrès technologiques permis par les sports mécaniques et à leurs moteurs thermiques qu’on le doit.
Les progrès réalisés par cette activité, qu’il convient par cette proposition de loi de préserver, ont également considérablement contribué à améliorer la sécurité routière.
Citons l’amélioration de la tenue de route, par la qualité des pneumatiques et par l’efficacité des suspensions, la mise au point des organes de sécurité, comme les ceintures de sécurité, la consolidation et l’indéformabilité des habitacles, le freinage de sécurité ABS, etc.
Mes chers collègues, comme dans beaucoup de domaines, notre aventure humaine est en permanence amenée à arbitrer entre deux objectifs apparemment antinomiques : d’une part, la nécessité de maîtriser l’évolution climatique, à laquelle nous sommes confrontés, d’autre part, celle de faire preuve de courage durant cette période de transition, afin de poursuivre nos utiles activités économiques parfaitement encadrées. C’est l’une des vertus de cette proposition de loi.
Pour traduire cette situation, je rappelle à mon tour la phrase éclairante de Jean Jaurès : « Le courage, […] c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. » Soucieux d’honorer cette valeur, la majorité de mes collègues du groupe RDSE approuveront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)