Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la présidente, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs – je salue en particulier M. le président Gontard –, je vous remercie tout d’abord de votre initiative et du travail qui a été conduit, dans un esprit de dialogue, et même de consensus, comme en témoigne le vote unanime du texte en commission.
Monsieur le rapporteur, au moins trois points essentiels caractérisent l’esprit dans lequel a été préparé le texte que vous défendez aujourd’hui.
Premièrement, vous dressez un constat de la réalité, qu’on l’aime ou non : 85 % des Français utilisent la voiture pour accomplir leurs trajets du quotidien, qu’il s’agisse de se rendre au travail, chez le médecin ou dans un lieu culturel, ou d’accomplir toute autre activité.
La transition vers un autre modèle de mobilité doit certainement être accélérée et accompagnée, mais, pour l’heure, l’usage de la voiture est une réalité vécue par un grand nombre de citoyens, notamment par les plus modestes et ceux qui vivent en zone rurale.
Deuxièmement, pour répondre à l’urgence climatique, nous devons assumer une logique de transition ; celle-ci se situe d’ailleurs au cœur de votre initiative, qui se révèle concrète et pragmatique. Nous ne passerons pas du jour au lendemain d’un monde de voitures individuelles, encore souvent polluantes, à un monde où chaque Français, partout sur le territoire, pourra utiliser un transport public ou des modes de transports dits doux ou actifs.
Nous devons donc franchir des étapes, là aussi en accélérant, mais surtout en assumant une logique de progressivité et de transition.
Troisièmement, il faut assurer l’accompagnement social, qui est indispensable à la réussite de cette transition écologique. Si nous ne tenons pas compte des besoins et des contraintes particulières des Français les plus modestes, ceux des classes moyennes et des territoires ruraux, nous aurons les plus grandes difficultés à susciter l’adhésion à cette transition écologique.
On l’a vu, l’indifférence à ces problèmes peut aboutir à un ralentissement de la transition, voire à une contestation de l’urgence climatique et des politiques publiques qui ont vocation à y répondre.
Je veux saluer explicitement et directement l’esprit de consensus qui, je le disais, a animé les travaux de la commission et a permis de faire évoluer le texte. Pour en avoir discuté avec le rapporteur, je pense même que le texte a été nettement amélioré, dans la mesure où il a été tenu compte d’un certain nombre d’arguments pratiques.
Sur le fond, la proposition de loi qui nous rassemble cette après-midi s’intéresse en particulier au dispositif de prime à la conversion.
Vous le savez, c’est un outil que le Gouvernement soutient fortement, en tant que levier de décarbonation très rapide et nécessaire de nos mobilités routières, dans une société où la voiture est appelée à rester inévitable pour une partie de la population, au moins pour une certaine durée.
Le texte prévoit en effet d’allonger la durée de vie des véhicules les moins polluants voués à la destruction, en application de la prime à la conversion. Ces véhicules pourraient alors être utilisés pour quelques années par des services de location sociale et solidaire, gérés par les AOM, au profit des personnes les plus défavorisées.
En effet, le parc des acteurs de la location sociale et solidaire est ancien et globalement plus polluant que celui des véhicules classés Crit’Air 3, qui viendra en remplacement.
Nous comprenons donc la logique de la démarche proposée par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, dont je tiens à saluer l’engagement en faveur de la mobilité sociale, mais aussi le pragmatisme, dont cette initiative concrète est le reflet.
Je salue également l’action du rapporteur Fernique, qui, à la suite des échanges auxquels je faisais référence, a utilement encadré le dispositif initial lors des travaux en commission.
Dans sa version originelle, le texte comportait quelques effets de bord négatifs pour l’environnement. Je sais bien que ces effets n’étaient pas dans l’intention de l’auteur de la proposition de loi, mais ils étaient bien réels. La limitation aux seuls véhicules classés Crit’Air 3 ou moins, adoptée en commission, est ainsi bienvenue.
Vous le savez, l’objectif premier de la prime à la conversion, défendue par le Gouvernement, est bien de sortir du parc roulant les véhicules polluants. Dès lors, prolonger leur durée de vie, même pour un temps limité et dans le cadre d’un objectif social, nous semble porter atteinte au moins partiellement à l’esprit et aux principes qui fondent la prime à la conversion.
En outre, même si la prime à la conversion présente une grande importance pour l’amélioration de la qualité de l’air, il existe aujourd’hui d’autres dispositifs visant à rendre plus accessibles des véhicules moins émetteurs. Tel est le cas du leasing social, qui, je vous le confirme, sera effectif avant la fin de l’année 2023 pour la réservation des véhicules.
C’est pourquoi je vous proposerai, dans l’esprit de nos échanges et au nom du Gouvernement, un amendement visant à rendre le texte davantage compatible avec les attendus de la prime à la conversion.
Ainsi, nous souhaitons autoriser la prolongation de la durée de vie des véhicules destinés au rebut pour les louer à des personnes précaires à condition qu’ils soient au préalable rétrofités. Ce rétrofit pourrait être électrique – ce serait bien sûr la meilleure solution –, mais le pragmatisme nous impose aussi d’envisager, le cas échéant, le gaz naturel liquéfié (GNL) ou la motorisation hybride rechargeable.
Le rétrofit électrique est encore relativement onéreux. Aussi, je tiens à préciser que les coûts en seraient pour partie supportés par la prime au rétrofit prévue aux articles D. 251-5 et suivants du code de l’énergie.
Ajoutons que cette transformation préalable permettrait également au public le plus précaire, ciblé par votre texte, de réaliser des économies considérables en matière de carburant et d’entretien.
Dans un souci de cohérence vis-à-vis de la prime à la conversion, nous espérons que la proposition du Gouvernement recevra l’approbation de votre assemblée. Je serai en tout cas engagé de manière constructive dans le débat. En fonction du texte qui sera issu de nos échanges, je préciserai la position du Gouvernement, mais vous aurez compris mon intérêt et ma bienveillance à l’égard de votre initiative.
J’en profite pour saluer l’ancien sénateur Joël Labbé, qui a contribué, tant dans l’esprit que sur le fond, à cette proposition de loi pragmatique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Cédric Chevalier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut le souligner : nous examinons, ce jour, un texte qui engage une réelle démarche sociale et solidaire. En effet, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires nous invite à mettre en cohérence la prime à la conversion avec les besoins de mobilité des plus précaires sur nos territoires.
Permettez-moi tout d’abord de remercier Joël Labbé, Guillaume Gontard et Jacques Fernique, qui nous donnent l’occasion aujourd’hui de débattre de ces problématiques.
L’offre de mobilité dans notre pays reste très variable. Dans les grandes villes, le manque de mobilités peut être atténué grâce aux transports en commun ou à l’aménagement des mobilités douces – et encore ! Toutefois, dans les zones rurales, la voiture est un prérequis. Pour aller travailler, nombre de Français n’ont d’autre choix que d’utiliser une voiture individuelle.
L’impossibilité de se déplacer peut constituer une rupture très importante et enfoncer les personnes concernées dans la précarité. En effet, les jeunes en milieu rural qui ne possèdent pas de véhicule doivent restreindre leurs choix en matière d’études ; ils sont parfois contraints de refuser un stage, un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, voire de se couper de nombreuses activités culturelles et sportives.
Dans le siècle où nous vivons, nous ne pouvons accepter une telle situation !
D’un autre côté, le secteur des mobilités, plus particulièrement le secteur routier, est particulièrement émetteur de gaz à effet de serre – au sein de la commission de l’aménagement du territoire, dont je salue le travail sur ce texte, nous en savons quelque chose ! Les solutions sont complexes et difficiles à équilibrer.
Nous ne devons laisser personne au bord de la route, et cela reste l’une des difficultés majeures de notre transition vers la décarbonation. Veillons à ce que cette transition soit juste, faute de quoi elle ne sera ni efficace ni acceptée.
Si je partage l’esprit de cette proposition de loi, comme bon nombre de mes collègues sur ces travées, je souhaite tout de même évoquer certains points.
Premièrement, l’encadrement qui a été apporté autour des autorités organisatrices de la mobilité me semble pertinent. En effet, ces dernières sont compétentes en matière de services de mobilité solidaire ; ainsi, transférer à elles seules la propriété des véhicules concernés et limiter l’offre à la location sont des mesures de bon sens.
Je veux ici exprimer une inquiétude dont je vous avais déjà fait part en commission : les territoires et les AOM sont-ils bien capables de mettre en œuvre ce dispositif, notamment en fonction des différents territoires ? L’évaluation prévue trois ans après l’entrée en vigueur du texte devrait nous permettre d’avoir une vision d’ensemble, mais aussi d’identifier les trous dans la raquette et les points d’évolution.
Deuxièmement, il me semble primordial de fixer des limites quant aux caractéristiques des véhicules ; on le voit, nos efforts concernant les pollutions et la décarbonation de nos routes ne sont pas marginaux. Nous renforçons aussi notre volonté d’une transition juste, qui ne laisse personne sur le bas-côté.
Troisièmement, et enfin, j’évoquerai le rétrofit, qui est l’objet de l’article 2. Soutenir et favoriser son développement est essentiel, d’autant plus à l’endroit des services de mobilité solidaire.
En bref, cette proposition de loi est pragmatique et semble suffisamment encadrée. Je le répète, il s’agit d’une véritable initiative sociale et solidaire : en luttant contre une mobilité à deux vitesses, elle permettra au plus grand nombre, notamment les publics les plus fragiles, de se déplacer.
Nous voterons donc ce dispositif, tout en restant attentifs à ce que tous les territoires puissent en bénéficier. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Pillefer. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Pillefer. Madame la présidente, mes chers collègues, je tiens en préambule à souligner l’important travail qui a été mené en commission, sous la houlette du président Longeot. Je me réjouis notamment que le texte, dont Jacques Fernique est le rapporteur, ait pu être adopté à l’unanimité à l’issue des travaux en commission.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, nous nous sommes penchés sur le renforcement des dispositions fiscales concernant l’achat de véhicules particuliers, qui s’inscrit dans la volonté d’acter et d’accélérer la transition écologique dans le secteur des transports.
Cela a été rappelé, 30 % des émissions de gaz à effet de serre sont imputables à ce seul secteur, ce qui en fait le premier émetteur de gaz à effet de serre en France. Plus précisément, 54 % des émissions liées à la circulation routière sont produites par les véhicules particuliers.
L’urgence écologique nous impose de repenser nos mobilités, seul secteur pour lequel les émissions n’ont jamais cessé de croître. Aujourd’hui, dans notre hémicycle, nous examinons justement une proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires.
Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics ont encouragé une épuration du parc automobile, qui a fait reposer le problème de la pollution de l’air sur ceux qui utilisent les voitures. Certaines de ces dernières étant trop anciennes, elles ne répondent plus aux exigences actuelles en termes d’émissions polluantes.
Voici le constat que nous dressons : d’un côté, des véhicules en état de fonctionner sont mis à la casse dans le cadre de la prime à la conversion (PAC), alors que leur durée de vie pourrait être allongée, sous certaines réserves ; de l’autre, 13,3 millions de Français sont en situation de précarité en matière de mobilité, rencontrant des obstacles dans leurs déplacements pourtant essentiels, et 4,3 millions d’entre eux ne disposent d’aucun équipement individuel de mobilité ou d’abonnement à un transport collectif.
À cette équation, nous devons ajouter deux considérations.
Premièrement, le dispositif de prime à la conversion a prouvé son efficience : sur l’année 2021, il aurait permis d’éviter 45 tonnes d’émissions de particules fines et 160 000 tonnes d’émissions de CO2.
Deuxièmement, la voiture d’occasion, désuète et peu coûteuse à la location, a un impact environnemental relatif, puisque le coût écologique de sa production a déjà été amorti.
Une part considérable des véhicules mis au rebut se révèle moins polluante qu’une partie du parc automobile roulant. En effet, 59 % des véhicules mis au rebut dans le cadre de la prime à la conversion pour l’année 2022 étaient classés Crit’Air 3, dont 20 % à 30 % de véhicules à essence.
Le dispositif de mobilité solidaire pourrait donc bénéficier d’un gisement de quelques dizaines de milliers de véhicules, moins polluants que de nombreux véhicules utilisés jusqu’à présent par les garages solidaires. Ce mécanisme permettrait également d’éviter le gâchis de matériaux entraîné par la mise à la casse et la production de nouveaux véhicules.
La voiture reste centrale dans les questions d’aménagement du territoire et des mobilités quotidiennes. Alors que le réseau de trains était très dense dans les années 1940, les nervures ferroviaires ont peu à peu été effacées au profit la voiture, que l’on n’a cessé de démocratiser, au point de la rendre indispensable aux yeux des Français.
Le réseau routier a ainsi augmenté de près de 15 % entre 1995 et 2019, alors que, sur la même période, le réseau ferroviaire a inversement diminué de 14 %. En 2020, le taux de motorisation en France était de 86 %. Pourtant, comme je le disais, près de 40 % des ménages relevant du premier quartile de revenus ne possèdent pas de véhicule.
Si, en apparence, ce texte propose un dispositif gagnant-gagnant, entre considérations écologiques et enjeux sociaux, il est essentiel de prendre des précautions. Entre autres, tenons compte du niveau de pollution et de l’état de fonctionnement des véhicules. Par ailleurs, notre priorité doit être la sécurité ; elle fait ainsi l’objet d’un amendement déposé par notre collègue François Bonneau.
Afin qu’un tel dispositif ne soit ni ineffectif ni contre-productif, il doit être assorti de garanties. À ce titre, je tiens à saluer le travail du rapporteur, qui a permis de renforcer le texte initial et d’instaurer un certain nombre de garde-fous essentiels, tels que l’éligibilité des seuls véhicules à essence classés Crit’Air 3 ou moins, l’exclusion de la possibilité d’achat de ces véhicules et la réserve exclusive donnée à l’AOM sur la propriété des véhicules concernés.
Compte tenu de l’ensemble de ces garanties, le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et GEST, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cher Joël Labbé, nous vous proposons aujourd’hui, au cours de cet espace réservé au groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, de contribuer à une avancée concrète, qui permettra à la fois de répondre aux urgences quotidiennes des populations les plus précaires et d’assurer la transition écologique.
Ce texte a pour objet, via les AOM, de réemployer les véhicules les moins polluants destinés à être détruits dans le cadre de la prime à la conversion, et ce au bénéfice des populations les plus vulnérables.
Il vise à répondre à un besoin fort, bien identifié dans les territoires. Les réseaux associatifs de la mobilité solidaire, maillon clé de ce dispositif, ont en effet souligné, durant les auditions menées par la commission, toute l’urgence de réemployer ces véhicules face à l’explosion de la précarité.
Cette proposition de loi tend à répondre aux situations d’urgence sociale auxquelles sont confrontées de nombreuses familles précaires, souvent des femmes, qui ont besoin à très court terme d’un véhicule pour se rendre au travail, à un entretien d’embauche, un stage, une formation, ou pour gérer les enfants au quotidien.
Vous l’aurez compris, ces personnes ne bénéficieront pas du leasing social proposé par le Gouvernement. Si cette mesure a toute sa pertinence, elle concernera des ménages qui sont certes modestes, mais qui se trouvent dans une situation suffisamment stable pour s’engager pendant deux à cinq ans auprès d’un loueur conventionnel.
Un tel dispositif ne répond donc pas aux besoins des personnes en situation de fragilité, qui disposent par ailleurs d’un vrai accompagnement social de la part des garages solidaires.
La prime à la conversion, quant à elle, permet certes de changer de véhicule, mais elle ne concerne que les ménages ayant les moyens de régler un reste à charge élevé. Une grande partie de la population, celle qui a les revenus les plus faibles, donc les véhicules les plus anciens – quand ces personnes en ont un –, ne peut pas changer de voiture.
Notre parc automobile compte aujourd’hui 2 millions de véhicules immatriculés avant 2000 ou non classés, et 500 000 à 700 000 véhicules sans contrôle technique. Leurs propriétaires, sans solution, sont contraints de les conserver, ce qui a des conséquences en termes de pollution et accroît les risques d’accident.
De même, le parc de véhicules proposés par les garages solidaires comporte de nombreux Crit’Air 4 ou 5, faute de dons suffisants. Pour ces publics, la prime à la conversion n’a que peu d’effets. L’âge moyen du parc automobile est ainsi passé de 9 ans en 2011 à plus de 11 ans en 2023.
Or, grâce à notre proposition de loi, les publics qui circulent dans ces vieux véhicules sont ceux qui, demain, pourraient bénéficier d’un véhicule relevant du Crit’Air 3 à moteur essence issu de la prime à la conversion.
Ce texte est une forme de prime à la conversion dans la prime à la conversion : il permet de rajeunir le parc existant, et ce sans avoir à construire de nouveaux véhicules, donc sans émettre de gaz à effet de serre – on limite ainsi la fameuse énergie grise.
La prolongation des Crit’Air 3 à moteur essence pendant une courte période, en remplacement des Crit’Air 4 et 5, a donc toute sa pertinence pour réduire les atteintes environnementales de notre parc automobile.
De plus, les garde-fous qu’a mentionnés le rapporteur garantissent à la fois la traçabilité des véhicules, un usage du dispositif uniquement orienté vers les publics qui en ont besoin et l’impact environnemental positif de la mesure.
La proposition du Gouvernement de restreindre le périmètre du texte aux véhicules rétrofités semble inopérante.
S’il faut bien sûr développer le rétrofit et l’inclure pleinement dans le dispositif, il faut aussi avoir conscience que les filières ne sont pas opérationnelles rapidement et qu’il faut du temps pour mobiliser les financements nécessaires. Le réemploi des véhicules Crit’Air 3 à moteur essence pour une durée limitée est donc une solution efficace, particulièrement dans les zones rurales.
En outre, nous ne doutons pas que notre proposition sera appréciée par nombre de nos concitoyens bénéficiant de la prime à la conversion : au lieu de voir partir à la casse leur ancien véhicule, ils seront pleinement satisfaits de savoir que celui-ci pourra, quelques années encore, avoir une seconde vie au service de celles et de ceux qui en ont besoin.
Je terminerai en rappelant que le développement des mobilités alternatives est essentiel pour nous. Pour autant, nous nous devons de reconnaître que, à l’heure actuelle, toute une partie de la population est privée de solutions. Ce texte contribuera à répondre aux besoins quotidiens de nos concitoyens les plus vulnérables, de façon solidaire et écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, 4,3 millions de Françaises et de Français ne disposent d’aucun véhicule individuel ou d’aucun abonnement à un service de transport collectif.
Pour ces personnes, les conséquences sont nombreuses : la commission, dans son rapport, précise notamment que 28 % des demandeurs d’emploi ont renoncé au moins une fois à un emploi au cours des cinq dernières années, faute de solution pour se déplacer.
Le droit à la mobilité est une revendication essentielle de nos sociétés dites modernes. Notre modèle économique et d’aménagement du territoire a éloigné les lieux de vie des lieux de travail, contraignant des millions de Françaises et de Français à de longs déplacements quotidiens. Il y a quelques années, les « gilets jaunes » ont été là pour nous le rappeler.
Sans moyen de déplacement, comment cultiver le lien social, travailler, se soigner, étudier, vivre tout simplement ?
Nous devons toutefois repenser nos modes de déplacement, parce que la voiture est responsable de 15 % des émissions de CO2 et parce que la pollution de l’air cause chaque année plus de 40 000 décès prématurés en France. Réduire nos émissions de gaz à effet de serre doit donc être notre première préoccupation.
Grâce à cette proposition de loi, l’occasion nous est donnée cette après-midi d’avancer.
La protection de l’environnement et l’écologie sont plus efficaces encore lorsqu’elles contribuent – positivement – à réduire le gaspillage, en corrigeant les aberrations de notre société et de nos politiques publiques.
Il est ainsi impensable de voter des textes qui retirent de la circulation des véhicules en état de fonctionner pour en produire d’autres tout aussi polluants, si ce n’est plus.
En France, les SUV, électriques ou non, représentent plus de 40 % des véhicules vendus. Or, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), ceux-ci ont été l’une des principales causes de l’augmentation des émissions de CO2 au cours de la décennie 2010. De même, l’empreinte carbone globale d’un SUV électrique est 70 % plus élevée que celle d’une voiture électrique standard.
La présente proposition de loi nous invite à réfléchir à nos besoins en termes de mobilité, ainsi qu’à un modèle économique qui nous pousse à toujours consommer plus.
En prévoyant de prolonger la durée de vie de véhicules dont la production présente déjà une empreinte carbone élevée, ce texte tend à rationaliser l’utilisation des ressources nécessaires à la fabrication d’une voiture.
Grâce à ce dispositif, les 59 % de véhicules classés Crit’Air 3 ou moins, qui sont aujourd’hui mis à la casse pour que leurs propriétaires touchent la prime à la conversion, pourront bientôt être réemployés.
Si la voiture est le mode de transport privilégié par une majorité de Français, elle pourrait tout autant être remplacée dans la plupart des métropoles. La voiture pourrait même devenir une exception si nous faisions le choix de promouvoir des transports en commun efficaces et bon marché.
Les auteurs de cette proposition de loi encouragent le droit à la mobilité des ménages ayant les ressources les plus modestes, surtout en zone rurale. Cependant, le réemploi doit être l’affaire de toutes et tous, pas seulement de ceux qui n’ont pas les moyens de faire autrement.
L’obsolescence programmée, y compris des voitures, ne doit plus être la règle si nous voulons que notre société soit réellement moderne. Nous devons favoriser la sobriété et la durabilité via la réparation et le réemploi des objets du quotidien.
Enfin, ce dispositif est la traduction d’une mesure qu’une majorité de sénateurs avaient soutenue au cours de l’examen du projet de loi Climat et résilience, mais qui n’avait pas été retenue dans le texte adopté définitivement. Son adoption aujourd’hui constituerait un juste retour des choses.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE-K votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – Mme Maryse Carrère et M. Bernard Buis applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cher Joël Labbé – je le salue tout particulièrement –, quand le bon sens rencontre l’écologie et que tous deux se mettent au service des populations, cela donne une bonne proposition de loi. C’est le cas aujourd’hui avec ce texte du groupe écologiste, déjà adopté à l’unanimité en commission.
Cette proposition de loi part d’un double constat.
D’un côté, 92 000 véhicules, dont une grande partie est classée Crit’Air 3 ou moins et se trouve encore en état de fonctionner, sont mis au rebut chaque année dans le cadre de la prime à la conversion.
De l’autre, 13,3 millions de Français sont confrontés à des obstacles dans leurs déplacements essentiels, dont 4,3 millions qui n’ont aucun équipement individuel ni aucun abonnement à un service de transport collectif.
La précarité en matière de mobilité entrave la liberté de circulation, mais elle freine aussi l’accès à l’emploi. Elle aggrave la fracture territoriale, accentue l’isolement et favorise le renoncement aux soins. Elle contraint également une partie de la population à conserver son véhicule, même s’il est en mauvais état, ce qui a de lourdes conséquences en termes de dépenses de carburant, de coûts d’assurance, de réparations et de pollution.
Cette réalité est bien sûr encore plus préoccupante en zone rurale, où, malgré les efforts des collectivités pour renforcer l’offre de transports publics, la voiture demeure indispensable pour la plupart des trajets.
Avec cette proposition de loi, le Sénat, chambre des territoires, joue à plein son rôle.
La loi d’orientation des mobilités, votée en 2019, a attribué aux autorités organisatrices de la mobilité la compétence de l’organisation des services de mobilité solidaire.
Cependant, malgré l’engagement des collectivités et des associations, ces services de location de voitures pour les publics précaires peinent aujourd’hui à se développer. Le parc de véhicules demeure en effet trop restreint en comparaison des besoins ; de plus, il dépend essentiellement des dons, donc de véhicules anciens qui pèsent sur le plan environnemental.
Il n’est bien sûr pas question de remettre en cause la prime à la conversion, dont on estime qu’elle évite chaque année l’émission de 45 tonnes de particules fines et de 160 000 tonnes de CO2. Mais force est de constater qu’elle a grandement asséché le parc des garages solidaires et que certains véhicules mis au rebut sont moins polluants que de nombreuses voitures toujours en circulation.
Cette proposition de loi, adoptée avec modifications en commission, vise à réemployer des véhicules destinés à être détruits dans le cadre de la prime à la conversion, pour qu’ils soient mis à la disposition des plus précaires, au travers d’un service de location à tarif social.
Il s’agit d’optimiser le dispositif en récupérant les véhicules à moteur essence en bon état, classés Crit’Air 3 ou moins, pour élargir et rajeunir le parc à disposition des acteurs de la mobilité solidaire. On promeut une démarche décentralisée, fondée sur le volontariat des AOM, afin de répondre à un besoin local.
Plusieurs dizaines de milliers de véhicules pourraient ainsi voir leur durée de vie allongée, au profit de ceux qui en ont le plus besoin.
Le texte encourage une écologie pratique et concrète, au service des territoires et des plus précaires, de cette France éloignée des métropoles, qui se sent délaissée, abandonnée, menacée par des décennies de sous-investissement, de cette France des territoires où la voiture demeure indispensable et où il faut toujours accompagner les transitions, sans oublier personne au bord du chemin.
Les notions d’acceptabilité et de justice sociale sont cruciales quand il est question d’accélérer notre transition écologique.
C’est pourquoi, avec le prolongement des services express régionaux métropolitains, le leasing social sur les véhicules électriques et la prime à la conversion, le développement des services de location solidaire fait partie d’un écosystème visant à faire de la transition écologique des transports un phénomène d’inclusion sociale et économique, et non le ferment de nos fractures territoriales.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe RDSE votera cette proposition de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, GEST et SER. – Mme Nadège Havet applaudit également.)