Mme Françoise Gatel. Tout à fait !
Mme Pascale Gruny. Il faut aider les communes à mettre à disposition des commerçants ce genre de dispositif, car ils ont du mal à se battre contre les plateformes d’e-commerce.
Peut-être faudrait-il également réfléchir à une baisse de la TVA ; ce serait une bonne façon d’aider les commerçants à faire face à la concurrence déloyale.
Monsieur le ministre, je vous invite à venir faire vos courses à Saint-Quentin dimanche prochain, car les commerçants travaillent ! Vous entendrez leurs messages. Pour ma part, j’y vais toutes les semaines : ils en ont assez, notamment des taxes, je vous l’assure ! Il faut les aider.
Nous avons bien entendu vos promesses, après les réunions dans votre bureau, mais, maintenant, nous voulons des actes ! Nous y serons attentifs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
eau et assainissement
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Franck Menonville. Ma question, qui s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, porte sur le transfert de la compétence eau et assainissement des communes aux intercommunalités. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce transfert obligatoire au 1er janvier 2020, selon les dispositions de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), a été reporté au 1er janvier 2026 par la loi du 3 août 2018. Et pour cause ! La mise en œuvre de ce transfert suscite beaucoup d’inquiétudes chez les élus locaux.
Le Sénat n’a eu de cesse de se mobiliser pour le rappeler. La dernière initiative en date de notre assemblée est la proposition de loi de notre collègue Jean-Yves Roux. Celle-ci consacre une approche différenciée de la gestion de cette compétence.
Adopté à une large majorité le 16 mars dernier, le texte n’a pour l’heure pas prospéré. Pourtant, le 30 mars dernier, le Président de la République, en déplacement dans les Hautes-Alpes, a explicitement ouvert la voie à une évolution notable en la matière.
Monsieur le ministre, où en sommes-nous ? La date du transfert, le 1er janvier 2026, approche à grands pas !
Peut-on envisager que cette compétence ne soit pas systématiquement transférée aux intercommunalités ? Un traitement différencié, selon les réalités territoriales, peut-il être imaginé ?
Sans revenir à une gestion purement communale, entendez-vous faire évoluer le cadre du transfert, afin de permettre aux communes de s’organiser elles-mêmes en bassins versants, autour des aires d’alimentation, notamment par le biais de structures syndicales ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Très bien !
M. André Reichardt. Très bonne question !
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Menonville, à l’issue de ces questions d’actualité au Gouvernement, j’aurai donc été invité à faire le marché de Saint-Quentin et à retourner aux côtés des élus locaux des Deux-Sèvres. Je suis un peu déçu que vous ne m’ayez pas proposé de venir à Stainville ! (Sourires.)
Vous avez raison, la proposition de loi déposée par le sénateur Roux, votée dans cette assemblée, n’a pour le moment pas trouvé de relais à l’Assemblée nationale.
Plus précisément, le texte a bien été repris par un groupe, qui l’a inscrit dans sa niche parlementaire aux côtés de beaucoup d’autres textes, si bien que la priorité a été donnée à celui qui visait à abroger la réforme des retraites. Et il a tellement occupé l’Assemblée nationale ce jour-là que la proposition de loi que vous avez évoquée n’a pu être débattue !
Pourtant, elle contient deux mesures importantes. La première vise à autoriser de nouveau les départements à financer et à sécuriser les travaux des communes.
M. Jean-François Husson. Ça, c’est bien !
M. Christophe Béchu, ministre. Vous n’avez pas évoqué cette mesure, mais je la rappelle, car elle fait l’unanimité à la fois sur toutes les travées de cet hémicycle et à l’extérieur.
Mme la Première ministre a eu l’occasion de rappeler au président Sauvadet, en marge du congrès de l’Assemblée des départements de France (ADF), combien nous soutenions cet engagement. C’est la mesure 35 du plan Eau, présenté à Savines-le-Lac le 30 mars dernier.
La seconde mesure dont vous parlez repose sur un principe énoncé par le Président de la République à Savines-le-Lac, le président Jean-Michel Arnaud s’en souvient : tracer un jardin à la française n’est sans doute pas le meilleur moyen de gérer partout dans notre pays la compétence eau.
Mme Françoise Gatel. Excellent !
M. Christophe Béchu, ministre. Compte tenu de la taille moyenne d’un certain nombre d’intercommunalités, il faut imaginer un dispositif qui tienne compte de deux impératifs, comme Dominique Faure a eu l’occasion de le préciser. Au reste, je lui rends hommage pour son investissement, lequel a vocation à se poursuivre.
M. Jean-François Husson. Elle est une source inépuisable !
M. Christophe Béchu, ministre. Premier impératif, nous ne pouvons pas retourner vers un système de communes isolées, ou le conserver. (M. Olivier Cigolotti approuve.)
Quand on considère les communes en rupture d’eau et les taux de fuite, on s’aperçoit qu’il s’agit d’une fausse bonne idée.
M. Fabien Genet. C’est faux !
M. Christophe Béchu, ministre. Second impératif, nous devons faire preuve de souplesse pour trouver un système de coopération, tel que le syndicat mixte, sans obliger le transfert de la compétence à l’intercommunalité.
M. Mathieu Darnaud. On vous le demande depuis deux ans !
M. Christophe Béchu, ministre. Nous trouverons en 2024 la manière de donner suite à la proposition de loi de M. Roux.
Mme Françoise Gatel. Ah !
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour la réplique.
M. Franck Menonville. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Pour inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, les semaines réservées au Gouvernement existent !
Malheureusement, il y a suffisamment de réformes à conduire et de dysfonctionnements de politiques publiques à régler pour qu’il ne faille pas désorganiser ce qui est fait dans les territoires.
Faisons preuve de souplesse, en permettant aux communes de déléguer directement leur compétence aux structures de leur choix, et non en systématisant les subdélégations aux établissements publics de coopération intercommunale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Yves Roux applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 20 décembre, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Sophie Primas.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable, par 16 voix pour et aucune voix contre, sur la nomination de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil aux fonctions de directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
5
Communications relatives à des commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2024 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
6
Réemploi des véhicules
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, de la proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires, présentée par MM. Joël Labbé, Guillaume Gontard et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 923 [2022-2023], texte de la commission n° 152, rapport n° 151).
Je salue la présence dans nos tribunes de notre ancien collègue Joël Labbé.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au lendemain de la clôture de la COP28, alors que l’inflation exacerbe les inégalités sociales et la précarité de nombreux Français, il est temps de prendre des mesures concrètes, ancrées dans nos territoires et à la fois sociales et écologiques.
Favoriser le réemploi des véhicules au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires, tel est l’objet de la proposition de loi de notre ancien collègue Joël Labbé – je le salue ! –, que le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soumet aujourd’hui au débat.
C’est au plus près du terrain, en allant à la rencontre de nos concitoyens et concitoyennes, qu’une telle idée a émergé. En discutant avec son garagiste, notre ancien collègue Joël Labbé s’est trouvé face à un double constat contradictoire.
D’une part, de nombreux véhicules encore en état de rouler sont envoyés à la casse, dans le cadre de la prime à la conversion, ce qui constitue une véritable aberration écologique.
D’autre part, les garages solidaires peinent à trouver des véhicules en bon état et respectant les normes de pollution, malgré une demande élevée. Certains de ces garages ont même mis la clé sous la porte, faute de véhicules disponibles, comme celui d’Échirolles, dans mon département de l’Isère.
Nous en sommes tous témoins : avoir un véhicule devient de plus en plus cher, voire totalement hors de prix. Ainsi, le prix moyen d’une voiture neuve a bondi de 21 % en deux ans et dépasse désormais les 35 000 euros.
Bien sûr, il y a les véhicules d’occasion, mais, là encore, les prix s’envolent. Une Renault Clio, le modèle d’occasion le plus coté, coûte désormais en moyenne 14 400 euros ; elle a augmenté de 13 % en un an.
En y ajoutant le coût des carburants et des assurances, avoir un véhicule devient donc hors de portée pour de nombreux ménages. D’après le baromètre des mobilités du quotidien de l’association Wimoov et de la Fondation pour la nature et l’homme, 13,3 millions de Français sont en situation de précarité en matière de mobilité. Autrement dit, ils n’ont peu ou pas accès à un véhicule ou à des transports collectifs.
Sans surprise, les personnes les plus modestes sont les plus touchées. Bien sûr, en tant qu’écologistes, nous n’apprécions pas la civilisation de la voiture ni l’isolement, la pollution et l’étalement urbain qu’elle suscite.
Comme l’a dit André Gorz, « le vice profond des bagnoles, c’est qu’elles sont comme les châteaux et les villas sur la Côte : des biens de luxe inventés pour le plaisir exclusif d’une minorité de très riches et que rien, dans leur conception et leur nature, ne destinait au peuple ».
C’est pourquoi nous plaidons sans relâche pour un autre aménagement du territoire, qui permettrait de réduire les déplacements contraints, d’améliorer des transports collectifs et de favoriser l’autopartage, ainsi que de meilleures infrastructures pour le vélo et d’autres modes de transport. Je pense ici au travail de mon collègue Jacques Fernique, rapporteur de cette proposition de loi.
Néanmoins, contrairement au portrait que certains voudraient peindre, nous sommes lucides. Nous savons que des millions de Françaises et de Français, en particulier en milieu rural, ont cruellement besoin d’une voiture, car les solutions de substitution y sont rares. C’est justement le paradoxe de la voiture, qu’a évoqué André Gorz : « Les gens, finalement, ne peuvent circuler à l’aise que parce qu’ils sont loin de tout. »
En attendant de transformer l’aménagement de nos territoires, nous devons offrir des solutions.
Or, en milieu rural, ne pas avoir de voiture signifie souvent ne pas pouvoir accéder aux services publics, aux commerces, à la vie sociale, à l’emploi. C’est tout simplement être assigné à résidence.
Ainsi, 28 % des demandeurs d’emploi ont renoncé au moins une fois à un emploi ces cinq dernières années, faute de moyens de transport.
Alors que nous évoquons souvent dans cet hémicycle les fameux « emplois en tension », que les chômeurs ne voudraient pas occuper, je vous invite, mes chers collègues, à réfléchir aux barrières qui empêchent de nombreux demandeurs d’emploi d’accepter les propositions des employeurs. L’absence de mobilité est l’une d’elles !
Pour illustrer mon propos, je citerai l’exemple de Simone, qui vit dans la région de Saint-Nazaire.
Habitant à l’extérieur de la ville, Simone n’a pas de transport en commun qui coïncide avec ses horaires de travail, quelques heures de ménage à Auchan. Elle doit, en outre, s’occuper d’un enfant diabétique et l’emmener régulièrement à l’hôpital de Saint-Nazaire, situé à 60 kilomètres de la ville. Surendettée et seule, elle ne peut compter que sur elle-même et elle a un besoin crucial de son véhicule.
Sa Clio 1999 est usée. Elle affiche plus de 350 000 kilomètres et son contrôle technique est dépassé d’un an. Mais Simone n’a pas les moyens d’entretenir sa voiture, qui est donc de plus en plus dangereuse. Les freins, les pneus, les suspensions sont dans un sale état. Pendant une visite dans un garage solidaire, le démarreur manque de prendre feu. Heureusement, elle a pu bénéficier d’une location d’un véhicule en bon état pour 30 euros par mois.
Des cas comme celui de Simone, notre pays en compte des centaines de milliers.
Bien souvent, les victimes de cet aménagement du territoire incohérent et de l’étalement urbain sans limites sont des femmes seules habitant en zone rurale. N’importe quel garage solidaire pourrait en témoigner !
Ces garages solidaires sont justement le dernier recours pour celles et ceux qui n’arrivent plus à acheter ou à entretenir leurs véhicules, faute de moyens. Ces 150 structures réparties dans tous les territoires permettent aux plus précaires de rouler, en leur louant ou en préparant des véhicules à des prix abordables. Mais ils sont débordés face à la demande. Alors que le prix des véhicules d’occasion s’envole, l’offre n’arrive plus à suivre la demande.
Il existe pourtant un vaste vivier de véhicules, ni trop anciens, ni trop polluants, tout à fait en état de rouler encore quelques années, moyennant parfois quelques petites réparations. Ce vivier, c’est la prime à la conversion.
Notre proposition de loi vise à récupérer, parmi ces véhicules, ceux qui fonctionnent à l’essence et sont classés Crit’Air 3 ou mieux. Au total, cela représente environ 16 000 véhicules par an. Pour les garages solidaires et pour les bénéficiaires, c’est une aide décisive.
Outre son intérêt social, cette mesure est aussi et évidemment écologique.
Je le sais, certains s’interrogent, voire ironisent, sur le fait que des écologistes souhaitent mettre à disposition des vieilles voitures à destination des plus pauvres.
Toutefois, regardons la réalité en face : chez les 10 % des Français les plus précaires, un véhicule sur cinq est âgé de plus de 27 ans et se trouve donc classé Crit’Air 5 ou plus. En mettant à la disposition de ces ménages des voitures plus récentes et moins polluantes, ce sont en réalité les vieux véhicules très polluants que nous sortirons de la circulation.
Le gain environnemental est d’autant plus grand que cette mesure suit une logique d’économie circulaire. La destruction des véhicules existants et la construction de nouveaux modèles émettent bien plus de gaz à effet de serre que le réemploi de véhicules peu polluants pour deux à quatre ans. S’ajoute à cela le fait que les véhicules neufs sont souvent importés de pays lointains. L’atout environnemental de cette proposition de loi est donc indéniable.
Je sais que certains préféreraient que les véhicules à destination des plus précaires soient électriques, soit au titre du leasing social promis par le Gouvernement, soit dans le cadre du rétrofit de véhicules anciens. Je tiens à les rassurer : notre proposition de loi est complémentaire de ces approches.
Le leasing, qui consiste à louer une voiture électrique pour 100 à 150 euros par mois dans le cadre d’un engagement sur plusieurs années, répond aux demandes. Cependant, d’autres personnes ont besoin de solutions moins coûteuses, sans engagement, mais avec un accompagnement social : c’est bien ce que les garages solidaires garantissent.
Quant au rétrofit, qui est évoqué à l’article 2 de notre proposition de loi, il permet d’envisager le changement de motorisation des véhicules concernés.
Le rétrofit est une piste prometteuse, dès lors qu’il assure une seconde vie à des véhicules encore en bon état, mais il ne constitue qu’une solution parmi d’autres pour constituer une flotte de véhicules partagés et décarbonés.
Nous sommes ouverts à toutes ces approches, car la mobilité requiert une pluralité de solutions. C’est d’ailleurs pour cette raison que, au travers du présent texte, nous faisons confiance à l’intelligence et à l’expérimentation des territoires.
Par exemple, nous pourrions imaginer l’autopartage des véhicules dans des communes rurales, pour répondre aux besoins ponctuels des petits rouleurs ; il s’agit là d’un moyen de changer l’appropriation de la voiture, en passant de la propriété à l’usage.
Pour toutes ces raisons, tant environnementales que sociales, je vous invite à voter cette proposition de loi.
Je fais confiance au bon sens, que nous sommes nombreux à partager sur ces travées, car il a déjà permis de faire adopter cette mesure durant l’examen de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, lorsque notre ancien collègue Joël Labbé avait présenté la « Labbémobile », par voie d’amendement.
Je tiens d’ailleurs à remercier M. Labbé de son travail, et même de l’ensemble de son œuvre (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K. – M. Éric Gold et Mme Anne-Catherine Loisier applaudissent également.), ainsi que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a adopté notre texte à l’unanimité. Nous espérons ainsi passer une nouvelle étape et transmettre notre proposition de loi à l’Assemblée nationale le plus rapidement possible.
Je laisserai mes collègues Jacques Fernique, rapporteur, et Daniel Salmon compléter mes propos, mais je tenais tout à de même à vous présenter mon texte dans les grandes lignes pour vous convaincre de son intérêt.
Pour finir, je souhaiterais remercier les garages solidaires, dont les représentants sont présents dans les tribunes de notre hémicycle, et les associations de solidarité, comme le Secours catholique, dont nous avons reçu les membres au Sénat la semaine dernière.
Je sais qu’ils suivent avec attention nos débats aujourd’hui et attendent beaucoup de votre vote. Montrons-leur que la chambre des territoires est à l’écoute de leurs demandes et sait trouver des solutions concrètes, originales et intelligentes, conciliant impératif social et écologique. Ne les laissons pas au bord de la route.
Monsieur le ministre, choisissons la « Labbémobile » ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K. – M. Bernard Pillefer et Mme Solanges Nadille applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jacques Fernique, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver aujourd’hui pour examiner la proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires.
Avant toute chose, je tiens à en saluer l’auteur historique, notre ancien collègue Joël Labbé, aujourd’hui présent dans les tribunes, sans oublier nos collègues signataires du texte.
Je souhaite également remercier les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, notamment son président Jean-François Longeot, du sens du dialogue et de l’esprit d’ouverture dont ils ont fait preuve lors de l’examen initial du texte.
En effet, la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par la commission – sans abstention, donc –, ce dont je me réjouis. À mon sens, ce vote s’explique par l’ambition à la fois solidaire et écologique qu’incarne ce texte.
Pour éclairer mes propos, je souhaiterais vous faire part de deux exemples très concrets des difficultés que rencontrent un grand nombre de nos concitoyens dans leur quotidien pour se déplacer. Ce sont bien ces difficultés, dont j’ai eu connaissance à la suite de mes échanges avec les acteurs de la mobilité solidaire, qui rendent ce texte indispensable.
Je souhaiterais vous parler de Nathalie, mère célibataire de deux enfants, qui a connu d’importantes difficultés financières à la suite de la crise du covid-19. En effet, ses revenus ne lui permettent pas de payer à ses enfants un abonnement aux transports en commun : sa fille doit ainsi marcher 6 kilomètres à pied par jour – soit trois allers-retours – pour se rendre à l’école.
Si la caisse d’allocations familiales (CAF) et le centre communal d’action sociale (CCAS) vont prochainement l’aider grâce à divers dispositifs, ces derniers seront longs à mettre en œuvre. En attendant, c’est un garage solidaire qui lui prête gratuitement un véhicule et prend en charge ses pleins de carburant.
Je veux aussi évoquer la situation d’Emma, en recherche de stage, qui a retrouvé sa voiture accidentée il y a quelques semaines. Son assurance ne couvrant pas les réparations, c’est aussi un garage solidaire qui lui prête actuellement un véhicule pour lui permettre de se rendre sur son lieu de travail.
C’est pour Nathalie, pour Emma et pour toutes les personnes précaires – bien souvent des femmes – qui rencontrent d’importantes difficultés à se déplacer et ont besoin de solutions rapides que cette proposition de loi entend faire bouger les lignes.
D’après le baromètre des mobilités du quotidien 2022 établi par Wimoov et la Fondation pour la nature et l’homme, plus d’un quart de nos concitoyens sont en situation de précarité en matière de mobilité. Parmi eux, 4,3 millions ne disposent d’aucun mode de transport.
Cette précarité touche en premier lieu les ménages les plus modestes, qui sont en moyenne moins nombreux à posséder un véhicule ; les ménages à bas revenus utilisent en général un véhicule diesel, qui est plus vieux que la moyenne du parc et plus fréquemment acheté d’occasion.
Afin de pallier ces difficultés, la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite LOM, a entendu renforcer l’accès à la mobilité pour tous et réaffirmer la mobilité solidaire comme objectifs des politiques publiques de transport. Cette ambition se traduit d’ores et déjà dans nos territoires par des initiatives locales visant à favoriser la mobilité solidaire.
J’ai notamment eu l’occasion d’échanger avec la vice-présidente de la communauté de communes Côte Ouest Centre Manche, qui a mis en place un service de location de véhicules à destination de publics en situation d’insertion professionnelle.
En parallèle, des structures associatives, au premier rang desquelles les réseaux de garages solidaires, proposent un ensemble d’activités pour favoriser l’accès à la mobilité des publics fragiles, notamment grâce à la vente, la location et la réparation de véhicules à prix modique.
Ces garages s’appuient principalement sur les dons de véhicules réalisés par des particuliers. Or ces véhicules sont la plupart du temps anciens et très polluants. Les dons se sont par ailleurs amoindris sous l’effet de la mise en place de la prime à la conversion, qui permet de bénéficier d’une aide à l’acquisition d’un nouveau véhicule.
Pour résumer, nombre de nos concitoyens peinent à se déplacer, et des initiatives se multiplient pour les y aider, notamment par le biais des garages solidaires, avec une limite toutefois : les véhicules disponibles sont en nombre limité et sont souvent très polluants.
Ce constat étant posé, il faut le mettre en regard avec un autre phénomène : chaque année, des milliers de véhicules sont mis à la casse dans le cadre du dispositif de prime à la conversion, alors même que certains d’entre eux sont toujours en état de fonctionner et présentent des niveaux de pollution parfois inférieurs à ceux d’une bonne partie du parc automobile national.
Comme vous le savez, la prime à la conversion a été créée afin de décarboner notre parc automobile au profit de son renouvellement par des véhicules moins polluants. Ce mécanisme a d’ailleurs fait ses preuves puisqu’il a permis, pour la seule année 2021, d’éviter l’émission de 45 tonnes de particules fines et de 160 000 tonnes de CO2.
Le dispositif de prime à la conversion repose sur un concept simple, mais loin d’être intuitif, celui de la mise au rebut systématique des véhicules renouvelés. Cette situation conduit, d’une part, à une importante destruction de matières et de véhicules, d’autre part, à une consommation d’énergie et de matières considérables pour produire de nouveaux véhicules.
En définitive, nous faisons face à un paradoxe : d’un côté, un grand nombre de Français ne disposent d’aucune solution de mobilité ; de l’autre, un certain nombre de véhicules sont détruits de façon automatique dans le cadre de la prime à la conversion.
La présente proposition de loi entend donc réconcilier ces deux phénomènes, en faisant en sorte que les moins polluants des véhicules mis au rebut dans le cadre de la prime à la conversion soient remis à titre gracieux aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) volontaires. Celles-ci pourront ainsi mettre en place, le cas échéant, des services de location à destination des publics les plus précaires, grâce aux associations, notamment les garages solidaires.
Afin de mieux l’encadrer et de réduire son potentiel impact environnemental, le texte a été modifié en commission. Il a ainsi été restreint aux seuls véhicules à essence classés Crit’Air 3. D’ailleurs, nous examinerons tout à l’heure un amendement de la commission visant à élargir le dispositif – légèrement, toutefois – aux véhicules rétrofités.
En commission, nous avons également cherché à améliorer le caractère opérationnel du mécanisme. Le texte prévoit désormais un conventionnement entre l’AOM et les différentes parties prenantes, afin de définir à l’échelle du territoire les modalités du service proposé, en bonne subsidiarité.
Au bout du compte, il ne s’agit aucunement de remettre en question la logique et l’objectif de la prime à la conversion ; il s’agit, bien au contraire, d’aider les ménages les plus modestes à participer à la transition écologique, plus précisément à la décarbonation du parc automobile que nous appelons de nos vœux.
En outre, la limitation du dispositif aux véhicules à essence classés Crit’Air 3 est de nature à lever les quelques doutes émis par certains à l’égard du texte, justement parce qu’elle permet de réduire son potentiel impact environnemental. Le dispositif fera en outre l’objet d’une évaluation, ainsi que le prévoit l’article 1er bis, introduit par la commission.
Cette proposition de loi est la preuve que nous pouvons envisager, de façon transpartisane, une écologie populaire et pragmatique. À cet égard, monsieur le ministre, il est illusoire de penser que ce dispositif fonctionnerait si on le restreignait aux seuls véhicules rétrofités ; nous avons déjà eu l’occasion d’en discuter, et je ne doute pas que nous y reviendrons plus tard.
La commission est tout à fait ouverte à l’idée d’intégrer les véhicules rétrofités ; nous vous proposerons même un amendement en ce sens. Cela étant, compte tenu du coût d’une opération de rétrofit – de 10 000 euros à 15 000 euros –, il y a fort à parier que le gisement de véhicules rétrofités ne serait pas à même de répondre aux besoins de la location solidaire.
En outre, le dispositif proposé ne doit pas être opposé au leasing social, qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier prochain – enfin ! Les services de location solidaire dont nous parlons ici s’adressent notamment aux ménages des premier et deuxième déciles, qui, il faut le dire clairement, ne disposent pas des ressources financières suffisantes pour prendre part au leasing social.
C’est pourquoi il ne faut pas voir ces initiatives comme concurrentes : elles sont au contraire complémentaires. Je forme donc le vœu que nos échanges, ce jour, permettront de convaincre chacun et chacune du bien-fondé de ce dispositif, qui, je l’espère, ira au bout de la navette parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Jean-Luc Brault applaudit également.)