Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au cours des dernières décennies, portées par des valeurs de liberté et d’égalité, les relations affectives ont fait l’objet d’une attention accrue, au point de se voir reconnaître une place à part entière dans la pratique du droit.
Ainsi, il revient désormais au législateur d’offrir les moyens nécessaires pour que les séparations des couples de parents soient le moins nuisibles possible pour les enfants.
Nous devons tout particulièrement veiller à ce qu’elles ne soient pas dévastatrices pour les relations affectives de l’enfant avec l’un et l’autre de ses parents.
Dans la continuité de la Convention internationale des droits de l’enfant, notre législation nationale vise l’équilibre et la recherche systématique de l’intérêt de l’enfant.
Le Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) y est sensible depuis longtemps.
En effet, dès 2014, lors de l’examen de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, notre groupe avait défendu un dispositif, adopté par le Sénat, qui tendait précisément à favoriser un partage plus équilibré des responsabilités parentales. Nous sommes également nombreux, au sein de notre groupe, à suivre des collectifs engagés sur cette question, notamment SOS Papa.
Aussi, je tiens à souligner l’intérêt, sur le plan humain, qu’a suscité cette proposition de loi et je salue son auteure, notre collègue Élisabeth Doineau, que je remercie de son initiative.
Ce texte se compose de trois articles, dont deux ne posent pas de difficultés majeures.
L’article 1er énonce le principe du maintien des relations de l’enfant avec ses deux parents. Il prévoit d’ajouter la notion d’« entretien régulier » pour définir les relations que les parents doivent maintenir avec l’enfant. La portée juridique d’un tel ajout est assez limitée. Toujours est-il que la précision ne nuit pas et qu’elle est bienvenue.
L’article 3 prévoit, quant à lui, la prise en considération des « pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’enfant », lorsque le juge se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. C’est un ajout important et je m’étonne que cette précision ne figure pas déjà dans la loi.
J’en viens à l’article 2 – là où réside, à notre sens, la difficulté. Selon la rédaction initiale, le juge était tenu d’ordonner la résidence alternée, dès lors que l’un des parents au moins le demandait.
La résidence alternée peut se présenter comme une solution idéale, tant pour les parents que pour l’enfant. Encore faut-il qu’elle soit possible matériellement pour les parents et, surtout, qu’elle ne nuise pas à la vie sociale, familiale et scolaire de l’enfant.
Les situations sont trop variées pour apporter une réponse automatique. En conséquence, nous devons faire confiance aux juges, qui doivent savoir déterminer, au regard de chaque histoire, où se situe l’intérêt de l’enfant et, par là même, celui des parents.
La commission des lois, sous l’impulsion de la rapporteure, dont je salue le travail, a donc eu raison de corriger ce dispositif.
Désormais, l’article 2 ne prévoit qu’une forme d’incitation pour le juge à recourir au droit de visite et d’hébergement élargi, en rappelant la nécessité pour chaque parent d’entretenir régulièrement des relations personnelles avec son enfant.
Cette modification atténue amplement l’ambition, voire l’intérêt du texte, mais elle est l’expression d’un compromis.
Nous voterons cette proposition de loi, car nous souscrivons à ses objectifs et à sa philosophie, mais sans franche certitude quant à sa portée future. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui traite d’une question délicate et complexe, celle de la coparentalité et, plus particulièrement, de la résidence alternée des enfants de parents séparés.
Je tiens à saluer l’initiative de la sénatrice Élisabeth Doineau, qui a eu le courage de s’attaquer à cette question. Celle-ci est au cœur même des relations familiales et touche à l’intimité la plus profonde des individus, dans le contexte ô combien difficile de la séparation parentale.
Aussi est-il crucial d’aborder cette matière avec la plus grande prudence, car nous sommes amenés à manipuler des équilibres fragiles, déterminants pour l’intérêt supérieur de l’enfant.
En dépit de la volonté claire du législateur de favoriser, dans cet esprit, le recours à la garde alternée, les chiffres témoignent d’une réalité différente. Selon l’Insee, en France, seuls 12 % des enfants de parents séparés bénéficieraient de la résidence alternée.
La France figurerait ainsi parmi les pays d’Europe ayant le plus faible taux de résidence alternée, loin derrière la Belgique, l’Espagne, la Norvège, le Danemark ou encore la Suède, qui ont fait de la résidence alternée la norme, avec des taux parfois proches de 50 %.
Parmi les obstacles à la généralisation de la résidence alternée, les pratiques judiciaires jouent un rôle crucial.
Ainsi, lorsque la mère s’oppose à cette solution, la demande formulée par le père est accordée uniquement dans 25 % à 40 % des cas. Cette incertitude judiciaire alimente la crainte légitime d’un aléa dépendant non seulement du tribunal saisi, mais aussi du juge chargé de l’affaire.
Cette situation peut nourrir le sentiment que notre institution judiciaire serait, en matière familiale, encore influencée par des dogmes et des biais cognitifs allant à rebours de l’idéal égalitaire auquel aspire notre société.
Outre les atteintes que cette situation peut porter à la confiance de nos citoyens en l’institution judiciaire, il n’est pas certain qu’elle serve, en définitive, l’intérêt de l’enfant.
L’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant et la consécration du droit de l’enfant de vivre, d’être éduqué et aimé par ses deux parents en maintenant les liens parentaux, y compris après une séparation, plaide en faveur du développement de la résidence alternée. Ce droit sous-entend que l’accès à ses deux parents serait, pour l’enfant, un déterminant de son bien-être et de son bon développement.
Ainsi, la présente proposition de loi vise précisément à favoriser la résidence alternée, lorsque cela est envisageable, et, à défaut, à promouvoir un temps parental aussi équilibré que possible.
Le texte initial prévoyait un régime de présomption simple qui n’affranchissait cependant pas le juge de tenir compte de la diversité des situations familiales afin de préserver sa marge d’appréciation. Plutôt qu’une présomption légale, il a été décidé, lors de l’examen en commission, d’inciter le juge à prendre en considération l’obligation du parent d’entretenir régulièrement des relations personnelles avec son enfant, afin de favoriser la mise en place d’un droit de visite et d’hébergement élargi. Si l’article 1er venait à être supprimé, comme le propose l’une de nos collègues, le texte serait alors vidé de sa substance.
Alors que notre société aspire à raison à une plus grande égalité entre les femmes et les hommes, et que ces derniers sont encouragés à davantage assumer leur rôle dans la parentalité, ce texte fixe un objectif légitime et cohérent avec le souhait de nombreux parents de vivre pleinement leur parentalité, au-delà même de leur séparation.
J’entends les craintes quant à la préservation de l’intérêt de l’enfant et au danger qui consisterait à faire primer sur celui-ci un droit des parents, mais c’est justement au juge de veiller à concilier au mieux ces intérêts, et ce texte l’y invite.
Au regard des enjeux et de la complexité du sujet, le groupe RDPI adoptera une position de liberté de vote. Pour ma part, je suis et reste personnellement attachée à ce texte et j’espère que son chemin législatif permettra d’aboutir à une évolution courageuse, synonyme de progrès. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à l’entretien régulier de relations personnelles entre l’enfant et ses parents en cas de séparation de ces derniers
Article 1er
Au deuxième alinéa de l’article 373-2 du code civil, après le mot : « maintenir », sont insérés les mots : « et entretenir régulièrement ».
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par Mme Billon, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. En cas de séparation et de divorce des parents, deux configurations sont envisageables pour organiser la garde de l’enfant : soit sa résidence principale est fixée chez l’un des parents soit, comme cela est possible depuis 2002, la garde alternée est décidée. Dans ce dernier cas, l’enfant résidera en alternance, de manière égale, au domicile de chaque parent, le plus souvent une semaine sur deux.
L’article 373-2 du code civil dispose que chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant. Dans le cas de la résidence alternée, la question du maintien et de l’entretien régulier des liens avec les parents ne se pose évidemment pas. Cependant, l’absence de résidence alternée n’implique pas pour l’enfant de ne pas entretenir de liens avec l’autre parent, qui, dans la majorité des cas, continue de bénéficier d’un DVH.
L’objectif premier de l’entretien des relations enfants-parents est d’assurer le bien-être de l’enfant. Celui-ci ne réside pas forcément dans la possibilité pour l’enfant de voir ses parents de façon égale ou équitable. Le bonheur d’un enfant ne se décompte pas en heures ou journées passées avec l’un ou l’autre de ses parents. Il repose sur l’instauration d’un environnement harmonieux et stable dans lequel il peut s’ancrer et se construire.
En fonction de l’âge de l’enfant, de l’organisation des parents et de l’éloignement géographique, chaque famille ou famille recomposée doit pouvoir s’organiser selon ce qui est le mieux pour l’enfant. Dans ce cadre, la notion de régularité ne présente pas d’intérêt et ne permet pas d’enrichir le droit en vigueur. Le cas par cas doit être la règle, comme l’ont souligné de nombreux orateurs.
Je propose de supprimer toute référence à la régularité en supprimant cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Notre collègue propose de supprimer l’article 1er.
Nous considérons déjà qu’il est de faible portée juridique et qu’il a plutôt une portée symbolique : il présente l’avantage de signifier plus clairement aux parents que leurs obligations incluent l’entretien aussi régulier que possible de relations personnelles avec leur enfant.
La commission des lois n’ayant pas estimé cette disposition malvenue et ayant adopté cet article, il serait pour le moins paradoxal d’accepter sa suppression en séance publique.
Ma chère collègue, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Dans cette affaire, deux lectures différentes nous sont proposées.
On peut estimer que le maintien des relations avec l’enfant nécessite de facto une certaine régularité. Alors, si l’on retient cette piste, si j’ose dire, l’ajout dans la loi de l’adverbe « régulièrement » – les adverbes ne sont jamais inutiles, car ils apportent beaucoup de nuances –, ne nous apparaît pas strictement nécessaire. Au fond, nous sommes face à un choix presque cornélien entre la pédagogie, car c’est le sens de ce texte, et la concision du législateur. Il est difficile de trancher. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat…
Mme Nathalie Delattre. C’est facile ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Effectivement, cet article a une faible portée juridique. Pour autant, il y aurait tant de choses à faire et à dire sur la manière dont s’exerce le DVH, en particulier sur la régularité. Lequel des deux parents doit-il assurer la régularité ? C’est une bonne question.
Est-ce le parent qui n’exerce pas son droit de visite et d’hébergement, celui qui est supposé prendre l’enfant un week-end sur deux et qui ne vient pas, sans prévenir la mère, en général, pour être sûr de lui gâcher son week-end, au cas où elle aurait eu des projets ? Et l’enfant attend ! Celui-là n’est exposé à aucune sanction. J’ai plusieurs fois déposé des amendements pour prévoir une amende civile pour le parent qui ne respecte pas son obligation de droit de visite et d’hébergement, que j’aimerais, pour aller au bout de ma logique, requalifier en devoir.
D’un autre côté, il y a la mère, dont les enfants ne veulent pas aller chez le père, celle dont les enfants reviennent de chez leur père en disant qu’ils y sont malheureux, maltraités. Elle porte parfois plainte au pénal, mais elle n’arrive pas à faire traduire cette plainte par le juge aux affaires familiales en une révision de la convention, parce qu’elle met du temps à être jugée. En revanche, cette mère-là peut être jugée pour délit de non-représentation d’enfant, parce qu’elle ne garantit pas la régularité. Elle peut même aller en prison pour ce motif.
Nous avons travaillé avec le cabinet du garde des sceaux sur ce sujet. Je suis intervenue maintes fois dans cet hémicycle pour demander soit la suppression, soit, a minima, une modification de ce cadre juridique. Il y a bien eu une circulaire du garde des sceaux, mais nous ne sommes pas encore allés assez loin sur le sujet.
Pour conclure, je ne vois pas l’intérêt d’introduire la notion de régularité. Au contraire, j’identifie derrière cette disposition d’autres risques, qui, bien entendu, pèseront sur les mères. Aussi, je voterai l’amendement d’Annick Billon.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Le troisième alinéa de l’article 373-2-9 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le mot : « visite », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « et d’hébergement de l’autre parent en prenant en considération les obligations de celui-ci mentionnées au deuxième alinéa de l’article 373-2. » ;
2° Au début de la seconde phrase, le mot : « Ce » est remplacé par le mot : « Le ». – (Adopté.)
Après l’article 2
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mme Billon, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.
« L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la condamnation. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement d’appel fait écho à la proposition de loi de la députée Isabelle Santiago. S’il convient de protéger le parent victime, il faut aussi protéger l’enfant.
Certains enfants victimes de violences par l’un de leurs parents sont contraints par l’exercice de l’autorité parentale ou par le DVH de côtoyer leur bourreau. Pour mettre fin à ces situations, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a émis des préconisations que je reprends dans cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Notre collègue propose le retrait de l’autorité parentale en cas de poursuites, mise en examen ou condamnation d’un parent pour violences intrafamiliales.
Nous avons bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. C’est la raison pour laquelle je vous demande de le retirer, parce qu’il ne faudrait pas mélanger les débats, bien que ce soit un sujet capital. En effet, nous ne pouvons pas anticiper sur une discussion qui va avoir lieu bientôt à la faveur de l’examen de la proposition de loi de Mme Santiago. À défaut de retrait, je donnerai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Billon. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 6 est retiré.
Article 3
À la fin du 6° de l’article 373-2-11 du code civil, les mots : « l’autre » sont remplacés par les mots : « de l’enfant ou de l’autre parent ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.
Mme Laurence Rossignol. J’ai été inattentive au moment de la mise aux voix de l’article 2 et j’ai laissé passer l’occasion de m’exprimer à son sujet.
Chère Élisabeth Doineau, je suis désolée, mais je dois être la seule dans cet hémicycle à ne pas m’être réjouie de ce texte.
La proposition de loi sur la garde alternée systématique à la demande d’un seul parent est en quelque sorte un marronnier. Cela fait dix ans qu’on la voit arriver et dix ans qu’elle est repoussée.
Dans un monde idéal, les gens se sépareraient en bonne entente. Ils s’assureraient que les enfants n’aient pas à souffrir et il n’y aurait pas de violences ni au moment de la séparation ni après. Par ailleurs, les pères s’occuperaient de leurs enfants à mi-temps, quand c’est possible.
Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal. Je veux bien que l’on dise que les pères sont systématiquement demandeurs de la résidence alternée. Encore faut-il vérifier qu’ils la demandent pour s’occuper de leurs enfants et non pas simplement pour ne pas devoir payer de pension alimentaire. Par parenthèse, j’entends souvent des pères dire qu’ils versent de l’argent à la mère : non, ils versent de l’argent pour les enfants !
Pour revenir à ce monde idéal, les hommes s’occuperaient des enfants avant la séparation. Or tous les chiffres que nous connaissons sont terribles : 43 % des hommes pensent encore que les femmes sont plus douées pour s’occuper des enfants ; quatre hommes sur dix pensent que les femmes sont naturellement beaucoup plus compétentes dans les tâches domestiques. Si les hommes veulent s’occuper des enfants après la séparation, qu’ils commencent à le faire avant ! Dès lors, tout se passera beaucoup mieux au moment où ils demanderont la résidence alternée.
Mme Laure Darcos. La jeune génération est différente !
Mme Laurence Rossignol. Certes, il y a des progrès, mais c’est beaucoup moins rapide qu’on pourrait l’espérer. Surtout, on verra sur la durée, car je me souviens aussi de ceux que l’on a appelés les nouveaux pères. Les nouveaux pères, quand ils sont devenus grands, ils se sont mis à ressembler furieusement à leurs propres pères… (Mme Laure Darcos s’exclame.)
Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par Mme Billon, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 373-2-11 du code civil, après les mots : « de l’autorité parentale » sont insérés les mots : « et de droit de visite et d’hébergement » ;
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Dans un souci de bon sens, je propose que, pour statuer sur les modalités d’exercice du DVH, le juge aux affaires familiales prenne en considération les mêmes critères que ceux qui permettent de statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement paraît entièrement satisfait par le droit existant, puisque le juge s’appuie déjà sur les critères de l’article 373-2-11 du code civil pour se prononcer sur les demandes de DVH.
En distinguant artificiellement les modalités d’exercice de l’autorité parentale et le DVH, il me semble qu’une telle disposition pourrait, par une lecture a contrario, complexifier le droit existant. Il pourrait ainsi être nécessaire de préciser, dès lors qu’il est question des modalités de l’exercice de l’autorité parentale, que l’on vise également le DVH. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Billon. Je le retire !
Mme la présidente. L’amendement n° 7 est retiré.
L’amendement n° 8, présenté par Mme Billon, est ainsi libellé :
1° Remplacer les mots :
À la fin du
par le mot :
Au
2° Après le mot :
civil,
insérer les mots :
après le mot : « physique », est inséré le mot : « , sexuelle » et
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. L’article 373-2-11 du code civil dresse la liste des critères sur lesquels le JAF doit s’appuyer pour se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
Le sixième et dernier critère a été renforcé par un amendement de la rapporteure pour viser « les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’enfant ou de l’autre parent ».
Les récentes conclusions rendues par la Ciivise font état d’un constat très alarmant. Le plus souvent, les violences sexuelles sont incestueuses. Dans 81 % des cas, l’agresseur est un membre de la famille. En moyenne, les victimes ont 7 ans et demi au moment des premiers passages à l’acte. Pour une victime sur quatre, les violences ont duré plus de cinq ans.
Nous devons pleinement prendre conscience de cette réalité. Avec cet amendement, je vous propose d’ajouter les violences sexuelles à la rédaction de la commission.
J’entends l’argument qui consiste à m’opposer le fait que, dans l’article 373-11-2 du code civil, le terme « violences » permettrait de prendre en compte les violences sexuelles. Cependant, ces dernières, notamment l’inceste, demeurent un tabou dans notre société. Nous devons les « visibiliser » en les inscrivant noir sur blanc dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Notre collègue demande la prise en compte des violences sexuelles par le JAF dans la détermination des modalités d’exercice de l’autorité parentale.
Cette proposition est naturellement déjà satisfaite. Par le droit, d’abord : les violences sexuelles étant à la fois physiques et psychologiques, elles sont évidemment couvertes par la rédaction actuelle du code civil.
Par la pratique, ensuite : les JAF tiennent compte évidemment et fort heureusement d’éventuelles violences sexuelles, dès lors qu’ils en ont connaissance.
De surcroît, il n’est pas acquis que l’insertion de cette précision dans le droit existant ne cause aucun effet de bord. C’est pourquoi nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote sur l’article 3.
Mme Laurence Rossignol. Je suis un peu embêtée par cet article 3, qui, si j’ai bien compris, introduit les pressions exercées par un parent sur l’enfant.
Il s’agit d’un sujet qui a un arrière-plan préoccupant. Voilà plusieurs années que nous luttons contre un faux concept importé des États-Unis, qui n’a aucun fondement scientifique : le syndrome d’aliénation parentale. Ce syndrome, qui a d’ailleurs fait l’objet d’une circulaire du garde des sceaux invitant les JAF à ne pas l’utiliser, consiste à dire que l’enfant ment quand il est entendu par le juge, parce qu’il est manipulé par l’autre parent. Bien entendu, le plus souvent, c’est la mère qui est visée.
Je le répète, il n’a aucun fondement scientifique, et s’il a disparu des jugements de divorce, on en retrouve souvent l’esprit, c’est-à-dire que les juges sont tentés de voir des manipulations, en général de la part des mères souhaitant éloigner l’enfant de son père. Cet arrière-plan est très embêtant, car il joue un rôle significatif dans les violences post-séparation, et ce contre les mères. Je vois que Dominique Vérien hoche la tête : elle connaît fort bien ce sujet.
Je crains que cet article 3, plein de bonnes intentions, ne renforce en réalité la possibilité de mettre en doute la parole de l’enfant en le voyant comme un sujet de pression par l’autre parent. Pour ma part, je ne voterai pas l’article 3, qui me paraît avoir des effets de bord, comme dirait Mme la rapporteure, assez préoccupants.
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 373-2-12 du code civil, après le mot : « juge », sont insérés les mots : « doit auditionner le mineur capable de discernement, sauf décision contraire spécialement motivée, et ».
La parole est à Mme Antoinette Guhl.