Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, tout d’abord, je retire les amendements nos 7 et 6.
Je souhaite dire quelques mots supplémentaires, ensuite, sur l’amendement n° 8 rectifié ter, qui a reçu un avis favorable de la commission. Il s’agit d’un amendement de précision, les dispositions du code du travail et du code général de la fonction publique visées à l’alinéa 8 de l’article 1er bis, dont je vous épargne la lecture, ne correspondant pas exactement – et même pas du tout – à la situation dans laquelle se trouvent le secteur agricole et celui de la pêche.
Sur l’amendement n° 1 rectifié bis, relatif à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, je ne saurais partager l’avis du rapporteur, qui nous explique que les syndicats ne sont pas là pour mener une telle lutte. En la matière, certains syndicats jouent le rôle de lanceurs d’alerte, et c’est bien heureux.
Je précise que le groupe Lactalis est depuis quelques heures sous le coup d’une enquête pour fraude fiscale aggravée ; certes présumé innocent, il est soupçonné d’avoir détourné des sommes extrêmement importantes au profit de ses filiales au Luxembourg et en Belgique.
Au moment où les producteurs de lait sont dans une détresse invraisemblable, j’ose imaginer que les syndicats agricoles et ceux qui représentent les salariés de Lactalis sont totalement fondés à engager des actions de ce genre.
La fraude et l’évasion fiscale doivent absolument être ajoutées au dispositif, car c’est le rôle des syndicats que de conduire pareilles actions.
Mme la présidente. Les amendements nos 7 et 6 sont retirés.
La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je suivrai évidemment l’avis du rapporteur, mais j’ai une sympathie forte pour l’amendement n° 46 de M. Savoldelli : ce qui se passe en matière de droit du travail pour ce qui concerne les plateformes, qui reposent sur le travail précaire, est absolument inadmissible.
Je pense néanmoins que le sujet est beaucoup plus vaste que le seul problème de l’action de groupe. Et je sais que notre collègue Frédérique Puissat travaille à une proposition de loi qui engloberait l’ensemble des questions relatives aux droits des travailleurs des plateformes. Je sais aussi que l’Europe est en train de travailler sur un règlement – il n’est que temps ! Ce sujet est de la plus haute importance et il est susceptible de faire consensus entre nous, tant la situation est dégradée pour ces travailleurs.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié, 28 et 45.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter
(Supprimé)
Après l’article 1er ter
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié bis, présenté par MM. Szpiner, Rapin et Klinger, Mme Jacquemet, M. Somon, Mmes Ciuntu et Billon, M. Bouchet, Mmes Muller-Bronn et Richer, MM. Courtial et Bonhomme, Mme Romagny, MM. Henno et Hugonet, Mme Dumas, M. Daubresse, Mmes Belrhiti, Estrosi Sassone et Dumont, MM. Hingray et Brisson, Mmes Valente Le Hir, Di Folco et Joseph, M. Pellevat et Mme Canayer, est ainsi libellé :
Après l’article 1er ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes mentionnées aux I à II de l’article 1er bis peuvent recevoir des fonds de tiers, à la seule fin de soutenir l’exercice d’actions de groupe en réparation des préjudices, sous réserve que ce financement n’ait ni pour objet ni pour effet l’exercice par le tiers d’une influence sur l’introduction ou la conduite d’actions de groupe susceptible de porter atteinte à l’intérêt de personnes représentées.
La parole est à M. Francis Szpiner.
M. Francis Szpiner. Il apparaît souhaitable que les sociétés de financement puissent participer aux actions de groupe.
Tout d’abord, cela nous mettrait à égalité avec un certain nombre de consommateurs en Europe qui bénéficient de cette possibilité. Ensuite, s’agissant de procédures complexes et coûteuses, ces sociétés de financement peuvent mobiliser des moyens que les particuliers, ou même certaines associations, n’ont pas. Enfin, étant à but lucratif, elles ne se lancent généralement pas dans des procès à l’aveuglette : elles trouvent leur intérêt dans ces procédures.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 24, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Amendement n° 23
Compléter cet amendement par une phrase ainsi rédigée :
Ce financement par des tiers fait l’objet d’une publication dans des conditions fixées par décret.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Ce sous-amendement vise à compléter l’excellent amendement de Francis Szpiner en précisant que le financement par des tiers fera l’objet d’une publication dans des conditions fixées par décret. Il est bon que des financements puissent être mobilisés, mais ils doivent s’assortir de toute la transparence nécessaire : c’est un sous-amendement de bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement de Francis Szpiner a pour objet de prévoir explicitement que les personnes qui ont qualité pour agir peuvent recevoir des fonds de tiers tendant à financer l’exercice d’actions de groupe. La commission, lors de l’établissement de son texte, a débattu de ce sujet particulièrement épineux, celui du financement des actions de groupe.
Tout en étant très favorable, dans son principe, à cet amendement, je relève qu’il se borne à énoncer une disposition que l’on pourrait qualifier d’interprétative. La commission a donc choisi de s’en remettre à la sagesse du Sénat – mais, je le répète, à titre personnel, j’y suis très favorable.
Le sous-amendement de Mme Goulet, quant à lui, vise à prévoir la publicité du financement par des tiers. Mais l’amendement n° 23 rectifié bis comporte déjà des garanties en matière de prévention des conflits d’intérêts. Du reste, les dispositions relatives à la prévention des conflits d’intérêts prévues par l’article 1er quater AA me paraissent suffisantes.
La commission demande donc le retrait de ce sous-amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je comprends que l’on veuille permettre un financement des actions de groupe par des tiers ; reste que cette possibilité est source de quelques difficultés.
En pratique, il sera extrêmement difficile de contrôler si le financement a pour objet ou pour effet de créer une situation de conflit d’intérêts. Comment le juge pourra-t-il déterminer si le financement a pour objet ou pour effet d’influencer l’action de groupe ? Selon quels critères ? Devra-t-il se livrer à une appréciation in abstracto ou in concreto ?
Par ailleurs, un financement qui n’est a priori constitutif d’aucun conflit d’intérêts peut se révéler par la suite être la source d’un tel conflit. Prenons l’exemple d’une société commerciale qui finance une action de groupe sans compter elle-même parmi les victimes. Si l’un de ses concurrents vient à adhérer au groupe de victimes, un conflit d’intérêts apparaîtra de manière évidente, le bailleur de fonds se retrouvant à financer une action au bénéfice de son concurrent.
Enfin, l’absence de sanctions attachées au non-respect de cette obligation lui fait perdre son efficacité juridique.
Cela dit, cet amendement me paraît intéressant. Je ne veux pas inonder son auteur d’un flot d’éloges : vous en avez eu votre compte il y a quelques instants, monsieur le sénateur, et il faut en garder pour l’avenir. (Sourires.) Je m’en remettrai donc, sur cet amendement comme sur le sous-amendement déposé et présenté par Mme la sénatrice Goulet, à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié bis, modifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er ter.
Article 1er quater AA (nouveau)
Le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices veille, en tout état de la procédure, à ne pas se placer en situation de conflit d’intérêts et à préserver l’exercice de l’action de groupe qu’il engage de l’influence d’un tiers à l’instance susceptible de porter atteinte à l’intérêt des personnes représentées.
Lorsqu’elle constate que le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices ne satisfait pas à l’obligation prévue au premier alinéa, l’autorité administrative mentionnée au I de l’article 1er bis peut, après avoir invité le demandeur à présenter des observations écrites, retirer son agrément.
Lorsque le juge estime incertain le respect par le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices de l’obligation prévue au premier alinéa du présent article, il peut enjoindre au demandeur de produire un aperçu financier énumérant les sources des fonds utilisés pour soutenir l’action. Lorsqu’il constate que le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices ne satisfait pas à l’obligation prévue au même premier alinéa, il peut déclarer l’action irrecevable et refuser l’homologation de tout accord entre les parties.
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À cette fin, il joint une déclaration d’intérêts selon des modalités fixées par décret.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Ce texte contient beaucoup de mesures à visée déclarative, mais, j’ai eu beau chercher, les modalités de la déclaration d’intérêts n’y sont pas assez précisées, comme c’est le cas, d’ailleurs, dans la directive : le traitement de cette question me paraît un peu faible.
Si vous m’y autorisez, madame la présidente, je présenterai dans le même mouvement mon amendement n° 2.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 2, présenté par Mme N. Goulet, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Il justifie dès l’introduction de l’action de sa situation à l’égard de l’administration fiscale.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement a pour objet de prévoir que le demandeur justifie, dès l’introduction de son action, de sa situation à l’égard de l’administration fiscale.
Nous avons parlé d’actions qui pourraient être dolosives ou, en tous les cas, nuire à la concurrence. Il est donc important de savoir dans quelle situation fiscale est le demandeur, s’il est en règle avec l’administration fiscale. Cela fait partie des choses qui doivent pouvoir être demandées dans le cadre de la procédure afin de s’assurer que les actions de groupe engagées ne le sont pas uniquement dans un but différent de celui qui est allégué.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Comme on dit en bon français : spoiler alert ! Pour parler comme nos amis québécois, je vais faire du divulgâchis, car ces deux amendements m’obligent à parler de l’amendement n° 53 du Gouvernement, dont l’examen suivra immédiatement et sur lequel je m’apprête à émettre un avis favorable.
Madame Goulet, l’avis de la commission est défavorable sur vos deux amendements.
Si la rigueur juridique de l’alinéa 3 est bel et bien perfectible, l’amendement n° 3 ne paraît pas présenter de garanties supérieures, puisque les intérêts en question n’y sont pas précisément définis. Vous souhaitez prévoir la production d’un aperçu financier, mais votre intention, ma chère collègue, est satisfaite par l’amendement du Gouvernement, dont l’objet est d’autoriser le juge à enjoindre au demandeur de produire les pièces justifiant qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts et énumérant les fonds destinés à soutenir l’action. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 3.
Pour ce qui est de l’amendement n° 2, si, là encore, je comprends l’intention de son auteure, je peine à saisir son utilité pour la prévention des conflits d’intérêts, car une attestation de régularité fiscale ne saurait tenir lieu de preuve de solvabilité : le fisc se sert quoi qu’il advienne et, solvable ou non, l’on doit s’acquitter de ses impôts. Le demandeur ne sera donc pas réputé solvable du moment que le fisc aura prélevé les impôts. Du reste, la solvabilité est déjà garantie par le critère posé au 3° du I de l’article 1er bis.
Avis défavorable également sur l’amendement n° 2.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’amendement n° 3 vise à exiger du demandeur qu’il joigne à son action en justice une déclaration d’intérêts. Le Gouvernement partage évidemment votre objectif, madame la sénatrice. Il est nécessaire – vous l’avez dit vous-même – de clarifier et de faciliter le rôle du juge quant à la prévention des conflits d’intérêts des demandeurs aux actions de groupe. Il s’agit d’ailleurs d’une obligation fixée par la directive, et le Gouvernement a lui aussi déposé un amendement en ce sens.
Néanmoins, l’obligation de joindre à la demande une déclaration d’intérêts complexifierait inutilement l’engagement d’une action de groupe. Elle porte intrinsèquement en elle les risques de susciter du contentieux en cas d’allégation de faux, de reporter la charge de la preuve d’un éventuel conflit d’intérêts sur le défendeur et d’allonger la procédure en mêlant les voies civiles et les voies pénales. Par ailleurs, elle n’est pas de nature à contribuer à un véritable contrôle de l’absence de conflits d’intérêts, puisqu’il s’agit, par définition, d’une simple déclaration.
Pour toutes ces raisons, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement.
Quant à l’amendement n° 2, il vise à contraindre le demandeur à justifier de sa situation fiscale lors de l’introduction de l’action de groupe. Je comprends parfaitement votre objectif, madame la sénatrice ; pour autant, l’instauration d’une telle obligation constituerait une surtransposition de la directive.
J’y suis défavorable, pour plusieurs raisons.
Il s’agit d’une condition inutile, car la régularité de la situation fiscale ne conditionne aucunement le bien-fondé de l’action.
En outre, les dérives des actions de groupe que vous évoquez ne sont pas liées à la situation fiscale du demandeur.
Par ailleurs, cette obligation serait source d’insécurité juridique, puisque la sanction de son non-respect n’est pas précisée.
En tout état de cause, il n’apparaît pas pertinent de conditionner la recevabilité d’une action à la régularité de la situation fiscale du demandeur.
Enfin, le juge a toujours la possibilité d’enjoindre aux parties de communiquer telle ou telle pièce s’il l’estime nécessaire.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Madame Goulet, les amendements nos 3 et 2 sont-ils maintenus ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je les retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 3 et 2 sont retirés.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 53, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
En cas de contestation du respect de l’obligation prévue au premier alinéa par le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices, le juge peut enjoindre à ce dernier de produire les pièces justifiant de l’absence de conflit d’intérêts. Lorsqu’il constate que le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices ne satisfait pas à l’obligation prévue au premier alinéa, il déclare l’action irrecevable et refuse l’homologation de tout accord entre les parties.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’objet de cet amendement est de réécrire l’alinéa 3 de l’article 1er quater AA afin de préciser le rôle et les pouvoirs du juge dans le contrôle de l’absence réelle de conflit d’intérêts en tant que condition de recevabilité de l’action de groupe. Cette réécriture s’inscrit dans la continuité des travaux de votre commission, qui a renforcé le texte en prévoyant un contrôle par le juge du conflit d’intérêts.
Il s’agit simplement de veiller à ce que ces dispositions soient pleinement opérationnelles en précisant la procédure, afin d’éviter la naissance de contentieux inutiles. L’amendement tend à préciser que le contrôle de l’absence de conflit d’intérêts sera effectué par le juge saisi d’une demande en ce sens. Le juge pourra solliciter la production de toutes pièces permettant de vérifier cette absence. Le contrôle par le juge sera ainsi pleinement effectif, et la directive pleinement transposée.
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
Lorsque le juge estime incertain le respect par le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices de l’obligation prévue au premier alinéa du présent article, il
par les mots :
Le juge
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 est retiré.
L’amendement n° 5, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
un aperçu financier énumérant les sources des fonds utilisés
par les mots :
la liste des financements obtenus
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je souhaitais simplement que nous revoyions la rédaction de l’alinéa 3 pour le rendre un peu plus clair, mais je doute que la commission réserve à cet amendement un meilleur sort qu’aux précédents…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements restant en discussion ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement du Gouvernement tend à préciser la procédure qui a été insérée dans le texte par la commission des lois : trois modifications essentielles sont proposées afin de perfectionner l’alinéa 3 issu des travaux de la commission.
Premièrement, c’est à la suite d’une contestation du défendeur, et non sur le fondement de sa propre incertitude – critère dont j’admets qu’il était perfectible –, que le juge demanderait qu’il soit justifié de l’absence de conflits d’intérêts.
Deuxièmement, cette demande tendrait à la production de toutes pièces justifiant cette absence. La mention d’un « aperçu financier énumérant les sources des fonds utilisés pour soutenir l’action », issue de la directive, serait ainsi insérée dans notre droit avec davantage de précision, et l’amendement n° 5 de Mme Goulet serait satisfait.
Troisièmement, dans les cas où serait constaté un conflit d’intérêts, le juge déclarerait d’office l’action irrecevable et refuserait l’homologation d’un éventuel accord, là où nous avions prévu une simple faculté : voilà qui est en effet plus robuste.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis très favorable sur l’amendement n° 53 ; quant à l’amendement n° 5, elle en demande le retrait.
Mme Nathalie Goulet. Je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 53.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er quater AA, modifié.
(L’article 1er quater AA est adopté.)
Article 1er quater A
I (nouveau). – Préalablement à l’introduction de l’action de groupe, la personne ayant qualité pour agir met en demeure celle à l’encontre de laquelle elle envisage d’agir par la voie de l’action de groupe de cesser ou de faire cesser le manquement ou de réparer les préjudices subis.
À peine d’irrecevabilité que le juge peut soulever d’office, l’action de groupe ne peut être introduite qu’à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la réception de cette mise en demeure.
II. – Par dérogation au I, préalablement à l’engagement de l’action de groupe fondée sur un manquement au code du travail, le demandeur à l’action demande à l’employeur, par tout moyen conférant date certaine à cette demande, de faire cesser le manquement allégué.
Dans un délai d’un mois à compter de la réception de cette demande, l’employeur en informe le comité social et économique ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. À la demande du comité social et économique ou à la demande d’une organisation syndicale représentative, l’employeur engage une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de manquement collective alléguée.
L’action de groupe engagée pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou de plusieurs salariés peut être introduite à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la demande tendant à faire cesser le manquement ou à compter de la notification par l’employeur du rejet de la demande.
Mme la présidente. L’amendement n° 44, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet article témoigne du peu d’égards manifesté pour le travail transpartisan de l’Assemblée nationale.
Le rapport de la mission d’information de nos collègues députés sur le bilan et les perspectives des actions de groupe, adopté à l’unanimité, contenait la recommandation n° 10 suivante : « Supprimer l’obligation de mise en demeure préalable pour les actions de groupe en matière d’environnement, de protection des données personnelles et de discrimination. » Les auteurs de la présente proposition de loi, souhaitant rendre toujours plus accessibles les actions de groupe, ont néanmoins décidé d’écarter cette disposition. Le Gouvernement a mis un pied dans la porte en cantonnant cette restauration de la mise en demeure préalable au droit du travail ; mais le champ de cette obligation a été élargi à tous les domaines par notre rapporteur.
La raison alléguée a le mérite d’être honnête, quoiqu’elle soit extrêmement floue : « Si la mise en demeure a effectivement pour effet de rallonger la procédure de l’action de groupe, elle peut néanmoins permettre d’éviter certaines procédures indues. » Monsieur le rapporteur, chers collègues de la majorité sénatoriale, qu’est-ce qu’une « procédure indue » ? Pourquoi craindrait-on ceux qui réclament justice ? Comment peut-on parler de « procédure indue » alors qu’il n’y a eu que trente-cinq procédures en neuf ans ? Les actions de groupe sont très loin d’engorger les tribunaux…
La mise en demeure préalable oblige les victimes présumées à avertir l’entité qu’elles entendent attaquer et à attendre de quatre à six mois, selon les matières, avant de saisir la justice. Pendant ce temps, le préjudice demeure et la situation pourrit. Le rapport d’information précité mentionne qu’Anne de Pingon, magistrate, s’interrogeait sur la justification de cette obligation de mise en demeure préalable pour les actions de groupe alors qu’un tel filtre n’est jamais exigé pour une action individuelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Bocquet, vous évoquez, tel un mantra, le travail transpartisan de l’Assemblée nationale. Mais lorsque ce travail dit transpartisan a débuté, il n’y avait pas de directive à transposer ! Dans la proposition de loi initiale, la directive Actions représentatives n’était transposée qu’au tiers, à peine. Et c’est au Sénat qu’il a incombé, après sa transmission, il y a neuf mois, de faire la plus grande part du travail de transposition. Faire du transpartisan, c’est facile, quand on n’a pas la charge de transposer une directive ou que l’on s’affranchit de la nécessité de le faire. J’adorerais, moi aussi, vivre dans un tel monde, entouré de petits lapins roses ! (Sourires.)
Votre amendement vise à supprimer l’obligation de mise en demeure préalable, que j’ai restaurée et que la commission a adoptée. Une telle mise en demeure paraît nécessaire ; elle s’inscrit dans l’intention constante du législateur, qui est d’éviter, lorsque cela est possible, une action contentieuse inutile. Vous préférez la voie contentieuse, d’autres préfèrent l’arrangement. Chacun sa vie ! Je préfère la mienne à la vôtre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis défavorable.
Je vous laisse le choix de la vie dont vous rêvez, monsieur le rapporteur ; qu’il me soit permis de dire que, pour ma part, je préfère vivre avec des sénatrices et des sénateurs qu’avec des petits lapins roses ! (Sourires.)
M. Patrick Kanner. C’est bien, le rose ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 29, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1er
Remplacer le mot :
met
par les mots :
peut mettre
II. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Daniel Salmon.