M. Hussein Bourgi. Au tour des lapins verts ! (Sourires.)
M. Daniel Salmon. L’examen de ce texte nous réserve de nombreuses surprises.
Le député Philippe Gosselin, membre du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, a coécrit un rapport d’information qui préconise la suppression de la mise en demeure préalable avant l’introduction d’une action de groupe. Voici ce que l’on y lit : « Ce délai rallonge considérablement la durée des procédures alors que le manquement à une obligation légale ou contractuelle pourra continuer à porter préjudice pendant la durée de la procédure. »
Nous sommes d’autant plus d’accord avec cette analyse que la procédure est déjà très lourde. Il suffit pour s’en convaincre de citer l’affaire de la Dépakine : l’action de groupe a été introduite il y a déjà sept ans, et les personnes lésées n’ont toujours pas été indemnisées.
La proposition de loi initiale, coécrite par Philippe Gosselin, prévoit de supprimer la mise en demeure ; mais – telle est la surprise – la commission des lois de notre assemblée a supprimé cette suppression. Cherchez la logique ! J’espère donc que les sénatrices et sénateurs du groupe Les Républicains reviendront sur leur position pour suivre les préconisations du rapport d’information coécrit par un député… des Républicains.
Par ailleurs, l’obligation que vous prévoyez aurait pour conséquence que la procédure serait plus lourde qu’elle ne l’est actuellement. En effet, la mise en demeure n’est pas obligatoire pour les actions de groupe en matière de santé ou pour les contentieux locatifs ; elle le deviendrait si le texte était adopté en l’état. Vous prévoyez donc d’alourdir inutilement la procédure par rapport au droit en vigueur.
Le groupe écologiste souhaite faciliter les actions de groupe ; nous nous opposons donc avec force, en la matière, à tout recul. C’est pourquoi nous demandons que la mise en demeure ne soit pas une obligation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Salmon, vous l’avez noté vous-même, le rapport de M. Gosselin a bientôt quatre ans : il a été publié bien avant la directive. Et notre collègue député a sans nul doute dû changer d’avis depuis que la version initiale de la proposition de loi a été déposée.
Vous proposez que la mise en demeure préalable ne soit qu’une simple faculté ; j’ai le plus grand mal à vous suivre, je le concède.
D’une part, cet amendement va à l’encontre de la volonté de la commission, qui est de favoriser le règlement amiable du différend. D’autre part, une telle faculté existerait même sans ce texte : la disposition que vous proposez constituerait un neutron législatif…
En conséquence, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Fialaire, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
comité social et économique
insérer les mots :
si l’entreprise en dispose
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Il s’agit d’un amendement quasi rédactionnel.
L’article 1er quater A dispose que l’employeur doit informer le comité social et économique (CSE) de l’entreprise lorsque celle-ci fait l’objet d’une action de groupe. Or le CSE doit être installé dans les entreprises de plus de onze salariés. Pour les autres, la mise en place d’une telle instance n’est pas obligatoire.
Mon amendement vise donc à clarifier le texte en précisant que l’employeur n’est obligé d’informer le CSE que si l’entreprise dispose d’une telle structure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Avis favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’émets un avis de sagesse bienveillante sur cet amendement !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er quater A, modifié.
(L’article 1er quater A est adopté.)
Chapitre II
L’action de groupe en cessation du manquement
Article 1er quater
Lorsque l’action de groupe tend à la cessation d’un manquement, le demandeur n’est pas tenu d’invoquer un préjudice pour les membres du groupe. L’intention ou la négligence du défendeur n’a pas à être établie. Le juge, s’il constate l’existence du manquement, enjoint au défendeur de cesser ou de faire cesser ce manquement et de prendre, dans un délai qu’il fixe, toutes les mesures utiles à cette fin, au besoin avec l’aide d’un tiers qu’il désigne. Lorsque le juge prononce une astreinte, celle-ci est liquidée au profit du demandeur.
Mme la présidente. L’amendement n° 30, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Troisième phrase
Remplacer les mots :
qu’il fixe
par les mots :
qui ne peut excéder six mois à compter de la date de l’introduction de l’action
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Un peu de concret pour illustrer mon propos : à la Réunion, dans les communes de Sainte-Marie, Saint-André, Salazie, Saint-Antoine et Les Avirons, l’eau du robinet était impropre à la consommation. L’agence régionale de santé y avait trouvé, entre autres, des bactéries fécales.
Pour éviter de boire de l’eau contaminée, les citoyennes et les citoyens n’avaient d’autre solution que d’acheter de l’eau en bouteille ; une telle situation ne pouvait pas durer. Pour autant, le distributeur d’eau n’a rien entrepris pour mettre rapidement un terme à cette contamination.
C’est pourquoi une association de défense des consommatrices et consommateurs a décidé d’engager une action de groupe. Son objectif était de faire cesser les manquements du distributeur d’eau et d’obtenir réparation.
Elle a d’abord dû mettre en demeure l’opérateur du réseau : un temps précieux a ainsi été perdu à cette étape, pendant lequel les habitantes et les habitants ont dû acheter des bouteilles d’eau, ce qui est coûteux et chronophage en plus de contribuer à la pollution plastique.
Quand l’action de groupe a finalement pu être introduite, il eût été utile que la justice ordonnât rapidement que cessent les manquements de l’entreprise de distribution d’eau. Or, bien que cela soit évidemment primordial pour éviter des dommages supplémentaires, l’organisation du système judiciaire ne le permet pas toujours. Et le sous-investissement chronique des dernières années n’aide pas, bien sûr, car il allonge encore davantage les délais.
C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que les mesures provisoires tendant à ordonner la cessation d’un manquement soient prises dans les six mois après l’introduction d’une action de groupe. En instaurant ce délai, nous n’avons qu’un objectif : protéger les citoyennes et les citoyens des conséquences les plus graves du manquement en cours.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je comprends l’intention des auteurs de cet amendement…
M. Daniel Salmon. C’est déjà ça…
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je suis toujours capable de lire, malgré l’heure et malgré mon âge ! (Sourires.)
Je comprends l’intention, disais-je ; je ferai cependant deux remarques.
D’une part, le délai courrait à compter de l’introduction de l’action de groupe : cela, certes, présenterait l’avantage d’accélérer les choses, mais pourrait laisser au professionnel très peu de temps pour faire cesser le manquement, la lenteur de la procédure pouvant être imputable à des facteurs indépendants de sa volonté.
D’autre part, il paraît préférable de laisser aux juges une marge d’appréciation suffisante dans l’appréciation du délai raisonnable dans lequel il peut être procédé à la cessation du manquement.
Pour ces deux raisons, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er quater.
(L’article 1er quater est adopté.)
Chapitre III
L’action de groupe en réparation des préjudices
Section 1
Jugement sur la responsabilité
Article 1er quinquies
Lorsque l’action de groupe tend à la réparation des préjudices subis, le demandeur doit présenter des cas individuels au soutien de ses prétentions.
Le juge statue sur la responsabilité du défendeur.
Il définit le groupe de personnes à l’égard desquelles la responsabilité du défendeur est engagée, en fixant les critères de rattachement au groupe, et détermine les préjudices devant faire l’objet d’une réparation, pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini.
Lorsque les éléments produits et la nature des préjudices le permettent, le juge détermine, dans le même jugement, le montant ou tous les éléments permettant l’évaluation des préjudices susceptibles d’être réparés, pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini.
Il ordonne, à la charge du défendeur, les mesures de publicité adaptées pour informer de cette décision les personnes susceptibles d’avoir subi un dommage causé par le fait générateur constaté.
Il fixe également le délai dans lequel les personnes répondant aux critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement sur la responsabilité peuvent adhérer au groupe en vue d’obtenir la réparation de leur préjudice. Sauf dispositions contraires, ce délai ne peut être inférieur à deux mois ni supérieur à cinq ans à compter de l’achèvement des mesures de publicité ordonnées par lui.
Il fixe le délai dont dispose le défendeur condamné pour procéder à l’indemnisation ainsi que le délai, ouvert à l’expiration de ce premier délai, pour le saisir des demandes d’indemnisation auxquelles le défendeur n’a pas fait droit.
Il prévoit les conditions et les limites dans lesquelles les membres du groupe peuvent saisir le juge aux fins d’obtenir une indemnisation individuelle.
Lorsqu’une réparation en nature du préjudice lui paraît plus adaptée, à l’exception des préjudices résultant de dommages corporels, le juge précise les conditions de sa mise en œuvre par le défendeur.
Mme la présidente. L’amendement n° 56, présenté par M. Frassa, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces mesures ne peuvent être mises en œuvre qu’une fois que le jugement mentionné au deuxième alinéa du présent article ne peut plus faire l’objet de recours ordinaire ni de pourvoi en cassation.
II. – Alinéa 6, seconde phrase
1° Supprimer les mots :
Sauf dispositions contraires,
2° Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
deux
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à corriger un petit oubli. Il s’agit de préciser la procédure à suivre dans la phase de jugement sur la responsabilité, en rapprochant les dispositions de la présente proposition de loi du droit en vigueur.
D’une part, le droit en vigueur dispose que, en cas de responsabilité du défendeur, le juge ordonne aux frais de celui-ci des mesures de publicité, lesquelles ne peuvent néanmoins être mises en œuvre que lorsque le jugement sur la responsabilité n’est plus susceptible de recours. L’article 1er quinquies, dans sa rédaction issue des délibérations de l’Assemblée nationale, ne procédait pas à une telle précision, ce qui pourrait entraîner la mise en œuvre précipitée du jugement sur la responsabilité et complexifier la procédure.
D’autre part, le même article 1er quinquies prévoit que le délai d’adhésion des personnes dont les intérêts ont été lésés au groupe susceptible de recevoir une indemnisation est compris entre deux mois et cinq ans. Ce délai est à l’évidence trop long ; le régime de l’action de groupe en matière de consommation le limite actuellement à une durée comprise entre deux et six mois.
Afin de garantir la célérité des procédures, nous proposons de porter ce délai maximal de cinq à deux ans.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à faire en sorte que le jugement statuant sur la responsabilité puisse faire l’objet d’une publicité une fois qu’il a acquis un caractère définitif, c’est-à-dire qu’il ne peut plus faire l’objet d’un appel ou d’un pourvoi en cassation. Il s’agit d’une reprise des dispositions actuellement applicables aux actions de groupe.
Par ailleurs, cet amendement vise à réduire de cinq ans à deux ans le délai maximal de publicité du jugement pendant lequel les potentielles victimes peuvent adhérer au groupe.
Je comprends bien sûr la volonté de la commission de reprendre les dispositions actuellement applicables aux actions de groupe en ce qui concerne le caractère définitif du jugement statuant sur la responsabilité.
Néanmoins, je ne suis pas favorable à la réduction du délai maximal de publicité de cinq ans à deux ans. En effet, certains préjudices nécessitent, du fait de leur nature même, un délai d’adhésion plus long que deux ans : c’est le cas, par exemple, en matière de préjudices corporels.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 41, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les faits sur lesquels le juge est amené à statuer mentionnés au présent article sont considérés comme des faits dont dépend la solution du litige pour l’application de l’article 143 du code de la procédure civile.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. L’objet de cet amendement est avant tout de clarifier une question pour éviter que ce texte ne pose des difficultés d’application.
En effet, l’adoption d’un amendement de notre rapporteur a permis, dès l’examen du texte en commission, de rendre applicable aux affaires de groupe le code de procédure civile, le code de procédure pénale et le code de procédure administrative. Nous saluons cet élargissement, ainsi que la mention expresse de l’applicabilité du texte aux îles Wallis et Futuna, clarification qu’appelait de ses vœux le Conseil d’État dans son avis.
Ces dispositions devraient par ailleurs conférer aux juges statuant sur les actions de groupe la faculté d’ordonner des mesures d’instruction. Ce pouvoir d’instruction permettrait de réduire le déséquilibre informationnel qui existe systématiquement entre l’entreprise mise en cause et les personnes lésées.
En effet, la première dispose nécessairement de plus d’informations, par exemple sur les risques d’un procédé industriel, et il appartient à la partie demanderesse de démontrer que l’entreprise n’a pas correctement évalué les risques, donc qu’elle a manqué à prévenir un dommage. Afin de l’aider dans cette démarche, les juges pourraient, par exemple, demander la remise de certains documents.
Dans d’autres pays, les pouvoirs des juges en la matière vont beaucoup plus loin que ce qui est prévu par nos procédures civiles et pénales. Dans les pays de common law, mais aussi au Portugal, il existe des actions de groupe dites de discovery : celles-ci ont justement pour objectif d’obtenir des preuves et ainsi de lutter contre ce déséquilibre informationnel.
Par cet amendement, nous ne demandons pas à aller si loin. C’est une simple clarification que nous souhaitons : il s’agit de nous assurer qu’à chaque étape de l’action de groupe les juges disposent bel et bien des mêmes pouvoirs d’instruction dont ils disposent dans les procédures civiles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Salmon, il semble, de votre côté de l’hémicycle, que l’on frôle en permanence la class action sans toutefois vouloir y aller franchement… Je n’ai, pour ma part, aucun état d’âme. Je me plie à la volonté souveraine du Sénat en la matière : si tel est votre souhait, sautez le pas !
Vous citez, mon cher collègue, des pays qui ont choisi d’aller vraiment dans le sens de la class action. Vous parlez de procédures de discovery, d’avocats ayant la qualité pour agir, etc., mais tous ces éléments ne définissent pas autre chose que la class action à l’américaine : ils ne correspondent pas à l’action de groupe telle qu’elle est définie dans le droit français. Je suis prêt à vous accompagner dans cette voie, mes chers collègues, mais il faut, le cas échéant, que toutes les dispositions que nous adoptons soient conformes au système de la class action !
L’amendement n° 41 tend à ce que les juges puissent, lorsqu’ils statuent sur toute question en lien avec une action de groupe tendant à la réparation des préjudices subis, ordonner toute mesure d’instruction à leur disposition, en application de l’article 143 du code de procédure civile.
Cet amendement me semble doublement satisfait.
Dans la pratique, tout d’abord, les personnes que j’ai auditionnées, notamment des magistrats amenés à traiter ce type de dossier, m’ont toutes indiqué qu’elles faisaient déjà usage des articles 143 et 145 du code de procédure civile, tout en relevant que ces dispositions gagneraient à être plus souvent mobilisées.
Du point de vue du droit, ensuite, l’article 2 dispose que, sauf dispositions contraires, les actions engagées devant le juge judiciaire sont soumises aux règles du code de procédure civile. A contrario, l’adoption de cet amendement reviendrait à appliquer l’article 143 du code de procédure civile aux actions engagées devant le juge administratif : autrement dit, on introduirait dans la procédure administrative, où il peinerait à trouver sa place, un élément de procédure civile.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à préciser les pouvoirs d’instruction du juge saisi d’une action de groupe en réparation des préjudices.
Cet objectif est satisfait par les dispositions de droit commun.
L’article 849-2 du code de procédure civile dispose d’ores et déjà que l’action de groupe est « formée, instruite et jugée selon les règles applicables à la procédure écrite ordinaire ». Cela signifie qu’actuellement, lorsqu’une action de groupe est intentée, un juge de la mise en état est désigné. Ce juge a le pouvoir d’ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction qu’il juge utile, conformément aux dispositions des articles 789 et 143 du code de procédure civile.
Ces dispositions seront évidemment applicables aux actions de groupe engagées sur le fondement de la nouvelle loi.
Votre amendement étant satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer, monsieur le sénateur ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Salmon, l’amendement n° 41 est-il maintenu ?
M. Daniel Salmon. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 41 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er quinquies, modifié.
(L’article 1er quinquies est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Sophie Primas.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 1er sexies.
Article 1er sexies
À l’exclusion des actions de groupe tendant à la réparation de préjudices résultant de dommages corporels, lorsque le demandeur à l’action le demande et que les éléments produits ainsi que la nature des préjudices le permettent, le juge peut décider la mise en œuvre d’une procédure collective de liquidation des préjudices.
À cette fin, il habilite le demandeur à négocier avec le défendeur l’indemnisation des préjudices subis par chacune des personnes constituant le groupe. Il détermine, dans le même jugement, le montant de ces préjudices ou, à défaut, les éléments permettant leur évaluation, pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini. Il fixe également les délais et les modalités selon lesquels cette négociation et cette évaluation doivent être effectuées, notamment le délai, qui ne peut être inférieur à six mois, à l’expiration duquel, en l’absence d’accord, il statue directement sur les préjudices susceptibles d’être réparés.
Le juge peut également condamner le défendeur au paiement d’une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par le demandeur à l’action.
Mme la présidente. L’amendement n° 55, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
incluant les frais d’assistance afférents à la gestion des demandes d’indemnisation présentées par les membres du groupe, pour la mise en œuvre de la phase de liquidation des préjudices
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi pour commencer de vous dire mon plaisir de vous retrouver.
Cet amendement du Gouvernement est inspiré de l’article L. 623-12 du code de la consommation, qui donne au juge la possibilité, lorsqu’il statue sur la responsabilité, de mettre à la charge du professionnel condamné les frais relatifs à l’assistance à laquelle l’association de défense des consommateurs peut recourir pour le traitement des demandes d’indemnisation des membres du groupe.
Il s’agit de généraliser cette faculté à toutes les actions de groupe et de faciliter la mise en œuvre de ces procédures en réduisant le coût pour le demandeur de la phase de liquidation des préjudices.
En outre, il s’agit de répondre aux exigences de la directive relative aux actions représentatives, qui fait obligation aux États membres de prendre des mesures visant à garantir que les frais de procédure liés aux actions de groupe n’empêchent pas les entités qualifiées d’y recourir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement est nécessaire et tombe à point : avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er sexies, modifié.
(L’article 1er sexies est adopté.)
Article 1er septies
Lorsqu’il statue sur la responsabilité, le juge peut ordonner, lorsqu’il la juge nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le défendeur.
Mme la présidente. L’amendement n° 31, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Sauf décision contraire du juge, le jugement sur la responsabilité est exécutoire à titre provisoire.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2020, de la réforme de la procédure civile, les jugements rendus en matière civile sont exécutoires, à titre provisoire, dès la première instance. C’est une avancée, dans un contexte où, en particulier, la justice civile continue à souffrir d’un manque de moyens qui allonge inévitablement les délais.
Il devrait en être de même pour les actions de groupe, les délais de traitement étant, dans ces procédures, particulièrement longs.
Ainsi, les députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, respectivement membres du groupe Modem et Indépendants et du groupe LR de l’Assemblée nationale, ont proposé, par voie d’amendement, d’instaurer, dans ce domaine, l’exécution à titre provisoire des jugements sur la responsabilité. Leur amendement a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, avant que la disposition ne soit supprimée, lors de l’examen en commission au Sénat, par la majorité sénatoriale. Nous le regrettons, car l’exécution provisoire permettrait aux personnes lésées d’être indemnisées plus rapidement.
Le dispositif adopté par la commission, qui autorise la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le défendeur, n’est en effet qu’un leurre. Certes, l’entreprise mise en cause ne pourrait plus disposer de cet argent destiné à indemniser les victimes, mais ces dernières ne toucheraient pas non plus l’indemnisation. Compte tenu de la longueur des procédures d’action de groupe, voilà qui est inacceptable.
C’est pourquoi nous demandons que le jugement sur la responsabilité soit exécutoire à titre provisoire, comme le prévoit le code de procédure civile.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Salmon, votre amendement tend à restaurer l’exécution à titre provisoire du jugement sur la responsabilité.
Cette disposition nous a paru problématique, dans la mesure où elle n’était pas assortie des dispositions, prévues par le droit en vigueur, en vertu desquelles les mesures de publicité ne peuvent être ordonnées qu’à l’issue des éventuels recours ordinaires et pourvoi en cassation. C’est pourquoi nous l’avons supprimée.
Il est néanmoins juste de rappeler, comme vous le faites dans l’objet de votre amendement, que l’article 514 du code de procédure civile s’appliquerait dans le silence de la loi. C’est précisément la raison pour laquelle nous avons souhaité revenir au droit en vigueur, en prévoyant que les mesures de publicité ne sont applicables qu’à l’extinction des éventuels recours ordinaires et pourvoi en cassation.
En outre, il paraît dommageable de retirer au juge la possibilité d’ordonner la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le défendeur, ce qui serait le cas si cet amendement était adopté.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.