M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. M. le rapporteur sait que j’ai beaucoup d’amitié pour lui ; c’est bien dans cet esprit que je veux lui répondre. Je veux d’abord rappeler que la proposition que le groupe SER défend au travers de cet amendement n’est autre que la position adoptée par le Sénat lui-même.
Ensuite, je veux répondre aux arguments relatifs aux risques qu’aurait le produit d’épargne que nous proposons de créer, par rapport à d’autres. Rappelons que, jusqu’au 31 décembre 2008, les fonds des livrets A étaient centralisés ; leur gestion, depuis le 1er janvier 2009, est ouverte à d’autres acteurs que la Caisse des dépôts et consignations. On s’inquiétait alors d’un risque de cannibalisation posé par cette ouverture, mais cette cannibalisation n’a pas eu lieu ! La création d’autres livrets n’a pas non plus eu cet effet. Je ne crois donc pas que nous encourions de tels risques en créant le livret que nous proposons. En revanche, je le redis, expliquer aux Français qu’ils financeraient ainsi la défense de notre pays aurait une vertu pédagogique.
C’est pourquoi nous maintenons cet amendement. Quant à la main tendue de Mme la ministre, évidemment, nous la saisirons, en participant aux discussions qu’elle a annoncées.
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.
M. Pascal Allizard. Je ne suis pas absolument opposé à la création d’un livret spécifique ; une telle idée était d’ailleurs à l’origine de notre travail sur ce sujet, il y a bientôt deux ans.
Je voudrais en revanche rappeler un élément ; M. Temal m’en saura gré, puisque nous étions ensemble durant la longue nuit de négociations qui a précédé la commission mixte paritaire sur la dernière loi de programmation militaire. Il nous avait alors été demandé, au nom du Gouvernement, de retirer du texte les dispositions créant un livret spécifique, au profit d’un article instaurant un fléchage de fonds du livret A et du LDDS, comme nous le proposons aujourd’hui. Voilà la réalité des faits !
Deux censures successives de ces dispositions s’en sont ensuivies ; on ne va pas réécrire l’histoire, mais on ne peut quand même pas nous dire à chaque fois, soit que ce n’est pas le bon vecteur, soit que ce n’est pas le bon moment ! Cela fait tout de même quatre ans que cela dure… Madame la ministre, moi aussi, je saisis la main que vous nous tendez, car il faut continuer de travailler pour trouver une solution, mais je souhaite y aboutir dès ce soir, par l’adoption de notre proposition de loi ! (Mme Valérie Boyer applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Je veux remercier nos collègues socialistes d’avoir ouvert, par le biais de cet amendement, le vrai débat sur cette proposition de loi, à savoir le débat sur le consentement des Français. En réponse, M. le rapporteur a ouvertement admis qu’en cas de livret spécifique, les Français n’épargneraient pas assez pour financer la BITD. On voit donc bien qu’il nous est proposé dans ce texte d’agir contre leur consentement, en prenant une partie de leur épargne sans leur demander leur avis. En effet, si on le leur demandait, on ne collecterait pas les sommes nécessaires à l’objectif de cette proposition de loi. Aller à l’encontre de la volonté des Français pour trouver une solution, c’est une mauvaise idée.
Nous nous abstiendrons sur cet amendement du groupe socialiste ; nous tenons simplement à rappeler dans le débat qu’il faut arrêter cette piraterie visant l’épargne populaire des Français ! (M. Akli Mellouli applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous ne soutiendrons pas cet amendement, car le livret proposé pourrait avoir un véritable effet d’éviction par rapport aux deux livrets existants. (M. Rachid Temal le conteste.)
On a le droit de le penser, mon cher collègue !
M. Rachid Temal. Là-dessus, je suis d’accord !
M. Pascal Savoldelli. Pour notre part, nous estimons que le logement et la transition écologique doivent être les moteurs des livrets d’épargne existants ; il faut éviter tout effet d’éviction qui leur nuirait, quand bien même ce ne serait pas votre volonté.
Par ailleurs, comme je l’ai dit en commission des finances, quand il est question de notre défense et de notre souveraineté, il faut avoir un projet cohérent. Dans une économie dite « de guerre », il faut assumer de leur affecter des recettes fiscales. C’est cela, faire de la politique ! On ne peut pas le laisser au bon vouloir de tel ou tel de nos concitoyens, au hasard d’une opération sur ses livrets d’épargne, qui se dirait : « Tiens ! Finançons notre industrie d’armement ! » Est-ce vraiment cela, la souveraineté ?
Troisièmement, tout le monde a rappelé que la France est le troisième exportateur d’armes. Dès lors, ce n’est pas simplement notre défense et notre souveraineté que ces produits d’épargne viendraient financer : c’est aussi la production d’armes qui pourraient bien être employées contre nous si nous devions défendre notre nation !
Enfin, je veux répondre, de manière extrêmement tranquille et apaisée, à nos collègues de droite qui nous disent combien le logement est important pour eux, à quel point ils y ont réfléchi. Mes chers collègues, nous proposions de réduire à 5,5 % le taux de TVA sur le logement : vous avez voté contre ! En revanche, vous êtes pour que l’on fasse entrer les logements intermédiaires dans le décompte des logements sociaux au titre de la loi SRU (loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains). J’avoue donc avoir de sérieux doutes sur la sincérité de votre engagement en faveur du maintien du logement au cœur de la vocation du livret A !
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
livret de développement durable et solidaire
par les mots :
livret durable et militaire
II. – Alinéa 8
Remplacer les mots :
livrets de développement durable et solidaire
par les mots :
livrets durables et militaires
III. – Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À l’article L. 221-27, toutes les occurrences des mots : « livret de développement durable et solidaire » sont remplacées par les mots : « livret durable et militaire ».
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Il s’agit d’un amendement de transparence et d’honnêteté : il convient à ces fins de réfléchir à la nomenclature des livrets d’épargne populaire réglementés que l’on veut flécher vers la BITD.
La dénomination du livret A ne pose pas de problème particulier. Simplement dénommé « livret d’épargne » à son origine, il est devenu « livret A » : le fait qu’il soit consacré au financement du logement social ne transparaît pas dans cet intitulé.
En revanche, il est également question dans ce texte de financer l’industrie de défense à partir du LDDS, le livret de développement durable et solidaire. Or j’ai bien relu les 17 objectifs de développement durable, et aucun ne concerne les marchands de canons. J’aimerais donc savoir quel rapport entre eux justifierait que, lorsqu’on met un euro sur un tel livret, cet euro aille financer les start-up des bombardements ! Tout cela nous semble être une arnaque. J’aimerais au moins que les Français puissent savoir que, lorsqu’ils mettent de l’argent sur ce livret, cet argent ira financer cette industrie.
C’est pourquoi nous proposons de donner au LDDS un nouveau nom, qui convient mieux : « livret durable et militaire ». Ainsi, on soulignera ce vers quoi, désormais, ira l’épargne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique de Legge, rapporteur. Mon cher collègue, votre proposition ne correspond pas à la réalité de ce que nous avons écrit. Il serait fâcheux de tromper les Français en changeant le nom du LDDS !
Je rappelle ce que nous avons prévu dans cet article.
D’une part, nous ne touchons pas – vous venez de le reconnaître – au logement social.
D’autre part, l’enveloppe qui nous intéresse au sein de ces livrets est divisée en trois parties : au moins 80 % des encours non centralisés doivent financer les PME, 10 % le développement durable et 5 % l’économie sociale et solidaire.
Tel que nous l’avons rédigé, l’article prévoit que nous assurerons le financement de la BITD en prenant les sommes nécessaires sur la fraction de l’enveloppe destinée aux PME. Cela n’a rien à voir avec ce qui est censé justifier votre amendement, sur lequel la commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je partage complètement l’analyse du rapporteur. Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Monsieur le rapporteur, selon vos explications, seule une partie de l’épargne mobilisée dans le LDDS sert à financer ce pour quoi il a été créé ; le reste finance déjà autre chose et financera, si cette proposition de loi est adoptée, l’industrie de défense. Quand un Français déposera un euro sur ce livret, il financera donc bien cette industrie.
Alors, autant l’indiquer dans le nom de ce livret, pour une meilleure transparence ! Sinon, ce sera une arnaque ; on risque en outre de dévaloriser ce livret aux yeux des Français s’ils commencent à comprendre qu’il ne finance pas uniquement les objectifs qui justifient sa dénomination actuelle.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 10, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mme Gréaume et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° Au financement des petites et moyennes entreprises, dont le siège social ou la majorité des débouchés de production sont en France ou dans un État-membre de l’Union européenne ou dans État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu une convention d’assistance administrative avec la France, notamment pour leur création et leur développement ; »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Les entreprises du secteur de la défense portent en elles, par nature, un enjeu de souveraineté ; elles doivent donc faire l’objet d’un contrôle accru en matière d’investissement, que celui-ci provienne de l’initiative de banques privées – mécanisme que l’on entend encourager par cette proposition de loi – ou d’acteurs étrangers.
Dans le premier cas, nous ne pouvons dépendre des décisions d’investissement, ou de refus d’investissement, prises par les banques privées si nous voulons garantir notre souveraineté dans le secteur de la défense.
Nous proposons donc de réserver les financements issus de l’épargne populaire aux entreprises qui ont leur siège en France ou dans l’Union européenne et dont la majorité des relations commerciales ont pour cadre le territoire européen. Ce serait un gage de souveraineté ; sinon, on risque ce que je nomme la dilution.
Je souhaite aussi attirer l’attention de mes collègues sur le dernier rapport annuel d’activité de la direction générale du Trésor relatif au contrôle des investissements étrangers en France. On y apprend que 23,7 % des investissements autorisés par le ministre de l’économie relèvent de la catégorie des investissements étrangers dans les secteurs de la défense et de la sécurité, ou des activités de recherche et développement liées à ces secteurs ; cette proportion a doublé en un an. Précisons que 131 investissements, représentant des prises de participation de plus de 10 %, ont ainsi reçu l’accord du ministre. Cela n’est pas de nature à garantir notre souveraineté !
Je pose donc les questions suivantes, auxquelles j’aimerais que Mme la ministre puisse nous répondre : combien d’entreprises de la BITD ont un capital essentiellement détenu par des investisseurs étrangers ? Combien d’entreprises de la BITD dépendent, pour une majeure partie de leurs relations commerciales, d’entreprises relevant d’États tiers ?
En défendant cet amendement, nous voulons montrer que notre souveraineté est compromise par la faiblesse et la trop grande rotation de la commande publique.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 5, seconde phrase, au début
Insérer les mots :
À titre expérimental, pour une durée de deux ans,
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Comme je l’ai exposé dans la discussion générale, les motivations de cette proposition de loi sont multiples : elle viserait à renforcer l’industrie de défense, à développer les PME et les start-up du secteur de l’armement, ou encore à aider les entreprises de ce secteur à exporter.
Parmi les arguments en sa faveur, on cite aussi le contexte international et notamment le soutien à l’Ukraine, ce que l’on peut entendre. En effet, si l’Ukraine tombe, c’est l’Europe entière qui sera menacée par le boucher de Russie. Les milliers de soldats ukrainiens et de volontaires internationaux qui se battent sans relâche nous défendent aussi, et pour qu’ils gagnent, il faut les soutenir, avec du matériel, de l’équipement, de l’armement.
Comme nous faisons partie des soutiens à l’Ukraine, de nombreux analystes ont comparé les chiffres opérationnels de cette guerre de haute intensité avec le volume de production d’obus en France : 1 000 par mois avant le début de la guerre, 2 000 aujourd’hui – tout le monde reconnaît que c’est très insuffisant.
Alors si le fléchage de l’épargne prévu dans ce texte a pour but de soutenir l’effort de cette guerre, de nous faire entrer dans une économie de guerre pour la protection de l’Europe, il faut le dire clairement et, surtout, faire figurer dans ce texte une clause de revoyure pour le cas où la situation s’améliorerait.
Il serait donc opportun, à nos yeux, de préciser que le dispositif de cette proposition de loi s’inscrit dans un cadre expérimental, pour une durée de deux ans. Ce rendez-vous permettra au législateur de considérer la situation sur le front ukrainien pour décider s’il y a lieu, ou non, de poursuivre ce dispositif.
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mme Gréaume et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 5, seconde phrase
Remplacer les mots :
est fixée
par les mots :
et la liste des entreprises bénéficiaires sont fixées
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. La définition de la BITD retenue par le ministère des armées regroupe sous cette appellation l’ensemble des entreprises de défense qui contribuent à concevoir et à produire des équipements pour les armées. Quelque 4 000 PME correspondraient à cette définition, dont 1 000 entreprises stratégiques. Cela paraît simple.
Néanmoins, Paul Hérault, docteur en économie aujourd’hui employé par Naval Group, indiquait dans la Revue Défense Nationale que, derrière l’intention des politiques exprimée dans le Livre blanc de la défense, l’identification des acteurs de la base industrielle et technologique de défense reste difficile. En tout état de cause, la rédaction actuelle de la proposition de loi ne permet pas de faire la lumière sur les entreprises susceptibles de bénéficier des financements issus de l’épargne populaire. D’ailleurs, mes chers collègues, avez-vous envisagé ne serait-ce qu’un ratio entre les activités militaires et civiles pour les entreprises duales ?
À mon sens, la disposition que nous proposons dans cet amendement de repli permettrait de ne pas laisser croire que toute la chaîne de valeur, jusqu’aux activités très éloignées des enjeux de souveraineté et de défense, bénéficiera de l’épargne populaire. Si tel était le cas, alors toute l’attention que vous prônez serait amoindrie et détournée.
L’arrêté qui, aux termes de notre amendement, serait pris par le ministre de l’économie constituerait un garde-fou en la matière. En effet, il ne suffit pas de se revendiquer comme un acteur de la BITD pour être réellement une entreprise industrielle de défense. C’est l’un des nombreux griefs que nous formulons envers cette proposition de loi et que nous vous proposons de corriger.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Brault et Chasseing, Mme L. Darcos et MM. V. Louault, A. Marc, Rochette, Verzelen, J.P. Vogel et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 5, seconde phrase
Remplacer les mots :
arrêté du ministre chargé de l’économie
par les mots :
un arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé des armées
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Dans la nouvelle rédaction de l’article 1er, la proportion des encours destinée au financement des entreprises de défense sera déterminée par le ministre chargé de l’économie. S’il paraît évident que Bercy détermine cette part, notamment parce que tout ce qui n’est pas affecté au financement de la BITD bénéficie au reste de l’économie, il nous semble en revanche opportun que le ministère des armées puisse également faire remonter les besoins spécifiques de ce secteur d’activité, notamment au regard de la loi de programmation militaire.
C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement, qui vise à prévoir que la détermination de la fraction affectée aux entreprises de la BITD sera déterminée non par un arrêté du seul ministre chargé de l’économie, mais par un arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé des armées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique de Legge, rapporteur. L’amendement n° 10 tend à supprimer tout fléchage d’une partie des encours non centralisés du livret A et du LDDS vers les entreprises de la BITD.
Ainsi que je l’ai rappelé précédemment, si le fléchage de ces encours vers le financement des entreprises de la défense ne résoudra pas l’ensemble de leurs difficultés de financement, il constitue néanmoins un signal politique clair en faveur de ces entreprises. Nous devons signifier aux acteurs financiers qu’ils doivent apporter leur soutien à ces dernières. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 3, quant à lui, est totalement satisfait par la rédaction que nous avons retenue pour l’article 2, où nous demandons au Gouvernement une évaluation du dispositif de l’article 1er, ce qui me semble répondre à l’objectif des auteurs de cet amendement. La commission en demande donc le retrait ; à défaut, son avis sera défavorable.
L’amendement n° 9 vise pour sa part à demander un listage des entreprises de la BITD. Cela nécessiterait un travail considérable, qui ne serait en outre pas forcément compatible avec la nature de l’activité de ces entreprises, au regard des enjeux attachés à la préservation de notre souveraineté et du secteur de la défense. L’avis de la commission est donc défavorable.
Quant à l’amendement n° 4 rectifié, associer le ministère des armées au dispositif pourrait constituer un signal fort. La commission s’en remet donc à la sagesse de notre assemblée, sachant que Mme la ministre pourra peut-être nous en dire plus sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Sur les amendements nos 10 et 3, pour les raisons que vient d’exposer le rapporteur, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Concernant l’amendement n° 9, outre la réponse précise que vient de faire le rapporteur, je veux dire qu’une définition par le ministre de l’économie des PME et des acteurs de la transition écologique et de l’économie sociale et solidaire éligibles à ces financements est déjà prévue par l’article R. 221-9 du code monétaire et financier. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
En toute logique, notre avis sera également défavorable sur l’amendement n° 4 rectifié, puisque l’épargne réglementée relève du domaine de compétences du ministre chargé de l’économie, qui exerce la tutelle du fonds d’épargne géré pour le compte de l’État par la Caisse des dépôts et consignations, qui centralise une partie de l’encours de ces dépôts.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. La demande que nous formulons dans l’amendement n° 10 – un amendement de repli – devrait être mieux entendue, puisqu’il est question de notre souveraineté. Nous y demandons que l’accès aux encours non centralisés soit réservé aux entreprises qui auraient leur siège social, ou la majorité de leurs ventes, en France ou dans l’Union européenne. Je pensais que l’on pouvait se rassembler autour de cette idée !
Tout de même, la loi de programmation militaire prévoit 413 milliards d’euros sur sept ans, dont 268 milliards d’euros d’équipement. Le problème, pour nos industries, c’est la faiblesse des carnets de commandes. Or qui va ramasser la majeure partie de ces sommes, sinon les investisseurs privés ? Ils le feront directement ou indirectement, par sous-traitance.
Au-delà du débat que nous avons sur les éléments de souveraineté, on dit que l’on défend notre industrie d’armement, mais on défend surtout des intérêts privés, étrangers ; ce sont eux qui vont bénéficier des décisions que l’on va prendre. Il faut que chacun prenne ses responsabilités !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié.
(L’amendement est adopté.) – (Bravo ! sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mme Gréaume et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au 1° du présent article, le financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense est subordonné à l’épuisement d’une procédure de médiation engagée auprès du médiateur national du crédit. » ;
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Je dois dire que les arguments invoqués par l’auteur et le rapporteur de cette proposition de loi n’ont pas été de nature à me convaincre. Permettez-moi de citer un passage du rapport : « Ainsi que l’ont rappelé l’ensemble des acteurs entendus par le rapporteur, les entreprises de l’industrie de défense française se heurtent tout d’abord aux mêmes difficultés de financement bancaire que celles rencontrées par l’ensemble des entreprises françaises. Leurs marges sont faibles, et leurs investissements aussi, tout comme leur pouvoir de marché. Pour autant, les banques françaises figurent parmi les plus actives au niveau mondial dans le domaine de la défense. »
Je résume : les entreprises du secteur de la défense ne connaissent pas de problématiques spécifiques et les banques françaises financent, plus qu’ailleurs, la défense. Mme la ministre l’a d’ailleurs également fait remarquer dans la discussion générale.
Plus loin, le rapport nous apprend que « les quelques cas de refus de crédit bancaire opposé à des entreprises de l’industrie de défense française ne trouvaient pas principalement leur origine dans leur secteur d’activité, mais dans leur situation financière. Par ailleurs, si le secteur de la défense n’apparaît pas en tant que tel dans les statistiques sectorielles de la Banque de France et de la médiation du crédit, il convient de relever qu’aucun d’entre eux n’a relevé de biais en défaveur des industries de ce secteur. » Les arguments invoqués pour justifier de difficultés de financement des PME du secteur de la défense ne sont donc pas viables.
Par cet amendement, nous entendons donc tirer les leçons de ce constat, en proposant de conditionner l’octroi de fonds issus des encours non centralisés du livret A et du LDDS à la sollicitation, par les entreprises concernées, d’une médiation de crédit. Si cette médiation n’aboutissait pas, ce qui est le cas seulement quatre fois sur dix, alors l’épargne des Français pourrait financer, en dernier recours, si je puis dire, les entreprises industrielles de défense.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique de Legge, rapporteur. Vous citez abondamment mon rapport, ma chère collègue ; je vous en remercie et confirme tout ce que j’ai pu y écrire. Toutefois, vous n’en avez pas cité l’intégralité, sans doute parce que le temps qui vous était imparti vous en empêchait… (Sourires.)
Je voudrais donc bien préciser que j’y insistais sur le fait qu’une difficulté se posait tout de même en matière de fonds propres. J’ai indiqué, en toute honnêteté, que, si des refus de financement pouvaient être liés à la situation financière de l’entreprise, il n’en demeurait pas moins que certaines difficultés étaient liées à la nature même de l’activité de l’entreprise. C’est bien à ces difficultés-là que nous entendons remédier au travers de cette proposition de loi.
Dans cet amendement, vous proposez que l’on demande aux banques d’établir des certificats de non-financement, mesure qui, me semble-t-il, serait assez compliquée à mettre en place.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Pour les raisons que vient d’exposer M. le rapporteur, je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Si des procédures de médiation ont été mises en place pour répondre au problème des refus de crédit, elles doivent servir à quelque chose ! En l’occurrence, elles ont ici toute leur place.