M. Bruno Retailleau. Bien sûr !
M. Roger Karoutchi. D’une part, la culture collective n’est plus mise en avant par rapport au destin autocentré et à l’individualisme. Cela nous coûte extrêmement cher, parce que les élus sont de plus en plus soumis à des pressions de la part de concitoyens qui, au-delà de l’avenir de leur commune, ne voient souvent que leur avenir personnel, en refusant l’engagement collectif et le partage. Les élus subissent ces très fortes pressions.
D’autre part, madame la ministre – et la responsabilité n’en incombe pas particulièrement à votre gouvernement –, vous devez savoir ce que vous voulez. Que voulez-vous ?
Si vous interrogez les élus, bien sûr qu’ils vous parleront de leurs difficultés économiques ou de leurs problèmes de réinsertion professionnelle. Les étudiants vous diront qu’ils étudient et n’ont pas les moyens.
Voyez surtout le découragement, quand l’État ne restaure pas la confiance envers les collectivités ou qu’il prend d’une main ce qu’il donne théoriquement d’une autre. Les élus n’ont pas un sentiment d’inutilité – lors de la crise covid, ils étaient là, comme ils sont toujours là en cas de crise lourde ou de drame local –, mais ils ont le sentiment d’être là, tous seuls face aux citoyens, et pas toujours avec le soutien des pouvoirs publics.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Souvent, ils se disent : « Nous, nous faisons ce que nous pouvons, mais, en réalité, nous sommes bien seuls… »
Au-delà du niveau de rémunération, c’est la solitude qui leur pèse, c’est le fait de se dire qu’ils se battent tous les jours, sans compter, et pour être reconnus par qui ? Peut-être par les citoyens, par les électeurs, s’ils les réélisent aux prochaines élections – avec tout ce que cela charrie d’incertitudes.
Quand les élus se tournent vers l’État, en demandant de l’aide, des moyens, après avoir fait au mieux, ils s’entendent répondre : « L’État fait des efforts budgétaires, à vous d’en faire autant ! » Sauf qu’ils n’ont carrément plus rien. Quand ils demandent des ressources fiscales, ils se voient opposer un refus. L’autonomie financière ? C’est du passé, de la nostalgie ; c’est dans les films ! (Exclamations amusées au banc des commissions.)
Tout cela pour quel résultat ?
Madame Gatel, ce texte est une bonne chose, nous le voterons avec force, car il modifie le statut de l’élu – un statut qui est presque existentiel et économique –, mais certainement pas le respect que l’élu local attend, le respect qu’il attend de l’autorité de l’État (Mme la ministre déléguée acquiesce.), le respect qu’il attend du fait qu’il fait tout ce qu’il peut, qu’il est le dernier maillon de la démocratie, le maillon le plus immédiat, « à portée de claques », comme dirait le président du Sénat, le respect qu’il attend du fait qu’il est celui qui finalement fait vivre la démocratie, dans un pays qui n’y croit plus beaucoup – non, plus beaucoup…
Madame la ministre, nous allons voter ce texte. Vous vous êtes engagée à défendre ce texte à l’Assemblée nationale et au cours de la navette parlementaire. En réalité, nous attendons des pouvoirs publics et de l’État le respect des élus locaux, le respect des collectivités, le respect de l’engagement et le respect de cette réalité : sans ces élus locaux, il n’y a plus beaucoup de démocratie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis de trop nombreuses années, les maires et les élus locaux sont confrontés à des défis cruciaux. Colonne vertébrale de la démocratie, symbole de notre identité républicaine, ces milliers de femmes et d’hommes, élus des plus petites de nos communes aux plus grandes de nos collectivités, participent, plus que jamais, à la promesse de l’égalité républicaine et de fraternité.
Pourtant, si nos louanges ne manquent pas pour nos élus locaux, leur engagement demeure peu récompensé par la Nation. Il appartient ainsi à la chambre haute de répondre non plus aux défis, mais bien à l’urgence.
On observe, scrutin après scrutin, une désaffection profonde pour la charge d’élu local. Depuis 2020, ce sont des milliers d’élus, maires, adjoints ou conseillers municipaux, qui ont abandonné un mandat devenu trop lourd à porter. Les tracasseries administratives et l’impossibilité de concilier vertueusement la vie professionnelle ou la vie familiale avec la qualité d’élu dissuadent bien souvent nos concitoyens de s’engager au service de nos compatriotes.
Et je n’oublie pas la violence endémique à leur encontre, trop souvent à portée d’engueulade ou de claque, voire pire ! Il y a peu, dans la belle ville de Denain où je suis élu, la maire a été menacée d’être enterrée vivante dans le terrain occupé illégalement par des gens du voyage.
Renforcer le statut de l’élu local, c’est aussi donner aux élus le pouvoir de lutter contre les squatteurs, les occupations illégales de terrains et sur tant d’autres sujets. Il s’agit simplement de les remettre au centre de la décision.
D’abord, nombre de nos élus, particulièrement les maires de nos villages, souffrent d’un manque de reconnaissance financière de la part de l’État. Agents d’état civil et élus locaux, les maires des plus petites communes ne bénéficient ni de l’armature administrative dont jouissent les grandes collectivités ni des indemnités induites. Face à la crise inflationniste et à la crise des vocations, il appartient au Sénat de revaloriser puissamment les indemnités offertes aux maires et à leurs adjoints, aux conseillers municipaux délégués, particulièrement dans les plus petites communes.
Par ailleurs, si, pour nombre de personnes, la politique est un métier, l’engagement des élus locaux est devenu un sacerdoce, qui ne doit pas faire obstacle à la poursuite d’une vie professionnelle ou au maintien d’une vie de famille. Avec ses 500 000 élus locaux, la France témoigne d’une démocratie locale vibrante : l’écrasante majorité d’entre eux continuent à être salariés, fonctionnaires, indépendants, en tout cas à ne pas vivre directement de leurs mandats.
Pourtant, de la difficile valorisation universitaire des compétences acquises lors d’un mandat local aux discriminations, toujours silencieuses, bloquant le recrutement d’un élu local au sein d’une entreprise privée, les barrières ne manquent pas. Les sénateurs du Rassemblement national sont particulièrement attachés à cette question et voteront toutes les mesures de bon sens permettant d’articuler efficacement l’exercice d’un mandat local et le retour à une activité professionnelle.
L’État doit également davantage soutenir, en prévoyant des compensations, les élus locaux chargés de famille ou tenant le rôle d’aidants, particulièrement dans les plus petites communes.
Le texte que nous avons à examiner promeut sans doute de belles intentions et semble répondre à de nombreuses urgences dégradant les conditions de vie et d’exercice du mandat des élus locaux. Néanmoins, nous demeurerons vigilants et actifs au cours des débats pour améliorer sans cesse la situation de nos élus, garants de la bonne santé de notre République.
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Cédric Chevalier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parce que ceux qui composent le ciment de notre vivre-ensemble sont découragés, parce que les derniers remparts de la République que sont les maires commencent à se fissurer, parce que des femmes et des hommes qui se sont engagés pour le bien commun et l’intérêt général ont aujourd’hui du mal à trouver la motivation de continuer à œuvrer et se sentent parfois bien isolés, la démocratie est en danger !
Les chiffres sont parlants. Depuis le dernier renouvellement des conseils municipaux, près de 1 500 maires ont démissionné, ce qui représente plus de 4 % des maires élus en 2020. En moyenne, un maire démissionne chaque jour de son mandat. Au-delà, ce sont au total 12 648 élus locaux qui ont jeté l’éponge.
On peut évidemment mettre leur exaspération ou leur abattement sur le compte de l’empilement de normes fastidieuses et chronophages, sur des responsabilités de plus en plus accablantes ou bien encore sur l’impatience toujours plus forte et intrusive des citoyens, voire sur l’augmentation des violences à leur égard. Cela ne suffit pas !
Mes chers collègues, si les conditions actuelles d’exercice des élus locaux s’appliquaient à l’ensemble des salariés de notre pays, cela provoquerait sans nul doute un grand mouvement de protestation et de contestation sociale.
Aussi, le texte que nous examinons aujourd’hui arrive à point nommé, trois ans avant les prochaines échéances municipales. Ces trois années devraient permettre de mettre en œuvre les dispositions prévues et d’en mesurer les premiers résultats dès le renouvellement de 2026.
Je n’entrerai pas dans le détail des mesures proposées. Je veux surtout me féliciter que cette proposition de loi offre une vision globale en abordant l’avant-mandat, le mandat lui-même et l’après-mandat.
Elle met en place un certain nombre d’outils et de garanties pour soutenir les élus en place, tout en donnant envie à nos citoyens de s’engager à leur tour. Surtout, elle s’adapte aux réalités du terrain et tient compte de l’évolution de la société et des nouveaux profils susceptibles de vouloir prendre une responsabilité.
Reconnaître l’engagement, donner des garanties, accompagner davantage, mieux former, améliorer les conditions matérielles, aider à concilier le mandat avec la vie professionnelle et la vie privée : autant de mesures concrètes et efficaces qui constituent un signal fort envoyé à ces femmes et à ces hommes, qui sont les animateurs de nos territoires et les défenseurs de la République.
Même si elle ne règle pas tout et que nombre de points restent encore à traiter – simplification administrative, santé, cumul des mandats –, cette proposition de loi s’inscrit dans une philosophie d’amélioration de l’exercice quotidien du mandat. Le cœur du sujet est bien la promotion de l’engagement public au sens noble du terme et le bien-être des élus locaux.
Madame la ministre, au-delà de cette proposition de loi, il y a également besoin d’un engagement plus fort de l’État dans la reconnaissance de ces acteurs essentiels à la démocratie locale. Je pense à la prise en charge des indemnisations, à l’autonomie financière, aux rapports entre l’administration et les élus. La démocratie a un coût, l’auteur de ce texte l’a rappelé.
Le Gouvernement doit prendre toute sa part dans le travail que nous menons aujourd’hui. Ne plus décider sans concerter, stopper les désengagements des services publics sur le terrain, arrêter de transférer sans compenser financièrement : « Paroles, paroles, paroles… » Même si c’est une belle chanson de Dalida, les élus locaux méritent mieux ! (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
Vous l’aurez compris : le groupe Les Indépendants, dont tous les membres ont cosigné cette proposition de loi, soutient avec force ce texte d’une telle importance pour nos élus locaux et se félicite de son examen.
En guise de conclusion, je souhaite remercier l’auteur de ce texte, Mme Françoise Gatel, les rapporteurs de la commission des lois, ainsi que l’ensemble des collègues ayant travaillé à ces problématiques, plus particulièrement les membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Pour tous ceux qui ont œuvré hier, qui œuvrent aujourd’hui et qui œuvreront demain, merci ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous le savez tous, le maire incarne la République du quotidien. Chaque maire exerce ses missions au service de l’intérêt de ses administrés.
Certes, il a les qualités d’officier d’état civil et d’officier de police judiciaire, mais il tire surtout sa légitimité du scrutin universel direct, lui-même issu des legs de la Révolution française. Oui, il est souvent utile de puiser dans notre passé pour mieux penser notre avenir !
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
M. Jean-Michel Arnaud. Permettez-moi donc de rappeler l’article 4 du décret du 14 décembre 1789, lequel prévoit que « le chef de tout corps municipal portera le nom de maire », ainsi que son article 5, selon lequel « tous les citoyens actifs de chaque ville, bourg, paroisse ou communauté pourront concourir à l’élection du corps municipal ».
Cet héritage révolutionnaire, modelé au fil des régimes, semble malheureusement éloigné du ressenti actuel d’une majorité d’élus locaux. Comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, je vais régulièrement à la rencontre des élus municipaux. J’étais vendredi dernier dans la vallée du Valgaudemar dans les Hautes-Alpes : tous les témoignages reflètent des conditions de mandat dégradées, voire perçues comme dégradantes ; les menaces de renoncement mettent en danger l’avenir de nos communes, notamment rurales. Les maires sont confrontés à une exigence croissante des citoyens. Le recours à la violence, verbale ou physique, est plus fréquent.
Plusieurs élus de mon département en ont malheureusement été victimes. Je pense aux maires de Briançon et de Trescléoux, dont les véhicules ont été incendiés.
Parallèlement, les modalités d’exercice du mandat se complexifient au regard de l’inflation normative et de la difficile conjugaison de la vie politique et de la vie privée. Dans certains cas, la fonction d’élu local peut même relever de la contrainte. Il me vient en tête le cas de deux maires, ceux de Névache et Puy-Sanières, qui cogèrent une librairie dans la commune de Névache. Bien que leur activité professionnelle soit distincte de leur mandat, ces deux élues ne peuvent bénéficier d’aucune aide publique. Les dossiers de subvention nécessitant généralement une délibération municipale, les deux maires encourent le risque d’endosser une posture politique délicate vis-à-vis de l’opinion publique, le moindre soupçon de conflit d’intérêts se révélant destructeur pour toute personnalité publique.
Être élu local, c’est aussi être le réceptacle universel de toutes les revendications, dès lors que l’État territorial se désengage. En pratique, le maire se retrouve bien souvent le seul délégué de tous les services publics, la personne responsable de toute l’action publique. Voilà la réalité d’un grand nombre d’élus ruraux, confrontés seuls aux maux de la société. Le « réarmement des territoires », que le Gouvernement appelle de ses vœux, doit se concrétiser dans les faits. L’État territorial n’est un pas concept théorique : il doit se traduire sur le terrain par un renforcement des moyens humains et financiers.
Mes chers collègues, vous connaissez tous, dans cet hémicycle, le duo dynamique et structurant que forment le préfet de département et le maire. Il est tout aussi essentiel qu’efficace, je l’ai encore constaté en fin d’année dernière, lorsque mon département a été touché par des aléas climatiques de grande ampleur. Il ne faut donc pas fragiliser l’empreinte de l’État dans les territoires, au risque de faire face à un délitement des missions régaliennes de ce dernier.
Les conditions d’exercice du mandat, que je viens de présenter, appellent une réaction du législateur, en vue d’un véritable statut de l’élu local. Alors que le Président de la République s’est engagé, dès 2017, à présenter un projet de loi de décentralisation, le grand bouleversement annoncé a accouché d’une souris, simple catalogue de mesures techniques, baptisé loi 3DS et axé sur la déconcentration plus que sur la décentralisation ou la différenciation.
Si le Gouvernement a cédé aux sirènes de l’immobilisme et, peut-être, aux nombreux prophètes de la centralisation, le Sénat, lui, agit. Ainsi, la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, déposée par M. François-Noël Buffet, a été adoptée le 10 octobre dernier.
La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a fréquemment conduit des travaux sur la question du statut d’élu. À cet égard, permettez-moi de citer le rapport d’information Faciliter l’exercice du mandat local, déposé le 14 décembre dernier, dont l’un des rapporteurs était notre collègue Pascal Martin.
Dans la continuité de cette dynamique, la Haute Assemblée examine aujourd’hui la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local. J’en profite pour saluer les trois rapporteurs, Jacqueline Eustache-Brinio, Éric Kerrouche, ainsi que, bien sûr, l’incontournable présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Françoise Gatel, et les remercier de la qualité du travail accompli.
Le texte se fixe plusieurs objectifs, qui sont attendus dans nos territoires.
Pour commencer, l’attractivité de la fonction dépend de l’amélioration du régime indemnitaire. S’engager pour sa collectivité relève avant tout d’un contrat moral noué avec les électeurs. Ce n’est pas pour autant que nos élus doivent forcément être bénévoles ou bénéficier d’une indemnité de fonction s’apparentant à une indemnité de subsistance. Endosser des responsabilités politiques n’exonère pas des aléas de la vie professionnelle et personnelle. Ce texte formule des propositions en ce sens.
Le titre II facilite l’engagement des élus locaux et améliore les conditions du mandat. Tout citoyen doit pouvoir s’engager au service du bien commun, quelle que soit sa condition. Je salue la création d’un statut de l’élu étudiant ou encore la possibilité pour les collectivités de compléter les indemnités journalières versées par la sécurité sociale à l’occasion d’un congé de maternité.
Par ailleurs, il est opportun que la commission des lois ait adopté l’amendement que j’ai déposé visant, pour éviter une confusion des rôles, à supprimer le dispositif prévoyant l’organisation de formations pour les élus locaux par le CNFPT, le Centre national de la fonction publique territoriale. Je me demande encore comment une telle mesure a pu être envisagée !
Je regrette également que cette proposition de loi n’aborde pas la situation des élus représentant les Français de l’étranger, toujours absents de nos débats ! (Mme Olivia Richard applaudit.)
Quant à la dernière partie du texte, elle vise à sécuriser la sortie de mandat des élus locaux, en les accompagnant jusqu’à l’expiration de leur mandat et, au-delà, jusqu’à leur retraite. Il est en effet proposé de valoriser leur retraite par la prise en compte d’un trimestre de cotisations par mandat, mesure plafonnée à une durée maximale de huit mandats.
Sans l’ensemble de ces mesures, je peux vous annoncer, sans risque de me tromper, que les élections municipales de 2026 seront celles du désengagement, ce qui aboutira à de nombreuses listes incomplètes, notamment dans les communes les plus rurales.
Notre mission est de lutter contre le malaise ressenti par les élus locaux et la hausse des violences commises à leur encontre. Il convient de mieux les accompagner dans l’exercice de leur mandat. Il est également nécessaire de contrer le désengagement de l’État dans les territoires et de mettre un terme à la crise des vocations.
Madame la ministre, 309 sénateurs sur 348 sénateurs ont cosigné ce texte. C’est dire la puissance de cette proposition de loi, qui se fait l’écho des attentes formulées sur le terrain. Le Gouvernement doit entendre la force des territoires.
Ce texte n’est pas, comme vous l’avez indiqué, une « première brique ». C’est une maison commune à rebâtir, avec un maire reconnu et bénéficiant de la confiance de ses concitoyens, ce qui le plus souvent n’est pas le cas, hélas ! des élus nationaux.
Pour rester crédibles dans notre soutien aux maires et aux élus locaux de France, allons jusqu’au bout ! Faisons en sorte que le texte que nous examinons aujourd’hui bénéficie d’un examen rapide par l’Assemblée nationale, afin que nous puissions, dans le cadre d’une commission mixte paritaire fructueuse, trouver enfin des réponses concrètes à la situation des élus, fatigués d’exercer leurs missions dans des conditions dégradées.
Vous l’avez compris, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste soutient avec force ce texte, qui répond aux attentes des élus locaux. C’est une urgence. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous, c’est un engagement personnel et citoyen qui m’a amené à être élu municipal, puis élu des élus au sein de la chambre des territoires.
Notre pays est, à juste titre, souvent considéré comme très engagé et très politique. Pourtant, la crise de l’engagement citoyen et politique montre qu’il existe de trop nombreux freins à l’engagement.
Le groupe GEST l’a exprimé dès la remise des travaux du groupe de travail du président Gérard Larcher sur la décentralisation : « Notre groupe soutient l’action des élus locaux et s’associe à l’ensemble des propositions qui pourraient leur permettre une plus grande protection, un meilleur accompagnement dans leur engagement. Souvent non indemnisée, la conciliation avec leur vie professionnelle et personnelle peut être un frein à leur implication en termes de temps consacré à leurs territoires. Nous nous associons à la demande d’un véritable statut de l’élu plus protecteur et du développement des moyens concrets d’accompagnement pour améliorer la parité et la diversité des profils – jeunes, femmes, parents, actifs. »
Le texte que nous étudions aujourd’hui, issu de concertations et des travaux rigoureux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont je salue la persévérance sur le sujet, va plus loin et rejoint une demande de longue date des écologistes : celle d’un statut de l’élu longtemps promis.
Nous savons que ce texte, aussi indispensable soit-il, ne sera pas suffisant pour sortir de cette crise démocratique. Vous le savez, mes chers collègues, le groupe GEST plaide et œuvre pour un développement plus large d’une vie citoyenne locale, qui est au cœur du projet des écologistes.
Ce texte formule des propositions fortes et il a été amélioré par les travaux de la commission des lois. Si nous avons peu de choses à redire sur ce qu’il contient, nous regrettons fortement ce qu’il ne contient pas, ce qui manque pour donner jour à un statut complet, efficace et incitatif à l’engagement citoyen individuel au service du collectif.
Je pense d’abord à la profonde réforme du régime indemnitaire prévu par le texte, mais sur lequel notre marge, ne serait-ce que de discussion, est plus que limitée.
La réforme concernant tous les élus, qui ne serait pas fondée presque exclusivement sur un critère démographique et qui maintiendrait l’égalité entre les territoires, reste à faire.
Le Gouvernement a failli, madame la ministre ! Pourquoi refuser de prendre les devants au travers d’un projet de loi dûment financé et accompagné d’un avis du Conseil d’État ?
Nous avons essayé de lancer des ébauches de solutions par nos amendements. Toutefois, limités par les contraintes financières de l’article 40 de la Constitution, nous disons au Gouvernement et à l’État qu’ils doivent prendre leurs responsabilités dès demain, afin d’accompagner ce texte.
Comment aborder la problématique de la formation, lorsque les seules marges dont nous disposons reviennent à supprimer des formations ? Comment véritablement appuyer l’idée, le contenu et la chronologie des formations à mettre à disposition, si tout est jugé potentiellement aggravateur de charges ?
Pourtant, nous pensons indispensable d’améliorer les possibilités de formation pour tous les élus, en particulier pour les primo-élus.
Pour rendre possible la conciliation de la vie professionnelle et de la vie d’élu, outre l’amélioration du régime indemnitaire pour tous, il est important d’améliorer les conditions permettant aux élus de s’absenter pour remplir leurs fonctions. La prise en compte de ces absences dans tous les calculs relatifs à la retraite ou au chômage doit être assurée, sans que cela pénalise leur engagement. Le texte et les amendements adoptés en commission y contribuent. Notre groupe a également déposé des amendements en ce sens.
Pour que la vie familiale ne soit pas non plus mise à mal, ce que la maire écologiste de Poitiers a mis en exergue dans une tribune aux élus, nos amendements ont été pris en compte par les rapporteurs de la commission. Nous désirions pousser plus avant, en proposant d’autres amendements. Ces derniers ont malheureusement été déclarés irrecevables.
Il en va de même pour les problématiques liées à Paris, Lyon ou Marseille, à propos desquelles toute discussion sur les droits et prérogatives des conseillers d’arrondissement ou de secteur est bloquée pour des raisons de recevabilité financière.
En outre, notre groupe reste sur sa faim s’agissant de l’accompagnement des personnes qui souhaiteraient s’engager un temps au sein de leur collectivité.
La différence est bien trop flagrante entre l’implication des personnes retraitées, des fonctionnaires et des salariés du privé, d’une part, et celle des artisans, des commerçants et des paysans indépendants, d’autre part.
Au-delà de la conciliation avec la vie familiale et du temps nécessaire pour exercer de manière correcte leurs fonctions, nombreux sont les salariés du privé ou les travailleurs indépendants à ne pas s’engager du fait des difficultés à gérer les allers-retours entre vie professionnelle et vie d’élus.
Un point sensible, que nous aborderons tout à l’heure dans le cadre de la discussion des amendements, est celui des prises illégales d’intérêts. Regrettant les termes de l’article 18, nous proposerons d’en supprimer une phrase imprécise sur l’intérêt public, sans réelle signification juridique.
En conclusion, nous voterons ce texte, car il construit les fondations d’un véritable statut de l’élu, grâce aux améliorations introduites par les rapporteurs de la commission. Nous le ferons avec encore plus d’enthousiasme si notre assemblée vote une grande partie des amendements déposés par notre groupe, …
Mme Françoise Gatel. Chantage ! (Sourires.)
M. Guy Benarroche. … qui ont vocation à consolider fortement ces fondations, afin d’ériger, avec le Gouvernement, seul apte à financer confortablement les mesures indispensables, un statut de l’élu favorisant l’engagement de toutes et de tous pour le bien commun, donc pour la politique telle que nous, écologistes, la concevons. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après trois décennies à légiférer sur les conditions d’exercice des mandats locaux, nous avons aujourd’hui l’opportunité de créer un véritable statut pour les élus locaux, qui répond à une exigence démocratique : tout citoyen doit pouvoir être candidat à une élection politique, quelles que soient ses origines sociales et son activité professionnelle.
À l’heure actuelle, l’absence d’un statut de l’élu sécurisant rend extrêmement difficile la conciliation entre vie de famille, vie professionnelle et fonction d’élu local, particulièrement pour les femmes et les jeunes.
Face à la hausse des démissions et à la recrudescence des actes de violence envers nos élus, il nous paraît impératif d’agir par voie législative pour les protéger et enrayer cette dynamique de violence, qui renforce le désintérêt pour cette fonction et sa perte d’attractivité.
« Ce qui fait la valeur de l’élu, c’est qu’il est au point d’intersection de l’organisation et du suffrage universel », déclarait Jean Jaurès en 1905. Aujourd’hui, les élus méritent que leur engagement soit reconnu à leur juste valeur.
C’est dans ce contexte que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a lancé trois missions d’information sur le statut de l’élu local au mois de novembre dernier.
Désireux de mettre à jour ce véritable impensé de la vie politique locale que représente la fin de mandat, j’ai travaillé, avec mes collègues Agnès Canayer et Gérard Lahellec, à l’élaboration du rapport d’information intitulé Comment être après avoir été ? Les enjeux de la fin de mandat d’un élu local. L’étape de sortie de mandat, souvent oubliée, mais jamais anodine dans la vie d’un élu, doit pouvoir se dérouler de la meilleure manière possible. Mes chers collègues, l’après-mandat de nos élus locaux constitue un angle mort de notre droit.
Je me réjouis donc d’avoir pu contribuer, au Sénat, à la rédaction d’une proposition de loi transpartisane portant création d’un statut de l’élu local. Ses dispositions s’ajouteraient à celles qui ont enrichi notre législation ces trente dernières années et qui confèrent aux élus locaux un ensemble de droits, ainsi que des devoirs et des garanties, destinés à leur permettre d’exercer leurs fonctions électives.
La fin de mandat est par ailleurs liée à une multitude d’enjeux, quelle que soit la nature du mandat – municipal, intercommunal, départemental ou régional – et quelles que soient les situations personnelles. L’horizon se dessine autour de grandes lignes de perspective que sont la perte de ressources en fin de mandat, le régime de retraite, le devenir des compétences et des connaissances acquises et la réinsertion professionnelle.
La proposition de loi dont nous entamons l’examen prévoit un certain nombre de dispositions visant à répondre à ces différents enjeux.
Les élus locaux acquièrent de nombreuses compétences et connaissances, qui doivent impérativement être valorisées, pour les aider dans leur retour vers l’emploi à l’issue de leur mandat.
Pour ce faire, l’article 25 du texte encourage et renforce le recours à l’accompagnement dans le processus de validation des acquis de l’expérience. C’est une demande forte des élus locaux, qui remonte régulièrement du terrain.
Je me félicite également des propositions formulées dans ce texte relatives au renforcement du régime de l’allocation différentielle de fin de mandat, l’ADFM.
Toutefois, il paraît souhaitable d’aller plus loin. C’est pourquoi je défendrai, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, deux amendements, l’un d’eux portant sur l’information systématique par le préfet des élus, afin d’améliorer le recours à cette allocation, trop peu connue.
Enfin, concernant le régime des retraites prévu à l’article 3, il permettra d’octroyer une bonification d’un trimestre, par mandat complet, au titre de l’assurance retraite, ce qui représente une avancée certaine.
Ce texte constitue une première étape, mais nous ne pouvons nous en satisfaire pleinement. Il aurait fallu aller plus loin, à l’instar de la proposition de loi de mes collègues Éric Kerrouche et Didier Marie visant à démocratiser les fonctions électives et renforcer la protection des élus locaux.
En conséquence, nous accueillons favorablement cette proposition de loi, dont le groupe socialiste est aussi l’artisan et qui, à n’en pas douter, facilitera la vie de nos élus. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)