M. le président. L’amendement n° 5 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Somon et Sol, Mme Demas, M. Tabarot, Mme Garnier, M. Genet, Mme Pluchet, M. Brisson, Mme Aeschlimann, MM. Bacci, Bazin et Belin, Mme Belrhiti, MM. J.B. Blanc, Bruyen et Burgoa, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes Dumont, Evren, Gosselin, Imbert et Josende, M. Laménie, Mme Lopez, M. Milon, Mme Noël, MM. Pellevat, Rapin, Reynaud, Saury, Savin et Sido, Mmes Valente Le Hir et Billon, MM. Courtial et Folliot, Mme Jacquemet, M. Laugier et Mme Romagny, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article 502 est complété par une phrase ainsi rédigée : « En l’absence d’appel sur l’action civile, la partie civile est avisée par le parquet de la déclaration d’appel portant sur l’action publique. » ;
2° L’article 512 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Même en l’absence d’appel sur les intérêts civils, la partie civile est avisée par le parquet de la date de l’audience. Lorsque la partie civile ne comprend pas la langue française, elle a droit, à sa demande, à une traduction de l’avis d’audience. À titre exceptionnel, il peut en être effectué une traduction orale ou un résumé oral. » ;
3° Le dernier alinéa de l’article 513 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La partie civile peut demander à prendre la parole même en l’absence d’appel sur les intérêts civils. »
La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Prévention, répression et accompagnement : voilà les maîtres mots qui doivent guider nos débats de ce soir. J’évoquerai la prévention dans quelques instants et nous aurons certainement de nombreux échanges sur la répression au cours de cette séance, mais l’accompagnement ne peut et ne doit pas être le parent pauvre de ce texte, parce qu’accompagner les parties civiles, c’est les aider à reprendre confiance en la justice ; c’est aussi rendre toutes ses lettres de noblesse à l’institution judiciaire.
Je défends donc un amendement de bon sens, une mesure très attendue par les familles des victimes. Nous proposons que, en l’absence d’appel sur l’action civile, la partie civile soit avisée par le parquet de la déclaration d’appel portant sur l’action publique. Les victimes ou leurs proches pourront ainsi demander à prendre la parole, même en l’absence d’appel sur les intérêts civils.
Accompagner les parties civiles, c’est leur offrir de la transparence, mais aussi l’occasion de s’exprimer, pour mieux faire leur deuil.
Cet amendement tend donc à imposer que les parties civiles soient informées de la date d’audience, notamment celle de l’appel.
M. le président. Les amendements nos 21 rectifié et 22 rectifié ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 6 rectifié bis ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Je comprends tout à fait la motivation qui sous-tend cet amendement, ma chère collègue. En conséquence, je m’en remets à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je comprends, moi aussi, cet amendement. Vous souhaitez, madame la sénatrice, que les parties civiles soient informées : c’est bien la moindre des choses ! Toutefois, les dispositions des articles 512 et 391 du code de procédure pénale, prises ensemble, imposent au parquet d’aviser toute personne ayant porté plainte de la date de l’audience.
Votre amendement étant ainsi satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Szpiner, rapporteur. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce que vient de dire le garde des sceaux. L’avis d’audience est communiqué aux parties. Or, lorsqu’il n’y a pas appel sur les intérêts civils, les parties civiles ne sont plus parties en cause d’appel. (M. le garde des sceaux s’exclame.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
M. Francis Szpiner, rapporteur. Dès lors, il est essentiel d’informer la partie civile de la déclaration d’appel portant sur l’action publique. Certes, elle n’est plus partie au procès, mais elle a sans doute intérêt à savoir où en est la procédure.
Voilà pourquoi j’ai émis un avis de sagesse.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Somon et Sol, Mme Demas, M. Tabarot, Mme Garnier, M. Genet, Mme Pluchet, M. Brisson, Mme Aeschlimann, MM. Bacci, Bazin et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. J.B. Blanc et Burgoa, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes Dumont, Evren, Gosselin, Imbert et Josende, M. Laménie, Mme Lopez, M. Milon, Mme Noël, MM. Pellevat, Rapin, Reynaud, Saury, Savin et Sido, Mmes Valente Le Hir et Billon, MM. Courtial et Folliot, Mme Jacquemet, M. Laugier et Mme Romagny, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 712-16-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 712-16-… ainsi rédigé :
« Art. 712-16-…. – Sans préjudice des dispositions de l’article 712-16-2, lorsqu’une personne a été condamnée à une peine privative de liberté, et si la victime ou la partie civile en a formé la demande, le juge de l’application des peines ou le service pénitentiaire d’insertion et de probation informe cette dernière, directement ou par l’intermédiaire de son avocat, des modalités d’exécution de la peine. »
La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Dans la continuité de mes deux amendements précédents, qui visaient déjà à assurer une meilleure prise en charge des victimes, celui-ci a pour objet d’informer la victime ou la partie civile des modalités d’exécution de la peine de l’auteur condamné, dès lors qu’elle en a formulé la demande.
Bien que le droit soit la clé de voûte d’une société pleinement respectueuse des droits et libertés de chacun, beaucoup de nos concitoyens ne comprennent pas qu’une telle mesure n’existe pas. Il est tout à fait incompréhensible que les victimes et leurs proches ne soient pas tenus au courant de ces modalités, tant les conséquences sur leur vie de l’acte de la personne condamnée ont été importantes et, malheureusement, très souvent désastreuses.
Initialement, nous souhaitions limiter cette possibilité aux violences routières puisque ce texte porte sur ce seul sujet, mais, d’un point de vue juridique et humain, nous avons jugé impossible de hiérarchiser la douleur des victimes. Qui plus est, cela aurait fait naître une inégalité de traitement difficile à justifier.
Dès lors, l’application de la mesure proposée ne serait pas circonscrite aux violences routières, mais s’étendrait à toutes les victimes et parties civiles.
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 7 rectifié bis ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Sauf erreur de ma part, les dispositions de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales sont de nature à satisfaire cet amendement.
Je vous invite donc à le retirer, ma chère collègue, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Borchio Fontimp, l’amendement n° 7 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié bis est retiré.
Article 1er bis
(Non modifié)
Le début de la première phrase du second alinéa de l’article 132-16-2 du code pénal est ainsi rédigé : « Les délits prévus aux articles L. 221-2, L. 223-5, L. 224-16, L. 224-17, L. 233-1, L. 233-1-1, L. 234-1, L. 234-8, L. 234-16, L. 235-1, L. 235-3 et L. 413-1 du code de la route ainsi qu’à l’article 434-41 du présent code sont… (le reste sans changement). – (Adopté.)
Article 1er ter A (nouveau)
L’article 132-19-1 du code pénal est ainsi rétabli :
« Art. 132-19-1. – Pour le délit prévu à l’article 221-6-1-1, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure à deux ans.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, hors cas de récidive légale, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 4 rectifié est présenté par M. Masset, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Daubet et Fialaire, Mme Girardin, M. Gold, Mme Guillotin, MM. Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 13 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 18 rectifié bis est présenté par Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Omar Oili, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile.
L’amendement n° 29 est présenté par Mmes Silvani et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 38 rectifié est présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié.
M. Michel Masset. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er ter A instaurant des peines planchers pour les homicides routiers. Les peines planchers contournent les protections constitutionnelles et constituent une incohérence juridique et pénale.
En premier lieu, elles contreviennent fondamentalement à l’individualisation de la peine, principe à valeur constitutionnelle de notre droit pénal. C’est précisément la raison pour laquelle les professionnels du droit s’étaient levés en masse contre les peines planchers lors de leur introduction en 2007, et ce jusqu’à leur éviction du droit positif en 2014.
Le présent article prévoit les conditions dans lesquelles le juge peut déroger à l’individualisation des peines, mais il ne s’agit que de conditions formelles. Seront ainsi mises en œuvre des peines planchers de façade, dont les juges ne s’en saisiront peut-être pas.
En second lieu, comme cela a déjà été souligné, les peines planchers sont incohérentes avec notre politique pénale. En l’état actuel du droit, la gradation prévue du régime des peines se révèle non seulement incompatible avec les places disponibles dans nos prisons, mais aussi inefficace.
De fait, l’appréciation souveraine et individualisée des peines par le juge demeure la manière la plus convaincante – si ce n’est la seule – de rendre la justice pénale dans un État de droit.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 13.
M. Guy Benarroche. De multiples raisons justifient la suppression de ces peines planchers, introduites dans le texte en commission.
Premièrement, les délinquants de la route seraient tous soumis au même régime de peine, dont le seuil serait établi à deux ans d’emprisonnement, sans que le juge puisse effectuer d’appréciation in concreto. Cela est contraire au principe, désormais de valeur constitutionnelle, de personnalisation et d’individualisation des peines dont découlent les articles 132-1 et suivants du code pénal.
Deuxièmement, comme le garde des sceaux l’a rappelé tout à l’heure, l’efficacité des peines planchers n’a jamais été démontrée : elles n’ont pas d’effet dissuasif sur le passage à l’acte et n’empêchent pas la récidive.
Troisièmement, les peines plancher privent les magistrats de leur capacité de jugement. Elles révèlent ainsi une volonté de contrôler le pouvoir judiciaire par le biais de circulaires adressées au parquet, au mépris des principes d’indépendance de la justice.
Enfin, comme l’a dit notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie, il serait totalement incongru de rétablir une peine plancher pour la seule catégorie des délits routiers.
Nous pouvons toujours débattre une nouvelle fois des peines planchers, même si, contrairement à ce qu’a affirmé le garde des sceaux, je pense que cette discussion est close : jusqu’à présent, tout a démontré que les peines planchers n’avaient pas de sens. À la limite, nous aurions pu en discuter à l’occasion d’un autre texte. Mais réintroduire les peines planchers pour les seuls homicides routiers, dans le cadre de cette proposition de loi, me semble tout à fait incongru !
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié bis.
Mme Nadège Havet. Mes collègues ayant brillamment exposé les arguments qui le justifient, je considère que mon amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l’amendement n° 29.
Mme Silvana Silvani. Cet amendement vise, lui aussi, à supprimer l’article 1er ter A, ajouté en commission.
Aucune étude n’a prouvé l’efficacité des peines planchers dans la lutte contre la récidive. Au contraire, leur introduction en 2007 a été un échec en termes de dissuasion. Voici ce que nous apprennent les statistiques du ministère de la justice : en 2005, 2,6 % des condamnés pour crimes et 6,6 % des condamnés pour délits étaient récidivistes ; or, trois ans après l’entrée en vigueur de la loi instituant les peines planchers, ces proportions s’élevaient respectivement à 5,6 % et 11 %.
C’est la raison pour laquelle ces peines ont été supprimées en 2014. Alors, pourquoi les réintroduire uniquement pour les délits routiers ?
Notons de surcroît que le présent article est contraire au principe d’individualisation des peines. Or, dans un État de droit, les magistrats sont libres de prendre leurs décisions en leur âme et conscience au regard de chaque situation qu’ils ont à juger.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est le cinquième amendement tendant à supprimer l’article 1er ter A. Le rapporteur aura sans doute l’occasion de le rappeler : ce matin, la commission des lois a émis un avis favorable sur cette série d’amendements identiques.
Sans verser dans un purisme excessif, on ne peut pas introduire une disposition aussi symbolique et forte dans notre droit uniquement pour une certaine catégorie de délits, et pas pour les crimes. Encore une fois, cette mesure n’a aucun sens !
Je comprends bien le symbole que l’on veut utiliser, mais, si jamais l’on admettait leur utilité, il ne serait pas responsable de rétablir les peines planchers pour les seuls délits routiers et non pour les crimes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. La commission a changé d’avis en l’espace d’une semaine : après avoir approuvé les peines planchers, elle les a désavouées ! Elle est donc favorable aux amendements de suppression qui viennent d’être présentés. (Ah ! sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)
M. Francis Szpiner, rapporteur. Après avoir exprimé l’avis de la commission, j’ai le droit de donner mon avis personnel. Je suis stupéfait de tout ce qu’on peut entendre ici. De quoi parlons-nous exactement ? Il s’agit de prendre en considération le degré de gravité accru que nous entendons donner aux infractions dans ce texte. En la matière, nous sommes limités par l’échelle des peines. Dès lors, l’on demande au juge – excusez du scandale ! – de songer à envoyer réellement quelqu’un en prison, sans pour autant lui ôter la faculté de ne pas le faire : il tiendra toujours compte de la situation de l’individu qui comparaît devant lui. Cela n’a rien d’anticonstitutionnel : la liberté du juge et la personnalisation de la peine sont sauvegardées.
On m’a souvent demandé pourquoi nous souhaitions rétablir ces peines planchers pour ces seules infractions. Voyez-vous, mes chers collègues, pour toutes les infractions, le juge peut édicter des peines principales ou complémentaires, voire des peines d’inéligibilité. L’attitude de certains individus sur la route est inadmissible et fait d’eux moralement des meurtriers, mais nous ne pouvons pas juridiquement les qualifier ainsi, faute d’intention homicide.
Il est inutile de modifier la loi sans rien changer aux peines, mais le faire serait impossible, car le code pénal prévoit déjà cinq ans, sept ans et dix ans d’emprisonnement pour ces délits. Dès lors, si nous rétablissons en la matière les peines planchers, ce n’est pas pour une raison idéologique, c’est simplement pour dire au juge qu’il doit se poser la question de la détention,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il se la pose de toute façon !
M. Francis Szpiner, rapporteur. … à laquelle il est libre de répondre comme il veut.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce doit être assez schizophrénique de porter à la fois la voix de la commission et la sienne, surtout lorsque celles-ci sont dissonantes… (Sourires.)
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. C’est la vie !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Concernant les peines planchers, je vous ai déjà tout dit et je ne me répéterai pas. Monsieur le rapporteur, pensez-vous franchement que le juge a besoin des peines plancher pour se montrer plus sévère, d’autant qu’il peut y déroger ? Votre démarche n’a pas de sens !
M. Francis Szpiner, rapporteur. Bien sûr que si !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je ne vous ai pas interrompu, ni quand vous représentiez la commission ni quand vous vous représentiez vous-même. (Rires. – M. Olivier Bitz applaudit.) De grâce, laissez-moi, d’une seule voix, vous répondre !
Vous êtes avocat, monsieur le rapporteur, comme je l’ai été. Songez à la latitude dont disposent les magistrats pénalistes, qui peuvent prononcer jusqu’à dix ans d’emprisonnement. Quant à la récidive, elle a pour effet de doubler le maximum des peines encourues. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le conteste.)
Le juge sévère sera toujours sévère, le juge très sévère sera toujours très sévère ; quant au juge qui ne l’est pas, il ne veut pas des peines planchers ! Vous le savez, n’est-ce pas ? (M. le rapporteur opine.) Bref, rétablir ces peines ne sert pas à grand-chose, mais vous n’êtes pas tenu de me croire…
Ce n’est pas à cette heure-ci que nous allons, par raccroc, réintroduire dans notre droit les peines planchers, d’autant qu’elles font l’objet d’une certaine politisation, comme tout le monde le sait.
Si les peines planchers fonctionnaient, je les soutiendrais sans hésiter ! Je ne suis pas un idéologue, les statistiques démontrent leur inefficacité, je désapprouve donc leur réintroduction.
En outre, ce n’est pas le débat que l’on devrait avoir sur ce texte. À l’Assemblée nationale, nous avons déjà eu un long débat sur l’opportunité de rétablir les peines planchers pour un certain nombre d’infractions.
Je le redis, l’argument selon lequel les peines planchers permettent au juge de se souvenir qu’il peut être sévère n’est pas recevable. Le juge sait parfaitement ce qu’il a à faire : quand il veut être sévère, il peut l’être ! Et les infractions dont nous discutons ce soir lui donnent largement matière à se montrer sévère.
En somme, c’est bien pour des raisons toutes pratiques et non par principe que je suis, bien évidemment, favorable à ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Je souhaiterais dépassionner ce débat sur les peines planchers. Tout d’abord, le terme est très inapproprié : au Canada, en Italie, ou encore au Pays de Galles, ces peines sont dénommées autrement et elles ne créent pas la même polémique ; par ailleurs, elles sont ciblées et ne concernent pas l’ensemble des crimes et délits.
L’idée est non pas d’appliquer une peine plancher de façon systématique, mais de définir une peine minimale sur laquelle le juge peut s’appuyer – parce qu’elle prévue par la loi –, tout en conservant la faculté d’y déroger et de l’aménager.
Par conséquent, il aurait l’obligation d’informer les parties civiles de la raison pour laquelle il n’applique pas cette peine minimale. C’est précisément cela que demandent les familles des victimes.
Revenons au cas que j’ai évoqué dans la discussion générale. La presse régionale avait annoncé que la personne jugée coupable était condamnée à trois ans de prison, mais personne n’a eu connaissance de l’appel qui a été interjeté : tout le monde pensait que la justice avait été rendue de façon définitive. Or l’appel a rabaissé la peine à deux ans, dont un an ferme, ce qui, à cette époque, donnait lieu à un aménagement de peine automatique. Ni la famille ni le public n’ont su qu’en fin de compte le condamné a simplement eu à porter un bracelet électronique.
Or, pour que le travail de la justice soit compris et accepté, il faut que celui-ci soit connu. Sur un sujet aussi grave, sensible et humain, il me semble que le juge devrait, à tout le moins, expliquer aux familles pourquoi il n’a pas appliqué la peine minimale prévue par la loi.
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Je rejoins totalement les propos de mon collègue Laurent Somon.
Permettez-moi d’ajouter, monsieur le garde des sceaux, avec tout le respect que j’ai pour votre fonction et pour votre personne, que je trouve intellectuellement honnête la position de M. le rapporteur.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Laquelle ? (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Laurent Burgoa. Il a fait part de la position de la commission, d’un côté, et, de l’autre, il a également exprimé son avis personnel. C’est, à mon sens, faire preuve d’une grande honnêteté intellectuelle.
Pardonnez-moi cette petite pique, bien normale entre amateurs de tauromachie ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 rectifié, 13, 18 rectifié bis, 29 et 38 rectifié.
J’ai été saisi de quatre demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe Les Républicains, la deuxième, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la troisième, du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants et la quatrième du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 167 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 204 |
Contre | 134 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 1er ter A est supprimé.
Article 1er ter
Le I de l’article 222-44 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au 3°, après la première occurrence du mot : « professionnelle », sont insérés les mots : « ; dans les cas prévus à la section 1 du présent chapitre, seule la durée de l’annulation du permis de conduire peut être prononcée dans les conditions prévues au 4° du présent article » ;
2° Le 4° est complété par les mots : « ; dans les cas prévus à la section 1 du présent chapitre, la durée de l’interdiction est de dix ans au plus » – (Adopté.)
Article 1er quater
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code pénitentiaire est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre II du livre IV est complété par un article L. 421-… ainsi rédigé :
« Art. L. 421-…. – Lorsque la personne a été condamnée pour un des délits prévus aux sections 2 ter et 2 quater du chapitre Ier ter du titre II du livre II du code pénal, le service pénitentiaire d’insertion et de probation met en place des actions visant à prévenir le risque spécifique de récidive des violences routières et, le cas échéant, des actions visant à prévenir la consommation de stupéfiants ou de substances psychotropes. » ;
2° La dernière ligne du tableau du second alinéa des articles L. 755-1, L. 765-1 et L. 775-1, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
«
L. 413-1 à L. 421-1 |
Résultant de l’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 |
L. 421-2 |
Résultant de la loi n° … du … créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière |
L. 423-1 à L. 424-5 |
Résultant de l’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 |
».
La parole est à M. Guy Benarroche.