Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, parfois, au Sénat, les journées sont thématiques. (M. le ministre délégué sourit.) Ce 21 mai sera ainsi consacré à la question du logement, avec, en premier lieu, l’examen d’une proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif, et, en second lieu, celui d’une proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements.

Mes chers collègues, autant le record européen que nous détenons en matière de textes adoptés chaque année doit nous interroger sur notre manière de légiférer et sur le temps que nous y consacrons, autant je reste convaincu que nous examinons aujourd’hui un texte attendu, nécessaire et utile. Il est attendu par les élus locaux, nécessaire pour les saisonniers et utile pour nos territoires.

Au fond, ce texte est le parfait exemple du bien-fondé de notre mandat de parlementaire : là où le silence des lois est source d’injustice se trouve la pleine et entière nécessité de légiférer.

Nul ne peut ignorer les difficultés que les Français rencontrent pour se loger à coût abordable, en particulier au sein des communes les plus attractives, celles que nous classons en zones tendues. Cette crise du logement intervient alors que le prix des loyers a connu une hausse ininterrompue entre 1984 et 2020, c’est-à-dire depuis quarante ans, notamment dans le parc locatif privé. À qualité constante, dans ce secteur, les loyers des logements ont été multipliés par 2,6 durant cette période.

Le taux d’effort des locataires du parc privé et celui des locataires du parc social, lesquels varient immanquablement selon le niveau de revenus des ménages, ont ainsi connu de fortes hausses, pour atteindre respectivement 28,4 % et 24,1 % entre 2001 et 2013.

Nombreux sont les Françaises et les Français qui n’arrivent plus à se loger à l’année à proximité de leurs emplois. Ils sont obligés de s’éloigner des cœurs de ville pour vivre en périphérie de leurs zones d’activité ou de leurs attaches familiales.

Dans les zones particulièrement touristiques, comme les zones de montagne ou littorales, sur les côtes finistériennes, dans les massifs isérois ou les montagnes du Diois, la part importante des résidences secondaires dans le parc total et l’essor des meublés de tourisme alimentent ce phénomène et provoquent un sentiment de frustration et de déclassement.

Si l’offre de locations saisonnières a longtemps été insuffisante en France, eu égard à la situation de première destination touristique mondiale de notre pays, force est de constater que l’essor de quelques plateformes de mise en location de logements touristiques de particulier à particulier a inversé la donne. Ainsi, en France, on estime le nombre de logements mis en location touristique de courte durée à 800 000 pour l’année 2021, contre 300 000 pour l’année 2016.

Entre 2008 et 2018, la part relative des résidences principales au sein de l’ensemble du parc a diminué dans certaines zones touristiques, comme la Bretagne, le littoral méditerranéen, la Corse et, dans une moindre mesure, en montagne.

Sans réglementation, l’essor de ce type d’offre peut avoir pour effet collatéral la raréfaction de l’offre de logement en location de moyenne ou de longue durée et l’augmentation des coûts moyens du loyer. Sur les 43 000 logements proposés à la location de courte durée recensés par la mairie de Paris, 90 % sont postés sur Airbnb.

Selon Les Échos, dans les zones rurales, le nombre d’annonces a été multiplié par 37 entre 2012 et 2017, contre 19 sur l’ensemble du territoire.

En 2022, quelque 86 millions de nuitées ont été réservées sur la plateforme en France, selon des estimations de la plateforme d’analyses de données liées aux locations saisonnières AirDNA. C’est 29 % de plus qu’en 2022, signe de la reprise de l’activité après une période relativement creuse due à la pandémie de covid-19.

Mes chers collègues, l’esprit de nuance qui caractérise le groupe RDPI m’oblige à dire que je ne serai pas de ceux qui considèrent Airbnb comme le seul et unique responsable. J’ai pris le temps de discuter avec l’un de ses responsables et d’écouter ses arguments.

En réalité, on peut tout à fait comprendre que nos concitoyens puissent décider de compléter leurs revenus en mettant à disposition tout ou partie de leur logement aux touristes venus de France ou d’ailleurs. En revanche, il n’est pas acceptable, dans le contexte actuel, que des saisonniers ou des étudiants ne puissent se loger dans des conditions décentes.

Cette proposition de loi est donc pertinente, puisqu’elle vise à lutter contre les phénomènes d’éviction des résidents permanents des zones tendues en favorisant la mise sur le marché de logements destinés à la location de moyenne et longue durées, tout en intégrant les spécificités des territoires.

Le texte limite les conflits d’usage entre le locatif d’habitation et la location touristique et favorise l’implantation de résidences principales dans les zones tendues, en élargissant les pouvoirs de réglementation des élus locaux et en réorganisant l’avantage fiscal octroyé aux logements de tourisme classés. L’abattement fiscal de 71 % sera désormais fixé à 50 % pour les hébergements classés et à 30 % pour les autres. La niche fiscale existante était excessive, à l’image d’un certain nombre d’autres niches, d’ailleurs.

Ce texte octroie surtout de nouvelles attributions aux maires, avec des outils sur-mesure qui leur permettront de procéder aux ajustements qu’ils estimeront nécessaires, tout d’abord, avec la généralisation de l’enregistrement des meublés de tourisme en mairie ; ensuite, avec la possibilité pour la commune d’abaisser le nombre de jours de location d’une résidence principale à quatre-vingt-dix jours, au lieu de cent vingt ; enfin, avec la possibilité pour les communes ayant au moins 15 % de résidences secondaires d’instituer des secteurs où les constructions nouvelles à destination d’habitation sont soumises à une obligation d’usage au titre de résidence principale.

Toutefois, ce texte ne représente pas uniquement plus de pouvoirs pour les maires : nous renforçons également nos exigences énergétiques dans un contexte où la décarbonation de nos usages devient indispensable.

La mise en location des meublés de tourisme sera ainsi soumise à la réalisation préalable d’un diagnostic de performance énergétique, avec un DPE classé D d’ici à 2034, sauf s’il s’agit de la résidence principale.

Je défendrai toutefois, au nom du groupe RDPI, la possibilité pour les maires d’écarter via une délibération du conseil municipal l’exigence de présentation d’un DPE dont le niveau doit être compris entre les classes A et E pour obtenir une autorisation, définitive ou temporaire, de changement d’usage, notamment pour les communes pour lesquelles cela entraînerait trop de complexités.

Mes chers collègues, nos débats permettront d’enrichir la navette parlementaire, mais je nous invite à être tous au rendez-vous de ce texte transpartisan, que, monsieur le ministre, vous avez soutenu lorsque, député, vous étiez président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, et que nos élus locaux et concitoyens attendent de pied ferme.

Le groupe RDPI votera donc en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’arrivée des plateformes en ligne sur le marché de l’hébergement touristique a considérablement bouleversé l’écosystème du tourisme. Comme toute évolution sociale, elle a ses points bénéfiques et ses inconvénients.

En 2018, au nom du groupe de travail Tourisme de la commission des affaires économiques du Sénat, j’ai cosigné un rapport d’information sur la régulation équilibrée et efficace des plateformes de meublés touristiques, qui évaluait l’application des dispositions alors existantes pour répondre aux problématiques posées par ces changements.

La location touristique par l’entremise des plateformes en ligne non seulement permet d’offrir un complément de revenus aux particuliers, mais diversifie l’offre et répond ce faisant aux demandes des touristes à la recherche d’une offre moins standardisée. Elle peut être utile dans des territoires où l’offre d’hébergements touristiques est minime et, dès lors, contribue à accroître leur attractivité et leur dynamisme économique.

Néanmoins, dans les zones connaissant une forte tension entre l’offre et la demande de logements, les effets de bord négatifs sont désormais bien identifiés : forte diminution des biens proposés à la location longue durée, inflation des loyers et surtourisme, dans certaines villes particulièrement attractives.

Nous avons déjà relevé tous ces points dans notre rapport d’information de 2018 et avons également alerté sur la nécessité de perfectionner les outils de régulation. Force est de constater que l’évolution de la situation, relayée par de nombreux élus locaux, nous a malheureusement donné raison.

Le fait qu’il soit devenu plus intéressant financièrement pour un investisseur de louer son bien en meublé de tourisme qu’en bail d’habitation traditionnel est une problématique indéniable. Le glissement des logements du parc locatif traditionnel considérés comme des passoires thermiques vers le marché de la location saisonnière pourrait accroître encore ce phénomène.

Les outils de régulation actuels sont devenus insuffisants. Il nous faut donc retrouver un équilibre entre développement touristique et préservation du logement locatif.

Nous ne sommes pas naïfs au point de penser que la régulation du flux de meublés de tourisme poussera automatiquement les propriétaires à remettre leurs biens sur le marché de la location à l’année. Néanmoins, le but des auteurs de cette proposition de loi est de créer et de mettre à disposition des maires des outils de régulation flexibles, susceptibles de s’adapter aux contextes locaux et de limiter le flux de nouveaux logements touristiques.

Les nouveaux dispositifs issus de ce texte sont nombreux et constituent de véritables avancées.

Les communes pourront exercer un contrôle renforcé sur les déclarations et l’enregistrement de toute mise en location de meublé de tourisme, ce qui permettra d’éviter les déclarations frauduleuses et les contournements de la réglementation sur le changement d’usage.

Les communes auront également la possibilité de suspendre la validité d’un numéro de déclaration d’un meublé en cas d’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité. C’est une préoccupation majeure des communes confrontées à l’essor de meublés de tourisme dans leurs centres-villes historiques anciens, où la location de courte durée persiste malgré les arrêtés de péril.

Je tiens à saluer le travail de Mme la rapporteure, qui a amélioré et précisé ce texte. Je regrette cependant que le travail en commission ait assoupli les dispositifs qui ont été votés à l’Assemblée nationale et qui visaient en priorité à rétablir une équité de traitement entre les différents régimes locatifs, en matière tant de fiscalité que de critères de performance énergétique.

C’est particulièrement notable à l’article 1er, qui crée un régime d’exigence de performance énergétique applicable aux meublés de tourisme. Totalement réécrit, cet article prévoit désormais que le stock existant de meublés de tourisme devra atteindre la classe D dans un délai de dix ans, au lieu de cinq ans. Dans la pratique, les passoires thermiques pourront donc encore être louées durant une décennie.

Il en est de même pour le flux de nouveaux meublés de tourisme. Le changement d’usage devra être adossé à un DPE compris entre A et E, et non A et D comme cela a été voté par les députés.

Nous avons conscience que le calendrier d’adaptation énergétique issu de la loi Climat et Résilience est intenable. Néanmoins, conserver l’obligation de mise en conformité dans un délai de cinq ans se veut un signal envoyé au Gouvernement, qui doit assumer ses responsabilités : si l’objectif est bien de faire disparaître les passoires thermiques du marché du logement, qu’il mette les moyens financiers et techniques pour cela !

Les amendements que nous défendrons en séance publique viseront donc à rétablir la rédaction initiale, avec des assouplissements pour les logements en copropriété, compte tenu de la difficulté pour certaines copropriétés d’engager des travaux de rénovation globale.

Je laisserai ma collègue Frédérique Espagnac s’exprimer sur le volet fiscal.

Quelle que soit l’issue de nos débats, mes chers collègues, nous réaffirmons notre soutien à cette proposition de loi, très attendue par les communes les plus fragilisées par le surtourisme. Son adoption leur permettra de prendre les mesures de régulation nécessaires pour lutter contre ses effets négatifs sur le logement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)

M. Max Brisson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je félicite tout d’abord chaleureusement nos rapporteurs Sylviane Noël et Jean-François Husson, qui ont réalisé un remarquable travail sur la proposition de loi de Mme Le Meur et M. Echaniz, dont je salue la présence dans les tribunes.

Ils ont proposé des mesures nouvelles et équilibrées, qui devraient permettre d’esquisser un heureux consensus dans cet hémicycle. Leurs travaux s’inscrivent parfaitement dans le prolongement de ceux de l’Assemblée nationale, afin de mieux réguler un marché devenu dans certains territoires fortement spéculatif et hautement déstabilisateur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, depuis plus de trois ans, je m’engage sur ce sujet de manière transpartisane.

Transpartisane, tout d’abord, parce que nous avons dressé un constat commun, celui de territoires confrontés à des situations de déséquilibre extrêmement inquiétantes.

Transpartisane, aussi, pour aboutir à un consensus sur cette proposition de loi de nos collègues députés Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz, qui eux-mêmes siègent sur des bancs opposés à l’Assemblée nationale.

Transpartisane, enfin, parce que, jusqu’à ces derniers mois le Gouvernement n’avait jamais daigné vraiment s’y intéresser, manifestant le plus souvent à notre encontre désintérêt poli, leçons arrogantes et défiance constante.

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. Max Brisson. Je me réjouis donc que, sous votre impulsion, monsieur le ministre, le Gouvernement ait enfin révisé sa copie et pris en compte la question des locations saisonnières, avant de traiter, je l’espère, de la crise du logement dans toute son ampleur.

M. Stéphane Sautarel. Il y a du travail !

M. Max Brisson. Voilà trois ans, lorsque je me suis saisi de ce sujet à l’appel de plusieurs maires de la côte basque, la prolifération des résidences secondaires, portée par celles des meublés de tourisme, était déjà une réalité.

Depuis lors, à Biarritz, le nombre d’annonces de location de courte durée est passé de 2 200 à 3 400. Sur les 198 000 logements de la communauté d’agglomération du Pays basque, près de 20 000 sont devenus des meublés de tourisme et 45 000 des résidences secondaires. Aujourd’hui, le Pays basque totalise donc plus de logements dédiés au tourisme que de logements privés alloués à l’année.

Les dérèglements sont désormais connus. Les prix de l’immobilier et du foncier sur le littoral basque sont devenus prohibitifs et excluent la population locale, avec pour première victime les travailleurs les plus démunis, les familles modestes et les étudiants.

Parallèlement, la structure de l’habitat et du commerce s’est transformée en profondeur, accélérant la désertification des centres-villes et la perte d’identité des communes, qui ne peuvent se résoudre à devenir de simples stations balnéaires.

Le législateur se devait d’agir pour y remédier. Cette proposition de loi constitue donc bien une avancée significative. Elle permettra de mieux encadrer, de mieux réguler et de réduire les distorsions de concurrence avec les hébergeurs professionnels, en particulier les hôteliers.

Bien entendu, il demeure des points à préciser. Ils animeront, j’en suis certain, le débat que nous aurons sur un certain nombre d’amendements, dont, de mon point de vue, l’objet prolonge l’excellent travail de la rapporteure Sylviane Noël.

Reste la question fiscale. Sur ce point, ma conviction n’a jamais changé. Oui à l’abattement pour couvrir les frais, non à la niche, non à l’aubaine fiscale dans un écosystème où tout avantage la location saisonnière au détriment de la location de longue durée !

Il semblerait que se dessine un consensus autour de la suppression de la niche fiscale, et je m’en félicite. Pour autant, le plafond de l’abattement accordé au meublé classé me semble encore excessif. Nous y reviendrons au cours des débats.

Pour l’heure, même si j’ai conscience qu’il n’est qu’une réponse partielle à la crise du logement, ce texte n’en demeure pas moins porteur d’une avancée significative à laquelle je m’associe. Je le voterai donc avec le sentiment que ces trois années de combat n’auront, finalement, pas été vaines. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Denis Bouad applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Frédérique Espagnac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte était très attendu, et je tiens à saluer le travail exemplaire de mon collègue socialiste le député Inaki Echaniz, auteur de ce texte, qui est présent dans nos tribunes.

Depuis une dizaine d’années, l’absence d’un cadre efficace de régulation des meublés de tourisme s’est traduite dans de nombreuses communes par une dérive dévastatrice, une véritable pompe aspirante des locations longues au profit des meublés de courte durée : il est aujourd’hui de notre devoir de l’arrêter.

Je l’observe quotidiennement dans mon département des Pyrénées-Atlantiques, sur le littoral bien sûr, mais aussi à l’intérieur des terres, où l’on constate un effet rebond, qui entraîne une hausse des loyers et des prix de vente. C’est aussi le cas maintenant en montagne, notamment dans la vallée d’Aspe, où les jeunes générations n’arrivent plus à se loger dans leur propre village à cause de l’explosion des ventes et des locations sur Airbnb.

Je ne citerai qu’un exemple de spéculation immobilière dans mon territoire : à Ayherre, petite commune rurale basque de plaine, une ferme achetée 250 000 euros voilà cinq ans, certes rénovée depuis lors, a été revendue il y a quelques jours 1,5 million d’euros ! Voilà la réalité de mon territoire. Mes chers collègues, voilà la réalité de nos territoires. À l’heure du ZAN (zéro artificialisation nette), je vous laisse imaginer quel avenir se dessine pour eux…

Mme Frédérique Espagnac. Comme l’a souligné Max Brisson, en trois ans, le nombre d’annonces de locations meublées a augmenté de 54 % à Biarritz.

Les acteurs du tourisme sont eux-mêmes victimes de cette situation, puisqu’il est impossible de trouver du logement saisonnier. Certains restaurants sont contraints de fermer un à deux jours par semaine, faute de personnel, les loyers sur place étant devenus insoutenables pour les saisonniers.

Les Français sont conscients de ce phénomène et en souffrent au quotidien. Nombre de nos concitoyens sont désormais dans l’incapacité de se loger à proximité de leur lieu de travail. Les visages des centres-villes sont modifiés et vidés de toute animation résidentielle et commerciale, ce qui entraîne également un trafic routier non adapté à nos infrastructures et des coûts supplémentaires pour le pouvoir d’achat.

Notre pays traverse aujourd’hui une grave crise du logement. Je tiens à rappeler dans cet hémicycle que le premier élu vers lequel se tournent nos concitoyens affectés par cette crise est évidemment le maire. Aussi, agissons, car les maires nous attendent !

Face à cette situation préoccupante, le groupe socialiste a déposé plusieurs amendements visant à instaurer une fiscalité plus équitable, tout en tenant compte des complexités de nos territoires. Oui, il nous faut préserver le littoral et la montagne de ce phénomène, en préservant un tourisme durable, sans pour autant empêcher la ruralité de se développer.

Nous proposerons tout d’abord d’aller davantage vers un alignement de la fiscalité entre location nue à l’année et location touristique.

Pour les meublés classés, nous proposons un abattement de 50 % sur un chiffre d’affaires ramené à 30 000 euros, avec un abattement supplémentaire de 21 % pour les gîtes ruraux définis par décret. Il s’agit là d’un enjeu de justice sociale, de justice fiscale et de cohésion des territoires.

Par cet amendement, nous soutiendrons le complément de revenu pour les agriculteurs et les ruraux et mettrons fin à l’attrait des investisseurs pour le marché des meublés de tourisme.

Rappelons que la niche fiscale n’est que la partie visible de la financiarisation immobilière. Les spéculateurs les plus voraces choisissent le régime réel d’imposition et arrivent souvent à ne payer aucun impôt. Or la fiscalité sert à entretenir les communes et les services publics, notamment, qui font l’attractivité de nos territoires. De fait, on peut même dire que ces propriétaires ne participent pas à ce qui rend leur investissement rentable – ou comment avoir le beurre et l’argent du beurre.

Pour les meublés non classés, nous avons fait le choix de ramener le chiffre d’affaires à 15 000 euros, contre 23 000 euros auparavant, avec un abattement de 30 %.

De plus, il ne faut pas oublier que la location de longue durée offre également un complément de revenu. C’est pourquoi j’ai déposé deux amendements visant à rendre la location à l’année plus attrayante pour les propriétaires, facilitant ainsi la remise sur le marché de biens immobiliers de longue durée.

Ce texte ne pourra, à lui seul, résoudre la crise du logement, nous en sommes conscients. Monsieur le ministre, cette crise profonde nécessite un texte plus approfondi.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Frédérique Espagnac. Néanmoins, cette proposition de loi représente une première initiative concrète et rapide pour permettre aux Français de se loger de manière digne et durable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l’ubérisation de notre société a permis dans certains cas à nos concitoyens d’accéder plus facilement à de nombreux services, il est anormal que des personnes présentes sur un même marché ne bénéficient pas de règles équitables. C’est ce que cette proposition de loi vise à corriger par un rééquilibrage du marché locatif.

Les professionnels de la location saisonnière se sont retrouvés, année après année, face à un marché totalement dérégulé, tout en faisant face eux-mêmes à des règles strictes.

Cette dérégulation a entraîné un phénomène d’éviction des résidents permanents dans les zones tendues, en favorisant la mise sur le marché de logements initialement prévus pour des locations de moyenne et de longue durée.

Ce texte, très attendu par les professionnels du tourisme, permettra de réguler l’essor des meublés non classés grâce à l’avantage fiscal donné aux meublés classés ; c’est en tout cas ce que j’espère. Le classement est important, car il permet d’indiquer au client un niveau de confort et de prestation, donc un engagement du loueur sur la qualité de son hébergement.

Cette démarche, qui vise à encourager le classement, permettra de structurer l’offre d’hébergements et de préserver le potentiel touristique des territoires, en particulier les territoires ruraux via les gîtes ruraux.

Cette proposition de loi donne plus de pouvoirs aux élus locaux sur la régulation des locations de meublés, puisque, grâce aux travaux de la commission, que je salue, elle autorise une commune à suspendre la validité d’un numéro de déclaration de meublé de tourisme dans certains cas ; de faciliter l’application des quotas de locations touristiques dans certaines communes ; enfin, d’interdire la location d’un meublé de tourisme frappé d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement d’insalubrité.

Ces mesures vont dans le bon sens, en donnant la main aux élus locaux. En effet, s’il est nécessaire d’avoir des règles plus justes à l’échelon national, il faut préserver la spécificité de chaque territoire : une zone ultratouristique du littoral qui cherche un équilibre difficile entre le développement touristique et le logement de la population locale ne pourra avoir les mêmes règles qu’un territoire rural, parfois enclavé, qui cherche au contraire à attirer des visiteurs.

Chaque territoire a ses spécificités en matière de logement, et les meilleurs juges pour l’apprécier sont les élus locaux. C’est ce que le Sénat défend en permanence avec le principe de différenciation.

Enfin, ce texte prévoit de soumettre les meublés touristiques aux règles énergétiques en vigueur pour les locations classiques. Les propriétaires devront présenter un DPE classé entre A et D pour l’obtention d’une autorisation définitive de location d’un meublé touristique. Cette mesure de bon sens permettra de développer les performances énergétiques de l’ensemble du parc immobilier locatif, quel qu’il soit.

Ce texte aux mesures proportionnées devrait permettre de répondre aux difficultés auxquelles font face de nombreux élus, qui voient depuis plusieurs années une mutation incontrôlée du parc locatif immobilier.

Cependant, il serait également intéressant de se pencher sur les raisons pour lesquelles les propriétaires se détournent massivement de la location de moyen et de long terme.

Entre des obligations de mises aux normes de plus en plus coûteuses et un déséquilibre de plus en plus prononcé en faveur des locataires, nous pouvons parfois comprendre la frilosité de certains propriétaires, qui rechignent à mettre leur bien en location, inquiets de faire face à des impayés, alors que les recours en justice sont de plus en plus longs, onéreux et difficiles.

Si le marché locatif du meublé touristique a été massivement dérégulé, avec une nécessité évidente d’encadrement, le marché des logements locatifs à moyen et à long terme mériterait, lui, d’être assoupli, pour être libéré.

Enfin, face à la crise du logement, palpable dans tous les territoires, dans les zones urbaines comme rurales, j’espère que le projet de loi Logement que vous présenterez dans quelques semaines, monsieur le ministre, sera l’occasion de rééquilibrer le marché en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale
Article 1er B (nouveau)

Article 1er A

I. – Le code du tourisme est ainsi modifié :

1° L’article L. 324-1-1 est ainsi modifié :

a) Le II est abrogé ;

b) Le III est ainsi rédigé :

« III. – Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non en application de l’article L. 324-1, procède préalablement à une déclaration soumise à enregistrement auprès d’un téléservice national.

« La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. Si tel est le cas, le loueur en apporte la preuve dans sa déclaration. Un décret en précise les modalités. À défaut, la déclaration est regardée comme incomplète. Cette preuve doit être apportée chaque année.

« Le loueur joint à sa déclaration un certificat d’un organisme agréé, datant de moins d’un an, attestant du bon état des installations électriques et des installations de chauffage du meublé de tourisme offert à la location ainsi que la preuve que ce meublé est équipé d’un dispositif de détection du risque d’incendie et d’extincteurs prêts à l’usage dont le nombre, fixé par décret en Conseil d’État, est fonction de la surface du meublé et de sa capacité d’accueil. À défaut, la déclaration est regardée comme incomplète.

« À la réception de la déclaration complète, le téléservice délivre sans délai un avis de réception électronique comprenant un numéro de déclaration. Le numéro de déclaration ainsi que les informations et les pièces justificatives reçues dans le cadre de la déclaration sont mis sans délai à la disposition de la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme et, le cas échéant, de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de tourisme.

« Un décret détermine les informations et les pièces justificatives qui sont exigées pour l’enregistrement de la déclaration préalable, notamment celles de nature à attester du respect des obligations de décence énergétique applicables aux meublés de tourisme mentionnées aux articles L. 126-29 et L. 631-10 du code de la construction et de l’habitation dans leurs rédactions issues de la loi n° … du … visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale et, le cas échéant, de la qualité de résidence principale du meublé de tourisme.

« Lorsque la commune constate que les informations fournies dans le cadre de la déclaration avec enregistrement sont incorrectes, incomplètes ou qu’il existe un doute sérieux sur leur authenticité et en l’absence de régularisation de la part du loueur dans un délai raisonnable qu’elle fixe, le maire peut suspendre la validité du numéro de déclaration du meublé de tourisme concerné.

« Le maire peut également suspendre la validité d’un numéro de déclaration lorsque le local concerné est visé par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité pris en application de l’article L. 511-11 ou de l’article L. 511-19 du code de la construction et de l’habitation ou en cas de non-respect par le loueur de l’article L. 442-3-5 du même code.

« Un décret précise les conditions dans lesquelles les personnes mentionnées au I de l’article L. 324-2-1 du présent code sont informées de la suspension de la validité d’un numéro de déclaration. » ;

c) Le IV est ainsi modifié :

– au début du premier alinéa, les mots : « Dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, » sont supprimés ;

– la première phrase du second alinéa est complétée par les mots : « , que celui-ci constitue ou non sa résidence principale » ;

d) Au premier alinéa du IV bis, les mots : « ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement prévue au III » sont remplacés par les mots : « où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable, au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation » ;

1° bis Au second alinéa de l’article L. 324-2, les mots : « mentionnée au II de l’article L. 324-1-1 contient le numéro de déclaration mentionné à cet article » sont remplacés par les mots : « d’un meublé de tourisme mentionné à l’article L. 324-1-1 contient le numéro de déclaration mentionné au III du même article L. 324-1-1 » ;

2° L’article L. 324-2-1 est ainsi modifié :

aa) (nouveau) Le I est ainsi modifié :

– à la première phrase, les mots : « , le cas échéant, » sont supprimés et la référence : « III » est remplacée par la référence : « II » ;

– au début de la seconde phrase, les mots : « Lorsque ce meublé de tourisme est soumis au même III, » sont supprimés ;

– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Elle n’offre plus à la location un meublé de tourisme lorsqu’elle a eu connaissance que la validité de son numéro de déclaration a été suspendue. » ;

a) Le II est ainsi modifié :

– au début de la première phrase du premier alinéa, les mots : « Dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement mentionnée au III de l’article L. 324-1-1, » sont supprimés ;

– au début de la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « Dans ces mêmes communes, » sont supprimés ;

b) À la seconde phrase du IV, les mots : « mentionnées au II de l’article L. 324-1-1 et » sont remplacés par les mots : « qui offrent à la location un meublé de tourisme mentionné à l’article L. 324-1-1 et par les personnes mentionnées ».

II. – (Non modifié) Le I entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2026.