compte rendu intégral

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 15 mai 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Décès d’un ancien sénateur

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean-Claude Gaudin, qui fut sénateur des Bouches-du-Rhône de 1989 à 1995, puis de 1998 à 2017.

M. le président du Sénat lui rendra hommage au début de notre séance de questions d’actualité au Gouvernement de demain, mercredi 22 mai, à quinze heures.

3

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale
Discussion générale (suite)

Marché locatif

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif (proposition n° 292, texte de la commission n° 587, rapport n° 586, avis n° 579).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale
Article 1er A

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nos territoires font face depuis quelques années à une conjoncture particulièrement difficile pour ce qui concerne l’offre de logement : hausse des taux d’intérêt, augmentation des coûts des matières premières dans la construction, baisse de la rotation dans le parc social. Le taux d’effort de nos concitoyens pour se loger continue d’augmenter inexorablement, pour s’établir aujourd’hui entre le quart et le tiers de leur budget.

L’agenda parlementaire des prochaines semaines le montre : le Gouvernement est engagé résolument dans la lutte contre la crise du logement. Le Premier ministre a appelé à un véritable « choc d’offre » pour y répondre. Le texte dont nous allons débattre, j’en suis convaincu, est un élément essentiel de ce choc d’offre.

À l’heure de la sobriété foncière, où nous souhaitons construire la ville sur la ville et réactiver tous les gisements possibles pour produire du logement – nous discuterons juste après ce texte de la proposition de loi pour transformer les bureaux en logements –, quel meilleur gisement que ces locaux existants, qui ne nécessitent ni transformations ni travaux longs et coûteux pour redevenir ou pour rester des logements ?

Dans une politique d’offre, le marché locatif privé a toute sa place. C’est pourquoi nous devons tout mettre en œuvre afin d’en stopper l’attrition. Il faut, au contraire, en stimuler la croissance. Les récentes études sur le sujet nous montrent que les zones tendues recèlent d’importants gisements de croissance, du fait de la vacance et de la transformation de nombreux logements en résidences secondaires ou touristiques.

On compte jusqu’à 800 000 meublés de tourisme sur l’ensemble du territoire. Une partie non négligeable d’entre eux sont des biens entièrement consacrés à la location touristique. C’est le cas dans les territoires les plus variés, du bord de mer à Bayonne jusqu’au bord de l’Yèvre à Bourges, au fond du Berry, du cœur des Alpes, à Annecy, jusqu’à Val d’Europe Agglomération, à Marne-la-Vallée.

Je pourrais encore citer encore Fouesnant, La Rochelle, Bédousse, Les Sables-d’Olonne, Marseille, Megève, Chamonix ou encore Saint-Malo, où je me suis rendu la semaine dernière et dont le maire, Gilles Lurton, mène une action particulièrement volontariste sur ce sujet.

Tous les élus locaux nous font part de la nécessité d’une action forte et résolue, menée en lien avec les territoires, pour réguler le parc touristique et faire revenir le logement. C’est pourquoi je me réjouis tout particulièrement d’avoir pu, avec Christophe Béchu, inscrire ce texte à l’ordre du jour du Sénat, après son adoption à l’Assemblée nationale en janvier dernier.

Cette situation tient notamment à une perte d’attractivité de l’investissement locatif, qui est perçu par de nombreux propriétaires comme insécurisant et incertain. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, au-delà de son importance en elle-même, constitue dès lors un jalon crucial dans un travail de plus long terme, qui vise à rendre son attractivité à l’investissement locatif à visée résidentielle.

Pendant trop longtemps, la réglementation et la fiscalité ont joué, à notre insu, en faveur de l’essor du meublé de tourisme, souvent au détriment des capacités en logement. Des avantages créés dans les années 2000 pour soutenir une industrie touristique alors à la peine se sont transformés en boulets qui pèsent sur notre capacité à loger les Français.

Plusieurs missions, dont celle de l’inspection générale des finances en 2022 et celle des députés Annaïg Le Meur et Vincent Rolland en 2023, ont mis le doigt sur les difficultés profondes suscitées par la multiplication des meublés de tourisme. Il est grand temps de rétablir l’équilibre.

L’équilibre, je le dis tout de suite, ce n’est pas s’attaquer aux meublés de tourisme qui ne le sont que quelques jours par an, c’est-à-dire ces résidences principales que nos concitoyens mettent en location le temps de leurs propres congés pour arrondir leurs fins de mois. Les plateformes nous rapportent que le revenu moyen tiré de leur activité par ces loueurs se situe aux alentours de 4 000 euros par an.

Ce n’est pas cette activité complémentaire, qui contribue à une offre touristique diversifiée, diffuse et haut de gamme, que nous souhaitons remettre en cause. Au contraire, la France en a bien besoin au moment où elle organise des événements internationaux qui attirent les publics du monde entier.

C’est pourquoi je ne serai pas favorable, par exemple, aux amendements qui tendent à abaisser encore davantage le nombre de jours de location permis à ces loueurs occasionnels lorsqu’ils mettent en location leur résidence principale. Les Français sont déjà suffisamment embêtés ; n’allons pas leur imposer des obstacles supplémentaires.

En revanche, le problème survient lorsque les propriétaires, lassés des réglementations excessives et des encadrements successifs qui grèvent la rentabilité de l’investissement locatif résidentiel, décident de transformer leur bien en meublé de tourisme à temps plein.

La location touristique, facturée à la nuitée avant même que la location n’ait lieu, sécurisée par des intermédiaires de qualité et par la notation des locataires, jouit d’avantages concurrentiels qui seraient patents quand bien même le marché ne serait pas biaisé. Pourtant, avec les années est venu se surajouter à ces avantages un traitement réglementaire et fiscal favorable, si bien que l’État a introduit sur le marché une distorsion en faveur des marchés touristiques et au détriment de la location résidentielle.

Il en va ainsi des obligations de rénovation énergétique, qui pèsent sur les logements dans le secteur locatif, mais qui ne concernent pas les meublés de tourisme. Il en va également ainsi des abattements fiscaux avantageux en faveur de la location touristique, peut-être justifiés à une époque, mais aujourd’hui clairement responsables d’un mouvement de balancier excessif dans l’autre sens.

Face à cette situation, mesdames, messieurs les sénateurs, il est de notre responsabilité de rétablir de l’équité dans ces règles, pour permettre aux Français de se loger dans les territoires les plus tendus, les plus touristiques, pour permettre aux résidents de se loger à proximité de leur travail, pour rouvrir des logements aux travailleurs saisonniers ou pour empêcher l’éviction future des étudiants.

Cela passe par ce texte, mais aussi, sans vouloir préempter nos travaux futurs, par un travail plus ample, qui doit rendre son attractivité à l’investissement locatif lorsqu’il est réalisé à destination des résidences principales. C’est un travail large sur la fiscalité, sur la rentabilité et sur la sécurité de cette activité que nous devons mener.

En attendant, je me réjouis des dispositions de ce texte et de l’esprit qui a présidé aux travaux des commissions saisies dans cette assemblée. Dans l’ensemble, on peut dire que les parlementaires des deux assemblées ont exprimé une volonté commune d’aller de l’avant sur ce problème et de donner les outils aux acteurs locaux pour réguler leur parc.

Je veux saluer ici les auteurs de la proposition de loi, les députés Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz, avec lesquels nous avons beaucoup travaillé lorsque j’étais député pour faire prospérer ce texte. J’en étais d’ailleurs cosignataire et je me suis battu pour son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Nous nous étions notamment déplacés à Ajaccio, chez Laurent Marcangeli, président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, dont je veux saluer également l’implication dans ce travail.

Madame la présidente Estrosi Sassone, madame la rapporteure Sylviane Noël, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, les travaux de vos commissions ont, à leur tour, nettement enrichi et consolidé le texte.

La commission des affaires économiques a organisé une large consultation des élus locaux, qui a montré leur adhésion et leurs attentes en la matière. Les deux commissions saisies ont adopté des amendements de sécurisation et d’amélioration des dispositions.

Je me félicite ainsi de ce que vous ayez adopté l’ensemble des dispositions du texte, qui apportent, selon moi, des outils indispensables aux élus des territoires.

Premièrement, pour renforcer la qualité de la donnée dont disposent les décideurs publics dans la prise de décision, la proposition de loi prévoit l’enregistrement obligatoire de chaque meublé, qui se verra attribuer un numéro unique lors de la déclaration en mairie, dans le cadre de la mise en place d’un téléservice national.

Le Gouvernement a travaillé pour que, en lien avec le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, dit Sren, et le règlement européen en cours d’adoption, ce dispositif fournisse un service opérationnel, intelligent et qui permette avant tout de sécuriser et de faciliter la tâche des collectivités.

Nous devrons tous veiller, pour la mise en œuvre des dispositions du texte, à la bonne marche de ce service. Une grande partie du problème tient en effet à l’absence de connaissances précises dont disposent les collectivités sur les données des meublés touristiques.

Ces dispositions me paraissent essentielles pour les renforcer, même si je ne partage pas nécessairement l’enthousiasme qui semble être celui de plusieurs membres de cette assemblée pour imposer à la location des meublés une multitude de justificatifs et de certificats additionnels.

Deuxièmement, pour équilibrer les obligations réglementaires qui pèsent sur les meublés de tourisme, d’une part, et sur les logements, d’autre part, le respect des obligations de rénovation énergétique issues de la loi Climat et Résilience s’appliquera dans les mêmes conditions aux meublés. Cette condition me paraît essentielle, alors qu’approchent les dates d’entrée en vigueur des restrictions à la location pour les passoires, pour lutter contre le report des logements sur le marché touristique.

J’ai été satisfait de voir votre commission œuvrer dans le sens du renforcement de ces dispositions, notamment pour les nouvelles autorisations de changement d’usage, qui sont la clé pour prévenir l’attrition future du parc de logements. Il nous faudra ensuite sensibiliser activement les élus locaux sur la pertinence de mettre en œuvre ces règles pour rendre ces exigences effectives.

Alors que l’Assemblée avait fait le choix de la décentralisation, en donnant les clés au maire, vous avez souhaité généraliser cette disposition, quel que soit le territoire, sans demander l’avis du maire, à compter du 1er janvier 2034. Bien que l’échéance puisse paraître éloignée, je crois, madame la rapporteure Sylviane Noël, que cette disposition témoigne d’une ambition écologique importante, que je partage. Reste à inclure le maire dans ce dispositif : c’est le sens de certains amendements déposés, auxquels je serai favorable.

Troisièmement, les communes disposeront de nouveaux outils pour réguler le parc des meublés touristiques, notamment la faculté de soumettre plus facilement à autorisation la transformation d’un local en meublé de tourisme.

Je suis très attaché à cet élargissement du règlement du changement d’usage à toutes les communes en zone tendue, sur simple délibération du conseil municipal. Il s’agit là d’une avancée concrète en matière de décentralisation, puisque toute commune, de droit si elle est en zone tendue, et en le motivant au regard de la tension immobilière si elle ne l’est pas, pourra se saisir de l’ensemble des outils que nous créons dans ce texte.

Il en va ainsi de la définition d’un quota sur les nouvelles autorisations de changement d’usage. Je salue à cet égard la proposition de la commission de l’exprimer en pourcentage du parc.

Il en va également ainsi de la définition d’une servitude de résidence principale sur les constructions neuves, disposition créée à l’Assemblée nationale et qui me semble à la fois ambitieuse et prometteuse pour donner aux communes un meilleur contrôle sur le devenir des constructions qu’elles autorisent. Je suis satisfait, là aussi, que la commission ait choisi de renforcer ce dispositif, même si j’attire votre attention sur la nécessité de trouver un équilibre au regard du droit constitutionnel.

Quatrièmement, les copropriétés feront l’objet d’une information obligatoire lorsqu’un local fait l’objet d’un changement d’usage vers une destination touristique. Sans aller jusqu’à la possibilité pour la copropriété d’interdire, par un vote à la majorité, la transformation d’un logement en meublé de tourisme, disposition que le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de censurer pour une atteinte jugée disproportionnée au droit de propriété, la proposition de loi tend à renforcer utilement l’information des copropriétaires.

Enfin, la proposition de loi s’attache à régler la question de la fiscalité des meublés touristiques.

Par principe, le Gouvernement reste défavorable aux dispositions fiscales dans les textes ordinaires. Mais, au-delà de ces considérations, il est évident, au regard du consensus existant pour travailler sur ces questions dans les deux assemblées, que le statu quo n’est pas satisfaisant. L’avantage fiscal dont bénéficient les propriétaires de meublés de tourisme apparaît aujourd’hui excessif au regard de ceux dont jouissent les propriétaires de logements en location, et cela sans justification particulière au regard des charges induites dans la gestion des biens.

Il y a donc bien lieu de s’interroger sur le maintien de ces dispositions. Nous aurons ce débat aujourd’hui. Monsieur le rapporteur général de la commission des finances, sachez d’ores et déjà que j’aurai une position de sagesse sur nombre de vos amendements, tout gardant une vigilance particulière sur la date d’entrée en vigueur de ces dispositions fiscales.

Pour conclure, dans un esprit de décentralisation concrète, cette proposition de loi importante renforcerait nettement les instruments à la main des collectivités, pour réguler et maîtriser un phénomène qui menace la pérennité de l’offre de logements dans nos territoires tendus et touristiques. Je ne puis que me réjouir de sa discussion et espérer vivement son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Louis Vogel et Cédric Chevalier applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Brigitte Devésa applaudit également.)

Mme Sylviane Noël, rapporteure de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on compterait aujourd’hui près d’un million de meublés de tourisme en France. C’est un phénomène récent, qui accompagne l’essor du tourisme dans notre pays, un secteur dont le poids n’est pas négligeable dans notre économie, puisqu’il représente environ 4 % du PIB.

Le phénomène d’éviction du logement locatif permanent au profit de la location meublée touristique est une réalité dans certaines communes. L’essor des meublés de tourisme y est longtemps resté à l’abri de toute régulation, entraînant un effet d’aubaine.

Néanmoins, ce phénomène est loin de résumer l’ampleur du déséquilibre du marché locatif actuel, qui est multifactoriel.

Lors de l’examen de cette proposition de loi, la commission des affaires économiques a donc souligné que ce texte était loin d’apporter la solution au déséquilibre du marché locatif. Comme le propose le rapport sur la crise du logement de mes collègues, seule une réflexion globale, portant notamment sur la contribution économique et sociale, le statut du bailleur privé et les garanties à lui apporter, permettra de renforcer l’attractivité de la location longue durée.

Nous avons donc modifié l’intitulé de cette proposition de loi en cohérence avec son dispositif, qui ne concerne que la régulation de la location meublée touristique à l’échelon local.

Cependant, en matière de régulation des meublés de tourisme, la commission salue ce texte, qui met en place une boîte à outils intéressante.

Vous le savez, la situation de nos territoires en matière de meublés touristiques est extrêmement contrastée : ils sont indispensables au développement touristique de certaines communes, mais induisent un coût important pour d’autres, avec l’attrition du marché locatif, la hausse des loyers ou les nuisances sonores qui en résultent.

Notre boussole a été de concilier ces points de vue très différents, entre des communes touristiques, qui font face à un important phénomène d’éviction au détriment des logements permanents, et des communes thermales ou de montagne, qui ont grand besoin des meublés pour préserver leur activité économique. L’essor de ces meublés de tourisme a en effet réussi à réchauffer des lits froids, ce dont on ne peut que se réjouir.

C’est pourquoi la commission a souhaité mener une consultation des élus locaux pour mieux connaître leurs besoins et difficultés et recueillir leur avis sur les principales dispositions du texte.

Cette consultation a été achevée avant l’examen en commission – nous avons recueilli 1 292 contributions de maires, de présidents d’EPCI et d’autres élus locaux –, mettant en évidence une forte demande des élus locaux pour un renforcement des outils à leur disposition. Près de 40 % d’entre eux considèrent que leurs outils de régulation ne sont pas suffisants aujourd’hui. Près de 80 % sont favorables à la généralisation de la déclaration avec enregistrement et 76 % sont également partisans d’un alignement à terme des exigences de décence énergétique des meublés de tourisme sur celles des locations nues.

Consacrer de nouveaux outils dans la loi va permettre de sécuriser les décisions des élus locaux. Prenons les délibérations prises par Saint-Malo, Annecy, Nice, Strasbourg, Val d’Europe, qui ont été attaquées devant le juge administratif : elles instaurent de nouveaux outils de régulation, dans le silence de la loi, mais elles risquent d’être suspendues ou annulées par le juge. Ce sont de véritables appels à l’aide que nous devons prendre au sérieux.

Lorsque ces outils permettent de réduire l’éviction du logement permanent au profit des meublés de tourisme, la commission les a rendus plus flexibles, à la main des élus, afin qu’ils soient adaptés aux réalités de terrain. C’est le cas par exemple pour les quotas d’autorisation temporaire de changement d’usage.

Notre commission a aussi souhaité renforcer l’information des communes sur les meublés de tourisme situés sur leur territoire. La fiabilité de cette information est le préalable indispensable aux contrôles.

Au-delà des sanctions, la commission a eu à cœur de donner aux élus locaux les moyens de faire véritablement cesser les pratiques illicites. C’est le sens de la procédure de suspension des numéros de déclaration des annonces : en obligeant les plateformes à retirer les annonces dont les numéros ont été suspendus, nous avons donné aux communes des outils pour faire cesser la location meublée touristique en cas d’arrêté de péril ou d’insalubrité.

En plus de mettre à disposition des élus locaux ces outils, qui vont dans le bon sens, cette proposition de loi vise à aligner progressivement les exigences de décence énergétique des meublés de tourisme sur celles applicables aux locations nues.

Le calendrier de décence énergétique issu de la loi Climat et Résilience de 2021 ne s’applique aujourd’hui qu’à la location nue de résidences principales. Maintenir une exception pour les meublés de tourisme pourrait nourrir un effet d’éviction à proximité des échéances d’interdiction de location des passoires thermiques – 2025 pour les logements classés G et 2028 pour les F.

Sur ce point précis, il me semble sécurisant pour les élus locaux et les propriétaires de disposer d’une réglementation nationale uniforme et prévisible, ne serait-ce que pour permettre aux copropriétés de mener à bien les travaux nécessaires et d’éviter des effets d’éviction localisés.

Encore une fois, la commission a souhaité simplifier le dispositif introduit à l’Assemblée nationale. Dans les zones en tension, un diagnostic de performance énergétique (DPE) en E sera suffisant pour obtenir une autorisation de changement d’usage pour louer un meublé. C’est cohérent, puisque, pour les locations nues, la classe D ne sera exigée qu’en 2034.

En dehors des zones tendues et du changement d’usage, la commission a allongé le calendrier introduit par les députés : tous les meublés de tourisme, hors résidences principales, devront se conformer aux exigences de décence énergétique des locations nues au 1er janvier 2034, ce qui signifie une étiquette D au minimum d’ici à dix ans, au lieu de cinq ans. Ce délai plus raisonnable permettra de réaliser les travaux nécessaires, notamment dans les copropriétés en montagne.

Tel est, mes chers collègues, le dispositif équilibré que nous soumettons à votre approbation, sachant que, en plus des mesures que je viens d’énoncer, nous nous sommes efforcés d’apporter d’autres améliorations, visant notamment à renforcer la capacité de contrôle des communes et à trouver un équilibre sur les exigences de sécurité incendie à fournir lors de la déclaration.

Pour finir, je tiens à saluer le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, à qui nous avons délégué les articles 3 et 4 du texte, lesquels concernent la fiscalité des meublés de tourisme. Je le remercie du travail qu’il a accompli de concert avec nous.

Notre commission adhère à la solution qui a été trouvée et qui permet de mettre en cohérence le régime simplifié que constitue le micro-BIC avec les autres régimes fiscaux, notamment celui des loueurs de meublés non professionnels, sans pour autant compromettre l’incitation au classement des meublés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, autant vous le dire d’emblée, le texte que nous examinons aujourd’hui ne constitue pas la réponse à la crise majeure que connaît actuellement dans notre pays le secteur du logement.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis. Ce texte a néanmoins le mérite d’apporter des outils et des réponses aux difficultés spécifiques parfois posées par la location meublée touristique.

Ces réponses sont principalement de nature réglementaire, non de nature fiscale. Cependant, les dispositions fiscales contenues dans le texte, si elles ne résolvent pas à elles seules tous les problèmes, doivent rendre la fiscalité des meublés touristiques plus lisible, plus juste et plus équilibrée.

Ainsi, l’article 3 de la présente proposition de loi a pour objet de réformer les paramètres fiscaux du régime micro-BIC applicable aux meublés de tourisme.

Le texte de cet article, tel qu’il a été adopté par la commission des finances, suit une ligne directrice claire : simplifier le régime fiscal applicable aux revenus des locations meublées face à la tentation vaine de créer des dispositifs toujours plus complexes et toujours moins lisibles pour répondre à des aspirations contradictoires. Je tiendrai cette ligne au cours de nos débats.

En effet, la position de la commission des finances est une position d’équilibre, largement soutenue, je le crois, par les membres de nos deux commissions – finances et affaires économiques. Je veux d’ailleurs remercier chacun des membres de ces deux commissions de leur implication.

Tout le monde aspire à plus de simplification. C’est d’autant plus essentiel en l’occurrence que, ne l’oublions pas, le régime micro-BIC est censé être un régime simplifié. La fiscalité applicable aux meublés de tourisme doit être comprise par toute personne qui met son bien en location.

Le texte que nous proposons supprime en particulier toute forme de zonage, et je ne serai donc pas favorable aux amendements qui viseraient à en réintroduire un, et cela pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, je le répète, il ne faut pas verser dans une excessive complexité. Tout a été envisagé en matière de zonage, même le croisement de plusieurs critères, à savoir ceux de l’Insee et ceux qui sont déjà applicables au secteur du logement. Autant le dire, personne n’y comprendrait plus rien !

Ensuite, et c’est la preuve de cette complexité, nous ne sommes pas parvenus, à l’occasion de nos différents travaux, à trouver un zonage qui satisfasse tous les territoires. J’ai demandé aux différentes associations d’élus – élus de montagne, du littoral et des stations thermales –, de me transmettre une proposition commune. Le seul point sur laquelle ces associations ont réussi à se mettre d’accord, c’est de dire que le zonage de la proposition de loi n’était pas satisfaisant et qu’il fallait en changer.

Pour ce qui est de proposer un zonage, elles n’y sont pas parvenues, et pour cause : il est difficile, voire impossible de traiter différemment les logements selon la situation de communes touristiques qui visent des objectifs différents.

Enfin, le zonage pose à mon sens une difficulté majeure au regard de l’égalité devant l’impôt. Maintenir un zonage reviendrait à mettre en place des dérogations qui m’apparaissent sans lien avec le régime micro-BIC et accepter que le propriétaire de la commune X soit traité différemment de celui de la commune Y voisine. Le contribuable lui-même ne comprendrait pas cette logique.

Pour ces mêmes raisons, je serai également défavorable aux amendements qui tendent à créer discrètement un nouveau zonage en prévoyant un régime spécifique pour les gîtes ruraux, défini par décret. Cette dernière option me semble encore plus insatisfaisante, car elle reviendrait à confier au Gouvernement le soin de définir librement un zonage fiscal.

Sur cette base, le dispositif proposé n’est pas une révolution, mais il me paraît juste, simple et équilibré : il met en cohérence le régime fiscal applicable aux locations meublées de tourisme avec des seuils existants ; il supprime un zonage inopérant et aussi difficile à justifier qu’à dessiner ; il revient sur les niveaux d’abattement qui paraissent excessifs ; enfin, il maintient une incitation au classement, avec vingt points d’écart entre les deux régimes.

J’en viens à l’article 4, qui prévoyait de réintégrer au calcul de la plus-value de cession des loueurs de meublés touristiques non professionnels les amortissements déduits du revenu de la location de ces biens.

L’administration fiscale n’a été en mesure d’apporter aucun élément précis sur les conséquences de la mise en œuvre de ce dispositif. La commission des finances ne pouvait donc reprendre à son compte cet article. Je considère qu’une telle réforme ne peut se faire à l’aveugle et qu’il est indispensable d’évaluer avec précision les conséquences de ce changement de régime avant de le mettre en œuvre.

En conclusion, je souhaite que l’équilibre auquel nous sommes parvenus en commission des finances soit de nature à faire converger les points de vue et à nous permettre d’avoir des débats nourris, mais apaisés.

Monsieur le ministre, vous avez appelé à aller de l’avant, comme le Sénat en a l’habitude. Aussi, allons-y ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)