M. Mickaël Vallet. Il faut augmenter les salaires !

Mme la présidente. L’amendement n° 90, présenté par Mme Margaté, M. Brossat, Mme Corbière Naminzo et M. Gay, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Rédiger ainsi ces alinéas :

1° Le premier alinéa du IV est ainsi rédigé :

« IV. – Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme dont il apporte la preuve qu’il est sa résidence principale ne peut le faire au-delà d’un nombre maximal de jours de location que le conseil municipal de la commune où est situé le meublé définit, par délibération, et qui ne peut pas, au cours d’une même année civile, être inférieur à soixante jours, ni supérieur à quatre-vingt-dix jours, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure. » ;

La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. C’est un vieux sujet que la détermination de la durée maximale de location. Il est aujourd’hui de cent vingt jours. Le texte de la commission offre la possibilité d’abaisser ce plafond à quatre-vingt-dix jours.

J’insisterai sur un point auquel nous renvoie cette problématique, à savoir ce qui motive notre volonté de réguler le développement de ces locations touristiques. Le cœur du problème est certes la concurrence de ces locations touristiques avec le logement, mais ce n’est pas la seule question qui se pose : les nuisances engendrées par ces locations touristiques sont aussi un problème majeur.

En tant qu’élu local, je peux témoigner que le premier motif pour lequel nous sommes saisis par des habitants de copropriétés, ce n’est pas la concurrence avec le logement : ce sont les nuisances, les bruits de valises, les codes donnés à tort et à travers, ou encore l’organisation de fêtes. Lorsqu’on est touriste, on n’a évidemment pas exactement le même rythme de vie que lorsqu’on habite un appartement à l’année !

C’est la raison pour laquelle il me paraît important de permettre aux collectivités, aux conseils municipaux qui le souhaitent, d’abaisser ce plafond à soixante jours. Tel est bien l’objet de cet amendement, qui tend à laisser au conseil municipal le soin de fixer ce plafond dans une fourchette comprise entre soixante et quatre-vingt-dix jours.

Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Brisson et Lefèvre, Mme Dumas, MM. Paumier et Burgoa, Mme Micouleau, M. Saury, Mmes Evren et Belrhiti, M. Tabarot, Mme Dumont, MM. Belin et Panunzi, Mme Muller-Bronn, MM. Grosperrin et Reynaud, Mme Bonfanti-Dossat, MM. E. Blanc et D. Laurent et Mme Joseph, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Rédiger ainsi ces alinéas :

1° Le premier alinéa du IV est ainsi rédigé

« IV. – Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme dont il apporte la preuve qu’il est sa résidence principale ne peut le faire au-delà d’un nombre maximal de jours de location que le conseil municipal de la commune où est situé le meublé définit, par délibération motivée, et qui ne peut pas, au cours d’une même année civile, être inférieur à soixante jours ni supérieur à quatre-vingt-dix jours, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure. » ;

La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. Cet amendement est similaire au précédent.

Que les choses soient bien claires : pour ma part, je suis favorable à la propriété privée. Cependant, je me demande si un logement peut encore être qualifié de résidence principale lorsqu’il est loué quatre mois dans l’année. Est-ce encore une résidence principale ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission. Mais oui !

M. Max Brisson. Malheureusement, comme nous l’avons rappelé dans la discussion générale, on relève des fraudes dans les déclarations de résidence principale : dans certains territoires, des gens déclarent un logement comme leur résidence principale alors qu’il ne l’est pas, ce qui leur permet de le mettre en location touristique un nombre important de jours.

À mon tour, je propose que les conseils municipaux puissent fixer le plafond, en fonction des situations locales, à un nombre de jours compris entre soixante et quatre-vingt-dix. Croyez-moi, dans beaucoup de communes qui connaissent de fortes tensions, cela permettra aussi de traquer les fausses résidences principales !

Mme la présidente. L’amendement n° 112, présenté par Mme Margaté, M. Brossat, Mme Corbière Naminzo, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Supprimer le mot :

motivée

2° Remplacer le mot :

quatre-vingt-dix

par le mot :

soixante

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à celui que vient de présenter Ian Brossat. Il vise à donner aux seules communes qui le souhaitent – j’insiste sur ce point – la possibilité d’abaisser ce plafond à soixante jours, c’est-à-dire à deux mois. Ce serait donner la main aux communes : à elles de déterminer la manière dont elles souhaitent réguler les meublés de tourisme sur leur territoire, au vu des nuisances et des difficultés qu’elles rencontrent, que l’on a déjà évoquées.

Deux mois, c’est déjà une durée importante quand il est question d’une résidence principale. De plus, cette limite ne concernera que les logements situés dans les communes qui feront ce choix. On sait d’ailleurs que de grandes villes européennes vont plus loin encore, en limitant la durée annuelle de ces locations à 20 jours seulement ; c’est le cas à Barcelone comme à Amsterdam.

Il faut donc donner les clés aux élus locaux pour mieux contrôler la prolifération des locations de courte durée, qui contribue à la raréfaction des logements disponibles pour les résidents permanents.

Nous proposons également, par cet amendement, de supprimer l’obligation de motivation de la délibération abaissant le plafond, afin d’éviter tout risque de contentieux, dont le nombre pourrait être élevé si la délibération devait être motivée.

Mme la présidente. L’amendement n° 64 rectifié bis, présenté par Mmes Artigalas et Espagnac, MM. Féraud, Kanner, Stanzione, Ros, Montaugé, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, MM. Éblé, Jeansannetas, Lurel et Fagnen, Mmes Linkenheld, Lubin et Monier, MM. Roiron et Uzenat, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer le mot :

motivée

La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. L’article 1er bis laisse au conseil municipal le soin de délibérer pour abaisser le plafond de jours de location autorisés pour une résidence principale. Le texte de la commission impose que cette délibération soit motivée.

Toutefois, il n’y a pas lieu de rendre obligatoire la motivation d’une décision du conseil municipal qui ne présente pas un caractère individuel, mais exprime le souhait des élus de mettre en œuvre, dans le cadre de leurs compétences, une politique cohérente et équilibrée du tourisme et du logement, dans un souci de préservation de la mixité fonctionnelle de leur ville.

La suppression de l’obligation de motivation de la délibération limitera également les risques de multiplication des contentieux à l’encontre des décisions de régulation prises par les élus. Il n’est pas inutile de rappeler à ce stade de la discussion que les collectivités locales – nous en avons de nombreux exemples – se sont heurtées, en pratique, à de multiples difficultés juridiques dans l’application de la réglementation. Notre objectif est bien d’éviter toute brèche qui ouvrirait, de nouveau, la porte à des contentieux visant à annuler les décisions prises localement.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 38 rectifié est présenté par M. Féraud, Mmes Artigalas et Espagnac, MM. Kanner, Stanzione, Ros, Montaugé, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, MM. Éblé, Jeansannetas, Lurel et Fagnen, Mmes Linkenheld, Lubin et Monier, MM. Roiron et Uzenat, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 144 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Remplacer le mot :

quatre-vingt-dix

par le mot :

soixante

La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié.

M. Rémi Féraud. J’ai envie de dire : n’ayez pas peur !

M. Rémi Féraud. J’entendais tout à l’heure Mme Chain-Larché demander pourquoi l’on réduirait ce plafond, puisque les revenus annuels des locations touristiques d’une résidence principale se situeraient pour la plupart entre 3 800 et 4 800 euros. Mais, pour obtenir de telles sommes, il faut bien moins de cent vingt jours ! On peut donc diminuer ce plafond.

Par cet amendement, nous proposons de permettre aux collectivités de fixer non pas seulement à quatre-vingt-dix jours, mais même à soixante jours, la durée maximale par an de ces locations.

À quoi cela sert-il ? Tout d’abord, à éviter des détournements de la notion de résidence principale, déjà évoqués par M. Brisson, auxquels on est souvent confronté.

Cela sert aussi à éviter les nuisances dans les copropriétés, la détérioration des parties communes, le bruit et l’organisation de fêtes dans les appartements. M. Brossat l’exprimait bien : on a, dans son logement principal, un droit à vivre tranquillement. Quand on est élu parisien, on est souvent saisi de tels problèmes dans les immeubles par des habitants de la capitale.

Cela sert encore à éviter le surtourisme, quand c’est nécessaire. D’ailleurs, les villes qui ont réellement pris le taureau par les cornes pour lutter contre le surtourisme et l’excès d’Airbnb – on pense à Barcelone ou à Amsterdam – ont plutôt imposé un plafond de vingt jours. Pour notre part, nous ne proposons pas d’aller si loin : nous souhaitons simplement, avec cet amendement, pouvoir abaisser le plafond de quatre-vingt-dix jours – ce qui serait déjà un progrès – à soixante jours.

Ce qu’il faut, c’est de la décentralisation : que les maires et les conseils municipaux puissent, en fonction de la situation de leur territoire en matière de logement, de développement économique et de tourisme, fixer la bonne norme. Il faut une règle nationale sur la fiscalité ; en revanche, pour la fixation du nombre de jours de location autorisés, il faut de la décentralisation.

C’est pourquoi nous proposons que la fourchette puisse être comprise entre soixante et cent vingt jours, afin de nous rapprocher de ce qui se fait dans les pays d’Europe comparables au nôtre.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 144.

M. Daniel Salmon. Il a été brillamment défendu par M. Féraud, qui a présenté de nombreux arguments ; je n’en ajouterai qu’un.

Pourquoi proposons-nous soixante jours ? Nous avons choisi cette durée tout simplement parce qu’elle est compatible avec celle des baux étudiants, qui sont très recherchés dans les villes universitaires ; nous le savons bien, nous tous qui avons des enfants ou des petits-enfants étudiants qui cherchent des logements. En abaissant ce plafond à soixante jours, on peut permettre d’offrir un logement à un étudiant pendant les dix mois de l’année qui lui sont nécessaires, tout en se préservant deux mois pour une location touristique. Cet argument aussi, me semble-t-il, doit être entendu.

Mme la présidente. L’amendement n° 98 rectifié, présenté par Mme Margaté, M. Brossat, Mme Corbière Naminzo, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 324-2-1 du code du tourisme, après les mots : « cent vingt jours », sont insérés les mots : « , ou au-delà du plafond fixé par la commune en vertu du IV de l’article L. 324-1-1 du présent code, ».

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. L’article 1er bis de la présente proposition de loi modifie l’article L. 324-1-1 du code du tourisme afin de donner aux communes la possibilité d’abaisser le plafond de location de la résidence principale dans la limite de quatre-vingt-dix jours par année civile, au lieu de cent vingt jours actuellement.

Cette mesure est essentielle pour contrôler l’utilisation des meublés de tourisme et réduire les nuisances et les difficultés de logement que connaissent les habitants des zones les plus touchées par ce phénomène.

Toutefois, pour que cette modification ait un véritable impact, il est nécessaire d’en tirer les conséquences à l’article L. 324-2-1 du même code, qui oblige les plateformes à retirer les annonces relatives à des logements ouverts à la location plus de cent vingt jours par an. Si une commune décide d’abaisser ce plafond, il faut que la plateforme retire toutes les annonces de locations qui dépassent le nouveau plafond ; tel est l’objet du présent amendement.

Ainsi, nous veillerons à ce que la nouvelle réglementation locale soit effectivement appliquée et respectée par les plateformes de location. Sans cette mise à jour, la décision des communes d’abaisser la durée maximale de location resterait lettre morte, car les plateformes ne seraient pas tenues de se conformer à ce nouveau plafond.

Mme la présidente. L’amendement n° 48 rectifié bis, présenté par M. Féraud, Mmes Artigalas et Espagnac, MM. Kanner, Montaugé, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, MM. Éblé, Jeansannetas, Lurel et Fagnen, Mmes Linkenheld, Lubin et Monier, MM. Roiron, Ros et Uzenat, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 324-2-1 du code du tourisme est complétée par les mots : « , ou au-delà du plafond fixé par la commune en vertu du IV de l’article L. 324-1-1 du présent code, ».

La parole est à M. Rémi Féraud.

M. Rémi Féraud. Il s’agit d’un amendement de coordination ; il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylviane Noël, rapporteure. L’application du plafond de cent vingt jours aux résidences secondaires, proposée par Mme Guhl, constituerait une restriction disproportionnée du droit de propriété. L’application aux résidences principales de ce plafond découle de leur définition même : il s’agit du logement où nous vivons huit mois par an. Il n’y a pas lieu d’appliquer cette définition aux résidences secondaires. L’avis de la commission sur l’amendement n° 143 est donc défavorable.

En commission, nous étions convenus d’avoir en séance le débat sur le plafond de cent vingt jours. Nous y voilà ! Il pouvait être jugé pertinent de laisser le choix aux élus locaux d’abaisser ce plafond, dans une limite raisonnable, donc jusqu’à quatre-vingt-dix jours et non à soixante jours. Néanmoins, cette faculté donnée aux élus locaux ne serait vraisemblablement utilisée que par une minorité de collectivités et ne représente pas le cœur de cette proposition de loi, alors même qu’elle inquiète de nombreux propriétaires pour qui la location ponctuelle de leur résidence principale permet d’arrondir les fins de mois.

La commission émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 1 rectifié quater, qui vise à revenir au plafond de cent vingt jours. Elle émet par conséquent un avis défavorable sur tous les autres amendements en discussion commune.

Le plafond de soixante jours proposé dans les amendements nos 112, 38 rectifié et 144 est trop bas ; les amendements nos 90 et 11 rectifié bis tendent à imposer aux communes ce seuil excessivement bas sans leur laisser la possibilité de le moduler.

Comme cela a été indiqué en commission, l’exigence de motivation est nécessaire afin de garantir la constitutionnalité du dispositif, puisqu’en abaissant le seuil on encadre la liberté d’un propriétaire de jouir de son bien. C’est pourquoi l’avis de la commission sur l’amendement n° 64 rectifié bis est défavorable. Il est également, par voie de conséquence, défavorable sur les amendements nos 98 rectifié et 48 rectifié bis.

Je tiens enfin à rappeler que ce type de location peut également permettre à des travailleurs de se loger dans un territoire de façon ponctuelle. On ne parle pas ici que de tourisme !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. L’amendement n° 143, présenté par Mme Guhl, vise à étendre aux locations de résidences secondaires le plafond de cent vingt jours applicable aujourd’hui aux résidences principales. Or, s’il était adopté, cet amendement ajouterait de la complexité, car plusieurs régimes sont en vigueur.

Les résidences principales sont soumises au plafond de cent vingt jours maximum ; la mise en location touristique des résidences secondaires peut être soumise, si la commune l’a décidé, à la procédure d’autorisation du changement d’usage.

La présente proposition de loi conserve ces outils et étend même le périmètre de la procédure de changement d’usage. Si l’autorisation n’est pas accordée par la commune, la mise en location d’une résidence secondaire sera impossible, même pour un seul jour !

Le cas que vous décrivez ne se pose donc pas, madame la sénatrice. Votre proposition me semble donc inutile ; elle risquerait même de créer une sorte de bizarrerie administrative en faisant sortir des résidences secondaires du cadre que nous essayons de fixer avec ce texte, à savoir la procédure de changement d’usage.

Madame Chain-Larché, je suis sensible à vos arguments, notamment à celui du respect de la propriété privée, d’autant que je ne suis pas persuadé que la restriction du nombre de journées de location d’une résidence principale puisse changer quoi que ce soit au marché locatif.

Mon objectif en tant que ministre du logement, notre objectif partagé, exprimé dans cette proposition de loi, est d’éviter que des biens loués sur le marché traditionnel passent sur le marché touristique, de manière à éviter une attrition du marché locatif. Mais il est question dans cet article de résidences principales et non de biens en location.

Diminuer le nombre de jours de location d’une résidence principale n’en fera pas revenir, d’un coup, sur le marché locatif, car son propriétaire continuera d’y habiter. Quel que soit le nombre fixé – cent vingt, quatre-vingt-dix, voire soixante jours –, très honnêtement, cette réglementation ne changera pas d’un iota l’offre locative.

On peut certes avoir un débat idéologique intéressant et relativement classique – est-il admissible ou non de louer sa résidence principale pour mettre du beurre dans les épinards ? –, mais, pour dire les choses franchement, ce n’est pas cela qui va révolutionner le marché locatif et, surtout, empêcher son attrition.

Je le répète, madame la sénatrice, je suis sensible à votre argument et j’aurais tendance à y donner droit, mais un point subsiste qui m’incline vers un avis de sagesse plutôt qu’un avis favorable sur votre amendement : la décentralisation.

En effet, le dispositif voté par l’Assemblée nationale ne consiste pas à abaisser pour tous les propriétaires la durée autorisée de location de leur résidence principale, de cent vingt à quatre-vingt-dix jours. Il vise simplement à permettre aux communes, si elles le souhaitent, en toute liberté, d’abaisser ce plafond.

Tout à l’heure, j’ai souhaité laisser aux maires le choix d’exiger ou non un DPE ; dans la même logique de confiance envers les maires et les élus locaux, mais aussi de décentralisation, je suis tenté, par cohérence, de permettre aux élus, s’ils le souhaitent, d’abaisser le plafond de cent vingt à quatre-vingt-dix jours.

Je suis donc partagé, madame Chain-Larché, entre, d’une part, votre argumentation très solide sur la propriété privée et le fait qu’abaisser le plafond pour les résidences principales ne changera rien au marché locatif et, d’autre part, ma volonté de donner le plus de pouvoir possible aux élus municipaux pour qu’ils puissent eux-mêmes décider de ce qu’il convient de faire dans leur commune. Voilà ce qui justifie l’avis de sagesse que j’émets sur l’amendement n° 1 rectifié quater.

Quant aux autres amendements, qui visent à aller encore plus loin, notamment en fixant le plafond à soixante jours, ils me paraissent pour le coup excessifs ; un tel plafond desservirait notre cause sans changer grand-chose au marché locatif.

Il s’agit bien là d’un débat idéologique traditionnel : faut-il ou non louer son bien, sa résidence principale ? Pour ma part, je considère que les individus sont libres et qu’ils ont le droit de louer leur résidence principale, ou une chambre de celle-ci. Si cela permet à des gens modestes, parfois, de mettre un peu de beurre dans les épinards ou d’arrondir leurs fins de mois, je n’ai aucun argument idéologique ou moral à leur opposer, d’autant que, je le répète, il s’agit de biens qui n’iront jamais sur le marché locatif, puisqu’il s’agit des résidences des loueurs.

L’avis du Gouvernement sur tous les autres amendements en discussion commune est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Le texte qui nous est aujourd’hui soumis prévoit un plafond de quatre-vingt-dix jours. Que l’Assemblée nationale ait ainsi voté en faveur de son abaissement est bien la preuve qu’il y a un problème.

Je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre : cette mesure ne permettra pas de mettre des logements supplémentaires sur le marché locatif. Mais la question peut être envisagée de manière un peu différente ; vous avez assez d’intelligence pour traiter de manière globale les divers sujets qui relèvent de votre ministère.

À certaines périodes, beaucoup de propriétaires s’en vont ; c’est donc qu’ils ont une autre résidence. On peut s’interroger : le logement qu’ils quittent est-il réellement leur résidence principale ? Mais soyons de bonne foi et admettons que tel est bien le cas.

Reste qu’ils s’en vont, pour plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pendant lesquels, dans certains quartiers de grandes villes ou de stations balnéaires, la situation devient ingérable pour les maires : ils affrontent du surtourisme, des nuisances, ils connaissent des difficultés de plus en plus grandes à assurer le vivre-ensemble et l’ordre public, et ce, tout simplement, parce que beaucoup de résidences principales sont louées pendant ces périodes.

En limitant la location des résidences principales comme meublés de tourisme, on envoie un signal aux maires, on leur donne un argument. Il faut les aider !

Mais j’évoquerai aussi les hôteliers, dont on parle très peu depuis le début de la séance. Eux doivent gérer les nuisances, eux ont des contraintes, eux ne peuvent pas, dans leur hôtel, avoir des jeunes qui font la fête. La fête, c’est très bien ! Tout le monde a été jeune et a fait la fête, on ne peut qu’y être favorable, mais les hôteliers, eux, doivent être responsables. Il faudrait aussi penser à eux de temps en temps !

Les locations touristiques sont un secteur qui ne subit aucune des contraintes que les hôteliers assument ; mais si l’on n’envisage la question, comme vient de le faire M. le ministre, que sous l’angle du logement, on aura des maires de plus en plus mécontents – j’en connais un certain nombre ! –, mais aussi des hôteliers qui se demandent si l’on a bien compris la situation dans laquelle ils se trouvent. Pensons aux hébergeurs professionnels, qui assurent par leur métier le respect de la réglementation et du vivre ensemble !

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.

M. Ian Brossat. En revenant à un plafond de cent vingt jours, nous assumerions d’être l’un des grands pays touristiques les plus laxistes au monde sur ce sujet !

M. Laurent Somon. Mais non, nous ne sommes pas laxistes !

M. Ian Brossat. Nous sommes en train de discuter d’une proposition de loi qui vise à réguler les locations touristiques : ferons-nous le choix d’avoir la législation la plus laxiste dans ce domaine ?

Bien d’autres grands pays de tourisme, comme l’a rappelé Rémi Féraud, limitent à vingt jours la durée annuelle de ces locations, alors que nous hésitons entre soixante, quatre-vingt-dix et cent vingt jours. En l’occurrence, si l’amendement n° 1 rectifié quater était adopté, on reviendrait à cent vingt jours. Oui, ce serait du laxisme !

On nous oppose le droit à la propriété. Mais celui-ci comprend aussi, quand on vit dans une copropriété notamment, le droit de jouir tranquillement de son logement. Or, en multipliant les locations touristiques, on accroît les nuisances. Cela aussi doit être pris en considération dans notre discussion.

Enfin, je serais tout de même assez étonné si, alors que notre assemblée est d’ordinaire si attachée à la décentralisation, à la faculté donnée aux communes de prendre des décisions, nous privions les maires et les conseils municipaux de la possibilité d’abaisser la durée maximale de location à quatre-vingt-dix jours.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je suivrai l’avis de la commission, parce que les auteurs de tous les amendements en discussion, à l’exception de Mme Chain-Larché, partent du postulat que les habitants de résidences principales louent leur bien pour faire de l’argent, comme c’est le cas de certains propriétaires qui mettent des logements en location sur Airbnb sans y habiter.

Aux Sables-d’Olonne, où j’habite, si un certain nombre de propriétaires louent ainsi leur résidence, c’est pour pouvoir y habiter le reste de l’année. Ils ont besoin du revenu des locations qu’ils consentent pendant une certaine période pour garder ce bien en tant que résidence principale.

L’amendement n° 1 rectifié quater me semble donc tout à fait judicieux. Bien entendu, je le voterai, parce que tous ceux qui louent leur résidence pendant soixante, quatre-vingt-dix ou cent vingt jours ne sont pas de riches propriétaires, jouissant d’un bien extraordinaire ! Je serais d’ailleurs curieuse de savoir combien d’entre eux louent leur bien plus de quatre-vingt-dix jours.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Ils sont 8 % !

Mme Annick Billon. Pour ma part, je connais, dans ma ville des Sables-d’Olonne, des propriétaires qui ne peuvent habiter leur logement que parce qu’ils le mettent en location une partie de l’année.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Nous sommes opposés au retour aux cent vingt jours que tend à prévoir l’amendement de Mme Chain-Larché.

Nous le sommes, avant tout, parce qu’il serait contraire à l’esprit de cette proposition de loi. Nous avons tous salué l’équilibre trouvé dans ce texte pour apporter des réponses aussi bien aux communes submergées par le phénomène Airbnb, qui déstabilise leur territoire, qu’à d’autres communes qui, au contraire, ont besoin de développer leur attractivité touristique. Cet équilibre consiste à laisser le choix aux maires.

C’est la raison pour laquelle nous sommes favorables au maintien de la règle des cent vingt jours si l’on donne aux élus locaux la possibilité d’abaisser ce plafond à quatre-vingt-dix, voire à soixante jours.

Or l’amendement n° 1 rectifié quater tend à remettre en cause cette liberté, que nous avons voulu donner aux maires. Nous en sommes très étonnés, parce que ce point fait consensus parmi les élus.

Par ailleurs, si cette mesure n’a pas vocation – nous le savons tous – à remettre des logements sur le marché locatif traditionnel, puisqu’elle vise les résidences principales, elle répond néanmoins à la nécessité de décongestionner certaines villes, ou certains quartiers, qui concentrent un nombre important de meublés de tourisme.

Enfin, cette mesure permettrait aux maires de ces communes de réduire les nuisances subies par leurs habitants en y ramenant une certaine tranquillité et en favorisant le retour à une vie de quartier apaisée.