Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le président Rapin, le recours aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution représente environ 3 % des mesures de transposition des textes européens : le Gouvernement veille à n’y recourir que pour des mesures essentiellement techniques, en privilégiant l’inscription « en dur » des mesures de transposition ; tel est précisément l’objet des projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Daddue).
Le recours aux habilitations est encadré par mon ministère, par le SGG et par le SGAE dans le cadre de la réunion de préparation de ces textes.
Nous veillons à ce que les demandes d’habilitation soient systématiquement justifiées et bien définies et que la durée des habilitations soit directement proportionnée à la complexité du sujet. Il a d’ailleurs été demandé aux ministères de présenter aux rapporteurs les projets d’ordonnance envisagés lors de l’examen d’une demande d’habilitation, afin d’éclairer au mieux la décision qu’ont à prendre les parlementaires.
La durée d’habilitation fixée par la loi impose de fait une échéance pour l’adoption des ordonnances ; il n’est pas toujours aisé de préciser plus avant le calendrier de publication lors des demandes d’habilitation, mais il revient aux ministères de veiller à informer les commissions compétentes, en particulier la vôtre, monsieur le président Rapin, quant à l’avancement des travaux.
Je conclus en soulignant les efforts engagés par les différents ministères, sous l’égide du SGAE, en matière de transposition. Je tiens à le préciser, ces efforts ont permis d’atteindre un déficit de transposition particulièrement faible, de 0,1 % seulement ; nous pouvons nous en réjouir collectivement.
Mme la présidente. Dans le débat, la parole est désormais aux représentants des groupes, selon les mêmes règles que pour les représentants des commissions.
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Madame la ministre, chaque année le Parlement s’exprime sur ce bilan de l’application des lois, et chaque année nous sommes amenés à dresser le même constat : les procédures accélérées sont légion, injustifiées, et ne permettent pas un travail législatif de qualité.
Il en est de même du recours désormais systématique aux ordonnances. Les membres du Gouvernement ne cessent de nous rabâcher leur souci d’« efficacité », mais la réalité est tout autre : ce recours abusif souligne l’incapacité du Gouvernement à proposer des textes clairs ainsi que sa crainte du contradictoire.
Pour ce qui est de la protection du pouvoir d’achat, malgré la loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite loi Descrozaille, la grande distribution organisée en centrales d’achat décentralisées à l’étranger continue de contourner la réglementation nationale. Pis, le rapport sur l’évaluation de la construction des prix de vente des denrées alimentaires, qu’aux termes de ce texte le Gouvernement doit remettre au Parlement avant le 1er octobre de chaque année, n’a toujours pas connu sa première édition.
Quant à la loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation, votée en urgence en novembre dernier afin d’avancer le calendrier des négociations commerciales, elle n’a pas endigué la vie chère. Les denrées alimentaires sont toujours vendues à des prix records. Ce phénomène est d’autant plus marqué en zone urbaine dense, même si toute la France, métropole et territoires dits d’outre-mer, est concernée.
De plus, faute de sanctions, les lois Égalim, qui créent une obligation de contractualisation censée garantir aux agriculteurs un prix de vente qui couvrirait au minimum leurs coûts de production, ne sont toujours pas appliquées dans les faits.
Vous concevez et faites adopter par le Parlement des lois inutiles : inutiles, car sans dispositifs réellement contraignants ; inutiles, car l’information qu’elles sont censées apporter reste lettre morte ; inutiles, car hors délais ; inutiles, car non appliquées ; inutiles, car inefficaces.
Madame la ministre, quand allez-vous prendre la mesure de la détresse de nos concitoyens face à la vie chère et faire appliquer les lois que nous avons votées en procédure accélérée ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice Margaté, vous m’interrogez sur la loi Égalim 3, la loi tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, et sur les mesures qui concernent la lutte contre l’inflation.
Depuis 2018, les lois Égalim permettent progressivement de rééquilibrer les relations entre les fournisseurs et les distributeurs via par exemple le plafonnement des promotions sur les produits alimentaires, illustration forte de l’action menée par le Gouvernement pour promouvoir un tel rééquilibrage et permettre à nos agriculteurs de retrouver des marges économiques.
Je tiens d’ailleurs à saluer les précieux travaux du groupe de suivi sénatorial sur cette thématique et la contribution d’Anne-Catherine Loisier, de Daniel Gremillet et de votre ancien collègue Michel Raison au traitement de la question.
La loi Égalim 3 a été promulguée, comme vous le savez, le 30 mars 2023 ; elle s’inscrit totalement dans la vision que je viens d’esquisser. Elle est pleinement appliquée depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté du 31 juillet 2023 fixant la liste des produits agricoles et alimentaires exclus de la clause relative aux modalités de renégociation des prix, tels que les céréales ou certains vins.
Deux mesures réglementaires mentionnées dans cette loi n’ont pas été prises, faute de besoins constatés : premièrement, la possibilité de fixer par arrêté la liste de certains produits pour lesquels la majoration du seuil de revente à perte est applicable ; deuxièmement, la possibilité de suspendre par décret, en cas de situation exceptionnelle, l’application des pénalités logistiques prévues dans les contrats conclus entre les fournisseurs et les distributeurs. Ces deux situations n’ont pas été constatées à ce jour.
J’en viens aux rapports prévus dans la loi.
Le rapport sur le dispositif de majoration de 10 % du seuil de revente à perte (SRP+10) est en cours d’élaboration par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ; le rapport sur la mise en place d’un encadrement des marges des distributeurs a été remis au Parlement ; le rapport annuel évaluant l’effet de l’encadrement des promotions, que vous évoquiez, doit être remis avant le 1er octobre 2024.
Comme vous le savez, des travaux de préparation d’une loi Égalim 4 sont en cours. Des échanges ont lieu en ce moment même entre les parties prenantes, et les parlementaires seront bien sûr pleinement associés à ces travaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat annuel est l’occasion de souligner, d’encourager ou de dénoncer certaines pratiques qui entourent le travail parlementaire, et je souhaiterais profiter de cette intervention pour saluer la qualité du rapport de notre collègue Sylvie Vermeillet.
Ce débat, disais-je, est tout d’abord l’occasion de dénoncer la systématisation du recours à la procédure accélérée. Si elle est censée optimiser le temps parlementaire, celle-ci limite en vérité la réalisation de travaux sereins, approfondis et minutieux.
Cette remarque vaut aussi pour notre assemblée : cédant à la pression, jamais nous ne retenons le délai normal de quinze jours entre l’examen du rapport en commission et la séance publique.
Pour ce qui est ensuite du devenir des textes une fois ceux-ci adoptés, on peut dresser, à partir du bilan de l’application des lois pour l’année 2024, un état des lieux en trompe-l’œil : la baisse du nombre de lois étudiées s’assortit d’une stabilisation de leur taux d’application, alors que leur diminution quantitative aurait dû permettre une augmentation qualitative du point de vue de leur application.
Corrélativement, les mesures réglementaires d’application tendent à être publiées dans un délai raisonnable, inférieur à six mois. Nous ne pouvons qu’encourager le Gouvernement à poursuivre dans cette tendance, et même à accélérer autant que possible la publication des décrets d’application.
Reste que, derrière cette normalité, certains textes sont bloqués et l’exécutif s’offre une trop grande marge de manœuvre.
Par exemple, en février dernier, la présidente de notre groupe, Maryse Carrère, ici présente, a été à l’initiative d’une proposition de loi tendant à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales. Je ne détaillerai pas le fond du dossier – nous avons examiné ce texte il y a quelques semaines et notre assemblée l’a adopté à une large majorité. Mais, en l’espèce, il s’agit de contraindre le Gouvernement à publier avant la fin de 2024 un décret nécessaire à l’application d’une ordonnance datant de 2018 et ratifiée en 2019, qui faisait écho à une proposition de loi que j’avais moi-même déposée à l’époque !
Voilà une spirale mortifère que l’on ne saurait encourager ; madame la ministre, que faire pour l’éviter ? (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice Delattre, je n’ignore pas l’engagement de votre groupe, qui est crucial, sur les enjeux d’accès aux soins, et l’inscription à l’ordre du jour du Sénat, dans le cadre de son espace réservé, le 11 avril dernier, de la proposition de loi de la présidente Carrère en a d’ailleurs témoigné.
Les décrets d’application de l’ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 doivent permettre de définir les territoires dits « fragiles » au sein desquels l’accès aux médicaments en France n’est pas toujours assuré de manière satisfaisante pour la population. Leur mise en œuvre a été interrompue par la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19.
Par ailleurs, l’élaboration de ce texte s’est heurtée à des demandes divergentes d’acteurs de terrain. Un travail réalisé avec la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a établi deux critères d’identification, partagés avec les agences régionales de santé (ARS), permettant d’apprécier la densité de l’implantation des officines ainsi que la difficulté d’accès à une officine.
De plus, il a été proposé un processus d’identification des territoires fragiles en deux étapes : la première consiste à déterminer les parts de la population régionale concernées par ces critères ; la seconde à fixer au sein de ces parts une liste des territoires identifiés comme fragiles. Néanmoins, plusieurs ARS nous ont signalé un risque de rigidité de cette seconde étape et, parallèlement, les représentants de la profession se sont exprimés défavorablement sur cette première version.
La méthodologie de détermination des territoires a donc été retravaillée pour tenir compte de ces différentes observations. Le Gouvernement veillera à ce que cet outil puisse être rapidement mobilisé afin que les territoires fragiles et isolés en bénéficient.
Je vous sais particulièrement attentive, madame la sénatrice, au sort de ces communes – je pense, notamment, à Saint-Quentin-de-Baron, dans votre département –, aux côtés desquelles vous n’avez cessé de vous investir.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet de l’artificialisation des sols est explosif dans notre assemblée, mais il n’en reste pas moins nécessaire de le traiter pour notre environnement, pour la biodiversité et, plus largement, pour notre société.
S’il y a consensus sur l’objectif, reste néanmoins la question de la mise en œuvre du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Traduite concrètement par la fixation de l’objectif en 2050 dans le cadre de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, la mise en œuvre du ZAN a été complétée sur l’initiative du Sénat par la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.
Face aux multiples inquiétudes, l’objectif de ce texte était de préciser les dispositions initiales afin de renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre du ZAN sur le terrain, une mise en œuvre qui implique de repenser notre modèle d’aménagement territorial reposant sur une approche coopérative et coordonnée entre collectivités.
Afin de mieux concilier logique de sobriété foncière et soutien au développement des espaces dans le but de réduire les inégalités territoriales, l’État doit être au rendez-vous de l’accompagnement des élus locaux pour éviter les fractures et les crispations paralysantes. Il doit également continuer de leur donner la visibilité nécessaire afin de mieux anticiper leurs projets économiques.
Madame la ministre, si le Gouvernement a publié trois décrets d’application, le 27 novembre 2023, pour tenir compte des dernières évolutions législatives, quelles suites réglementaires envisage-t-il sur la question du ZAN, notamment pour ce qui concerne le calendrier ?
Au-delà du fait que la commission régionale de conciliation puisse associer d’autres acteurs que les représentants de la région ou de l’État à titre consultatif, que peut-on envisager de plus pour faciliter demain la coordination entre acteurs économiques et élus locaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Buis, vous m’interrogez sur les mesures que nous avons prises pour répondre aux inquiétudes des élus locaux au sujet du ZAN. Nombre d’entre eux se posent en effet des questions, j’en ai moi-même rencontré beaucoup qui s’interrogent à ce sujet…
Je salue le travail mené au Sénat autour de Valérie Létard et du rapporteur Jean-Baptiste Blanc, qui a permis la promulgation de la loi du 20 juillet 2023, avec le soutien du Gouvernement.
Nous avons publié dès le mois de novembre dernier trois décrets d’application importants pour répondre aux demandes des élus.
Le premier concerne la définition des seuils de référence permettant la qualification des surfaces artificialisées ou non artificialisées, et réglant ainsi le sort des pistes cyclables, des infrastructures d’énergie renouvelable ou encore des jardins publics. Les modalités de révision des documents d’urbanisme ont été précisées, prenant notamment en compte les spécificités de chaque territoire, à l’image de la problématique du trait de côte pour les territoires littoraux.
L’introduction dans les documents d’urbanisme d’un critère de territorialisation pour le maintien et le développement des activités agricoles, souhaité par les sénateurs Anglars et Delcros, a été saluée dans les territoires ruraux.
Enfin, vous avez évoqué la question de la composition des commissions régionales et de conciliation, qui a été précisée à la demande du Sénat ; c’est le troisième point évoqué. Ces commissions se réunissent d’ores et déjà afin de trouver des accords dans chaque territoire, vous le savez certainement.
Ces différents décrets ont donc permis d’apporter des réponses concrètes et opérationnelles à nos élus locaux. Ils étaient attendus pour relever le défi du ZAN – dont nous partageons l’objectif –, qui est une problématique centrale pour de nombreuses politiques publiques, à l’image de la réindustrialisation des territoires ou de la relance de l’offre de logements.
Nous sommes conscients qu’il reste beaucoup à faire. Le Gouvernement se tient à la disposition du Sénat pour continuer d’avancer sur ce sujet majeur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. Madame la ministre, la procédure accélérée déclenchée par le Gouvernement sur les textes est quasiment devenue la norme. Pourtant, force est de constater que les mises en œuvre et les textes d’application ne suivent pas, comme si ce que nous défendons ici n’était pas le reflet d’attentes fortes méritant une réponse au moins aussi rapide que la procédure que l’on nous impose…
Ainsi, en matière de protection de l’enfance, au cours du débat sur l’application des lois de l’an dernier, Mme Deroche, alors présidente de la commission des affaires sociales, déplorait qu’à peine 37 % des mesures d’application de la loi, dite Taquet, du 7 février 2022 relative à la protection des enfants aient été prises. Notre commission a ensuite produit un rapport sur ce texte et le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a saisi le Conseil économique, social et environnemental (Cese) de ce point. Nous nous interrogeons en effet : comment cette loi est-elle appliquée ? Car, une fois les décrets d’application publiés, encore faut-il pouvoir les déployer dans les territoires, afin qu’ils soient véritablement mis en œuvre au profit des enfants protégés.
Aujourd’hui encore, tous les textes réglementaires ne sont pas publiés. Le Gouvernement s’était engagé avant l’été 2023 à ce que 74 % d’entre eux le soient, mais cela n’a pas été le cas.
La procédure accélérée a été aussi au cœur de l’examen d’un autre texte, lors de la session parlementaire 2022-2023. Je veux parler, évidemment, du texte relatif à la réforme des retraites. Le Gouvernement a été beaucoup plus prompt à appliquer l’article 1er, donc à supprimer par exemple les régimes spéciaux, qu’à appliquer l’article 24 visant à instaurer une bonification pour les sapeurs-pompiers volontaires. Madame la ministre, combien faudra-t-il encore de questions écrites, de questions orales et d’interpellations émanant de toutes les travées de cet hémicycle pour qu’enfin le décret d’application soit pris au profit des sapeurs-pompiers volontaires de nos territoires ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur l’application de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants. Je connais l’engagement de votre groupe sur ce sujet, comme en témoigne la saisine récente du Cese.
Au printemps 2023, la secrétaire d’État chargée de l’enfance, Charlotte Caubel, s’était engagée à publier 75 % des décrets d’application dans les meilleurs délais. Cet engagement a été respecté puisque le taux d’application actuel de la loi est de 78 %, avec dix-huit mesures prises sur vingt-trois.
L’un des derniers décrets restant à publier est prévu à l’article 30. Il doit fixer le délai d’opposabilité du retrait d’agrément et les modalités d’échanges d’informations entre les départements par l’intermédiaire du groupement d’intérêt public (GIP) France enfance protégée (FEP). Il nécessite préalablement la mise en place d’une base nationale sur les agréments, qui doit être encore constituée par ce GIP.
Afin de finaliser ce texte, la saisine pour avis du Conseil national de la protection de l’enfance devrait intervenir avant le 31 mai, donc d’ici à quelques jours, et être suivie de la publication du décret, après consultation de la Cnil.
Par ailleurs, pour ce qui est de la mise en œuvre de l’article 32, sur les services de la protection maternelle et infantile (PMI), le Gouvernement fait le choix d’attendre les travaux préparatoires aux assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, et leurs conclusions. La feuille de route 2024-2030, présentée le 24 mai dernier, a permis au Gouvernement de réaffirmer le rôle et de renforcer les moyens des services de la PMI. Un projet de décret en ce sens est en cours de préparation, avec un objectif de publication fixé au dernier trimestre de cette année.
Le deuxième aspect de votre question concernait le décret d’application de l’article 24 de la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 détaillant les conditions et limites selon lesquelles les années de service en qualité de sapeurs-pompiers volontaires sont prises en compte pour le calcul des pensions de retraite. Comme l’a indiqué Gérald Darmanin lors de la séance des questions d’actualité au Gouvernement devant l’Assemblée nationale le 5 mars 2024, il n’y a pas de décret au rabais. La loi de la République sera appliquée. Des discussions interministérielles sur ce projet de décret sont en cours entre le ministère de l’intérieur et le ministère du travail et de la santé, pour une adoption dans les meilleurs délais.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.
Mme Marion Canalès. Certes, la plupart des décrets d’application de la loi Taquet ont été pris, mais il s’agissait des plus « faciles », si j’ose dire. En tout état de cause, il aura fallu beaucoup de drames pour que ces décrets soient publiés ; je pense à la publication à la hâte, un soir, après de nombreuses questions d’actualité pour interpeller le Gouvernement, d’un décret pour interdire les placements de mineurs à l’hôtel.
Évidemment, la mise en œuvre de la loi avance, mais ce texte a été adopté il y a plus de deux ans et demi : pendant ce temps, les enfants protégés attendent toujours…
Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Jourda.
Mme Muriel Jourda. Madame la ministre, nous avons adopté, il y a quelque temps, un texte relatif au contrôle de l’immigration et à l’amélioration de l’intégration.
Si ce texte a été très largement dépecé par le Conseil constitutionnel à la demande du précédent gouvernement, il en reste quand même quelque chose. Si j’en crois le site extrêmement sérieux Légifrance, un certain nombre de décrets seraient encore attendus, dont au moins une dizaine doivent être publiés en avril et en mai. Le mois d’avril est écoulé et le mois de mai est en passe de l’être : où en sommes-nous dans la publication de ces décrets ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur l’application de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, dont le sénateur Philippe Bonnecarrère et vous étiez corapporteurs.
La loi ayant été adoptée le 26 janvier 2024, le délai de six mois pour prendre les textes d’application n’est pas encore échu. Je peux toutefois vous indiquer que la loi comporte vingt-trois mesures d’application, trois mesures éventuelles et quatre mesures différées.
Les arrêtés d’application relatifs à des points importants pour votre assemblée ont été publiés très rapidement. Ils précisent les modalités de l’expérimentation sur l’instruction « à 360 degrés », insérée sur votre initiative, mais également la liste des départements soumis à une pression migratoire particulière dans lesquelles l’obligation prévue à l’article L. 812-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile peut s’appliquer.
Les travaux d’élaboration des décrets d’application sont en cours, notamment les principaux textes que vous évoquez. Ils devraient être publiés d’ici à la fin de l’été.
Un travail considérable a d’ores et déjà été réalisé sur les décrets relatifs aux contrats d’engagement et au respect des principes de la République ; le Gouvernement connaît l’attachement du Sénat à ces dispositions.
Quant aux décrets relatifs aux amendes administratives, à l’expiration de la peine d’interdiction du territoire français, à l’assignation à résidence ou au placement en rétention, mais également au délai de signature de l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) à l’encontre d’une personne déboutée du droit d’asile, ils sont en cours de rédaction et devraient être publiés sous peu. Le décret sur les chambres territoriales de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) devrait également être publié d’ici au mois de juillet prochain.
Nous avons pleinement conscience des attentes du Parlement et de nos concitoyens sur ces questions. Le Gouvernement est pleinement mobilisé afin de donner rapidement une portée concrète aux réformes portées par la loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour la réplique.
Mme Muriel Jourda. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Je n’ignore pas que le délai de six mois n’est pas encore écoulé, mais je me fiais au terme que le Gouvernement s’était lui-même fixé pour publier ces décrets d’application. Je prends bonne note de l’état d’avancement de ces derniers.
Je l’ai souligné, il ne reste plus, dans ce texte, grand-chose qui ressemble à une politique migratoire, mais le peu qu’il en reste, de grâce, hâtons-nous de l’appliquer !
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeric Durox.
M. Aymeric Durox. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis pour un débat légitime. S’il appartient au Parlement de voter la loi et de contrôler l’action du Gouvernement, il lui revient également de se pencher sur la réalité de l’application des normes que nous adoptons.
Notre pays se distingue par une production normative importante, d’aucuns diraient « gigantesque ». S’il nous faut sans cesse adapter la loi à des réalités changeantes et mouvantes, cette inflation, loin de permettre une adaptation législative rapide et souple, dégrade sans cesse la compétitivité de nos entreprises et abîme le lien normalement automatique entre le vote d’une loi et son application effective dans la réalité concrète de la vie de nos compatriotes.
Sur ce sujet comme sur d’autres, le Gouvernement, sous ses atours de représentant du « nouveau monde », a perpétué les pires travers de l’ancien. Les chiffres sont éloquents : le stock de lois, en nombre de mots, a progressé de 98 % depuis 2002, pour atteindre un total de 45 millions de mots !
Si l’on apprenait jadis à l’école républicaine que « nul n’est censé ignorer la loi », ce beau précepte est aujourd’hui devenu un mirage, tant l’inflation normative a profondément dégradé la qualité et l’effectivité de nos textes.
Nos collectivités territoriales en sont le malheureux exemple : il n’est plus un projet, plus une décision qui ne termine dans les rets d’une argutie juridique devenue au fil du temps plus bloquante que protectrice.
Ce problème est au cœur du débat qui nous occupe : comment appliquer pleinement la loi quand les textes sont sans cesse plus nombreux et plus complexes ? L’ajout du droit européen, loin d’harmoniser nos normes à l’échelle du continent, a encore dégradé notre compétitivité normative. Les agriculteurs, qui criaient leur colère dans nos rues il n’y a pas si longtemps, pourraient en témoigner. La surtransposition des normes, fierté française ou du moins fierté du macronisme, étrangle davantage nos entreprises, sans permettre une régulation commune ou une concurrence plus loyale.
Madame la ministre, ma question est simple : comment mieux appliquer la loi sans en créer sans cesse de nouvelles ?