compte rendu intégral

Présidence de M. Dominique Théophile

vice-président

Secrétaire :

Mme Marie-Pierre Richer.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Antoine.

Mme Jocelyne Antoine. Lors du scrutin n° 204 sur l’ensemble de la proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, Mme Évelyne Perrot souhaitait s’abstenir, tandis que M. Patrick Chauvet, Mme Nathalie Goulet, Mme Denise Saint-Pé et moi-même ne souhaitions pas prendre part au vote.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Lors du scrutin n° 205 sur l’article 1er constituant l’ensemble de la proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d’assistant familial, M. Clément Pernot souhaitait voter pour.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles figureront dans l’analyse politique du scrutin.

3

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées
Discussion générale (suite)

Substances per- et polyfluoroalkylées

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (proposition n° 514, texte de la commission n° 620, rapport n° 619).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées
Article 1er

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet qui nous occupe ce matin est particulièrement complexe. Il couvre en effet des produits extrêmement divers, dont le nombre est estimé entre 5 000 et 12 000 selon les sources.

Ces produits se caractérisent tous par une liaison carbone-fluor, laquelle compte parmi les liaisons chimiques les plus fortes, ce qui donne à ces composés des propriétés de résistance remarquables, qui les rendent particulièrement adaptés à de nombreuses applications, notamment pour résister aux températures, aux frictions ou au feu.

C’est la raison pour laquelle ces composés sont utilisés pour fabriquer des objets très divers comme les tenues ignifugées protégeant les pompiers et les ouvriers du bâtiment ou les mousses destinées à éteindre les incendies. Ils servent également à protéger les réservoirs d’avion ou encore à fabriquer les membranes de batteries électriques et celles des électrolyseurs d’hydrogène.

Leur grande résistance explique aussi que ces composés se dégradent très peu ; ils sont donc très persistants dans l’environnement, d’où l’usage de l’expression « polluants éternels » pour les décrire.

Je tiens aujourd’hui à commencer mon propos de la même manière que mon collègue Roland Lescure,…

M. Christophe Béchu, ministre. … ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, lorsqu’il a défendu ce texte à l’Assemblée nationale : le texte sur lequel nous allons débattre aujourd’hui n’oppose pas ceux qui sont pour les produits dangereux pour la santé publique et ceux qui sont contre.

Nous sommes tous favorables à la préservation de l’environnement et à la protection de nos écosystèmes, plus particulièrement pour nos milieux aquatiques, qui sont très sensibles, qui remplissent des fonctions essentielles et qui sont irremplaçables.

Je suis convaincu, comme nombre d’entre vous, que l’industrie, plus particulièrement l’industrie française, fait partie des solutions aux défis environnementaux auxquels nous devons faire face. Nous devons réindustrialiser notre pays ; l’hypocrisie écologique qui aboutirait à fermer des usines en France pour continuer à s’approvisionner avec des produits provenant du bout du monde n’est bonne ni pour la planète ni pour la création d’activités dans notre pays.

Contre les produits dangereux pour la santé publique, pour la protection de l’environnement, pour une industrie française nous permettant de mettre en œuvre une écologie concrète : ces grands principes doivent nous guider et nous rassembler à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi.

Je veux saluer cette initiative, tout en rappelant que ce sujet a déjà été travaillé par le Gouvernement.

Ainsi, l’objectif de réduction des rejets de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) a été annoncé dès 1998, avec l’établissement d’une valeur limite de concentration de 25 microgrammes par litre dans les eaux rejetées en milieu naturel.

Force est de reconnaître que, entre 1998 et il y a quelques années, l’actualité concernant les PFAS n’a guère été débordante… Je suis donc heureux de vous rendre compte de mon action en la matière depuis deux ans.

L’objectif fixé en 1998 a ainsi été complété par l’ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, qui généralise la réalisation d’un diagnostic PFAS.

J’ai également lancé, en janvier 2023, le premier plan d’action ministériel global pour mieux connaître ces substances dans l’environnement, les quantifier et les mesurer et pour mettre en place des actions de réduction à la source chez les principaux émetteurs. Ce plan d’action s’insère dans les travaux européens qui visent à interdire l’usage de ces substances.

Dans ce contexte et pour la première fois, une vaste campagne de mesure des PFAS a été lancée dans 5 000 installations classées pour la protection de l’environnement, afin de déterminer les concentrations présentes dans les rejets liquides de ces installations.

Ces mesures, effectuées par les industriels dans le cadre d’un arrêté préparé par la direction générale de la prévention des risques (DGPR), permettront de dresser un diagnostic des contaminations. Je me suis engagé à faire la pleine transparence sur le bilan de cette campagne, et les premiers résultats ont déjà été mis en ligne sur les sites des différentes directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).

Les agences régionales de santé ont également commencé à réaliser des campagnes exploratoires de mesures de concentration dans les captages d’eau potable.

Ce premier plan piloté par mon ministère a été complété, en juillet 2023, par une mission confiée au député Cyrille Isaac-Sibille, qui est également médecin. L’objectif était de réaliser un diagnostic de la situation des PFAS en France, accompagné de recommandations. Le député m’a remis son rapport au début du mois de février et ses recommandations ont été prises en compte lors de l’élaboration du plan interministériel d’action que j’ai présenté le 4 avril dernier.

Ce plan interministériel rassemble l’ensemble des actions engagées par plusieurs ministères : transition écologique et cohésion des territoires ; travail, santé et solidarités ; intérieur et outre-mer ; agriculture et souveraineté alimentaire ; armées ; enseignement supérieur et recherche. Il permettra de coordonner toutes les administrations pour étendre la campagne de mesures, réduire les rejets le plus vite possible et dépolluer l’environnement, au travers de 26 actions qui seront chacune confiées à une administration pilote.

Il s’articule autour de cinq axes : acquérir des connaissances sur les méthodes de mesure ; améliorer et renforcer la surveillance ; réduire les risques liés à l’exposition aux PFAS, en restreignant largement la présence de ces substances dans les produits ; innover en associant les acteurs économiques ; informer pour mieux agir.

Par ailleurs, la France fait partie des six pays qui, depuis la fin de l’année 2023, réclament au plan européen de durcir la réglementation applicable aux PFAS, en s’appuyant sur le règlement communautaire concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances, ou règlement Reach.

J’ai ainsi eu l’occasion d’apporter le soutien de la France à l’Allemagne, aux Pays-Bas, à la Suède, au Danemark et à la Norvège, soit les États qui se mobilisent aujourd’hui sur ce sujet, sans que celui-ci reçoive à ce stade la même attention de la part de nos autres partenaires.

Sans attendre la finalisation de cette disposition, la France a également soutenu la restriction des PFAS dans les emballages alimentaires dans le cadre de la révision du règlement européen sur les emballages.

Nous voilà réunis ce matin pour examiner un texte qui prévoit des avancées sur ces sujets. Le Gouvernement donnera évidemment un avis sur chacun des amendements proposés ; bienveillant quant à cette initiative, il émet toutefois des réserves sur son contenu pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui privilégie une approche par usage et non par produit, ce qui est totalement orthogonal aux interdictions prises jusqu’à présent à l’échelle européenne et à une démarche scientifique.

Je rappelle que, en nous appuyant sur des éléments scientifiques, nous avons déjà interdit des substances, non des usages, je le redis : l’acide perfluorooctanesulfonique (PFOS) depuis 2009, l’acide perfluorooctanoïque (PFOA) depuis juillet 2020 et l’acide perfluorohexanesulfonique (PFHxS) depuis juin 2022.

J’y insiste, en proposant de s’occuper des usages, plutôt que de la composition des produits, nous nous éloignons de l’approche européenne.

Ensuite, le texte privilégie une approche nationale plutôt qu’une approche européenne, alors même que l’Europe bénéficie, avec le règlement Reach, du cadre le plus protecteur au monde en ce qui concerne les produits chimiques. C’est un cadre scientifique, rigoureux et coordonné entre tous les États membres, qui s’appuie sur les travaux de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa, selon l’acronyme anglais) et des experts des vingt-sept États membres. Nous orienter vers vingt-sept réglementations différentes serait aller vers une application défaillante.

Que la France fasse passer des messages et examine dans quel domaine, là où il y a des consensus, on peut avancer, c’est une chose. Mais nous devons d’abord nous efforcer, si nous voulons être crédibles et avancer sur ces sujets, de construire un cadre européen.

Mesdames, messieurs les sénateurs, place au débat ! Ma conviction la plus absolue, c’est que nous avons besoin de toutes les échelles : un échelon territorial pour les mesures et le contrôle des rejets : un échelon national pour le renforcement de la surveillance, l’innovation et la recherche ; enfin, un échelon européen pour déterminer des interdictions ou des restrictions de mise sur le marché de substances.

Pour faire tout cela, nous avons besoin de disposer d’un cadre scientifique robuste et cohérent à l’échelle européenne et de prendre des décisions qui soient à la fois étayées et annoncées suffisamment tôt pour accompagner nos industriels. Nous devons en effet réussir, dans le même temps, la lutte contre la pollution et la réindustrialisation de notre continent.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Pillefer, rapporteur de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lundi dernier, un rapport du réseau PAN Europe pointait la « contamination généralisée » des cours d’eau en Europe par le TFA, un PFAS aujourd’hui non réglementé et non contrôlé au titre du droit national et européen.

L’échantillon prélevé au pied de Notre-Dame de Paris présentait une concentration près de six fois supérieure au seuil maximal prévu par la directive européenne pour l’ensemble des PFAS !

Cette actualité nous rappelle malheureusement que la pollution causée par ces molécules constitue pour l’heure un immense iceberg, dont la taille et la dangerosité sont probablement sous-estimées.

Elle nous invite également à aborder la problématique avec beaucoup de modestie, mais également avec de la confiance dans les constats scientifiques bien établis sur lesquels j’ai largement appuyé mes travaux.

Premier constat, les milliers de substances regroupées sous le nom de PFAS constituent une famille cohérente au regard de leurs propriétés. Leur forte mobilité, leur importante volatilité et leur très grande persistance conduisent à une présence significative de ces molécules dans l’environnement.

Deuxième constat, les PFAS s’accumulent dans les êtres vivants, notamment dans les organismes humains principalement contaminés par l’eau potable ou les aliments pollués. La demi-vie des PFAS dans le corps, soit le temps nécessaire pour que la moitié de la substance soit dégradée, peut varier de plusieurs jours à plusieurs années. On estime ainsi que 40 % de la population française est contaminée par sept PFAS et 100 % par deux de ces substances.

Troisième constat, de nombreuses pathologies sont associées à certains PFAS avec un niveau de certitude élevé – taux élevé de cholestérol, cancer du rein, baisse de la réponse du système immunitaire à la vaccination ou encore diminution du poids des nouveau-nés.

La liste des impacts probables ou suspectés s’enrichit continuellement à la suite de travaux scientifiques. Néanmoins, le degré de nocivité d’un grand nombre de PFAS et les effets cumulatifs associés à l’exposition à plusieurs substances ne sont pas encore pleinement documentés.

Pour autant, les études scientifiques les plus récentes invitent à considérer tous les PFAS comme une classe chimique unique, même en l’absence de résultats sanitaires précis sur l’ensemble des substances, compte tenu de leur extrême persistance.

Face à cette contamination massive, notre commission porte un message clair : endiguer la production et l’utilisation des PFAS en amont doit être la priorité absolue. Il faut fermer le robinet ! En outre, nous estimons que seule une démarche conduite de façon concertée à l’échelle de l’Union européenne permettra la régulation efficace et le contrôle du recours à ces substances. Je le dis en européiste convaincu.

Aussi, nous soutenons la proposition de cinq pays européens visant à engager une démarche de restriction communautaire de l’ensemble des PFAS, actuellement instruite par l’Agence européenne des produits chimiques.

Compte tenu du principe de libre circulation des marchandises au sein du marché intérieur, les tentatives visant à interdire l’utilisation de PFAS à l’échelle d’un pays seraient inévitablement contournées et extrêmement difficiles à contrôler.

En tout état de cause, elles pourraient même se traduire par un affaiblissement de l’appareil industriel national, qui se verrait fragilisé, notamment, par des risques de délocalisation de certaines productions, ainsi que par un accroissement des importations de produits fabriqués à l’étranger et contenant, eux, des PFAS.

C’est pourquoi notre commission a supprimé l’article 1er bis A, qui tendait à interdire de façon générale et sans mesure transitoire l’utilisation de PFAS sur le territoire français et qui aurait très probablement été retoqué par la Commission européenne.

Pour autant, au regard du calendrier prévisionnel qui résulte des discussions sur la proposition européenne de restriction, nous avons estimé légitime d’enrichir, dès à présent, notre législation par des mesures de restriction à l’échelle nationale, dès lors qu’elles sont circonstanciées.

Nous avons estimé opportun d’interdire rapidement les PFAS pour un certain nombre de produits – les cosmétiques et les textiles –, puisque ces produits sont directement en contact avec le public et puisque des restrictions nationales ne se traduiraient pas par une hausse des importations de produits contenant des PFAS. Nous avons aussi validé l’interdiction concernant les farts de ski, compte tenu des rejets directs qu’ils génèrent dans les milieux naturels.

Pour ce qui concerne les textiles qui ne sont pas utilisés pour l’habillement, nous avons prévu des exceptions pour les produits répondant à des utilisations essentielles ou pour les produits nécessaires à l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution.

Par ailleurs, afin de garantir la bonne mise en œuvre de ces restrictions, conformément à la logique prévalant actuellement dans les réglementations sur les substances chimiques, nous avons précisé que l’interdiction ne s’appliquerait pas aux produits contenant des traces résiduelles de PFAS.

En outre, nous avons précisé que le régime de contrôle et de sanctions administratives serait identique à celui qui a été mis en place au titre du règlement Reach.

Enfin, approuvant la trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de PFAS par les installations industrielles à l’article 1er bis, nous avons souhaité renvoyer à un décret la détermination de la liste des substances concernées pour tenir compte de l’évolution de la capacité d’analyse des laboratoires.

Si restreindre l’utilisation de PFAS en amont doit constituer une priorité, il demeure néanmoins indispensable d’être en mesure de surveiller la présence de PFAS dans les milieux naturels, notamment dans l’eau en aval.

C’est pourquoi la commission s’est montrée favorable à ce que le contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables inclue le contrôle de la présence de PFAS, ainsi que le prévoit l’article 1er de la proposition de loi.

Dans un souci d’applicabilité du dispositif, elle a veillé à préciser que les substances concernées par ce contrôle seraient énumérées par décret, sans pour autant exclure le contrôle d’autres PFAS techniquement quantifiables, lorsque c’est justifié au regard des circonstances locales. L’exemple du TFA, que je citais en introduction, valide cette approche équilibrée.

En outre, nous avons accueilli favorablement la mise à disposition d’une carte publique permettant d’identifier les sites émettant ou ayant pu émettre des PFAS, en prévoyant, en commission, son enrichissement avec des mesures quantitatives des émissions dans les milieux.

Nous avons toutefois jugé peu opportune, au regard des difficultés de mise en œuvre, la publication d’une liste des communes exposées à un danger. Nous avons donc supprimé cette disposition.

Enfin, nous avons validé la redevance prévue à l’article 2 de la proposition de loi, considérant que le stock historique devra être dépollué et que des financements devront être identifiés à cette fin, même s’il est certain que le retrait des PFAS des milieux naturels se révèle économiquement plus coûteux que la prévention de leur rejet dans l’environnement.

Nous avons donc renforcé l’applicabilité de cette redevance, en veillant à ce qu’elle ne s’applique qu’aux rejets nets des exploitants et en prévoyant l’établissement de la liste des substances concernées par décret.

Nous savons toutefois que le produit de cette redevance ne suffira pas à faire face aux besoins. C’est pourquoi notre commission a prévu la mise en place d’un plan d’action pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine gérées par les collectivités territoriales.

En conclusion, mes chers collègues, notre commission, dans sa très grande majorité, vous invite à voter ce texte.

Tout d’abord, parce que cette proposition de loi apporte de premières réponses proportionnées à la problématique qui nous réunit aujourd’hui.

Ensuite, et surtout, parce que nous avons aujourd’hui l’occasion, à quelques jours des élections, d’adresser un signal fort aux instances européennes, qui disposent des outils les plus efficaces pour protéger la santé des citoyens du continent face aux PFAS. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les PFAS sont dans les eaux, dans notre alimentation, dans l’air que nous respirons. Tout comme l’ensemble du vivant, nous y sommes tous exposés, en tout lieu et en tout temps. Ce n’est pas un hasard s’ils sont appelés polluants éternels, leur caractéristique principale étant d’être persistants et stables.

Tous, dans cet hémicycle, nous sommes concernés, d’une part, parce que c’est une question de santé publique, d’autre part, parce que, dans la majorité des cas, les pollutions et les situations de dépollution sont à la charge des collectivités – nous en savons quelque chose.

Néanmoins, en ayant dit cela, on n’a pas beaucoup avancé, car le sujet est complexe et présente de multiples aspects. Ainsi, des filières industrielles et des emplois français dépendent de ces PFAS et en ont besoin. Nombre de filières travaillent à une utilisation moins importante ou à des solutions de substitution, mais nous devons les accompagner et trouver des équilibres menant vers une transition.

Je tiens à saluer le travail de très grande qualité mené au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable – l’une des meilleures commissions du Sénat, je ne serai pas contredit sur ce point aujourd’hui ! (Sourires.)

Avant d’évoquer le cœur des dispositions proposées dans ce texte, je veux rappeler que l’on ne peut parler des PFAS sans évoquer l’Europe, puisqu’une proposition d’interdiction totale est en cours d’examen par la Commission européenne. Bien entendu, rien ne se fera avant 2027 ou 2028 : certains diront que c’est trop tard ; d’autres, dont je fais partie, estimeront qu’il est indispensable de disposer d’un cadre européen avec des interdictions définies, d’éventuelles dérogations, des classifications et des précisions sur les solutions de substitution.

En tant que parlementaire, j’aimerais que nous soyons prêts, le moment venu, à faire entendre notre voix et nos positions pour faire avancer ce processus. Les parlements nationaux doivent jouer un rôle important en matière de subsidiarité.

À titre personnel, je ne suis pas favorable à la prétransposition que certains l’appellent de leurs vœux. Nous avons connu des expériences plutôt malheureuses en la matière – nul besoin de donner des exemples. Je crois que ce n’est pas le chemin à suivre.

En ce qui concerne la proposition de loi soumise à notre examen, j’évoquerai trois points.

Premièrement, à l’article 1er, les modifications adoptées en commission, en particulier les précisions sur les interdictions comme les modalités de contrôle et les sanctions, ont été utiles. Je pense aussi que la suppression de la liste des communes éventuellement touchées par des PFAS est une bonne chose, parce qu’une telle liste aurait des effets contre-productifs et plutôt dévastateurs pour les collectivités.

Deuxièmement, je me félicite aussi que l’article demandant l’activation de la clause de sauvegarde prévue dans le règlement Reach ait été supprimé – j’avais déposé un amendement dont les dispositions allaient dans ce sens. Adopter des mesures provisoires, afin de protéger la santé humaine et l’environnement, est nécessaire, mais, dans le cas d’espèce, soyons prudents.

Troisièmement, et enfin, s’agissant de l’article 2 et de l’assujettissement à la taxe qui y est prévue, la précision qui assoit la redevance sur les rejets en raison des activités me semble tout à fait pertinente.

Mes chers collègues, le sujet des PFAS mérite toute notre attention et un traitement des plus efficaces. C’est dans ce sens que l’action du groupe Les Indépendants s’inscrit, et c’est pour cette raison que les évolutions du texte au cours de nos échanges décideront de notre vote. Nous sommes pour encadrer, mais sans condamner ni les industries ni les emplois français qui dépendent des PFAS. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Antoine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Antoine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite avant tout saluer le travail et l’investissement de notre collègue rapporteur Bernard Pillefer, qui s’est saisi de ce sujet avec engagement et détermination, dans des délais très contraints.

Nous sommes réunis ce matin pour traiter d’un sujet grave et extrêmement complexe. Est-il encore besoin de développer les dangers des substances per- et polyfluoroalkylées que nous regroupons sous le terme générique de PFAS, ces polluants éternels ?

M. le ministre a pris le temps de nous énumérer les propriétés et les usages de ces molécules. Je n’y reviendrai pas plus longuement.

Les études récentes montrent que tous les milieux et de nombreux êtres vivants sont contaminés par les PFAS, alors que les investigations menées pour les détecter n’en sont qu’aux prémices.

L’endiguement de leur production et de leur utilisation dans les procédés industriels doit par conséquent être notre priorité absolue.

Aussi, je souhaite sincèrement que nos débats dépassent les clivages partisans. Il est de notre responsabilité de surmonter nos divergences pour voter un texte qui revêt une importance cruciale pour les Français.

La définition du développement durable est claire : il s’agit d’intégrer, dans une perspective de long terme, les contraintes environnementales et sociales à l’économie. Nous nous devons donc de sortir de l’opposition binaire entre écologie et économie.

La protection de notre environnement ne peut se traduire par l’abandon de l’industrie française ; or réguler les PFAS au seul échelon national, c’est prendre le risque, en application du principe de libre circulation des marchandises, d’un accroissement des importations de produits fabriqués à l’étranger et contenant eux-mêmes des PFAS.

C’est aussi prendre le risque de voir nos productions être délocalisées pour contourner l’interdiction française, ce qui entraînerait la suppression de centaines de milliers d’emplois sur notre territoire.

Pour cette raison, nous sommes convaincus, comme le rapporteur, que seule une action concertée à l’échelle européenne permettra une régulation efficace de l’ensemble des PFAS. C’est tout le sens de la démarche de restriction communautaire soutenue par la France et actuellement soumise à la consultation de l’Agence européenne des produits chimiques.

Pour autant, et dans l’attente de cette réglementation européenne, la France se doit d’envoyer un message fort à l’Europe pour lui montrer l’exemple et la pousser à aller le plus loin possible. En légiférant sur ce sujet, nous avons une nouvelle fois l’occasion de nous placer en pionniers au sein de l’Union.

Il est ainsi de notre responsabilité de prendre, dès aujourd’hui, des mesures de restriction nationale circonstanciées.

C’est pourquoi nous soutenons l’interdiction, d’ici à 2030, des produits contenant des PFAS dans les secteurs des cosmétiques et des textiles, pour lesquels ces restrictions ne se traduiraient pas par une hausse des importations.

Nous soutenons également l’interdiction rapide des PFAS dans les farts de ski, dont les rejets touchent directement nos milieux naturels. Sur ce point, la commission a prévu des exceptions opportunes.

Surtout, nous saluons l’établissement par M. le rapporteur Pillefer d’un régime de contrôle et de sanctions administratives, sans lequel cette interdiction ne pourrait être pleinement appliquée.

En effet, nous ne pouvons nous satisfaire d’une restriction de l’utilisation des PFAS en amont sans un contrôle de leur présence dans les milieux naturels en aval.

À cet égard, nous accueillons favorablement la recherche de la présence des PFAS lors du contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables, ainsi que la mise en place d’une cartographie des mesures quantitatives des émissions de ces substances dans les milieux naturels.

Par ailleurs, la création d’une redevance assise sur les rejets nets de ces composés dans l’eau nous semble tout à fait nécessaire. Celle-ci permettra de mobiliser des ressources supplémentaires au profit du traitement des eaux polluées.

Enfin, nous approuvons la demande par le rapporteur d’un plan d’action du Gouvernement pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine. Ce plan est indispensable pour répondre aux besoins de nos collectivités territoriales, qui assument la compétence de distribution d’eau. J’insiste sur les chiffres déjà annoncés par mon collègue : 40 % de notre population serait contaminée par sept PFAS et 100 % par au moins deux PFAS.

À titre d’exemple et avant de conclure, j’aimerais m’attarder un instant sur un article paru ce matin dans la presse régionale et intitulé : « Les pompiers en première ligne face aux polluants éternels. »

En contact quotidien avec les fumées et les produits chimiques, les pompiers sont parmi les professionnels les plus contaminés par ces polluants. Le 16 mai dernier, alors qu’ils manifestaient à Paris, une vingtaine d’entre eux s’étaient fait couper une mèche de cheveux afin de les faire analyser. Les résultats sont édifiants : les PFAS ont été détectés dans des proportions significatives chez tous les sapeurs-pompiers qui ont participé à l’expérience – deux d’entre eux cumulaient jusqu’à cinq polluants et le dernier, six !

Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, telle qu’elle a été enrichie par les amendements du rapporteur Pillefer. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP, GEST et SER.)