M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte constitue une avancée que nous reconnaissons.

Durant des années, le Rassemblement national a été presque le seul parti à défendre le nucléaire comme source d’énergie décarbonée, soutenable et souveraine, garantissant à la France un secteur industriel d’excellence, et permettant d’assurer tant la croissance de l’économie française qu’une décarbonation réelle, à l’inverse d’autres modèles présentés comme vertueux. (M. Yannick Jadot sexclame.)

Comme cela a été rappelé, il faut admettre qu’en l’espace de vingt ans les gouvernements gaullistes ont impulsé la plus grande aventure industrielle et écologique que le pays ait connue. Cinquante-huit réacteurs ont été érigés dans tous les territoires, ce qui a permis à la France de se doter d’une énergie plus que compétitive, décarbonée, et à EDF de devenir l’une des plus grandes compagnies énergétiques du monde.

Malgré ce formidable atout, le nucléaire en France a souffert de décennies d’hésitations et de reculs dont les conséquences ont été analysées en 2023 par la commission d’enquête parlementaire visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France.

Jusqu’à une période très récente, le consensus des experts ayant voix au chapitre pour ce qui est des décisions prises par la France, y compris les experts de RTE, prévoyait que la consommation électrique de notre pays serait stable dans les années 2000 avant de s’orienter à la baisse. Il serait trop long d’exposer l’ensemble des raisons d’un tel fiasco ; l’explication principale tient à la croyance irrationnelle dans les vertus de la mondialisation, des contre-chocs pétroliers et de la construction européenne.

Face à la réalité, la relance – trop tardive – du nucléaire en France ne fut actée qu’à la suite du discours prononcé par le Président de la République à Belfort le 10 février 2022.

Depuis cette annonce, aucune mise à jour n’est intervenue, bien que la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat ait prévu le vote d’une loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat avant le 1er juillet 2023. Aucun nouvel objectif n’a été fixé non plus.

Or l’adoption d’une loi de programmation de l’énergie volontariste, qui garantirait une relance du nucléaire, même si elle demeure insuffisante – disons-le –, est plus que nécessaire pour donner une véritable impulsion à la politique énergétique de notre pays.

Quoi qu’il en soit, cette proposition de loi de programmation manque encore d’ambition. À l’heure où les défis de la transition écologique imposent une électrification intensive des usages tant privés que professionnels, une nouvelle page de l’histoire du nucléaire français doit s’écrire.

Bien que le texte reprenne de nombreuses dispositions que nous défendons depuis des années, nous pensons qu’il convient de soutenir une programmation plus énergique, en fixant un objectif de nouvelles capacités installées de production d’électricité d’origine nucléaire d’au moins 32 gigawatts, dont au moins vingt réacteurs de troisième génération à l’horizon 2050.

Enfin, il va de soi qu’une loi de programmation devrait exclure définitivement les énergies éoliennes – une gabegie coûteuse d’argent public ne profitant qu’à quelques acteurs intéressés et écologiquement inutile – qui se révéleront un jour être un immense scandale.

Parce que nous maintenons une grande défiance à l’égard des énergies intermittentes, et même si nous reconnaissons la bonne volonté de ses auteurs, nous nous abstiendrons sur ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Martine Berthet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 441 jours, c’est le retard pris pour la discussion d’une nouvelle loi quinquennale de l’énergie. C’est aussi le retard pris pour définir l’avenir de notre politique énergétique et l’adapter aux évolutions technologiques.

Alors que la loi Énergie-climat de 2019 exigeait la présentation d’une loi de programmation pluriannuelle de l’énergie avant juillet 2023, et malgré plusieurs promesses successives puis une ébauche de texte, les précédents gouvernements ont échoué à atteindre cet objectif, nous laissant face à un vide législatif depuis plus d’un an.

Cette absence de cadre n’a permis l’actualisation ni de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ni du plan national intégré énergie-climat (Pniec). Résultat : un flou persistant pour les entreprises, les collectivités et les citoyens, un affaiblissement de la réponse à notre sécurité énergétique et économique et à l’urgence climatique.

Madame la ministre, ce texte est crucial. Aussi, je tiens à remercier notre collègue Daniel Gremillet de nous avoir permis d’en discuter aujourd’hui : celui-ci permettra de garantir notre indépendance énergétique en assurant tout d’abord le caractère public d’une large part de notre production et de sa distribution.

La proposition de loi fixe un cadre tout en simplifiant les normes ; elle permet ainsi d’aller plus loin dans l’innovation et la décarbonation, tant dans les secteurs de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone que dans ceux des énergies renouvelables, notamment de l’énergie hydraulique. Ce cap clair sera vital pour développer le nouveau nucléaire ou le stockage du renouvelable.

Avant d’aborder l’importance que peut revêtir ce texte pour la compétitivité de notre économie, je tiens à évoquer l’article 21, qui prévoit enfin, après plus de quinze ans, une solution intéressante au contentieux qui nous oppose à l’Union européenne au sujet des concessions, arrivées à leur terme, de certains de nos barrages hydroélectriques. Il s’agit en l’espèce d’une expérimentation du régime d’autorisation d’une durée de trois ans, qui permettrait de fait l’optimisation de notre potentiel hydroélectrique par EDF, désormais plus encline à faire les investissements tant attendus.

J’en viens à présent aux attentes de nos industriels, en particulier les industries électro-intensives, hyper électro-intensives et électrosensibles. Leur survie dépend des conditions d’accès à une électricité à un prix stable et compétitif. L’accord signé entre l’État et EDF en novembre 2023 en vue de préparer l’après-Arenh devait répondre à cette exigence.

Pour autant, l’absence d’une régulation préalable, ainsi que le manque de transparence et l’insuffisante liquidité actuelle du marché de gros entravent le développement d’un marché de l’électricité efficace, dynamique et innovant.

Ainsi, les industries électro-intensives, qui ont besoin que les prix se situent entre 35 et 55 euros par mégawattheure, se trouvent aujourd’hui confrontées à des tarifs avoisinant les 80 euros. Cette situation menace leur compétitivité face à des concurrents internationaux bénéficiant de tarifs bien plus favorables.

Nous nous devons de protéger ces industries vitales pour notre économie. Aussi, le renforcement des compétences de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) que visait l’un de mes amendements, avant qu’il ne soit déclaré irrecevable en application de l’article 45 de la Constitution, aurait permis d’améliorer la transparence des marchés de gros, tout en garantissant une meilleure liquidité. Je déplore le sort réservé à cet amendement. J’espère néanmoins pouvoir insérer ces dispositions essentielles, qui répondent du reste aux recommandations de la CRE et de l’Autorité de la concurrence (ADLC), dans le projet de loi de finances pour 2025.

Nous ne pouvons plus attendre. Il est de notre responsabilité d’agir avec détermination et bon sens, cohérence et ambition, pour définir une stratégie énergétique à la hauteur des défis à venir, comme le prévoit ce texte.

Madame la ministre, mes chers collègues, il est temps de garantir à nos entreprises, à nos concitoyens et à nos collectivités territoriales une énergie fiable, décarbonée et compétitive. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui définit une programmation énergétique nationale nous permettant d’accélérer notre transition énergétique et de conforter notre souveraineté dans ce domaine.

En l’absence de texte gouvernemental, un certain désordre juridique règne dans le domaine de l’énergie, ce qui met en péril les projets d’énergies renouvelables pilotés notamment par nos territoires.

La situation actuelle ne nous permettra pas d’atteindre les objectifs climatiques européens fixés dans l’accord de Paris.

Les différentes filières concernées ont besoin d’objectifs clairs et d’une stratégie pérenne, notamment pour mobiliser leurs financements. Je pense bien sûr à la filière nucléaire, déterminante pour notre souveraineté énergétique, et dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre maintes fois au Sénat. Je pense aussi aux filières renouvelables comme l’hydroélectricité, la chaleur, le biogaz ou encore les biocarburants, si essentiels pour réussir la transition énergétique.

La proposition de loi tente de répondre à ces impératifs et semble bénéficier d’un accueil positif de la part des acteurs concernés.

Dans le temps qui m’est imparti, je souhaite me pencher sur nos objectifs en matière d’énergie nucléaire, qui sont insuffisamment pris en compte parmi les objectifs généraux mentionnés dans le code de l’énergie, et ce malgré les très nombreuses lois examinées depuis 2015.

L’article 3 du présent texte vise à faire figurer la relance du nucléaire dans le titre préliminaire du code de l’énergie, ce qui est déterminant pour notre politique énergétique nationale. Il n’est pas nécessaire de rappeler ici que le conflit russo-ukrainien a mis en lumière l’importance d’un mix énergétique majoritairement nucléaire d’ici à 2050.

L’énergie nucléaire est un véritable levier de souveraineté, compte tenu de notre capacité de production qui s’élève à environ 345 térawattheures pour l’année en cours. Il s’agit également d’un levier de transition énergétique, ses émissions ne dépassant pas 6 grammes de CO2 par kilowattheure. Cette énergie mobilise enfin une filière d’excellence, qui comprend 3 200 entreprises et représente 220 000 emplois directs et indirects dans notre pays.

Les rapporteurs l’ont rappelé, on ne doit pas opposer l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables. Il s’agit de les développer de façon complémentaire dans un seul et même but, celui de maximiser la décarbonation du système électrique, tout en augmentant notre indépendance énergétique.

Nous n’avons pas le choix pour sortir des énergies fossiles et assurer notre sécurité d’approvisionnement à l’horizon 2030.

Nos objectifs en matière d’énergies renouvelables sont plutôt bien pris en compte parmi les objectifs mentionnés par le code de l’énergie. Il est néanmoins nécessaire de les renforcer, de les chiffrer, et d’en faciliter les démarches administratives.

En effet, pour suivre ces dossiers au sein de mon conseil municipal, permettez-moi de vous dire, non sans ironie, madame la ministre, que c’est parfois – et paradoxalement ! – une « usine à gaz » que de se lancer dans des projets hydroélectriques ou bioénergétiques. Je vous invite à découvrir les projets engagés dans ma ville ; vous y serez bien accueillie, et les acteurs de terrain pourront vous fournir un certain nombre d’informations. (Mme la ministre déléguée opine.)

Je salue enfin la volonté de la commission de veiller à la soutenabilité fiscale et, par voie de conséquence, à l’acceptabilité sociale de la transition énergétique.

Car chaque choix énergétique, nous le savons, se traduit par une facture adressée aux consommateurs. Depuis plusieurs années, nos concitoyens font face à un contexte de hausse des prix difficilement soutenable, notamment pour les foyers modestes vivant dans des logements mal isolés.

Mes chers collègues, parce qu’il est urgent d’instaurer une stratégie pérenne, résiliente et soutenable dans le domaine de l’énergie, le groupe Union Centriste votera, comme l’a dit Anne-Catherine Loisier, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi était une bonne réponse politique au refus du précédent gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi fixant les objectifs de la PPE pour les cinq prochaines années.

Si le contexte a changé, la proposition de loi est restée figée au 8 juin dernier. Comment désormais ne pas y voir un projet de loi ?

Et pourtant, comme cela a été dit, ce texte ne comporte ni étude d’impact ni avis du Conseil d’État, et ne prend pas en compte les conclusions de la commission d’enquête du Sénat sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050.

Les objectifs que la proposition de loi définit, notamment celui qui consiste à atteindre des capacités installées de production d’au moins 6,5 gigawatts d’hydrogène décarboné à l’horizon 2030 et d’au moins 10 gigawatts à l’horizon 2035, sont-ils atteignables ?

Concernant la technologie de captage du dioxyde de carbone, nous devons veiller à ce que cette solution n’apparaisse pas comme le miracle nous permettant de nous dispenser des efforts nécessaires de décarbonation de notre industrie et de sobriété. D’où viennent ces objectifs de 4 mégatonnes pour 2030 et de 15 mégatonnes pour 2050 ? S’agit-il d’estimations de l’industrie ? Les technologies de captage sont-elles mûres ? Et à quel coût ?

Dans un contexte de forte hausse des prix de l’énergie, marqué par la nécessité de réduire globalement notre consommation énergétique, une tarification sociale et progressive de l’énergie résidentielle est indispensable. Une telle mesure permettrait de mettre en œuvre les modalités d’une transition écologique socialement plus juste et en conditionne le succès.

L’article 5 du texte vise à développer la production nationale de chaleur et de froid renouvelables à l’horizon 2030, de biocarburants et de biogaz, et d’énergie hydraulique. Ces objectifs sont-ils réalistes ? Les filières des biocarburants et du biogaz sont-elles prêtes et capables de satisfaire cette ambition ?

Le rapport de la mission d’information sur le développement d’une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert, que j’ai présidée et dont le rapporteur était Vincent Capo-Canellas, a mis en évidence un certain nombre d’enjeux liés à la concurrence des usages. Je pense d’abord à celui de la disponibilité des matières premières utilisées pour fabriquer ces carburants, en particulier la biomasse ; je pense ensuite à celui de leur meilleure utilisation possible au regard de leur rendement et des alternatives pour contribuer à la décarbonation de tel ou tel secteur.

Pour atteindre les objectifs de décarbonation du secteur des transports notamment, il est indispensable de raisonner plutôt en termes de bilan carbone et d’efficacité énergétique qu’en termes de technologies. Nous devons établir des priorités sans regret, c’est-à-dire privilégier les usages pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles.

Enfin, l’accélération du changement climatique constitue un enjeu majeur pour notre gestion de la ressource en eau. Comme le prévoit le code de l’énergie, cette préoccupation doit être, de manière constante et transversale, au cœur de notre politique énergétique afin de répondre à l’urgence écologique et climatique.

Aujourd’hui, notre groupe s’interroge sur ce texte et sur le calendrier de son examen, alors même que le sujet abordé est essentiel. Comment se fixer des objectifs chiffrés sans avoir établi au préalable un rapport sérieux et complet ?

Nous demandons un plan d’action à l’État, notamment via l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), afin de fixer une trajectoire claire et partagée en matière de transition énergétique et écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Fabien Gay applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sylviane Noël. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi en premier lieu de saluer les principaux auteurs de cette proposition de loi salutaire, nos collègues Daniel Gremillet, Dominique Estrosi Sassone et Bruno Retailleau, dont le texte vient combler le vide législatif laissé par l’absence de loi de programmation énergétique qu’exigeait pourtant la loi Énergie-climat de 2019.

L’objectif est clair : prévoir des mesures concrètes pour simplifier la mise en œuvre de notre politique énergétique. C’est dans ce cadre que je souhaite aborder un aspect clé pour la cohérence globale du dispositif que nous adopterons, un élément très spécifique du diagnostic de performance énergétique (DPE), qui évalue la performance énergétique des bâtiments et concerne aujourd’hui près de 30 millions de logements en France.

Le mode de calcul du DPE a déjà fait l’objet de très nombreuses controverses, mais je veux aujourd’hui concentrer mon intervention sur l’une de ses caractéristiques qui est très particulière et méconnue : l’application d’un coefficient de conversion aux logements chauffés à l’électricité.

Depuis que l’accord de Paris a placé la lutte contre le réchauffement climatique au rang des priorités, le tout électrique est mis à l’honneur dans tous nos usages de consommation, qu’il s’agisse de nos modes de déplacement, de production ou de chauffage.

Pourtant, peu le savent : le DPE pénalise lourdement les logements anciens chauffés à l’électricité, puisqu’il multiplie artificiellement par 2,3 la consommation réelle des logements affichée au compteur, tandis que, pour les autres énergies fossiles comme le gaz ou le fioul, aucune pénalité n’est appliquée, bien que celles-ci émettent d’importantes quantités de gaz à effet de serre.

La pénalité infligée aux logements chauffés à l’électricité est d’autant plus incohérente que 90 % de la production française d’électricité est d’origine nucléaire ou hydraulique et, donc, décarbonée.

Ainsi, deux logements rigoureusement identiques, qui disposent de la même isolation et des mêmes caractéristiques techniques, seront classés différemment au titre du DPE si l’un est chauffé à l’électricité et l’autre chauffé au gaz : ce dernier, qui émet 227 grammes de CO2 par kilowattheure, obtiendra une note bien plus favorable que le logement chauffé à l’électricité qui n’émet pourtant que 40 grammes de CO2 par kilowattheure. Admettez qu’il y a de quoi en perdre son latin ! (Mme la ministre acquiesce.)

Alors que nous sommes sur le point de connaître les effets concrets de la mise en œuvre de la loi Climat et Résilience, qui interdira à la location les logements classés G dès 2025 et F dès 2028, et alors que notre pays connaît une crise du logement et de l’immobilier sans précédent, ce sont potentiellement des millions de logements qui pourraient être exclus du champ locatif ou commercial, parce qu’ils sont considérés comme des passoires thermiques.

Cela représente 8,5 millions de logements à l’échelle de notre pays ! J’ai fait le calcul pour mon seul département, où plus de 50 % des habitations sont chauffées à l’électricité : ce sont près de 160 000 logements actuellement classés en E, F et G. Cela vous donne une idée de l’ampleur du séisme qui nous attend, et ce par la simple application de critères artificiels qui pénalisent et dévalorisent injustement ces logements.

J’ajoute que cette manipulation réglementaire dégrade la performance environnementale du parc de l’habitat français, ce que l’Europe ne manque pas de nous reprocher, alors que, paradoxalement, nous sommes parmi les plus vertueux.

Madame la ministre, s’agissant d’une disposition de nature réglementaire, vous seule pouvez mettre fin à ce contresens écologique. Si nous abaissions le coefficient de conversion à 1, comme je le prévois dans la proposition de loi que j’ai déposée il y a tout juste un an, nous ferions un pas décisif vers une évaluation plus juste et équitable des logements chauffés à l’électricité.

Aucune raison scientifique, technique ou climatique ne justifie ce biais grossier et injuste dont l’étrange origine et la persistance ne pourraient s’expliquer que par la volonté tenace et efficace de sauvegarder certains intérêts commerciaux. Il s’agirait d’une mesure de justice sociale, d’une disposition cohérente, qui plus est en phase avec nos ambitions climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Au vu des nombreuses questions que vous m’avez posées, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, et avant que nous n’entrions davantage dans le détail, je souhaite apporter quelques éclairages sur l’action du Gouvernement.

Comme vous l’avez noté, nous discutons aujourd’hui d’une proposition de loi, dont les procédures d’examen sont, par définition, différentes de celles qui prévalent pour un projet de loi. Sachez qu’en matière de planification énergétique, le Gouvernement dispose bel et bien d’une première copie. Cependant, pour le moment, je préfère que nous fassions avancer le débat afin de discerner d’éventuels points de convergence et de discuter d’un cadre législatif qui permettrait cette planification.

Plusieurs d’entre vous ont abordé la question du calendrier et se sont interrogés sur les prochaines étapes.

Nous souhaitons que la programmation pluriannuelle de l’énergie soit examinée rapidement, de sorte que les enjeux énergétiques soient calmement débattus. Chacun doit avoir en tête que les débats seront sans doute sereins au Sénat, mais que ce ne sera probablement pas le cas à l’Assemblée nationale.

C’est aussi la raison pour laquelle la question du dépôt d’un projet de loi, dans les circonstances politiques que vous connaissez, monsieur le sénateur Gay, se pose. Ce ne serait pas une bonne idée de présenter un projet de loi qui n’aurait d’autre intérêt pour certains que de leur permettre de sanctionner le Gouvernement, alors qu’il serait préférable de travailler dans l’intérêt des Français et d’apporter une réponse claire, notamment aux entreprises, aux différents sujets déjà évoqués. (M. Yannick Jadot opine.)

En effet, les entreprises souhaitent une stabilité des prix et davantage de visibilité. Au travers de cette planification, nous devons leur proposer des contrats, notamment en termes de production nucléaire, qui leur garantissent une forme d’indépendance.

Madame la sénatrice Noël, la question du DPE ne sera pas abordée durant ces débats, mais nous sommes tout à fait conscients du caractère pénalisant du coefficient que vous évoquez. Agnès Pannier-Runacher et moi-même travaillons d’ailleurs d’ores et déjà à une rectification du dispositif du DPE.

Enfin, à mon sens, l’énergie est d’abord une question de territoire.

Des projets sont à l’étude dans chacun de vos départements, et c’est avec plaisir que j’irai voir sur place comment les différents territoires mettent à profit leurs particularités pour produire de l’énergie – ici à l’aide d’un barrage hydroélectrique, là grâce à l’éolien marin, ailleurs encore par des centrales nucléaires.

Je vous remercie de votre implication et je me réjouis du débat qui s’ouvre.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie

TITRE Ier

ACTUALISER LA PROGRAMMATION ÉNERGÉTIQUE NATIONALE

Chapitre Ier

Fixer une programmation énergétique ambitieuse

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie
Article 1er

Avant l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 77, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 100-1 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« … Garantit une réduction des émissions de gaz à effet de serre compatible avec l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 afin de limiter l’élévation de la température à 1,5° C par rapport aux niveaux préindustriels. »

La parole est à M. Yannick Jadot.

M. Yannick Jadot. Par cet amendement, nous entendons inscrire au cœur de cette proposition de loi un objectif qui nous est commun : éviter le chaos climatique.

Il faut respecter à la fois l’esprit et la lettre de l’accord de Paris, donc l’affirmer d’emblée : nous voulons garantir un volume de réduction des émissions de gaz à effet de serre compatible avec cet accord. Dans la suite de cette discussion, nous aurons l’occasion d’en rappeler plus précisément les objectifs.

Mes chers collègues, c’est précisément l’esprit du présent texte. L’article 6 impose par exemple aux fournisseurs de carburants de réduire de 14,5 % l’intensité de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Quant à l’article 8, il entend conforter la sortie des énergies fossiles.

J’y insiste, cette proposition de loi devrait mieux prendre en compte les dispositions de l’accord de Paris.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Cadec, rapporteur. Avis défavorable. (M. Yannick Jadot sexclame.) Si vous voulez des explications, je pourrai vous en donner !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 est effectivement partagé. La France s’est fixé ce but, jugé compatible avec les efforts que nous engageons.

Je vous le confirme : notre pays contribuera pleinement à l’effort mondial exigé par l’accord de Paris. Toutefois, il ne peut à lui seul garantir l’atteinte des objectifs fixés à ce titre, lesquels supposent la collaboration des États du monde entier.

À cet égard, la rédaction que vous proposez est source d’insécurité juridique, alors même que – je le répète – la France s’est fixé elle-même l’objectif de neutralité carbone. En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 77.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 130, présenté par M. Gay, Mmes Corbière Naminzo, Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui évalue l’opportunité d’une maîtrise publique du secteur de l’énergie s’appuyant notamment sur la propriété publique des moyens de production. Ce rapport évaluera les modalités possibles de la création d’un établissement public industriel et commercial dénommé Groupe Énergie de France, GEDF, chargé d’assurer le contrôle et le pilotage stratégiques, la cohérence économique, l’intégration industrielle et l’unité sociale du système énergétique national.

La parole est à M. Fabien Gay.