M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, nous examinons le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année précédente, autrefois connue sous le nom de loi de règlement des comptes. En d’autres termes, nous observons la photographie des comptes de la France, en l’occurrence ceux de 2023.
Que faut-il retenir de cette photographie ?
M. Laurent Duplomb. Un désastre !
M. Didier Rambaud. Tout d’abord, il faut rappeler le contexte économique : l’année 2023 a été marquée par une inflation persistante et une instabilité internationale qui n’auront échappé à personne.
Ce contexte économique difficile a entraîné un ralentissement de la croissance en fin d’année, qui explique notamment la baisse des recettes fiscales nettes, dont le montant est inférieur de 7,7 milliards d’euros à la prévision de la loi de finances de fin de gestion pour 2023. (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
Le déficit budgétaire a augmenté, pour atteindre 173 milliards d’euros à la fin de 2023, et le solde budgétaire progresse, puisqu’il est de 5,5 % du PIB, un niveau supérieur à celui de 4,9 % qui était prévu.
S’il faut reconnaître la dégradation des comptes publics, il faut également souligner l’effort de maîtrise des dépenses,…
M. Laurent Duplomb. Ah bon !
M. Didier Rambaud. … en dépit du contexte.
Les dépenses nettes du budget général ont été contenues, puisqu’elles s’établissent, en 2023, à 448,1 milliards d’euros, soit 6,4 milliards de moins que l’anticipation en loi de finances de fin de gestion, grâce au pilotage des crédits de la mission « Défense » et à la sous-exécution de la mission « Économie ».
Même si elle a été très relative, je le concède, précisons néanmoins qu’il y a bien eu une maîtrise de la dépense publique en 2023. Heureusement que les parlementaires de la majorité présidentielle étaient là, lors de l’examen du dernier budget ! Et ils ont souvent été bien seuls pour se battre contre les milliers d’amendements introduisant des dépenses supplémentaires…
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Provocateur ! (Sourires.)
M. Didier Rambaud. Le HCFP a d’ailleurs souligné l’effort d’ajustement structurel en dépenses, toutefois plus que compensé par la baisse des recettes en part de PIB.
Mais nous devons bien évidemment faire mieux, et ce sera l’un des enjeux du marathon budgétaire qui a débuté hier soir en séance à l’Assemblée nationale.
Je souhaite à présent évoquer les transferts de l’État vers les collectivités territoriales, pour avoir un autre regard sur les comptes de l’année dernière. L’année 2023 aura été marquée par une progression de ces transferts, dont personne ici ne se plaindra. Je pense notamment à l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF), à l’affectation de la TVA aux régions en substitution de la DGF, et au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). (M. Laurent Duplomb le conteste.)
Telles sont les grandes tendances, mes chers collègues, de ce projet de loi relative aux résultats de gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023. Toutefois, je rappelle qu’il s’agit d’une photographie de nos comptes publics. On peut donc regretter, contester et désapprouver les choix budgétaires, mais nous ne pouvons pas revenir en arrière.
Pourquoi, dès lors, ne pas adopter ce projet de loi ? Pourquoi réitérer les rejets des années 2021 et 2022 ? Ces rejets successifs, d’ailleurs, sont-ils vraiment sans conséquence ? L’article 41 de la Lolf n’exige pas l’adoption du projet de loi de gestion et d’approbation des comptes, mais seulement un vote en première lecture. Par conséquent, le Parlement peut continuer à rejeter les projets de loi relative aux résultats de gestion en toute légalité. Mais cela peut affecter la crédibilité budgétaire de la France et ses relations avec les institutions européennes, ainsi que les marchés financiers.
Quelle administration, quelle entreprise ne clôt pas ses comptes ? Refuseriez-vous de donner quitus au compte de gestion préparé par le comptable public de vos collectivités territoriales ? Ces postures politiques sont regrettables. Certes, nous devons faire mieux en exécution, mais il nous incombe d’assumer nos responsabilités.
Alors mes chers collègues, pour éviter toute prise de risque inutile, le groupe RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Laurent Duplomb s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est le premier du genre. Relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année passée, il succède au projet de loi de règlement à partir de l’exercice 2023, comme le prévoit la loi organique du 28 décembre 2021. Malgré ce changement d’appellation, il a été rejeté par l’Assemblée nationale, qui a adopté une motion de rejet préalable.
Beaucoup a été dit par les précédents orateurs, mais je m’interroge en voyant les chiffres : y a-t-il un pilote dans l’avion budgétaire ? La comparaison entre crédits ouverts et crédits consommés est édifiante. Qu’a fait le Gouvernement pendant des mois et des mois ? À Bercy, y a-t-il un fonctionnaire qui, de temps en temps, regarde où en est la dépense publique ? Les comptes n’ont pas dérivé en une nuit ! À moins qu’avec l’informatique, les données soient plus lentes à arriver au ministère qu’à l’époque du cheval et de la plume d’oie…
Cherchant à tirer au clair les causes de ce dérapage incontrôlé, sur fond de prévisions erronées et de mauvaise information du Parlement, la commission des finances de l’Assemblée nationale s’est dotée des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour étudier et rechercher les causes des variations et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires dans les administrations publiques sur les années 2023-2024.
Face à la gravité de la situation et au manque de sincérité – il faut le dire – des informations budgétaires transmises, la commission des finances du Sénat a réactivé la mission flash d’information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, conduite au printemps dernier avant la dissolution.
Pour ma part, j’ai souvent interrogé les ministres de l’époque sur les écarts observés entre prévisions budgétaires et réalité, faisant peser quelques soupçons sur le sérieux des chiffres qui nous étaient présentés. Au final, en 2024, le déficit public devrait s’établir à 6,1 % du PIB, alors qu’il était initialement prévu à 5,1 %.
Mais revenons en 2023. Les recettes ont diminué malgré des prévisions de croissance plutôt réalistes, mais les dépenses ont explosé par rapport aux prévisions, portant le déficit public à 154 milliards d’euros, soit 5,5 % du PIB.
L’écart négatif avec la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 s’élève à 11 milliards d’euros – alors que l’encre en était à peine sèche ! Les recettes publiques ont été inférieures aux prévisions d’environ 21 milliards d’euros. Mais, comme je l’avais dit lors du débat sur la précédente loi de programmation, sitôt voté, ce texte est rangé dans un tiroir et, pour le cas où quelqu’un voudrait l’en sortir, on jette la clé dans la Seine ! (Sourires.)
Je serai bref sur les différents articles.
L’article 1er présente un solde négatif de 173 milliards d’euros en 2023, pour un besoin de financement de 314 milliards d’euros, supérieur de 9,7 milliards d’euros aux prévisions – une paille !
L’article 2 arrête à 314,6 milliards d’euros le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie.
L’article 3 affiche une détérioration de la situation nette de l’État de 117 milliards d’euros.
L’article 4, retraçant le budget général, les autorisations d’engagement et crédits de paiement, confirme les articles précédents.
En 2023, personne n’a pensé à procéder aux ajustements qui auraient été nécessaires pour réduire les écarts, le Gouvernement n’ayant pas jugé utile de le faire ni, surtout, d’en débattre avec le Parlement.
Pourtant, au niveau d’une commune – en tout cas dans la mienne –, on surveille chaque mois si les recettes rentrent et si les prévisions de dépenses sont respectées. Si nécessaire, le maire agit sur les dépenses – sur les recettes, c’est beaucoup plus difficile – pour éviter la dégradation de la situation.
Mais à Bercy, semble-t-il, on adore la procrastination. On attend un miracle, peut-être…
Madame la ministre, vous n’y êtes pour rien, certes. C’est comme quand un nouveau maire est élu : au moment de voter le compte administratif, il arrive qu’on lui impute les erreurs de l’équipe précédente, alors qu’il n’était pas aux manettes. Peuchère !
Je crois en tout cas qu’il est temps de réagir. On ne peut pas continuer comme cela. Il faut redresser les comptes publics. Mais je reconnais que dans la situation politique actuelle, il faudra, au-delà du courage, beaucoup d’habileté.
Je vous souhaite courage et habileté. Mais je ne voterai pas ce texte, tout comme les membres du groupe RDSE. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les comptes sont mauvais, ce n’est plus une surprise. Et nous ferons sans doute le même constat dans un an, en pire.
Aujourd’hui, nous sommes appelés à nous prononcer sur ceux de l’année 2023, au travers d’un projet de loi qui rend compte d’un exercice dégradé et marqué par des déficits croissants.
Avec 5,5 % de déficit pour l’ensemble des administrations publiques, la situation budgétaire, déjà fragile, a continué de s’aggraver.
Elle est principalement marquée par de moindres recettes en prélèvements obligatoires. Je tiens à rappeler que nous déplorons, au fil des ans, une série de décisions budgétaires qui contribuent à la dégradation des finances publiques. Le groupe Union Centriste s’est toujours opposé à la suppression de recettes aggravant le déficit budgétaire et la dette.
M. Michel Canévet. C’est vrai !
Mme Sylvie Vermeillet. Nous nous sommes opposés à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, dont nous parlerons demain. Nous avions demandé le report de cette décision par un amendement déposé dès l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022.
Nous nous sommes bien sûr opposés à la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), inopportune au moment où les finances publiques tentaient d’absorber le choc des aides covid aux entreprises et parce qu’elle faisait aussi disparaître un levier fiscal et un lien tangible entre établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et entreprises.
Avant cela, j’avais moi-même porté, dès le mois de juillet 2022 et de nouveau en 2023, un amendement visant à imposer les superprofits des sociétés ayant réalisé un bénéfice net de 20 % supérieur à la moyenne des trois précédentes années, amendement curieusement – et heureusement – revenu au goût du jour.
Supprimer des recettes, alors que nous votions dans le même temps, dans cet hémicycle, des dépenses supplémentaires pour renforcer les moyens de la justice, de la police, de nos armées, ou encore de la recherche et de l’éducation nationale, n’était pas responsable.
Chacun assumera son vote face à ceux qui nous prêtent.
Depuis deux ans, le Parlement n’a été saisi d’aucun projet de loi de finances rectificative, alors que, dans le même temps, le déficit, de 126 milliards d’euros à la fin de 2022, passe à 173 milliards d’euros.
Dans ces conditions, comment les parlementaires peuvent-ils remplir leur rôle ? Dans sa décision du 28 décembre 2023, relative à la procédure d’adoption et à la sincérité du budget 2024, le Conseil constitutionnel rappelle pourtant ceci : « S’il apparaissait en cours d’année que l’évolution des charges ou des ressources était telle qu’elle modifierait les grandes lignes de l’équilibre budgétaire, il appartiendrait au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative. »
Force est de constater que cette logique élémentaire n’a pas été respectée. Nous souhaitons qu’elle devienne plus automatique, et sans doute faudra-t-il en passer par une modification de la Lolf.
À ce stade, je tiens à rappeler que, si les comptes sont mauvais, ils sont justes, du point de vue comptable. Dès lors, les rejeter ne nous semble pas pertinent. Voter ce texte n’implique en aucun cas une adhésion à l’ensemble des choix politiques et fiscaux effectués ; il s’agit simplement d’acter un résultat comptable fait de choix que nous avons pour partie votés, et que Bruxelles espère… Ne le perdons pas de vue.
Aussi, ne souhaitant pas rejeter des comptes qui, fussent-ils dramatiques, s’imposent à nous, le groupe Union Centriste s’abstiendra majoritairement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a une constante depuis le projet de budget pour 2020 : le Gouvernement, via son ministre des déficits, M. Bruno Le Maire, annonce que des incertitudes risquent de faire vaciller l’équilibre budgétaire. Ce n’est pas pour autant que les choix économiques et budgétaires ont dévié. Permettez-moi de vous donner lecture des meilleures déclarations de l’ancien ministre.
Le 1er octobre 2020, M. Le Maire indiquait au Sénat : « Nous assistons tout d’abord à un risque de fort ralentissement de l’économie mondiale, en raison notamment de multiples tensions : tensions commerciales croissantes entre les États-Unis et la Chine, tensions dans la région du Golfe et tensions en Europe avec le risque d’un Brexit sans accord. » Pas un mot sur la crise sanitaire. Il poursuivait ainsi : « De plus, la nouvelle donne économique que nous connaissons depuis plusieurs mois en Europe, inédite, conjugue ralentissement économique, croissance faible, taux d’inflation en dessous de la cible de la Banque centrale européenne (BCE) et taux d’intérêt faibles, voire négatifs. » Toujours pas de crise sanitaire à l’horizon, mais une succession d’assertions tendant à nous préparer à un dérapage des finances publiques. Sans sourciller, il réaffirmait : « […] contrairement à ce que j’entends beaucoup dire, nous maintenons une politique de l’offre. Je ne laisserai pas passer les critiques qui affirment que nous renoncerions à une telle politique, qu’il y aurait un tournant. »
Tout va mal, mais le cap est à l’offre toute… Tant pis s’il n’y a personne pour acheter ce qui est produit ! Tant pis si, en inquiétant les Français de la sorte, on les incite à préférer épargner quand ils en ont la possibilité ! Et tant pis pour les finances publiques à long terme !
Également au Sénat, le même déclarait le 30 septembre 2020 : « Néanmoins, l’axe fondamental de la politique du Gouvernement reste le soutien à l’offre et l’amélioration de la compétitivité de nos entreprises, parce que c’est ainsi que l’ensemble de l’économie française pourra se redresser sur le long terme. Ces choix se font dans un contexte très difficile de persistance du virus et de grandes incertitudes économiques. »
Ce n’est plus de la constance ; c’est de l’entêtement : l’économie mondiale est, rappelons-le, à l’arrêt, mais il faut continuer de baisser les impôts en pleine crise sanitaire…
Autre déclaration – c’est peut-être celle que je préfère… –, datée, cette fois, du 22 septembre 2021 : « Je veux souligner les lignes de force de notre politique de finances publiques : la maîtrise des comptes, la baisse des impôts et la sincérité. […] En 2020, nous avons été confrontés à la crise la plus grave que la France ait eu à connaître depuis 1929. […] L’année 2022 doit marquer le retour progressif à la normale. […] Ce projet de loi de finances va marquer la fin de ce “quoi qu’il en coûte”. »
Si je suis d’accord avec « baisse des impôts », j’avoue que la « maîtrise des comptes » et la « sincérité » avaient quelque peu échappé aux membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky…
Enfin, en guise de présentation du budget qui nous intéresse, le projet de loi de finances pour 2023, le 26 septembre 2022, M. Le Maire, toujours lui, s’exprimait ainsi : « Comme vous l’avez rappelé, monsieur le président, les incertitudes n’ont jamais été aussi grandes : je pense aux conséquences de la guerre en Ukraine sur les prix de l’énergie, aux difficultés économiques de nos principaux partenaires et aux incertitudes politiques au sein de la zone euro. »
Comprenez-moi bien : je ne voudrais pas donner l’impression de tirer sur l’ambulance, mais la seule orientation de ces interventions, et donc de ces budgets, aura été, à chaque fois, de dénoncer le contexte, de tout miser sur la croissance, alors même que celle-ci était menacée, sans reculer à aucun instant sur la politique de l’offre aveugle matérialisée par la seule baisse des impôts !
Le résultat, c’est la dérive budgétaire ! En 2023, le déficit public atteint 173 milliards d’euros. Il est deux fois plus lourd qu’en 2019, presque au même niveau qu’en pleine crise sanitaire et qu’en 2021, et supérieur de 21,5 milliards d’euros à celui de 2022 !
Il y a une fable qui guide les gouvernements depuis 2017 : on nous dit que l’on peut faire mieux avec moins de dépenses, ce qui est rarement vrai, et qu’il y a plus de recettes lorsque l’on baisse les taux et que l’on supprime des impôts ; c’est tellement juste qu’en 2023, les recettes diminuent de 7,3 milliards d’euros par rapport à 2022.
S’il est possible que cela arrive, nous ne pouvons pas tolérer les 7,7 milliards d’euros en moins au regard des données de la loi de finances de fin de gestion adoptée le 30 novembre 2022, soit un mois avant la fin de l’exercice.
La politique de l’offre, c’est aussi celle qui vous conduit à taxer plus les ménages, via l’impôt sur le revenu et la TVA, que les bénéfices des entreprises. L’écart est de dix points au moins !
Le pire, c’est quand vous revendiquez 7 milliards d’euros d’économies par rapport à 2022, alors que ce montant est lié pour 84 % à des dispositifs mal conçus et suscitant du non-recours : les collectivités n’ont pas utilisé le filet de sécurité ou n’y étaient pas éligibles à cause des critères ; le prélèvement au profit de l’Union européenne a baissé mécaniquement de 1 milliard d’euros ; les prêts garantis par l’État ont été moins sollicités par les entreprises ; nos compatriotes ont moins demandé l’indemnité carburant, le chèque énergie et MaPrimeRénov’.
Si l’on ajoute les reports de crédits, soit 23,5 milliards d’euros, les gels et autres annulations, ce sont 38,4 milliards d’euros qui se baladaient au mépris des votes des parlementaires, même si les députés ont été privés de ce droit.
Désormais, 2023 est derrière ; 2025 est devant nous. Madame la ministre, permettez de conclure avec Paul Éluard : « Le passé est un œuf cassé, l’avenir est un œuf couvé. » (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu du calendrier contraint, nous sommes amenés à examiner ce texte quasiment en prélude à la discussion du projet de loi de finances. Cet état de fait, qui est tout de même un petit peu baroque, traduit la difficulté et la fragilité de la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Je me bornerai à formuler quatre observations.
Premièrement, il faudra sans doute trouver un moyen de sortir d’une telle situation, qui a, certes, des avantages, mais également beaucoup d’inconvénients. Il ne me paraît pas sain que le Parlement rejette, pour la troisième fois – dans le cas du seul Sénat, c’est même la cinquième fois ! –, une loi d’approbation des comptes. Nous avons un devoir de crédibilité vis-à-vis de tous les observateurs, des institutions, ainsi, malheureusement, que des marchés.
Ce à quoi nous assistons me paraît pour le moins paradoxal : alors que l’examen du projet de loi d’approbation des comptes était jadis présenté comme le moment le plus fort du processus budgétaire, celui qui permettait d’observer l’exécution des crédits et d’analyser l’efficacité des politiques publiques, le Sénat est amené aujourd’hui à ne pas le voter, ce qui peut s’interpréter non seulement comme une désapprobation de la gestion exercée, mais également comme une sanction des votes passés. Je pense qu’il y a lieu de s’interroger. Peut-être la commission des finances devrait-elle se saisir de la question. Si la mission de certification qui est assignée à la Cour des comptes est évidemment très positive du point de vue du budget de l’État, je me demande s’il ne faudrait pas envisager une réforme de la Lolf pour permettre une approbation tacite en l’absence de réserves de la part des sages de la rue Cambon.
Deuxièmement, je note que l’année 2023 a été marquée par un très fort dérapage, avec 28 milliards d’euros de déficit en plus, et que nous allons continuer sur cette pente délétère en 2024. Il faudra en tirer les leçons. Sans doute conviendrait-il, face à ce qui relèverait autrement de l’irresponsabilité, de rendre obligatoire le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative quand les comptes commencent à dériver.
Troisièmement, j’aimerais savoir si le fait que les rentrées fiscales sont inférieures aux prévisions vient enterrer la politique de l’offre. Pour ma part, je considère que de moindres rentrées fiscales n’infirment la politique de l’offre que lorsqu’elles ne sont pas financées par la baisse des dépenses. C’est toute la difficulté, en l’occurrence : il fallait financer ces recettes moindres. Il est possible – du moins, c’est ma conviction – que notre pays ait déjà atteint, voire dépassé, un certain seuil de tolérance fiscale, avec pour conséquence une diminution du rendement de l’impôt.
Du fait de la hausse de l’impôt sur les sociétés et, dans une moindre mesure, de l’impôt sur le revenu, nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles mauvaises surprises dans les mois et les années à venir, en particulier si nous accablons certains secteurs – je pense en particulier au transport aérien – de taxes supplémentaires.
Quatrièmement, l’ampleur des dérapages nous conduit à nous interroger sur le bon réglage entre taxation et économies pour 2024, ainsi qu’entre ajustements budgétaires et préservation de la croissance. Le diable fiscal est sorti de sa boîte. Nous avons le débat avec l’Assemblée nationale, et nous l’aurons avec le Gouvernement. La question se pose s’agissant des coupes que subissent les collectivités territoriales.
Enfin, il faudra distinguer ce qui relève des mesures d’urgence à effet douloureux – elles ne sont pas forcément simples à voter ! – de ce qui devra relever, dès le début de l’année – je l’espère –, de mesures structurelles, qui, elles, seront un peu plus curatives. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du projet de loi, rejeté par l’Assemblée nationale.
projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023
Article liminaire
Le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution, les dépenses des administrations publiques résultant de l’exécution exprimées en milliards d’euros courants, l’évolution des dépenses publiques résultant de l’exécution sur l’année exprimée en volume, les prélèvements obligatoires, les dépenses et l’endettement de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution et les principales dépenses des administrations publiques pour 2023 considérées comme des dépenses d’investissement au sens du dernier alinéa de l’article 1er A et du 2° de l’article 1er E de la Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances, ainsi que ces mêmes agrégats inscrits en loi de finances initiales pour 2023 et pour l’année 2023 dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 s’établissent comme suit :
(En % du PIB sauf mention contraire) |
|||||
Exécution 2023 |
Loi de finances pour 2023 |
Loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 |
|||
Ensemble des administrations publiques |
Prévision |
Écart |
Prévision |
Écart |
|
Solde structurel (1) (en points de produit intérieur brut potentiel) |
-4,6 |
-4,0 |
-0,6 |
-4,1 |
-0,49 |
Solde conjoncturel (2) |
-0,8 |
-0,8 |
0,0 |
-0,7 |
-0,10 |
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de produit intérieur brut potentiel) |
-0,1 |
-0,2 |
0,1 |
-0,1 |
0,02 |
Solde effectif (1+2+3) |
-5,5 |
-5,0 |
-0,5 |
-4,9 |
-0,57 |
Dette au sens de Maastricht |
110,6 |
111,2 |
-0,5 |
109,7 |
1,0 |
Taux de prélèvements obligatoires (y compris Union européenne, nets des crédits d’impôt) |
43,5 |
44,9 |
-1,5 |
44,0 |
-0,6 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt) |
56,7 |
56,9 |
-0,2 |
55,9 |
0,8 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
1 589 |
1 572 |
17 |
1 575 |
14 |
Évolution de la dépense publique (hors crédits d’impôt en volume ( %)) (1) |
-1,1 |
-1,1 |
0,0 |
-1,3 |
0,2 |
Principales dépenses d’investissement (en milliards d’euros) (2) |
25 |
25 |
0,0 |
25 |
0,0 |
(1) À champ constant. |
|||||
(2) Au sens de la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027. |
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En % du PIB sauf mention contraire) |
||||||
Exécution 2023 3 |
LFI 2023 |
LPFP 2023-2027 / Pour l’année 2023 |
||||
Ensemble des administrations publiques |
Prévision |
Écart |
Prévision |
Écart |
||
Solde structurel(1) (en points de PIB potentiel) |
-5,0 |
-4,0 |
-1,0 |
-4,1 |
-0,9 |
|
Solde conjoncturel (2) |
-0,4 |
-0,8 |
0,4 |
-0,7 |
0,3 |
|
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel) |
-0,1 |
-0,2 |
0,1 |
-0,1 |
0,0 |
|
Solde effectif (1+2+3) |
-5,5 |
-5,0 |
-0,5 |
-4,9 |
-0,6 |
|
Dette au sens de Maastricht |
109,9 |
111,2 |
-1,3 |
109,7 |
0,2 |
|
Taux de prélèvements obligatoires (y compris UE, nets des CI) |
43,2 |
44,9 |
-1,8 |
44,0 |
-0,9 |
|
Dépense publique (hors CI) |
56,4 |
56,9 |
-0,5 |
55,9 |
0,5 |
|
Dépense publique (hors CI, en Md€) |
1 591 |
1 572 |
19,0 |
1 575 |
17 |
|
Évolution de la dépense publique hors CI en volume (%) 1 |
-1,0 |
-1,1 |
0,1 |
-1,3 |
0,4 |
|
Principales dépenses d’investissement (en Md€) 2 |
25 |
25 |
0 |
25 |
0 |
|
(1) À champ constant. |
||||||
(2) Au sens de la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027. |
||||||
3 Les données contenues dans cette colonne sont identiques aux données figurant dans la colonne 2023 de l’article liminaire du projet de loi de finances pour 2025, sauf le partage du solde public (solde structurel à -5,0 % et solde conjoncturel à -0,4 % dans cet article contre -5,1 % et -0,3 % dans le projet de loi de finances pour 2025), en raison de l’obligation de l’article 62 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances de réaliser la comparaison à la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 « en retenant la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé à cette même loi », trajectoire de produit intérieur brut potentiel qui a été révisée depuis lors et dont les révisions sont intégrées au projet de loi de finances pour 2025. |
La parole est à Mme la ministre déléguée.