M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Yves Bleunven. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous pouvez constater avec moi, non sans amusement, que les aléas de notre vie politique nous conduisent à voter solennellement aujourd’hui un projet de loi qu’il nous a été demandé d’examiner « en urgence » voilà plus de trois mois ! Rémy Pointereau, président de la commission spéciale sur ce texte, vient de le rappeler.
La situation est un peu cocasse, mais elle ne doit pas nous faire oublier qu’il existe une véritable urgence, celle de la simplification pour nos entreprises, nos collectivités et nos concitoyens : simplification des procédures, simplification des contrôles, raccourcissement des délais, élargissement des dérogations et, surtout, simplification de notre état d’esprit et de notre façon de faire.
Après avoir travaillé plusieurs mois sur ce projet de loi, je suis plus convaincu que jamais qu’une cure de simplification s’impose à nous et à notre pays. C’est nécessaire, c’est salutaire, c’est même indispensable pour nos finances publiques, car la simplification est aussi source d’économies budgétaires. Nous n’en avons jamais autant eu besoin : il suffit pour en avoir la certitude de consulter le rapport d’information de la délégation sénatoriale aux entreprises, qui évalue le coût des normes à plus de 3 % du PIB.
Quel que soit notre bord politique, nous devons prendre nos responsabilités pour mettre en œuvre rapidement un plan Marshall de la simplification.
Ce projet de loi, comme les textes qui l’ont précédé, apporte une pierre à l’édifice, mais il reste encore beaucoup à construire. Je suis conscient que tout ne passera pas par la loi, mais nous avons besoin de l’ensemble des forces politiques pour mener à bien ce chantier, loin d’être achevé.
Monsieur le ministre, nous n’avons jamais caché le désarroi dans lequel nous a plongés ce projet de loi lors de sa présentation. On y trouvait autant de sujets différents que d’articles, presque autant de mesures visant à simplifier la vie de l’administration que de mesures bénéfiques pour les entreprises, et tout autant de mesures orphelines et disparates ne concourant pas à un réel objectif de simplification.
Toutefois, dans cette cacophonie de mesures, le Sénat a su faire entendre sa voix et défendre ses positions.
Nous avons ainsi pu intégrer au texte les dispositions de la proposition de loi d’Olivier Rietmann sur les tests PME, que le Sénat avait adoptée à une large majorité il y a quelques mois et qui répond à une forte demande de notre tissu économique.
Afin de marquer davantage encore son soutien à nos entreprises confrontées à des difficultés quotidiennes, la commission spéciale a aussi adopté plusieurs mesures de simplification de la vie des commerçants. Je pense surtout à la mensualisation des loyers commerciaux et à l’encadrement du montant et du délai de restitution des dépôts de garantie, ainsi qu’à diverses mesures d’assouplissement de la politique d’aménagement commercial.
La simplification, c’est aussi du bon sens au service de la croissance économique et de la productivité de notre pays et de nos entreprises.
Nous avons ainsi adopté une mesure visant à favoriser la réouverture de cafés et de bistrots dans les petites communes, la ruralité étant encore trop souvent oubliée de nos politiques publiques, mais jamais des sénateurs. Vous êtes bien placée, madame la ministre, chère Françoise Gatel, pour le savoir ! (Sourires.) À titre personnel, je souhaite vraiment que cette disposition demeure dans la version qui sera promulguée.
La simplification, c’est aussi l’amélioration de la vie de nos concitoyens, partout sur le territoire.
Nous avons tiré profit des nombreux travaux transpartisans sur le ZAN menés par Guislain Cambier, afin d’élargir l’exclusion du décompte de l’artificialisation aux implantations industrielles et à tous les projets d’intérêt national majeur, au-delà des grands centres de données, ainsi qu’aux aménagements liés à ces projets.
Encore une fois, la simplification doit aussi nous permettre de mettre l’action publique au service de la croissance économique et de la réindustrialisation de notre pays.
Nous avons également intégré au texte de nombreuses dispositions de la proposition de loi de Patricia Demas visant à favoriser la mutualisation des infrastructures de téléphonie mobile en donnant aux maires des leviers pour rationaliser l’implantation des antennes relais. Sur ce sujet, les débats ont été soutenus, mais nous espérons, monsieur le ministre, que l’engagement du Sénat pour la régulation de la spéculation en matière de baux de télécommunications, pour la mutualisation des infrastructures et pour une meilleure information des élus locaux trouvera un écho favorable dans la suite de la navette parlementaire.
Pour ce qui concerne le secteur de l’énergie, la commission a apporté son soutien à la plupart des mesures de simplification du droit minier. Elle a parfois décidé d’aller plus loin que la rédaction initiale du projet de loi pour favoriser le déploiement d’installations de production d’énergies renouvelables, en cohérence avec les objectifs que nous avons adoptés la semaine dernière lors de l’examen de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie de Daniel Gremillet.
Au-delà des nombreuses mesures sectorielles que je viens d’évoquer, le Sénat a surtout marqué de son empreinte ce projet de loi en s’érigeant en défenseur des prérogatives du Parlement. Cela aussi, c’est notre marque de fabrique !
Ainsi, la commission spéciale s’est opposée à la suppression de la Commission supérieure du numérique et des postes (CNSP), essentiellement composée de parlementaires des deux chambres.
Surtout, la commission spéciale a considéré à juste titre que la volonté de réforme du Gouvernement devait être mieux précisée, mieux définie et plus transparente, sans quoi il ne serait pas possible de lui accorder autant d’habilitations à légiférer par voie d’ordonnance.
Monsieur le ministre, nous espérons que, malgré la période d’incertitude que nous traversons, le travail de précision de ces réformes a été sérieusement engagé par vos services afin de pouvoir compléter utilement ce projet de loi de simplification lors de la navette parlementaire.
Si les intentions sont claires, monsieur le ministre, nous serons prêts à travailler à vos côtés pour compléter ce projet de loi et rehausser ses ambitions en matière de simplification. Soyons constructifs ensemble, écoutons-nous et n’oublions pas que, dans tous les cas, le chantier de la simplification nécessitera indéniablement des travaux parlementaires et législatifs récurrents !
Le groupe Union Centriste votera ce projet de loi de simplification, en espérant qu’il ne sera que le premier d’une longue série ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi de simplification de la vie économique.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
Je vous invite à insérer votre carte de vote dans le terminal et à l’y laisser jusqu’au vote.
Si vous disposez d’une délégation de vote, le nom du sénateur pour lequel vous devez voter s’affiche automatiquement sur le terminal en dessous de votre nom. Vous pouvez alors voter pour vous et pour le délégant en sélectionnant le nom correspondant, puis en choisissant une position de vote.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 19 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l’adoption | 232 |
Contre | 103 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
Mes chers collègues, je tiens à remercier la commission spéciale, son président et ses rapporteurs des travaux qu’ils ont menés.
La parole est à M. le ministre.
M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier, au nom du Gouvernement, de l’adoption de ce projet de loi de simplification de la vie économique.
Je salue le travail de concertation préalable qui a été engagé, au cours de la précédente législature, par les ministres Olivia Grégoire et Bruno Le Maire, ainsi que la mobilisation générale de tous les acteurs, qui nous ont permis d’aboutir à ce vote.
Au-delà du symbole – il s’agit du premier projet de loi de cette législature voté solennellement par la Haute Assemblée –, ce texte est le fruit d’une prise de conscience collective désormais partagée très largement par nos concitoyens : nous devons arrêter de bureaucratiser à outrance !
Avec le Premier ministre, comme nombre d’orateurs l’ont exprimé lors de leur intervention, nous sommes convaincus que la simplification est un gisement majeur d’économies et de croissance. Dans la continuité de la loi Asap et de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, ce texte va un cran plus loin pour redonner de l’oxygène à nos entreprises.
Il contient des dispositifs très attendus. Je pense notamment aux tests PME, issu de la proposition de loi du président de votre délégation aux entreprises, M. Olivier Rietmann, dont je salue l’engagement. Ce véritable bouclier normatif permettra de mieux contrôler le flux de normes qui s’abat sur nos entreprises et de s’assurer qu’il n’engendrera pas de complexité inutile à l’avenir.
D’autres mesures sectorielles plus ciblées nous permettront de poursuivre la dynamique de réindustrialisation engagée, de renforcer notre souveraineté et d’améliorer le quotidien de nos artisans, comme peut en témoigner ma collègue Françoise Gatel, qui se tient à mes côtés.
À cet égard, je tiens à remercier chaleureusement le président de la commission spéciale, Rémy Pointereau, et les rapporteurs Catherine Di Folco et Yves Bleunven, que j’ai eu l’occasion de recevoir à mon ministère avant l’adoption de ce texte, ainsi que l’ensemble des sénateurs de la commission spéciale. Je salue le travail qu’ils ont accompli pour faire avancer ce texte et l’étoffer par des mesures très concrètes de simplification.
Le vote de ce projet de loi représente un souffle d’espoir pour le monde économique. Nous irons le plus loin possible, via ce texte, mais aussi via des mesures réglementaires, pour réaliser cette « cure de simplification », si vous me permettez de reprendre une expression employée tout à l’heure à la tribune.
Vous pourrez compter sur mon engagement et sur la volonté de tout le Gouvernement d’inscrire ce texte rapidement à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale. Ainsi, on continuera de débureaucratiser à tous les étages ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Dominique Théophile.)
PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin.
M. Pascal Martin. Lors du scrutin n° 18 sur l’ensemble de la proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement », le 17 octobre dernier, mes collègues Jean-François Longeot, Annick Jacquemet, Claude Kern, Patrick Chauvet, Catherine Morin-Desailly et moi-même souhaitions ne pas prendre part au vote ; ma collègue Amel Gacquerre, quant à elle, souhaitait s’abstenir.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
9
Nomination de vice-présidents du Sénat
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté les candidatures de M. Didier Mandelli et de Mme Anne Chain-Larché pour remplacer, en qualité de vice-présidents du Sénat, M. Mathieu Darnaud et Mme Sophie Primas.
Le délai prévu par l’article 2 bis du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame M. Didier Mandelli et Mme Anne Chain-Larché vice-présidents du Sénat. (Applaudissements.)
10
Candidatures à des commissions et à des délégations sénatoriales
M. le président. J’informe le Sénat qu’ont été publiées des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires économiques, de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, de la commission des finances, de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et de la délégation sénatoriale aux entreprises.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
11
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, le débat sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme et sur l’orientation des finances publiques, initialement prévu le mardi 29 octobre le soir, serait reporté au mercredi 30 octobre le soir.
Nous pourrions en conséquence fixer le délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes au mardi 29 octobre à 15 heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
12
Résultats de la gestion et approbation des comptes de l’année 2023
Rejet définitif en procédure accélérée d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, rejeté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (projet n° 32, rapport n° 34).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marina Ferrari, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de l’économie du tourisme. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient, en lieu et place de M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics, retenu à l’Assemblée nationale par l’examen du projet de loi de finances pour 2025, de vous présenter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (PLRG).
Un tel projet de loi de règlement et d’approbation des comptes permet d’arrêter le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État, ainsi que le résultat financier qui en découle. Il décrit les opérations de trésorerie et ratifie les opérations réglementaires ayant affecté l’exécution du budget.
La loi organique relative aux lois de finances (Lolf) a mis en place un chaînage vertueux, en imposant, d’une part, le dépôt du projet de loi de règlement avant le 1er juin de l’année suivant celle à laquelle il s’applique et, d’autre part, son examen en première lecture avant le vote du projet de loi de finances pour l’année suivante.
La réforme de la Lolf accomplie en 2021 a avancé la date de dépôt du PLRG au 1er mai, afin de donner plus de temps au Parlement pour ses travaux.
Ce texte a donc été présenté en conseil des ministres le 17 avril dernier et transmis le même jour à l’Assemblée nationale. Malheureusement, la dissolution de l’Assemblée intervenue le 9 juin a empêché que ce projet de loi vous soit présenté avant ce jour.
Dans ce contexte particulier, je tiens à remercier de leur travail la direction générale des finances publiques (DGFiP), la direction du budget et la direction générale du Trésor.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion du PLRG est plus qu’un exercice de style : c’est un moment important pour le Parlement dans son travail de contrôle budgétaire et d’évaluation des politiques publiques.
Alors que le budget est l’acte par lequel sont prévues et autorisées les recettes et les dépenses prévisionnelles de l’État, le PLRG constate la réalisation effective des dépenses et des recettes. Cette mise en perspective sert donc à bâtir en connaissance de cause le budget pour 2025. C’est en cela que ce texte nous est extrêmement utile.
Permettez-moi de revenir sur les chiffres de l’exercice clos 2023.
Le déficit public pour 2023 est évalué à 5,5 % du PIB, contre 4,8 % en 2022. La loi de finances de fin de gestion pour 2023 et la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoyaient quant à elles un déficit de 4,9 % pour 2023.
Le solde budgétaire s’établit à –173 milliards d’euros pour l’exercice 2023, soit une dégradation de 1,7 milliard d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances de fin de gestion.
Plusieurs facteurs expliquent cet écart, comme la croissance du PIB, la dynamique des recettes fiscales et le maintien de mesure de soutien.
Premièrement, cet écart résulte de la dégradation du solde conjoncturel, due en partie à une croissance du PIB inférieure en volume à la croissance potentielle.
Deuxièmement, il faut noter la faible dynamique de certaines recettes, notamment sur trois volets.
C’est le cas, tout d’abord, de l’impôt sur le revenu, qui a connu une baisse de recettes de 0,4 milliard d’euros par rapport à 2022, l’année 2023 ayant été marquée par de fortes restitutions de trop-versés de prélèvement à la source et de crédits d’impôt, par un ralentissement des recettes de prélèvement à la source à partir du mois de septembre, ainsi que par une diminution importante des recettes d’impôt sur les plus-values immobilières notamment.
On observe, ensuite, une diminution du produit de l’impôt sur les sociétés, à hauteur de 3,3 milliards d’euros par rapport à 2022, baisse liée notamment à un contexte macroéconomique moins favorable.
Nous constatons, enfin, une baisse des recettes de la part revenant à l’État de la TVA budgétaire, de 5,6 milliards d’euros par rapport à 2022, toujours du fait de la situation économique, le chiffre d’affaires des entreprises ayant progressé moins vite que l’inflation en 2023.
Troisièmement, le maintien de mesures de soutien explique lui aussi l’écart entre les prévisions et le solde constaté.
Il est en effet à noter que, au cours de l’année 2023, plusieurs mesures de soutien ont encore été mobilisées pour faire face à l’inflation, ce qui a engendré de moindres recettes ou des dépenses accrues, pour un total net de 25,1 milliards d’euros.
Parmi ces mesures, on peut citer le bouclier sur le gaz et la compensation aux fournisseurs de gaz, pour 2 milliards d’euros, ou encore le bouclier électricité, avec la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et de la taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE), pour 8,8 milliards d’euros. Mentionnons aussi, dans le cadre de ce même bouclier, la compensation offerte aux fournisseurs d’électricité qui ont répercuté des baisses de tarif à leurs clients, à hauteur de 15,5 milliards d’euros.
Il faut noter également que la baisse de ces ressources a été en partie compensée, dès 2023, par une maîtrise des dépenses nettes du budget général, qui se révèlent inférieures de 6,4 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances de fin de gestion pour 2023. C’est la preuve que des efforts ont été engagés dès l’exercice 2023.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à revenir sur le rejet par le Parlement des projets de loi de règlement pour les exercices 2021 et 2022.
Ces rejets ont eu pour conséquence d’empêcher l’affectation des résultats des exercices concernés. La DGFiP a trouvé une solution provisoire en intégrant ces reports des exercices antérieurs sur une ligne ad hoc dénommée « solde des opérations d’exercices antérieurs en attente d’affectation ».
Pour les exercices 2021 et 2022, on compte au total pour - 302,1 milliards d’euros d’opérations d’exercices antérieurs en attente d’affectation.
L’hypothèse d’un rejet du présent texte par le Sénat contraindrait à affecter de nouveau le résultat de 2023 sur cette même ligne d’affectation provisoire, portant son montant total à - 427 milliards d’euros.
Bien qu’elle n’emporte pas de conséquence immédiate sur la gestion, cette situation ne peut être satisfaisante, car elle nuit à la lisibilité du bilan de l’État. C’est pourquoi il vous est proposé, aux articles 7 et 8 du présent PLRG, de régulariser ces écritures en affectant les résultats 2021 et 2022 à la ligne « report des exercices antérieurs ».
Enfin, un amendement du Gouvernement à l’article liminaire vise à y intégrer les dernières révisions des comptes nationaux publiées par l’Insee le 31 mai 2024, soit après le dépôt du texte. L’Assemblée nationale ayant voté une motion préalable de rejet du texte, cette disposition n’a pu y faire l’objet d’un débat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à le dire : le présent projet de loi est un texte de nature technique. Il n’est qu’une photographie de l’exécution budgétaire de l’année passée. Le voter revient donc non pas à cautionner la politique d’un gouvernement, mais à prendre acte d’une exécution budgétaire, comme nous le faisons dans les collectivités locales lorsque nous examinons le compte administratif.
L’examen du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023, qui révèle déjà une dégradation de notre situation budgétaire, doit nous permettre d’éclairer nos débats sur le projet de loi de finances pour 2025 et de rechercher collectivement à remettre nos finances publiques sur la bonne trajectoire.
Comme l’a rappelé M. le Premier ministre Michel Barnier lors de son discours de politique générale : « … notre volonté est de ramener le déficit de notre pays à 5 % en 2025. Notre objectif est de remettre notre pays sur la bonne trajectoire pour revenir sous le plafond de 3 % en 2029, dans le respect de nos engagements européens. »
Je sais que nous partageons toutes et tous cet impératif pour les générations futures.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023. C’est le premier dans cette forme, une forme issue de la révision de la Lolf adoptée au mois de décembre 2021.
Nous examinons ce texte, rejeté par l’Assemblée nationale, bien plus tardivement que prévu, en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par le Président de la République le 9 juin dernier. Heureusement, si j’ose dire, la commission des finances s’était saisie dès le mois de mars dernier de la question du dérapage budgétaire en 2023 : cela a permis de mieux comprendre, sans attendre l’examen de ce projet de loi, ce qu’il s’est passé en 2023 et les répercussions, majeures, que cela a eues en 2024.
Pour commencer, l’activité en France a atterri en douceur, le taux de croissance ayant été de 1,1 % en 2023 contre 2,6 % en 2022. Il s’agit d’un taux modeste, mais en ligne avec les prévisions initiales du Gouvernement, qui envisageait une croissance de 1 % dans le projet de loi de finances pour 2023.
Si le taux de croissance en 2023 est supérieur à celui qui a été enregistré dans l’ensemble de la zone euro, où il s’est établi à 0,5 %, la croissance française cumulée entre 2017 et 2023, à savoir 8,4 %, est bien inférieure à celle de la zone euro, où elle approche les 10 %. Il n’y a donc pas de quoi fanfaronner.
Le trait marquant de l’exercice budgétaire de 2023 est que, malgré une prévision de croissance respectée, le déficit public, lui, a largement dérapé.
La prévision de déficit public était de 5 points de PIB dans la loi de finances initiale pour 2023. Elle est passée à 4,9 points lors de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023. Finalement, le déficit exécuté s’est élevé à 5,5 points de PIB.
Nous avons largement expliqué ce dérapage dans les conclusions des travaux de notre mission d’information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l’administration et le Gouvernement et les modalités d’information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France. Il tient en grande partie à des erreurs inédites de prévision de recettes, touchant en particulier l’État, et à une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB historiquement faible.
Résultat : 2023 est l’année où le déficit public a été le plus élevé, hors période de crise, d’après les données les plus anciennes de l’Insee à ce sujet, lesquelles datent du début de la Ve République. C’est pourquoi l’on peut parler, de façon imagée, de « sortie de route budgétaire », et ce dès la première année de la période de programmation déterminée par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Les conséquences sur les années suivantes, nous les connaissons désormais assez bien, malheureusement, et nous les payons aujourd’hui : un déficit historique, encore plus dégradé en 2024.
Si les administrations publiques locales accusent bien un déficit de 0,4 point de PIB en 2023, dont la moitié est due aux organismes divers d’administration locale et non aux collectivités territoriales, le déficit public est essentiellement dû à l’État. C’est d’ailleurs une constante depuis 2017, au point que, en réalité, les variations du solde public, à part en 2020 et en 2021, s’expliquent presque entièrement par celles du déficit de l’État.
Le déficit budgétaire de l’État, qui s’établit à 173 milliards d’euros, est supérieur de 8 milliards d’euros au montant prévu en loi de finances initiale pour 2023. Il rejoint donc le niveau atteint pendant les années 2020 et 2021, en pleine crise sanitaire. Je le dis : ce n’est ni raisonnable ni acceptable. La chute des recettes invoquée par le Gouvernement en fin d’année n’est qu’un paravent : nous avons montré que ce sont en fait les prévisions de recettes qui avaient été fixées à un niveau trop élevé.
Cet héritage de ce que l’on peut appeler, en matière de finances publiques, les « années Le Maire – Macron », s’est traduit par une explosion de l’endettement. Il faut en effet emprunter toujours plus pour rembourser toujours plus, tout en finançant un déficit toujours croissant. Bientôt, nous devrons rembourser plus de 200 milliards d’euros de dette chaque année.
En 2021 et en 2022, le gouvernement précédent se réjouissait de recettes supérieures aux prévisions. En 2023, le temps des bonnes surprises a pris fin, les recettes ayant diminué de plus de 6 milliards d’euros. Les recettes fiscales connaissent une baisse en 2023, plus ou moins marquée selon l’impôt.
Ainsi, le produit de l’impôt sur le revenu est en baisse de 400 millions d’euros et s’élève à 88,6 milliards d’euros. Celui de l’impôt sur les sociétés (IS) diminue quant à lui de 5,3 milliards d’euros, après avoir fait l’objet en cours d’année d’estimations grandement exagérées.
Depuis 2017, le produit de l’impôt sur les sociétés a connu des variations annuelles parfois importantes, mais son niveau est en réalité resté assez stable, si l’on considère qu’il a été réduit pendant des années par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Les montants de l’IS de 2017, 2019, 2021 et 2023 étant assez similaires, cela signifie que la baisse du taux, que nous avons soutenue pour la compétitivité de la France, n’a pas eu pour effet d’augmenter les recettes, contrairement à ce que prétendait alors le ministre de l’économie.
Quant au produit de la TVA, qui s’élève à 95,2 milliards d’euros, il est en diminution de 5,6 milliards d’euros par rapport à 2022, en raison, une fois de plus, d’un transfert de parts de TVA.
J’en viens au respect de l’autorisation budgétaire, qui fait aussi l’objet du présent projet de loi. La chute des recettes de 7,7 milliards d’euros par rapport à la loi de fin de gestion est considérable et inédite. Nous avons en France un réel problème de prévision des recettes fiscales. Le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie nous a dit qu’il souhaitait s’en saisir ; bien sûr, nous l’approuvons, même si, tout particulièrement en 2023 et au début de 2024, les éventuelles erreurs des modèles techniques ont été amplifiées par les arbitrages et, me semble-t-il, la communication abusive du précédent gouvernement.
Si le déficit est aussi élevé, c’est aussi parce qu’aucun effort en dépenses n’est venu compenser les chutes de recettes et que la gestion budgétaire est restée très laxiste en 2023.
Les dépenses nettes du budget général de l’État ont encore progressé de 1,9 milliard d’euros entre 2022 et 2023, malgré la fin de plusieurs dispositifs d’urgence, dont les crédits sont en fait les seuls à diminuer de manière significative.
Le budget de 2023 montre de manière très claire qu’aucune économie budgétaire n’a été proposée par le Gouvernement. Pis, les dépenses exceptionnelles ont été plus que remplacées par des dépenses courantes, de manière totalement irresponsable compte tenu de la baisse des recettes que je viens d’évoquer.
Au total, les dépenses de l’État ont augmenté de plus de 16 % en euros constants entre 2017 et 2023. C’est deux fois plus que la hausse constatée sous la présidence de François Hollande, alors que, entre 2007 et 2012, pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, les dépenses sont restées quasi stables – preuve que c’est possible.
Tout cela n’a donc rien à voir avec la crise. Hors disparition des mesures d’urgence, le projet de loi de finances pour 2024 prévoyait d’ailleurs encore une hausse des crédits de toutes les missions budgétaires, à part la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». C’est dire s’il y avait erreur !
Enfin, l’examen de ce projet de loi est également l’occasion de porter une appréciation sur le dispositif budgétaire de suivi de la performance. Je pense que nous sommes ici en présence de cas cliniques, et malheureusement pathologiques, de processus bureaucratiques dans notre pays.
Les indicateurs associés au projet de loi de finances sont à la fois trop nombreux, inadaptés et largement inexploitables. Je citerai un seul chiffre : en 2023, 30 % des indicateurs, soit près d’un sur trois, n’ont pas de cible quantitative exploitable. J’appelle donc une fois de plus à une remise à plat de ces instruments.
En conclusion, mes chers collègues, il ne vous étonnera pas que je vous propose de ne pas adopter ce projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023.
Certes, ce projet de loi, comme les précédents projets de loi de règlement pour 2021 et 2022, ne fait que constater les résultats d’une gestion budgétaire passée. Toutefois, le niveau des déficits, injustifiable hors période de crise, et surtout l’ampleur de l’écart entre l’autorisation parlementaire et l’exécution budgétaire doivent, me semble-t-il, être sanctionnés par le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)