compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Guy Benarroche,
M. Philippe Tabarot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Souhaits de bienvenue à deux nouveaux sénateurs
M. le président. Avant de donner la parole au premier orateur, je voudrais saluer nos nouveaux collègues Brigitte Hybert, qui a remplacé notre ancien collègue Bruno Retailleau, et Alexandre Basquin, qui a remplacé notre ancien collègue Éric Bocquet.
Au nom du Sénat, je leur souhaite la bienvenue. (Applaudissements.)
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun à observer au cours de nos échanges une valeur essentielle au sein de notre assemblée : le respect, à la fois des uns et des autres et du temps de parole.
sécurité du quotidien
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, un an après avoir pleuré Thomas, le Rugby Club Romanais Péageois pleure Nicolas. Thomas Perotto a été poignardé lors du bal de Crépol ; Nicolas Dumas a été victime d’une fusillade à l’entrée de la discothèque Le Seven, à Saint-Péray. Combien de jeunes sont victimes de mort violente depuis un an ?
Si l’on ne regarde que la semaine dernière, les faits ayant conduit à la mort violente de jeunes gens sont en croissance exponentielle. Vendredi dernier, un jeune homme a été tué par arme à feu dans le quartier du Polygone, à Valence. Il en a été de même à Grenoble, à Rillieux-la-Pape, à Villeurbanne, à Clermont-Ferrand, à Poitiers, à Baie-Mahault en Guadeloupe, à Fort-de-France en Martinique. (M. Stéphane Ravier s’exclame.)
Les morts s’enchaînent à une cadence infernale. Le mois dernier, c’était à Marseille et à Nevers que les morts se succédaient.
Nous avons bien évidemment une pensée pour toutes ces victimes et pour leurs familles, leurs amis. Mais la compassion ne suffit pas, ne suffit plus.
En ce moment, une marche blanche démarre à Romans-sur-Isère. Cette ultraviolence se développe dans les villes médianes, à la campagne, même si les villes ne sont pas épargnées, comme le démontre l’attaque à la hache dans le RER lundi matin.
Face à des comportements de plus en plus violents et de plus en plus extrêmes, dans une société où la violence devient quotidienne et quasiment banale, que compte faire le Gouvernement pour que nos enfants et nos petits-enfants puissent se promener, participer à la vie associative, s’amuser, étudier, travailler, bref, vivre en toute sécurité ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Bernard Buis, depuis que j’ai pris mes fonctions, ce que je trouve le plus difficile, c’est d’être soumis à cette chronique, malheureusement devenue trop banale, d’événements abominables. Et je suis surpris par ce rajeunissement, cet effroyable rajeunissement : le rajeunissement de ceux qui tuent, le rajeunissement de ceux qui meurent.
Vous avez égrené un certain nombre de noms. J’aimerais rappeler d’autres faits. Voilà quelques jours (M. le ministre se tourne vers Mme Anne-Sophie Patru.), un enfant de 5 ans a reçu deux balles dans la tête à Rennes. À Poitiers, c’est un jeune de 15 ans qui a reçu une balle dans la tête. Et vous avez évoqué Nicolas, mort presque un an jour pour jour après Thomas Perotto, à Crépol ; tous deux faisaient partie du même club de rugby. (M. Stéphane Ravier s’exclame.)
C’est absolument intolérable. Nous ne pouvons pas laisser se poursuivre une telle dérive. Il faut y apporter des réponses, à plusieurs niveaux.
Certaines d’entre elles doivent être rapides. J’ai toujours considéré que la route du crime était bien souvent pavée de tous ces délits restés impunis, non sanctionnés.
Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a fait des propositions – le garde des sceaux y travaille évidemment aussi – pour mettre fin à ces parcours de violence dans lesquels sont enfermés les mineurs.
La toile de fond des morts que vous évoquez, c’est évidemment le narcotrafic. Je pense que cela doit tous nous mobiliser. Je serai amené à répondre à d’autres questions sur le sujet au cours de cette séance.
J’espère que, sur cette question fondamentale, nous trouverons une unité nationale, quelles que soient nos étiquettes et nos appartenances politiques. Je pense que, sur une cause aussi importante, nous devons nous rassembler. Et, je n’en doute pas, nous nous rassemblerons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour la réplique.
M. Bernard Buis. Monsieur le ministre, il y a effectivement une insécurité réelle au quotidien.
La sécurité au quotidien ne peut pas se décréter ; il faut la vivre. Nous en avons tous besoin, et nous l’attendons avec impatience. Luttons sans faiblesse contre l’insécurité, mais sans démagogie, et dans le respect de l’État de droit.
Vous nous trouverez pour avancer ensemble, afin de mettre fin à ce fléau qui gangrène notre vie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE. – M. Stéphane Ravier s’exclame.)
situation de michelin
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Mille deux cent cinquante-quatre : c’est le nombre de salariés Michelin qui ont appris hier à l’aube la fermeture de leur usine, pour les uns à Cholet, pour les autres à Vannes.
À Cholet, l’usine était implantée depuis 1970. C’est dire le nombre de générations qui y ont travaillé, l’attachement de la population et le traumatisme pour tous ces salariés et pour les familles.
Mon premier message aujourd’hui sera donc pour exprimer notre soutien à ces salariés et aux familles face à une décision d’une extrême brutalité.
L’urgence, c’est la mobilisation de tous pour sauvegarder les emplois, reclasser le maximum de salariés et réindustrialiser le site. Vous pouvez évidemment compter sur la mobilisation totale des élus locaux et des élus nationaux, ainsi que des collectivités territoriales, aux côtés des salariés et des organisations syndicales.
Mais la responsabilité première est celle de Michelin. C’est donc sur ce point que je souhaite vous interroger en premier lieu, monsieur le ministre. Quels engagements le groupe Michelin a-t-il pris vis-à-vis des salariés et du territoire ? Quelles garanties a-t-il apportées ? Et quel est votre degré de détermination pour faire en sorte que les engagements soient tenus ?
Au-delà, la question qui se pose est celle de la souveraineté économique de notre pays. Comment pouvons-nous avoir une vraie politique de réindustrialisation si même nos fleurons partent à l’étranger ?
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour assurer la sauvegarde de la compétitivité de nos entreprises nationales dans un contexte de concurrence internationale totalement exacerbée ?
M. Mickaël Vallet. Ce n’est pas vous qui nous chantiez les louanges du libéralisme ? (Marques d’approbation sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Emmanuel Capus. Je pense notamment à la concurrence des pays asiatiques, qui est extrêmement brutale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Marc Ferracci, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Capus, je vous remercie de votre question. Elle illustre l’engagement qui est le vôtre, et celui de votre collègue Corinne Bourcier, en faveur de l’empreinte industrielle en Maine-et-Loire.
Je vous réponds aujourd’hui avec un peu d’émotion, car c’est la première fois que je m’exprime devant la Haute Assemblée, et je sais l’importance que revêt pour le Sénat l’empreinte industrielle dans les territoires.
Vous l’avez rappelé, la direction de Michelin a annoncé que près de 1 200 emplois seraient supprimés sur les sites de Cholet et de Vannes. Face à une telle décision, notre préoccupation première concerne les salariés, auxquels s’adresse en priorité notre soutien.
Le ministre Antoine Armand et moi-même nous sommes entretenus avec la direction de Michelin au cours des derniers jours, voire des dernières heures. Nous avons exprimé notre exigence, dans un contexte difficile pour la filière automobile, en particulier pour les activités de pneumatiques de Michelin, d’un accompagnement des salariés qui soit exemplaire.
Un accompagnement exemplaire, cela signifie apporter une réponse personnalisée, afin qu’aucun salarié ne reste sur le bord du chemin.
Cette première exigence se double d’une exigence à destination des territoires. Redynamiser et réindustrialiser le territoire, c’est l’engagement qu’a pris la direction de Michelin. Elle s’est également engagée à recréer plus d’emplois qu’il n’en sera supprimé. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Mickaël Vallet. Alors, tout va bien ; fermons plus d’usines !
M. Marc Ferracci, ministre délégué. C’est au respect de cet engagement que nous serons vigilants.
En termes de méthode, dès cette semaine, avec les préfectures concernées, nous réunirons autour de la table toutes les parties prenantes pour trouver des solutions et des repreneurs, afin d’assurer l’avenir des sites.
Nous gardons notre cap : la réindustrialisation. Au premier semestre, trente-six sites ont ouvert ou ont été étendus. Vous le voyez, en dépit de ces mauvaises nouvelles, il y a un cap, et il doit être tenu. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Marques d’ironie sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
prévention des inondations dans le budget 2025
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe RDPI.)
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom de notre groupe, je tiens à exprimer notre immense solidarité à l’égard de nos voisins espagnols. Gardons en mémoire toutes celles et tous ceux qui ont péri noyés.
Madame la ministre de la transition écologique, Jean-François Rapin et moi-même vous avons remis voilà quelques semaines notre rapport parlementaire consacré à la prévention des inondations en France. Nous savions que le péril était grand et sans doute sous-estimé.
Mes chers collègues, la réalité est bien là : nous sommes face à un risque mortel. Or nous sommes collectivement arrivés à un point où l’émotion sans action n’est plus audible. Albert Einstein disait : « La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent. »
Évoluer, faire preuve de solidarité, mener des politiques de prévention et de résilience massive, simplifier : ce sont les actions que nous attendons.
Madame la ministre, je souhaite insister ici sur un objectif, celui de la bonne gestion de nos cours d’eau. Car oui, mes chers collègues, nous allons devoir considérablement simplifier le bon entretien des cours d’eau affectés par des débordements ! Oui, nous allons devoir mieux anticiper les inondations en renforçant nos procédures d’alerte. Oui, nous allons devoir réformer très vite la Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) et entretenir notre patrimoine de digues et de ponts ! Oui, nous allons devoir engager des concertations avec nos agriculteurs pour parvenir à des pratiques agricoles plus adaptées pour l’écoulement des eaux ! Oui, nous allons devoir aménager et reconstruire autrement, sans trembler !
Mes chers collègues, comme l’indique si bien Pierre Mauroy, nous sommes les « héritiers de l’avenir ».
Mais ce travail devra s’accompagner de moyens. Au niveau européen, nos outils budgétaires, en particulier les fonds de solidarité, ne sont – j’en suis persuadé – pas du tout à la hauteur. En France, même si notre pays fait l’objet d’une procédure de déficit excessif, les priorités sont bien là.
Madame la ministre, ma question est simple : le projet de loi de finances pour 2025 donnera-t-il aux élus les moyens de se protéger plus efficacement contre les inondations ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe RDPI. – Mmes Marie-Arlette Carlotti et Sylvie Vermeillet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques. Monsieur le sénateur Roux, permettez-moi tout d’abord d’exprimer de nouveau le soutien du Premier ministre et de l’ensemble du Gouvernement à l’égard du peuple espagnol. Je pense notamment aux habitants et aux sinistrés de Valencia, qui ont été frappés par cette catastrophe terrible.
Une catastrophe qui touche une grande ville de plus de 2 millions d’habitants doit en effet nous faire réfléchir à ce que pourraient être les conséquences d’un phénomène équivalent en France.
Nous-mêmes – vous, dans votre territoire, et moi, en tant qu’élue du Pas-de-Calais – avons également connu des inondations à répétition. Fort heureusement, elles n’ont pas fait de victimes. Mais nous devons être très attentifs.
C’est tout l’enjeu de l’accélération de nos politiques de transition écologique. Nous devons à la fois continuer de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, qui sont la cause du dérèglement climatique, et apprendre à nous adapter, en accélérant la prise en compte de la gestion des risques avant – c’est la phase de prévention –, pendant et après, c’est-à-dire lors des réparations.
Vous évoquez la gestion des cours d’eau. Vous le savez, dans le Pas-de-Calais, nous avons expérimenté un certain nombre de simplifications. Elles ont porté leurs fruits, permettant de gagner jusqu’à sept mois dans l’exécution des travaux.
Vous-même, qui avez écrit un rapport avec Jean-François Rapin – un élu du Pas-de-Calais, lui aussi –, connaissez bien le sujet. Je pense qu’il faut nous inspirer des analyses et des nombreuses recommandations de votre rapport.
Je vous réponds sur la dimension budgétaire. Comme vous le savez, lors de la présentation du Plan national d’adaptation au changement climatique, le Premier ministre a décidé d’une enveloppe de 75 millions d’euros supplémentaires sur le fonds Barnier.
Il faudra évidemment faire en sorte d’accompagner les collectivités locales. Il y a des enjeux d’ingénierie, de compétences. Surtout, c’est une culture du risque que nous devons collectivement acquérir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour la réplique.
M. Jean-Yves Roux. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais ce qu’il faut, surtout, c’est simplifier les procédures, afin que nous puissions essayer d’aménager les cours d’eau. Une simplification est urgente. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe RDPI. – Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)
narcotrafic
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jérôme Durain. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Plus personne n’ignore désormais que le narcotrafic menace les intérêts fondamentaux de la Nation. (M. Stéphane Ravier s’exclame.) La commission d’enquête du Sénat en a démontré au printemps la violence criminelle, l’emprise territoriale, la puissance financière corrosive.
Monsieur le ministre, vendredi, vous et M. le garde des sceaux allez faire des annonces à Marseille. J’ai compris que nous aurions le débat dans cet hémicycle au mois de janvier. Notre groupe prendra toute sa part à cet effort répressif, indispensable et urgent.
Ma question concerne le dernier kilomètre du trafic, c’est-à-dire ce qui se passe dans nos métropoles, dans nos villes, dans nos villages.
Les maires n’ont jamais autant fait pour la sécurité, avec 33 % d’augmentation des polices municipales. Pourtant, ils sont parfois mis au banc des accusés. En réalité, ils sont démunis. Faire peser sur les maires une responsabilité centrale dans de tels drames constitue un bien mauvais procès. Le Congrès des maires consacrera d’ailleurs pour la première fois une table ronde au narcotrafic.
Vous l’avez vu, à Rennes, à Poitiers, à Nîmes, nos élus, qui sont en première ligne, attendent un soutien puissant de l’État. Dans un esprit d’union nationale, nous le leur devons.
Monsieur le ministre, quelles sont vos pistes de travail ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe RDSE. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Jérôme Durain, je voudrais d’abord saluer le travail que vous avez mené avec le rapporteur Étienne Blanc dans le cadre de la commission d’enquête. (Applaudissements sur toutes les travées.)
Honnêtement, lorsque nous avons demandé la création de cette commission d’enquête, je n’aurais jamais pensé que le mal était aussi enraciné. Vous l’avez d’ailleurs décrit, en parlant d’une véritable « submersion » sur tous les territoires.
Le trafic de cocaïne a été multiplié par cinq depuis une dizaine d’années. Surtout, les drogues les plus dures sont disponibles partout et tout le temps dans nos villes et dans nos villages, que ce soit à proximité des points de deal ou via des livraisons à domicile.
Comme je l’ai indiqué voilà quelques instants, la drogue, ce sont des enfants assassins et des enfants victimes. Nous devons donc faire un immense effort.
Et cet effort, il faut le faire d’abord dans un continuum de sécurité. L’État et tous les élus doivent se mobiliser.
À l’échelle de l’État, nous devons défendre au plus haut niveau cette cause, qui est pour moi une cause capitale, nationale. C’est la raison pour laquelle nous aurons dès demain une séance de travail avec le garde des sceaux, sous l’autorité du Premier ministre. Avec mon collègue de la place Vendôme, nous annoncerons à Marseille un certain nombre de mesures destinées à changer de cadre.
J’ai souvent comparé, ici même comme à l’Assemblée nationale, le narcotrafic au terrorisme. Je crois en effet que, comme vous l’avez dit vous-même, le narcotrafic et le crime organisé menacent jusqu’aux intérêts fondamentaux de la Nation. C’est une sauvagerie que nous devons combattre. Mais cette sauvagerie atteint aujourd’hui des niveaux qui en font une menace pour nos institutions et notre démocratie.
C’est pourquoi, cet effort, nous allons le faire. Ce sera difficile. Il faudra des années. Nous devrons changer de cadre et de braquet.
M. Pascal Savoldelli. Changer de système !
M. Bruno Retailleau, ministre. Nous reprendrons, je l’espère, bien des propositions que vous avez formulées. Je tiens d’ailleurs à rappeler qu’elles ont été votées à l’unanimité par l’ensemble des groupes de la Haute Assemblée. Je ne doute donc pas que, sur un tel sujet, nous pourrons trouver la voie de l’union nationale. C’est nécessaire.
Ce combat, de même que le combat contre le terrorisme, nous le gagnerons à une condition : que nous oubliions les étiquettes partisanes et que nous nous rassemblions tous. Et nous nous rassemblerons ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.
M. Jérôme Durain. Monsieur le ministre, je note avec satisfaction de nombreux points de convergence. Ceux-ci n’effacent pas des divergences sur d’autres points, par exemple sur la nécessité de la médiation et de l’approche sanitaire, ainsi que sur la question des racines sociales de la consommation.
Face à la criminalité organisée, il n’y a pas de solution magique : ni légalisation miraculeuse ni prohibition caricaturale. Le combat contre le narcotrafic ne pourra être remporté que s’il s’inscrit dans une recherche du consensus le plus large, sans faiblesse et sans excès. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly ainsi que MM. Bernard Buis et Henri Cabanel applaudissent également.)
suppressions d’emplois chez auchan
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K.)
Mme Michelle Gréaume. Mes chers collègues, Auchan annonce supprimer 2 389 emplois après en avoir déjà rayé de la carte 1 475 en 2020. Ce sont donc 2 389 demandeurs d’emploi en plus, alors même que le groupe, appartenant à la huitième fortune de France, a réalisé 33 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023, qu’il a versé près de 300 millions de dividendes entre 2022 et 2023 et qu’il a touché près de 500 millions d’euros au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en 2020 !
Le CICE ayant depuis lors été transformé en exonérations de cotisations sociales, nous ne sommes même plus en mesure d’évaluer l’argent public dont ce groupe a bénéficié. Et, malgré cela, encore une fois, ce sont les salariés qui vont payer la note des erreurs stratégiques des dirigeants d’Auchan, le tout sans réelle réaction des pouvoirs publics.
Répondant hier à l’interpellation du président du groupe GDR à l’Assemblée nationale, André Chassaigne, le Premier ministre a indiqué avoir le souci de savoir ce qui a été fait de l’argent public versé et vouloir en tirer des leçons.
Cette réponse ne nous convainc pas. Elle n’est pas à la hauteur des enjeux. Les 3 000 salariés qui risquent de perdre leur emploi, de même que l’ensemble des contribuables, méritent mieux que cela.
Quelles mesures concrètes le Gouvernement va-t-il prendre pour sauvegarder les emplois concernés ? Va-t-il mettre en place un moratoire dans l’attente d’une évaluation de l’usage de l’argent public dont a bénéficié le groupe Auchan, d’autant que le risque d’un plan de restructuration beaucoup plus important n’est pas à exclure ? Au-delà, va-t-il enfin accepter une véritable conditionnalité des aides publiques au renforcement de l’information des salariés quant à l’usage qui en est fait et au contrôle du juge ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi. Madame la sénatrice Michelle Gréaume, le plan social d’Auchan et celui de Michelin, qui a fait l’objet d’une autre question voilà quelques instants, s’inscrivent dans un contexte de durcissement des conditions économiques de nos entreprises. Une telle multiplication des plans sociaux nous appelle à être vigilants.
Mes pensées vont d’abord aux salariés d’Auchan et aux familles. Un plan social, c’est un choc qui fait naître des doutes légitimes quant à son propre avenir professionnel. La priorité doit aujourd’hui être donnée à la continuité professionnelle des employés concernés par cette restructuration.
La restructuration passe par un dialogue social de confiance efficace, par la reprise des magasins et par l’accompagnement de la reconversion des salariés.
Ceux-ci doivent également pouvoir trouver d’autres possibilités d’emploi, que ce soit au sein du groupe Auchan ou bien en reconversion ou en réorientation vers d’autres entreprises du bassin d’emploi. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Pascal Savoldelli. Donc, c’est déjà plié !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Monsieur le sénateur, j’attends du groupe Auchan des propositions exemplaires pour les salariés, comme le demandent également mes collègues Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, et Laurence Garnier, secrétaire d’État chargée de la consommation.
D’ailleurs, cela me semble être le cas, à en juger par les premiers éléments qui ont été présentés hier pour engager cette négociation, avec un plan de départs volontaires,…
M. Pascal Savoldelli. Bref, c’est déjà acté !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. … le financement d’un congé de reclassement, le financement de formations et la mise en place d’aides à la création d’entreprise.
Nous veillerons, et je veillerai personnellement au suivi des négociations qui doivent avoir lieu. (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRCE-K.)
Vous m’interrogez également, madame la sénatrice, sur les aides publiques. Dans la lignée de ce qui a été indiqué par le Premier ministre, nous allons regarder cette question en détail. (Mêmes mouvements.)
Mme Cécile Cukierman. Ne regardez pas trop longtemps quand même !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Les entreprises doivent effectivement pouvoir rendre des comptes sur l’utilisation de l’argent public qui leur est versé. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
Mme Émilienne Poumirol. On verra bien…
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour la réplique.
Mme Michelle Gréaume. Madame la ministre, je prends note de votre réponse, mais l’enjeu prioritaire, c’est de sauvegarder les emplois. Mon collègue Fabien Gay avait déjà déposé une question écrite sur le sujet en 2019.
Nous attendons donc d’abord que les emplois soient sauvegardés. C’est le plus important pour les familles.
Et nous attendons aussi que le ministère se décide enfin à rendre des comptes aux salariés comme à l’ensemble de la population française sur les aides publiques versées aux entreprises qui licencient aujourd’hui ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
fermeture des sites michelin
M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Yves Bleunven. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
L’annonce de la fermeture des usines Michelin de Vannes et de Cholet suscite une profonde inquiétude parmi les 1 254 salariés concernés. Ces employés, dont le savoir-faire et l’engagement contribuent à la renommée de l’entreprise, se retrouvent aujourd’hui dans une incertitude professionnelle totale.
Derrière les chiffres, il y a des familles, des parcours de vie et un patrimoine industriel local qui risque de disparaître ; mon collègue Emmanuel Capus l’a très bien expliqué tout à l’heure.
Que pouvons-nous faire pour que le même scénario ne se reproduise pas demain, que ce soit à Troyes, à Blavozy, en Haute-Loire, ou ailleurs en France ?
Aujourd’hui, c’est toute la filière automobile européenne qui est menacée de déclassement. En France, c’est Michelin, le leader mondial du pneu, qui chancelle. En Allemagne, c’est Volkswagen, constructeur emblématique et figure de proue de l’industrie, qui flanche. En Suède, c’est le fabricant de batteries Northvolt qui est au bord de la faillite.
En réalité, c’est l’ensemble de la filière automobile mondiale qui doit faire face aujourd’hui à une véritable révolution industrielle et à un changement radical de paradigme.
Dans ce contexte global, la compétitivité de la filière européenne est sérieusement en difficulté à cause d’une réglementation excessive, d’un coût de l’énergie élevé et d’une concurrence déloyale du mastodonte chinois.
Nous sommes à un tournant majeur de l’avenir de notre filière automobile. Il nous faut dès à présent préparer cette mutation si nous voulons empêcher la crise de remonter toute la chaîne de valeur. Cette phase de transition ne doit pas être une phase de déclin fatal.
Michelin s’est engagé à créer au moins autant d’emplois que ceux qui seront supprimés. Je le salue. Mais, plus globalement, il est urgent d’accompagner ces mutations inévitables.