M. Hervé Reynaud. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre, mais on gagnerait la confiance des collectivités en gelant la dotation au sein de leurs budgets au lieu de faire remonter la mise en réserve au niveau de l’État. On a su procéder ainsi avec les surplus de DMTO des départements : techniquement, c’est tout à fait possible. Une telle méthode offrirait aux collectivités davantage de garanties sans préjuger en rien des péréquations qui pourraient être mobilisées par ailleurs.
M. Hervé Reynaud. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, les dépenses des collectivités territoriales augmentent, en raison notamment de leurs coûts de fonctionnement, d’investissements croissants et des nouvelles responsabilités qui leur incombent.
À l’occasion de ce débat, j’appelle votre attention sur une question cruciale pour l’avenir financier de nos départements, à savoir la nécessité d’une augmentation temporaire des droits de mutation à titre onéreux, ces fameux DMTO dont on parle tant.
Les DMTO, qui sont des taxes perçues lors de la vente de biens immobiliers, constituent, avec la TVA, l’une des principales sources de revenus des départements, permettant de financer nombre de services publics et d’infrastructures.
Je prendrai l’exemple du département que je représente : pour 2024, les recettes inscrites au budget du département de l’Isère, après révision en budget supplémentaire, s’élèvent à 177 millions d’euros, quand le montant enregistré dans le compte administratif de 2023 était de 227 millions d’euros.
Force est donc de constater, pour le seul département de l’Isère, une baisse de 50 millions d’euros entre 2023 et 2024. Cette baisse s’explique en grande partie par la contraction des recettes de DMTO, estimée à 19,6 % par la Cour des comptes. Cette diminution significative met en lumière le rôle crucial des DMTO dans la santé de nos finances départementales.
Or chacun ici a conscience des enjeux financiers que vont devoir affronter les collectivités dans les années à venir. L’augmentation constante du besoin de financement lié au versement des allocations individuelles de solidarité, et notamment du revenu de solidarité active, en fournit un exemple éloquent. De telles dépenses sont indispensables pour soutenir nos concitoyens les plus vulnérables, mais elles exercent une pression significative, parfois insupportable, sur les budgets.
Alors que quatorze départements sont d’ores et déjà considérés comme étant « en grande difficulté » en 2024, agissons dès à présent pour les aider à redresser leurs finances.
En relevant le taux des DMTO pour une période limitée, nous pourrions stabiliser nos finances et réfléchir à une solution plus pérenne qui ne risquerait pas d’affecter la demande sur le marché immobilier.
Madame la ministre, que pensez-vous d’une telle mesure ? Quelles seraient selon vous les conditions idéales d’application d’un tel relèvement temporaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Rambaud, la baisse des DMTO perçus par les départements est un fait constaté sur l’ensemble du territoire.
Je partage une grande part de vos propos. Néanmoins, avant d’aller plus loin, j’émettrai un bémol : je suis très consciente de l’importance des DMTO dans les départements de la montagne comme le vôtre, du littoral et de l’Île-de-France, mais je ne suis pas certaine que l’impact des DMTO soit le même dans le département des Ardennes de M. Laménie, qui s’est exprimé il y a quelques minutes. (M. Didier Rambaud en convient. – M. le rapporteur général le confirme.)
Sur la question des DMTO, nous devons avancer ensemble, conformément à la demande de nombreux présidents de département. In fine, ce sera également un élément d’autonomie, car il reviendra au président de l’exécutif et à sa majorité de décider d’augmenter ou non les DMTO.
De combien cette hausse sera-t-elle ? Aura-t-elle un impact sur le logement ? Il importe de bien avoir en tête deux éléments.
Premièrement, les DMTO concernent essentiellement l’ancien. Leur hausse n’aurait donc pas de conséquence sur le logement social tel qu’on le connaît. C’est un point important du débat qu’il convient de mettre en avant.
Deuxièmement, le taux d’imposition doit-il passer de 4,5 % à 5 % ou à 5,5 % ? Voilà la question.
Quoi qu’il en soit, sur le principe, c’est incontestablement l’un des sujets sur lesquels le Gouvernement souhaite réfléchir et travailler avec vous dans le cadre du débat à venir.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Madame la ministre, nous partageons, vous et moi, deux idées communes : réduire les déficits – il est urgent d’agir – et rendre plus efficiente la dépense publique.
Néanmoins, le projet de loi de finances pour 2025 me laisse sur ma faim en la matière. Comment se satisfaire d’une simple fusion de Business France et d’Atout France quand il existe encore 400 opérateurs qui représentent à eux tous un budget de 91 milliards d’euros, mais surtout 30 milliards d’euros en frais de fonctionnement ?
Pourquoi aborder ce sujet à l’occasion d’un débat sur la situation des finances publiques locales ? La réponse est simple : il faut trouver de nouveaux moyens pour soutenir nos élus locaux dans le financement de leurs investissements indispensables et de leurs services publics.
À mon sens, la suppression d’opérateurs pourrait être l’une des solutions. Loin de moi l’idée de faire table rase des opérateurs : certains d’entre eux ont prouvé leur efficacité.
En revanche, l’existence d’autres opérateurs est questionnable, pour ne pas dire ubuesque. Comment peut-on porter un discours crédible sur l’efficience des dépenses publiques alors que l’État ne conserve pas moins de cinq opérateurs dans le champ de l’aménagement du territoire – l’Agence nationale de l’habitat (Anah), le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ?
Georges Clemenceau, illustre personnage de cette maison et de notre groupe, disait : « Pour prendre une décision, il faut être un nombre impair de personnes, et trois c’est déjà trop. » Imaginez donc à cinq le bazar que ça crée, surtout pour nos élus locaux ! (Sourires.)
Madame la ministre, cela m’amène à vous poser cette question : au nom du bon sens, ne faudrait-il pas envisager la suppression d’opérateurs dont l’utilité n’est pas démontrée et rediriger les budgets ainsi dégagés vers les collectivités territoriales, en économisant les frais de fonctionnement ?
Ne me répondez pas qu’une loi sera examinée au printemps prochain, car vous le savez mieux que moi, madame la ministre : il n’y a pas de majorité à l’Assemblée nationale et l’année prochaine nous serons exactement dans la même situation ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, le Premier ministre s’est exprimé sur le sujet : nous avons effectivement un inventaire à faire. Quand je dis « nous », je veux parler de chacun des ministres dans le champ de leurs responsabilités. Cet inventaire doit porter sur les agences au regard du rapport coût-efficacité, car c’est bien là le sens de votre question.
Il faudra envisager soit de supprimer certaines agences, soit de mutualiser leurs missions – les suppressions n’étant pas forcément systématiques et des regroupements pouvant être mis en avant. Les cinq agences ou établissements que vous avez cités, à savoir l’Anah, l’Anru, l’ANCT, l’Ademe et le Cerema, ont tous pour objectif l’aménagement du territoire. Ils ont donc des éléments communs. C’est notamment le cas de l’ingénierie. Cette dernière est-elle réalisée par la communauté de communes ou par l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) en tant que tel ? Est-elle réalisée par une ou plusieurs de ces agences ? Si oui, combien ça coûte et comment ça fonctionne ? Voilà peut-être une des clés d’entrée.
En tout état de cause, nous n’avons pas toujours besoin d’une loi. Certes, ce qu’une loi a fait, seule une loi peut le défaire. Mais – pardon de le dire devant des parlementaires – nous pouvons aussi agir par voie réglementaire. Si j’ai bien compris vos propos, c’est dans ce sens que vous m’invitez à travailler afin d’éviter que le Gouvernement échoue à faire voter une loi.
Vous m’appelez à une prise de responsabilité, mais soyons clairs : ne venez pas ensuite nous reprocher d’avoir agi par voie réglementaire !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Madame la ministre, dans son rapport, le Gouvernement fait le constat « d’un bloc communal dans une situation favorable », notamment du fait « d’une épargne brute qui augmente de 9,2 % entre 2022 et 2023 ». Mais, attention, nous savons bien que derrière cette moyenne se cachent de grandes disparités.
Comment pourrait-on juger de la situation financière du bloc communal en englobant indistinctement le taux d’épargne des grandes métropoles et celui des petites communes ?
Si je prends deux indicateurs objectifs de richesse des territoires, le potentiel fiscal et le revenu imposable moyen par habitant, les écarts sont considérables : ils varient du simple au double, voire davantage. Ces écarts nous obligent, me semble-t-il, à un traitement différencié devant respecter un principe intangible de justice territoriale !
Or, madame la ministre, parmi les mesures que propose le Gouvernement pour la contribution des collectivités au redressement des comptes publics de la Nation, il y en a une qui me semble particulièrement injuste : la réduction de 2 points du FCTVA, soit une baisse de 10 % !
Cette diminution de recettes toucherait indistinctement toutes les collectivités sans exception et sans distinction de catégorie, de strate démographique ou de richesse.
De plus, cette mesure générale réduirait directement la capacité d’investissement des collectivités dans les territoires alors que ces investissements jouent un rôle essentiel dans le soutien aux entreprises locales et à l’emploi.
Madame la ministre, pourriez-vous reconsidérer cette réduction de 2 points du FCTVA et concentrer les efforts sur des mesures plus justes ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Justes territorialement ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Delcros, vous souhaitez tout d’abord que nous ayons une lecture la plus équilibrée possible. Très concrètement, c’est la raison pour laquelle nous avons souhaité travailler avec tous types de collectivités – régions, départements, EPCI, communes – dont le budget est supérieur à 40 millions d’euros, ce qui exclut une partie de la ruralité de cette ponction de 2 % – il s’agit d’un élément non négligeable.
Par ailleurs, nous prenons systématiquement en compte les critères de fragilité, à savoir, d’un côté, le fait de percevoir la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et, de l’autre, celui d’être bénéficiaire du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le Fpic. Ces critères ne répondent pas à tout, mais ils sont lisibles pour chacun.
Sur le point spécifique de la TVA, je suis parfaitement consciente du problème posé par la rétroactivité de la mesure. Il me semble difficile de dire à des élus deux ans après : vous avez présenté un plan de financement que l’on ne peut pas assumer, car les finances publiques sont en situation de redressement.
Globalement, pour l’ensemble des collectivités, la dépense s’élève à 800 millions d’euros. Il faudra donc débattre pour essayer de trouver une solution. Je reste ouverte à vos propositions. Je suis consciente du risque récessif, notamment vis-à-vis des petites et moyennes entreprises dans des zones rurales. Toutes les collectivités sont concernées, et nous devrons donc travailler ensemble.
C’est tout le sens de l’échange et du partenariat qui doit s’instaurer entre le Sénat et le Gouvernement, mais il importera de trouver un moyen de compenser ces 800 millions.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour la réplique.
M. Bernard Delcros. Merci, madame la ministre, de l’esprit d’ouverture dont vous faites preuve. Cette mesure doit être abandonnée. Nous sommes prêts, au Sénat, à travailler avec vous afin de trouver une solution plus ciblée qui respecterait votre objectif de réduction de 800 millions d’euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Depuis plusieurs semaines, les collectivités territoriales sont rendues responsables du déficit public. Rappelons que depuis 1995 le poids des collectivités territoriales dans la dette publique est resté stable aux alentours de 9 %, alors que le poids de la dette de l’État sur cette même période a plus que doublé.
Dans le même temps, et non sans paradoxe, le Gouvernement s’évertue à imposer des coûts supplémentaires aux collectivités pour réduire le déficit qu’elles auraient creusé.
Ainsi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit pour résorber le déficit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) une augmentation pluriannuelle, de 2025 à 2027, des cotisations des employeurs publics sans en préciser les contours, sauf pour 2025 où l’augmentation de 4 points est clairement annoncée. Qu’en sera-t-il pour 2026 et 2027 ?
Si l’on en croit le rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas), sur lequel s’appuie cette mesure, le déficit cumulé de la CNRACL à l’horizon de 2030 est de 60 milliards d’euros. L’évolution des points CNRACL pour le résorber est estimée, quant à elle, à +13,48 sur cette même période.
Pourriez-vous, madame la ministre, apporter une réponse éclairée à tous les employeurs publics ? Doit-on s’attendre à une augmentation globale de 13,48 points sur trois ans, ce qui serait une projection insurmontable pour nos services publics ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Simon Uzenat applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, la CNRACL est effectivement dans une situation difficile : 1,6 million de pensionnés – 57 % d’agents territoriaux et 43 % d’agents hospitaliers – ; 26,1 milliards d’euros de prestations versées ; 2,2 millions de cotisants – 63 % des cotisants sont des agents territoriaux et 37 % des agents hospitaliers, ce qui est éclairant sur le rapport entre les cotisants et les bénéficiaires – ; 41 600 employeurs ; 23,4 milliards d’euros de cotisations perçues. Je m’arrête là, mais je souhaitais que chacun mesure bien la réalité des chiffres.
Ce régime spécial de sécurité sociale assure les risques vieillesse et invalidité de 2,2 millions d’agents titulaires des fonctions publiques territoriale et hospitalière. Les projections du Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoient des déficits annuels de l’ordre de 10 milliards en 2030 si aucune mesure visant à équilibrer le régime n’est prise.
J’assume d’autant mieux la décision du Gouvernement que c’est moi qui avais diligenté, à l’époque, en tant que ministre de la santé, une mission inter-inspections pour mesurer la trajectoire de retour à l’équilibre du régime. Il y va de notre responsabilité vis-à-vis des pensionnés. L’idée est maintenant de diversifier les ressources de ce régime pour apporter une réponse concrète.
La CNRACL est une caisse qui a fortement contribué, et contribue encore, à l’équilibre d’autres régimes au travers du mécanisme de la compensation démographique. C’est pourquoi j’ai demandé que les mesures visant à élargir la base cotisante pour financer des avantages non contributifs de la branche solidarité vieillesse et de la branche famille soient accompagnées.
Nous proposons donc que la hausse du taux de cotisation soit lissée dans le temps afin de ne pas mettre en difficulté la CNRACL. Les charges employeur n’augmenteront pas de façon trop importante. Pour rétablir les comptes, il aurait fallu une hausse de 30 %, ce qui aurait été insupportable.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour la réplique.
M. Pierre Barros. Vous confirmez donc la trajectoire de 13,48 points sur la période ? (Mme la ministre opine.)
C’est une information extrêmement douloureuse, d’autant que la CNRACL est structurellement excédentaire depuis la création du corps des fonctionnaires des collectivités territoriales dans les années 1980. Cette caisse a beaucoup contribué à l’effort. Il est intolérable que les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers soient les victimes d’une réforme des retraites qui ne produira malheureusement pas les effets attendus. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Madame la ministre, depuis 2017, les collectivités territoriales font face à une politique de sabotage de leur autonomie fiscale avec la suppression de la taxe d’habitation, d’une partie de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), d’une part importante de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Les leviers supprimés ont été nombreux, déconnectant au passage les ressources fiscales locales des dynamiques de territoire. Ajoutons que les compensations pèsent désormais sur le budget de l’État, donc sur notre dette.
Avec le changement de gouvernement et la nomination de plusieurs membres de la majorité sénatoriale, on aurait pu espérer sinon des moyens nouveaux dynamiques pour les collectivités, du moins la préservation de leurs ressources. C’est tout le contraire qui s’est produit.
Le Gouvernement demande 5 milliards d’euros d’efforts aux collectivités. Mais entre la suppression des crédits pour le fonds vert, l’augmentation des cotisations sur la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, et j’en passe, l’addition serait plutôt aux alentours de 11 milliards d’euros selon l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).
Hier, un courrier du président Les Républicains du département du Rhône nous alertait en ces termes : « Nous sommes à l’aube d’un effondrement financier des départements. »
Pourtant, les collectivités locales sont un pilier indispensable de l’investissement public puisqu’elles en assurent près de 70 %. Or nous allons avoir besoin d’investissement, notamment en matière de transition énergétique. Il faudra mobiliser en moyenne 11 milliards d’euros par an jusqu’en 2030. Pour l’adaptation climatique, l’effort devrait être de 2,3 milliards d’euros par an.
Ce projet de loi de finances va donc à rebours de nos engagements climatiques en privant les collectivités de ressources pour résoudre l’endettement de l’État. Cela risque de nous coûter bien cher pour l’avenir.
Le projet de loi de finances arrivant bientôt au Sénat et son destin étant dans la main de la majorité sénatoriale, cette question pourrait aussi lui être adressée : allez-vous renoncer à l’effort que vous demandez à nos collectivités en 2025 ou au moins le corriger ? Dans quelle proportion envisagez-vous de le faire ? Ne craignez-vous pas un effet récessif pour nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, vous revenez dans vos propos sur la CNRACL, ce qui me permet d’achever mes explications.
Cette caisse est confrontée à la grande difficulté de l’augmentation du nombre de contractuels dans les collectivités et à la diminution du nombre d’agents, ce qui entraînera un effet de ciseau. Comme vous le savez, les contractuels cotisent à l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec) alors que les agents cotisent, eux, à la CNRACL. C’est l’un des éléments qui nous interpelle et qui nécessite une mobilisation.
En ce qui concerne la suppression de la taxe d’habitation, je me permets de vous rappeler, monsieur le sénateur, mais vous le savez, que nous étions arrivés dans certains territoires à des contractions telles que seulement 30 % ou 40 % des habitants étaient redevables de cette taxe. Les autres étaient exonérés à des titres divers, ce qui n’était pas satisfaisant. Comme je l’ai souligné précédemment, il importe d’ouvrir un débat sur cette question.
Vous avez également évoqué les départements. Vous avez compris combien le Gouvernement souhaite travailler avec vous pour trouver des réponses en ce qui les concerne.
Enfin, sur l’enjeu climatique, j’ai rappelé tout à l’heure que les crédits du fonds vert s’élevaient à 1,7 milliard pour l’exercice 2023. Aujourd’hui, nous sommes à 1 milliard. Par ailleurs, la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, et la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, accompagnent de plus en plus les investissements des collectivités sur les projets liés au changement climatique. Il faudra probablement s’interroger concernant les budgets à venir.
M. le rapporteur général évoquait les crédits de l’État à destination des collectivités. Rien n’empêche de flécher davantage ces crédits vers ce type d’investissement pour régler la dette climatique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Après des mois de mise en cause infondée des collectivités locales dans la dérive des finances publiques, communes, intercommunalités, régions et départements sont sommés de contribuer à la réduction d’un déficit qu’ils n’ont pas creusé.
L’équilibre budgétaire des départements est préoccupant. Ils subissent déjà un effet de ciseau marqué. La perte de leur levier fiscal, la baisse des DMTO et les transferts de charges – très largement sous-compensés – les poussent droit dans le mur.
Quatorze départements sont d’ores et déjà éligibles au fonds de sauvegarde pour 2024. Combien le seront-ils en 2025 après contribution ?
Alors que leurs dépenses sociales sont en hausse et ne sont pas pilotables, le fonds de précaution prévu par le projet de loi de finances pour 2025 fait des départements les plus gros contributeurs, alors même que l’État est déjà débiteur de 12 milliards d’euros auprès d’eux sur les allocations individuelles de solidarité (AIS).
L’affaiblissement des finances des départements, conjugué aux mesures austéritaires de ce budget, conduira à une chute de l’investissement public local et à la fin du soutien porté aux projets des territoires dont les entreprises, les associations et les habitants seront les victimes.
En 2024, selon les projections de l’Assemblée des départements de France (ADF), quatre départements affichent un déficit de fonctionnement. Ce nombre passerait à vingt-neuf en 2025 et à une cinquantaine en 2027.
Madame la ministre, à ce compte-là, voulez-vous voir disparaître nos départements ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Madame la sénatrice, non, le Gouvernement ne souhaite pas voir disparaître les départements ! C’est bien la raison pour laquelle nous travaillons à vos côtés sur différents sujets.
Tout d’abord, nous avons mis en place l’année dernière dans le budget pour 2024 le « G24 » : 150 millions d’euros, dont la répartition a été laissée à la main de l’Assemblée des départements de France. Il avait été proposé que ce montant soit fléché vers les départements les plus en difficulté ; c’est l’ensemble du bureau de l’ADF qui a fait le choix de sa répartition.
Par ailleurs, l’actuel projet de loi de finances prévoit d’exclure vingt départements, compte tenu de leur situation particulière, du prélèvement de 2 % décidé pour participer au redressement des finances publiques.
De surcroît, nous conduisons une réflexion autour de l’alimentation d’un fonds de sauvegarde.
Enfin, je me suis exprimée tout à l’heure en répondant à l’un de vos collègues au sujet des DMTO.
Très concrètement, le Gouvernement est sensible à cette spécificité départementale liée aux aides individuelles de solidarité. Ce sont des aides sur lesquelles les départements « n’ont pas la main », même s’ils en assument le versement. Le traitement sera spécifique, par opposition à ce qui se passe pour les régions, les communes ou les EPCI.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.
Mme Isabelle Briquet. Madame la ministre, il est heureux d’entendre que le Gouvernement souhaite prendre en compte de la spécificité des départements.
Les départements ne sont pas des chiffres sur un tableau. Jouant un rôle essentiel auprès de nos concitoyens, ils doivent bénéficier de ressources stables pour soutenir l’économie locale, renforcer le lien social et accompagner le développement de nos territoires ruraux comme urbains.
Ma conviction est qu’il faut donner tout son sens au partenariat « État-collectivités » – je sais que vous y êtes sensible. Cela ne passe ni par des contrats de Cahors ou d’ailleurs, ni par des pactes de confiance, ni par un fonds de précaution, qui n’ont fait l’objet d’aucune concertation en amont avec les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. À la lecture de ce rapport, une conclusion s’impose : il faut sortir la tronçonneuse à l’encontre du millefeuille administratif et de la fonctionnarisation massive. Les chiffres sont là : entre 2003 et 2023, les dépenses de personnel des administrations publiques locales ont quasiment doublé, passant de 47,4 milliards par an à 92,6 milliards.
Au fil du temps, ni la fusion des régions ni la création des métropoles ou EPCI n’ont permis d’endiguer le phénomène de la hausse des dépenses de fonctionnement et de renforcer l’efficacité des politiques publiques. Ces réformes n’ont fait que multiplier l’addiction et surcharger l’addition. Résultat, on observe que les dépenses des administrations publiques locales évoluent plus rapidement que les dépenses publiques des autres administrations et que le PIB lui-même.
L’objectif de maîtrise des dépenses de fonctionnement fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a été dépassé en 2023 : 5,7 % au lieu des 4,8 % prévus, soit 1,4 milliard d’euros supplémentaires. Ce dépassement est supérieur à l’inflation.
Clemenceau disait : « La France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts. » J’ajouterai que le meilleur engrais est notre capacité à créer surabondamment de la norme !
La « fonction » publique est nécessaire, mais elle ne doit pas devenir la « ponction » publique.
Il nous faut plus de fonctionnaires territoriaux d’action, mais moins de fonctionnaires d’administrations.
Il faut plus de fonctionnaires opérationnels, visibles, au contact du public comme nos pompiers ou policiers municipaux, plus de fonctionnaires au service du pays, moins de fonctionnaires au service de l’État.
La responsabilité de ce cercle vicieux n’est pas le fait des élus locaux, qui ne font que répercuter les impulsions parisiennes.
Madame la ministre, quelles sont vos propositions structurelles pour endiguer l’emballement des dépenses des administrations publiques locales, tout en retrouvant l’efficacité et en réinsufflant ainsi du consentement à l’impôt ?