PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Candidature à une délégation sénatoriale

Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale à la prospective a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Situation des finances publiques locales

Débat sur un rapport remis en application de l’article 52 de la loi organique relative aux lois de finances

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des finances, sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l’article 52 de la loi organique relative aux lois de finances.

La parole est à M. Jean-François Husson, au nom de la commission qui a demandé ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite ouvrir ce débat sur les finances locales en affirmant avec force, à rebours d’une allégation omniprésente dans le débat public et répandue par plusieurs ministres démissionnaires, que les collectivités territoriales ne sont pas responsables de la situation très dégradée, et même calamiteuse, des comptes publics de notre pays.

En effet, le déficit du budget de l’État représente une part écrasante du déficit public ; de surcroît, son augmentation – il est passé de 3,4 % à 5,5 % du PIB entre 2017 et 2023 – explique peu ou prou à elle seule la dégradation du solde public dans son ensemble.

Par contraste, la part des collectivités territoriales dans la dégradation des comptes publics, qui existe, est à relativiser. Certes, le solde des administrations publiques locales pourrait atteindre, en 2024, –0,7 % du PIB, soit son plus bas niveau depuis 1985 ; mais ce constat est à nuancer : le déficit desdites administrations ne représenterait qu’un neuvième du déficit public de l’année. J’ajoute qu’il faut prendre en compte l’endettement des organismes divers d’administration locale (Odal), qui pèse fortement.

Par ailleurs, si les dépenses des collectivités locales doivent bien augmenter de manière dynamique en 2024, de 4,5 % en fonctionnement et de 13 % en investissement, d’après les dernières informations que nous avons obtenues de la direction générale du Trésor, cette augmentation est essentiellement tirée par le contexte économique et social – revalorisations salariales décidées par l’État, inflation énergétique, remontée des taux d’intérêt, augmentation du nombre des bénéficiaires d’aides sociales – et non par des décisions volontaristes d’élus choisissant d’accroître les dépenses de fonctionnement de leur collectivité.

Pour ce qui est de l’investissement, sa dynamique est clairement portée, nous le savons, par le cycle électoral du bloc communal et par le nécessaire rattrapage lié à tout ce qui n’a pu être réalisé au début de la crise du covid-19.

Au regard de cet état des lieux, je me réjouis, madame la ministre, du changement de ton de l’exécutif à l’endroit des collectivités territoriales, changement que je retrouve dans vos propos, mais également dans ceux du nouveau ministre chargé du budget et des comptes publics. Il me paraît essentiel que le Gouvernement parle d’une même voix sur ce sujet, et vous avez tous deux clairement rappelé que le dérapage budgétaire n’était pas principalement le fait des collectivités. Cela est vrai, il est juste de le dire, et je vous remercie de le faire.

Vous construisez, me semble-t-il, les bases d’une meilleure coopération, que tous nous appelons de nos vœux, entre l’État et les collectivités territoriales.

Mais, bien que la dégradation des comptes publics soit largement imputable à l’État, deux éléments me conduisent à penser que les collectivités territoriales doivent elles aussi participer à l’effort collectif ; tel est du reste le sens de ce que j’entends sur le terrain.

D’une part, dans un contexte où les déficits doivent être réduits, on ne saurait se satisfaire que le solde des administrations publiques locales passe de –0,4 % à –0,7 % du PIB entre 2023 et 2024. D’autre part, les collectivités territoriales bénéficient d’une part significative des dépenses de l’État : rappelons que le total des concours financiers de l’État aux collectivités locales est de plus de 50 milliards d’euros. À cet égard, il serait un peu étrange de considérer que l’État doit faire un effort, mais que, d’un tel effort, les collectivités locales doivent être exonérées. Ces dernières doivent contribuer à améliorer leur propre santé financière et prendre leur part du rétablissement des comptes de l’État, dont dépend, in fine, ladite santé.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, je ne conteste pas le principe d’une participation des collectivités au redressement des comptes publics – je le dis avec insistance. Je pense néanmoins que cette participation doit être proportionnée à la contribution des collectivités au déficit et, plus encore, qu’elle doit être équitablement répartie entre elles.

MM. Jean-Raymond Hugonet et Rémy Pointereau. Très bien !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est à l’aune de ces principes qu’il nous faudra considérer les dispositifs que le département – pardon, le Gouvernement –…

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Lapsus révélateur ! (Sourires.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. … nous propose.

Le lapsus est révélateur, oui : je vois que tout ça infuse ! (Nouveaux sourires.)

M. Yannick Jadot. C’est pour bientôt !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit une stabilité des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales ; la dotation globale de fonctionnement (DGF), en particulier, demeure stable, maintenue à un peu plus de 27 milliards d’euros. À cette base que constitue la stabilité des concours de l’État, le PLF ajoute trois principes nouveaux.

Le premier, la réduction du taux et de l’assiette du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), prévu à l’article 30, pourrait générer 800 millions d’euros d’économies. Par la mesure d’assiette, le Gouvernement veut revenir à l’esprit initial du FCTVA, centré sur les dépenses d’investissement. Par la mesure de taux, il veut associer les collectivités à l’effort de redressement des comptes publics. Est-ce la bonne façon de faire ? Les collectivités locales sont, je le rappelle, le premier investisseur public, et il ne faudrait pas que la contrainte financière d’aujourd’hui nous pousse à renoncer à des dépenses qui nous permettront de répondre à la contrainte financière de demain. Je suis en particulier vigilant, et pour tout dire exigeant, madame la ministre, quant à l’impact d’une telle mesure sur le bloc communal, notamment sur les plus petites communes, qui ont peu de leviers à leur disposition et peu de moyens d’ingénierie : elles seraient les moins à même de composer avec cette perte de recettes.

Le projet de budget pour 2025 prévoit, deuxièmement, le gel des fractions de TVA affectées aux collectivités, mesure inscrite à l’article 31. Cette disposition ne constitue certes pas, par rapport à la situation qui prévalait en 2024, un prélèvement sur les recettes des collectivités ; reste qu’elle aboutirait à une minoration de 1,2 milliard d’euros de la dynamique de TVA par rapport aux montants qui auraient été versés aux collectivités en 2025 en l’absence de ce dispositif. Le Gouvernement avance que ce gel demeurerait exceptionnel et qu’il permettrait aux collectivités de bénéficier à l’avenir d’une meilleure prévisibilité de leurs recettes de TVA, celles-ci étant calculées désormais par référence à la dynamique fiscale de l’année précédente et non plus de l’année en cours.

J’en viens, troisièmement, à la création d’un fonds de réserve des collectivités territoriales, prévue à l’article 64. Sur le papier, un dispositif de ce type ne me paraît pas dénué d’intérêt. Le développement de la péréquation et celui de l’auto-assurance collective des administrations locales sont, sur le principe, deux objectifs que tous ici nous pouvons approuver. Néanmoins, tant la rédaction proposée par le Gouvernement que l’architecture globale de ce dispositif me semblent poser de très – trop – nombreuses questions. L’Assemblée nationale, dont je ne commenterai évidemment pas les votes, a purement et simplement rejeté ce dispositif. Je souhaite qu’au Sénat nous puissions imaginer et proposer, pour ce fonds, une nouvelle architecture qui nous permette à la fois d’avancer et d’aboutir à une solution.

Madame la ministre, je conclurai ce propos liminaire par une interrogation. Sous l’égide du président Larcher, un groupe de travail sénatorial a remis l’année dernière un rapport recommandant de réformer dans sa globalité le système de financement des collectivités. Peut-on en effet se satisfaire de la perte de lien entre les collectivités et les contribuables ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Quel avenir pour la DGF ? Voilà, pour commencer, deux questions structurantes à propos desquelles j’attends avec impatience, et une part de gourmandise, de connaître les intentions du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Marc Laménie et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Madame la présidente, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, débattre de la situation des finances locales, c’est inévitablement parler de la situation des finances de notre pays.

Nous le savons tous, cette situation n’est pas bonne : c’est un fait.

En la matière, nous n’avons plus le choix ; si nous voulons maintenir la souveraineté de la France, agir est une nécessité. C’est ensemble, collectivement, sans nous opposer les uns aux autres, que nous assumerons cette situation et que nous réussirons ce défi. Je sais pouvoir compter sur la sagesse de votre assemblée, qui incarne les collectivités dans leur globalité, pour bâtir le juste équilibre que les Français comprendront, car il y va de l’avenir de notre pays.

Monsieur le rapporteur général, je partage votre analyse : le débat n’est pas de savoir sur qui rejeter la faute.

M. Rémy Pointereau. Tout de même !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Je le dis à mon tour et vous remercie de l’avoir souligné, il n’y a pas de responsabilité ni de faute des collectivités territoriales dans la dégradation du solde.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il est bon de vous l’entendre dire !

M. Olivier Paccaud. M. Le Maire disait le contraire !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Certes, les dépenses ont augmenté plus vite que les recettes, notamment du fait de décisions nombreuses et coûteuses prises par l’État. Il a été fait allusion notamment à certaines mesures analysées par la Cour des comptes dans son rapport sur la situation des finances publiques locales : la revalorisation du point d’indice de la fonction publique ou les mesures indiciaires spécifiques prises en faveur des agents de catégorie C étaient socialement attendues, mais elles ont incontestablement un coût non négligeable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons un impératif, celui de contenir le déficit public à 5 % du PIB dès 2025. La marche est haute ! Nous proposons à cette fin un effort difficile, inédit par son ampleur, de 60 milliards d’euros, dont 40 milliards d’euros de réduction des dépenses, effort partagé entre toutes les administrations publiques. L’État y prend toute sa part : l’exercice budgétaire auquel il se plie consiste à diminuer ses dépenses de 20 milliards d’euros, quand les dépenses sociales doivent baisser de 15 milliards d’euros. Restent donc 5 milliards d’économies à réaliser sur le budget des collectivités.

Si nous avons proposé de mettre à contribution l’ensemble des administrations publiques, c’est parce que le déficit et la dette publics sont l’affaire de tous.

La dette publique de la France, vous le savez, dépasse les 3 220 milliards d’euros, et nos créanciers ne font pas la différence entre les endettements respectifs de l’État, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale. En tout état de cause, il est certain que la charge de la dette, elle, ne cesse de croître : un choc de taux de 1 % l’alourdit de 33 milliards d’euros à horizon de neuf ans, poids que nous n’avons plus les moyens d’assumer. Sur ce point au moins, j’y insiste, il faut que nous nous accordions ; et je rappelle qu’au moment où je vous parle, mesdames, messieurs les sénateurs, la charge de la dette, qui s’élève à 55 milliards d’euros, est le deuxième poste budgétaire de l’État.

Les conditions de financement sont les mêmes pour tout le monde ; d’elles dépend la capacité de chaque administration publique et de chaque niveau de collectivité à agir, c’est-à-dire à exercer les compétences que lui attribue la loi.

Vous avez longuement débattu dans cet hémicycle, le 8 octobre dernier, à l’occasion d’un débat sur la croissance de la dette publique en France, avec le ministre des comptes publics, Laurent Saint-Martin, que je vous prie de bien vouloir excuser – il est en ce moment même au banc du Gouvernement à l’Assemblée nationale.

Comme je le disais, le redressement des comptes est l’affaire de tous ; il est de notre responsabilité à tous d’y participer. Les collectivités représentent 20 % de la dépense publique. L’effort que nous proposons de leur demander dans cette première copie qu’est le projet de loi de finances initial – j’en reste à la copie du Gouvernement : je ne parle pas des travaux de l’Assemblée nationale – représente 12 % de l’effort global.

Que pouvons-nous faire ? Devons-nous tout arrêter ? Cela n’est évidemment pas possible. Devons-nous supprimer les subventions d’investissement ? Monsieur le rapporteur général, vous le disiez à l’instant, le risque récessif existe, et ce d’autant plus que, pour ce qui est du mandat municipal, le contexte est tout à fait particulier : la crise du covid-19 a retardé le début des travaux de nombreuses collectivités territoriales et, chacun peut en faire l’expérience, nous entrons dans une cinquième année de mandat municipal qui, dans bien des cas, ressemble davantage à une quatrième année, tant les travaux engagés sont loin d’être achevés, les années 2020 et 2021 ayant été ô combien difficiles.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

Mme Catherine Vautrin, ministre. C’est du reste dans cet esprit que le Gouvernement a décidé de maintenir à leur niveau les concours de l’État aux collectivités – je vous remercie, monsieur le rapporteur général, de l’avoir rappelé –, et en particulier les dotations de droit commun, DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux), DSIL (dotation de soutien à l’investissement local), DSID (dotation de soutien à l’investissement des départements), DPV (dotation politique de la ville), toutes dotations profondément ancrées dans les territoires.

Le fonds vert diminue, certes ; mais, s’il avait été doté de 2,5 milliards d’euros en loi de finances pour 2024, il a fait l’objet, dès le début de l’exercice budgétaire en cours, d’un gel à hauteur de 2 milliards d’euros, sachant qu’au titre de l’exercice 2023 le montant des crédits consommés dans le cadre de ce dispositif s’élevait à 1,7 milliard d’euros. Comparaison n’est jamais raison, sans doute, mais, en l’espèce, le milliard d’euros inscrit en autorisations d’engagement pour 2025 doit être mis en regard des 1,7 milliard d’euros effectivement consommé en 2023.

Le maintien des dotations est un gage de la volonté du Gouvernement de poursuivre son soutien aux collectivités, en matière de transition écologique notamment. Je rappelle à cet égard que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a mis en avant deux dettes d’égale importance, la dette économique et la dette écologique. Il est donc assez logique de tourner prioritairement les investissements vers les sujets qui ont trait à l’environnement.

Faut-il ne prendre aucune mesure nouvelle ? Derechef, cela est évidemment impossible. Le projet de loi de finances déposé par le Gouvernement a été établi dans des circonstances exceptionnelles que je ne rappelle pas, mais qui nécessitent qu’ensemble nous débattions de toutes les mesures qui y sont contenues.

Dans ce contexte, le Gouvernement a pris trois engagements.

Premièrement, monsieur le rapporteur général, nous ne touchons pas au montant de la DGF. J’entends votre appel à travailler sur cette dotation dans une perspective de long terme ; précisément, nous vous proposerons un tel exercice, avec le ministre des comptes publics, dès le début de l’année 2026 : il s’agira notamment de retravailler les critères de répartition de la DGF.

Deuxièmement, s’agissant d’un budget perfectible, nous restons plus que jamais ouverts à la discussion, prêts à échanger, avec le Sénat comme avec l’Assemblée nationale, sur l’ensemble des propositions que nous mettons sur la table, et notamment sur la création d’un fonds de précaution abondé via un prélèvement sur les recettes des plus grandes collectivités, c’est-à-dire, plus exactement, des 450 collectivités dont la capacité contributive est la plus élevée. Nous faisons évidemment preuve, en la matière, de la plus grande vigilance : il est prévu d’exonérer de cet effort les collectivités dont les indicateurs de fragilité, tels que mesurés dans le cadre de dispositifs comme la dotation de solidarité urbaine (DSU) ou le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic), sont les plus dégradés.

Troisièmement, nous proposons de reconduire en 2025 à leur niveau de 2024 les fractions de TVA versées aux collectivités ; nous retardons donc d’une année la prise en compte de la dynamique fiscale. Et nous ajustons les conditions d’attribution du FCTVA, ce qui représente un effort de 800 millions d’euros par rapport à l’évolution tendancielle ; sur cette mesure aussi, nous sommes tout à fait prêts à travailler avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs.

J’ai noté, monsieur le rapporteur général, votre commentaire sur la situation des départements. Elle est particulièrement sensible, car ces collectivités subissent un effet ciseaux entre la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et la hausse des allocations individuelles de solidarité. Or, je le rappelle, les départements se contentent de verser ces allocations, sans exercer aucune compétence, donc aucune responsabilité, pour ce qui est de leurs règles d’attribution et de calcul. J’ai pleinement conscience qu’il nous faut trouver des solutions et – j’ose le mot – des correctifs pour cet échelon, qui est celui des solidarités. Il ne peut en effet accomplir ses missions de façon satisfaisante avec des recettes aussi rigides au regard de ses dépenses.

Je n’oublie pas le bloc communal, dont j’entends la forte revendication d’accroissement de son autonomie fiscale. C’est cet échelon qui supporte le financement des services publics locaux. C’est pourquoi – vous m’avez déjà entendu le dire – je souhaite engager sur ce sujet un travail de réflexion, en m’appuyant notamment sur des rapports déjà commis par le Sénat, étant entendu que le Gouvernement n’envisage pas de rétablir la taxe d’habitation.

Il s’agira de se pencher sur la meilleure façon pour chaque citoyen de contribuer à la vie des collectivités dont il est l’usager. Rien n’est gratuit : il y a toujours quelqu’un qui paie. Ce débat, nous devons l’avoir ; c’est en ce sens que s’engage le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. le rapporteur général de la commission des finances, M. Marc Laménie et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)

Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente, et aura la faculté de répondre à la réplique pendant une minute ; l’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après cinquante années de records battus en matière de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires, le Gouvernement doit dans l’urgence boucler un budget pour 2025 en demandant à tous les acteurs, citoyens, entreprises, État et collectivités, de participer au rétablissement des finances publiques.

Le groupe Les Indépendants veille attentivement au respect, dans ce budget d’urgence, de deux impératifs : que l’effort soit justement réparti ; que la croissance ne soit pas cassée par des décisions qui auraient un effet récessif sur notre économie.

Dans le schéma ainsi retenu, les collectivités participent elles aussi à l’effort de redressement des finances publiques, et nous vous appelons, madame la ministre, à dialoguer avec leurs représentants, au nombre desquels nous comptons. Or elles vous font savoir, par notre intermédiaire, que le resserrement de l’assiette et la réduction du taux du fonds de compensation pour la TVA, celui-ci passant de 16,4 % à 14,85 %, font craindre le pire pour nos territoires.

En effet, le FCTVA permet à nos collectivités d’être partiellement remboursées de la TVA que l’État perçoit sur leurs dépenses d’investissement. La révision du FCTVA va donc nécessairement conduire à une diminution de ces dépenses, qui sont pourtant vitales pour l’économie locale, qu’elles irriguent, et pour notre avenir.

Dans ces conditions, madame la ministre, comment s’assurer que le resserrement du FCTVA et la réduction de son taux ne provoqueront pas de récession dans les économies de nos territoires ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Laménie, je partage complètement les préoccupations que vous avez mises en avant, car, vous le savez, derrière la ministre, il y a évidemment une élue locale.

La réduction du taux du FCTVA peut bien sûr paraître injuste : les élus ont construit leurs budgets sur la base d’un état prévisionnel des recettes, et je mesure parfaitement la situation de collectivités qui pourraient avoir souscrit, pour financer leurs projets dans l’attente du versement du fonds, un prêt relais qu’elles devaient par définition pouvoir rembourser une fois la dotation récupérée.

C’est la raison pour laquelle nous étudierons les éventuels amendements relatifs à cette mesure de taux et notamment à sa rétroactivité. Je suis attachée au moins autant à la réduction du taux qu’à la rétroactivité de la mesure ; mon souci permanent est de ne pas sacrifier l’investissement local, relais de croissance, mais de faire en sorte qu’en même temps, au bas de la page, le total fasse bien 5 milliards d’euros d’effort budgétaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.

M. Marc Laménie. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais je dois vous dire notre inquiétude.

Lorsque la situation budgétaire d’un pays se tend, comme c’est le cas pour la France actuellement, celui-ci doit en premier lieu moduler ses dépenses de fonctionnement et ne rogner ses dépenses d’investissement qu’en dernier lieu.

Les dépenses d’investissement de nos collectivités sont précisément celles qui permettent de financer la transition écologique de nos territoires, mais aussi l’entretien et la construction de nos routes, de nos écoles et de nos infrastructures.

En sacrifiant les dépenses d’avenir, nous risquons de créer des récessions économiques dans nos territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel.

M. Stéphane Sautarel. La fragilisation de la situation financière des collectivités territoriales s’accélère. Elle était engagée en 2023, s’accroît en 2024 et va provoquer une augmentation significative du nombre de collectivités dont l’épargne est négative en 2025 – et je ne pense pas seulement aux départements, bien qu’ils soient les plus affectés.

Je ne m’étendrai pas davantage sur les constats. Le temps des procès d’intention est révolu et il importe désormais de trouver des solutions partagées et bornées dans le temps.

Pour ce faire, la question centrale à laquelle nous devons collectivement répondre, et que je vous pose, madame la ministre, est celle de la capacité d’épargne des collectivités et de la limitation de leurs besoins de financement. Or le PLF présenté par le Gouvernement ne me semble pas répondre à l’équation qui nous est soumise à cet égard.

La ponction prévue sur les recettes réelles de fonctionnement ne garantit en rien la limitation du besoin de financement des collectivités territoriales, surtout en dernière année de mandat municipal, alors que les « coups partis », en investissement, sont nombreux. Ne vaudrait-il pas mieux encourager les collectivités à consentir, en fonctionnement, des efforts de gestion ? Ainsi dégageraient-elles de l’épargne qu’elles pourraient investir plutôt que de la rendre à l’État.

On pourrait imaginer au moins deux scénarios, possiblement cumulatifs, en tout cas non exclusifs, répondant à cet enjeu tout en préservant l’objectif de réduction de la dépense publique.

D’une part, en lieu et place d’un fonds organisé au niveau de l’État, on pourrait envisager la mise en réserve dans le budget de chaque collectivité de 1,2 % du volume des dépenses, pour un total de 3,8 milliards d’euros, soit le montant cumulé de la réduction du FCTVA et du prélèvement effectué pour alimenter le fonds de précaution.

D’autre part, je plaide pour un encadrement de la capacité de désendettement des collectivités, donc de leur besoin de financement, l’idée étant de s’inscrire dans une nouvelle approche, celle d’un véritable « contrat de responsabilité » que le Premier ministre a appelé à bâtir.

Madame la ministre, que pensez-vous de ces pistes ?

M. Laurent Somon. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Sautarel, vous avez raison, l’objectif est bien de réduire le déficit budgétaire de la France, qui naît d’une progression des dépenses plus rapide que celle des recettes. Incontestablement, il s’agit de limiter la dépense publique, les dépenses de fonctionnement étant évidemment les plus concernées, davantage encore que les dépenses d’investissement.

J’ai bien conscience que, par nature, réduire les dépenses contraint à faire des choix. En fait de choix, je ne peux qu’encourager celui de réduire les dépenses de fonctionnement pour conserver aux collectivités leur capacité d’investissement, d’autant que l’État maintient ses dotations d’investissement à un niveau élevé. Je vous rejoins, monsieur le sénateur, sur la nécessité d’une bonne gestion : nous devons nous inscrire dans une logique vertueuse. Il ne s’agit pas simplement d’arrêter de creuser le déficit ni même de le réduire : il faut aller plus loin.

La dette n’est pas forcément signe de mauvaise gestion, notamment quand elle est liée à de l’investissement. Nous devons donc impérativement mener ensemble une réflexion sur ce sujet. Pour ce qui est de l’actuel projet de budget, vous savez dans quels délais contraints nous avons travaillé ; mais vos propositions méritent vraiment d’être approfondies.

La mise en réserve que vous évoquez est au fond une réponse au fonds de précaution que nous proposons. Tout le problème est de faire en sorte que ce fonds soit spécifiquement fléché vers les communes qui participent le plus à l’effort au lieu de servir à une quelconque péréquation.

Nous avons commencé à travailler sur le sujet de l’utilisation de ces sommes gelées, qui ont vocation à rester pour l’essentiel à la main de ceux qui ont contribué. Là est probablement l’une des principales évolutions à retenir par rapport à la copie initiale du Gouvernement, et je vous propose que nous poursuivions cette réflexion dans le cadre de l’examen du PLF pour 2025.

Votre deuxième proposition mérite tout autant notre attention, mais exige un travail commun plus important auquel je suis tout à fait prête à participer, avec vous et avec le ministre des comptes publics.