M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le sénateur Dantec, le premier des chantiers qui seront ouverts lors du Beauvau sera celui de la résilience. Il traitera à la fois de la prévention et de la réaction face aux risques liés aux inondations, mais aussi aux feux.
Je m’associe au message de compassion que vous avez adressé aux populations espagnoles. Nous nous sommes portés volontaires pour les accompagner, signe que la solidarité à l’échelle européenne que vous appelez de vos vœux fonctionne déjà régulièrement, même si elle doit être renforcée, notamment en matière de matériels disponibles.
Nous disposons de flottes aériennes qui sont composées d’appareils, parfois en location, extrêmement complémentaires, comme les hélicoptères ou les Canadair. Toutefois, je partage votre diagnostic sur leur vieillissement de cette flotte. Nous avons d’ailleurs signé une lettre d’intention pour charger un consortium, qui comprend notamment Airbus, de concevoir un appareil de transport d’eau permettant d’effectuer les mêmes tâches que les Canadair.
Le pacte capacitaire sur les feux de forêt sera maintenu. Nous réinscrivons dans le budget prévisionnel pour 2025 des sommes qui permettront en principe d’acheter deux pompes de grande capacité, comme celles qui nous ont servi lors des grandes inondations qu’une vingtaine de départements français ont pu connaître récemment.
Tous les sujets que vous avez abordés seront au programme du Beauvau de la sécurité civile, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’actualité espagnole – Malaga, Valence – nous rappelle chaque jour l’ampleur des défis auxquels notre propre pays fait face : incendies de forêt de plus en plus dévastateurs, inondations, sans oublier les crises sanitaires. Ces événements, souvent imprévisibles, exigent une réponse rapide, efficace et adaptée.
Face à cette multiplication des risques, il est crucial que nous soutenions nos services départementaux d’incendie et de secours, véritables piliers de la sécurité civile.
Les risques sont devenus plus nombreux et plus complexes. En Gironde, nous en avons été témoins ces dernières années avec des incendies dévastateurs, comme les mégafeux de l’été 2022, qui ont touché plus de 30 000 hectares de forêt et mobilisé des milliers de pompiers venus de toute la France et de toute l’Europe. Ces incendies, qui se déclarent plus tôt dans l’année et qui sont plus violents, représentent une menace de plus en plus grande pour nos territoires et pour nos forces de secours.
Un point essentiel ne doit pas être oublié : la santé des sapeurs-pompiers. En effet, plusieurs études ont révélé une réalité alarmante. Je tiens ici à saluer le rapport d’information sénatoriale Cancers imputables à l’activité de sapeur-pompier : protéger les soldats du feu, ainsi que le travail remarquable de ma collègue Émilienne Poumirol.
Il est évident que les Sdis doivent être mieux équipés et soutenus de manière plus ambitieuse. Je pense au renforcement de la force aérienne nationale de la sécurité civile, avec notamment des moyens aériens stationnés sur le massif des Landes de Gascogne. La gestion et la mobilisation des matériels privés et publics doivent être interrogées.
Nous devons réformer notre système de financement. Ce dispositif fondé sur les contributions des départements et du bloc communal, exsangues financièrement, n’est plus tenable.
Il y a urgence à inscrire dans la durée le soutien financier de l’État, en pérennisant notamment les pactes capacitaires des Sdis, à hauteur des engagements pris par l’État au lendemain des importants feux de 2022. Cela a été fait pour les pactes capacitaires liés aux feux de forêt, mais il pourrait être envisagé de créer des pactes pour le risque inondation. Nous suivrons les résultats du Beauvau.
À ce titre, le mode de calcul de la TSCA, versée par l’État aux départements au titre des Sdis, doit évoluer et prendre en compte le potentiel budgétaire et la pression démographique. Ainsi, la Gironde compte entre 18 000 et 20 000 habitants de plus chaque année. Cette importante hausse de la population accroît la pression opérationnelle sur chaque Sdis.
Avec l’aggravation du changement climatique, l’instauration d’un mécanisme de péréquation doit également être envisagée dans les départements particulièrement soumis aux aléas.
J’attire votre attention sur la hausse de charges, qui est significative pour les Sdis concernés, mais aussi sur l’augmentation de quatre points de cotisation de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Celle-ci représente un coût de 3 millions d’euros par an pendant trois ans pour la Gironde. Qui compensera la hausse de 9 millions d’euros, monsieur le ministre ?
Nous devons investir massivement dans des équipements plus performants et plus sûrs, comme des tenues de protection adaptées au risque d’exposition aux toxines et aux produits chimiques. Nous savons qu’une tenue de qualité peut coûter jusqu’à 2 000 euros. Il est impératif d’assurer à nos pompiers des équipements conformes aux normes de sécurité les plus strictes.
Cette nécessité fait écho à la prise en compte de la « valeur du sauvé », une expression qui nous est chère. Il est grand temps de sortir d’une simple logique de coût : pour donner suite à la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, sur laquelle j’ai travaillé avec ma collègue Laurence Harribey, une démarche d’évaluation socioéconomique de l’action des Sdis devrait être envisagée.
Une telle initiative permettrait de se rendre compte de l’importance du travail réalisé et de la valeur des vies, de l’environnement et des biens sauvés.
Mes chers collègues, il est urgent de mettre en place des solutions concrètes pour renforcer les capacités de nos Sdis. Le financement pérenne de ces services est un impératif absolu pour faire face aux risques actuels et à ceux qui viendront. Gouverner, c’est prévoir : sur des sujets aussi essentiels, il faut le démontrer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE. – M. Pierre Barros applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le sénateur Gillé, des travaux sont menés sur la santé des sapeurs-pompiers. D’une part, le rapport de la sénatrice Poumirol – vous l’avez salué – visait à reconnaître certains cancers comme des maladies professionnelles. D’autre part, un observatoire de la santé a été lancé pour recenser auprès de tous les acteurs leurs difficultés réelles.
Concernant les nouvelles tenues de feu et les cagoules plus protectrices, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) met en avant un prix de l’ordre non pas de 2 000 euros, mais plutôt de moins de 1 000 euros. Visiblement, ces vêtements seront disponibles l’an prochain. Les équipements seront évalués par la direction générale, mais leur prise en charge restera de la responsabilité des Sdis.
Monsieur le sénateur, vous soulevez à juste titre la question des difficultés de financement. Elle fait partie des sujets que nous aborderons le 11 ou le 12 décembre prochain, en fonction du maintien ou non d’un mouvement de grève annoncé. Nous nous réunirons avec les départements pour étudier toutes les perspectives liées à la taxe spéciale sur les conventions d’assurances, à la taxe de séjour et à la fiscalité.
Le débat ne sera pas limité à certaines thématiques. L’objectif est d’obtenir le meilleur système possible. Il faut permettre à chaque département de garder des forces de secours suffisantes et équipées, mais aussi protéger les sapeurs-pompiers, auxquels nous sommes évidemment tous très attachés.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme un certain nombre d’entre nous dans cet hémicycle, j’ai eu la chance d’exercer la responsabilité de président de Sdis, de rencontrer des gens dévoués et de participer, à leurs côtés, à un modèle de sécurité civile qui fonctionne bien. Je remercie le groupe RDSE d’avoir proposé ce débat.
Pour ma part, j’aborderai trois points.
Premièrement, notre modèle doit être sauvegardé. Le statut de sapeur-pompier volontaire est celui de 80 % des effectifs. L’engagement des volontaires permet d’assurer un maillage territorial efficace et des délais d’intervention rapides. Face à un accident, à un incendie ou à toute autre situation grave, les premières minutes sont déterminantes.
Une épée de Damoclès pèse sur le statut du volontariat à la française. Depuis l’arrêt Matzak de la Cour de justice de l’Union européenne et l’avis rendu par le Comité européen des droits sociaux de février 2024, plane le risque que le sapeur-pompier volontaire soit requalifié en travailleur. Autant vous dire que le modèle s’effondrerait avec la fin du volontariat !
J’ai profité de la campagne des élections européennes pour interpeller les têtes de liste des principaux mouvements politiques, afin de leur demander de saisir la Commission européenne pour apporter enfin des clarifications. J’ai envoyé plusieurs lettres il y a six mois. Je n’ai reçu pour l’instant qu’une seule réponse… pour m’informer que mon courrier était bien arrivé !
Deuxièmement, je souhaite que les Sdis soient mieux compensés pour les services qu’ils assument en lieu et place d’autres services publics.
Les casernes sont le dernier endroit où la lumière est allumée la nuit. Il s’y trouve toujours quelqu’un au bout du fil, des hommes et des femmes capables de se projeter rapidement pour intervenir, tant et si bien que les Sdis assument des missions qui, à l’origine, ne sont pas les leurs.
Concernant les carences ambulancières, le service d’aide médicale urgente (Samu) a pris la mauvaise habitude d’appeler ceux qui décrochent le plus vite et qui coûtent le moins cher, c’est-à-dire les pompiers. Ceux-ci assument maintenant une bonne partie des transports sanitaires. Les Sdis accompagnent, soutiennent et suppléent les services mobiles d’urgence et de réanimation (Smur) pour assurer des transports médicalisés d’urgence vers les hôpitaux dans les meilleures conditions.
Ces interventions sont peu, voire pas du tout compensées par les agences régionales de santé (ARS). Un certain nombre de Sdis ont attaqué des hôpitaux devant le tribunal administratif, mais ils ont tous été déboutés. Chacun comprend que ces réalités pèsent sur l’organisation humaine et sur les finances des services.
Troisièmement, à quelques jours de l’examen du projet de loi de finances par le Sénat, je ne puis éviter le sujet de la TSCA et de la nécessaire augmentation de la part revenant aux conseils départementaux, afin de financer les Sdis.
Les pompiers se mobilisent pour venir en aide aux départements qui leur sont voisins quand ceux-ci sont confrontés à des catastrophes – c’est tout à fait normal – ou pour renforcer les dispositifs de sécurité, comme pour les jeux Olympiques.
L’État s’engage à prendre en charge une partie des coûts liés à ces déplacements. Je ne sais pas pour les autres départements, mais les factures dans l’Aisne ne sont toujours pas payées. Veillons à ne pas répéter les mêmes erreurs que pour les loyers des gendarmeries !
Monsieur le ministre, sur tous ces points, nous attendons avec impatience vos réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Hervé Gillé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Tout d’abord, monsieur le sénateur Verzelen, nous sommes particulièrement attachés au modèle, que nous souhaitons sauvegarder, d’une sécurité civile fondée sur le volontariat.
Non, les sapeurs-pompiers volontaires ne sont pas des travailleurs ! Toutefois, certaines situations fragilisent le statut, notamment les gardes postées, très utilisées dans une vingtaine de départements qui ont été identifiés par l’inspection générale de l’administration et par l’inspection générale de la sécurité civile. Des travaux ont d’ailleurs été engagés par le ministère de l’intérieur pour que l’on en revienne à des pratiques plus adaptées.
Le volontariat n’est pas propre à la France. Nous souhaitons travailler sur le sujet en convergence avec d’autres pays européens, étant donné que certains de nos modèles sont comparables.
Vous m’interrogiez ensuite, monsieur le sénateur, sur la compensation des charges indues, notamment par les ARS. Il nous faudra travailler avec le ministère de la santé sur le problème de l’exercice par les sapeurs-pompiers de missions qui ne sont pas en principe les leurs. Nous nous pencherons dans le cadre du Beauvau sur la doctrine d’emploi et sur les missions qui sont dévolues aux Sdis, pour nous recentrer sur les urgences.
Il nous faudra peut-être travailler avec les fédérations d’ambulanciers. L’objectif est que ceux-ci, lorsqu’ils bénéficient de secteurs d’intervention qui leur permettent de vivre, desservent mieux d’autres zones, un peu plus complexes, dans lesquelles ils ne vont pas et où nos sapeurs-pompiers sont donc extrêmement sollicités.
Enfin, la revalorisation de la TSCA fera partie du débat qui aura lieu à la mi-décembre prochain – je risque de répondre à plusieurs reprises de la même manière ! Nous ne sommes fermés à aucune évolution : il suffit d’en débattre, de trancher et de trouver un bon accord avec les fédérations d’élus départementaux et municipaux, qui sont les contributeurs.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Olivier Bitz et Michel Masset applaudissent également.)
Mme Françoise Dumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce soir, à la demande fort à propos du groupe RDSE, nous parlons de ce serpent de mer qu’est devenue la question du financement de la sécurité civile.
Dans le cadre des auditions que j’ai menées en tant que rapporteure pour avis du budget de la sécurité civile figurant dans le projet de loi de finances 2025, plusieurs pistes se sont dessinées ou affinées.
Une première est la réévaluation de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances, dite TSCA. Cette taxe est dynamique, mais elle est répartie selon des critères obsolètes datant de 2003.
Une deuxième piste intéressante est la sanctuarisation de l’intégration des véhicules d’incendie et de secours dans les exceptions à l’accise sur les énergies, introduite au Sénat par l’article 50 de la loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie.
Une troisième piste est la contribution des métropoles et des grandes agglomérations au budget des Sdis, dans un souci évident d’équité entre collectivités. Il conviendrait de rouvrir ce chantier.
Une quatrième piste est l’affectation de nouvelles ressources. Il faut creuser l’idée d’une nouvelle taxe additionnelle à la taxe de séjour, notamment pour les plateformes touristiques.
En effet, à titre personnel et en qualité d’élue d’un département très touristique, il me paraît important que des collectivités qui doublent ou triplent leur population à certaines périodes de l’année puissent augmenter leur taxe de séjour et en attribuer une part aux Sdis concernés. Cette mesure ne serait forcément vertueuse que pour les seuls départements fortement touristiques.
Une cinquième piste est de permettre aux Sdis de facturer leurs prestations, grâce à la téléassistance et à la téléalarme. Toutefois, la jurisprudence va plutôt à l’encontre d’une telle facturation, ce qui n’est pas idéal dans la situation économique actuelle.
Une sixième piste est la revalorisation des carences ambulancières, en se rapprochant du coût réel de la prestation.
Cette question n’a jamais vraiment été résolue. Une telle révision pourrait s’accompagner d’une simplification de la procédure de remboursement. En effet, les ARS versent les sommes dues aux centres hospitaliers universitaires (CHU) ; ensuite, les CHU les reversent aux Sdis. Il faudrait simplifier et prévoir un remboursement direct des ARS aux Sdis, pour éviter les blocages et les redondances de procédures.
Une septième et dernière piste serait d’inviter les assureurs à prendre part de manière plus importante au financement des Sdis. Cette solution aurait du sens au regard de la « valeur du sauvé » : les sapeurs-pompiers protégeant les biens et les personnes, leurs interventions sont autant de compensations à verser en moins aux assurés.
Comment soutenir les Sdis dans leur gestion des nouveaux risques, au regard du financement de leurs missions ? Nous nous sommes posé cette question dans le groupe de travail interne au groupe Les Républicains du Sénat sur la sécurité civile, que j’ai eu l’honneur d’animer pendant dix-huit mois.
Nous avons présenté nos travaux et remis notre rapport, le 30 octobre dernier, au ministre ici présent. Dans ce cadre, nous avons souhaité mettre en avant plusieurs préconisations de bon sens.
D’une part, au regard des moyens routiers, nous avons prôné un regroupement des commandes entre les Sdis. Il faut continuer à encourager ces mutualisations et permettre à ces services de solliciter à cette fin l’appui technique et juridique d’un pôle « innovation, stratégie et commande publique », à créer au sein de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.
L’objectif est de réduire les coûts d’achat de véhicules et de matériels pour les Sdis, de permettre l’émergence d’une offre française et européenne susceptible de répondre aux besoins de la lutte aérienne contre le feu, ainsi que de limiter la dépendance à l’égard d’un nombre restreint d’acteurs extérieurs.
D’autre part, le groupe de travail a proposé de constituer une cellule « fonds européens » au sein de la DGSCGC. Elle disposerait de moyens humains dotés des expertises juridiques nécessaires pour servir de guichet unique national, destiné à faciliter l’accès aux fonds européens susceptibles d’être sollicités par les acteurs publics de la sécurité civile.
En effet, en France, le recours effectif aux financements européens demeure relativement limité dans ce domaine, contrairement à nos voisins. L’accès à ces subventions est souvent rendu difficile par la complexité des procédures de constitution de dossier, auxquelles le personnel des Sdis n’est pas toujours formé.
Toutes ces pistes sont autant de propositions simples et de bon sens que j’apporte ce soir à notre débat. Les finances des Sdis sont précaires et appellent à une refonte rapide des services : il faut que ces structures, disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept partout en France, soient sanctuarisées et que leurs missions soient valorisées à leur juste importance. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Madame la sénatrice Dumont, je vous remercie de la remise de votre très intéressant rapport lors de notre rencontre du 30 octobre dernier. J’y répondrai point par point.
La première proposition de ce texte concernait la création d’un « ministère délégué à la protection civile ». Vous avez été exaucée : je suis là ! (Sourires.) En effet, une spécificité de ce gouvernement est de disposer d’un ministère dédié à la sécurité du quotidien, dans lequel est incluse la sécurité civile. Nous aurons donc le bonheur de travailler ensemble sur ce sujet.
La deuxième proposition concernait « la mise en place d’une politique industrielle nationale et européenne de la sécurité civile, en particulier au bénéfice de la composante aérienne de cette dernière ». Il existe un projet européen, à l’état embryonnaire, de construction d’avions bombardiers d’eau pour lequel le Gouvernement a signé une lettre d’intention. Nous sommes attentifs au déploiement de cette coopération, qui nous permettrait d’acquérir des bombardiers fabriqués chez nous, tout en bénéficiant de ce fait de délais de livraison moins longs et d’une maintenance plus facile.
La troisième proposition concernait les « financements européens ». J’ai eu l’occasion d’échanger sur le sujet avec l’association nationale des directeurs de Sdis, cet après-midi, comme j’avais déjà pu échanger avec vous. En vérité, les Sdis ne peuvent parfois pas prétendre à ces financements. Dans d’autres cas, la quantité de collaborateurs ou l’ingénierie au sein de ces services ne détermine pas forcément l’obtention de fonds.
Toutefois, l’Ardèche a pu acquérir en 2022 des tablettes numériques associées aux multiparamètres, financées à 100 % par des fonds européens, pour presque 2 millions d’euros. J’ai eu l’occasion de rendre visite aux sapeurs-pompiers concernés en tant que vice-président délégué aux fonds européens à la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Nous pouvons sans doute proposer aux Sdis de mieux les accompagner ou d’éditer à leur intention un guide des bonnes pratiques, afin qu’ils disposent des bons interlocuteurs, notamment au sein des régions et à la Commission européenne.
Pour en venir à votre propos d’aujourd’hui, je suis d’accord avec vous sur la commande publique. Les pactes capacitaires ont permis de réaliser 30 % d’économies sur les achats de camions passés par une commande groupée. Quelque 98 % de ces camions étaient français. Aussi, pour faciliter ces achats groupés, nous accompagnerons les Sdis dans la rédaction de leur cahier des charges.
Par ailleurs, l’exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à hauteur de 30 millions d’euros, c’est-à-dire de 300 000 euros par Sdis en moyenne, est à la signature : Bruno Retailleau s’en charge en ce moment même.
Quant à la taxe de séjour, elle fera partie des dossiers qui seront étudiés. Pour ma part, il me paraît assez cohérent que ceux qui visitent un territoire contribuent à sa sécurisation, notamment quand elle leur bénéficie directement.
Enfin, je terminerai en évoquant les procédures de remboursement.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre délégué.
M. Nicolas Daragon, ministre délégué. Le tarif national d’indemnisation des carences ambulancières est passé de 125 euros en 2022 à 209 euros en 2023. Je serai attentif à la revalorisation régulière de cette somme.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER et UC. – Mme Françoise Dumont applaudit également.)
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’actualité nous rappelle, une fois encore, combien les risques naturels et les menaces modernes nécessitent de notre part une vigilance accrue et des moyens renforcés.
Les inondations récentes en Espagne, au bilan dramatique, mais aussi celles qui se sont déroulées en octobre dernier témoignent de la fréquence croissante de ces événements climatiques extrêmes. Je n’oublie pas, bien sûr, la multiplication et l’intensification des feux de forêt, qui inquiètent par leur ampleur et par leur caractère dévastateur. Surtout, ils surgissent désormais en des lieux et en des moments inattendus.
Ces phénomènes, conséquence directe du bouleversement climatique, mobilisent nos services départementaux d’incendie et de secours bien au-delà des périodes habituelles et des amplitudes de risque ordinaires. Ils nous rappellent, certes, combien il est urgent de lutter contre le réchauffement climatique, mais aussi de soutenir ces services essentiels à la sécurité des Français, d’autant que les catastrophes naturelles ne sont qu’une partie des défis actuels auxquels ces services doivent faire face.
Les nouvelles menaces, qu’elles soient terroristes ou qu’elles impliquent des risques d’attaques chimiques et biologiques, exigent également une préparation et des moyens techniques et humains spécifiques. Dans ce contexte, les sapeurs-pompiers sont appelés à être des acteurs de plus en plus polyvalents, capables d’intervenir dans des situations de crise variées et parfois inédites.
À ce stade, je tiens à rendre hommage à nos 240 000 sapeurs-pompiers, dont 80 % sont des volontaires. Ils assurent, bien souvent au péril de leur vie, une mission essentielle. Aussi ai-je une pensée émue pour celles et pour ceux qui, dans l’accomplissement de leur mission, ont perdu la vie ou ont été blessés.
Face aux bouleversements évoqués, la mission des Sdis se transforme, pour répondre à la complexité croissante des interventions et à la diversité des risques.
Cette adaptation nécessaire pèse immanquablement sur leurs dépenses, alors que ces services constituent déjà l’un des postes les plus dynamiques de la dépense publique. En effet, la modernisation des équipements, l’amélioration des conditions de travail et les revalorisations salariales, indispensables pour valoriser un engagement qui ne faiblit jamais, représentent des investissements coûteux.
À l’heure actuelle, ce sont principalement les départements qui supportent cette charge. L’État assure environ un quart des financements des Sdis, tandis que la participation du bloc communal s’est en partie déplacée vers l’intercommunalité.
C’est dans ce contexte que nous débattons aujourd’hui du financement de la sécurité et du soutien à apporter aux Sdis dans leur gestion des nouveaux risques.
Des évolutions notables ont été réalisées. Face à la recrudescence des feux de forêt, le Président de la République a pris l’initiative de renforcer la flotte aérienne, essentielle pour les interventions rapides. Face aux menaces modernes, de nouveaux équipements nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) ont été déployés.
De plus, des efforts importants ont été engagés pour la formation des sapeurs-pompiers et pour le développement de la coopération interservices, qui sont essentiels dans la gestion de crise.
Notre assemblée a également été particulièrement active dans le soutien apporté aux Sdis dans l’exercice de leurs missions.
Rappelons que l’exonération de taxe sur les carburants pour les véhicules des services d’incendie et de secours fait suite à une initiative prise par notre assemblée dans le cadre de la loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie. Cette exonération contribue à alléger les charges pesant sur les Sdis.
Cependant, les défis restent nombreux. La pression budgétaire demeure élevée et la hausse des dépenses s’annonce difficilement tenable sur le long terme.
Dans ce contexte, il est impératif d’explorer de nouvelles pistes pour réformer et soutenir le financement des services départementaux d’incendie et de secours, car les collectivités semblent avoir de plus en plus de difficultés à suivre la dynamique de leurs dépenses. Les départements, principaux contributeurs au financement des Sdis, ne disposent que de faibles marges de manœuvre.
Aussi faut-il réfléchir aux moyens d’accroître les ressources financières des départements destinées au financement des Sdis. J’espère que le Beauvau de la sécurité civile, qui est sur le point d’être relancé, sera l’occasion de s’emparer de cette question cruciale.
Il est par ailleurs indispensable de poursuivre la lutte contre la sursollicitation des Sdis pour les transports sanitaires urgents.
La loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, a introduit une évolution salutaire en redéfinissant les carences ambulancières, afin d’éviter que les Sdis ne soient affectés à des missions qui ne relèvent pas de leur cœur d’intervention.
Il faut toutefois aller plus loin et rendre plus dissuasif le coût du recours aux Sdis en cas d’absence de couverture ambulancière, en envisageant par exemple une révision des tarifs de l’indemnité de substitution.
Enfin, à l’heure où le volontariat, pourtant le pilier de notre modèle de sécurité civile, montre des signes de faiblesse, il est impératif de réfléchir aux moyens d’y inciter davantage, afin de pérenniser ce modèle auquel nos concitoyens sont profondément attachés.
Je souhaite ici évoquer les centres de première intervention non intégrés (Cpini), plus particulièrement l’engagement de leur plus de 9 000 sapeurs-pompiers volontaires. L’efficacité de notre modèle de sécurité civile repose en grande partie sur cet engagement, et il convient de leur témoigner notre reconnaissance.
Pour soutenir cet effort, il conviendrait de sécuriser juridiquement la pratique de certains Sdis ou départements qui prennent en charge l’allocation de vétérance. Ouvrir plus largement cette possibilité permettrait de soulager les communes et, en même temps, de soutenir le volontariat.
Mes chers collègues, face à tous ces défis, nous devons faire les choix stratégiques qui assureront aux Sdis les moyens d’assumer leur mission dans un contexte de risques croissants et complexes. La France dispose d’une sécurité civile qui est d’un haut niveau d’excellence, mais cet atout dépend de notre engagement collectif à pérenniser et à renforcer ce modèle.
Plus que jamais, nous devons engager les réformes nécessaires au soutien et à la valorisation de ces services indispensables à notre sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)