M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Je cherche à faire des propositions.
Monsieur le rapporteur, monsieur le garde des sceaux, vous me dites chaque fois que nous sommes d’accord sur les objectifs, mais que mes propositions ne permettent pas de les atteindre.
Prenons l’exemple du « n’importe quoi qu’il en coûte », pour reprendre l’expression de M. Baverez ; il est vrai, c’était tout de même un peu ça… Étaient-ce des dépenses de fonctionnement ? Non ! C’étaient des dépenses exceptionnelles ! Il s’agissait, face à une crise ponctuelle, d’autoriser des dépenses exceptionnelles. Cela ne relève pas de dépenses courantes de fonctionnement.
M. le garde des sceaux nous invite à avoir un débat ; dont acte ! Nous avons plein de débats ici, donc nous pouvons très bien avoir celui, très intéressant, qui consiste à distinguer, d’une façon ou d’une autre, les dépenses d’investissement des dépenses de fonctionnement de l’État. Les entreprises arrivent très bien à le faire, je ne vois pas pourquoi ce serait si compliqué que cela pour l’État. Ce n’est pas compliqué, il y a des règles, des principes, à appliquer ; on peut peut-être les adapter à la sphère publique, mais ce n’est pas hors de portée, c’est une question de volonté.
On parle beaucoup de volonté politique ; eh bien, si on l’a, on y arrivera. Il y a suffisamment de cerveaux à la commission des finances, même si M. Karoutchi l’a quittée, ce qui l’a un peu et même beaucoup appauvrie (Sourires. – M. Roger Karoutchi lève les bras au ciel.), il y a suffisamment de cerveaux, disais-je, pour travailler à cette distinction entre dépenses de fonctionnement, dépenses d’investissement et dépenses exceptionnelles. Et, s’il faut budgéter des dépenses exceptionnelles, on trouvera toujours un moyen de sortir du cadre.
Voilà pourquoi je reste partisan d’un cadre. Celui que je propose n’est peut-être pas le meilleur, je ne sais pas, mais travaillons-y et faisons en sorte que le Sénat montre l’exemple pour redresser les finances publiques de ce pays.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 n’est pas adopté.)
Article 6
L’article 47-1 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Une loi de financement de la sécurité sociale ne peut être adoptée définitivement en l’absence de loi portant cadre financier pluriannuel applicable à l’exercice concerné. » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui détermine les conditions générales de son équilibre financier pour un exercice est déposé au plus tard le 1er octobre de l’année qui précède cet exercice. » ;
3° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « de loi de financement de la sécurité sociale ».
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Delahaye, Longeot, Perrion et Cadic, Mmes Jacquemet et Tetuanui, MM. Courtial et Cambier, Mme Devésa et M. Fargeot, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le premier alinéa de l’article 47-1 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est interdit de présenter et d’adopter une loi de financement de la sécurité sociale dont l’ensemble des charges dépasse l’ensemble des recettes. »
II. – Le I entre en vigueur à compter de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2030.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Veuillez m’excuser, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, d’animer ainsi la séance (Sourires.), mais je vous propose ici un amendement analogue au précédent, portant cette fois-ci sur les comptes de la sécurité sociale.
La sécurité sociale investit-elle beaucoup, monsieur le garde des sceaux ? Je n’en sais rien, mais je ne suis pas sûr que, dans les plus de 600 milliards d’euros qu’elle dépense, il y ait beaucoup de dépenses d’investissement ; en tout cas, s’il y en a, c’est sans doute très faible.
Or, selon moi, chaque génération devrait assumer ses propres dépenses ; je ne vois pas pourquoi les dépenses de sécurité sociale d’aujourd’hui reposeraient en partie sur les générations futures : ce n’est ni sain ni moral.
C’est pourquoi le présent amendement a pour objet d’inscrire dans la Constitution une règle d’or interdisant, à compter de 2030, tout déséquilibre global entre recettes et dépenses dans les lois de financement de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. J’aurai le même raisonnement que pour l’amendement précédent.
Encore une fois, on peut partager la philosophie de cet amendement, mais faut-il graver ce principe dans le marbre constitutionnel et faire du juge constitutionnel un juge financier ?
En outre, attention aux retournements de conjoncture, parce que des baisses de recettes dans le budget de la sécurité sociale impliquent des arbitrages au sein des dépenses sociales. Faut-il baisser les retraites ? Diminuer en partie le chômage partiel ? Tout cela exige un véritable débat sur la maîtrise de nos dépenses publiques et, encore une fois, il s’agit essentiellement à mes yeux d’une question de volonté politique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Didier Migaud, garde des sceaux. À titre personnel, je suis beaucoup plus sensible à cet amendement : je pense qu’une règle d’or pourrait être instaurée pour les comptes de la sécurité sociale, puisque ce sont effectivement des dépenses courantes, de fonctionnement, et qu’il est anormal qu’il existe un déséquilibre dans ce cadre.
En revanche, il ne serait pas possible de le faire sur une année ; il faudrait établir une telle règle sur trois ans, par exemple, parce que les comptes s’ajustent en fonction de la conjoncture.
Par conséquent, même s’il peut être considéré comme tout à fait raisonnable de prévoir, pour les dépenses courantes de la sécurité sociale, des règles plus fortes que pour le budget de l’État, l’avis du Gouvernement ne peut être que défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Notre collègue Delahaye a raison d’animer le débat !
Mon cher collègue, en défendant votre amendement n° 1 rectifié, vous nous disiez, si j’ai bien compris, qu’il faudrait aligner le management de l’action publique sur celui des entreprises.
M. Vincent Delahaye. Non, pas vraiment.
M. Pascal Savoldelli. On n’en est pas loin !
Maintenant, vous nous présentez un amendement similaire sur la protection sociale, mais vous oubliez de nous dire deux choses : d’une part – c’est factuel –, qu’il y a des exonérations de cotisations sociales patronales de plus en plus importantes et, d’autre part, que ce fameux management, censé être performant, enthousiaste, efficace, doit tout de même 20 milliards d’euros à la sécurité sociale en raison de cotisations non payées !
Voilà une petite clarification sur nos deux points de vue, qui, en l’occurrence, divergent.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le garde des sceaux, j’ai bien aimé votre réponse, qui ouvre des perspectives. Je ne vais pas rectifier mon amendement pour prévoir un encadrement sur trois années, quoique je sois bien tenté de le faire, mais, en tout état de cause, vos propos ouvrent une voie à l’instauration de contraintes supplémentaires.
Pour répondre à mon collègue Savoldelli, que j’apprécie particulièrement même s’il nous arrive d’avoir des divergences (Sourires.), il ne s’agit pas de manager de la même façon dans le privé et dans le public. Simplement, il y a un certain nombre de règles générales qui s’appliquent tant au privé qu’au public et j’ai le sentiment que, dans le secteur public, on a tendance à les oublier plus facilement.
Le fait d’adopter des lois de programmation – pour ma part, je ne les vote pas – prévoyant des dépenses qui ne sont pas financées pose un véritable problème. Selon moi, nous devrions réfléchir à l’instauration de l’obligation de présenter des études d’impact dignes de ce nom – honnêtement, la plupart du temps elles sont indigentes –, d’évaluer le coût de chaque mesure proposée et de prévoir son financement. Ce serait déjà un progrès, même si ce n’est pas inscrit dans la Constitution, sur le chemin de la responsabilité financière et cela permettrait sans doute de s’engager dans la voie du redressement de nos finances publiques.
M. le président. Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 n’est pas adopté.)
Article 7
L’article 47-2 de la Constitution est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase du premier alinéa, après le mot : « contrôle », sont insérés les mots : « de la mise en œuvre des lois portant cadre financier pluriannuel, » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le Haut Conseil des finances publiques est chargé d’effectuer des prévisions économiques indépendantes relatives aux finances publiques. Il est également chargé d’apprécier les prévisions économiques et les choix budgétaires effectués par le Gouvernement. Ses travaux éclairent le Parlement en amont de la discussion des textes financiers. Une loi organique fixe les prérogatives et la composition du Haut Conseil des finances publiques. »
M. le président. Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 n’est pas adopté.)
Article 8
Au troisième alinéa de l’article 48 de la Constitution, après les mots : « l’examen », sont insérés les mots : « des projets de loi portant cadre financier pluriannuel, ».
M. le président. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 n’est pas adopté.)
Article 9
À la première phrase du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « portant cadre financier pluriannuel, ».
M. le président. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 n’est pas adopté.)
Article 10
L’article 61 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « organiques », sont insérés les mots : « et les lois portant cadre financier pluriannuel » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, avant leur promulgation, doivent être soumises au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la loi portant cadre financier pluriannuel en vigueur.
« Le Conseil constitutionnel examine conjointement, avant le 31 décembre de l’année au cours de laquelle elles ont été adoptées, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale fixant les ressources et les charges d’un exercice. » ;
3° Au début de la première phrase du troisième alinéa, les mots : « Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, » sont remplacés par les mots : « Sauf dans le cas prévu à l’alinéa précédent, » ;
4° Au début du dernier alinéa, les mots : « Dans ces mêmes cas, » sont supprimés.
M. le président. Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 n’est pas adopté.)
Article 11
À la fin de la deuxième phrase de l’article 70 de la Constitution, les mots : « de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques » sont remplacés par les mots : « portant cadre financier pluriannuel ».
M. le président. Je mets aux voix l’article 11.
(L’article 11 n’est pas adopté.)
Article 12
Les articles 34, 39, 42, 46-1, 47, 47-1, 47-2, 48, 49, 61 et 70 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur dans les conditions fixées par les lois organiques nécessaires à leur application.
M. le président. Je vais mettre aux voix l’article 12.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, si l’article 12 n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle, dans la mesure où les douze articles qui la composent auraient été rejetés. Aucune explication de vote sur l’ensemble du texte ne pourrait donc être admise.
Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’article 12.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 35 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 34 |
Contre | 305 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Les douze articles de la proposition de loi constitutionnelle ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi constitutionnelle n’est pas adoptée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures trente-six.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Protection du commerce maritime en mer Rouge
Adoption d’une proposition de résolution
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, de la résolution visant à condamner les actions des rebelles houthis en mer Rouge et à appeler à une action internationale pour protéger le commerce maritime et l’environnement dans cette zone, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par Mme Nicole Duranton, MM. François Patriat, Jean-Baptiste Lemoyne et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 1 rectifiée).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Duranton, auteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nicole Duranton, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État – cher Thani –, mes chers collègues, au travers de la présente proposition de résolution, nous entendons condamner fermement les actions des Houthis en mer Rouge.
Pour rappel, les Houthis sont un mouvement politique et militaire fondé dans les années 1990. À l’origine, suivant la mouvance chiite, ils avaient principalement des revendications religieuses. Ils s’opposaient également à l’influence étrangère au Yémen, visant en particulier l’Arabie saoudite et les États-Unis. C’est en 2014 qu’ils sont devenus un acteur majeur au Yémen et dans la région, après avoir pris le contrôle de la capitale, Sanaa, et contraint le gouvernement yéménite à fuir au sud du pays.
Les Houthis, soutenus par l’Iran, contrôlent aujourd’hui une grande partie du Yémen, notamment le littoral donnant sur la mer Rouge. La situation qui s’y présente actuellement dépasse le simple cadre régional ; elle a des implications multiples et profondes, à la fois économiques, écologiques et sécuritaires.
La mer Rouge est une voie de passage essentielle par laquelle transite plus de 10 % du transport maritime international. Chaque année, elle voit circuler 25 % du trafic mondial de porte-conteneurs. C’est une voie particulièrement stratégique, sachant que plus de 90 % du commerce international en volume passe par la mer.
Elle est traversée par des navires qui transportent des marchandises diverses et du pétrole, acheminés vers plusieurs continents, comme l’Europe et l’Asie, dont environ 40 % des échanges transitent par cette voie.
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, en octobre 2023, les Houthis ont mené plusieurs attaques contre Israël et contre des navires qui lui seraient liés au large du Yémen, affirmant agir en solidarité avec les Palestiniens. Mais pas uniquement ; il s’avère que le terrorisme maritime des Houthis a également un objectif économique. Selon une enquête menée au nom du comité des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Yémen, les Houthis perçoivent des « taxes » d’environ 180 millions de dollars par mois auprès de certaines agences maritimes, en échange du renoncement à attaquer leurs navires commerciaux lors du passage de ceux-ci en mer Rouge et dans le golfe d’Aden.
Les Houthis utilisent des drones et des missiles pour cibler indistinctement des navires civils et militaires, y compris des navires français. Ces exactions ont souvent causé de lourds dégâts matériels et mettent perpétuellement en danger les femmes et les hommes qui sont présents sur les navires pris pour cible. Elles ont également contraint de nombreuses grandes compagnies maritimes, telles que l’armateur français Compagnie maritime d’affrètement Compagnie générale maritime (CMA CGM), à suspendre leur circulation en mer Rouge, afin de protéger les équipages et les marchandises des navires. Un navire coulé ou capturé par les Houthis entraîne une perte économique liée à la marchandise volée, en moyenne 1 milliard d’euros par bateau, pour les entreprises concernées.
En conséquence, de grandes entreprises telles que la CMA CGM, MSC, Maersk ou encore British Petroleum (BP) ont dû modifier leurs routes commerciales, afin de passer par le cap de Bonne-Espérance, au sud de l’Afrique. Un cadre de la CMA CGM, que j’ai entendu en audition dans le cadre de mes travaux préparatoires, m’a fait l’état des lieux des répercussions de la situation en mer Rouge sur l’armateur français. Les déviations représentent des coûts opérationnels supplémentaires de plusieurs millions de dollars. Les délais de livraison sont allongés de douze à quinze jours en moyenne. Il a fallu financer davantage de bateaux pour continuer d’assurer l’import et l’export de marchandises dans le monde entier, sans oublier le coût de la main-d’œuvre et du carburant nécessaires pour faire fonctionner ces bateaux.
Au-delà de leurs impacts économiques dévastateurs sur le commerce maritime, les agressions des Houthis représentent une menace écologique alarmante. L’exemple le plus flagrant est celui du naufrage du navire Rubymar en mars 2024, qui transportait 22 000 tonnes d’engrais chimiques et des centaines de tonnes de carburant. Ces substances se sont déversées dans la mer Rouge, créant une nappe toxique de plusieurs kilomètres de long, avant que le navire ne soit définitivement coulé.
Je souhaite rappeler, pour mémoire, la catastrophe provoquée par l’Exxon Valdez en 1989, lorsque ce pétrolier déversa plus de 40 000 tonnes de pétrole brut dans les eaux de l’Alaska. Cet événement entraîna l’une des pires marées noires de l’Histoire, ravageant plus de 2 000 kilomètres de côtes, tuant des centaines de milliers d’oiseaux marins, de poissons et d’autres types d’animaux et occasionnant des impacts écologiques durables sur l’environnement.
Si les attaques des Houthis continuent, nous risquons de voir se répéter de telles catastrophes à une échelle similaire, mettant en péril les écosystèmes marins sensibles de la mer Rouge.
En outre, le détournement du trafic maritime de la mer Rouge jusqu’au cap de Bonne-Espérance contribue à polluer davantage cette zone. Plus de navires signifie plus de gaz à effet de serre déversés dans l’atmosphère et plus de pollution marine.
Je tiens à rappeler que la France est la première concernée par cette situation. En effet, les côtes de l’île de La Réunion sont longées par les navires. Son port et celui de Mayotte sont pleinement mobilisés pour les accueillir, dans des conditions parfois difficiles. Par ailleurs, l’augmentation du volume du trafic maritime accroît les risques de collisions et, par conséquent, le risque connexe de déversements de pétrole dans des zones marines sensibles, y compris sur le littoral français.
Des efforts importants pour assurer la sécurisation du détroit de Bab el-Mandeb impliquent de grandes puissances mondiales, dont la France. Dès le mois de décembre 2023, les États-Unis ont lancé l’opération Gardien de la prospérité, fondée sur une grande coalition de sécurisation maritime, dont la France est partie prenante. Après avoir envoyé la frégate Languedoc, la France a également rejoint l’opération Aspides. Cette opération, créée en février 2024 par l’Union européenne, vise aussi à répondre aux agressions houthies à l’encontre des navires commerciaux qui transitent par la mer Rouge. Les frégates européennes sont mobilisées quotidiennement pour protéger les rares navires transitant encore par cette zone, qui n’est toujours pas assez sécurisée pour permettre une reprise du trafic maritime mondial.
Au-delà de ce trafic, c’est notre sécurité à tous qui est en jeu, car la situation actuelle en mer Rouge a des implications et des conséquences qui la dépassent.
Depuis 2015, les Houthis dirigent de facto le nord du Yémen, alors que le gouvernement yéménite, internationalement reconnu, s’est réfugié au sud du pays.
Comme je l’ai mentionné précédemment, les rebelles ont commencé à attaquer des navires commerciaux après les événements du 7 octobre 2023, prétendant agir par solidarité avec le peuple palestinien. Soutenus par l’Iran, ils affirment être les seuls acteurs au Yémen à opérer au profit de la cause palestinienne.
Cherchant à discréditer le gouvernement yéménite et à s’en prendre aux soutiens réels ou supposés d’Israël, les Houthis sont en réalité un atout pour « l’axe de la résistance ». Ils font le jeu de la stratégie régionale iranienne contre l’État hébreu.
Téhéran joue un rôle déterminant dans le renforcement des capacités militaires des Houthis. Ces derniers ont acquis un arsenal sophistiqué, comprenant des missiles balistiques et des drones capables de cibler des infrastructures stratégiques.
Il est évident que la situation en mer Rouge est intrinsèquement liée au conflit israélo-palestinien. L’implication de l’Iran dans ce conflit fait de cette zone un terrain d’affrontement indirect entre la République islamique et Israël.
Au début d’octobre, nous avons appris que l’Iran servait d’intermédiaire dans des négociations ouvertes en vue de livrer des missiles antinavires supersoniques russes aux rebelles houthis.
Le conflit en mer Rouge va donc bien au-delà de son ancrage territorial immédiat, au vu notamment de cette implication de la Russie, qui essaie de renforcer ses alliés face aux Occidentaux soutenant l’Ukraine. Chaque attaque houthie est ainsi à réinscrire dans un contexte plus large, dont les répercussions affectent des millions de personnes dans toute la région et au-delà.
Je fais écho aux propos qu’a tenus le Président de la République lors de sa dernière intervention à l’Assemblée générale des Nations unies. Bien qu’il n’ait pas directement évoqué la situation en mer Rouge, sa volonté de trouver une solution diplomatique au conflit israélo-palestinien résonne profondément avec ce que nous y observons.
Emmanuel Macron a rappelé que la recherche de la paix et d’une solution diplomatique est le seul chemin viable pour mettre fin au conflit. Il est de notre responsabilité de suivre cette boussole pour désamorcer la crise en mer Rouge et éviter l’escalade.
Mes chers collègues, les actions des Houthis sont intolérables : elles mettent en péril des vies humaines ; elles déstabilisent notre industrie maritime ; elles menacent des écosystèmes vitaux ; elles mettent en danger la stabilité internationale.
La présente proposition de résolution s’inscrit pleinement dans une logique que nous partageons tous, celle qui consiste à trouver une issue diplomatique à cette crise protéiforme, qui n’a que trop duré.
Compte tenu du retour de Donald Trump à la tête des États-Unis et de l’incertitude qui pèse sur sa vision géopolitique de cette région, la France doit rappeler et renforcer son rôle moteur dans l’action internationale menée en mer Rouge.
C’est pour réaffirmer la position de notre pays et sa détermination à poursuivre ses efforts diplomatiques que j’espère, mes chers collègues, que le Sénat adoptera à l’unanimité cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Roger Karoutchi applaudit également.)
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, par son soutien, Téhéran a vassalisé le mouvement insurrectionnel des Houthis. Engagés dans une guerre civile au Yémen, ces rebelles servent également les intérêts de l’Iran et de ses alliés. C’est ainsi qu’ils ont participé à des attaques visant Israël.
Les Houthis entreprennent également de porter atteinte à la liberté de navigation en mer Rouge, afin notamment de perturber le commerce international. Comme les gardiens de la révolution avant eux, ils se livrent à des actes de piraterie à des fins de rançon, quand ils ne détruisent pas tout simplement leur cible.
Ni la France ni la communauté internationale ne peuvent les laisser faire !
Hélas ! ces attaques entraînent parfois la mort de membres d’équipage des navires marchands. Nous pensons à ceux qui sont tombés, ainsi qu’à leur famille. Nous ne devons pas oublier ces crimes ; les victimes méritent qu’on leur rende justice.
Non seulement les attaques houthies menacent des vies humaines, mais elles exposent aussi la région à des catastrophes écologiques, les pétroliers figurant parmi les cibles privilégiées des rebelles.
Jusqu’à l’an dernier, 12 % du commerce international passait en effet par la mer Rouge, entre le canal de Suez et le détroit de Bab el-Mandeb. Or, depuis le début des attaques, le trafic y a chuté de 20 %. Les actions des Houthis ont un coût élevé, qui ne peut manquer de se répercuter sur notre économie dans son ensemble.
Les primes d’assurance payées par les propriétaires de navires continuant à passer par la mer Rouge ont explosé. Ceux des navires qui préfèrent éviter la zone et passent par le cap de Bonne-Espérance voient la durée de leur trajet augmenter de moitié. Cela a pour conséquence de doubler le prix d’un conteneur partant de Chine pour atteindre l’Europe.
Depuis plusieurs mois, les femmes et les hommes de la Marine nationale tentent de préserver la liberté de navigation en mer Rouge. Sous le feu des rebelles houthis, ils protègent les navires contre leurs attaques ; ils détruisent leurs drones et leurs missiles balistiques. Cette situation démontre l’engagement et les capacités de nos armées, qu’il convient de saluer. Elle renforce également notre conviction que leurs moyens doivent encore être augmentés.
Les Houthis ont annoncé vouloir étendre leurs opérations à l’océan Indien. Nous devons souhaiter qu’ils n’y parviennent pas, mais nous devons surtout nous donner les moyens de les entraver.
Voilà plusieurs années que nos marins nous signalent une montée généralisée des tensions. Tout comme le renforcement des arsenaux, celle-ci est plus évidente en mer, dans la mesure où les acteurs s’y rencontrent armés. Parfois, cette course aux armements s’accompagne, hélas ! d’une forme de désinhibition.
Dans ce contexte tendu, nous devons veiller à doter nos armées des moyens suffisants pour défendre la France et ses intérêts, mais aussi pour lui permettre d’apporter son concours aux opérations internationales de sécurité – cela passera, naturellement, par les débats que nous aurons dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.
La proposition de résolution présentée par notre collègue Nicole Duranton et inscrite à l’ordre du jour de l’espace réservé au groupe RDPI appelle le Gouvernement à poursuivre son action dans cette région, tant diplomatiquement que militairement.
Nous ne pouvons qu’être favorables à son adoption. L’ensemble du groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains.)