M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a modifié l’assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants agricoles dans l’Hexagone et a habilité le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, afin d’étendre cette réforme aux exploitants agricoles ultramarins.
L’application de ce régime dans les territoires d’outre-mer est nécessaire pour mettre en œuvre les dispositions de l’article 22, qui visent à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq meilleures années de revenus.
C’est la raison pour laquelle ce PLFSS prévoit d’aligner les délais des deux habilitations prévues pour mettre en œuvre ces deux réformes pour une meilleure articulation.
Je vous rappelle, en outre, que le Sénat a soutenu, l’an passé, cette réforme de l’assiette sociale ainsi que la convergence des modalités de calcul des assiettes entre l’Hexagone et l’outre-mer.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 362 rectifié et 1030, qui visent à rendre inapplicable cette réforme en supprimant l’habilitation.
L’amendement n° 1307 rectifié bis vise à plafonner la hausse des cotisations et des contributions sociales des chefs d’exploitation agricole ultramarins, qui résulte de la mise en œuvre de la réforme prévue par la LFSS pour 2024, à hauteur du montant, certes revalorisé, des cotisations et des contributions sociales acquittées en 2024.
Ce plafonnement préalable risquerait de vider de son sens la réforme, alors que le Gouvernement est habilité à prendre les « adaptations nécessaires pour tenir compte des caractéristiques et des contraintes particulières de ces territoires » : mes chers collègues, nous connaissons bien ce genre de mesures, que nous défendons régulièrement, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle.
La commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Vos amendements visent à rendre inapplicable la réforme de l’assiette sociale aux non-salariés agricoles qui exercent leur activité en Guadeloupe, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.
L’article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 permet au Gouvernement de légiférer par ordonnance, afin d’aligner l’assiette sociale des 19 000 non-salariés agricoles ultramarins sur celle qui est en vigueur en métropole.
Cette réforme mettra fin au système actuel selon lequel les cotisations sociales sont calculées en fonction de la superficie pondérée de l’exploitation. Elle permettra aussi d’introduire une proportionnalité entre les revenus professionnels, les prélèvements sociaux et les droits à prestation sociale, notamment sur la partie retraite acquise par les assurés.
La réforme prévue à l’article 22 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui vise à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq meilleures années de revenus, ne pourra donc pas être applicable, par définition, dans les territoires ultramarins tant que les cotisations n’y seront pas calculées en fonction de ces mêmes revenus.
C’est pourquoi le Gouvernement propose d’aligner les délais des deux habilitations afin de pouvoir mieux articuler les deux réformes. Je vous confirme son engagement, pris devant les députés ainsi que devant les sénateurs, de présenter le projet d’ordonnance, avant son adoption, à l’ensemble des parlementaires intéressés et de détailler l’ensemble de ses effets.
Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il y sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je n’ai pas entendu de réponse à mon amendement. Vous avez répondu à ma collègue, en expliquant que la réforme ne serait pas applicable sans harmonisation de l’assiette, mais ce n’est pas ce que l’on vous demandait. On vous dit qu’il est difficile pour le Parlement de se dessaisir pendant trois ans.
Comme le ministre l’a déclaré à l’Assemblée nationale, tant que les cotisations ne seront pas calculées sur les mêmes revenus, la réforme ne sera pas applicable outre-mer. Nous avons donné au Gouvernement un délai de dix-huit mois, mais rien n’a été fait.
J’ai auditionné, avec plusieurs de mes collègues, notamment du groupe Les Républicains, des représentants de plusieurs ministères : ils ont reconnu qu’ils n’étaient pas prêts au motif qu’il faut articuler les dispositions figurant à l’article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale votée l’an dernier avec celles figurant aux articles 3, 5 ter et 22 de ce PLFSS. Je crains que nous n’entendions ce même discours pendant trois ans…
Il faut conduire une étude d’impact sur cette harmonisation, à laquelle nous serons associés. Le Gouvernement a réalisé une réforme des retraites particulièrement compliquée ; le Parlement a fait son travail.
J’ai été directeur d’une chambre d’agriculture, je sais que le dossier est complexe. Je sais aussi que, dès qu’il est question de complexité, on préfère travailler dans le secret des cabinets et des offices – ne le prenez pas mal, ce dernier terme n’est nullement péjoratif. Le Parlement demande à être associé.
Le Gouvernement a très largement le temps de satisfaire cette demande, puisque vous venez vous-même d’admettre, madame la ministre, que tant que cette harmonisation des assiettes n’aura pas été réalisée, la réforme ne sera pas appliquée. Associez-nous, c’est du bon sens. Nous souhaitons simplement travailler avec vous.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Monsieur le sénateur, j’ai indiqué que le Gouvernement s’engageait à associer les parlementaires intéressés et à leur présenter le projet d’ordonnance. Je m’y engage devant vous, comme je l’ai fait devant l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.
Mme Audrey Bélim. Je me joins aux propos de mon collègue Victorin Lurel.
Je tiens à rappeler que nos territoires sont différents. Les surfaces d’exploitation ne sont pas les mêmes. Si l’on aligne les assiettes des prélèvements sociaux, ces derniers seront multipliés par 6,7, passant de 2 243 euros à 15 000 euros : il sera difficile pour les exploitants agricoles de résister.
Si cette mesure est adoptée, de moins en moins d’exploitants s’installeront à La Réunion, alors que beaucoup d’agriculteurs souhaitaient se lancer. Nous risquons de perdre notre modèle agricole.
Je vous demande de bien réfléchir aux effets de décisions qui doivent être prises non pas de manière globale, mais en fonction des territoires.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Je voudrais que le Gouvernement s’engage vraiment. J’ai déjà entendu tellement de ministres prendre des engagements devant le Parlement… Comme je l’ai évoqué récemment, un ministre du travail et une Première ministre m’avaient fait des promesses, la main sur le cœur, sur une mission du Conseil d’orientation des retraites (COR), que j’attends encore…
Quelle valeur doit-on accorder aujourd’hui à un engagement du Gouvernement sur le fait que l’ordonnance serait – fait inédit ! – partagée avec les parlementaires ? Ce n’est pas la tradition : d’habitude, on doit s’avouer déjà bien heureux d’en avoir communication. Et les carottes sont déjà cuites quand on la reçoit, car le débat n’est alors plus possible.
Que doit-on conclure aujourd’hui ? Que doit-on dire à nos exploitants agricoles, alors que la fièvre monte ? Essayez de nous convaincre, madame la ministre. J’ai entendu tant d’engagements similaires que je n’y crois plus, comme pour le père Noël. (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Madame la sénatrice, je peux comprendre votre scepticisme. Je dis simplement qu’il est nécessaire d’articuler deux textes, l’un sur les retraites des non-salariés agricoles, l’autre sur les cotisations sociales.
Je suis ministre du travail depuis moins de deux mois. Je souhaite, car telle est ma méthode de travail, celle que j’ai utilisée avec les partenaires sociaux sur d’autres sujets importants, associer les parlementaires sur ce texte, qui suscite une forte anxiété, ce qui est tout à fait légitime, parmi les représentants de la Nation.
Mme Catherine Conconne. Dont acte.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. J’entends le débat et je comprends les inquiétudes qui s’expriment, car on a le sentiment de donner un blanc-seing au Gouvernement sur une réforme d’une grande complexité, comme l’ont rappelé ceux de nos collègues qui connaissent bien les problématiques de ces territoires. J’entends aussi que le Gouvernement a besoin d’articuler deux réformes fondamentales. Celles-ci doivent être mises en place dans le cadre d’une habilitation à légiférer par ordonnance, mais le Parlement doit aussi participer à leur élaboration.
En tant que président de la commission des affaires sociales, je souhaiterais que notre commission travaille sur le sujet. Vous engagez-vous, madame la ministre, à répondre favorablement à l’invitation formelle – je ne me permettrais pas d’employer le terme « convocation » (Sourires.) – de notre commission, pour nous faire un point sur l’avancée des travaux ?
L’exigence de transparence réclamée par nos collègues serait ainsi satisfaite. Il nous serait alors plus facile de vous accorder un délai supplémentaire pour mettre en œuvre cette réforme nécessaire.
J’espère que vous répondrez très favorablement, madame la ministre, à cette invitation. Cela rassurerait l’ensemble de nos collègues.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je réponds très favorablement à votre demande, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 362 rectifié et 1030.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1307 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 742 est présenté par Mmes Lubin et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Lurel, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, M. Jeansannetas, Mme G. Jourda, MM. Vayssouze-Faure et M. Weber, Mme Monier, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 929 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 731-42 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la présente loi, est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Une cotisation à la charge de chaque chef d’exploitation ou d’entreprise, calculée sur la part de l’assiette déterminée en application des articles L. 731-15, L. 731-16 et L. 731-22 qui excède deux fois le plafond mentionné au premier alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. »
« Le taux de cette cotisation est égal à la somme des taux fixés en application des cinquième et sixième alinéas du même article L. 241-3. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa de l’article L. 241-3, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« La couverture des charges de l’assurance vieillesse et de l’assurance veuvage est également assurée par des cotisations à la charge des employeurs et des salariés et assises sur la part des revenus d’activité tels qu’ils sont pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations définie à l’article L. 242-1 perçus par les travailleurs salariés ou assimilés qui excède deux fois le plafond mentionné au premier alinéa du présent article. Le taux de ces cotisations est fixé :
« – à 2 % pour les salariés ;
« – à 3,8 % pour les employeurs. »
2° L’article L. 633-1 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du premier alinéa, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les travailleurs indépendants mentionnés au premier alinéa du présent article sont également redevables de cotisations d’assurance vieillesse assises sur la part du revenu d’activité qui excède deux fois le plafond mentionné au premier alinéa dudit article L. 241-3. Le taux de ces cotisations est égal à la somme des taux fixés en application des cinquième et sixième alinéas du même article L. 241-3. »
III. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, une conférence de financement des retraites associant les organisations syndicales représentatives, les organisations professionnelles d’employeurs représentatives, l’État et les organismes gestionnaires des régimes de retraite obligatoires de base et complémentaire est réunie. Cette conférence est chargée :
1° d’identifier des conditions de financement permettant d’assurer l’équilibre financier durable du système de retraites tout en garantissant un âge d’ouverture du droit à une pension de retraite à soixante-deux ans ;
2° de négocier les modalités de prise en compte de la situation des assurés justifiant d’une carrière longue et de ceux n’ayant pas accompli la durée d’assurance minimale requise pour le bénéfice d’une pension au taux plein ;
3° de proposer des évolutions des dispositifs de compensation dont bénéficient les assurés exposés à des facteurs de risques professionnels et de pénibilité au travail.
La composition de la conférence nationale est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.
Ses membres exercent leurs fonctions à titre gratuit.
Elle se réunit au moins une fois par an sur convocation des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 742.
Mme Monique Lubin. Nous souhaitons que soit convoquée une conférence nationale de financement des retraites.
Nous étions défavorables à la réforme des retraites et à l’allongement de la durée de travail, nous le sommes toujours. Il s’agit essentiellement d’une question de recettes ; or personne ne se demande comment nous pourrons maintenir notre système de retraite, si ce n’est en abaissant les droits des futurs retraités, donc ceux des salariés.
Pour notre part, nous considérons qu’il est nécessaire de réfléchir très régulièrement aux solutions que nous pouvons trouver en matière de financement. C’est pour cette raison que nous souhaitons qu’une conférence consacrée aux recettes susceptibles d’être mises en place pour notre système de retraite soit convoquée régulièrement, de sorte que nous ne nous contentions plus de penser qu’il suffit d’allonger la durée du travail des salariés pour le maintenir à flot définitivement.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 929.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Avec ce que je vous propose, tout le monde va être content, car nous allons rajeunir de deux ans – cela ne va pas nous faire de mal. (Sourires.)
Faisons un bond en arrière jusqu’en février 2023, au moment où nous débattions du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Notre amendement vise bien évidemment à abroger la réforme des retraites du gouvernement d’Élisabeth Borne.
À l’époque, le président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, devenu ministre depuis,…
Mme Dominique Estrosi Sassone. Excellent ministre !
Mme Cathy Apourceau-Poly. … défendait une réforme qui reportait l’âge légal de la retraite de 62 ans à 64 ans et le passage à 43 annuités de cotisations, réforme absolument nécessaire selon lui pour éviter de baisser les pensions des retraités.
La réforme a été adoptée, les premiers effets s’en font ressentir pour nos concitoyens et Bruno Retailleau est membre d’un gouvernement qui prévoit pourtant de baisser les montants des pensions de retraite…
Vous comprendrez facilement que cette double injustice n’est pas acceptable, alors que d’autres possibilités de financement de notre système de retraite étaient possibles.
Nous proposons ainsi l’instauration d’une surcotisation au régime d’assurance vieillesse, qui couvrirait les besoins de financement de la branche. Comme notre collègue Monique Lubin, nous demandons la convocation d’une conférence nationale de financement des retraites pour mettre à contribution les compléments de salaire.
Madame la ministre, madame la rapporteure, vous aviez promis, en contrepartie de l’allongement de la durée de travail, une revalorisation des petites pensions : à ce jour, seuls 185 000 retraités ont reçu 30 euros brut par mois en plus ; de surcroît, vous leur faites les poches en reportant l’indexation des pensions au 1er juillet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Mes chères collègues, vous avez réussi à contourner l’article 40 en demandant la convocation d’une conférence et une surcotisation – je peux vous féliciter sur ce point. (Sourires.)
Nous avons bien compris que vous vouliez revenir sur la réforme des retraites, promulguée le 14 avril 2023.
Je rappelle que ladite réforme améliorerait le solde de la branche vieillesse de 8 milliards d’euros à l’horizon 2028. J’emploie le conditionnel, parce que nous faisons face à une situation dégradée, avec davantage de retraités, moins d’actifs et une natalité en berne. Nous ne pouvons nous permettre, dans ces conditions, de revenir sur cette réforme. J’ajoute même que nous aurons certainement à en conduire d’autres pour assurer la pérennité de notre système par répartition ou à envisager d’autres moyens de financement.
Pour ces raisons, nous sommes bien évidemment défavorables à ces deux amendements identiques.
Je précise enfin que les petites retraites vont être intégralement revalorisées en deux fois, au 1er janvier puis au 1er juillet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Mesdames les sénatrices, vos amendements tendent à augmenter les taux de cotisation de l’assurance vieillesse applicables aux exploitants agricoles, aux travailleurs indépendants et aux salariés percevant des rémunérations supérieures à deux fois le plafond de la sécurité sociale.
Cette initiative ne peut recevoir l’accord du Gouvernement, car elle reviendrait à alourdir très fortement – de 7 milliards d’euros – les prélèvements obligatoires, d’augmenter très concrètement les taux pour de nombreux actifs, + 2 points, ainsi que pour leurs employeurs, + 3,8 points. L’emploi serait ainsi considérablement grevé.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Mais de quoi parlez-vous ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Vous proposez également la tenue d’une conférence paritaire de financement pour assurer l’équilibre des systèmes de retraite. Or il existe déjà des instances paritaires chargées de réfléchir à ce sujet comme le Conseil d’orientation des retraites ou le Comité de suivi des retraites (CSR).
Je vous rappelle enfin que le Gouvernement a fait part de son souhait de travailler avec les partenaires sociaux sur des pistes d’amélioration justes et raisonnables de la réforme des retraites de 2023 dans le cadre des équilibres existants. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a identifié trois pistes : la retraite progressive, dont le cadre a été précisé lors de la négociation entre les partenaires sociaux, finalisée vendredi dernier ; les droits à retraite des femmes ; l’usure professionnelle.
Pour ces raisons, je suis défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je soutiens le principe de cette conférence.
Madame la ministre, madame le rapporteur, soyez modestes : l’année dernière, tout allait bien, vous aviez prétendument trouvé la solution ; cette année, vous nous annoncez que deux ans ne suffiront pas et qu’il faut envisager trois ans, quatre ans… En fait, vous nous dites : cela ne marche pas, alors accélérons !
Autrefois, dans les pays du bloc socialiste, on disait un peu la même chose : cela ne marche pas, mais c’est parce qu’il n’y a pas assez de socialisme.
Faut-il continuer ? Non, il faut une conférence. Je le répète, soyez modestes, votre réforme n’était pas bonne – je n’y reviendrai pas, nous en avons déjà assez parlé. Remettez autour de la table des gens qui vous proposeront d’autres solutions, comme vous l’avez fait pour l’assurance chômage – vous en êtes satisfaits, mais votre première copie était nulle. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous avez su trouver une solution qui satisfait non pas tous les syndicats, mais certains d’entre eux.
À l’époque, vous faisiez face à un front uni de l’ensemble des syndicats. Vous ne pouvez pas continuer de dire que c’était une bonne réforme, d’autant qu’elle n’a rien résolu.
Acceptez le principe de cette conférence de financement et nous en reparlerons après.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Madame la ministre, vous citez le COR et le CSR, mais ces deux organes ont pour vocation d’étudier un certain nombre de scénarios possibles, de faire de la prospective, bref de fournir à la représentation nationale de quoi travailler. La conférence que nous appelons de nos vœux n’a rien à voir.
Madame le rapporteur, vous avez parlé de ce qui allait se passer pour les petites retraites au 1er janvier et au 1er juillet. Nous aurons l’occasion d’en reparler, mais ce qu’a annoncé M. Le Maire, j’appelle cela une arnaque ! (Mme Cathy Apourceau-Poly approuve.) Les retraités qui devaient être revalorisés du niveau de l’inflation au 1er janvier ne le seront pas. Pis, cela aura des effets pérennes, puisque cette augmentation de 1 %, au lieu de 2 %, servira de base aux augmentations des années suivantes, s’il y en a, ce que nous espérons.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Selon mes informations, les petites retraites ont été augmentées comme prévu, c’est-à-dire de 50 euros à 60 euros par mois, dès octobre 2024, avec un rattrapage. Ce n’est pas énorme, mais c’est ce qui avait été voté par le Sénat lors de la réforme des retraites.
La retraite à 64 ans permet d’économiser 14 milliards d’euros à partir de 2030, et 8 milliards dès 2028. D’après le COR, l’abrogation de la réforme coûterait autour de 27 milliards d’euros. À mon sens, nous devons continuer sur la voie de la réforme Hollande-Touraine, avec 43 ans de cotisations pour une retraite complète. Aller à rebours reviendrait à adresser un message d’irresponsabilité à nos créanciers. Nous devons équilibrer notre système de retraite par répartition et ne pas laisser une dette insurmontable à nos enfants.
Faut-il réfléchir avec les partenaires sociaux pour introduire une petite dose de capitalisation ? Je ne sais pas, mais nous devons en tout cas associer ces derniers à toutes les réflexions sur les possibilités de départ pour les carrières longues ou pénibles, sur la prévention au travail, sur les fonds de prévention et sur la façon d’inciter les seniors à poursuivre le travail, puisque seuls 56 % des 55-64 ans sont encore en activité en France, contre 72 % en Allemagne. L’intégration des seniors dans l’économie est pourtant essentielle pour transmettre leur expérience et participer à l’orientation des jeunes. Nous devons donc proposer des dispositifs, tels que l’activité à temps choisi, la retraite progressive, le cumul emploi-retraite, etc.
Rappelons enfin que la durée de vie moyenne des hommes est passée de 70 ans à 80 ans et de 80 ans à 85 ans pour les femmes. Il y avait 17 millions de retraités en 2020 ; il y en aura 24 millions en 2050. Il y avait deux cotisants pour un retraité en 2000, 1,7 en 2020 et il n’y en aura plus que 1,5 en 2040.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 742 et 929.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 44 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 109 |
Contre | 229 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 518 rectifié est présenté par Mme Senée.
L’amendement n° 533 rectifié est présenté par Mme Jacquemet, MM. Maurey, Cambier et Bleunven, Mme Perrot, MM. Perrion, Longeot, S. Demilly et Courtial et Mmes Gacquerre, Billon, Romagny et Antoine.
L’amendement n° 604 rectifié est présenté par MM. Grosvalet et Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 637 rectifié est présenté par Mmes Le Houerou et Féret, MM. Roiron, Kanner et Gillé, Mme Harribey, M. Lurel, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi, Kerrouche et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Ziane, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mmes Bonnefoy et Blatrix Contat, MM. Jeansannetas et Vayssouze-Faure, Mme G. Jourda, M. M. Weber, Mme Monier, MM. Marie, Tissot, Durain, Chaillou et Uzenat, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 928 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani, Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 1er janvier 2025, le taux de la contribution patronale sur les traitements des agents des collectivités territoriales et des établissements sanitaires versée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ne peut être supérieur à 31,65 %.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour présenter l’amendement n° 518 rectifié.