Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je remercie notre collègue de sa vigilance quant à la proportionnalité des différents dispositifs de lutte contre les activités frauduleuses. Cela étant, chacun se penche plus spécifiquement sur tel ou tel domaine. En tout état de cause, le travail de Nathalie Goulet, qui est remarquable, est à saluer.
Il est vrai que, s’agissant de sujets juridiques très complexes, il n’est pas simple d’amender les dispositifs. Je reconnais néanmoins, ma chère collègue, que vous avez raison pour ce qui touche à la proportionnalité : la plupart des fraudes sociales relèvent bel et bien du travail dissimulé, raison pour laquelle nous n’arrivons pas à recouvrer les sommes dues. Encore faut-il en effet retrouver les boîtes aux lettres des entreprises frauduleuses, ce qui est fort compliqué. On s’étonne chaque année d’une restitution insuffisante des créances : en voilà la raison.
N’oublions pas non plus que les fraudeurs sont très malins, et ont souvent un temps d’avance sur les services, et ce bien que toutes les caisses aient embauché des cyberprofessionnels spécialistes de la lutte contre la fraude. Désormais, la fraude a cours dans toutes les langues : l’hameçonnage par messagerie électronique ou par SMS se répand, via des messages émanant y compris d’Europe du Nord vous incitant à fournir vos données personnelles – adresse, numéro de carte Vitale, mots de passe –, le but étant de les utiliser frauduleusement pour toucher des prestations sociales.
Ces dernières années, beaucoup a été fait contre la fraude et la donne a changé – je peux en témoigner. Cela étant, les chiffres qui circulent sont souvent excessifs. C’est en regardant les services de lutte contre la fraude travailler concrètement que l’on se rend compte que leur tâche n’est vraiment pas simple.
Sur l’amendement de notre collègue, la commission a émis un avis défavorable, car la sanction doit être proportionnée à la situation économique du professionnel de santé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Les Urssaf travaillent énormément à l’identification des fraudes patronales. Les vérifications auxquelles elles procèdent sont d’une ampleur considérable : 800 millions d’euros recouvrés en 2022, 1,2 milliard en 2023. Nos Urssaf luttent bel et bien contre la fraude, vous le voyez, et nous ne pouvons que les encourager à poursuivre dans cette voie.
Pour ce qui est de lutter contre la fraude des médecins, le dispositif visé s’analyse comme une sanction administrative. Il doit donc respecter le principe de personnalisation de la peine ; aussi la sanction ne saurait-elle être automatique.
En outre, le directeur de caisse doit bénéficier d’une marge de manœuvre pour apprécier l’opportunité et les modalités de mise en œuvre du dispositif.
En conséquence, suivant la jurisprudence constitutionnelle en la matière, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il faut arrêter de considérer que la fraude sociale suscite une indignation de droite et la fraude fiscale une indignation de gauche. Il s’agit, de part et d’autre, de fraude aux finances publiques, un point c’est tout !
La fraude aux cotisations est au moins aussi importante que la fraude aux prestations. J’ai d’ailleurs déposé un amendement sur le rôle des tribunaux de commerce dans la lutte contre les entreprises éphémères.
Madame Poncet Monge, je voterai votre amendement, parce que je n’ai pas d’œillères. J’estime qu’il faut des signaux extrêmement forts contre l’ensemble des fraudeurs : loin de moi cette polarisation, qui ne sert strictement à rien, entre une indignation de droite et une indignation de gauche.
La fraude sociale n’est pas une fraude de pauvre : c’est une fraude en réseau organisé – je le sais bien, pour avoir remis un rapport sur le sujet à Édouard Philippe. Il faut arrêter avec ce type de dichotomie complètement vaine et admettre que celui qui pique dans la caisse lèse le contribuable qui, lui, s’acquitte de ses cotisations et de ses impôts.
La fraude, qu’elle soit fiscale, sociale ou douanière, doit être poursuivie. Je voterai votre amendement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les assurés sont à l’origine de 20 % de la fraude à l’assurance maladie ; ils doivent être poursuivis, certes. Mais c’est le manque de proportionnalité que je souligne : on parle moins de ceux qui sont responsables de 80 % du montant total de la fraude que de ceux qui sont la cause des 20 % restants ! C’est un simple constat.
Dans le département du Nord, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, dès lors qu’un allocataire ne se présente pas à une convocation de France Travail, il fait l’objet d’une suspension automatique de son RSA. Où est passée, mes chers collègues, la prise en compte de la situation de la personne ?
En l’espèce, de quoi s’agit-il ? Il s’agit de cotisations qui n’ont pas été versées. Et vous voudriez, mes chers collègues, que nous prenions en compte la « bonne foi » des professionnels de santé coupables de fraude – telle est votre doctrine ! Mais, bonne foi ou non, il s’agit de fraude ! À ce compte-là, s’il faut tenir compte des « situations », bientôt aucune entreprise ne versera plus de cotisations : quand la fraude sera constatée, il suffira de plaider la bonne foi…
Il s’agit bien de faits à caractère frauduleux, je le répète, dont le caractère volontaire est reconnu. Je ne vous parle pas d’erreurs : une erreur peut être éventuellement corrigée, via la mise en place, au besoin, d’un échéancier.
Mais, selon vous, il faudrait considérer la situation des pauvres employeurs qui ont fraudé ! Faisons donc de même pour les assurés, qui, je le rappelle, sont à l’origine de 20 % seulement de la fraude à l’assurance maladie.
Mme la présidente. Ma chère collègue, il faut conclure.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je poursuis le raisonnement : en toute cohérence, il faudra de la même façon, avant de suspendre ou non le versement de son RSA, examiner attentivement la situation de chaque allocataire qui ne s’est pas présenté à une convocation de France Travail.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je voterai pour l’amendement de Mme Poncet Monge. Ce débat m’inspire une réflexion que je vous livre à l’état d’ébauche, mes chers collègues : nous allons devoir travailler à l’instauration de nouveaux mécanismes.
Je m’interroge : quand une entreprise commet délibérément une fraude aux cotisations sociales, est-il acceptable qu’elle bénéficie de crédits d’impôt ?
Mme Nathalie Goulet. Non !
M. Pascal Savoldelli. Je livre cette réflexion à la sagesse du Sénat ; nous aurons à y travailler.
Nous devons traiter tout le monde sur un pied d’égalité : si le citoyen qui commet une faute doit évidemment être jugé et sanctionné, il en va de même pour l’entreprise qui ne s’acquitte pas de ses cotisations sociales ou contourne ses obligations fiscales tout en bénéficiant de niches et de crédits d’impôt !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je souscris largement aux analyses de Mme Poncet Monge sur les différentes masses financières de la fraude dans notre pays. Lorsqu’on laisse un seul type de fraude occuper tout le débat, on envoie un certain message politique. Je regrette que la fraude des employeurs, ou la fraude en bande organisée, par exemple, occupent bien moins les discours que la fraude des assurés sociaux – je précise que je ne vise pas Nathalie Goulet, qui, quant à elle, prête une attention égale à l’ensemble de ces questions.
Reste que le dispositif de l’amendement n° 832 mêle des types de fraude très différents les uns des autres, et notamment la fraude commise par les professionnels de santé. Je rappelle au passage que, parmi ces derniers, les plus fraudeurs ne sont pas les médecins ; je ne dirai pas quelle profession occupe en la matière la première place, car je ne veux pas la stigmatiser…
Une partie de ce qui est étiqueté comme fraude consiste en une cotation d’actes incorrecte, laquelle s’explique généralement par la complexité de la nomenclature ; l’assurance maladie travaille précisément sur ce sujet.
Il me semble donc injuste d’appliquer une automaticité de la peine, principe que par ailleurs je récuse très largement dans notre droit pénal, à des professionnels ou à des professionnelles de santé épinglés pour fraude. Ne mettons pas tout le monde dans le même sac, car cela reviendrait à sanctionner des professionnels qui ont simplement commis une erreur de cotation.
L’automaticité pose un problème de principe ; je ne voterai donc pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le Conseil d’évaluation des fraudes (CEF) créé l’année dernière par Thomas Cazenave réunit l’ensemble des acteurs susceptibles d’apporter les outils nécessaires à l’évaluation de cette fraude. Je suis d’accord avec vous, mes chers collègues : c’est sur la base de leur travail que nous devons communiquer et informer, afin de ne pas stigmatiser, parmi les fraudeurs potentiels, une certaine population plutôt qu’une autre.
Il est vrai, en effet, que l’on trouve des fraudeurs partout et des fraudes dans tous les domaines. Songez que, d’après l’Insee, la fraude à la TVA représente une perte de recettes de 20 milliards à 30 milliards d’euros par an…
Aussi convient-il de s’exprimer, en ces matières, avec beaucoup de mesure et de prudence, ce qui n’empêche pas la détermination. C’est au Gouvernement qu’il revient de mettre en place des moyens efficaces de lutte contre la fraude et de demander l’évaluation des politiques engagées ces dernières années, afin de « cranter » les progrès accomplis au fil du temps. Ainsi seulement pourrons-nous agir rapidement contre ceux qui détournent l’argent de la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je rejoins les propos de Mme la rapporteure générale.
Les choses sont en effet claires, de mon point de vue : il faut combattre toutes les fraudes, quels qu’en soient les responsables.
Des efforts importants ont été faits pour lutter contre le travail dissimulé. Par exemple, les inspecteurs du travail…
Mme Émilienne Poumirol. Il n’y en a pas assez !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. … disposent d’un pouvoir autonome de sanction : lorsqu’ils identifient une entreprise qui a recours à des formes de travail dissimulé, ils ont la faculté de la sanctionner en annulant, le cas échéant, les aides et la réduction générale dont elle bénéficie.
C’est donc la fraude en général, et non l’un de ses avatars spécifiques, qu’il nous faut combattre impérativement.
La fraude pose selon moi un problème éthique, qui n’engage rien de moins que notre rapport à la Nation et à la société tout entières. Nous devons donc lutter contre ce phénomène à tous les niveaux, toutes catégories confondues, y compris lorsqu’il s’agit de professionnels de santé, car, si la très grande majorité d’entre eux sont parfaits, certains fraudent bel et bien.
Si je m’oppose à cet amendement, ce n’est pas que je refuse de prendre des mesures particulières pour lutter contre la fraude. Mais son dispositif me semble poser des difficultés d’ordre constitutionnel. En effet, aucune limite de temps n’est prévue : un fraudeur pourrait se voir appliquer des sanctions pendant un an, un autre pendant deux ans, un autre encore pendant dix ans ! En l’espèce, l’outil proposé n’est donc pas le bon.
Raffermissons nos efforts de lutte contre la fraude : je n’y vois pas d’inconvénient, au contraire,…
Mme Annie Le Houerou. Alors, avis favorable ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. … car il y a là un véritable enjeu d’éthique collective qui concerne chacun, travailleur, employeur, professionnel de santé, en tant que membre de notre société.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je voterai pour l’amendement de Mme Poncet Monge, comme j’ai voté pour tous ceux de Mme Goulet.
Si nous voulons lutter efficacement contre la fraude, il ne faut pas lésiner sur les moyens. Il ne s’agit pas de dire que les patrons auraient plus tendance à frauder que les assurés, ou l’inverse : ce qui compte, c’est d’agir en usant à plein de tous les outils disponibles.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8 quinquies.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 821 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 941 est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 133-4-2. – En cas de nouvelle constatation pour travail dissimulé dans les cinq ans à compter de la notification d’une première constatation pour travail dissimulé ayant donné lieu à redressement auprès de la même personne morale ou physique, la majoration est portée à 90 % lorsque la majoration de redressement prononcée lors de la constatation de la première infraction était de 25 % et à 120 % lorsque la majoration de redressement prononcée lors de la constatation de la première infraction était de 40 %. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 821 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. De nouveau, je parle ici de faits à caractère frauduleux, et non d’erreurs.
Par cet amendement, nous proposons de nous attaquer à la source principale de la fraude en augmentant les sanctions en cas de récidive.
Ainsi, en cas de nouvelle constatation pour travail dissimulé dans les cinq ans suivant un premier redressement, la sanction serait majorée afin de renforcer son caractère dissuasif, étant entendu qu’aujourd’hui 10 % seulement des sommes redressées au titre de la lutte contre le travail dissimulé sont effectivement recouvrées.
Selon le dernier rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale, le montant de la fraude sociale est évalué à près de 13 milliards d’euros. Cette somme tout à fait importante doit néanmoins être pour partie déconstruite si l’on veut en saisir les véritables tenants et aboutissants.
Certes, les falsifications d’arrêt de travail sont une réalité, mais le préjudice associé s’élève à 7,7 millions d’euros, sur un total de 466 millions d’euros de fraudes à l’assurance maladie détectées. De manière générale, la fraude des assurés ne représente que 20 % du montant total de la fraude à l’assurance maladie. Les auteurs de ces fraudes doivent être poursuivis, c’est vrai, mais je propose ici que nous nous intéressions aux 80 % restants.
Les entreprises sont majoritairement à l’origine de la fraude sociale évaluée par le Haut Conseil du financement de la protection sociale, à laquelle il faudrait par ailleurs ajouter le manque à gagner dû au travail dissimulé, difficile à évaluer.
Je propose donc qu’en cas de récidive une sanction véritablement dissuasive s’applique à l’employeur qui persiste à frauder.
Mme la présidente. Ma chère collègue, il faut conclure.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le travail dissimulé, je le rappelle, représente aussi une atteinte aux droits des travailleurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 941.
Mme Marianne Margaté. J’irai dans le même sens que ma collègue.
La fraude coûte chaque année entre 7 milliards et 25 milliards d’euros à la sécurité sociale.
Par cet amendement, nous proposons que, dans l’hypothèse d’une récidive de travail dissimulé dans les cinq ans suivant la notification d’une première constatation ayant donné lieu à redressement auprès de la même personne morale ou physique, la majoration soit largement augmentée.
Ainsi, dans les cas où la majoration de redressement prononcée lors de la constatation de la première infraction était de 25 %, la nouvelle infraction donnerait lieu à une majoration portée à 90 % ; lorsque le taux de la majoration était initialement de 40 %, il serait porté à 120 %.
Cet amendement présente ainsi le double avantage d’accroître les recettes recouvrées et de dissuader les employeurs de commettre des fraudes très coûteuses.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je tiens à insister sur le principe de proportionnalité, qui doit s’appliquer dans le jugement comme dans l’action. D’ores et déjà, en adoptant l’amendement n° 832, nous venons de prononcer la mort sociale et économique d’un certain nombre de professionnels de santé !
Des professionnels me sollicitent régulièrement, car, comme l’a expliqué Bernard Jomier, une simple erreur de cotation peut donner lieu à redressement, des sommes extraordinaires étant parfois demandées ! Et, dans ce cas précis, on mesure combien les services de l’assurance maladie sont capables d’efficacité : je peux vous dire qu’en la matière ils sont d’une diligence à toute épreuve…
Si nous perdons de vue le principe de proportionnalité, nous risquons de décourager les vocations dans les professions de santé. Certes, nous devons faire attention aux fraudeurs, mais la profession dans son ensemble mérite d’être ménagée : prenons garde aux messages que nous faisons passer !
Le dispositif de ces amendements est trop dur, sachant que les majorations existantes sont déjà extrêmement importantes : le droit en vigueur prévoit qu’après une première condamnation la majoration est portée de 25 % à 45 % et de 40 % à 60 %. Et vous proposez de rehausser encore ces taux pour les porter respectivement à 90 % et à 120 % !
Mme Silvana Silvani. En cas de récidive !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ce monde de répression n’est pas celui dans lequel j’ai envie de vivre !
Mme Raymonde Poncet Monge. Parlez-en aux allocataires du RSA !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je partage ce qu’a dit Mme la rapporteure générale sur la proportionnalité.
Mesdames les sénatrices, vous demandez la majoration du montant des redressements de cotisations en cas de récidive. Cependant, une telle majoration est déjà prévue au III de l’article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale. La majoration est ainsi portée à 45 % lorsque celle qui avait été prononcée lors de la première infraction était de 25 %, et à 60 % lorsqu’elle avait initialement été fixée à 40 %.
Cette disposition a pour objet de concourir au bon fonctionnement du système de sécurité sociale et à son équilibre, et de lutter contre la fraude et les récidives.
Tel qu’il est rédigé, votre amendement aurait pour conséquence, s’il était adopté, d’abroger le dispositif actuellement prévu à l’article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, ce qui serait très ennuyeux. Ce dispositif permet d’annuler des réductions et exonérations de cotisations ou contributions en cas de constat d’une infraction de travail illégal – j’en ai parlé tout à l’heure.
Autrement dit, votre amendement supprimerait une sanction existante applicable aux cas de fraude aux cotisations.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Comme tout à l’heure, je voterai pour ces amendements, car nous faisons du droit, mais aussi de la politique : nous devons envoyer aux fraudeurs un signal extrêmement fort.
Je profite de cette intervention pour appeler l’attention de mes collègues, qui se montrent si insistants concernant la lutte contre le travail dissimulé, sur mon excellent amendement n° 325 rectifié, en espérant qu’il sera adopté – il s’agit de prévenir la fraude aux entreprises éphémères en établissant une liste de signaux faibles.
En matière de lutte contre la fraude, il n’y a jamais assez de sanctions. Un signal très fort doit sortir de cet hémicycle, j’y insiste : le travail dissimulé et les entreprises éphémères, il faut que ça s’arrête ! Ces pratiques sont un danger pour les salariés et pour l’équilibre financier de nos caisses.
Même si ces amendements ne sont pas parfaits, je les voterai.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 821 rectifié et 941.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8 quinquies.
L’amendement n° 772 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet, M. Canévet, Mmes Devésa, Romagny et Sollogoub, M. Vanlerenberghe, Mmes Guidez, Saint-Pé, Perrot, Jacquemet et O. Richard, MM. Cambier, Pillefer et Folliot, Mme Patru, MM. Delcros, Courtial et Capo-Canellas et Mmes Billon et Antoine, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 133-4-9 du code de la sécurité sociale, le mot : « prestations » est remplacé par le mot : « sommes ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement promet de bouleverser l’équilibre de notre hémicycle : il s’agit de transformer le mot « prestations » par le mot « sommes » à l’article L. 133-4-9 du code de la sécurité sociale ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Lorsque des personnes ont été bénéficiaires de prestations sociales indues, les organismes de recouvrement peuvent délivrer à leur encontre des contraintes, qui sont des titres exécutoires, et qui permettent, à défaut d’opposition, de saisir leurs biens, soit les sommes indûment versées sur leur compte bancaire.
Lorsque cela n’est pas possible, l’organisme de recouvrement peut se tourner vers le tiers détenteur, à savoir celui qui détient une créance envers la personne redevable de l’indu, pour recouvrer celui-ci. En pratique, il s’agit souvent des employeurs, qui prélèvent l’indu sur le salaire de la personne pour le restituer à l’organisme de recouvrement.
La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement. Cependant, à titre personnel, j’y suis favorable, car son adoption aurait pour effet d’élargir le spectre des indus susceptibles de recouvrement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8 quinquies.
L’amendement n° 325 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, M. Canévet, Mmes Saint-Pé, Sollogoub, Perrot et O. Richard, M. Folliot, Mme Patru, MM. Delcros, Courtial et Capo-Canellas et Mmes Billon, Jacquemet et Antoine, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 133-5-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 133-5-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 133-5-4-…. – Nonobstant l’article L. 133-5-3 et le code des relations entre le public et l’administration, un employeur est tenu d’accomplir sans délai auprès des administrations et organismes chargés des missions mentionnées au second alinéa du I de l’article L. 133-5-3 du présent code qui en font la demande les formalités déclaratives mentionnées au II du même article L. 133-5-3 lorsqu’il existe des présomptions graves et concordantes qu’il a contrevenu, contrevient ou va contrevenir à ses obligations à l’égard de ces administrations ou organismes ou à l’égard de ses salariés.
« L’existence de présomptions graves et concordantes est notamment considérée comme établie lorsque l’employeur dirige ou dirigeait une personne morale réunissant au moins trois des conditions suivantes :
« 1° Elle a été créée depuis moins de douze mois ;
« 2° Elle a mis fin à son activité moins de six mois après sa création ;
« 3° Elle utilise ou utilisait les services d’une entreprise de domiciliation au sens de l’article L. 123-11-2 du code de commerce ;
« 4° Son siège est ou était situé hors d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;
« 5° Elle comptait plus de dix associés ou salariés dès le premier mois suivant sa création ou plus de vingt dès le deuxième mois.
« En cas de retard injustifié dans l’accomplissement d’une formalité déclarative relevant du premier alinéa du présent article, d’omission de données devant y figurer, d’inexactitude des données déclarées ou d’absence de correction dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article L. 133-5-3-1 du présent code, il est fait application des deux derniers alinéas de l’article L. 133-5-4 du même code. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je l’avais annoncé, madame Poncet Monge, le voici ! Il s’agit de se donner les moyens de contrôler dans les meilleurs délais les entreprises éphémères, en établissant un certain nombre de critères servant à les identifier.
Les entreprises éphémères sont un danger pour les sociétés qui versent normalement leurs cotisations, auxquelles elles font une concurrence qui relève du dumping. Je propose que, pour combattre ce phénomène, nous nous inspirions de nos voisins belges, qui prennent en compte un certain nombre de signaux faibles pour anticiper les fraudes aux entreprises éphémères.
Les critères retenus seraient les suivants : l’entreprise a été créée depuis moins de douze mois ; elle utilise des services de domiciliation ; son siège social est situé hors de France et hors de l’Espace économique européen ; elle compte plus de dix salariés dès le premier mois de son activité ou connaît une augmentation brutale de ses effectifs.
La coexistence de ces petits indices montre que l’entreprise en question est probablement une entreprise éphémère, qui, comme telle, risque de « planter » ses fournisseurs et, par la même occasion, nos organismes de sécurité sociale.
Si je donne l’impression de m’adresser à un seul côté de notre hémicycle, mes chers collègues (L’oratrice se tourne vers les travées de gauche.), c’est que j’ai le sentiment d’y être plus entendue que de l’autre ! Un peu de logique : si vous tenez à lutter contre la fraude, je vous encourage à adopter cet amendement.