M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après les records de chaleur de 2022 et 2023, l’année 2024 est en passe de détenir le record de l’année la plus chaude jamais enregistrée. Les températures y dépasseraient pour la première fois un niveau en hausse de 1,5 degré Celsius par rapport à l’ère préindustrielle. Nous avons donc franchi un nouveau seuil : nous avons déjà changé de monde.

En 2023, le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz chiffrait à 34 milliards d’euros par an le surcroît d’investissement public nécessaire à la transition écologique.

Aussi avons-nous repris espoir quand Michel Barnier a placé la dette écologique à égalité avec la dette financière lors de son discours de politique générale : le Gouvernement prenait enfin conscience de l’enjeu existentiel de la transition écologique.

Cet espoir a pris fin avec ce budget, qui acte une baisse de près de 10 % des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Si l’on intègre au calcul la baisse des prix de marché de l’électricité, ces crédits sont même amputés de 17 % en une seule année. Une telle baisse ne relève plus de l’austérité : elle signifie le sacrifice pur et simple de toutes nos ambitions en matière de transition écologique. Tous les domaines sont concernés, de la rénovation thermique des bâtiments au soutien aux collectivités territoriales, en passant par la biodiversité.

Cette trajectoire est très inquiétante ; elle va à rebours de toutes les recommandations des experts.

La France a besoin d’un plan d’investissement dans des infrastructures de transport durables. Nous ne pourrons pas remplacer intégralement le parc automobile thermique par un parc électrique équivalent. Il faut donc anticiper et planifier le report vers d’autres moyens de transport. Or que propose le Gouvernement dans ce budget ? Il réduit fortement les financements dédiés aux infrastructures de transport.

Monsieur le ministre, alors que l’électrification du parc automobile est essentielle et que nous prenons déjà du retard dans les investissements, vous réduisez de 500 millions d’euros les aides aux acquisitions de véhicules propres, en supprimant au passage la prime à la conversion.

Des solutions existent pour promouvoir le transport écologique via de nouvelles recettes fiscales qui seraient sans impact sur l’activité ni sur les plus précaires : la taxation des yachts et des jets privés, le durcissement du malus écologique pour les SUV, l’encadrement des niches fiscales polluantes. Sur tous ces sujets, nous vous ferons des propositions.

La France doit également opérer sa transition énergétique en accélérant son soutien aux énergies renouvelables. Or vous amputez le fonds Chaleur, qui accompagne la production de chaleur renouvelable dans les collectivités, de 300 millions d’euros. Et vous taillez à la serpe le dispositif MaPrimeRénov’ d’aide à la rénovation énergétique des bâtiments. Quant au chèque énergie – cela a déjà été dit –, il ne sera plus versé automatiquement.

Alors que l’Insee a établi, dans l’édition 2024 de son ouvrage France, portrait social, publiée jeudi dernier, que la fin du bouclier inflation avait pesé plus fortement sur les plus modestes, vous aggravez le risque de non-recours et de précarité énergétique des ménages.

Par ailleurs, alors que la décarbonation passe par l’électrification, le relèvement de l’accise sur l’électricité prévue dans le PLF aurait une fois encore pesé sur les ménages et envoyé un mauvais signal. Nous avons proposé de rétablir le niveau d’accise d’avant-crise et nous nous réjouissons que la commission des finances abonde dans notre sens.

Pour ce qui concerne la préservation de la biodiversité, elle a été sacrifiée dans ce projet de budget. Alors que la protection de la biodiversité est un objectif essentiel pour l’adaptation au changement climatique, il est prévu que les crédits de la stratégie nationale biodiversité soient divisés par deux.

Quant au plafond des agences de l’eau, il devait être relevé de 175 millions d’euros dès 2025 ; il le sera finalement en 2026. Ce budget manque d’ailleurs cruellement d’ambition pour ce qui est de lutter à la source contre les pollutions persistantes qui mettent en danger la santé des humains et des écosystèmes.

Enfin, vous renoncez à mettre en place le principe pollueur-payeur qui évite de reporter les coûts sur la collectivité. Là encore, nous vous ferons des propositions pour réduire les pollutions à la source.

Votre coalition a plongé le pays dans la crise budgétaire. Avec ce texte, elle choisit de sacrifier les transitions écologique et énergétique. Ce budget est un budget de renoncement écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. Olivier Rietmann. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le mot de « responsabilité » ne cesse de résonner ce matin dans l’hémicycle. Il est sur toutes les lèvres, et je m’y rallie pleinement.

Disons-le clairement : nous allons examiner un budget difficile, exigeant et qui ne fait plaisir à personne, car il exige des efforts inédits. Il n’est plus possible de se défausser les uns sur les autres, comme l’ont fait récemment certains responsables politiques. Inutile de revenir sur leur attentisme : les conclusions de la mission d’information sénatoriale sur la dégradation des finances publiques depuis 2023 sont édifiantes.

Le 15 octobre dernier, la délégation aux entreprises du Sénat a reçu les trois organisations patronales représentatives, ainsi que le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti) : tous les patrons, je peux vous le dire, ont bien conscience de cette responsabilité qui est aussi la leur.

Contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, énième report de la suppression de la CVAE, réduction des exonérations de charges dans le cadre du PLFSS, diminution des aides à l’apprentissage, etc. : le coup est dur pour les entreprises, qui sont déjà considérablement fragilisées par une concurrence accrue. À cela s’ajoutent le coût de la surcomplexité normative et l’augmentation des charges incompressibles, telles que le prix de l’énergie ou des assurances. Pourtant, je l’ai dit, le discours des dirigeants d’entreprise est celui de la responsabilité face à la dette abyssale de la France.

En revanche, ils expriment une crainte : celle que ces mesures exceptionnelles ne finissent par devenir permanentes. Je partage pleinement cette inquiétude.

Monsieur le ministre de l’économie, vous avez réaffirmé, ce matin encore, leur caractère provisoire. Nous prenons acte de cet engagement et le Sénat veillera à ce qu’il soit tenu, car le risque pour nos entreprises est immense : nous pourrions entrer dans une récession grave qui serait fatidique pour l’économie française.

Nous sommes sur une ligne de crête. Quelque 49 % des investisseurs étrangers ont décidé de réduire leurs projets d’investissement en France. L’enquête menée auprès des PME par le Centre de recherches pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises (Rexecode) en partenariat avec Bpifrance a montré qu’environ une entreprise sur cinq a annulé des décisions d’embauche et d’investissement du fait de l’incertitude politique qui règne en France.

Cette tendance se renforcera si les baisses des dépenses à destination des entreprises sont reconduites pour les prochaines années. Comme l’ont rappelé les organisations patronales, « le transitoire qui dure, on connaît ! ».

La perspective de faillites devrait tous nous alerter. En effet, si le nombre de procédures collectives continue de s’accroître au même rythme que celui qui a été observé depuis le 1er janvier 2024, on peut s’attendre à dépasser les 65 000 procédures sur l’ensemble de l’année.

Comme l’ont rappelé les représentants du Meti lors de leur audition par la délégation aux entreprises, le nombre d’ETI placées en redressement a doublé dans tous les secteurs, de la vente de détail à la construction, en passant par l’aéronautique ou les cosmétiques. Le président du Medef nous a également alertés en pointant la multiplication des procédures collectives, qui concernent tant les petites et moyennes industries que les ETI industrielles.

L’emploi doit aussi nous préoccuper. On recense en effet 1 219 suppressions d’emplois par semaine pour les entreprises de moins de dix salariés depuis le début de l’année ! En trois semaines à peine, il y a autant de suppressions de postes dans les TPE que chez Michelin et Auchan réunis ; et pourtant, personne n’en parle !

Aussi, j’en reviens au principe de responsabilité pour vous rappeler, messieurs les ministres, que celle qu’assume le Gouvernement doit être à la hauteur de ces efforts et des risques qui pèsent sur notre économie. Cela signifie qu’il est urgent de mener des réformes structurelles pour diminuer la dépense publique.

Monsieur le ministre de l’économie, vous avez évoqué la question du temps de travail. Je souscris à votre analyse : un débat doit s’ouvrir pour aboutir à des décisions fortes.

Avançons également en matière de simplification, ce « mal français » si bien documenté par Alain Peyrefitte.

L’application du « test PME », tel qu’il a été voté au Sénat, est la seule méthode qui permettra à la France de sortir de sa cage d’acier, afin que l’action publique soit au service de nos concitoyens et de nos entreprises, et non l’inverse. Associons les entreprises aux réformes qui les concernent. Ne reproduisons pas les erreurs du passé : je pense par exemple au fiasco du guichet unique, dont les dysfonctionnements graves ont paralysé les entreprises pendant des mois.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, il nous reste un an d’ici au prochain budget pour diminuer les dépenses publiques. Une fois encore, il faudra faire preuve de responsabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canévet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Olivier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Olivier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, « un État en situation de faillite » : le Premier ministre pourrait aujourd’hui reprendre les propos de l’un de ses prédécesseurs, François Fillon, qui avait à l’époque déclenché une polémique. Voilà que nous y sommes bel et bien ; les Français en sont conscients, et il n’est plus possible de repousser les sacrifices nécessaires.

Une rapide comparaison européenne permet de mesurer l’état d’urgence budgétaire auquel notre pays est confronté. Notre déficit public – 6,1 % du PIB en 2024 – devrait être le deuxième plus élevé de l’Union européenne, derrière celui de la Roumanie, tandis que notre dette publique, qui atteint 113 % du PIB à la fin de 2024, nous place au vingt-cinquième rang sur vingt-sept en Europe – seules la Grèce et l’Italie font pire que nous. Si rien n’est fait, notre déficit atteindra puis dépassera les 7 %.

Le budget 2025 n’est pas parfait, mais il est historique, car il marque une rupture dans le sens d’une remise en ordre des comptes publics : il y est procédé à un ajustement équilibré de plus de 50 milliards d’euros qui combine des augmentations de prélèvements obligatoires et des baisses de dépenses.

L’heure est enfin venue de nous interroger sur la dépense publique en France, alors qu’elle atteint le niveau le plus élevé de l’OCDE et qu’elle n’a cessé de croître de manière exponentielle ces dernières années. Le Gouvernement propose de la diminuer de près de 20 milliards d’euros, ce qui est un choix audacieux et courageux, parce que chaque dépense se rapporte à un intérêt et que sa réduction suscite une opposition. Tout le monde, dans l’intérêt national, doit donc contribuer à cet effort dans la mesure de sa capacité.

À cet égard, l’ensemble des missions de l’État sera mis à contribution, qu’il s’agisse des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », de ceux de la mission « Transformation et fonction publiques » ou de ceux de la mission « Aide publique au développement », qui vont beaucoup diminuer cette année. En outre, la folle marche en avant de la hausse du nombre d’emplois publics sera enfin achevée, avec une réduction de 2 200 équivalents temps plein (ETP), dont 1 000 chez les opérateurs de l’État.

Pour autant, le financement des missions régaliennes demeure assuré, puisque les trajectoires de financement votées en loi de programmation pour les armées, pour la justice et pour les forces de l’ordre seront respectées.

M. Jean-Baptiste Olivier. Il s’agit donc bel et bien de rompre avec la gabegie d’argent public et de tourner définitivement la page du « quoi qu’il en coûte ».

La charge fiscale, malheureusement indispensable, demeure mesurée et n’affecte pas les catégories populaires ni les classes moyennes. Dans un pays qui est déjà le plus fiscalisé d’Europe, les marges de manœuvre fiscales sont bien sûr limitées. Mais il nous faut prendre en compte l’impératif de l’urgence. Cette hausse de la fiscalité est nécessaire pour réaliser l’ajustement à court terme. D’ailleurs, les mesures fiscales nouvelles sont pour l’essentiel provisoires.

L’effort est lourd, nous en sommes conscients, mais il n’est plus possible de faire le choix de la facilité, ni dans le sens d’une promesse de baisse d’impôts ni dans celui, souhaité par la gauche, d’une hausse de la fiscalité. Évitons la foire à la taxation, dont l’Assemblée nationale a donné le spectacle ! Les populismes, de gauche comme de droite, sont mensongers ou irresponsables.

J’ajoute que ce budget sera celui d’un retour à la transparence des finances publiques. Il est tout d’abord fondé sur les hypothèses macroéconomiques du Haut Conseil des finances publiques, ce qui évitera de mauvaises surprises en exécution. Il constitue surtout le point de départ de la reprise d’une trajectoire financière destinée à réduire le déficit public à 5,2 % du PIB en 2025.

Je le disais, ce projet de budget n’est pas parfait. Il a bien sûr vocation à être amélioré par les amendements du Sénat. Le Gouvernement peut être assuré non seulement de notre plein soutien dans la voie courageuse qu’il emprunte du rétablissement de nos finances publiques, mais aussi de l’inventivité et de l’expertise du groupe Les Républicains (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER.) pour corriger ce qui doit l’être. Il est tellement plus facile de promettre le retour de la retraite à 60 ans, de faire des chèques ou de lancer à l’aveuglette des baisses de dépenses…

M. Pascal Savoldelli. Comme le travail gratuit ?

M. Jean-Baptiste Olivier. On est rarement populaire quand on demande de fournir des efforts, mais la survie de notre modèle est à ce prix. Ceux qui prétendent le contraire le mettent en danger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canévet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Antoine Armand, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général du budget, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions.

Je commencerai par établir l’existence entre nous, monsieur le rapporteur général, d’un point d’accord fondamental sur la suite, c’est-à-dire sur ce que le budget que nous vous présentons doit permettre d’engager, à savoir des réformes profondes et structurantes, en matière d’économie, de productivité et d’innovation. Il y va en réalité – vous avez été nombreux à le rappeler – de notre capacité à dépenser moins sans que l’action publique s’en trouve dégradée.

Il me semble qu’il est possible de conjuguer ces deux objectifs. En Allemagne, la masse salariale des agents publics représente 8 % du PIB, contre 12 % en France. On recense dans notre pays 5 millions d’emplois publics, ce qui est un record dans l’Union européenne. Ne peut-on pas faire mieux ? Est-ce forcément choisir l’austérité et la dégradation des services publics que d’essayer de faire mieux avec moins de moyens humains et financiers ? Je ne le crois pas.

Monsieur le président de la commission des finances, vous avez appelé à donner davantage de pouvoir fiscal aux collectivités locales, mais il me semble ne vous avoir entendu parler que de quelques recettes nouvelles issues de la fiscalité des entreprises. Prenons un peu de recul : vous ne trouverez pas grand monde en Europe pour considérer qu’en France on manque de pouvoir fiscal… Bien au contraire, nous ferions mieux dans les prochaines années, dès que nous aurons redressé nos comptes publics, de recourir un peu moins audit pouvoir fiscal.

Monsieur le sénateur Daubet, vous avez plaidé pour que nous aidions les mutations qui fonctionnent ; vous avez absolument raison. Nous l’avons dit dans le cadre d’une récente séance de questions d’actualité au Gouvernement : nous ne devons pas ignorer les mutations qui sont en train d’arriver, mais nous devons, au contraire, les regarder en face et les accompagner, que ce soit dans l’automobile, dans la sidérurgie ou dans d’autres secteurs industriels. Il faudra pour cela mieux former, et surtout construire les emplois de demain. Tel est le but des dispositifs que sont les leviers d’aide à la décarbonation, le crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (C3IV) ou le crédit d’impôt recherche (CIR), ce dernier soutenant fortement l’attractivité et l’innovation des entreprises en France.

Monsieur le sénateur Canévet, vous avez souhaité attirer mon attention sur l’excès d’impôt qui pourrait peser sur les entreprises ; j’y suis attentif, soyez-en assuré.

Monsieur Savoldelli, madame Senée, je vous en conjure, alors que nous commençons l’examen de ce projet de budget, et malgré tous les désaccords que nous pouvons légitimement avoir, ne tombons pas dans la caricature en disant qu’il s’agit d’un budget d’austérité. Je le répète au risque de radoter, un budget dans lequel l’ensemble des dépenses publiques augmente de 0,4 % en volume n’est pas un budget d’austérité. Si vous considérez que c’en est un, alors comment qualifierez-vous les budgets d’austérité auxquels ont dû se soumettre les pays européens qui n’avaient pas fait, précisément, l’effort de redressement des comptes publics qu’il est – je le crois – de notre responsabilité de fournir aujourd’hui ?

Monsieur le sénateur Cozic, je vous remercie d’avoir dit que vous ne vouliez pas vous placer dans une démarche d’opposition stérile. J’ai noté que vous étiez membre du parti socialiste ; n’hésitez pas à passer le message à d’autres parlementaires du même parti qui, dans une autre assemblée, annoncent leur volonté de voter une motion de censure avant même la déclaration de politique générale du Premier ministre, et ce en s’alliant aux députés de la France Insoumise – ceux-là même qui souhaitent abroger le délit d’apologie du terrorisme (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canévet et Mme Denise Saint-Pé applaudissent également.) et menacent à présent de voter une autre motion de censure avec le Rassemblement national ! N’hésitez pas à passer le message, disais-je : ce sera dans l’intérêt collectif du pays.

Monsieur Durox, monsieur Capus, vous avez mentionné les dépenses de fonctionnement : ce sujet est bel et bien fondamental. Ayons le courage de le dire, nous pouvons faire beaucoup mieux en matière de fonctionnement, avant même de nous attaquer aux dépenses d’investissement. Certains d’entre vous l’ont rappelé, mesdames, messieurs les sénateurs, à propos de la révision du FCTVA notamment : il est difficile de ne pas vous donner raison sur ce point.

Nous pouvons et nous devons faire mieux pour réduire les dépenses de fonctionnement et cela passera par l’instauration de règles communes pour les opérateurs, pour les doublons et pour l’emploi public d’État – il ne devra être question de l’emploi public local que dans un second temps. Nous vous ferons des propositions en ce sens dans les prochaines semaines et dans les prochains mois.

Madame Lavarde, vous avez évoqué le rapport Rueff – par définition, j’y suis sensible. Ses auteurs recommandaient déjà, en 1960, la simplification du corpus normatif qui enserrait les entreprises : nous devrions en tirer les leçons.

Vous avez fait une comparaison très juste avec le jeu du Monopoly. Si vous me le permettez, je la compléterai d’une phrase : contrairement au Monopoly, où vous jetez les dés, ici, tout dépend de nous. Nous avons la capacité de faire plus d’économies et de moins recourir à la fiscalité, si votre assemblée le décide et si nous réussissons à faire prospérer ces mesures dans la suite de la navette. De même, nous avons la capacité de faire en sorte qu’il y ait moins d’emplois publics et davantage de liberté pour les entreprises. Tout cela, nous pouvons le faire, et je ne doute pas que les débats qui s’ouvrent nous le permettront : les dés, nous les avons en main.

Messieurs Patient et Delcros, je vous remercie de vos encouragements, ainsi que de l’attention que vous portez à la question ultramarine et à l’aide qui est apportée à la Guadeloupe, à la Martinique ou à la Nouvelle-Calédonie. J’ai déjà eu l’occasion de recevoir l’ensemble des autorités ultramarines et je continuerai de le faire dans les prochaines semaines, parce que la question n’est pas seulement budgétaire : elle est aussi économique, dès lors que, dans certains territoires, les enjeux sont ceux de la reconstruction et du soutien à la vie économique à court terme.

Madame Espagnac, vous nous reprochez une « obsession comptable ». Mais je vous garantis – et je vous prends tous collectivement à témoin – que l’objectif consistant à ramener notre déficit à 5 % du PIB en 2025 puis à 3 % en 2029 n’est pas la lubie du ministre des finances que je suis ni celle du Premier ministre qui m’a confié cette responsabilité.

Il y a là, tout simplement, l’une des conditions qu’il nous faut remplir pour éviter l’austérité, cette austérité à laquelle nous serons contraints si nous n’empêchons pas le dérapage final des comptes publics et si nous ne parvenons pas à maîtriser l’écart de taux entre la France et l’Allemagne, lequel a déjà commencé à se creuser. Or, quand l’écart se creuse entre les taux d’intérêt, cela représente des milliards d’euros en moins pour les services publics de proximité, ceux de la ruralité notamment, dont la défense motive votre engagement, madame la sénatrice.

Par conséquent, en laissant entendre qu’il y aurait une opposition entre des objectifs comptables et des objectifs politiques, vous niez le danger qu’il y aurait à laisser filer jusqu’au dérapage nos fondamentaux budgétaires.

Monsieur Sautarel, vous avez parlé – j’ai moi-même employé ce terme, car il s’impose quand on considère le développement de nos dépenses – d’« addiction à la dépense publique ». En effet – plusieurs orateurs l’ont dit, pour s’en réclamer ou pour s’y opposer –, en cas de problème, notamment économique, la première solution envisagée dans notre pays consiste à faire appel à la dépense publique. Lorsqu’il y a un problème de productivité ou d’innovation, lorsqu’on se demande comment libérer les entreprises ou soutenir l’investissement, on pense d’abord « public » et non « privé ». La France n’est certes pas les États-Unis – et je ne crois pas que quiconque ici souhaiterait que ce fût le cas –, mais nos partenaires extra-européens sont nombreux à raisonner autrement que nous tout en obtenant pourtant de meilleurs résultats économiques.

Aussi, je soutiens pleinement l’idée formulée tout à l’heure par mon collègue Laurent Saint-Martin selon laquelle nous ne devons pas croire que la solution à tous nos maux serait la dépense publique. Si c’était vrai, nous serions, cela ne fait aucun doute, la première puissance planétaire du point de vue des services publics et de la performance économique. Or tel n’est manifestement pas le cas. C’est donc la conviction qu’a exprimée le ministre du budget qui doit guider nos actions.

Monsieur Capo-Canellas, vous avez mentionné la question, extrêmement importante à mes yeux, de la définition des missions de l’État. Pareil travail au long cours excède les limites de ce que nous pouvons faire dans le cadre de l’examen du PLF, mais il me semble indispensable que, collectivement, avec la représentation nationale, nous réfléchissions aux missions qui, demain, ne pourront plus relever de l’État ou être en totalité financées par la dépense publique, notre pays ayant une dette de 3 300 milliards d’euros et un déficit public de 6 % du PIB hors situation de crise.

Madame Blatrix Contat, vous avez dit, sur la transition écologique, beaucoup de choses avec lesquelles je suis tout à fait d’accord, mais je ne peux pas vous laisser affirmer que notre budget serait un budget de renoncement écologique. Les crédits que nous allouons au financement de la transition écologique sont à un niveau jamais atteint dans l’histoire de notre pays, et ce n’est pas seulement à cause de l’inflation des dernières années ; l’enveloppe affectée au fonds Chaleur va augmenter et nos aides en faveur de la rénovation énergétique sont les plus élevées de l’Union européenne. Vous pouvez estimer que ce n’est pas suffisant, qu’il faudrait faire davantage, mais considérez donc l’énergie qu’a déployée ma collègue Agnès Pannier-Runacher lors de la COP29 pour accélérer la transition au niveau mondial ! Il me semble donc qu’il faut plutôt encourager les efforts qui vont dans le sens du financement de la transition.

Monsieur Rietmann, vous avez indiqué que nous étions sur une ligne de crête et je crois que vous avez en effet tout dit. Évidemment, si nous pouvons faire avec moins de fiscalité, nous le ferons, mais il faudra qu’au cours des prochains jours se dégage une majorité pour faire des économies et non, comme cela a pu se produire naguère dans une autre assemblée, en faveur de plus d’impôts…

Enfin, monsieur Olivier, je souhaite reprendre, parmi tous les points que vous avez mentionnés, une idée, qui montre d’ailleurs que l’on ne peut pas qualifier ce budget d’« austéritaire » : le réarmement régalien, qui concerne l’armée, la justice, la police et les moyens du ministère de l’intérieur, est bien à l’ordre du jour, car la première des libertés est la sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canévet applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures trente-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)