PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024
Adoption d’un projet de loi modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de finances de fin de gestion pour 2024 (projet n° 155, rapport n° 159).
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que les candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur ce projet de loi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous examinons cet après-midi le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024. Vous connaissez la spécificité de ce texte : il a un objet limité aux seuls ajustements budgétaires indispensables pour boucler l’année en cours, à l’exclusion de toute mesure fiscale nouvelle.
Vous le savez, l’Assemblée nationale a rejeté ce projet de loi. Je le regrette, croyez-le bien, car c’est un texte nécessaire et utile, à plus d’un titre : d’abord, l’effort complémentaire de maîtrise de la dépense de l’État qu’il prévoit est indispensable pour contenir le déficit pour 2024 à 6,1 % du PIB ; ensuite, y sont inscrites des ouvertures de crédits dont certaines sont urgentes ou impératives – nous y reviendrons. Je souhaite donc que nous prenions nos responsabilités et trouvions ensemble, ici, à la chambre haute, un chemin pour ce texte.
Mon propos s’articulera en trois temps. D’abord, je me permettrai de vous dire combien ce projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) confirme les hypothèses macroéconomiques que nous avons retenues dans le cadre du PLF pour 2025. Ensuite, j’expliquerai pourquoi nous devons contenir à 6,1 % le déficit public pour 2024. Enfin, j’évoquerai les mouvements de crédits en eux-mêmes et la nécessité de limiter la dépense.
Commençons par les hypothèses macroéconomiques.
La croissance du PIB atteindra bien, selon les dernières estimations, 1,1 % en 2024 ; et les principales institutions spécialisées – l’OCDE, la Banque de France, le FMI, l’Insee, l’OFCE, le Consensus des économistes – retiennent d’ailleurs la même prévision.
C’est une bonne nouvelle pour nos finances publiques, mais aussi pour notre pays : ainsi la solidité et la résilience de notre économie se trouvent-elles attestées, auprès de nos voisins européens notamment. Nous le devons à la nature même de notre tissu économique, mais également, en cette année particulière, à l’effet des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, qu’il ne faut pas sous-estimer.
En ce qui concerne l’inflation, la prévision est également maintenue, à 2,1 %, chiffre en forte baisse par rapport à 2023 – l’inflation atteignait alors 4,9 %. Cette décrue était attendue – elle avait du reste motivé notre décision, prise de concert, de mettre en extinction les boucliers anti-crises, comme je l’ai rappelé ce matin –, et elle a même été plus rapide que prévu.
Il faut en effet savoir sortir de ces dispositifs dès lors que leur existence n’est plus justifiée. Il y va d’une exigence de bonne gestion, à laquelle il est nécessaire de nous conformer si nous voulons reconstituer les marges de manœuvre dont nous aurons besoin pour protéger notre pays en cas de nouvelle crise. Or, eu égard au contexte mondial, nul doute que de prochaines crises nécessiteront un État fort pour protéger notre économie, nos entreprises, nos épargnants et nos collectivités territoriales.
Dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques estime que les prévisions de croissance et d’inflation retenues dans le PLFG sont « réalistes » et que notre prévision de déficit est « plausible ».
J’en viens maintenant à l’objectif premier de ce texte, qui est de contenir le déficit pour 2024 à 6,1 % du PIB.
Pourquoi est-il si important de s’y tenir ? Si nous ne faisions pas cet effort dès cette année, notre objectif de déficit pour 2025 – 5 % – serait tout simplement irréaliste. Nous devons donc freiner au maximum la dépense dès 2024 pour ne pas dépasser 6,1 % de déficit. En d’autres termes, il s’agit d’un préalable nécessaire au redressement de nos finances publiques.
Vous le savez, la commission des finances du Sénat, qui a examiné le sujet…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avec sérieux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Comme d’habitude, monsieur le rapporteur général !
La commission des finances, disais-je, a souligné un écart sensible par rapport à la loi de finances initiale, qui prévoyait un solde de –4,4 %.
Cet écart d’environ 50 milliards d’euros est principalement lié à l’évolution des prélèvements obligatoires, dont le produit est revu à la baisse pour plus de 40 milliards d’euros par rapport aux prévisions initiales ; ce chiffre s’explique pour moitié par l’exécution constatée en 2023. Monsieur le rapporteur général, vous avez eu l’occasion récemment d’exposer les conclusions de la mission d’information de la commission des finances du Sénat sur le sujet.
J’ai bien conscience des enjeux de confiance et de crédibilité que soulèvent ces écarts, imputables à la grande volatilité de notre économie en période de crise puis de rebond, mais, quand on connaît une crise aussi importante que la crise sanitaire, suivie immédiatement d’un plan de relance lui-même important et d’une grave crise inflationniste, alors, oui, l’élasticité des recettes fiscales à la croissance est extrêmement difficile à prévoir. Lors des premiers exercices budgétaires post-covid – 2021 et 2022 –, les recettes fiscales avaient été supérieures aux prévisions, mais c’est le contraire qui s’est produit en 2023 et 2024.
Cela ne va pas sans poser des difficultés, puisque cette situation nous oblige aujourd’hui à redresser les comptes. Reste que, sur l’ensemble de ces quatre exercices, le rebond et l’élasticité observés s’avèrent, somme toute, à peu près conformes aux prévisions de croissance ; simplement, la courbe ne s’est pas comportée comme prévu.
Le ministre de l’économie et des finances et moi-même avons donc lancé un travail de réflexion ouvert sur la base d’expertises issues de tous horizons. Ce travail devra aboutir d’ici à la mi-décembre à un plan d’action visant à mieux piloter et à mieux suivre nos finances publiques. Nous ferons dans ce cadre des propositions pour renforcer encore l’information, et notamment celle qui est mise à la disposition du Parlement, comme nous nous y sommes engagés à plusieurs reprises devant vous.
L’écart par rapport à la prévision initiale résulte également du dynamisme des dépenses publiques en 2024, en dépit, je tiens à le rappeler, des efforts de freinage bien réels enclenchés par le précédent gouvernement en matière de dépense de l’État – j’y reviendrai.
Pour ce qui est des dépenses sociales, nous avons récemment détecté, pour l’année 2024, un nouveau risque pesant sur les dépenses de médicaments – nous l’avons évoqué lors de l’examen du PLFSS –, en raison d’un niveau de remises consenties par les laboratoires inférieur de 1,2 milliard d’euros à la prévision qui avait été retenue.
Le jeu des stabilisateurs automatiques devrait permettre de contenir d’environ un tiers en 2024 le dépassement qui aurait résulté de cette nouvelle prévision. Ainsi, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2024 sera revu à la hausse de 0,8 milliard d’euros. Le Gouvernement a immédiatement signalé cette donnée nouvelle au Parlement, afin qu’il se prononce sur les textes financiers en toute connaissance de cause et puisse prendre toutes les mesures utiles de redressement et de maîtrise de ce dépassement.
Nous avons travaillé en particulier avec la commission des affaires sociales dans le cadre de l’examen du PLFSS, afin de réagir le plus rapidement possible. Nous proposons de mobiliser plusieurs leviers qui permettront de ramener à 0,2 milliard d’euros le dépassement par rapport à la trajectoire de l’Ondam 2025 présentée dans le texte initial. Je cite ce chiffre, car il s’agit de l’estimation la plus récente dont nous disposions.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous le savez, nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, je suis là non pas pour distribuer les bons et les mauvais points, mais pour trouver, avec vous, le chemin du redressement de nos comptes publics. Comme je m’y suis engagé, je ferai preuve à cet égard de la plus grande transparence possible.
Qu’il s’agisse de l’État, de la sécurité sociale ou des collectivités, nous sommes tous soumis aux difficultés de prévision et de gestion qu’impliquent les périodes de crise puis de rebond économique, comme celles que nous avons connues au cours des deux derniers exercices.
D’ailleurs, notre niveau d’endettement actuel résulte moins de ces aléas que des choix collectifs que nous avons faits ces dernières années. Je le répète régulièrement, si nous avons protégé notre pays lors des crises, il est aujourd’hui de notre responsabilité collective de redresser nos comptes, dans un contexte où l’endettement a évidemment largement augmenté.
La dette s’élève ainsi à plus de 3 220 milliards d’euros. C’est donc l’affaire de tous. La charge de la dette, elle, a progressé de 17 % entre 2023 et 2024, passant de 39 milliards à près de 46 milliards d’euros.
C’est la raison pour laquelle, dans ce texte, nous limitons la dépense de l’État au strict nécessaire, en allant au maximum de ce qu’il est possible de faire en matière d’annulations de crédits. Concrètement, la dépense de l’État s’établira à un niveau inférieur de 6 milliards d’euros à celui qui a été prévu en loi de finances initiale.
Je tiens à souligner de nouveau le volontarisme déployé en ce sens depuis de nombreux mois : décret d’annulation pris en février, surgel de crédits décidé en juillet, mesures auxquelles il convient d’ajouter les lettres plafond du budget 2025, transmises à l’été. Cet effort de freinage, nécessaire, date donc non pas de ces dernières semaines, mais bien du début d’année. Nous devons le poursuivre en annulant des crédits qui ne peuvent pas être reportés et en comptabilisant dès l’exercice 2024 la part la plus importante possible des crédits non consommés.
C’est en nous appuyant sur ces deux mesures de régulation que nous proposons, dans le cadre du PLFG, des annulations de crédits à hauteur de 5,6 milliards d’euros sur le périmètre de dépenses de l’État.
Ces annulations portent très majoritairement sur la réserve de précaution, renforcée cet été grâce au surgel de juillet que je viens d’évoquer. Elles ont fait l’objet de discussions approfondies avec l’ensemble des ministères, tout comme les ouvertures de crédits que je vous présenterai dans un instant.
Ce travail utile et nécessaire de construction collective nous a permis de calibrer les moyens au plus près des besoins réels de gestion des administrations, en limitant les crédits au strict nécessaire.
Au total, les trois quarts des 16 milliards d’euros de crédits mis en réserve ne seront pas consommés en 2024.
Avec les annulations contenues dans le décret de février et celles du texte qui vous est présenté, c’est à plus de 15 milliards d’euros que s’élève la réduction des dépenses de l’État en cours d’année.
C’est inédit et, pour le dire un peu trivialement, c’est le maximum de ce qu’il est possible de faire.
En tenant compte de mouvements inverses, en particulier de l’effet net des reports de crédits de 2023 et des ouvertures nécessaires, à hauteur de 4,2 milliards d’euros, pour faire face à des dépenses imprévues et exceptionnelles que je vais vous présenter, la prévision d’exécution des dépenses de l’État est inférieure de 6 milliards d’euros au niveau prévu en loi de finances initiale.
Enfin, et ce sera mon dernier point, le Gouvernement, avec ce PLFG, propose 4,2 milliards d’euros d’ouvertures de crédits afin de répondre à des besoins impératifs.
Il s’agit, d’abord, de financer le soutien à la Nouvelle-Calédonie. C’est la responsabilité de la Nation et cela correspond à un engagement fort de l’État.
Je pense notamment à des avances de trésorerie urgentes, eu égard à la situation financière de la collectivité, mais aussi à la prise en charge des forces de l’ordre et de défense mobilisées pour assurer la sécurité sur place, ou encore aux mesures de soutien aux entreprises, aux salariés, aux collectivités et aux hôpitaux, qui permettent à la Nouvelle-Calédonie de tenir. Au total, 1 milliard d’euros de dépenses supplémentaires sont prévus en 2024 à ce titre.
Il s’agit, ensuite, de sécuriser le financement des opérations extérieures (Opex) et de permettre à nos armées de renouveler les équipements militaires qu’elles ont livrés à l’Ukraine, en soutien à la résistance de tout un peuple face à l’invasion russe.
Il s’agit, en outre, d’assurer le paiement des salaires de la fonction publique. Je parle ici de l’éducation nationale, mais aussi du ministère de l’intérieur, au sein duquel ce réabondement permettra notamment de payer les primes dues aux agents qui ont activement contribué à la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques.
Il s’agit également de compléter le financement des dépenses de guichet en faveur des plus vulnérables, dépenses dont le niveau, vous le savez, peut varier en cours de gestion. Concrètement, il est ici question des bourses sur critères sociaux pour les étudiants, de l’allocation aux adultes handicapés, de la préservation du parc d’hébergement d’urgence ou encore de l’accueil des réfugiés ukrainiens.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, voilà en quelques mots quels sont l’esprit et le contenu de ce PLFG.
Je l’ai dit, c’est un texte nécessaire à double titre : d’abord, pour oser freiner la dépense, et le discours que j’ai tenu ce matin à cette même tribune n’aurait aucune crédibilité si nous ne nous montrions pas exemplaires dès cette année 2024 ; ensuite, pour ouvrir des crédits, soit urgents, à l’instar de ceux qui sont inscrits en faveur de la Nouvelle-Calédonie, soit tout simplement nécessaires et inéluctables en fin de gestion, comme c’est le cas chaque année, et je fais notamment référence aux dépenses de guichet et aux mesures sociales que j’ai évoquées.
Qu’il s’agisse d’un texte nécessaire à plus d’un titre, vous en conviendrez donc ici toutes et tous, me semble-t-il. Je serai évidemment très heureux d’en discuter avec vous, dans le cadre de l’examen des amendements que vous aurez déposés.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la seconde fois que nous examinons un projet de loi de finances de fin de gestion. En effet, la traditionnelle loi de finances rectificative de fin d’année a laissé la place, depuis l’an passé, à une loi de finances dite « de fin de gestion » (LFG).
Comme le prévoit désormais la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), la LFG se limite, pour l’essentiel, à ajuster les crédits relatifs à l’exercice en cours, sans contenir ni autoriser de mesures fiscales.
La concordance dans notre assemblée de l’examen du PLFG avec le début de la discussion du PLF pour 2025 ne fait que démontrer la pertinence de cette modification. Dans le cas contraire, nous aurions deux textes financiers potentiellement concurrents à examiner au même moment. La situation actuelle a donc le mérite de la clarté.
Ce qui est cause de moins de clarté, c’est la situation politique à l’Assemblée nationale. En effet, comme le projet de loi de finances pour 2025, le présent texte financier y a été rejeté. Les raisons du rejet ne me sont pas apparues clairement, autant le dire. De nouveau, le Sénat va donc avoir à se prononcer sur la copie initiale du Gouvernement et il nous reviendra, en commission mixte paritaire, de tout faire pour nous mettre d’accord avec les députés sur un texte commun.
En ce qui concerne le projet de loi qui nous est présenté, je veux d’abord relever le caractère crédible de ses sous-jacents macroéconomiques, que vous avez vous-même exposés, monsieur le ministre.
Ainsi le Gouvernement anticipe-t-il une croissance du PIB de 1,1 % en 2024, chiffre d’ailleurs situé pile dans la moyenne des prévisions du Consensus des économistes et parfaitement en ligne avec les prévisions « institutionnelles ». Cette prévision est d’autant plus crédible à mes yeux que, selon les dernières données de l’Insee, l’acquis de croissance au troisième trimestre est déjà de 1,1 %.
Toutefois, ne nous y trompons pas : il n’y a pas matière à donner un satisfecit particulier aux gouvernements précédents, dont la prévision, révisée à 1 % au moment de la présentation du programme de stabilité 2024-2027 en avril, a finalement été atteinte. En effet, je le souligne, les facteurs de croissance n’ont rien à voir avec ce qui était anticipé, en tout cas par le précédent gouvernement. La croissance devait être tirée par la consommation. Or elle a été soutenue non seulement par le commerce extérieur, mais aussi et surtout par la demande publique.
En clair, c’est le dérapage complet du déficit public cette année qui a permis d’atteindre l’objectif de croissance du Gouvernement, fixé à 1,1 %. J’entends nombre de responsables politiques se féliciter de ladite croissance. Pourtant, je n’avais pas cru entendre ni comprendre que l’explosion du déficit était au cœur de la politique économique portée par le ou les précédents gouvernements.
Le fait est donc là : malgré l’atteinte de la prévision de croissance pour 2024, la situation des finances publiques s’est encore très fortement dégradée pour dépasser le niveau historique de 2023. Le Gouvernement prévoit ainsi pour 2024 un déficit de 6,1 % du PIB. Nous assistons – nous l’avons déjà dit – à une dérive lente mais continue du déficit, passé de 4,7 % en 2022 à 5,5 % en 2023, pour atteindre, donc, 6,1 % en 2024. Comme je l’ai indiqué ici même ce matin, je regrette toujours et à ce stade que personne n’assume la responsabilité politique de ce dérapage et de cette sortie de route.
J’en viens au présent projet de loi de fin de gestion.
Nous l’avons également indiqué dans le cadre de notre mission sur la dégradation des finances publiques, la principale cause de la dégradation se situe du côté des recettes.
La prévision de croissance retenue dans le PLF 2024 était tout bonnement surévaluée : 1,4 % au lieu de 1,1 % de croissance réalisée. S’y ajoute une prévision d’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance que l’on peut qualifier de très, voire trop, optimiste : 1,1 en prévision au lieu de 0,7 en exécution. C’est bien le cumul de ces deux facteurs, probablement combiné à une trop forte dose de volontarisme politique, qui a conduit à surestimer les recettes : au total, les prélèvements obligatoires sont inférieurs de plus de 41 milliards d’euros à la prévision initiale.
Pour ce qui est du déficit budgétaire de l’État, monsieur le ministre, il serait, en 2024, de 163,2 milliards d’euros, soit une dégradation de 16,3 milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale, autrement dit, tout de même, 10 % d’écart…
Je relève que le présent projet de loi annule 1,9 milliard d’euros net de crédits de paiement. L’an dernier, j’avais, ici, qualifié le projet de loi de fin de gestion de texte « riche, voire opulent ». Cette année, on en revient, et c’est salutaire, à davantage de mesure.
Sur le périmètre des dépenses de l’État, c’est-à-dire hors remboursements et dégrèvements, et des dépenses liées à la dette, en 2024, les dépenses sont inférieures de 2,7 milliards d’euros à celles de 2023 et de 5,5 milliards d’euros à celles qui ont été prévues en loi de finances initiale pour 2024. Elles sont également inférieures à ce qui est inscrit dans la loi de programmation, laquelle prévoyait 491 milliards d’euros, contre une exécution de 486 milliards d’euros.
Pour une fois, ne boudons pas notre plaisir. Il faut nous en féliciter, bien qu’un tel effort ne soit ni exagéré ni, pour répondre à mes collègues de gauche, la marque d’une austérité brutale : c’est une réponse, partielle, à la dégradation – à l’aggravation – de la situation des finances publiques, donc à la chute des recettes.
Un tel résultat est relativement facile à atteindre, nous l’avions souligné dans nos travaux sur le projet de loi de finances pour 2024 : à l’époque, souvenez-vous, toutes les missions du budget de l’État étaient en progression, à part la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Le point de départ des crédits de la loi de finances pour 2024 était donc très haut. Il était même trop haut.
Ce texte marque une autre rupture par rapport aux années précédentes : c’est la première fois depuis 2019 et la quatrième fois en treize ans que les annulations de crédits dépassent – enfin, oserai-je dire… – les ouvertures de crédits dans le collectif budgétaire de fin d’année.
Les ouvertures de crédit les plus importantes concernent, pour les citer très rapidement, les dépenses supplémentaires liées aux jeux Olympiques et Paralympiques, à la situation en Nouvelle-Calédonie et à la dynamique de certaines prestations sociales – vous avez signalé ces dépenses nouvelles, monsieur le ministre –, ainsi que le coût des élections législatives anticipées. C’est pourquoi la mission « Sécurités », concernée au premier chef par plusieurs de ces enjeux, est la première par l’augmentation de ses crédits.
Sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ce sont les surcoûts des prestations sociales, en l’occurrence l’aide aux adultes handicapés (AAH) et l’aide universelle d’urgence pour les personnes victimes de violences conjugales, qui justifient à titre principal les ouvertures de crédits.
Parmi les missions dont les crédits sont globalement en diminution, la mission « Investir pour la France de 2030 » fait l’objet d’une annulation très importante de crédits, de 1,2 milliard d’euros, justifiée par le lissage de la trésorerie des opérateurs. Cela rejoint l’analyse faite par notre rapporteur spécial, Laurent Somon.
Sur la mission « Engagements financiers de l’État », je relève que le reflux de l’inflation permet de réduire la charge de la dette de 537 millions d’euros par rapport à la prévision.
Habituellement, le projet de loi de fin de gestion prévoit des augmentations d’emplois. Il n’y en a pas cette année : le plafond des autorisations d’emplois n’est pas majoré. Je veux y voir également le signe d’un retour à une gestion plus rigoureuse des finances publiques.
Pour conclure, je dirai que ce texte est d’abord un constat.
D’une part, il tire les conclusions d’une exécution budgétaire troublée notamment par le refus du gouvernement précédent de présenter un projet de loi de finances rectificative. Nous le redisons, je le redis, seul un PLFR aurait permis, plus tôt et en temps utile, de redresser la barre : ces mots ne sont pas seulement les miens ; ce sont aussi ceux de l’ancien ministre de l’économie.
Ainsi le texte qui nous parvient constitue-t-il un expédient un peu tardif : les efforts auraient dû être accomplis plus tôt. Le PLFG participe à « contenir » le déficit pour 2024 à 6,1 % du PIB, chiffre qui aurait pu être plus élevé encore.
D’autre part, ce projet de loi ajuste les crédits du budget de l’État pour permettre l’accomplissement de ses missions en fin d’année. De ce point de vue, il remplit bien sa fonction.
Par conséquent, je vous proposerai d’en adopter les crédits, sous réserve de l’adoption des amendements de la commission des finances, adoption dont je vous remercie par avance, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances de fin de gestion est un texte singulier : il est circonscrit aux seuls ajustements de crédits nécessaires à la clôture de l’exercice budgétaire en cours. Ainsi ne voyons-nous aucune raison valable de nous y opposer. Le PLFG ne contient pas de dispositions fiscales nouvelles, de telles mesures figurant dans le PLF 2025, dont l’examen en séance a débuté ce matin.
L’an dernier, nous avions été saisis d’un projet de loi de finances de fin de gestion pour la première fois depuis la réforme de la Lolf intervenue en 2021 ; nous l’avions adopté. Je vous propose que nous restions sur la même ligne, de façon à veiller au respect de l’autorisation parlementaire accordée en loi de finances initiale.
Sur le plan économique, le texte ne contient aucune surprise, puisqu’il repose sur le même scénario que le projet de loi de finances pour 2025 : une croissance prévue à 1,1 % en 2024 et une inflation contenue à 2,1 %. Nous notons que ces prévisions ont été jugées réalistes par le Haut Conseil des finances publiques.
Pour ce qui est du déficit, si nous voulons redresser nos finances publiques, il est impératif de le contenir à 6,1 % du PIB en 2024. Cette étape est indispensable pour atteindre les 5 % en 2025 et viser moins de 3 % d’ici à 2029.
Bien entendu, personne ne se réjouit de l’écart significatif entre la prévision de déficit à 4,4 % inscrite il y a un an en loi de finances initiale et le déficit constaté à 6,1 %. Ce gouffre, que nous avons cherché à comprendre au travers de la récente mission d’information sénatoriale sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, nous oblige. Nous nous devons d’encourager l’effort proposé par le Gouvernement, qui vise à ce que l’exécution de la dépense sur le périmètre de l’État baisse de près de 6 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Ce redressement progressif est un préalable nécessaire si nous voulons garantir la soutenabilité de nos finances publiques ; il y va de notre responsabilité.
Pour ce qui est des 4,2 milliards d’euros d’ouvertures de crédits proposés par le Gouvernement, ils concernent des dépenses indispensables. Qu’il s’agisse du soutien à la Nouvelle-Calédonie ou à l’Ukraine, des opérations extérieures de nos armées ou encore de mesures en faveur des plus vulnérables, comme celles qui ont trait à l’allocation aux adultes handicapés ou aux bourses étudiantes, ces dépenses reflètent nos priorités nationales et internationales.
Ce texte apparaît nécessaire pour respecter les objectifs budgétaires prévus pour 2025. Pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer, la grande majorité des sénateurs du groupe Union Centriste voteront en faveur du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur général, M. Laurent Somon et Mme Vanina Paoli-Gagin applaudissent également.)