compte rendu intégral

Présidence de M. Didier Mandelli

vice-président

Secrétaires :

M. François Bonhomme,

Mme Catherine Conconne.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Après l’article 32 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Discussion générale (fin)

Financement de la sécurité sociale pour 2025

Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (projet n° 129, rapport n° 138, avis n° 130).

Vote sur l’ensemble

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin public s’effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l’insérant dans votre terminal de vote. Vous pourrez vous rapprocher des huissiers pour toute difficulté.

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

La parole est à Mme Silvana Silvani, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons achevé samedi dernier, en fin de matinée, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

L’heure est donc au bilan des six jours que nous avons passés à examiner un budget de 662 milliards d’euros, qui touche l’ensemble de nos concitoyens.

L’exercice budgétaire nous a permis – si besoin était – une clarification politique. Lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, le Premier ministre a annoncé « un effort partagé et juste ». Dans les faits, il n’en sera rien.

La baisse des dépenses, qui reposait à hauteur de 10,1 milliards d’euros sur les dépenses sociales et de 4,7 milliards d’euros sur les dépenses concernant les entreprises, soit deux tiers pour les assurés sociaux et un tiers pour les entreprises, s’est transformée en 12,5 milliards d’euros pour les assurés sociaux et 2,5 milliards d’euros pour les entreprises, soit un cinquième seulement de l’effort total pour ces dernières.

Il faut certainement y voir l’influence du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, qui refuse toute mise en cause des exonérations accordées aux entreprises.

Une vaste campagne de publicité lancée ce week-end par le Mouvement des entreprises de France (Medef) circule avec pour argument : « 20 milliards d’euros d’impôts et de charges en plus pour les entreprises, c’est l’équivalent du salaire chargé de 400 000 emplois ». Le même argument a prévalu lors de la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui, rappelons-le, devait créer 1 million d’emplois, objectif jamais atteint.

Les grandes entreprises bénéficient de 200 milliards d’euros d’aides publiques par an, dont 80 milliards d’exonérations de cotisations sociales. C’est une véritable addiction ! La majorité sénatoriale a tenté de trouver un équilibre avec le Gouvernement en abaissant de 4 milliards à 2 milliards d’euros le montant des exonérations en moins pour les entreprises.

Disons-le, ce budget n’est ni partagé ni juste.

Non seulement le Gouvernement va réduire les indemnités journalières des malades, augmenter le ticket modérateur lors des consultations chez le généraliste, réduire les remboursements sur les médicaments, renforcer le contrôle des ordonnances médicales, mais l’essentiel des efforts reposera bien sur les travailleurs et les retraités. (Brouhaha.)

Les retraités subiront ainsi l’augmentation des tarifs des complémentaires santé, mais surtout la sous-revalorisation des pensions en 2025. Là aussi, la majorité sénatoriale a tenté de trouver un équilibre entre le Gouvernement et sa majorité parlementaire. Notre collègue rapporteur Pascale Gruny a proposé une nouvelle rédaction de l’article 23 sur la revalorisation des pensions de retraite. Au lieu d’être revalorisées au 1er janvier prochain à hauteur de 2,3 %, elles ne le seront que de 0,9 % ; puis, au 1er juillet, les pensions inférieures au Smic le seront encore de 0,9 %.

Ce bouclier anti-inflation, censé bénéficier à 44 % des retraités, est en réalité moins avantageux que la version initiale du Gouvernement. Les pensions en dessous du Smic auront perdu 30 euros à la fin de l’année 2025, tandis que les 10 millions de retraités dont la pension dépasse 1 425 euros auront perdu 1,4 point de pouvoir d’achat.

Nous contestons résolument cette vision de la solidarité et de la justice des efforts demandés aux uns et aux autres.

Selon le Groupe des neuf, qui rassemble neuf organisations syndicales de retraités, pour rattraper les pertes subies depuis 2017 par ces derniers, il faudrait augmenter les pensions de 5,2 %.

Après le report de l’âge de départ à la retraite et l’allongement de la durée de cotisation, la sous-revalorisation des pensions constitue la troisième vague de la contre-réforme des retraites : les pensions sont devenues la variable d’ajustement du budget de l’État. (Brouhaha persistant.)

M. le président. Mes chers collègues, veuillez faire moins de bruit, par respect pour l’oratrice.

Mme Silvana Silvani. Nous considérons que les retraités et les salariés font déjà des efforts depuis des années et que d’autres choix sont possibles pour financer la sécurité sociale. Au prétexte du déficit de celle-ci, le centre et la droite se sont lancés dans une course aux mises en cause du droit du travail : temps de travail, coût du travail et mêmes congés payés. Comme si le code du travail n’avait pas été suffisamment abîmé depuis quinze ans.

Les salariés vont ainsi devoir travailler sept heures de plus gratuitement chaque année, la majorité sénatoriale ayant ajouté une deuxième journée de solidarité pour financer la perte d’autonomie. Avec vous, les salariés vont travailler plus pour gagner moins.

Enfin, comment ne pas évoquer la hausse des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ? Le Sénat, qui se veut la chambre des territoires, est pourtant resté sourd aux appels des hôpitaux et des collectivités. Et ce n’est pas en étalant l’augmentation des cotisations que la hausse de 12 points sera plus facile à gérer : mes chers collègues, 4 points en trois ans ou 3 points en quatre ans, cela fera toujours 7,5 milliards d’euros supplémentaires à payer !

En conclusion, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a mis en lumière des visions de société radicalement opposées. Nos amendements de justice sociale en faveur d’une sécurité sociale solidaire de haut niveau n’ayant pas été retenus, le groupe CRCE-Kanaky votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Albéric de Montgolfier. Quelle déception !

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

Mme Anne Souyris. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des sénateurs et les membres du Gouvernement, qui nous ont permis d’avoir un débat de bonne tenue autour du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Prendre part à un débat respectueux de notre démocratie, cela devient remarquable, notamment au regard des courts-circuits entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale !

Malheureusement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous a été présenté est plus inquiétant que jamais : insincère dans ses projections, ne se donnant pas les moyens de rétablir une trajectoire de sauvetage de la sécurité sociale, sans ambition en matière de santé publique et, surtout, profondément injuste dans ses financements.

Tout d’abord, le Gouvernement a décidé de sous-indexer les pensions de retraite, qui seront revalorisées en dessous de l’inflation en 2025, entraînant une perte de pouvoir d’achat pour les retraités. Je ne parlerai pas du tour de passe-passe lancé par M. Wauquiez et repris par notre auguste chambre, qui abaisse in fine définitivement, et non plus pour six mois, la pension de la plupart des retraités.

Diminution semble bien le maître mot de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Ce texte diminue les remboursements par l’assurance maladie des consultations médicales et des médicaments. Vous nous dites que ces frais seront couverts par les complémentaires, mais vous savez très bien que les complémentaires vont répercuter ces coûts sur les cotisations. Bien plus, cette mesure touchera tout particulièrement ceux qui n’ont pas de complémentaire, soit pas moins de 5 % de la population française, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), majoritairement les chômeurs et – décidément – les retraités.

Enfin, à l’issue d’une recherche en communication laborieuse, vous avez créé une « contribution de solidarité par le travail », en d’autres termes, une nouvelle corvée qui rappelle furieusement l’Ancien Régime et ses servitudes : sept heures de travail supplémentaires non payées. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Eh oui, messieurs !

Voilà encore quelques années, vous défendiez le « travailler plus pour gagner plus » ; désormais, vous défendez le « travailler plus pour gagner moins ». Chacun sa logique… (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Pourtant, nous, les écologistes, avons fait des propositions solides et raisonnables…

Mme Pascale Gruny. Ah oui, raisonnables !

Mme Anne Souyris. … pour renforcer notre sécurité sociale. Notre objectif, à l’Assemblée nationale et au Sénat, était simple et se résumait en deux mots : justice sociale.

Nous avons proposé de faire contribuer à leur juste mesure l’ensemble des revenus, intégrant ceux du capital, avec une CSG à peine renforcée, mais offrant une assiette plus large que celle du travail, une taxation des superdividendes des entreprises, des successions et donations ou encore des retraites chapeaux. Vous avez refusé.

Nous avons proposé de mettre à contribution les grands responsables du changement climatique, de l’effondrement de la biodiversité et de la pollution de l’air, qui, je le rappelle, causent pour le moins 40 000 décès prématurés par an, en France. Nous avons présenté une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières, avec un principe simple : faire contribuer ceux qui nuisent à notre santé. Vous l’avez refusé.

Nous avons proposé d’aller plus loin sur la fiscalité sur les drogues légales, en mettant en place un prix unitaire de l’alcool, en alignant la fiscalité du vin sur celle des autres alcools, en taxant les sucres ajoutés et en incitant les industriels à apposer le Nutri-score sur les produits alimentaires.

L’objectif était de diminuer le nombre de malades et de morts dus aux addictions et à la malbouffe, mais aussi de financer la prévention, grande absente de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Là encore, vous avez refusé.

Seules quelques avancées permettent de nuancer ce triste bilan.

Parmi celles-ci se trouve une meilleure lutte contre la fraude, donc patronale, défendue par ma collègue Raymonde Poncet Monge. Je rappelle que 80 % des fraudes à la sécurité sociale viennent des entreprises, et non des salariés. Je pense au vote de la taxe soda, à la hausse de la fiscalité sur le tabac et à celle sur les jeux d’argent et de hasard. Nous veillerons à ce que ces avancées soient préservées en commission mixte paritaire et lors des votes qui suivront.

Soyons lucides : quoi qu’il arrive, ce texte n’est pas à la hauteur.

Il n’est pas à la hauteur de la crise que notre système de santé traverse. Notre hôpital public est au bord de l’effondrement. Il ne tient aujourd’hui que par l’incroyable dévouement des hommes et des femmes qui y travaillent. Je veux ici saluer leur courage, ils sont la fierté de notre pays, mais cela ne suffira pas.

Nos concitoyens en zone rurale éprouvent toujours plus de difficultés à se faire soigner et nous sommes toujours incapables de leur apporter des solutions concrètes.

Les trois quarts des centres de santé non lucratifs, piliers de l’accès aux soins dans de nombreux quartiers populaires, sont menacés de fermeture les uns après les autres. Aucune transformation de tarification pour les sortir de l’ornière n’a été votée. Rien.

En revanche, le secteur lucratif se porte bien, avec des logiques de financiarisation qui n’ont rien à voir avec les besoins en santé, mais qui ont tout à voir avec les profits. Rien contre cette financiarisation, qui frise pourtant la fraude, quand elle n’en est pas une. Non, rien. Dommage pour nous.

Nos Ehpad sont en crise et sont pour la plupart à deux doigts de la faillite. Si 100 millions d’euros leur ont été de nouveau dévolus en urgence, c’est tellement insuffisant que, malgré le gage de survie que cette somme apporte, cela ne règle rien en termes de maltraitance, notamment faute de personnel. Et que dire de la nécessité d’adapter nos Ehpad au changement climatique, pour qu’ils ne deviennent pas des chaudières mortelles en temps de canicule ? Là encore, rien.

Quelle société voulons-nous pour nous préoccuper si peu de nos aînés, grands-parents, parents… ?

Enfin, ce budget montre l’incapacité de ce gouvernement et de la droite à se rendre compte que nous avons basculé dans un nouveau régime climatique. Notre système de sécurité sociale n’est plus adapté au monde dans lequel nous sommes entrés.

À voir ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, madame la ministre, monsieur le ministre, il semble bien que ce n’est pas ce gouvernement qui sauvera « la sociale ». L’abaissement des exonérations de cotisations ne suffira pas.

Dommage de ne pas avoir compris le vote qui a eu lieu voilà quelques mois. Les Français ont peur, ne se sentent pas protégés et sont à juste titre en colère. Ils demandaient un autre budget, un budget de justice sociale et écologique. À ce jour, ils ne voient rien venir.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est contraire aux valeurs que nous défendons et contraire à ce dont le pays a besoin. C’est pourquoi le groupe GEST votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que dur des travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 que nous nous apprêtons à voter confirme nos craintes de voir notre modèle de sécurité sociale fragilisé.

Le Premier ministre avait dit son souhait d’être à l’écoute des parlementaires en indiquant que sa proposition était perfectible. Nous sommes désolés de voir qu’il n’a pas été à l’écoute de nos craintes sur la pérennité du modèle social français.

Certes, le Sénat a apporté sa contribution en soumettant à la discussion de nombreux amendements.

La gauche, et notamment le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, a défendu un budget de remplacement, fait de recettes équilibrées et de dépenses nécessaires, à chaque fois dans la limite des possibilités institutionnelles posées au législateur, bridé par les articles 40 et 45 de la Constitution.

Sans surprise, la majorité sénatoriale de droite et du centre et le Gouvernement se sont rejoints pour aboutir à un budget qui ne résout pas le déficit voté à hauteur de 15 milliards d’euros. Alors qu’il ne donne aucune perspective de retour à l’équilibre, il force l’usager, le malade et le travailleur à mettre la main au porte-monnaie. Pour éviter une plus grande dérive, la majorité sénatoriale refuse en effet de faire contribuer d’autres sources de très hauts revenus.

Malgré nos propositions, globalement rejetées, ce budget reste bien loin des attentes de nos concitoyens. En effet, nous nous éloignons toujours plus du principe selon lequel chacun participe selon ses moyens et bénéficie selon ses besoins.

M. Mickaël Vallet. Principe de base !

Mme Annie Le Houerou. Les avancées que nous aurions pu espérer au Sénat sont restées sans suite.

Une amorce était pourtant lancée avec la reconnaissance de l’inefficacité de certaines exonérations de cotisations et quelques timides propositions sur les taxes comportementales – alcool, tabac et sucres. Toutefois, le Gouvernement a cédé face aux batailles politiques internes, devant son bancal socle commun, au détriment de sa mission de protection sociale des plus fragiles d’entre nous.

Au bout du compte, le déficit n’est pas résorbé, le malade sera remboursé 5 % de moins sur sa consultation médicale et ses médicaments, les complémentaires santé augmenteront probablement leurs tarifs dans la foulée et la « taxe lapin » est de retour. Les retraités verront leur retraite indexée seulement sur la moitié de l’inflation au 1er janvier ; les petites retraites seront compensées du coût de l’inflation au 1er juillet. Ainsi, le montant de toutes les retraites sera diminué : quelle arnaque !

Au nom des membres du groupe SER, j’ai défendu la protection des malades et des plus vulnérables, en nous opposant à l’augmentation de leur reste à charge. Ce sont bien les assurés sociaux qui paieront la note, sans aucune amélioration des services qui leur seront rendus.

Pour mémoire, les mesures de régulation à l’installation des médecins en zone sous-dense ont été rejetées.

Sans crédits supplémentaires, les déficits des hôpitaux seront accentués du fait de l’augmentation des cotisations de retraite des agents hospitaliers.

Sans compensation financière, l’application des mesures Ségur justifiées dans les établissements médico-sociaux sera insoutenable.

Sans bonification des salaires, les services à domicile restent injustement traités par leur exclusion du Ségur et peinent à recruter.

Répondre favorablement aux besoins exprimés par nos concitoyens et par les professionnels de santé et du médico-social était, selon nous, tout à fait possible grâce à une augmentation des recettes, que vous avez systématiquement rejetée.

Fin des exonérations de cotisations famille et maladie à deux Smic, fin des exonérations de cotisations sociales sur les compléments de salaires les plus élevés et des exemptions d’assiette, cotisations sur les retraites chapeaux supérieures à 10 000 euros : nous sommes allés chercher les exonérations de contribution ayant démontré leur inefficacité – inefficacité pour l’emploi et inefficacité pour la compétitivité de nos entreprises. Vous les avez rejetées.

Voilà pourtant des recettes qui n’auraient pas eu d’incidences sur le pouvoir d’achat des Français et que nous aurions pu mobiliser pour garantir à tous une qualité de service public de santé, d’accompagnement de nos aînés ou de nos enfants.

Votre majorité a plutôt opté pour la réduction du pouvoir d’achat des retraités ou des salariés en leur ponctionnant sept heures de travail sans rémunération, sept heures gratuites financées uniquement par les salariés. Il s’agit en réalité d’une baisse unilatérale des salaires, sans concertation aucune avec les partenaires sociaux, qui ne permettra pas le financement de l’intégralité des besoins de la branche autonomie.

Faire travailler les seuls salariés un jour de plus sans qu’ils soient payés n’est respectueux ni de la justice sociale ni du travail.

L’hôpital public a besoin de notre soutien et de moyens, tout comme les collectivités territoriales, qui supportent chaque jour les mesures de solidarité auprès des familles et des plus âgés. Elles se trouvent asphyxiées par l’augmentation de leurs charges au travers des 4 points de cotisation CNRACL sur trois ans, maintenant transformée en 3 points sur quatre ans.

Notre responsabilité exige d’assurer l’équilibre budgétaire des différentes branches de la sécurité sociale, qui ne peuvent fonctionner sur un déficit permanent. En parallèle de cet objectif de retour à l’équilibre à terme, nous demandons une loi de programmation pluriannuelle pour la santé, à l’instar du texte sur le grand âge, dont nous attendons toujours la présentation, aux côtés des citoyens et des professionnels.

La distinction des dépenses de prévention est une avancée de ce texte, qui doit être suivie par un plan d’investissement à la hauteur des enjeux.

Madame la ministre, vous nous avez répété qu’une loi de financement de la sécurité sociale ne pouvait pas proposer un plan d’action. Vous nous avez répété avoir manqué de temps pour élaborer des propositions de fond, mais votre majorité est aux affaires depuis maintenant sept ans. J’entends qu’il est difficile de porter une véritable politique de santé publique quand on change de ministre plus d’une fois par an : vous êtes la huitième ministre de la santé depuis 2017 ! Cette valse est mortifère et le système de santé n’est plus en état de danser.

Nous attendons un plan pour la santé mentale, grande cause nationale du Premier ministre.

Nous attendons la loi Grand Âge – l’arlésienne.

Nous attendons une politique familiale tenant compte de la diversité des familles et de la monoparentalité. Des alternatives sont possibles, de la crèche à l’Ehpad, en passant par la médecine de ville et l’hôpital.

Nous revendiquons la possibilité de concilier justice fiscale et sociale et rétablissement des comptes de la sécurité sociale. La protection sociale ne doit pas être lucrative. Cette forte tendance qui apparaît aujourd’hui au grand jour va à l’encontre des valeurs d’égalité et de fraternité.

Contre la privatisation de la sécurité sociale, contre le reste à charge des seuls assurés, nous voterons contre ce projet de loi de dégradation de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

Mme Marie-Arlette Carlotti et M. Mickaël Vallet. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, par ce texte, vous souhaitez imposer un nouveau fardeau de sept heures de travail supplémentaires sans indemnisation pour les entreprises françaises et leurs salariés.

Certains d’entre vous ont osé proposer jusqu’à quatorze heures gratis ! Travailler plus pour ne rien gagner de plus ! Pour paraphraser Michel Audiard, les centristes, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît. (Protestations sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Ainsi, comme c’est le cas depuis trente ans, vous refusez de réduire les dépenses d’un État devenu pachydermique, par idéologie, par esprit de défaite ou par refus de remettre en cause vos choix collectifs d’hier.

N’étant pas assez repus d’impôts et de taxes, vous inventez la réquisition forcée ! Vous restaurez la corvée seigneuriale médiévale, à la seule différence que les serfs de l’époque avaient droit à une sécurité garantie en retour. Toutefois, à la France bleu blanc rouge est venue se substituer la France Orange mécanique tiers-mondialisée.

M. Loïc Hervé. On ne comprend rien !

M. Stéphane Ravier. Vous osez appeler cela une « journée de solidarité » ?

D’Alain Juppé à Michel Barnier, en passant par Jean-Pierre Raffarin, la solidarité se fait outragée et en devient outrageante. Je rappelle qu’il existe déjà six mois de solidarité dans l’année. Chaque année, les actifs travaillent pour l’État six mois sur douze. Bienvenue dans la République soviétique de France ! (Protestations.)

M. Loïc Hervé. Reprenez votre souffle !

M. Stéphane Ravier. La prise en charge des soins médicaux est réduite à 65 %, entraînant une hausse des tarifs des complémentaires santé, en pleine crise du pouvoir d’achat.

Les seuls soins qui restent entièrement gratuits dans ce pays sont ceux qui sont pris en charge dans le cadre de l’Aide médicale de l’État pour les seuls étrangers clandestins, à hauteur de 1,2 milliard d’euros ! (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme Cécile Cukierman. Vous n’avez pas honte !

M. Stéphane Ravier. Enfin, en augmentant de 3 milliards d’euros les cotisations patronales, vous augmentez le coût du travail, développez les plans sociaux et accélérez le ralentissement économique. À ce niveau-là, ce n’est plus un programme anti-économique, c’est de l’art !

Si rien ne change, la hausse des redressements judiciaires et des faillites d’entreprises vous mènera à proposer une journée de solidarité supplémentaire chaque année.

Ce que vous n’osez pas regarder, ce sont les 30 milliards d’euros de fraude sociale. (Mme Laurence Rossignol sexclame.) Vous ne voulez pas vous attaquer aux 5 millions de cartes Vitale frauduleuses. Vous rendez-vous compte du « pognon de dingue » que cela représente, mes chers collègues ?

Ces 3 millions de centenaires répertoriés dans le système social français, dont 1,7 million sont nés à l’étranger selon l’Insee, alors qu’ils ne sont que 21 000 au dernier recensement !

Mme Cécile Cukierman. Vous êtes la honte de la République !

M. Stéphane Ravier. Ce tabou n’est pas brisé, car il est lié de près à l’idéologie immigrationniste et forcerait à un audit sur l’ampleur de ce désastre national, tout en révélant la responsabilité de ceux qui l’ont couvert jusqu’ici, c’est-à-dire vous tous, mes chers collègues.

M. Loïc Hervé. Mais respirez donc !

M. Stéphane Ravier. Cette crise devrait vous convaincre de penser autrement, de revoir la structure des déficits et de réformer profondément. De tout ça, il n’est rien.

Votre budget de la sécurité sociale est d’une injustice insupportable, car il charge toujours plus les travailleurs courageux et les déclarants.

Pas un jour, pas une heure, pas une minute de plus ne doit être demandé aux Français tant qu’il ne sera pas mis fin à cette incurie et que les écuries de l’État ne seront pas nettoyées !

Mme Cécile Cukierman. La République n’est pas une écurie !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous n’aurons de cesse de le dire, la situation est inédite. Le Gouvernement, dépourvu de majorité à l’Assemblée nationale, n’a bénéficié que de trois semaines pour élaborer un texte budgétaire qui représente presque la moitié des dépenses de notre pays. Nous sommes conscients des limites de l’exercice.

L’examen de ce texte débutait donc sous de fâcheux auspices, auxquels s’est ajouté un coup de massue.

La construction de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2024 avait retenu une hypothèse de progression dynamique du montant des remises, à l’instar de ce qui avait été constaté les années antérieures. Toutefois, les travaux menés depuis la première lecture à l’Assemblée nationale, sur le fondement des dernières données actualisées, ont révélé que le montant estimé des remises serait nettement plus bas que prévu.

Le Premier ministre nous a prévenus lors de sa déclaration de politique générale : nous devons faire beaucoup avec peu.

Dans ce contexte, il convient avant tout de souligner la qualité des travaux des rapporteurs, que je remercie. Je salue également la qualité des débats au sein de cet hémicycle : le sérieux de notre assemblée n’est vraiment plus à démontrer.

Ce texte va retourner sur le métier en commission mixte paritaire. Nous espérons que les apports du Sénat seront maintenus et qu’un accord saura émerger. Nous en appelons à la responsabilité de tous les partis.

Notre pays se trouve dans une situation grave sur le plan budgétaire, avec un déficit public qui atteint 6,2 % du PIB cette année. Les intérêts de la dette atteindront 57 milliards d’euros – 57 milliards ! – l’année prochaine ; c’est pratiquement le budget de toute la branche autonomie. Une telle situation budgétaire place notre pays dans une perspective de grande vulnérabilité vis-à-vis des marchés.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires a gardé à l’esprit ce contexte pour établir la ligne claire que nous avons tenté de suivre pendant tout l’examen du texte et que nous suivrons lors de l’examen du projet de loi de finances.

Pour notre groupe, il importe de redonner au travail sa valeur fondamentale, de renforcer l’équité dans les politiques publiques et d’assurer la pérennité de notre modèle social.

Dans sa grande majorité, notre groupe s’est positionné en faveur de l’adoption d’une nouvelle journée de solidarité au profit du financement de la branche autonomie. Ces sept heures annuelles de travail supplémentaires devront permettre de financer la branche autonomie de la sécurité sociale, à hauteur de 2,5 milliards d’euros par an.

Chacun a bien conscience qu’il s’agit d’une mesure impopulaire et que beaucoup de salariés ne la comprennent pas.