Mme Corinne Féret. C’est faux !

M. Stéphane Ravier. Après l’emploi et le logement, c’est donc dans le domaine de la santé que la préférence étrangère s’applique désormais. Nous atteignons ici le sommet de l’ignominie…

Mme Corinne Féret. Ces propos sont scandaleux !

M. Stéphane Ravier. Je le dis solennellement à cette tribune : loin des caméras, un drame terrible est en train de se jouer, un drame national, l’effondrement de notre hôpital, l’abandon de centaines de patients de tous âges et une scandaleuse préférence étrangère, qui place notre système de santé sous une tension injustifiée.

Mme Corinne Féret. Quelle honte !

M. Stéphane Ravier. En ce moment même, des patients sont abandonnés aux urgences, d’autres dorment des jours entiers sur un brancard, des hommes et des femmes attendent leur opération ou leur dialyse. Tout cela se passe ici, en France, en 2024.

À défaut de grande ambition au sein de la Haute Assemblée, je me replierai sur un vote en faveur des amendements visant à réduire la voilure de l’AME.

La suppression de cette aide, que vous avez pourtant eu le courage de voter l’année dernière, mes chers collègues, est une urgence ; les crédits ainsi libérés doivent être affectés en priorité à la restructuration médicale et hospitalière, au bénéfice, d’abord, de nos compatriotes.

Mme Corinne Féret. Honte à vous !

Mme Laurence Rossignol. Il ment et il sait qu’il ment !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits attribués à la mission « Santé » pour 2025 s’élèvent à 1,6 milliard d’euros. Cette baisse importante s’explique par la diminution d’un milliard d’euros du programme correspondant à des fonds européens destinés à l’investissement dans le secteur hospitalier.

Si l’on écarte ce programme, les crédits de la mission diminuent de 4 %, tandis que ceux de l’aide médicale de l’État progressent de 9 %.

Le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » subit une baisse de ses crédits de 18 %. Malgré cette diminution importante, il convient de saluer le maintien de la subvention à l’Institut national du cancer, sujet régulièrement abordé dans notre commission, notamment il y a un mois, lors de l’examen de la proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des soins et dispositifs spécifiques au traitement du cancer du sein par l’assurance maladie. Le cancer, première cause de mortalité en France, touche de plus en plus de personnes de moins de 50 ans ; l’Inca doit être en mesure de mener à bien ses missions.

Au sein du programme 183, la dotation au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) demeure stable, à 8 millions d’euros ; pour autant, compte tenu de la dégradation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), son augmentation sera nécessaire.

Enfin, l’AME représente 80 % des crédits de la mission « Santé ». Ce dispositif figure parmi les plus généreux d’Europe, avec une couverture complète des étrangers en situation irrégulière au-delà de trois mois de résidence. Les crédits concernés s’élèvent à 1,319 milliard d’euros en 2025, dont 72 millions d’euros en complément du financement de 2024, essentiellement en raison de l’augmentation constante du nombre de bénéficiaires : plus de 20 % depuis 2022, dont un quart de mineurs.

Je partage l’analyse de Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales : une baisse des crédits de l’AME sans réforme l’accompagnant pénaliserait les établissements et les professionnels de santé, qui devraient absorber cette moindre couverture.

Vu notre contexte budgétaire, je souscris à l’idée d’une meilleure maîtrise des dépenses d’AME qui permette toutefois de continuer à assurer la prise en charge des soins urgents, entendus dans le cadre d’une définition large.

Dans leur rapport, Claude Évin et Patrick Stefanini estiment que l’AME est un dispositif utile. Ils indiquent que l’augmentation de son coût est la conséquence de l’accroissement, de plus de 40 % en sept ans, du nombre de ses bénéficiaires.

Ce rapport dresse un certain nombre de constats et formule un certain nombre de préconisations.

Quelque 10 % de bénéficiaires de l’AME disent être venus en France pour ce mode d’accès aux soins. En 2022, les délivrances de soins urgents ont augmenté de plus de 100 % par rapport à 2021. Les revenus des conjoints des bénéficiaires, qu’ils soient français ou en situation irrégulière, ne sont pas pris en compte lors de la vérification des conditions d’éligibilité.

Le rapport conclut qu’un meilleur contrôle d’identité, un recours accru à l’adressage et la limitation de l’octroi du titre d’ayant droit aux seuls enfants mineurs d’un assuré seraient nécessaires.

Sur l’initiative de Mme le rapporteur pour avis, la commission des affaires sociales a adopté un amendement visant à rendre permanent le régime d’accord préalable pour la prise en charge des soins programmés non urgents, actuellement limité à neuf mois. Il sera naturellement indispensable qu’une autorité médicale se prononce sur la pertinence de la prise en charge de ces actes programmés non urgents.

En conclusion, s’il nous semble nécessaire d’améliorer la maîtrise des dépenses d’AME, dans le respect d’un juste équilibre entre humanisme, réalité sanitaire et réalité économique, tout en luttant contre les abus, comme le fait par exemple l’Allemagne, nous estimons qu’il convient de conserver ce dispositif. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Do Aeschlimann. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en décembre 2023, après les débats passionnés qui ont présidé à l’élaboration de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, dite loi Immigration, dans une lettre adressée au président Gérard Larcher, la première ministre Élisabeth Borne s’engageait à faire évoluer l’aide médicale de l’État, reconnaissant que ce dispositif devait « régulièrement être évalué pour vérifier sa pertinence et son efficacité ».

Un an après, la réforme promise n’a pas eu lieu. Le budget consacré à l’AME atteindra 1,319 milliard d’euros en 2025, en hausse de près de 10 %. Ces chiffres reflètent une trajectoire financière inquiétante.

Une majorité de sénateurs soulignent depuis longtemps le coût et le fonctionnement de l’AME, qui sont en complet décalage avec les réalités économiques et les pratiques observées chez nos voisins européens.

Comment expliquer à nos concitoyens cette générosité sans équivalent, alors que nos finances publiques sont sous tension ? Est-il normal que les étrangers frappés de mesures d’éloignement pour motif d’ordre public bénéficient d’un accès à un panier de soins étendu et totalement gratuit ?

L’AME est une exception française, qui, dans un tel contexte, devient de plus en plus difficile à justifier. Rappelons que l’AME de droit commun est consacrée à la protection de la santé des personnes étrangères, vivant en France depuis au moins trois mois consécutifs, en situation irrégulière et non éligibles à la protection universelle maladie (PUMa).

Elle donne accès à une gamme de soins bien plus large que dans la plupart des pays européens, où elle est limitée aux soins urgents, aux soins liés à la maternité, aux soins aux mineurs et aux dispositifs de soins préventifs. Ces pays ne manquent pas d’humanité, mais ils gèrent leur système avec une rigueur qui nous fait manifestement défaut.

Ce sujet a été longtemps éludé par les pouvoirs publics. Entre 2001 et 2023, le nombre de bénéficiaires de l’AME a augmenté de 20 %. Fin 2023, on dénombrait 456 689 bénéficiaires, en hausse de 45 000 sur un an. En 2023, le rapport Évin-Stefanini soulignait la nécessité de renforcer les mesures de contrôle et de lutte contre la fraude, afin de maîtriser les coûts de l’AME, de garantir l’intégrité du dispositif et de renforcer son acceptabilité sociale.

Si cette réflexion prend tout son sens au regard du nécessaire redressement des comptes publics et sociaux de notre pays, aucun effort de maîtrise budgétaire ne figure, au sein de la mission « Santé », dans le programme 183 « Protection maladie », qui regroupe les dépenses d’AME.

L’idée d’instaurer un droit d’entrée forfaitaire pour les bénéficiaires de l’AME revient périodiquement dans le débat. Une telle contribution avait été introduite par la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, mais elle a, hélas ! été abrogée en 2012.

La situation politique actuelle ne paraît pas propice à l’émergence d’un consensus sur ce sujet, alors qu’il est urgent de réformer l’AME et de la recentrer sur les soins essentiels.

Je salue à ce titre la proposition portée par la commission des affaires sociales, visant à systématiser l’accord préalable à la prise en charge de soins programmés non urgents. Une telle disposition, qui devrait permettre de réaliser une économie de 200 millions d’euros sans dégrader la prise en charge des bénéficiaires constitue une première réponse pour juguler une dépense qui ne cesse de croître chaque année et sur laquelle les pouvoirs publics doivent reprendre la main. Elle doit préfigurer l’indispensable réforme du dispositif que le Sénat appelle de ses vœux depuis longtemps.

Au sein de la mission « Santé », si les crédits dédiés à l’AME échappent à l’effort de maîtrise budgétaire, les moyens consacrés à la prévention à la sécurité sanitaire et au pilotage de la politique de santé publique subissent à l’inverse une réduction sensible. Le programme 379 « Reversement à la sécurité sociale des recettes de la Facilité pour la Relance et la Résilience (FRR) européenne au titre du volet “Ségur investissement” du plan national de relance et de résilience (PNRR) », doté de 6 milliards d’euros sur la période 2021-2026, touche à sa fin.

L’essentiel de la baisse supportée par la mission « Santé » concerne le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », dont les crédits s’élèvent à 222 millions d’euros en 2025, contre 271 millions d’euros l’année dernière. Depuis 2014, l’essentiel des crédits portés par ce programme a été réorienté vers l’assurance maladie.

Pour faire face aux enjeux essentiels de prévention, le fléchage des crédits de la mission « Santé » se concentre désormais sur deux opérateurs principaux : l’Institut national du cancer et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, dont la dotation s’établit à 25 millions d’euros en 2025.

Si la subvention de l’Inca est reconduite en 2025 à hauteur de 34,5 millions d’euros, Mme la rapporteure pour avis a souligné à juste titre qu’il convient de veiller à maintenir des moyens adéquats à cet opérateur chargé de la mise en œuvre du plan Cancer et de notre politique de prévention en la matière. La direction générale de la santé (DGS) a en effet rappelé que ce financement était indispensable pour lancer l’expérimentation du dépistage du cancer du poumon, comme le prévoit la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030.

Rappelons qu’avec 385 000 cas diagnostiqués chaque année le cancer touche un Français sur vingt au cours de sa vie, et qu’il est la première cause de décès chez l’homme et la deuxième cause de décès chez la femme. Rappelons aussi que la prise en charge de cette pathologie représente 10 % du budget de l’assurance maladie. Les moyens consacrés à la prévention sont autant de dépenses de soins évitées, madame la ministre.

Un autre point de vigilance concerne l’agence de santé du territoire des îles Wallis et Futuna, dont le déficit s’élève à 8,5 millions d’euros en 2024. Une dotation de 53,6 millions d’euros en crédits de paiement est inscrite au budget 2025, en hausse de 2,7 millions d’euros. Elle doit permettre le redressement de la situation financière de l’agence de santé et financer le chantier de reconstruction de l’hôpital de Futuna.

Dans mon rapport sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé, je soulignais la situation particulièrement critique de l’offre de soins à Wallis-et-Futuna.

Ces difficultés se sont depuis lors, hélas ! aggravées, en raison de la situation insurrectionnelle en Nouvelle-Calédonie, qui complique les évacuations sanitaires vers Nouméa, mais aussi entre les îles et vers la métropole, lorsqu’aucune solution de prise en charge n’existe sur place.

Pour conclure, j’estime que, au travers des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2025, il nous faut impérativement réaffirmer la nécessité d’une gestion rigoureuse de nos finances publiques, tout en maintenant les crédits consacrés à la prévention.

À l’heure où les défis budgétaires s’accumulent, en amorçant une réforme attendue de l’aide médicale de l’État, le Sénat montrerait sa capacité de proposer des solutions pragmatiques. Gardons en tête, mes chers collègues, que la maîtrise de la dépense publique est non pas un facteur d’amoindrissement de la solidarité, mais la condition pour que celle-ci perdure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Buval.

M. Frédéric Buval. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2025 s’inscrivent dans le cadre de la politique de santé et d’accès aux soins portée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

La baisse en trompe-l’œil de ces crédits, de l’ordre de 40 % par rapport à 2024, s’explique par l’épuisement du financement du programme 379, affecté au soutien de l’investissement dans le secteur hospitalier dans le cadre du Ségur de la santé.

L’essentiel des crédits de la mission est ainsi alloué au programme 204, qui finance des actions en faveur de la prévention et de la sécurité sanitaire, et au programme 183, qui finance l’aide médicale de l’État. En 2025, ce dernier programme devrait représenter plus de 80 % du total des crédits de la mission ; j’y reviendrai.

Les crédits du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » s’inscrivent en cohérence avec la future stratégie nationale de santé. Ils visent à réduire les inégalités en matière de santé et à améliorer les déterminants socio-environnementaux et comportementaux de santé.

Les crédits prévus pour 2025 s’élèvent à 222 millions d’euros, contre plus de 270 millions d’euros en 2024, en baisse de 18 %. Cette diminution des crédits, qui affecte principalement l’action n° 11 « Pilotage de la politique de santé publique » et l’action n° 16 « Veille et sécurité sanitaire », appelle naturellement à la vigilance.

J’entends que ces efforts budgétaires doivent s’accompagner de la recherche de plus d’efficacité et d’efficience, madame la ministre. Notre groupe restera toutefois attentif au suivi de ces objectifs, en particulier au déploiement d’une véritable politique de prévention dans l’ensemble du territoire, spécifiquement dans les territoires ultramarins, qui souffrent d’un véritable retard à la matière.

Nous nous félicitons en revanche que, en dépit du contexte budgétaire que nous connaissons, les crédits alloués à l’Institut national du cancer, et partant, au déploiement de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030, demeurent stables.

Nous nous réjouissons également de la hausse de la dotation accordée à l’agence de santé du territoire des îles Wallis et Futuna, dont la trajectoire financière a été fragilisée par l’épidémie de covid-19, et plus récemment, par la crise en Nouvelle-Calédonie.

J’en viens au programme 183 « Protection maladie », qui inclut l’aide médicale de l’État et, dans une moindre mesure, une dotation de 8 millions d’euros au fonds d’une indemnisation des victimes de l’amiante.

En 2025, les crédits de l’AME devraient s’établir à 1,319 milliard d’euros, en hausse de 9,2 % par rapport à 2024, en raison principalement de l’augmentation du nombre de bénéficiaires.

J’indique d’emblée que le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) s’opposera avec fermeté aux amendements du rapporteur spécial et de la rapporteure pour avis visant à étendre le régime d’autorisation préalable aux prestations programmées non urgentes ou à minorer de 200 millions d’euros les crédits alloués à l’AME.

M. Bernard Jomier. Très bien !

M. Frédéric Buval. Notre groupe s’opposera également aux amendements visant à transformer l’AME en aide médicale d’urgence, comme il l’a fait dernier et comme il s’est opposé, en 2022, aux amendements visant à instaurer une aide médicale de santé publique.

Tout en ne nous leurrant pas quant à l’objectif visé, à savoir restreindre l’accès à l’AME – contre toute logique sanitaire, tant pour les potentiels bénéficiaires que pour les établissements de santé –, nous nous félicitons que la commission ait quelque peu fait évoluer sa position, en suivant notamment les conclusions du rapport de Claude Évin et de Patrick Stefanini.

En cohérence avec la position qu’il a toujours défendue, conscient de l’utilité de l’aide médicale de l’État, mais aussi de la perfectibilité de ce dispositif, le groupe RDPI votera contre les amendements portés par les rapporteurs, et il voterait contre les crédits de la présente mission si ces amendements étaient adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Dommage !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE. – Mmes Patricia Schillinger et Nadia Sollogoub applaudissent également.)

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année, l’AME revient dans le débat public au moment de l’examen des crédits de la mission « Santé ». Et pour cause : l’AME représente 80 % de ces crédits et les seuls en augmentation, à hauteur de 9,2 %.

Si le rapport Évin-Stefanini, publié en 2023, a rappelé le caractère utile et globalement maîtrisé de ce dispositif sanitaire, que le groupe du RDSE a toujours défendu, il a également souligné l’augmentation des crédits affectés, en lien avec la forte augmentation des bénéficiaires de ce dispositif. S’accordant sur la pertinence d’une évolution du dispositif, les auteurs formulent plusieurs propositions de réforme, notamment l’extension de l’accord préalable pour les soins programmés non urgents, reprise dans un amendement des rapporteurs.

Le groupe du RDSE est profondément attaché, vous le savez, mes chers collègues, aux valeurs humanistes qui président à l’aide médicale de l’État, autant qu’il est soucieux du rôle sanitaire de ce dispositif et de sa cohérence avec l’engagement des médecins à soigner tout le monde. Nous saluons donc la position commune de nos deux rapporteurs. Nous n’aurons pas, cette année, ce débat que nous avons tant eu sur la transformation de l’aide médicale de l’État en aide médicale d’urgence, transformation à laquelle nous nous sommes opposés.

Nos rapporteurs proposent un régime d’accord préalable permanent pour les soins programmés non urgents dont ils estiment qu’il permettra d’économiser environ 200 millions d’euros. Si nous souscrivons à cette réforme, nous nous inquiétons de la charge supplémentaire qu’elle emportera pour l’assurance maladie et demeurons sceptiques quant à l’économie prévue, qui est à ce stade purement hypothétique.

Je présenterai donc un amendement visant à évaluer ce nouveau dispositif fin 2025, afin de vérifier qu’il atteint bien son objectif et n’aboutit pas une surcharge administrative ou de frais de gestion.

Pour le reste, je considère qu’il n’y a pas de tabou, et que l’efficience et l’acceptabilité sociale de l’AME doivent être prises en compte, notamment dans une période où l’on demande des efforts à tout le monde.

Reprenant une proposition de la députée Véronique Louwagie, je présenterai un amendement visant à exclure clairement de l’AME certains soins esthétiques non rattachables à un acte de chirurgie reconstructrice. Dans les faits, nous savons que peu de personnes en situation irrégulière bénéficient de tels soins. Par cette disposition, nous éviterons toutefois quelques abus. Pour citer Nicolas Boileau, « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement ».

Par ailleurs, si réforme du panier de soins il devait y avoir, nous souhaiterions que les professionnels de santé y soient étroitement associés. Ces derniers ne sauraient en effet être exclus d’une réforme qui serait non pas d’abord politique, mais de santé publique.

J’en viens aux autres crédits de la mission « Santé ». Restent un peu plus de 320 millions d’euros de crédits pour les deux autres programmes, qui passeraient à 270 millions d’euros si l’amendement n° II-577 déposé par le Gouvernement était adopté.

Madame la ministre, vous proposez de baisser de 40 millions d’euros les crédits du programme 379. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur cette ligne budgétaire ?

Quant au programme 204, vous prévoyez de l’amputer de 10 millions d’euros, alors que ses crédits étaient déjà fortement en baisse. Le budget de l’Inca est stable, mais toujours insuffisant pour couvrir ses charges de fonctionnement, alors qu’il a déjà pâti d’une annulation de crédits de 260 000 euros par décret en février dernier. Cette amputation de crédits nous inquiète, madame la ministre, car la prévention est l’une des clefs de la transformation de notre système de santé et un investissement pour l’avenir.

Nous attendons donc beaucoup du débat, et déterminerons nos votes selon le sort des différents amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – MM Bernard Fialaire et Daniel Chasseing applaudissent également.)

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2025 étant composée de trois programmes disparates placés sous des autorités de tutelle différentes, on peine à en voir émerger une stratégie globale lisible. En tout état de cause, il est complexe de faire la synthèse d’une telle mission.

Le projet annuel de performances (PAP) de cette mission, annexé au présent PLF pour 2025, présente pourtant l’amélioration de l’état de santé de la population et la réduction des inégalités territoriales et sociales de santé comme les objectifs principaux de celle-ci. Pour atteindre ce second objectif, le PAP retient deux indicateurs principaux : le pourcentage de la population de 16 ans et plus se déclarant en bonne et très bonne santé générale et l’espérance de vie en bonne santé, à la naissance et à 65 ans, différenciée par sexe.

Je tiens à dire d’emblée que ces indicateurs de performance ne me semblent pas à la hauteur de l’ambition affichée, madame la ministre. Dans un esprit de sincérité et d’efficacité, ces indicateurs devraient refléter les différences territoriales d’accès aux soins, qui sont réelles. Pour cibler l’action publique au plus juste, ce qui n’implique pas nécessairement de dépenser davantage, il convient en effet d’améliorer l’identification et la mesure de ces inégalités.

J’estime également qu’il serait dangereux de considérer la mission « Santé », tel un vaste « fourre-tout » à la Prévert, à la fois comme une variable d’ajustement budgétaire et comme le cache-misère de certains renoncements des politiques publiques.

Cela étant posé, je souhaite évoquer devant vous certains points saillants qui me semblent essentiels, mes chers collègues.

Le premier a trait à la prévention.

Depuis toutes les travées de cet hémicycle, les commissaires des affaires sociales ont largement insisté sur l’absence d’une réelle politique de prévention dans le projet loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. S’agissant de l’un des champs d’action prioritaires du programme 204 de la mission « Santé », il serait cohérent d’y trouver certains financements qui manquent ailleurs. Or les crédits de ce programme diminuent sensiblement cette année, selon une trajectoire qui ne se redressera pas à court terme. Les acteurs de la santé considèrent pourtant unanimement que le meilleur investissement est la prévention sous toutes ses formes, ce qui paraît de bonne logique, madame la ministre.

La prévention recouvre également la maîtrise des risques sanitaires et les outils d’anticipation et de gestion des crises. Au sortir d’une crise sanitaire majeure, on aurait pu imaginer ne pas faire d’économie sur de telles actions.

Comme pour la mission « Santé » dans son ensemble, je suis également surprise par le choix et la présentation des indicateurs de performance qui ont été retenus pour le programme 204. L’objectif premier de ce programme – je le rappelle – est « d’améliorer l’état de santé de la population et de réduire les inégalités territoriales et sociales de santé ». Or les indicateurs retenus sont le taux de couverture vaccinale contre la grippe, le taux de participation au dépistage organisé du cancer colorectal et la prévalence du tabagisme quotidien.

La réduction des inégalités territoriales et sociales de santé doit pourtant être prise en charge de façon urgente et prioritaire, ce qui suppose à mon sens d’adopter une autre grille de lecture et d’autres indicateurs de performance pour rendre lisible une réalité qui devient alarmante et qui est une immense source de colère pour nos concitoyens.

Les actions du programme 204, dans leur grande diversité, me paraissent toutes prioritaires et dignes d’être soutenues de façon pérenne. Je souhaite attirer particulièrement votre attention sur le soutien aux associations de personnes atteintes de maladies neurodégénératives et, dans le contexte démographique qui est le nôtre, aux maladies liées au vieillissement en général.

Je souhaite également faire un focus sur la prise en charge des maladies rares ou chroniques, comme la fibromyalgie, la maladie de Lyme et le covid long, qui ne doivent pas sortir des radars. Les victimes de ces pathologies, qui, pour certaines, vivent un véritable calvaire, sont un défi pour notre système de santé, tant sur le plan financier que pour l’organisation des soins. Il faut y faire face.

La lutte contre le cancer constitue un autre défi que nous devons relever. Tout en me félicitant du soutien apporté à l’Inca, je souhaite rappeler que la mise en place d’un registre général des cancers est un impératif pour la recherche, comme le rappelle du reste une récente étude de l’Académie nationale de médecine.

Le Sénat a adopté à l’unanimité la proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers de notre collègue Sonia de La Provôté, qui nous permettrait de disposer non plus seulement d’une extrapolation, forcément imprécise, mais d’un recensement exhaustif des cas sur l’ensemble du territoire national.

Le programme 204, dans la diversité de ses actions, étant celui qui a subi le coup de rabot le plus sévère, il a fait l’objet de l’essentiel de mon analyse.

Mon deuxième point concerne l’AME.

Je souscris aux propos de notre rapporteure pour avis, qui estime qu’une simple augmentation du volume d’un tel dispositif sans stratégie n’aurait pas de sens et ne ferait qu’augurer un dérapage budgétaire incontrôlable.

Étant rapporteur pour avis du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », je mesure que seuls une réelle articulation des politiques publiques entre elles et un accompagnement social solide et structuré dans le temps permettent aux publics les plus fragiles de sortir par le haut de leur condition de dépendance et de se prendre en charge de manière autonome.

Tout en étant profondément attachée à l’aide médicale de l’État dans son sens le plus large et le plus universel, et considérant que les recentrages doivent être appliqués avec la plus grande prudence, je souhaite que cette aide garde sa vocation transitoire et qu’elle reste un filet de protection, sans devenir un mal chronique.

J’estime que l’amendement de notre rapporteure pour avis visant à adapter le régime de prise en charge des frais relatifs à des prestations programmées non urgentes dans le cadre de l’AME va dans ce sens.

Avec toutes les réserves et les points de vigilances qui ont été évoquées, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Santé », en rappelant, une fois de plus, que la prévention et la réduction des inégalités d’accès aux soins doivent rester des objectifs prioritaires et ne doivent en aucun cas devenir des variables d’ajustement budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)