Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de cette mission sont marqués par un sous-financement des actions de santé publique et par des coupes à l’aveugle, qui abîmeront des acteurs se démenant bien seuls pour faire face à l’absence de politique de prévention et d’éducation à la santé.
Ces crédits ont été l’occasion d’un énième débat autour de l’aide médicale de l’État, puisque, une nouvelle fois, l’existence et le périmètre de ce dispositif sont remis en cause, ce qui confine pour certains à l’idée fixe.
Rappelons qu’en 2019 le rapport de l’inspection générale des affaires sociales, intitulé L’aide médicale d’État : diagnostic et propositions, indiquait clairement qu’« une réduction du panier de soins de l’AME paraît peu pertinente, y compris dans une perspective de diminution de la dépense publique ».
Le rapport Évin-Stefanini a également confirmé l’utilité de l’AME et indiqué que son abandon au profit d’autres dispositifs imaginés dans cette enceinte aurait pour triple conséquence une dégradation de la santé des personnes concernées, un impact sur la santé publique et une pression accentuée sur des établissements de santé, qui n’ont pas besoin de cela.
L’AME est soumise à des conditions de ressources renforcées année après année. Elle ne couvre par ailleurs qu’un panier de prestations limité.
Seule la moitié des bénéficiaires potentiels ont aujourd’hui recours à l’AME, pour un coût total qui représente seulement 0,37 % des dépenses courantes de santé.
La réduction du périmètre du panier de soins est enfin dénoncée par l’ensemble des médecins, qui alertent sur les conséquences qu’elle pourrait emporter en matière de retard, et partant, d’alourdissement des soins comme du coût de leur prise en charge.
La réduction du panier de soins de l’AME est donc une opération de communication assez malsaine plutôt qu’une véritable option.
Comme si cela ne suffisait pas, la mission « Santé » subit de plus des coupes budgétaires. Selon l’OCDE, en consacrant seulement 1,9 % de ses dépenses de santé à la prévention, la France compte pourtant déjà parmi les pays de l’Union européenne qui y consacrent la part la plus faible de leurs dépenses de santé. Le coût des soins curatifs étant beaucoup plus lourd que celui des soins préventifs, il s’agit d’un non-sens tant sanitaire que financier.
Je souhaite enfin dénoncer la baisse de 1 million d’euros de l’enveloppe allouée aux actions d’information des personnes susceptibles d’avoir été victimes de la Dépakine, de sorte que celles-ci puissent saisir l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam).
En septembre dernier, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré Sanofi responsable d’un défaut d’information relative aux risques neurodéveloppementaux et de malformation liés à l’usage de la Dépakine, produit que ce laboratoire a non seulement commercialisé, mais maintenu en circulation alors qu’il le savait défectueux.
Selon les estimations des autorités sanitaires, cette molécule serait responsable de malformations chez 2 150 à 4 100 enfants, et de troubles neurodéveloppementaux chez 16 000 à 30 000 enfants.
Depuis une dizaine d’années, Sanofi multiplie les recours juridiques, ce qui a conduit l’État à indemniser les victimes à sa place. Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky (CRCE-K) estime qu’il convient de maintenir les crédits alloués à l’information des victimes, car de nombreux malades n’ont pas encore accompli les démarches d’indemnisation.
Nous ne pouvons donc que regretter le détournement du débat sur les crédits de la mission « Santé » au profit d’enjeux politiciens. Ces crédits étant largement insuffisants pour répondre aux besoins de santé publique, mon groupe ne les votera pas. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Anne Souyris. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2025 est placé sous le signe de l’inédit.
Inédit institutionnel d’abord, alors que dans deux jours, l’Assemblée nationale examinera une motion de censure qui entraînera vraisemblablement, pour la deuxième fois sous la Ve République, la chute d’un gouvernement.
Inédit ensuite, car l’avenir du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et du présent projet de loi de finances est plus que jamais incertain, suspendu au vote de cette motion de censure et aux événements qui suivront.
Inédit enfin, car répondant à l’appel du pied de l’extrême droite, la droite républicaine attaque l’aide médicale de l’État.
M. Stéphane Ravier. Bravo !
Mme Anne Souyris. Ah non, au contraire !
Pour obtenir l’assentiment du Rassemblement national et sauver sa place, le Premier ministre a donc annoncé qu’il souhaitait réduire « sensiblement » le panier de soins pris en charge par l’AME. Il y a deux mois, vous aviez pourtant expliqué qu’il n’était pas question de toucher à l’AME, madame la ministre.
Je m’étonne donc de ne pas vous avoir encore entendue réagir aux propos du Premier ministre. L’année dernière, l’un de vos prédécesseurs avait été jusqu’à démissionner lorsque son gouvernement avait fait sauter ce cordon sanitaire.
M. Bernard Jomier. Il avait du courage.
Mme Anne Souyris. Et huit de vos prédécesseurs ont depuis lors appelé à ne pas affaiblir le dispositif de l’AME.
Chers collègues, combien de fois faudra-t-il le rappeler, chiffres à l’appui ? l’aide médicale de l’État ne crée aucun appel d’air. L’AME permet aux étrangers présents sur le territoire de la République d’être soignés. Et encore, cela fonctionne difficilement, car le taux de non-recours est de 40 %, ce qui est un problème. Il s’agit du pilier sanitaire de notre fraternité.
Lorsque l’Assemblée constituante de 1789 a édifié le droit au secours à l’indigent malade, elle n’a pas fait de distinction entre Français et étrangers.
M. Roger Karoutchi. Il n’y avait presque pas d’étrangers !
Mme Anne Souyris. Et depuis que l’aide médicale de l’État existe, aucune dérive n’a été constatée, loin de là. MM. Évin et Stefanini ont montré à quel point l’accès à ce droit était précieux et essentiel en matière de santé publique.
Cette année, sur fond de dérive des comptes publics, vous arguez du bien-fondé d’une diminution du panier de soins de l’AME pour les finances de notre pays. Au contraire, votre proposition fragilisera encore les comptes des hôpitaux. Dois-je vous rappeler le serment d’Hippocrate ? « Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. » Si vous réduisez l’AME, les permanences hospitalières d’accès aux soins continueront d’apporter leur secours aux sans-papiers, quitte à « désobéir » à votre idéologie, comme s’y sont engagés 3 500 médecins signataires d’un appel en ce sens, en novembre dernier.
Que se passerait-il alors pour les hôpitaux ? Leurs comptes enregistreraient un déficit supplémentaire. En 1993, 12 % de leur budget annuel était dû au séjour non financé des patients étrangers sans couverture.
Non, vous n’y pouvez rien. Les médecins continueront de soigner, avec ou sans AME, et je les en remercie. Réduire ou supprimer l’aide médicale de l’État n’aurait pour conséquence que de déshumaniser et de désorganiser encore davantage notre système de soins. Alors que vous appelez à la simplification administrative, vous proposez d’ajouter un contrôle supplémentaire pour l’accès à certaines opérations, comme celle de la cataracte, la pose de prothèses de genou et d’épaule, et d’implants auditifs, ou les interventions sur le canal carpien.
Vous voulez donc que la République restreigne aux étrangers présents sur son territoire le droit de voir, d’entendre et de bouger. C’est une interprétation bien étrange de l’accueil et du soin ; en tout cas, ce n’est certainement pas la nôtre.
Aussi, les élus du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’opposent à votre proposition visant à restreindre l’AME, car elle manque d’humanisme et n’est pas étayée. Ils défendront,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Anne Souyris. … le maintien des budgets des programmes de santé publique de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de la mission « Santé » du PLF constituent, avec ceux du PLFSS, la traduction budgétaire de notre politique globale de santé et d’accès aux soins.
Cette politique, nous la définissons dans le cadre de notre stratégie nationale de santé par trois grands objectifs : poursuivre et amplifier nos politiques de prévention pour améliorer la santé de tous les Français ; garantir un accès aux soins de qualité dans tous les territoires et à tous nos concitoyens ; assurer la sécurité sanitaire pour protéger nos concitoyens contre les différents risques, à l’instar des menaces épidémiologiques. Depuis 2017, les gouvernements successifs ont agi en vue d’atteindre ces objectifs et nous souhaitons poursuivre dans cette voie en accentuant notre action en 2025.
Pour cela, les crédits de la mission « Santé » pour 2025 s’élèvent à 1,64 milliard d’euros. Certes, cela équivaut à une diminution de 40 % en crédits de paiement du budget de la mission par rapport à 2024, mais sans correspondre pour autant à une baisse de nos ambitions.
Cette réduction découle principalement de l’évolution des paiements réalisés au titre du programme 379 « Reversement à la sécurité sociale des recettes de la Facilité pour la Relance et la Résilience (FRR) européenne au titre du volet “Ségur investissement” du plan national de relance et de résilience (PNRR) ». Ce programme budgétaire, temporaire est en forte diminution pour 2025, parce que, d’abord, le PNRR et sa composante Ségur investissement sont en voie d’achèvement et que, ensuite, le dispositif transitoire de compensation pour la branche maladie de la perte de recettes engendrée par la baisse d’un point de cotisation au titre de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) n’a pas été reconduit en 2025.
Le Gouvernement s’est engagé, compte tenu de la situation de nos finances publiques, à déposer des amendements dont vous aurez à débattre dans toutes les missions, afin de diminuer de 5 milliards d’euros les crédits par rapport au PLF initial.
Dans ce cadre, les crédits du programme 379 seront diminués de 40 millions d’euros. Je tiens à préciser que cette baisse ne signifie pas que nous souhaitons arrêter de financer le Ségur investissement. Les remboursements et les paiements à la sécurité sociale au titre de ce programme seront simplement lissés par rapport à la prévision initiale. Nous avons pris cette décision en faisant preuve de responsabilité.
En ce qui concerne le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », les crédits budgétaires s’élèvent à près de 221,7 millions d’euros en crédits de paiement. Cela équivaut à une diminution de 18 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Cette évolution résulte essentiellement de la dynamique tendancielle de la dépense, liée en particulier à l’appel à projets européen RescUE, un dispositif innovant visant à constituer des stocks à l’échelon européen en cas de crise pour se prémunir et agir contre les risques. En effet, un nouvel appel à projets avait été lancé en 2024, pour lequel le besoin était de plus de 40 millions d’euros ; le projet étant dans sa deuxième année en 2025, le besoin est mécaniquement moindre.
Le Gouvernement procédera également, par voie d’amendement et dans un esprit de responsabilité, à une diminution de 10 millions d’euros des crédits du programme 204. Cela constitue le pendant de l’effort réalisé sur le programme 379. Ainsi, par ce double effort, la mission « Santé » contribuera à hauteur de 50 millions d’euros à la réduction supplémentaire de 5 milliards d’euros de la dépense publique.
Je resterai, néanmoins, particulièrement attentive à ce que cet effort ne nous conduise pas à revoir notre ambition à la baisse.
C’est pourquoi le programme 204 servira à financer une action visant à renforcer encore davantage l’efficacité et l’efficience de notre système de santé, tout en poursuivant et en amplifiant nos politiques de prévention.
La prévention est un impératif de santé publique pour répondre aux enjeux démographiques et épidémiologiques auxquels nous sommes confrontés. Aussi, dans le cadre de ce programme, nous orientons nos efforts vers quatre objectifs.
Le premier est de continuer à renforcer la prévention et le repérage à tous les échelons et avec tous les acteurs. Nous veillons à financer pour cela l’Institut national du cancer et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
Notre deuxième objectif est de poursuivre la promotion de la recherche et la mobilisation des connaissances scientifiques. Les appels à projets de recherche en santé publique seront particulièrement ciblés sur la prévention, les services de santé de proximité et la performance des parcours de santé. Nous continuerons de travailler à une meilleure utilisation des bases de données existantes, pour élaborer des programmes et des actions de prévention plus performants. Notre volonté est de sensibiliser différemment les publics en fonction de chacun d’eux et de porter des messages adaptés afin d’améliorer les actions de prévention.
Je le répète, la prévention est un pan majeur de la politique que nous devons mettre en œuvre et j’ai bien entendu les propos que vous avez tenus sur ce sujet : les actions de prévention ne sont pas assez individualisées et, surtout, les budgets qui y sont consacrés dans le PLFSS et dans le PLF ne sont pas assez importants. Dans les mois et les années à venir, nous devrons faire de la prévention un pilier budgétaire plus lisible et, surtout, mieux construit.
Notre troisième objectif est, bien évidemment, de renforcer nos actions ciblées sur l’anticipation des risques, la prévention et la lutte contre les vecteurs de maladie pour améliorer notre gestion des crises sanitaires et des situations d’urgence. Nous adapterons, en effet, des doctrines sanitaires de préparation et d’intervention, nous renforcerons la formation des agents et nous prioriserons la réalisation d’exercices de crise. Nous accorderons aussi une attention particulière au développement des systèmes d’information de veille et de sécurité sanitaire, et à leur maintenance en conditions opérationnelles. C’est une condition majeure pour pouvoir adapter nos réponses le plus rapidement possible en cas de crise sanitaire.
Notre quatrième et dernier objectif sera de poursuivre la démarche de territorialisation de l’organisation des soins et des parcours pour moderniser notre offre de soins. Nous porterons assurément une attention particulière aux territoires d’outre-mer et à l’agence de santé de Wallis-et-Futuna, qui bénéficie des crédits issus du Ségur de la Santé.
L’ensemble des actions conduites au sein du programme 204 s’inscrit dans le prolongement et en complémentarité de celles qui ont été déclinées au sein du PLFSS.
Enfin le programme 183 « Protection maladie » permet d’assurer la protection face à la maladie dans des situations relevant de la solidarité nationale. Ses crédits, qui financent essentiellement l’AME, s’élèvent à près de 1,3 milliard d’euros en crédits de paiement. Comme je l’ai dit, et je le répète devant vous, l’AME a une utilité sanitaire réelle. Sa suppression aggraverait encore davantage la pression sur les services d’urgence et, à plus long terme, entraînerait une hausse de la dépense en soins relevant d’une détérioration de l’état de santé des patients.
L’aide médicale de l’État répond à des objectifs de santé et de salubrité publiques et permet de limiter la propagation de certaines maladies. MM. Évin et Stefanini l’ont souligné dans leur rapport : l’AME est un dispositif de santé publique qui doit continuer de vivre mais qui peut encore être adapté, comme il l’a été à plusieurs reprises. M. le Premier ministre s’y est engagé et je m’y engage également, nous continuerons de faire évoluer et d’améliorer ce dispositif, en nous appuyant sur ce rapport.
Le Premier ministre a indiqué qu’il devait y avoir une maîtrise des dépenses de l’AME, comme de toutes les autres dépenses publiques. Nous devons donc tendre vers cela et, dans un contexte qui impose un effort collectif, l’AME ne fera pas exception.
J’entends bien qu’il s’agit d’un totem politique (Mme Véronique Guillotin hoche la tête en signe d’assentiment.) plus que d’une action concrète que nous déciderions de mettre en œuvre de façon concertée et, surtout, en considérant qu’elle est utile pour l’état sanitaire de notre pays, mais, je vous en conjure, faisons preuve de bon sens, prévoyons les budgets suffisants pour répondre aux besoins sanitaires. C’est ainsi que nous serons utiles non seulement aux personnes qui bénéficient de l’AME, mais aussi à l’ensemble des Français. Je vous invite donc à faire preuve de responsabilité.
Nous continuerons, bien sûr, nos efforts en matière de contrôle lors de l’attribution des droits et aussi a posteriori, afin d’améliorer l’efficacité de notre politique de lutte contre la fraude.
Je viens de vous le démontrer, la mission « Santé » porte l’ambition de développer la prévention, de poursuivre l’action engagée en matière de sécurité sanitaire, et d’organiser une offre de soins de qualité pour tous et partout.
Je serai attentive aux débats qui interviendront dans le cadre de l’examen des amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes UC et du RDSE.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à deux heures et quarante-cinq minutes.
En conséquence, nous devrons terminer l’examen de cette mission aux alentours de dix-sept heures cinquante-cinq avant de passer à celui de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Santé », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Santé |
1 651 091 790 |
1 643 321 770 |
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins |
229 499 664 |
221 729 644 |
dont titre 2 |
700 000 |
700 000 |
Protection maladie |
1 327 592 126 |
1 327 592 126 |
Reversement à la sécurité sociale des recettes de la Facilité pour la Relance et la Résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR) |
94 000 000 |
94 000 000 |
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-36 est présenté par M. Delahaye, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-249 est présenté par Mme Lassarade, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins dont titre 2 |
|
|
|
|
Protection maladie |
|
200 000 000 |
|
200 000 000 |
Reversement à la sécurité sociale des recettes de la Facilité pour la Relance et la Résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR) |
|
|
|
|
TOTAL |
|
200 000 000 |
|
200 000 000 |
SOLDE |
-200 000 000 |
-200 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-36.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Nous attaquons le débat en examinant un amendement dont l’objet porte sur l’aide médicale de l’État. Nous commençons par la fin, si j’ose dire, parce que cet amendement vise à tirer les conséquences d’amendements de fond portant article additionnel qui seront examinés plus tard et dont l’objet est de prendre en considération les conclusions du rapport Évin-Stefanini.
Dans la mesure où il n’est pas question dans ce rapport de supprimer l’aide médicale de l’État, ce n’est pas non plus ce que je proposerai au travers de cet amendement. En revanche, les auteurs du rapport préconisent de revoir certaines règles, notamment l’accord préalable de l’assurance maladie pour les cas non urgents ainsi que le panier de soins non urgents.
Il est vrai que l’amendement que nous examinons, si nous le considérons indépendamment de ceux dont nous discuterons ultérieurement, pourrait passer pour un amendement de nature purement budgétaire, visant une économie de 200 millions d’euros.
Je rappelle que, dans le budget qui nous est soumis, les crédits de l’AME connaissent une hausse de 9,2 %. Or il n’y a pas de raison de ne faire aucun effort pour rationaliser ces dépenses. Elles sont certes nécessaires pour préserver la santé publique, mais elles doivent être regardées de près et nous gagnerions à mettre en œuvre les préconisations du rapport. La ministre vient d’ailleurs de rappeler que le Gouvernement s’était engagé à améliorer le dispositif de l’AME.
Tel est aussi l’objet de cet amendement de diminution des crédits de 200 millions d’euros. Si nous choisissons de ne rien changer et d’en rester à ce qui était prévu initialement, cela ne fera qu’accroître la dette de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale. Nous pouvons faire une économie de 200 millions d’euros en modifiant sur le fond un certain nombre de règles.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour présenter l’amendement n° II-249.
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. Mon collègue a parfaitement défendu cet amendement, qui vise à tirer les conséquences budgétaires de l’extension de l’obligation d’accord préalable de l’assurance maladie et de la révision du panier de soins non urgents.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, nous aurions pu être favorables à certains amendements minorant les crédits de 108 millions d’euros, ce qui aurait ramené le budget de l’AME à son niveau de 2024, mais les débats n’ont pu avoir lieu.
Encore une fois, le budget de l’AME doit participer, comme tous les autres, à l’effort national de rationalisation des dépenses. Le Premier ministre s’est engagé à améliorer le dispositif de prise en charge des bénéficiaires et le rapport Évin-Stefanini ouvre des pistes pour cela. Nous mettrons en œuvre ces propositions, le plus rapidement possible. Nous avons déjà commencé à y travailler avec le ministre de l’intérieur et les services du Premier ministre, de manière à préserver une certaine cohérence. En effet, même si nous diminuons les crédits, il faut que nous puissions tenir notre engagement. Notre travail doit être efficace sans pour autant perdre de vue les besoins sanitaires de notre pays. J’y serai, quant à moi, toujours très attentive.
Avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Je reprendrai vos propres propos, madame la ministre : vous vous êtes déclarée opposée à la suppression de l’AME et vous avez même dit qu’il s’agissait d’un totem politique. En effet, c’est le cas !
Le Premier ministre a répondu, aujourd’hui ou hier, à l’exigence du Rassemblement national et de Mme Le Pen, qui demandaient une réduction des crédits de l’AME non pas de 100 millions d’euros, mais de 200 millions d’euros. Et il a accepté cette exigence !
Madame la ministre, n’est-ce pas contradictoire avec vos propos, auxquels nous pourrions d’ailleurs tout à fait souscrire, quand vous défendez l’intérêt de l’AME et de l’accompagnement de ceux qui ont besoin de soins lorsqu’ils sont dans notre pays ? Vous refusez qu’on y touche, mais supprimez 200 millions d’euros de crédits. La diminution de la prise en charge affectera les services publics de santé, notamment les hôpitaux.
Je veux dénoncer la contradiction qui caractérise vos propos, qui évoluent d’un jour à l’autre. Je le dis solennellement : cela démontre le mépris total du Gouvernement à l’égard du Parlement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, puisqu’il y a eu un rapport, vous devez certainement savoir que depuis 2019 l’augmentation du budget de l’AME est corrélée à l’augmentation du public suivi, notamment du nombre de mineurs non accompagnés (MNA). Vous voulez geler la ligne budgétaire quand la population concernée augmente : en réalité, c’est déjà une baisse de crédits !
À l’appui de cette réduction budgétaire, vous proposez l’accord préalable de l’assurance maladie. Vous savez très bien que cela ne suffira pas ; cela ne fera qu’ajouter du travail administratif pour l’assurance maladie. En réalité, cette réduction ne sera possible que si vous diminuez de manière draconienne le panier de soins, c’est-à-dire si vous augmentez le périmètre des actes exclus du dispositif. Comme vous le ferez par décret, c’est-à-dire par voie réglementaire, nous allons voter à l’aveugle une baisse des crédits de 200 millions d’euros et la réduction du panier de soins se fera sans autre rationalité…
Vous répondez ainsi à une injonction de l’extrême droite, en vous réclamant de ce que vous appelez l’« acceptabilité sociale » et le Sénat, lui, devait répondre à une injonction du Gouvernement, qui nous demandait de geler cette action. La majorité sénatoriale, en bonne élève, accepte cette réponse de la droite à l’extrême droite et propose même d’aller au-delà ! J’espère que vous conviendrez, madame la ministre, que le Sénat est le partenaire du Gouvernement…
D’autres propositions figurent pourtant dans ce rapport mais dont vous ne tenez pas compte. Elles portaient notamment sur la mise en place d’un examen médical afin de définir, pour chaque MNA, des objectifs de santé publique.
Nous ne pouvons que nous opposer à cette baisse des crédits. D’autant que…
Mme la présidente. Il faut conclure.
Mme Raymonde Poncet Monge. … le taux de non-recours est de 40 %.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.