M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.

article 3

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - État A

Rédiger ainsi les évaluations de recettes :

I. BUDGET GÉNÉRAL

(En euros)

N° de ligne

Intitulé de la recette

Évaluation pour 2024

 

1. Recettes fiscales

-900 000 000

 

1. Impôt net sur le revenu

+100 000 000

1101-Net 

Impôt net sur le revenu

majorer de

+100 000 000

 

6. Taxe sur la valeur ajoutée nette

-1 400 000 000

1601-Net 

Taxe sur la valeur ajoutée nette

minorer de

-1 400 000 000

 

7. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes

+400 000 000

1705 

Mutations à titre gratuit entre vifs (donations)

majorer de

+200 000 000

1706 

Mutations à titre gratuit par décès

majorer de

+200 000 000

RÉCAPITULATION DES RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL

(En euros)

N° de ligne

Intitulé de la recette

Évaluation pour 2024

1. Recettes fiscales

-900 000 000

Impôt net sur le revenu

majorer de

+100 000 000

Taxe sur la valeur ajoutée nette

minorer de

-1 400 000 000

Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes

majorer de

+400 000 000

Total des recettes fiscales et non fiscales (I)

minorer de

-900 000 000

Total des recettes (I), nettes des prélèvements

minorer de

-900 000 000

 

II. – Alinéa 2, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(en millions deuros*)

Ressources (1), dont fonctionnement (2) dont investissement (3)

Charges (1), dont fonctionnement (2) dont investissement (3)

Solde

1

2

3

1

2

3

Budget général

Recettes fiscales** / dépenses***

-25 226

-25 226

0

-1 898

-1 879

-19

Recettes non fiscales

+1 009

-763

+1 772

0

0

Recettes totales / dépenses totales

-24 217

-25 989

+1 772

-1 898

-1 879

-19

À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de lUnion européenne

+670

+670

Montants nets pour le budget général

-24 887

-26 659

+1 772

-1 898

-1 879

-19

-22 989

Évaluation des fonds de concours et des attributions de produits

0

0

0

0

0

0

Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours

-24 887

-26 659

+1 772

-1 898

-1 879

-19

Budgets annexes

Contrôle et exploitation aériens

+40

+40

+0

-36

-30

-6

+76

Publications officielles et information administrative

+9

+9

+0

-1

-1

0

+10

Totaux pour les budgets annexes

+49

+49

0

-38

-31

-6

+86

Évaluation des fonds de concours et des attributions de produits :

- Contrôle et exploitation aériens

0

0

0

0

- Publications officielles et information administrative

0

0

0

0

Totaux pour les budgets annexes y compris fonds de concours

+49

+49

0

-38

-31

-6

Comptes spéciaux

Comptes d’affectation spéciale

-2 390

-455

-1 936

+94

+134

-41

-2 484

Comptes de concours financiers

+1 541

0

+1 541

-1 784

0

-1 784

+3 326

Comptes de commerce (solde)

+162

Comptes d’opérations monétaires (solde)

0

Solde pour les comptes spéciaux

+1 003

Solde général

-21 900

* Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au million deuros le plus proche ; il résulte de lapplication de ce principe que le montant arrondi des totaux et sous-totaux peut ne pas être égal à la somme des montants arrondis entrant dans son calcul.

** Recettes fiscales brutes, minorées des remboursements et dégrèvements dimpôts dÉtat (cf. état B, mission « Remboursements et dégrèvements », programme 200).

*** Dépenses budgétaires brutes, minorées des remboursements et dégrèvements dimpôts dÉtat (cf. état B, mission « Remboursements et dégrèvements », programme 200).

 

III. – Alinéa 5, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(En milliards deuros)

Besoin de financement

Amortissement de la dette à moyen et long termes

155,1

Dont remboursement du nominal à valeur faciale

151,1

Dont suppléments d’indexation versés à l’échéance (titres indexés)

4,0

Amortissement de la dette reprise de SNCF Réseau

2,7

Amortissement des autres dettes reprises

0,0

Déficit à financer

162,4

Autres besoins de trésorerie

-3,7

Total

316,5

Ressources de financement

Émission de dette à moyen et long termes nettes des rachats

285,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

6,5

Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme

34,9

Variation des dépôts des correspondants

-3,0

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État

0,0

Autres ressources de trésorerie

-7,1

Total

316,5

 

La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cet amendement vise à actualiser l’article d’équilibre en tenant compte par anticipation de ce qui a été voté à l’issue de la CMP.

Ainsi, l’adoption de l’amendement visant à soutenir les agriculteurs dans la lutte contre le mildiou a pour effet de rétablir les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », alors qu’ils avaient été minorés pour gage à hauteur de 20 milliards d’euros.

Notre amendement vise également à actualiser les recettes de l’État, en fonction des dernières remontées comptables disponibles que je viens de vous présenter.

En conséquence, nous proposons d’augmenter les crédits du budget général au total de 20 millions d’euros, de minorer les recettes nettes de TVA à hauteur de 1,4 milliard d’euros, de majorer les autres recettes fiscales à hauteur de 400 millions d’euros et, enfin, de majorer les recettes nettes de l’impôt sur le revenu à hauteur de 100 millions d’euros. Le solde négatif du déficit à financer qui figure dans le tableau de financement de l’État devra donc être rehaussé à 162,4 milliards d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, dans cet amendement, vous précisez que le déficit à financer s’élève à 162,4 milliards d’euros. Vous venez également de nous expliquer que l’écart avec la loi de finances initiale était de 21,9 milliards d’euros. C’est un chiffre extrêmement important, qui nous confirme que, pour la dernière fois avant le vote de la motion de censure, nous débattons de politiques budgétaires qui reposent entièrement sur de la « godille » financière insincère, pour reprendre une expression que j’ai déjà utilisée.

Tous les discours sur la dette ont été faussés. Les prévisions annoncées par le Gouvernement étaient erronées – à vous de décider si c’était volontaire ou pas. Depuis un an, le Parlement n’a cessé d’être contourné, d’abord par le recours répété au 49.3, ensuite par la surdité dont le Gouvernement a fait preuve quand la commission des finances l’a alerté sur la situation – je pensais que le rapporteur général en parlerait – et, enfin, par le refus de tout budget rectificatif.

Et, ce qui est encore plus grave, Emmanuel Macron a fait semblant de ne pas voir que les Français voulaient du changement dans les politiques budgétaires. En effet, tous ces budgets sont récessifs, alors que la crise est bel et bien là, dans la délocalisation des entreprises ou dans le porte-monnaie des Français qui n’arrivent plus à passer le 15 du mois. Cette crise, deux hommes en portent la responsabilité, et il existe une hiérarchie dans cette responsabilité : le Président de la République et le chef du Gouvernement, qui est encore à ce jour Michel Barnier.

Nous voterons contre cet amendement. (M. Guy Benarroche applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 3, modifié, est réservé.

article 4

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+ (majorer l’ouverture de)

- (minorer l’ouverture de)

+ (majorer l’ouverture de)

- (minorer l’ouverture de)

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

 

 

 

 

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

dont titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

4 977 359

 

4 977 359

 

dont titre 2

4 977 359

4 977 359

Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

15 022 641

 

15 022 641

 

TOTAUX

20 000 000

 

20 000 000

 

SOLDE

+20 000 000

+20 000 000

 

La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cet amendement de nature technique vise à lever le gage qui pèse sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », pour les augmenter de 20 milliards d’euros, afin que les agriculteurs bénéficient d’un soutien renforcé dans la lutte contre le mildiou.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 4, modifié, est réservé.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements précédemment adoptés par le Sénat, je vais donner la parole, pour explications de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Ghislaine Senée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans quelques heures, l’Assemblée nationale renversera très vraisemblablement le Gouvernement par une motion de censure, pour la première fois depuis soixante ans. La crise politique dans laquelle nous sommes résulte, d’une part, du refus du Président de la République d’accepter le résultat des élections législatives de juillet dernier, d’autre part, de l’incapacité du Gouvernement à trouver des compromis avec d’autres forces politiques que l’extrême droite.

Le Sénat – un havre de stabilité – examine les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue, hier matin, sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024. Ce texte, le deuxième du genre, prévoit quelques ajustements.

Compte tenu du contexte dans lequel les débats se tiennent, il a semblé aux deux chambres qu’il était sans doute nécessaire de rendre la CMP conclusive et de valider ce projet de loi de finances de fin de gestion, dont l’objectif est de débloquer les derniers financements pour cette année 2024 avant que la tempête ne s’abatte sur le Gouvernement et ne vienne frapper les textes budgétaires en cours d’examen.

Toutefois, en tant qu’élus d’un groupe d’opposition, nous avons le devoir de rappeler qui porte la responsabilité de cette situation catastrophique. Pendant sept ans, Emmanuel Macron et Bruno Le Maire ont fait preuve chaque année d’une grande créativité pour retirer des recettes fiscales à l’État et affaiblir ses moyens d’agir. Le résultat est sans appel : la puissance publique est de moins en moins puissante, les services publics sont au bord de l’implosion, le montant de la dette nationale a bondi de 1 000 milliards d’euros et notre déficit atteint un niveau record à 6,1 % du PIB.

Nous payons très cher aujourd’hui les dépenses fiscales imposées sans concertation par les gouvernements successifs, sans compensation, et dont l’on sait aujourd’hui qu’elles représentent entre 60 milliards et 100 milliards d’euros par an.

Depuis le début de cette année 2024, le décrochage des recettes a été tel que, tous les trois mois, il a fallu annoncer des coupes nouvelles dans le budget : il y a eu d’abord des annulations de crédits par décret, puis des gels et des surgels de crédits, et enfin ce projet de loi de finances de fin de gestion.

Un autre chemin était pourtant possible. À gauche, nous défendions, en responsabilité, l’idée d’un projet de loi de finances rectificative où figureraient des propositions sur le volet des dépenses comme sur celui des recettes, en se fixant pour objectifs de rétablir d’abord la justice fiscale dans notre pays, de redonner ensuite les moyens d’agir à l’État, de restaurer nos services publics, de répondre aux défis immenses du changement climatique et, enfin, de contenir le déficit public, dans une période où les taux d’intérêt élevés accroissent mécaniquement la charge de notre dette, donc notre capacité à investir demain. Mais il n’en fut rien !

Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous avez essayé de nous faire croire pendant son examen, ce PLFG n’est pas simplement technique et ne vise pas seulement à apporter des ajustements courants de fin d’année. Il vient surtout confirmer notre analyse.

Tout d’abord, la méthode qui consiste à ignorer les recettes comme levier d’action pour redresser les finances publiques et à se positionner uniquement sur les dépenses ne permet pas de stopper la dynamique du déficit. Non seulement cela ne suffit pas, mais cela a de lourdes conséquences pour celles et ceux qui souffrent déjà le plus, alors que ceux qui possèdent beaucoup sont épargnés.

Ensuite, rien n’a été anticipé. Vous nous en donnez une parfaite illustration, en venant nous expliquer qu’il faut absolument voter ce PLFG pour débloquer le versement des traitements des fonctionnaires. Tout permettait d’anticiper les besoins accrus qu’il y aurait pour la tenue des jeux Olympiques. Tout laissait à penser que la gestion du processus de décolonisation de Kanaky-Nouvelle-Calédonie ne se ferait pas sans heurts.

Quant aux collectivités, elles se retrouvent à devoir payer l’addition des décisions gouvernementales, encore une fois non financées. Ainsi, cette année, la revalorisation sur l’inflation du revenu de solidarité active (RSA) n’a pas été financée, non plus que l’extension du Ségur de la santé aux professionnels du secteur sanitaire, social et médico-social, décidée pendant la campagne des législatives anticipées, sans concertation avec les départements censés financer la mesure. L’ardoise pour les départements atteint 515 millions d’euros soit plus d’un demi-milliard.

On nous a dit que le PLFG n’était pas le bon véhicule législatif pour compenser les coûts pour les départements et que nous pourrions en débattre dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Le débat a eu lieu ce week-end et comme nous pouvions l’imaginer, il n’en fut rien.

Pour les écologistes, un tel jeu de transfert de dette du budget de l’État vers celui des collectivités est, d’une part, irrationnel puisque le déficit public, tel que le définit le traité de Maastricht, inclut la dette des collectivités ; d’autre part, il entrave un peu plus leur capacité à proposer des services publics de proximité et à investir pour l’avenir.

Néanmoins, le texte prévoit en effet quelques évolutions, dont 20 millions d’euros pour les viticulteurs et 70 millions d’euros pour l’entretien des routes. Il faudrait sans doute mieux anticiper à l’avenir et s’interroger, lorsque l’on décide de créer de nouvelles voiries, sur les conséquences financières de ce choix. En matière de recettes, le texte prévoit le remboursement anticipé de 1,7 milliard d’euros par la Grèce. En cette année où nous voyons notre déficit public exploser, c’est tout de même une belle leçon que l’on nous donne !

Pour conclure, je rappelle que, l’an dernier, sur ce même texte, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’était abstenu. Cette année, face à l’entêtement du Gouvernement à maintenir un cap mortifère, face à son refus de présenter un projet de loi de finances rectificative (PLFR) et face à l’insincérité budgétaire, nous voterons contre ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K. – M. Thierry Cozic applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la gestion des finances publiques mérite rigueur, responsabilité et vision à long terme. Or dans le cadre de la mission d’information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, le constat est sans appel : le Gouvernement a failli.

Comme l’ont parfaitement souligné le président de la commission des finances et le rapporteur général, le Gouvernement aurait pu, et surtout aurait dû, présenter à la représentation nationale un projet de loi de finances rectificative dès le premier semestre de 2024. Mais il a choisi la fuite en avant, préférant l’inaction à la responsabilité, au mépris des avertissements pourtant limpides sur la dégradation des comptes publics, connue dès décembre 2023 et confirmée rapidement par les faits.

Le déficit budgétaire de l’État atteint aujourd’hui 163,2 milliards d’euros, soit une dégradation de 16,3 milliards d’euros par rapport aux prévisions initiales. Les recettes fiscales nettes, tombées à 324,1 milliards d’euros, enregistrent une chute de 24,3 milliards d’euros. Ces chiffres ne sont pas de simples statistiques : ils sont le signe accablant d’un Gouvernement qui a renoncé à toute ambition fiscale et budgétaire cohérente.

Il est nécessaire de rappeler une évidence économique que le Gouvernement semble ignorer : ce n’est pas en diminuant les taux d’imposition ou en supprimant certains impôts que les recettes fiscales vont miraculeusement augmenter. Le ruissellement n’existe pas.

Cette situation n’est pas qu’un échec technique. Elle est aussi la conséquence d’une politique que caractérise un mépris systématique pour les propositions des parlementaires de gauche comme de droite.

Un PLFR aurait permis non seulement de réajuster les prévisions budgétaires, mais aussi de mettre en œuvre des mesures adaptées pour corriger la trajectoire. Le décret d’annulation de crédits du 21 février dernier n’était évidemment pas la réponse adaptée.

Les gels et dégels de crédits plongent les opérateurs publics, les collectivités et les associations dans une incertitude insoutenable. Comment planifier une politique éducative, sociale ou environnementale, quand les financements arrivent au compte-goutte, dans des proportions aléatoires ?

La dérive ne s’arrête pas là. La dissolution précipitée de l’Assemblée nationale par le Président de la République, motivée par des calculs politiciens après un échec électoral cuisant, aura des conséquences gravissimes.

La banque Goldman Sachs estime que cette décision à elle seule entraînerait une hausse de l’endettement d’environ dix points de PIB, majorant ainsi la charge d’intérêts de près de 10 milliards d’euros chaque année. Reconnaissons-le, nous aurions pu nous en passer.

Ce projet de loi de finances de fin de gestion nous offre simplement l’occasion de constater une nouvelle fois cette dérive budgétaire.

Lors de la première lecture, notre chambre avait tenté de corriger certaines lacunes de ce texte. Rares sont les propositions qui ont survécu aux compromis proposés et validés par la CMP, qui ont toutefois le mérite d’être des compromis, au rebours, monsieur le ministre, de la méthode que vous avez employée lors la seconde délibération du PLF.

Sans nier l’importance de ce texte, qui permet, en fin d’année, de régler des questions essentielles d’ordre financier, je déplore le rejet systématique par le Gouvernement ou la majorité sénatoriale des amendements défendus par les socialistes, qui visaient à soutenir financièrement les départements et les régions, ces collectivités qui constituent pourtant le socle de l’action publique dans notre pays.

Comment justifier que les collectivités locales, qui sont en première ligne pour répondre aux besoins des citoyens, soient jugées responsables de la dégradation des comptes publics ? Nous ne pouvons cautionner cette dérive.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, comme en première lecture, le groupe socialiste ne votera pas ce projet de loi de finances de fin de gestion. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Premier ministre l’a dit : notre pays s’apprête à entrer en terra incognita.

Alors que les dés de la censure semblent déjà jetés, la fièvre de la sédition hypothèque l’avenir de la Nation. (M. Thomas Dossus fait un signe de dénégation. – M. Éric Kerrouche sesclaffe.) La gauche révolutionnaire et la droite lepéniste ont décidé d’unir leurs voix pour renverser le Gouvernement.

À l’extrême gauche, rien de nouveau sous le soleil noir.

M. Pascal Savoldelli. Cela n’existe pas !

Mme Vanina Paoli-Gagin. La Nupes, devenue le Nouveau Front populaire, nous a habitués à déposer frénétiquement motion de censure sur motion de censure.

À l’extrême droite, en revanche, les cravates sont tombées et, avec elles, la stratégie de la respectabilité. Les populistes montrent désormais leur vrai visage : ils misent sur le chaos.

Marine Le Pen a monnayé le vote de ses troupes en multipliant les exigences budgétaires. Le Premier ministre a tendu la main à tous les groupes (M. Pascal Savoldelli sexclame.) et leur a fait des concessions qui auraient dû leur convenir – je pense notamment à la surtaxe sur l’électricité, à l’aide médicale de l’État ou au déremboursement des médicaments. Mais rien n’y a fait !

Au bout du bout, le Rassemblement national a déclaré qu’il votera la censure. Personne n’est plus dupe : les populistes ne cherchent pas à préserver le pouvoir d’achat des Français, mais simplement à sanctionner l’exécutif.

Car renverser le Gouvernement aujourd’hui, ce n’est certainement pas préserver le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

M. Emmanuel Capus. Ça, c’est sûr !

Mme Vanina Paoli-Gagin. D’abord, parce que la reconduction des mesures fiscales actuellement en vigueur pénaliserait surtout nos entreprises et nos concitoyens, notamment les classes moyennes.

Ensuite, parce que l’instabilité politique bride sévèrement la consommation et l’investissement, de même qu’elle inquiète d’ores et déjà – on peut le constater – les marchés financiers.

Enfin, parce que le dérapage financier qui résulterait de la censure du Gouvernement, en raison à la fois de la reconduction d’un budget extrêmement dépensier et de l’aggravation de la situation économique, risquerait de précipiter le pays dans une crise sociale et politique dont nous ne mesurons absolument pas la gravité.

Nous venons d’examiner un amendement du Gouvernement visant à actualiser les recettes fiscales pour le dernier trimestre 2024. Les bonnes nouvelles concernant les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) et l’impôt sur le revenu sont très loin de compenser la mauvaise nouvelle relative aux recettes de TVA.

Ces ajustements significatifs nous rappellent, si besoin en était, que les agents économiques réagissent à nos décisions. Nous pouvons voter autant d’impôts que nous le voulons, les Français, eux, consomment moins pour épargner plus. Quant aux entreprises, elles ne votent pas leur chiffre d’affaires… Le réel, mes chers collègues, ne se décrète pas, il s’impose à nous !

Au nom du groupe Les Indépendants, je veux exprimer, en cet instant, la profonde inquiétude de mes collègues vis-à-vis de l’avenir.

Puisqu’il faut bien sauver les meubles, nous nous réjouirons dans l’hypothèse où le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 serait adopté : il le sera dans un instant par le Sénat, et j’espère qu’il le sera tout à l’heure, juste avant l’examen des motions de censure, par l’Assemblée nationale.

Comme cela a été dit, ce texte est loin d’être anecdotique. Il prévoit l’ouverture de crédits pour reconstruire tout ce que les émeutes ont détruit en Nouvelle-Calédonie. Il autorise le Gouvernement à payer les primes des agents qui ont sécurisé les jeux Olympiques et Paralympiques. Cet événement a fait notre fierté : il faut maintenant payer la note.

Surtout, ce texte ouvre des crédits pour nos forces armées. Mes chers collègues, ne soyons pas aveugles à tous les signaux faibles qui nous sont adressés par nos partenaires européens. Je ne parle pas seulement de la Finlande ou de l’Estonie, qui partagent une frontière avec la Russie, mais aussi de l’Allemagne, qui prépare sa population à l’éventualité d’un conflit armé.

Il est impératif de respecter la trajectoire tracée par la loi de programmation militaire. Il est donc essentiel de voter les crédits figurant dans ce projet de loi. Soyons lucides : la sécurité nationale se joue aujourd’hui sur le sol européen, chez nos amis ukrainiens, mais elle pourrait se jouer demain sur le territoire de l’Union européenne.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe votera bien évidemment ce texte. J’espère très sincèrement que tous les groupes, ici, feront de même, non pas par soutien au Gouvernement, mais par respect pour nos fonctionnaires et nos militaires. Je continue également d’espérer qu’une partie de la gauche à l’Assemblée nationale refusera de se joindre à l’équipe des ingénieurs du chaos. Il n’est jamais trop tard pour prendre une bonne décision.

En ce jour de la Sainte-Barbe, je tiens enfin à rendre hommage à nos soldats du feu, qui sont l’exact contraire de ceux qui jouent aux pompiers pyromanes à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Somon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, jamais nous n’aurons examiné un texte budgétaire dans un tel contexte politique et institutionnel.

Nous sommes à quelques heures d’une possible censure du Gouvernement. D’ici là, à quinze heures, la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi de finances de fin de gestion aura lieu à l’Assemblée nationale. Il pourrait donc s’agir du dernier texte du gouvernement actuel adopté par le Parlement.

Notre groupe en appelle à la responsabilité des députés, au-delà du socle commun.

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. Laurent Somon. Il serait en effet très préjudiciable que ce texte ne puisse pas être voté avant la fin de l’année. Je rappelle qu’il prévoit des mesures très importantes et attendues par nos compatriotes et nos fonctionnaires.

Pour ne citer que cet exemple, 500 millions d’euros de crédits sont prévus pour payer les heures supplémentaires et la prime de mobilisation des policiers et gendarmes ayant travaillé pendant les jeux Olympiques et Paralympiques.

Si le Rassemblement national vote contre le texte cet après-midi, Mme Le Pen devra expliquer aux membres des forces de l’ordre mobilisées pendant tout l’été que le versement de cet argent, qu’ils attendent pour Noël, pourrait être reporté sine die

Il en est de même pour la crise extrêmement grave que traversent nos compatriotes en Nouvelle-Calédonie : 200 millions d’euros sont prévus pour le soutien financier à diverses structures néo-calédoniennes et pour le prolongement du dispositif de chômage partiel.

Les émeutes ont provoqué la fermeture ou la faillite d’un grand nombre d’entreprises. 6 000 emplois ont été perdus et 29 % des salariés du privé sont désormais au chômage partiel, ce qui représente plus de 16 000 salariés et plus de 1 000 entreprises. En temps normal, les revenus du travail représentent en moyenne 80 % du revenu disponible des ménages calédoniens. Leur baisse étant compensée par l’indemnisation du chômage, il est primordial que le chômage partiel puisse être financé.

Si le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 est rejeté cet après-midi, M. Mélenchon et Mme Le Pen devront tous les deux, après avoir effectué un vol sur Aircalin, expliquer aux Néo-Calédoniens en situation de chômage partiel qu’ils ne percevront plus leurs indemnités, sachant que, sur le Caillou, les ménages les plus modestes consacrent 28 % de leur budget à l’alimentation.

De même, ce texte prévoit 200 millions d’euros pour l’aide aux adultes handicapés, 100 millions d’euros pour les bourses sur critères sociaux et consacre 5 millions d’euros pour soutenir les agriculteurs dans leur lutte contre le mildiou. Là encore, M. Mélenchon et Mme Le Pen devront expliquer aux personnes souffrant d’un handicap, aux étudiants boursiers et aux agriculteurs désespérés pourquoi ils ne percevront pas d’aide financière.

Des crédits sont également prévus pour financer les Opex et le soutien à l’Ukraine : ils sont nécessaires pour que ce pays, agressé et meurtri, puisse ouvrir des négociations dans des conditions équitables. Nous voyons bien l’importance et l’urgence de voter ce texte !

Au Sénat, nous avons également voté une enveloppe de 70 millions d’euros à répartir entre les collectivités territoriales gérant des réseaux routiers, en fonction notamment de la longueur de voirie à entretenir. La commission mixte paritaire a retenu ce dispositif, ce dont nous nous félicitons.

Cette mesure supplée une série de dispositions adoptées, sur l’initiative du Sénat, dans le collectif budgétaire de 2022 et la loi de finances de fin de gestion pour 2023, qui prévoyaient l’ouverture de crédits pour l’entretien de la voirie locale. Ces crédits avaient finalement été gelés ou détournés de leur objet initial par le précédent gouvernement. Nous espérons que les crédits votés cette année soient utilisés conformément à notre intention.

Notons, par ailleurs, que le présent projet de loi prévoit le remboursement anticipé par la Grèce de 1,7 milliard d’euros. Alors que la censure à venir du Gouvernement pourrait plonger notre pays dans une crise financière, la Grèce, elle, a fourni les efforts de redressement nécessaires : de 2020 à 2024, son déficit public diminuera de 9,6 % à 0,9 %, tandis que celui de la France ne baissera que de 9 % à 6,1 %.

Enfin, et surtout, ce projet de loi de finances de fin de gestion prévoit l’annulation de 5,6 milliards d’euros de crédits sur les 16 milliards d’euros qui avaient été gelés, s’ajoutant ainsi aux 10 milliards d’euros de crédits annulés par décret en février dernier. Ces annulations sont indispensables si nous voulons tenir notre trajectoire financière, qui prévoit un déficit de 6,1 % du PIB en 2024 et de 5 % en 2025.

Pour toutes ces raisons, par esprit de responsabilité, mais aussi par nécessité, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce projet de loi de finances de fin de gestion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Bruno Belin se lève pour applaudir.)