M. Joshua Hochart. Au centre ! (Sourires.)

M. François Bayrou, Premier ministre. Je vois que vous siégez au sein des non-inscrits. J’ai moi-même siégé en tant que non-inscrit pendant suffisamment d’années pour défendre le caractère non condamnable de cette position.

Mmes Cécile Cukierman et Marie-Pierre de La Gontrie. C’est l’extrême droite !

M. François Bayrou, Premier ministre. Je raconte souvent que François Mitterrand, de même qu’Aimé Césaire, ont été non-inscrits. Aussi suis-je assez fier de l’avoir été aussi. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Mickaël Vallet. On est loin d’Aimé Césaire !

M. François Bayrou, Premier ministre. Au fond, vous avez dit quelque chose d’essentiel sur le projet de loi de finances en déclarant que ce budget n’était pas le nôtre. C’est la vérité : ce budget est le vôtre, puisque nous allons repartir des décisions, des orientations et des précisions issues des débats qui se sont tenus au Sénat.

Si ce budget est utile à bien des égards, il ne correspond pas à la définition que nous aurions donnée d’un équilibre idéal, ni à celle que d’autres que nous auraient donnée. Toutefois, il s’agit du seul budget qui permette de répondre à l’urgence. Il n’existe pas d’autre démarche politique, budgétaire et parlementaire pour doter le pays d’un budget.

Je crois que les Français se rendent très bien compte de la précarité dans laquelle l’absence de budget plongerait notre vie publique. Aussi, je revendique le choix d’aller le plus vite possible, car je mesure l’ampleur des dégâts causés par la non-adoption d’un projet de loi de finances en raison de la censure du Gouvernement précédent. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

5

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 36 de notre règlement et concerne plus précisément l’organisation de nos travaux.

Nous assistons à un véritable coup de force contre la démocratie et le Parlement. Lorsque le gouvernement de Michel Barnier a été censuré le 4 décembre dernier, c’est l’ensemble de sa politique qui a été rejeté, et non le seul projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Nous savons toutes et tous que les textes financiers constituent le socle de la politique menée à l’échelon local comme national – qui pourrait le contester au sein de cet hémicycle ?

Refuser d’examiner un nouveau projet de loi de finances revient à mépriser une nouvelle fois les électeurs. Cela revient aussi à mépriser profondément la représentation nationale, puisque les députés, qui ont renversé un gouvernement pour la première fois depuis 1962, et par une majorité nette, seront très certainement privés de tout débat budgétaire.

Au mieux, ils reprendront l’examen d’un texte qu’ils ont rejeté en disposant d’un pouvoir d’amendement considérablement réduit du fait de la règle de l’entonnoir, qui s’applique aux textes examinés en deuxième lecture. Au pire, ils accepteront les conclusions d’une commission mixte paritaire sur un texte qu’ils n’auront jamais étudié jusqu’au bout.

Le Président de la République Emmanuel Macron avait lui-même demandé, le 5 décembre dernier, la préparation d’une nouvelle loi de finances. Ce faisant, il faisait, pour une fois, ce que je salue, preuve de respect envers nos institutions.

Reprendre l’examen de ce projet de loi de finances soutenu par un gouvernement tout aussi minoritaire que le précédent constitue à nos yeux un non-sens démocratique d’une grande violence à l’égard du Parlement.

J’ai écouté M. le Premier ministre avec attention cet après-midi. Oui, il nous faut un budget ; mais à vouloir aller trop vite, le Gouvernement va imposer au forceps un mauvais budget pour la France et les Français. Ce n’est pas la meilleure façon de préparer l’avenir.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour un rappel au règlement.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur les articles 36 et 42 du règlement du Sénat ainsi que sur l’article 47 de la Constitution.

En reprenant le projet de loi de finances d’un gouvernement censuré, au cours d’une nouvelle année civile et budgétaire, le nouveau Premier ministre et la majorité de cette assemblée ne respectent pas la Constitution. On peut même dire qu’ils réalisent un coup de force institutionnel inédit. Cela doit être non seulement dit, mais aussi inscrit au Journal officiel.

Le cinquième alinéa de l’article 47 de la Constitution est clair : « Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n’est pas en session. » Or la session n’a pas été interrompue.

De fait, le seul moyen de passer en force et d’imposer le budget censuré était de le faire adopter par ordonnance. Ne me dites pas qu’expliquer cela revient à remettre en cause les droits du Parlement ! Vous nous faites reprendre une discussion sans nous permettre de revenir sur les recettes.

Pourtant, il est toujours possible d’apporter une réponse démocratique au vote de notre peuple en déposant un nouveau projet de loi de finances et en le soumettant aux deux chambres, comme le prévoit la Constitution.

La ficelle est grosse : vous savez que vous bâillonnez un vrai débat. Si l’hypothèse d’une adoption du texte en commission mixte paritaire sans que les députés puissent examiner la seconde partie se vérifiait, il s’agirait bel et bien d’un oukase.

Personne n’a le monopole de la responsabilité ! Non seulement nous voulons un budget, mais nous voulons un budget qui réponde aux nécessités politiques et aux urgences économiques et sociales. L’irresponsabilité serait de renverser le fondement démocratique de l’initiative parlementaire comme vous le faites. Nous vous le demandons avec gravité et solennité : ne confinez pas la démocratie !

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour un rappel au règlement.

M. Thomas Dossus. Mon intervention se fonde sur l’article 42 du règlement du Sénat relatif au déroulement des débats.

Je tiens à souligner à mon tour la situation d’anomalie démocratique dans laquelle nous nous trouvons au moment d’examiner ce budget. Alors que le gouvernement précédent a été censuré, quatorze de ses ministres ont été reconduits au sein de l’actuel gouvernement. De plus, le Premier ministre qui a été nommé est un soutien historique du Président de la République ; il s’inscrit donc dans la continuité de la politique qui a été menée jusqu’à présent.

Deux questions majeures devraient interpeller chacun d’entre nous.

La première est de savoir qui est politiquement responsable de ce budget, à un moment cardinal de notre histoire parlementaire. Il a en effet été construit par Gabriel Attal, endossé par Michel Barnier et désormais repris par des ministres qui vont devoir défendre des arbitrages qui ne sont pas les leurs. Dans le moment critique que nous traversons, nous savons qui est responsable de la situation budgétaire – ceux qui ont mené la politique de ces sept dernières années –, mais nous nous demandons qui, au bout du compte, sera responsable de ce budget et des mesures qu’il comporte.

La deuxième question se pose surtout dans l’esprit de nos concitoyens : à quoi sert de se rendre aux urnes ? La majorité gouvernementale y a été deux fois désavouée l’année dernière. Si l’on ne peut dire qui a réellement remporté les précédentes échéances électorales, nous savons qui les a perdues. Nous savons donc aujourd’hui que lorsque les citoyens se mobilisent, la démocratie les ignore. Notre Ve République permet de néantiser le vote : nous avons l’impression de regarder une voiture aux pneus crevés qui continue de rouler sur les jantes.

Nous reprenons l’examen de ce budget par la mission « Outre-mer », qui répond à des urgences, puisqu’un département français a été rasé par un cyclone dopé par nos émissions de gaz à effet de serre. Mais des adaptations nécessaires, rien n’a été dit. Le budget que nous allons examiner ne porte qu’à la marge sur ces questions : c’est proprement scandaleux pour notre démocratie !

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour un rappel au règlement.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Mon intervention se fonde sur l’article 44 bis du règlement du Sénat, en vertu duquel les sénateurs et sénatrices, au même titre que le Gouvernement, ont le droit de présenter des amendements au texte soumis à discussion devant cette assemblée.

Ce droit nous est ici refusé. En reprenant ce budget, dont l’examen a commencé avant la censure du gouvernement de Michel Barnier, vous ne respectez pas la démocratie, comme viennent de l’expliquer mes collègues. De plus, en refusant que nous déposions de nouveaux amendements, vous ne faites que démontrer l’hypocrisie et la dangerosité de la manœuvre.

Nous nous apprêtons à discuter de la mission « Outre-mer ». Or la situation n’a-t-elle pas évolué depuis le 4 décembre dernier ? Mes chers collègues, comment pouvons-nous entamer cette discussion alors qu’aucun d’entre nous n’a pu déposer d’amendements visant à remédier au mieux à la catastrophe intervenue à Mayotte, pour ne citer que ce département ?

Les outre-mer sont des territoires particulièrement exposés aux risques naturels majeurs. L’exercice budgétaire fixe le cap pour l’investissement, pour le développement et pour la protection de la population. Votre méthode nous condamne pour encore au moins une année. Nous faisons face à un déni de démocratie et à un décalage complet entre les ambitions personnelles de quelques-uns et la réalité du terrain, qui est catastrophique.

La négation de notre droit d’amendement est une entrave dont les conséquences concrètes sont très graves.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour un rappel au règlement.

M. Michel Canévet. Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 44 bis et 44 ter de notre règlement.

Je déplore le fait que nous ne puissions déposer de nouveaux amendements, ni même ajouter des cosignataires à ceux qui ont été déposés voilà plus d’un mois et demi. En vertu du droit des parlementaires à exercer leur activité, les délais de dépôt et de cosignature d’amendements devraient être ajustés à la réalité de la situation que nous connaissons. Je regrette que tel ne soit pas le cas.

M. le président. Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.

6

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion sur la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

7

Candidatures à deux commissions d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants et la désignation des vingt-trois membres de la commission d’enquête aux fins d’évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis.

En application de l’article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

8

Article additionnel après l'article 61 - Amendement n° II-703 rectifié ter (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2025
Discussion générale (interruption de la discussion)

Loi de finances pour 2025

Suite de la discussion d’un projet de loi

Remerciements à la commission des finances

M. le président. Monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, avant de reprendre nos débats budgétaires là où nous les avions laissés, je souhaite remercier tout particulièrement notre commission des finances, qui a déjà accompli, dans les conditions complexes et inédites que vous connaissez, un important travail, et qui se remet aujourd’hui à la tâche avec son esprit de rigueur et de responsabilité.

Je remercie le rapporteur général, Jean-François Husson, dont la qualité d’écoute et la disponibilité ont été, comme toujours, au rendez-vous. Je salue également le président Claude Raynal, gardien du temps – et pas seulement – de nos débats, qui veille à ce que chacun puisse s’exprimer sans nuire à l’équilibre global nécessaire à l’examen de ce texte.

De même, je salue les rapporteurs spéciaux de la commission des finances – à commencer par Georges Patient, qui se trouve au banc des commissions pour l’examen de la mission « Outre-mer » –, les rapporteurs pour avis des autres commissions ainsi que leurs présidents, et les chefs de file des groupes, dont la contribution est essentielle pour la qualité de nos débats.

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Seconde partie (suite)

Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales

Outre-mer

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer ».

La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Catherine Conconne applaudit également.)

M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, j’associe à cette intervention Stéphane Fouassin, corapporteur de cette mission, qui ne pouvait être présent aujourd’hui.

Il est difficile de commencer mon propos sans évoquer nos compatriotes mahorais, qui ont été très durement éprouvés par les récents événements et à qui je veux penser en premier lieu.

Les dégâts à Mayotte sont catastrophiques et doivent encore faire l’objet d’un chiffrage précis. Le Gouvernement a prévu une disposition budgétaire de soutien à ce département. Celle-ci est évidemment bienvenue et la commission des finances l’appuiera. Le projet de loi d’urgence pour Mayotte devra également répondre aux premières nécessités de la reconstruction de ce territoire.

Par ailleurs, la crise institutionnelle que traverse la Nouvelle-Calédonie appelle également une réponse affirmée de l’État, y compris en matière budgétaire, pour faire face aux dégâts, qui ont été chiffrés à plus de 2 milliards d’euros. Le Gouvernement propose de soutenir à hauteur de 200 millions d’euros la Nouvelle-Calédonie, ce qui représente un effort significatif.

Avant d’aborder les autres sujets qui nous occupent, je rappelle que l’objectif de la mission « Outre-mer » du budget général de l’État est de résorber les écarts entre les territoires d’outre-mer et la métropole. Cet objectif est d’autant plus important dans le contexte actuel de crise de la vie chère, en particulier en Martinique.

En effet, selon l’Insee, en 2022, les prix sont plus élevés de 15,8 % en Guadeloupe, de 13,7 % en Guyane ou encore de 8,9 % à la Réunion que dans l’Hexagone. La situation dramatique à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie ne doit pas conduire à oublier les autres territoires ultramarins.

Le budget proposé pour la mission « Outre-mer » s’élève à 2,56 milliards d’euros, soit une baisse de 9 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Le budget spécifique aux Ultramarins serait ainsi amputé de 250 millions d’euros. Toutefois, le Gouvernement a déposé des amendements dont l’adoption augmenterait de façon significative les crédits de la mission pour revenir pratiquement au niveau de la loi de finances initiale pour 2024.

Le programme 123, qui rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de l’amélioration des conditions de vie dans les outre-mer, était particulièrement concerné par la baisse, puisqu’il était raboté de 314 millions d’euros dans la copie initiale. Des amendements gouvernementaux visent à revenir sur certaines baisses de crédits, notamment en direction des contrats de redressement en outre-mer (Corom) et du département de Mayotte. Il s’agirait d’évolutions bienvenues.

Ce programme permet en effet de soutenir les collectivités ultramarines, qui souffrent d’une situation financière structurellement fragile en raison et des charges supplémentaires induites par l’insularité et de l’importance des dépenses de personnel. À titre d’exemple, ces dernières représentent presque 65 % des dépenses de fonctionnement du bloc communal, contre 52,2 % pour les communes de l’Hexagone, en raison notamment de la majoration des primes de personnel.

Aussi, je salue l’initiative gouvernementale visant à abonder les contrats de convergence et de transformation (CCT), qui constituent un outil pertinent de soutien aux collectivités.

La ligne budgétaire unique (LBU), qui finance le logement social en outre-mer, revient à son niveau de 2023, après une hausse appréciée des crédits en 2024. Des pistes de réforme de cette action pourraient être envisagées, par exemple dans le sens d’une plus grande décentralisation.

Le programme 138, qui rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de la compétitivité des entreprises, de l’amélioration de l’employabilité des jeunes et de la qualification des actifs ultramarins, enregistre une hausse bienvenue de 3,4 %, soit 65 millions d’euros.

Cette augmentation résulte essentiellement de la hausse des crédits alloués à l’exonération des charges sociales, dans un contexte où la masse salariale en outre-mer augmente régulièrement depuis 2022 et la fin de la crise sanitaire.

Les variations constatées ces dernières années des besoins afférents à cette mission témoignent de la difficulté d’établir des prévisions fiables, dans la mesure où il s’agit de dépenses de guichet, tributaires de la conjoncture économique. Aussi est-il indispensable de renforcer la crédibilité des prévisions de dépenses relatives à cette mission.

En sus des crédits budgétaires, les dépenses fiscales contribuent à la dynamisation de l’économie, à l’attractivité des territoires et à l’effort général de rattrapage de l’écart de niveau socioéconomique entre l’outre-mer et la métropole. Pour les deux programmes de la mission, elles devraient s’établir à 5,5 milliards d’euros en 2025, soit presque deux fois plus que les crédits budgétaires alloués à la mission « Outre-mer ». Entre 2024 et 2025, elles enregistrent une hausse de 2,3 %, sensiblement identique à celle qui a été observée entre 2023 et 2024.

Nous saluons cette évolution, les outils fiscaux étant indispensables au développement économique des territoires ultramarins et à la compensation des déséquilibres avec l’Hexagone, en particulier en ce qui concerne les prix des biens.

Par ailleurs, en complément des crédits de la mission et des dépenses fiscales, les territoires d’outre-mer bénéficient de crédits en provenance d’autres programmes du budget général. Le montant total des contributions budgétaires s’élève à 21,1 milliards d’euros. Si l’on exclut la diminution des crédits budgétaires du programme 345 « Service public de l’énergie », qui est compensée par une affectation de taxe, l’effort de l’État ne baisse que de 3 % par rapport à 2024. Cette baisse est essentiellement due à la diminution des crédits de la mission « Outre-mer », que nous venons d’évoquer.

En conclusion, la commission des finances est favorable à l’adoption des crédits de la mission.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, il s’agit d’un exercice peu commun que d’évoquer un avis que la commission des affaires économiques a rendu à la fin de 2024, alors que le contexte a changé : nous avons un nouveau gouvernement et la situation a évolué.

Toutefois, à la fin de 2024, nos outre-mer étaient déjà confrontés à une pluralité de crises appelant des réponses fortes, notamment – mais pas uniquement – budgétaires.

Je pense tout d’abord au fléau de la vie chère, qui touche nos Antilles et, plus généralement, l’ensemble de nos territoires ultramarins. Si un accord a été trouvé en Martinique, nous savons qu’il reste beaucoup à faire pour agir structurellement sur les prix.

Je pense ensuite à la Nouvelle-Calédonie, où la reconstruction et le dialogue institutionnel constituent des enjeux immenses à la suite des vastes émeutes de 2024.

Enfin, de manière plus globale, je pense à la nécessité critique d’investir dans des équipements publics de base, par exemple en Guyane, et au besoin généralisé de simplification et d’adaptation normative partout dans nos territoires.

À ce titre, je me réjouis de la récente adoption d’un règlement européen permettant enfin à nos outre-mer de déroger au fameux marquage CE en matière de matériaux de construction. Nous touchons plus que jamais au but, sur ce dossier comme sur d’autres. Pour y parvenir, une volonté politique forte et constante est indispensable.

Monsieur le ministre, si chacun sait que la contrainte budgétaire a rarement été aussi forte et pesante, accordons-nous sur le fait que les besoins des outre-mer ont également rarement été aussi grands. Cette affirmation était vraie en 2024, elle l’est encore plus cruellement en 2025, un mois après qu’un cyclone a dévasté Mayotte, un département qui était déjà confronté à des défis énormes.

Au moment d’entamer la discussion des crédits de la mission « Outre-mer », je pense à nos compatriotes mahorais et attends du Gouvernement qu’il soit à la hauteur des enjeux immenses au cœur d’une reconstruction rapide de l’île. Et chacun sait que la reconstruction ne constitue que l’un des enjeux auxquels est confrontée Mayotte.

Pour mener à bien cette reconstruction, différents leviers devront être actionnés : la simplification et l’adaptation des normes ; le projet de loi d’urgence qui arrivera au Sénat dans quelques jours ; mais aussi, bien entendu, le levier budgétaire.

L’avis de la commission des affaires économiques repose sur deux piliers : d’une part, la nécessité de dégager des crédits pour les outre-mer ; de l’autre, la conscience que tout n’est pas qu’une affaire d’enveloppe budgétaire.

En responsabilité, nous avons émis un avis favorable en anticipant de significatives avancées budgétaires au Sénat, notamment pour corriger la baisse initialement annoncée de près de 37 % des crédits du programme 123 qui, de l’avis général, n’était pas acceptable.

C’est un avis favorable exigeant. Il est désormais de votre responsabilité, monsieur le ministre, dans le projet de loi de finances comme dans les textes à venir, de prendre la pleine mesure des difficultés des outre-mer et de la multiplication des crises de toute nature affectant ces territoires, et de dégager des marges de manœuvre.

Après avoir écouté attentivement le Premier ministre, je suis raisonnablement optimiste. Ses mots en faveur de nos territoires ainsi que ses annonces sur Mayotte témoignent d’une poursuite bienvenue et indispensable de l’action de l’État.

Les outre-mer ne sont pas que crises socioéconomiques et catastrophes climatiques, ce sont aussi des territoires d’innovation, d’optimisme et de grand attachement à la République. Dans cette perspective, monsieur le ministre, tâchons d’agir vigoureusement pour répondre aux problèmes et d’encourager assurément le dynamisme et les initiatives de nos outre-mer. (MM. Marc Laménie, Bernard Buis et Akli Mellouli applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (M. Bernard Buis applaudit.)

M. Teva Rohfritsch, rapporteur pour avis de la commission des lois. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit, dans sa version initiale, une baisse drastique des crédits alloués à la mission « Outre-mer ».

Nous ne pouvons accepter cette diminution du budget en faveur de ces territoires, compte tenu des enjeux majeurs et cruciaux auxquels sont confrontées nos populations. Je pense en particulier au diktat de la vie chère, dont nous devons refuser la fatalité en Martinique comme en Polynésie française, et aux catastrophes climatiques, comme l’illustre la tragique situation à Mayotte. Je m’associe, à ce titre, aux propos adressés par M. le rapporteur spécial à la population de Mayotte et à ses élus. Mais j’insiste aussi sur la nécessité d’une réaction rapide, forte et concrète de l’État à la crise en Nouvelle-Calédonie et au défi de la reconstruction d’une société profondément meurtrie dans un contexte économique exsangue, au chômage massif et au défi de formation des jeunes, aux tensions sur l’eau, aux tensions migratoires, au défi de la souveraineté alimentaire ou encore à la protection de la biodiversité et à celle de notre océan, qui fait la grandeur de la France.

La réduction de crédits prévue dans le projet de loi de finances pour 2025 est non seulement inopportune, mais aussi mal calibrée : les montants alloués aux dispositifs ayant prouvé leur efficacité et leur importance cruciale pour les populations et les économies ultramarines connaissent une telle baisse – jusqu’à 70 % ! – que cela réduit à néant les politiques publiques structurantes mises en place.

Parmi ces dispositifs, je pense en particulier aux prêts de développement outre-mer, indispensables aux petites et moyennes entreprises ultramarines pour accéder à des financements afin de développer et pérenniser leur activité.

Mentionnons également l’aide au fret, qu’il faudrait justement intensifier et élargir pour faire baisser les prix pour les consommateurs ultramarins. Chez moi, en Polynésie, les prix de l’alimentation sont 51 % plus élevés qu’en métropole !

Il faut enfin citer la ligne budgétaire unique, alors que 150 000 habitats indignes et insalubres sont recensés dans les territoires ultramarins en dépit des plans Logement outre-mer (Plom) déployés par les gouvernements successifs, ou encore les dispositifs d’aide à la continuité territoriale essentiels au maintien de la cohésion de la Nation, mais aussi le financement des contrats de convergence et de transformation passés avec les exécutifs de nos territoires et des contrats de redressement en outre-mer – j’arrêterai ici cette liste.

Nous le savons tous, le déficit élevé du pays impose une réduction des dépenses afin d’assurer le redressement des finances publiques. Toutefois, les outre-mer ne peuvent servir de boucs émissaires budgétaires. Au-delà des événements dramatiques évoqués au début de mon propos, les collectivités ultramarines sont confrontées à des difficultés économiques et sociales structurelles liées à leur éloignement et à leur isolement, qui sont l’essence même de leur caractère ultramarin. Ces situations complexes appellent à la mobilisation de toutes les forces vives, avec volontarisme, efficacité et en s’inscrivant dans la durée.

Dans ce contexte, la diminution des crédits prévue dans ce projet de loi de finances relève, là encore, d’une courte vue budgétaire et finira par générer de nouvelles crises, qui coûteront davantage à la Nation. Oui, il nous faut des comités interministériels des outre-mer (Ciom), mais il nous faut surtout des moyens et de la continuité pour construire des modèles économiques innovants, résilients et adaptés à nos territoires tout en protégeant les conditions de vie de nos citoyens français des outre-mer.

Pour toutes ces raisons, le gouvernement précédent avait annoncé un réajustement substantiel des crédits de la mission « Outre-mer » au cours de la procédure budgétaire, pour se rapprocher du niveau des crédits ouverts en 2024. Cet engagement du ministre des comptes publics et du ministre des outre-mer constituait alors un compromis acceptable au vu de la situation budgétaire du pays, même si ce réajustement ne permettait pas de relever l’ensemble des défis.

Compte tenu de cet engagement pris par le gouvernement précédent, la commission des lois avait émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer », sans fausse naïveté, mais avec espoir et dans un esprit de construction commune.

Nous serons donc, monsieur le ministre, très attentifs aux arbitrages et aux positions que vous prendrez devant notre hémicycle pour, je l’espère, trouver une solution profitable à l’ensemble de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Lana Tetuanui et M. Marc Laménie applaudissent également.)