M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Akli Mellouli. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Akli Mellouli. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, l’outre-mer incarne la richesse et la diversité de notre République. Les territoires ultramarins sont le reflet d’une histoire partagée et de liens indéfectibles, mais aussi le miroir des défis auxquels nous devons faire face pour construire une égalité réelle et durable.

Il nous revient de regarder en face les situations critiques qui perdurent dans nos départements d’outre-mer. Ces territoires, bien qu’éloignés géographiquement, ne peuvent ni ne doivent être relégués à la périphérie de nos préoccupations. Il y va de notre capacité à tenir la promesse d’unité et de justice qui fonde notre contrat social.

« Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. » Ces mots d’Aimé Césaire résonnent avec une acuité particulière lorsqu’il s’agit de Mayotte. Ce territoire français semble être resté à la périphérie de notre République, dans une ombre où ses souffrances n’éclairent que trop tard nos consciences.

Avant même que le cyclone ne la frappe, l’île connaissait déjà une situation alarmante – retards criants en infrastructures publiques, problème chronique d’eau potable, bidonvilles qui s’étendent à perte de vue… Face à ces défis, la réponse de l’État a été insuffisante.

Mayotte a choisi la France. Mais que lui avons-nous offert en retour ? Trois quarts de sa population vit sous le seuil de pauvreté. Les Mahorais doivent se contenter d’un Smic horaire et d’un RSA inférieurs à ceux de métropole. La protection universelle maladie (PUMa) leur est refusée.

Pour répondre à ces manquements, certains se cachent derrière un « problème migratoire ». Ce problème existe, c’est indéniable : l’île est confrontée à une pression migratoire considérable. Mais penser que l’on va régler ce problème en réduisant de 37 % l’aide au développement est une illusion. La solution passe aussi par le développement des pays d’où sont originaires ces populations. À défaut, toute mesure sera bâtie sur du sable. Quand des populations en détresse décident de quitter un pays, elles le font.

Il ne faut donc pas réduire les difficultés de ce département à cette seule question. Car c’est bien la République qui a failli. En créant une France à deux vitesses, nous avons laissé nos compatriotes mahorais dans une précarité indigne.

Mayotte mérite mieux que d’être une France de seconde zone. Elle mérite une égalité réelle. Elle mérite des infrastructures modernes, un accès à l’eau potable pour tous, une école où chaque enfant peut apprendre dans la dignité.

Il est temps de changer notre regard sur Mayotte. C’est une partie intégrante de notre République, avec ses droits, sa dignité et ses aspirations. Mayotte nous rappelle la nécessité de repenser notre engagement envers l’outre-mer. Partout dans ces régions, nos compatriotes subissent des inégalités criantes.

La question du pouvoir d’achat cristallise les frustrations. Qu’il s’agisse des Antilles, de La Réunion, de la Guyane, de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie, les revendications sont claires : une vie digne !

La question de la vie chère alimente les tensions sociales ainsi que les mouvements de protestation qui jalonnent la vie politique de ces territoires. Nous nous souvenons tous de la grève générale de 2009, aux Antilles.

Chaque mouvement social en outre-mer met en lumière les mêmes revendications : d’une part, la demande d’une augmentation générale des salaires, des minima sociaux, des allocations chômage et des pensions de retraite ; d’autre part, une exaspération face à la hausse continue des prix.

Malgré la persistance et l’intensité de ces crises sociales, malgré les multiples alertes lancées par les élus locaux et les parlementaires des départements et régions d’outre-mer (Drom) et des collectivités d’outre-mer (COM), malgré les rapports alarmants du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et les conclusions de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le coût de la vie en outre-mer, malgré, enfin, la démarche du « Oudinot du pouvoir d’achat », le malaise perdure.

Les chiffres sont édifiants : les prix dans les départements et régions d’outre-mer sont de 10 % à 15 % plus élevés qu’en métropole et atteignent des écarts de 30 % à 40 % en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie-Kanaky. Selon le Cese, 55 % des habitants déclarent devoir renoncer régulièrement à des dépenses du quotidien pour couvrir leurs besoins essentiels. Ce sont ainsi 900 000 personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté dans ces territoires.

Répondre aux difficultés de pouvoir d’achat que rencontrent nos compatriotes d’outre-mer constitue un impératif de cohésion sociale. Mais au-delà, réduire les fractures structurelles qui persistent entre la métropole et les territoires ultramarins est une exigence fondamentale pour honorer la promesse républicaine d’égalité. Cette démarche n’est pas seulement une question de justice sociale, elle est essentielle pour préserver l’unité nationale. Face à ce légitime sentiment d’injustice, il est urgent d’agir pour rétablir la confiance et renforcer les liens entre l’Hexagone et l’outre-mer.

Malgré ce constat alarmant, le budget proposé est injuste et violent socialement pour nos territoires d’outre-mer.

Les coupes budgétaires sont de l’ordre d’un tiers pour le programme « Conditions de vie outre-mer ». Si l’on excepte l’aide au développement, c’est plus que pour toutes les autres missions. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires refuse d’utiliser nos concitoyens vivant en outre-mer comme variable d’ajustement budgétaire. Monsieur le ministre, le compte n’y était pas en 2024, il l’est encore moins en 2025 ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Audrey Bélim et Evelyne Corbière Naminzo applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le titre de ministre d’État n’est pas seulement symbolique ou honorifique : si vous le portez, c’est que vous bénéficiez de l’écoute et de la confiance du Premier ministre, voire du Président de la République. Je vous le dis donc sans afféterie ni prétérition : le budget qui sera le vôtre au terme de cette séance est meilleur que celui que votre prédécesseur nous avait présenté.

Après la catastrophe sociale et politique en Nouvelle-Calédonie, dont nous avions pourtant alors connaissance, il en a fallu une nouvelle, à Mayotte cette fois, pour que les gouvernements successifs acceptent d’accorder une priorité aux outre-mer.

Votre budget est meilleur et nous le voterons. Pour autant, il n’est pas parfait. Par un simple calcul, on constate que vous ajoutez quelque 700 millions d’euros supplémentaires, soit un total légèrement supérieur aux crédits prévus pour 2024 – sans même parler du projet que nous avait soumis M. Barnier, qui était une catastrophe budgétaire, comme nous aurons l’occasion de le redire.

Si l’on comprend parfaitement qu’il faut accorder une priorité à la Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, nous déplorons l’absence de propositions contre la vie chère.

Lorsque vous étiez Premier ministre, vous m’aviez chargé d’établir un rapport sur l’égalité réelle outre-mer, à la suite duquel nous avions voté une loi, qui, hélas ! n’est pas tout à fait appliquée. Quant à la proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les territoires d’outre-mer, elle a été complètement abandonnée…

Pourtant, à cette heure même, tant au Sénat, grâce aux travaux de la délégation aux outre-mer, présidée par Micheline Jacques, qu’à l’Assemblée nationale, au travers des propositions de Mme Bellay, nous avons une feuille de route complète pour lutter contre la vie chère. Faut-il encore que vous vous en empariez et que vous en fassiez un projet de loi… En effet, nous disposons d’un temps limité pour l’examen des propositions de loi, qui ne se résument qu’à une poignée d’articles un peu denses. Il faudrait donc que vous laissiez votre nom, si j’ose dire, sur une loi contre la vie chère. C’est une thématique transversale et commune à tous les outre-mer dont il faut se saisir.

En outre, cette augmentation de 700 millions d’euros ne devra pas se faire au détriment des autres territoires, au risque de peiner nos compatriotes. Il s’agit en effet d’un budget d’urgence. Il faudra faire preuve de patience et, surtout, adopter de nouveau des budgets de cet ordre de grandeur, compte tenu de l’ampleur des aspirations et des besoins de nos territoires. C’est ce que j’appelle de mes vœux.

Je ne reviens pas sur les coupes et l’abattage initialement prévus, car vous les avez corrigés. Cependant, vous proposez un effort de 180 millions d’euros supplémentaires pour les exonérations patronales de charges. Compte tenu du manque de fiabilité de ces calculs, je vous suggère de n’y consacrer que 120 millions d’euros de plus et d’adopter avant tout les amendements présentés non seulement par les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, mais aussi par ceux des autres groupes.

Cela permettrait notamment une première traduction du protocole signé en Martinique au travers d’une aide à l’Autorité de la concurrence (ADLC), au fret, comme le réclament nos collègues Mmes Catherine Conconne et Audrey Bélim, …

M. le président. Monsieur Lurel, je vous invite à conclure.

M. Victorin Lurel. … ainsi qu’aux observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR). Telles sont les améliorations qu’il faudra adopter si vous souhaitez faire voter avec enthousiasme votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Akli Mellouli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, alors que l’Assemblée nationale entame l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte, la discussion des crédits de la mission « Outre-mer » prend aujourd’hui une dimension particulière.

Au nom des sénateurs du Rassemblement national, j’apporte tout mon soutien aux Mahorais sinistrés par la tempête Chido et par les catastrophes climatiques qui s’accumulent sur cette île française, loin de notre hémicycle, mais, je le crois, si proche dans nos pensées et dans nos cœurs. Nous n’oublions pas non plus nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, frappés par une violence inacceptable, ni ceux des Antilles, où la vie chère devient chaque jour plus insoutenable, plus encore qu’en métropole, pour les classes populaires et moyennes.

Le projet de loi de finances qui nous est présenté prévoit une baisse significative des crédits alloués à la mission « Outre-mer », qui serait l’une des plus touchées par la logique de modération de la dépense publique. Le total des mesures d’économies s’élève, pour les deux programmes, à 500 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 353 millions d’euros en crédits de paiement (CP). La seule exception concerne l’augmentation de 104 millions d’euros destinée au soutien aux entreprises, qui a été largement sous-évalué ces dernières années.

Cette baisse est profondément inquiétante, à l’heure où les manques structurels d’investissement et de volonté politique sont mis en exergue par les drames touchant nos outre-mer, et particulièrement Mayotte. Cette île est le malheureux exemple des manquements de l’État dans le développement et la protection des outre-mer. Des investissements puissants sont non plus nécessaires, mais vitaux pour permettre à ce territoire de se reconstruire et à ses habitants de vivre dans la sérénité.

Dans la liste des maux qui touchent nos outre-mer, on peut bien sûr souligner l’immigration massive et illégale. À Mayotte comme en Guyane, le manque d’investissement pour protéger nos frontières est une carence inacceptable. L’installation d’un radar militaire, le renforcement de la surveillance côtière par la marine nationale et une réforme du droit de la nationalité sont des mesures certes coûteuses, mais bien moins onéreuses que l’immobilisme actuel qui aggrave la situation.

La baisse annoncée de ces crédits est inacceptable au regard des difficultés qui touchent les collectivités ultramarines. Ces territoires ne peuvent supporter une part disproportionnée de l’effort demandé pour redresser des finances publiques déficitaires depuis cinquante ans. D’autres pistes d’économies existent, notamment au sein des opérateurs de l’État. Les outre-mer ne doivent pas être la variable d’ajustement de l’équilibre budgétaire, alors que les tensions ne cessent de s’exacerber sur fond d’abandon des politiques publiques et de difficultés économiques structurelles touchant ces territoires.

L’indifférence des gouvernements successifs envers nos outre-mer a conduit à une accumulation de crises sociales et économiques, aggravées par les catastrophes climatiques et sécuritaires. Il est temps d’agir avec détermination. Des modèles économiques résilients, durables et adaptés à ces territoires peuvent être conçus et déployés. Des investissements sérieux et ciblés permettront à nos compatriotes de retrouver sécurité et services publics de qualité.

Nos territoires ultramarins doivent retrouver leur juste place dans les priorités des politiques publiques. Nous espérons que le Sénat saura adopter des mesures équitables et efficaces pour répondre aux attentes légitimes de nos compatriotes, au risque de renforcer les tensions et, à terme, les divisions. Dans l’attente, nous réservons notre position de vote.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, à la date où devait initialement se tenir l’examen de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2025, le 5 décembre dernier, le contexte était déjà très particulier, et je ne parle pas seulement du contexte budgétaire exceptionnellement contraint.

L’outre-mer mérite respect et reconnaissance. Je rappellerai les différents événements qui se sont produits en Nouvelle-Calédonie, depuis mai dernier, et en Martinique, depuis septembre dernier.

Nous condamnons fermement toutes les violences perpétrées dans ces territoires. Je souhaite surtout rendre hommage aux treize personnes, dont deux gendarmes, décédées en Nouvelle-Calédonie l’année dernière, ainsi qu’aux trois personnes qui ont perdu la vie dans le cadre des émeutes en Martinique. Nous adressons toutes nos pensées à leurs familles.

Sur le Caillou, la situation économique et sociale est catastrophique. Plus de 700 entreprises ont été dégradées ou détruites et beaucoup d’autres en subissent les conséquences. Leur chiffre d’affaires s’est effondré, le chômage a explosé. Les recettes des collectivités se sont écroulées, de nombreuses infrastructures publiques ont été détruites ou endommagées. Le montant total des dégâts est estimé à plus de 2 milliards d’euros.

En Martinique, près de 150 entreprises ont été pillées ou endommagées et le coût des émeutes est estimé entre 78 millions et 100 millions d’euros.

Et tout cela, c’était avant Chido, qui a ravagé Mayotte le 14 décembre dernier. Après le passage de ce cyclone, le plus violent qu’ait connu le territoire depuis quasiment un siècle, on déplore au moins trente-neuf personnes décédées et quelque 5 000 blessés. Nous adressons aux Mahorais touchés par cette catastrophe, et maintenant par une tempête tropicale, tout notre soutien, ainsi qu’aux pompiers, gendarmes, policiers, soignants et bénévoles déployés sur le territoire.

Par ailleurs, l’habitat précaire de près de 100 000 personnes a été totalement détruit. Les infrastructures publiques ont été touchées et les risques sanitaires restent encore très importants – tout cela, dans le département le plus pauvre de France, qui cumulait déjà tant de difficultés…

En 2024, plusieurs événements ont eu lieu dans les outre-mer et nous ont rappelé la réalité de leurs difficultés en termes de statut, de sécurité, de pouvoir d’achat, d’urbanisme, d’accès aux soins ou encore d’immigration illégale.

L’année 2025 devra être celle qui permettra d’apporter des réponses concrètes, efficaces et pérennes à l’ensemble des difficultés que traversent la Nouvelle-Calédonie, la Martinique, Mayotte et l’ensemble des territoires ultramarins.

Nous ne pouvons plus reporter l’examen de nombreux sujets. À ce titre, nous aurons d’ailleurs très prochainement l’occasion d’examiner le projet de loi d’urgence pour Mayotte.

Certes, il ne s’agit pas ici d’apporter des solutions à l’ensemble de ces préoccupations. Je rappelle en effet que la mission « Outre-mer » ne représente qu’une petite part de l’effort global consenti par l’État en faveur de ces territoires. Pour 2025, ledit effort s’élève à 21 milliards d’euros en crédits de paiement, dont seulement 12 % au titre de la mission « Outre-mer », comme le rapporteur spécial de la commission des finances l’a rappelé.

Si elle ne peut tout résoudre, cette mission doit cependant y contribuer, dans la limite du cadre qui est le sien. Après une hausse sensible en 2024, que nous avions saluée, les crédits de la mission « Outre-mer » diminuent malheureusement de 9 % en 2025, s’établissant à 2,55 milliards d’euros en crédits de paiement, soit 250 millions d’euros de moins.

La dégradation particulièrement forte du déficit public entraîne logiquement une diminution des crédits de presque toutes les missions du projet de loi de finances. C’est une nécessité, alors que la note de la France a déjà été dégradée et que la procédure de déficit excessif a été engagée à notre encontre par l’Union européenne. Notre groupe a d’ailleurs déposé plusieurs amendements afin de rétablir la solidité de nos finances publiques.

Toutefois, nous avons mis un point d’honneur à ce que les crédits de certaines missions ne diminuent pas, comme l’éducation, la défense, la santé ou la sécurité. Nous souhaitons également placer les outre-mer au rang de priorité.

Les crises qui ont touché ces territoires en 2024 ne sont que la manifestation violente de difficultés préexistantes et structurelles – taux de chômage et niveau de pauvreté élevés, difficultés d’accès à l’eau potable, part importante de l’habitat insalubre, coût de la vie exorbitant. En Guadeloupe, par exemple, le panier alimentaire moyen est 50 % plus cher que dans l’Hexagone.

Pour ces raisons, nous estimons que la baisse des crédits du programme « Conditions de vie outre-mer » de plus de 300 millions d’euros est très inopportune. Ce programme permet en effet de financer des dispositifs visant à développer les habitats décents. Je rappelle que la part de logements insalubres s’établit à 18 % dans les outre-mer, contre 1,2 % dans l’Hexagone.

De même, la baisse des crédits du programme « Emploi outre-mer », qui finance notamment les prêts de développement outre-mer aux PME ou encore l’aide au fret, qui permet de renforcer la production locale et de lutter contre la vie chère, ne nous paraît pas raisonnable. Baisser les crédits dans des territoires qui sont déjà en crise est toujours un très mauvais calcul sur le long terme.

Le groupe Les Indépendants votera les crédits de la mission « Outre-mer », sous réserve du respect des engagements pris par le gouvernement précédent et visant à un réajustement significatif et indispensable des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Georges Naturel.

M. Georges Naturel. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » ne saurait être un simple exercice budgétaire. Elle est l’expression de la solidarité nationale envers ces territoires, qui font la richesse et la diversité de la République ; or plusieurs d’entre eux traversent des crises d’une intensité exceptionnelle.

Mayotte vient d’être frappée de plein fouet par le cyclone Chido. Ce phénomène climatique dévastateur a tout détruit sur son passage – habitations, infrastructures, réseaux essentiels. Nos compatriotes mahorais se retrouvent dans une détresse absolue face à l’ampleur des dégâts. Ils ont besoin de l’aide immédiate de la Nation, sans quoi la reconstruction prendra des années et l’instabilité sociale s’aggravera.

Pour autant, dans ce moment de solidarité pour Mayotte, nous ne devons pas oublier la Nouvelle-Calédonie. Notre territoire est plongé dans une crise économique d’une gravité sans précédent, conséquence directe des émeutes du 13 mai dernier. L’économie calédonienne, déjà fragilisée, a subi un véritable séisme : commerces incendiés, entreprises ruinées, secteurs clés à l’arrêt. Les dégâts sont considérables et les réparations ne peuvent attendre.

Aujourd’hui, le pays s’enfonce. Le temps qui passe aggrave la situation et rend plus difficile encore la relance. La chute du gouvernement local n’a fait que nourrir l’instabilité et freiner la mise en place de solutions concrètes.

Le Gouvernement a prévu des prêts pour soutenir la Nouvelle-Calédonie. Mais ces dispositifs ne seront pas opérationnels avant plusieurs mois. Or le temps est un luxe dont nous ne disposons pas. L’urgence est là : les trésoreries sont vides, les licenciements s’accélèrent et nous risquons une rupture de financement dans les mois qui viennent.

C’est pourquoi nous plaidons pour des subventions directes et immédiates. J’ai déposé des amendements visant à débloquer un total de 200 millions d’euros pour éviter l’effondrement de l’économie calédonienne. Ces fonds ne sont pas un privilège : ils sont une nécessité absolue pour préserver les entreprises, maintenir l’emploi et empêcher que la Nouvelle-Calédonie ne sombre définitivement dans la récession.

Mes chers collègues, l’heure est à la mobilisation. Mayotte et la Nouvelle-Calédonie sont en détresse. Si l’État ne se montre pas à la hauteur de ces défis, nous prendrons le risque de voir ces territoires s’enfoncer durablement dans la crise sociale, économique et politique. L’État doit agir maintenant. (Mmes Vivette Lopez, Nadine Bellurot et Annick Petrus applaudissent, ainsi que M. Marc Laménie.)

M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Salama Ramia. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, faire des outre-mer un ministère d’État est un bon signal et une invitation au travail, car les outre-mer sont au cœur de notre République et doivent être au cœur de notre action. Telle est notre conception, fidèle à nos valeurs.

Les crises successives, qu’elles soient sociales, migratoires ou climatiques, ont mis en lumière l’urgence de répondre avec force et clarté aux défis qui touchent nos concitoyens ultramarins. Nous serons donc très attentifs aux premiers signes que vous pourrez donner en leur faveur dès à présent.

Nous sommes prêts à examiner les crédits de la mission budgétaire consacrée aux outre-mer. Après plusieurs années de hausses consécutives, ces crédits enregistrent une nette diminution en 2025, conséquence de la dégradation des finances publiques.

L’effort financier global de l’État en faveur des outre-mer s’élève à 19 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 21 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 4 % en AE et de 3 % en CP.

Nous partageons la nécessité de réduire le déficit public. Toutefois, cet effort ne devrait pas peser avec la même rigueur sur les régions les plus fragiles de notre pays, où les carences structurelles sont importantes et où le coût de la vie dépasse de 40 % celui de l’Hexagone.

C’est pourquoi le groupe RDPI proposera un amendement visant à rétablir les crédits au niveau de 2024. Cet ajustement permettra de garantir la continuité des actions engagées et le respect des engagements de l’État envers ces régions ultrapériphériques.

Un tel budget d’austérité ne peut être opposé à un territoire entièrement dévasté. Je parle ici de Mayotte, mon territoire, avec émotion. Les amendements qui seront débattus aujourd’hui ne tiennent pas compte du désastre causé par le cyclone Chido. Nous attendons du Gouvernement des mesures fortes pour rééquilibrer ce budget, dans l’esprit de justice sociale et de solidarité qui caractérise la France.

Le groupe RDPI soutient l’adoption de ce budget pour les outre-mer, tout en émettant des réserves sur certaines coupes budgétaires.

Nous notons une légère hausse des crédits pour soutenir nos entreprises locales via des compensations d’allégements et d’exonérations de charges sociales. Ces mesures sont essentielles pour un tissu économique composé majoritairement de TPE et PME.

Cependant, des baisses préoccupantes affectent des dispositifs majeurs comme les prêts de développement outre-mer. Nous proposerons de réabonder cette action à hauteur de 24 millions d’euros afin de renforcer le soutien aux économies locales et d’offrir des solutions de trésorerie souples à nos entreprises.

Il est urgent d’agir pour réduire le coût de la vie dans les outre-mer. Ce budget doit intégrer des mesures de compensation des coûts liés au fret pour les produits de première nécessité.

Nous déplorons une baisse des crédits consacrés au service militaire adapté (SMA) et à l’aide à la mobilité via l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom). Ces coupes envoient un mauvais signal à notre jeunesse, pourtant porteuse d’avenir. À Mayotte, le régiment du service militaire adapté (RSMA) pourrait être mobilisé pour contribuer à la reconstruction et former les artisans de demain.

Le programme « Conditions de vie outre-mer » subit également une baisse notable, malgré la poursuite d’efforts dans l’habitat social au travers du nouveau plan Logement outre-mer. Nous préconisons de renforcer le fonds régional d’aménagement foncier et urbain (Frafu) pour soutenir les collectivités et réduire le coût du foncier viabilisé.

La baisse de 76 % des crédits de paiement affectés aux contrats de convergence et de transformation est alarmante. Elle compromet la signature de nouveaux contrats de redressement en outre-mer en 2025 et affaiblit les outils de redressement financier des collectivités.

Enfin, les crédits du Fonds de secours pour les outre-mer (FSOM), essentiels pour répondre aux catastrophes naturelles, doivent être révisés à la hausse pour faire face aux dégâts causés par le cyclone Chido. Les Mahorais sont véritablement en attente de cette aide.

Bien conscients de leurs responsabilités, les membres du groupe RDPI approuveront, sous cette réserve, le budget de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)

(Mme Anne Chain-Larché remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)