Mme la présidente. La parole est à M. Adel Ziane, pour explication de vote.

M. Adel Ziane. Je souscris aux propos de Sylvie Robert.

Cela a été dit, nous sommes ici dans une assemblée rigoureuse, exigeante, et nous recherchons tous l'intérêt général. Nous en avons fait la preuve pas plus tard qu'hier, lors de l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », puis de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », le Gouvernement ayant dans les deux cas déposé un amendement de baisse des crédits. Vous étiez présent, monsieur Vial, et il me semble qu'en ces occasions nous avons su trouver un compromis, un consensus ;…

M. Vincent Louault. C'est vrai !

M. Adel Ziane. … et, pour ce qui est de la seconde de ces missions, il se trouve que nous avons voté à l'unanimité le sous-amendement de M. Savin.

Quelles sont les causes de ces nouvelles suppressions de crédits ? On peut évoquer la censure, mais on peut évoquer aussi le péché originel qu'a été la dissolution de l'Assemblée nationale.

On peut aussi rétropédaler, faire un flash-back, et proposer toutes sortes de grilles de lecture (M. Max Brisson hausse les épaules.)… Ce n'est pas la peine de faire de tels gestes, mon cher collègue. Dans la chaîne des causes, on peut très bien remonter jusqu'à la dissolution : elle peut être considérée comme la cause des difficultés que nous avons aujourd'hui à trouver des compromis, ces compromis auxquels il faut bien pourtant que nous parvenions.

Effectivement, des propositions ont été faites par le parti socialiste. Je pense que nous aurons grand plaisir, demain, à ne pas supprimer 4 000 postes d'enseignants dans l'éducation nationale. Nous verrons quel sera l'impact budgétaire de cette décision, mais les membres de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport sont bien placés pour connaître la situation catastrophique dans laquelle se trouve aujourd'hui l'enseignement scolaire. Aussi la non-suppression de 4 000 postes constitue-t-elle une véritable bouffée d'air frais ; nous sommes fiers de pouvoir revendiquer cette proposition du parti socialiste.

Enfin, d'autres propositions ont été faites et d'autres discussions auront lieu sur l'hôpital, sur la nécessité de redonner du souffle à l'ensemble de nos services publics…

Mme la présidente. Merci de conclure !

M. Adel Ziane. Je le répète, nous en sommes fiers. Telles sont les vérités que je souhaitais rétablir, madame la présidente. (Mme Marie-Pierre Monier applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Mes chers collègues, il y a une certaine hypocrisie, de l'autre côté de cet hémicycle, à faire croire que c'est l'accord avec les socialistes qui amènerait les coupures que vous décidez d'opérer. D'une, nous ne sommes pas au Gouvernement. De deux, si M. Barnier a été censuré, c'est tout simplement parce qu'il n'a repris aucune des propositions que nous avions faites.

M. Cédric Vial. Il a eu raison, ça coûtait trop cher ! Assumez !

M. Yan Chantrel. Eût-il fait des signes d'ouverture, peut-être n'en serions-nous pas arrivés là. C'est le destin d'un gouvernement buté assis sur une base minoritaire que d'être censuré, faute de majorité au Parlement : cela s'appelle la démocratie, tout simplement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Francis Szpiner. Avec le RN ?

M. Yan Chantrel. La prise de conscience du gouvernement actuel en découle : il est dans l'obligation de montrer des signes d'ouverture s'il ne souhaite pas à son tour être censuré. J'estime néanmoins qu'il a fait une erreur en reprenant la discussion budgétaire où elle s'était arrêtée, alors que ce projet de loi de finances avait été rejeté par l'Assemblée nationale. Il fallait reprendre complètement le travail, depuis le début,…

M. Xavier Iacovelli. On en aurait eu jusqu'au mois de mai…

M. Yan Chantrel. … car, sur ce budget, le gouvernement précédent avait été censuré.

M. Cédric Vial. Non, c'est sur le PLFSS !

M. Yan Chantrel. Par ailleurs, vous semblez oublier le volet recettes, sur lequel nous avons la possibilité d'aller chercher de l'argent supplémentaire, plutôt que de couper dans les budgets. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. On va sortir la machine à taxer !

M. Yan Chantrel. Ce débat aura lieu à l'Assemblée nationale, où les socialistes défendront des recettes supplémentaires. Ainsi auront-ils à cœur d'éviter ce qui se passe ici même au Sénat, où des coupes sont décidées quelques minutes seulement avant l'examen des missions, ce qui devrait déplaire à tout parlementaire. Comment un parlementaire peut-il accepter de se positionner sur des amendements décidés en catimini et à la dernière minute par le Gouvernement, sans consultation des commissions concernées ? Ces méthodes inacceptables abaissent le Parlement et vous devriez les condamner vous aussi, mes chers collègues.

Les socialistes seront au rendez-vous, à l'Assemblée nationale, pour repousser ces coupes et voter de nouvelles recettes.

M. Max Brisson. Il n'y aura pas de débat à l'Assemblée ! On ira directement en CMP !

M. Yan Chantrel. Sinon, votre gouvernement sautera ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.

Mme Monique de Marco. Je constate qu'il y a eu une mauvaise articulation entre la loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public et ce projet de loi de finances.

Le dépôt par le Gouvernement d'amendements tardifs nous met au pied du mur et nuit à la qualité du travail législatif. En l'occurrence, la commission des finances et la commission de la culture n'ont pu se réunir pour discuter de cet amendement du Gouvernement, non plus que des sous-amendements de nos collègues.

Je n'ai pas voulu retarder les débats en demandant une suspension de séance ce matin – nous avions à achever l'examen de la mission « Culture » –, mais voilà où nous en sommes. La faculté dont dispose le Gouvernement de déposer des amendements jusqu'au dernier moment, cinq minutes avant la séance, représente un affaiblissement inacceptable du Parlement.

En définitive, ce sont bien 100 millions d'euros que le Gouvernement a proposé de retirer à l'audiovisuel public, lequel travaille pourtant à produire des informations journalistiques de qualité. Pour cette raison, le groupe écologiste votera contre cet amendement, même sous-amendé.

Mme la présidente. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos II-2166 rectifié, II-2177 rectifié et II-2178.

(Les sous-amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Mes chers collègues, je vais m'efforcer de faire baisser la température : on va se calmer ! (Sourires.)

Pour conclure notre débat, car j'ai manqué de temps tout à l'heure, je tiens à rappeler que le Gouvernement demandait une baisse de 100 millions d'euros des crédits de l'audiovisuel public, avec le soutien de M. le rapporteur général. C'était un autre temps, me direz-vous. Et nous n'avions réussi à sauver, en négociant, que 15 millions d'euros.

Madame la ministre, je note que vous m'avez écoutée au sujet de France Médias Monde, puisque je suis allée dans le sens de Roger Karoutchi : en aucun cas je ne souhaitais remettre en question cet organisme.

Nous ne voterons pas l'amendement du Gouvernement, car il tend à diminuer les ressources de l'audiovisuel public, mais, au-delà de nos discussions comptables d'aujourd'hui, au-delà de la valse des millions, j'ai bien conscience que c'est l'arbitrage final pris en CMP qui sera absolument décisif. Madame la ministre, vous devrez à ce moment-là avoir en tête les questions de gouvernance : moins nous diminuerons les crédits, plus la réforme sera facile, car une modification de la gouvernance, on le sait bien, a forcément un impact financier.

Pour vous donner toute la force dont vous aurez besoin en vue de cet arbitrage final, faisons en sorte que le Sénat ne diminue pas inconsidérément les ressources de l'audiovisuel public. Or, avec une baisse de 80 millions d'euros, nous sommes loin d'un compromis : c'est beaucoup trop !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Non !

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. À la suite de ma collègue, je voudrais à mon tour faire baisser la tension… (Sourires.)

Tout d'abord, je dis à mon collègue Chantrel que le débat qu'il appelle de ses vœux n'aura pas lieu à l'Assemblée nationale, puisque nous irons directement en commission mixte paritaire. C'est donc au Sénat qu'a lieu la discussion, en attendant la CMP. C'est pourquoi il était important qu'un accord soit trouvé ici avec le Gouvernement.

Ensuite, je veux très sincèrement remercier Mme Robert et son groupe d'avoir soutenu la nouvelle répartition de l'effort que nous proposions, puisque nos sous-amendements ont été adoptés à l'unanimité.

Mme Sylvie Robert. Nous sommes cohérents !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Chacun l'a bien compris, depuis le dépôt du PLF 2025, qui fut préparé par un gouvernement démissionnaire, il s'est passé beaucoup de choses.

Un sujet domine tous les autres, c'est la situation catastrophique de nos finances publiques. On ne pourra pas me faire le procès de ne pas avoir, au nom du Sénat, donné l'alerte – on m'a même plutôt reproché d'en faire un peu trop sur ce terrain.

Depuis la reprise de nos débats, chacun fait des efforts, hier comme aujourd'hui. J'ai beaucoup fait l'essuie-glace, ces jours derniers, dans notre hémicycle, essayant de trouver des points d'atterrissage sur les différentes missions. Les éléments concrets qui vont sortir des travaux du Sénat sont en effet particulièrement essentiels, car nous aurons été la seule des deux assemblées à examiner la totalité du budget.

La commission mixte paritaire aura une tâche exceptionnellement difficile. Espérons qu'elle s'inspire du travail que nous faisons ici. Je reste d'ailleurs circonspect quant à l'état d'esprit qui sera celui des représentants de l'Assemblée nationale, où l'ambiance et les équilibres politiques sont assez différents – c'est le moins que l'on puisse dire – de ceux de la Haute Assemblée.

Nous devons être très attentifs à la situation qui est aujourd'hui celle de notre pays. Nous avons à cet égard une responsabilité éminente et particulière : nous ne pouvons pas prendre de risques, en tout cas pas de grands risques.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-2108, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », figurant à l'état D.

Je n'ai été saisie d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je vous rappelle que la commission des finances est favorable à l'adoption de ces crédits.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des crédits des missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Audiovisuel public » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures treize.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Klinger, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque j'ai récapitulé, lors de l'examen du précédent projet de loi de finances, les difficultés traversées par le monde agricole, je ne pensais pas revenir quatorze mois et quatre Premiers ministres plus tard pour allonger encore la liste des obstacles connus par les agriculteurs français.

Le réchauffement climatique, les pluies massives qui tombent depuis un an, la concurrence économique déloyale que l'ouverture potentielle au Mercosur nous fait craindre, les droits de douane chinois sur nos spiritueux, la crainte des conséquences de l'élection présidentielle américaine sur les exportations de nos vins et de nos fromages, le poids du conflit ukrainien sur nos cours de blé et de volailles, le manque d'attractivité d'une partie des professions agricoles, les crises sanitaires successives, les handicaps propres à la ruralité, les vols de matériels, le recul de notre souveraineté alimentaire, la faiblesse de notre innovation en matière agricole, le défi assurantiel : telles sont les difficultés connues par quasiment toutes les filières. Il faut y ajouter l'instabilité politique, et ce dans une période d'élection des chambres d'agriculture. Bref, tout cela mis bout à bout, je dois avouer que même le proverbial optimisme alsacien pourrait bien en prendre un coup… (Sourires.)

Il suffit de regarder l'ordre du jour parlementaire des prochaines semaines pour s'en convaincre, les questions agricoles constituent un enjeu crucial. La situation des agriculteurs est d'autant plus difficile que la crise survient dans un contexte budgétaire particulièrement morose que vous connaissez tous : l'endettement abyssal dont nous héritons et l'absence de marges de manœuvre qui en résulte doivent, à mon sens, nous astreindre à une forme de modestie.

Répondre aux attentes du secteur agricole dans un tel contexte est un véritable défi et je fais partie de ceux qui considèrent que nous devons opérer des choix : penser qu'il est possible de concilier à court terme les contraintes économiques, écologiques, sociales, concurrentielles et budgétaires me semble relever de la naïveté.

Je vais tout de même tenter d'exprimer un point de satisfaction. Ce qui me réjouit, ce n'est pas seulement la perspective des 160 amendements que nous allons examiner : c'est davantage le fait de voir le total des concours publics consacrés à l'agriculture être maintenu en 2025. Si l'on additionne les crédits européens de la PAC, les dépenses sociales qui figureront dans la nouvelle mouture du PLFSS, les mesures fiscales, les dépenses budgétaires que nous sommes en train de présenter, le compte d'affectation spéciale dont nous parlerons après avoir examiné la mission et les crédits qui figurent dans d'autres missions, comme ceux de l'enseignement technique agricole, en tout, en 2025, ce sont 25,6 milliards d'euros que nous consacrerons à l'agriculture et à la forêt, soit à peu près l'équivalent de l'effort consenti en 2024. Au vu du contexte budgétaire, je considère que c'est un effort colossal que de maintenir le total des dépenses publiques pour l'agriculture, et je salue la détermination de Mme la ministre, qui survit à la fois au changement de Premier ministre et aux assauts de Bercy. (Sourires.)

Il est vrai que la répartition de ce total n'est pas la même que l'an dernier. Des crédits qui figuraient auparavant dans la mission sont inscrits ailleurs dans le budget, sous une autre forme, et pour soutenir d'autres priorités. Mais c'est tout simplement que les revendications des agriculteurs se sont traduites par plus de 3 000 demandes lors du mouvement social de 2024 et ont abouti à 70 engagements gouvernementaux.

Nous avions donc deux choix, en tant que rapporteurs.

La première option était de regarder à travers une loupe les seuls crédits de la mission, donc une petite partie de la réalité, et de comparer 2024 et 2025. Vous comprenez tout de suite, mes chers collègues, que telle n'est pas l'option que nous avons retenue.

La démarche que nous avons adoptée, et que nous considérons comme la plus honnête intellectuellement, consiste à prendre tous les critères en compte. Nous posons la question sous un angle qui n'est pas celui de la simple analyse comptable : les crédits pour l'agriculture, dans leur ensemble, vont-ils permettre de répondre aux principales attentes des professionnels du secteur, et ce sans dégrader notre souveraineté alimentaire ? C'est pourquoi nous avons décidé de comparer non pas simplement 2025 par rapport à 2024 – honnêtement, le budget 2024 n'était pas représentatif des dernières années –, mais ce qui est proposé pour 2025 avec les crédits réellement exécutés en 2024.

À cette aune, nous pouvons dire que les pouvoirs publics font un effort budgétaire réel en maintenant le total des concours publics agricoles. Voilà qui peut sembler paradoxal, les autorisations d'engagement diminuant de 13,5 % et les crédits de paiement de 6,5 % ; mais il nous faut photographier l'ensemble de l'effort accompli à destination du monde agricole, et non seulement les crédits qui transitent par la mission.

Bien sûr, nous aimerions faire plus. Bien sûr, il subsiste un goût d'inachevé, et je considère avec bienveillance certaines des pistes d'amélioration que nos collègues vont défendre. Néanmoins, au regard du contexte budgétaire et des attentes des professionnels, il me semble que nous devons voter en faveur de ces crédits, lesquels répondent à l'essentiel des attentes dans un contexte objectivement très difficile.

Avec mon corapporteur Victorin Lurel, nous ne soutiendrons donc que quelques amendements, choisis avec parcimonie en raison du contexte budgétaire, et nous nous en remettrons à la sagesse de nos collègues s'agissant de ne pas déséquilibrer davantage les comptes publics, même s'il faut reconnaître que bien des situations mériteraient que nous nous mobilisions davantage. Vous l'avez compris, la commission des finances a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la ministre, permettez-moi de vous faire une confidence : je ne fais pas forcément partie des 16 % de Français, cités par le Premier ministre, qui pensent que le Gouvernement passera l'année 2025, même si je constate, pour ce qui vous concerne, que vous avez franchi la nouvelle année. (Sourires.) Que le monde agricole bénéficie d'un peu de stabilité à la tête du ministère, c'est sans doute un moindre mal.

La stabilité, j'aurais aimé qu'elle caractérise le budget que vous nous présentez. Le courage politique aurait dû vous conduire à trouver des sources massives de financement pour lutter contre le réchauffement climatique, soutenir les différentes filières en crise et aller plus loin dans les dispositifs d'aide aux agriculteurs. Force est de constater que ce courage vous a manqué.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, il est difficile de faire abstraction de l'effondrement des crédits de la mission et je dois dire qu'il y a encore, selon moi, une réelle marge de progression. Les quelque 160 amendements déposés traduisent bien des insuffisances ; j'en soulignerai deux.

D'abord, l'effort qui avait été consenti en 2024 sur le plan écologique n'est pas reconduit. Certes, reconnaissons-le, la fibre écologique du gouvernement Attal était largement fictive : proposer des crédits que l'on n'a pas est une démarche spécieuse. Le budget 2025 voit les crédits pour la planification écologique fondre des deux tiers : une fonte encore plus rapide que celle des glaces, comme il a été dit en commission.

Comme toujours lorsque le conservatisme est au pouvoir, c'est l'environnement, donc les générations futures, qui trinque. Je regrette amèrement que 2025 signe le renoncement à une agriculture faisant le pari de la planification écologique. Comment les agriculteurs pourraient-ils prendre le virage environnemental si nous n'accompagnons pas leurs changements de pratiques avec volontarisme ?

Cette diminution importante, de plus de 600 millions d'euros, doit néanmoins être nuancée : l'honnêteté commande en effet de dire que l'on se trouve ainsi dans la lignée des montants exécutés lors des exercices précédents.

Davantage que le montant des crédits, je dois dire que c'est leur répartition au sein des programmes qui me pose problème. Le fait, par exemple, de présenter un budget dans lequel sept sous-actions de l'action n° 29 affichent une ligne budgétaire nulle, alors même que cela ne correspondrait pas totalement, nous dit-on, à l'intention du Gouvernement, nous serait même apparu intolérable dans un contexte d'examen plus classique.

Que dire ensuite de la baisse des crédits dédiés aux politiques de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation, retracés dans le programme 206 ? Vous proposez d'amputer de 30 millions d'euros les crédits affectés à cette politique publique, alors que le contexte sanitaire, vous en conviendrez, est loin d'être optimal. Cela n'est pas rassurant, même si je considère que l'essentiel est préservé, puisque le nombre d'agents qui vont travailler sur la sécurité alimentaire et sanitaire augmente.

Il y a donc quelques points positifs dans ce budget. Les crédits budgétaires de l'État consacrés au renouvellement des générations sont sanctuarisés. Si l'on ajoute à cela l'effort consenti au travers des différents dispositifs adoptés en première partie – les articles 18, 19 et 20 –, on peut dire que l'on met enfin des moyens pour inverser la tendance sur la transmission des exploitations, même s'il reste une insuffisance, que nous comptons bien lever, qui a trait au montant du programme d'accompagnement à l'installation et la transmission en agriculture (AITA) pour 2025.

Je vois un autre facteur positif dans ce budget : la consolidation de certains dispositifs favorables aux travailleurs. L'agriculture est un secteur très concurrentiel, on le sait, et, si nous n'adaptons pas nos règles, nous favoriserons une certaine précarisation.

L'exonération de certaines charges ou cotisations assure le maintien du volume global des heures salariées dans le secteur agricole, tout en donnant lieu à compensation à la Mutualité sociale agricole (MSA). Pour moi, c'est là l'un des moyens de lutter contre le travail illégal et les conséquences qu'il entraîne, en particulier pour des emplois à faible valeur ajoutée.

J'y prête évidemment une attention particulière dans les outre-mer, où le salariat agricole joue un rôle central. Je considère donc comme des avancées l'augmentation des crédits de protection sociale du programme 149 et la hausse des crédits consacrés au fameux dispositif d'exonération dit TO-DE (travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi) du programme 381, cette hausse anticipant les conséquences de mesures très attendues comme la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul des pensions de retraite et le rehaussement du seuil de dégressivité dudit dispositif TO-DE. Malheureusement, 15 % des employeurs agricoles n'y sont toujours pas éligibles ; il faudra y penser à l'avenir.

Vous l'aurez compris, je considère que l'effort de l'État dans ce budget est réel et que, faute de mieux, voter contre ces crédits n'aurait pas de sens. Néanmoins, le Gouvernement doit encore revoir sa copie sur plusieurs points, notamment la répartition des crédits entre les sous-actions, le schéma d'emploi des opérateurs forestiers, mais aussi le différentiel entre les recettes et les dépenses du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », Casdar pour les initiés, qui continue de s'accroître. Cela ne laisse pas de poser question, puisque le solde comptable du Casdar a dépassé les 140 millions d'euros.

La commission des finances a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits, mais, à titre personnel, je réserverai ma position jusqu'à l'issue de notre débat, avec l'espoir, madame la ministre, que vous nous apportiez des garanties supplémentaires au cours de cette séance.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Franck Menonville et Vincent Louault applaudissent également.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après une dissolution et une censure, il faut enfin remettre la ferme France sur les bons rails, après beaucoup trop d'années à s'obstiner dans la mauvaise direction.

Pour cela, nous allons avoir plusieurs rendez-vous à ne pas manquer. Il y aura d'abord, dans quelques semaines, le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, qui traite des questions d'installation, de transmission, d'enseignement, mais aussi de souveraineté alimentaire. Madame la ministre, je vous l'ai déjà dit, je vous accompagnerai en rapportant ce texte, car j'ai confiance en vous. J'ai confiance en votre action et, surtout, je suis convaincu que vous réussirez à faire inscrire enfin à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, dans une semaine gouvernementale, la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, que le Sénat va examiner les 27 et 28 janvier prochains. Ce texte, s'il est voté, permettra d'assouplir enfin certaines normes et de mobiliser des moyens nouveaux pour libérer la production et redonner de la compétitivité à notre agriculture.

À court terme, c'est le budget qui nous mobilise. Madame la ministre, je sais pouvoir compter sur vous pour que soient conservés en CMP, à l'article 20, la confirmation de la suspension de la hausse de la fiscalité sur le gazole non routier (GNR) ; à l'article 18, le maintien d'un avantage fiscal et social pour soutenir l'élevage bovin ; à l'article 18 encore, le passage de 20 % à 30 % du taux de dégrèvement pour la taxe foncière ; à l'article 19, la hausse des plafonds d'exonération des plus-values pour alléger la fiscalité lors de la transmission, pour un coût total de 20 millions d'euros. Et je n'oublie pas l'exonération, pour 30 millions d'euros, des sommes réintégrées après recours à la déduction pour épargne de précaution (DEP).

J'ajoute à cela tout ce qui a été voté dans le PLFSS avant la censure, et en particulier le relèvement du seuil de dégressivité applicable au dispositif TO-DE de 1,20 à 1,25 Smic. Nous tenons aussi aux mesures qui concernent les coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma) et prêtons une attention particulière à ce que le Sénat a voté pour « détendre » le coût du salariat agricole dans les coopératives de production de fruits et légumes.

Enfin, nous attachons une grande importance à la mesure prévoyant la prise en compte des vingt-cinq meilleures années dans le calcul des pensions de retraite agricoles, comme à la possibilité pour les jeunes agriculteurs de cumuler l'exonération dégressive de cotisations sociales avec les taux réduits de cotisations maladie et famille.

Madame la ministre, d'autres professions, après avoir subi tant de tergiversations, auraient peut-être été moins calmes. L'agriculture a compris ce qui s'est passé, elle a dit quels étaient tous les défauts de la motion de censure de décembre, et notamment le retard qu'elle a entraîné dans la réponse à ses problèmes. C'est pourquoi, aujourd'hui, il faut aller vite.

Concernant le budget 2025, il faut être très exact et faire preuve d'un tant soit peu d'objectivité. Le fait est que, même en intégrant l'amendement gouvernemental de dernière minute – façon tout à fait cavalière d'aborder le sujet –, si l'on compare les budgets des deux dernières années avec celui-ci,…

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis !

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. … on relève que, entre 2023 et 2024, 900 millions d'euros avaient été ajoutés aux crédits de cette mission, pour des dépenses qui, souvent, n'étaient que de communication.

Mme la présidente. Il faut vraiment conclure !

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Je m'y emploie, madame la présidente.

Dès lors, diminuer ces crédits de 600 millions d'euros – à la baisse de 300 millions d'euros inscrite dans le texte initial s'ajoute le coup de rabot supplémentaire de 300 millions d'euros que nous soumet aujourd'hui le Gouvernement – nous ferait simplement revenir à l'équilibre de 2023, voire maintiendrait un niveau de crédits légèrement supérieur.