Mme la présidente. Merci de conclure !

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Je ne peux certes pas dire que c'est une bonne chose, mais il est indéniable que cela va dans le sens de ce que nous devons faire de manière générale, dans le budget de l'État, pour remettre les comptes publics à flot. (Mme Dominique Estrosi Sassone et M. Jean-Claude Anglars applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Dominique Estrosi Sassone et M. Vincent Louault applaudissent également.)

M. Franck Menonville, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, même si les crédits de ce budget enregistrent un recul par rapport à ceux de 2024, ils restent néanmoins supérieurs, en l'état, à ceux de 2023. Nous proposerons donc l'adoption de ces crédits, en les assortissant si possible de compléments peu onéreux, mais nécessaires.

Le budget de cette année, dans le contexte que notre pays traverse, est certes très contraint. Il serait pourtant dommage de ne pas traduire budgétairement, par anticipation, des mesures du projet de loi d'orientation agricole qui pourraient être amenées à entrer en vigueur dès 2025 ; je pense notamment au financement des diagnostics de viabilité économique et de viabilité des exploitations, au renforcement du budget de l'accompagnement à l'installation-transformation en agriculture, l'AITA, ainsi qu'à la préfiguration de l'aide au passage de relais, qui pourrait passer par un fléchage des crédits sous-consommés de l'aide à la relance des exploitations agricoles.

Pour ce qui est du volet forestier, dont je suis plus spécifiquement chargé au sein de cette mission, permettez-moi tout d'abord de vous faire part de mon inquiétude : j'aurais préféré que ce sujet demeure en lien direct avec l'agriculture.

Nous nous félicitons en revanche du maintien de l'équilibre des moyens humains de l'Office national des forêts (ONF), que vous avez annoncé, madame la ministre, lors de votre audition par notre commission, alors que la copie initiale du gouvernement Barnier prévoyait une baisse de 95 équivalents temps plein (ETP).

Nous sommes néanmoins inquiets de constater le « go and stop » des crédits sur deux points cruciaux.

D'une part, 13 ETP seraient supprimés au Centre national de la propriété forestière (CNPF), au beau milieu d'une trajectoire d'augmentation de son plafond d'emplois, qui devait être de 50 ETP sur trois ans. Nous proposerons donc que les effectifs soient maintenus à leur niveau actuel.

D'autre part, la baisse de 509 millions à 228 millions d'euros de l'enveloppe forêt de la planification écologique nous paraît trop brutale pour permettre aux acteurs de cette filière de se projeter avec confiance et continuité dans le renouvellement forestier à l'horizon 2030. En outre, nous avons appris, une fois achevés nos travaux de commission, un possible coup de rabot supplémentaire de cette ligne. Nous défendrons à cet égard un amendement tendant à rapprocher les montants inscrits en loi de finances des ambitions initiales.

La commission des affaires économiques propose donc d'adopter les crédits de cette mission dans leur version initialement étudiée en commission.

Ce projet de budget est particulièrement attendu par nos agriculteurs et contient de réelles avancées : je pense notamment aux allégements de charges dont ils bénéficieront, à hauteur de près de 450 millions d'euros, en application des mesures contenues tant dans ce PLF que dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Nos agriculteurs attendent aussi beaucoup de la proposition de loi que Laurent Duplomb et moi-même défendrons bientôt dans cet hémicycle, ainsi que du projet de loi d'orientation agricole. Madame la ministre, votre feuille de route est chargée, mais vous pouvez compter sur notre soutien et sur notre mobilisation.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cela ne vous étonnera guère, mais, contrairement à mes deux collègues rapporteurs pour avis et à la commission des affaires économiques, je suis en désaccord avec le budget que nous propose le Gouvernement pour cette mission.

Avant d'expliciter mon opposition, je me permets tout de même de me satisfaire, madame la ministre, de votre promesse de revenir sur la suppression de 95 ETP à l'ONF. Il me semble indispensable de maintenir à tout le moins les effectifs de l'Office afin de préserver nos forêts publiques.

Il n'en reste pas moins que j'ai des divergences profondes avec les orientations du projet de budget que vous nous présentez, madame la ministre.

Ma principale préoccupation tient à la réduction drastique, par rapport au budget 2024, des crédits alloués à la planification écologique : réduction de moitié en crédits de paiement et des deux tiers en autorisations d'engagement, sans même prendre en compte – nous en reparlerons ! – l'amendement que vous avez déposé à la dernière minute, madame la ministre, qui tend à raboter de 285 millions d'euros supplémentaires les crédits de la mission.

Cette baisse inconsidérée menace notre capacité à anticiper et à prévenir les aléas. Présenter un tel budget, avec de tels reculs sur les engagements écologiques, c'est nier le besoin d'adapter notre agriculture aux effets du changement climatique.

Le fonds en faveur de la souveraineté alimentaire et des transitions est par exemple raboté de 85 millions d'euros. Mais l'exemple emblématique, c'est le pacte en faveur de la haie. Un an seulement après son lancement, il est raboté de 80 millions d'euros, soit trois quarts de ses crédits ! Et je ne parle même pas du plan Protéines et du bon « diagnostic carbone » : ces dispositifs ne sont même plus dotés !

L'investissement dans la transition écologique a évidemment un coût dans l'immédiat, mais, en l'absence d'accompagnement par l'État, ce sont les agriculteurs qui vont devoir assumer seuls les chocs climatiques et sanitaires à long terme.

Si la puissance publique n'intervient pas à l'heure de l'urgence environnementale, quand interviendra-t-elle ? Je vous le demande, madame la ministre !

Je veux rappeler une nouvelle fois le constat fait par la Cour des comptes : chaque euro investi dans la prévention en économise sept en indemnisation et en gestion de crise.

Ces dépenses de crise, assurément nécessaires, sont souvent mal calibrées, car décidées dans l'urgence.

Entre 2013 et 2022, les dépenses d'indemnisation et de gestion ont très fortement augmenté, passant d'environ 100 millions d'euros à plus de 2 milliards d'euros. Et la dynamique se prolonge, puisque 2024 a également entraîné son lot d'indemnisations d'urgence.

Entendons-nous bien : nous ne remettons bien sûr pas en cause la nécessité de réagir aux crises « en pompier », pour éteindre l'incendie lorsqu'il est déclaré, mais nous proposons surtout de concevoir davantage les dépenses de la mission « en architecte », afin de prévenir en amont, autant que faire se peut, l'impact des crises. Une prise de conscience collective, pour réduire la vulnérabilité du secteur agricole face aux risques, est indispensable.

Vous l'aurez compris, j'ai à titre personnel un avis défavorable sur les crédits de cette mission, dont je ne soutiendrai pas l'adoption.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-Lise Housseau. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

Mme Marie-Lise Housseau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'année 2024 avait démarré par une crise agricole, avec barrages routiers et manifestations d'une rare ampleur. Elle s'est terminée avec de nouvelles mobilisations, des conditions climatiques exécrables, de mauvaises récoltes, une crise sanitaire, sans oublier le traité avec le Mercosur : un cocktail explosif, d'autant qu'avec la dissolution, puis la motion de censure, trop peu de réponses concrètes ont été apportées aux agriculteurs.

Le volet agricole du projet de loi de finances pour 2025 peut-il contribuer à l'apaisement dans les campagnes ? Peut-il redonner des perspectives à un pan de notre économie aussi malmené ? Peut-il nous permettre d'atteindre notre objectif de souveraineté alimentaire autrement que sur le papier ?

Le budget 2025 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », comme l'ont expliqué les rapporteurs, est en trompe-l'œil : en diminution par rapport à 2024, du fait de la non-reconduction de crédits de la planification écologique, mais en excédent par rapport à 2023.

Au total, ce sont donc 4,6 milliards d'euros qui sont prévus en autorisations d'engagement, en complément des 9,4 milliards d'euros de crédits européens de la politique agricole commune (PAC). Précisons que ces chiffres ne prennent pas en compte le coup de rabot supplémentaire annoncé ; celui-ci, qui est de presque 300 millions d'euros, nous paraît tout de même particulièrement inopportun dans le contexte actuel.

Dans ce budget, nous pouvons nous réjouir que les engagements de crise des précédents gouvernements – suppression de la hausse de fiscalité du GNR, dégrèvement à 30 % de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, déduction pour épargne de précaution – aient été respectés. Ces mesures, auxquelles s'ajoute l'exonération TO-DE, sont un premier signal positif.

En revanche, les sommes consacrées au soutien à l'installation et à la transmission – le dispositif AITA – stagnent. Madame la ministre, l'accompagnement des candidats à l'installation et des cédants est un enjeu stratégique. Il mérite un dispositif d'envergure, englobant un guichet unique, une aide au passage de relais, ainsi qu'un volet communication, pour redonner au métier d'agriculteur ambition, perspective et attractivité.

Concernant le programme sanitaire, il faut tirer les leçons des crises et passer d'une logique d'intervention en pompier à une logique de prévention.

Il est à souhaiter que les assises du sanitaire animal se tiennent rapidement et qu'elles permettent d'aboutir à une réorganisation effective de la gouvernance, des financements et des outils.

Enfin, si le budget de la mission reste correctement calibré au vu de la faiblesse des marges de manœuvre disponibles, c'est au prix d'une impasse totale sur les crédits de la planification écologique. Les enjeux environnementaux et les attentes des consommateurs nécessitent une meilleure prise en compte et, surtout, une vision innovante et d'anticipation qui, hélas ! fait défaut.

S'il est impératif de mettre fin aux surtranspositions françaises en matière de produits phytosanitaires, il ne faut pas pour autant laisser le balancier revenir en arrière et renoncer à accompagner les agriculteurs dans une indispensable transition écologique et énergétique.

De nombreux autres points restent en suspens : la simplification, les impasses techniques, l'accès à l'eau, ou encore la suite des lois Égalim, sur lesquelles nos collègues Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier ont livré un rapport sans concession – la liste est longue.

Nos agriculteurs devront attendre le projet de loi d'orientation agricole et la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur pour obtenir des réponses complémentaires. Cependant, les dispositions de ce PLF, si elles sont complétées par des amendements dont nous jugeons l'adoption nécessaire, constitueront déjà une amorce.

Le groupe Union Centriste votera donc les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il en va de la thématique agricole comme des autres thématiques : nous reprenons le débat là où nous l'avions laissé il y a quelques semaines, un peu comme s'il ne s'était rien passé entretemps, comme si la référence était toujours le projet de budget initial, alors même que, nous venons de l'apprendre, le Gouvernement veut que nous composions avec des crédits en baisse de quelque 280 millions d'euros par rapport à sa proposition initiale.

S'il est vrai que la censure du gouvernement précédent est intervenue pour rejeter le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et non le présent texte, il n'en est pas moins vrai que les conséquences qui découlent de ladite censure concernent l'ensemble de nos débats budgétaires.

Ainsi, malgré les annonces du Gouvernement, les agriculteurs ont toujours le sentiment que les engagements pris en début d'année ne sont pas tenus.

J'en veux pour preuve les quelques appels, à peine masqués, à manifester devant les permanences des parlementaires de gauche pour tenter d'accréditer l'idée que les difficultés du monde paysan étaient imputables à la non-adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Alors, avant d'en venir spécifiquement au PLF 2025, permettez-moi de relever ici qu'à des degrés divers nos filières sont en crise. À mes yeux, la raison centrale de cette crise est l'insuffisance de la rémunération du travail paysan : la valeur ajoutée ne revient pas à la ferme !

Ainsi, en Bretagne, dans la filière laitière, le renouvellement des générations ne se fait qu'au rythme d'une installation pour trois départs. Depuis 2021, les productions de volailles et de porcs suivent cette même tendance, avec respectivement des baisses de 10 % et de 8 %.

Il est vrai que l'essentiel de la politique agricole ne se définit pas ici ; nous aurons l'occasion d'y revenir en débattant du projet de loi d'orientation agricole et de la mise en œuvre des politiques européennes.

Néanmoins, malgré le contexte global de restriction que nous connaissons, il eût été cohérent que le secteur agricole échappe aux baisses de crédits, compte tenu de la lourde crise économique et sanitaire qu'il traverse et de l'ampleur des défis qui lui sont assignés, comme l'a très justement rappelé le rapporteur spécial il y a quelques minutes.

Aussi, nous insistons pour conforter le renouvellement des générations. À l'heure où nous devons redoubler d'efforts, il convient de ne plus tergiverser : il faut agir pour accompagner de bonne manière la transmission des exploitations à des jeunes.

Nous prenons acte des dispositions envisagées en matière d'avantages fiscaux pour la transmission, ainsi que des mesures prévues en matière d'exonération de cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs.

Nous prenons acte également des dispositions envisagées en matière de pérennisation des dispositifs TO-DE, dont le budget est en hausse, ce qui devrait permettre aussi une amélioration de la situation des saisonniers.

Enfin, dans le prolongement des lois du 3 juillet 2020 et du 17 décembre 2021, dites lois Chassaigne, nous prenons en considération la réforme du calcul des pensions de retraite agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années, applicable dès 2026.

Toutefois, au-delà de ces aspects, il convient de porter une appréciation beaucoup plus nuancée sur les missions régaliennes de l'État en matière de formation, de biodiversité et d'agroécologie.

Bien entendu, madame la ministre, nous prenons acte de vos annonces récentes concernant l'ONF. Votre décision est une marque de sagesse : si vous ne l'aviez pas prise, au regard des chiffres inscrits dans le texte initial, l'ONF aurait perdu quasiment 45 % de ses effectifs en dix ans. Tel ne sera pas le cas ; dont acte.

Qu'il me soit néanmoins permis de rappeler que l'austérité budgétaire s'imposera : elle s'imposera à l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) et elle s'imposera à la recherche publique. Or ces organismes ne sont pas le problème ! Au contraire, ils sont souvent la solution aux problèmes du monde agricole ; j'espère que nous aurons l'occasion de revenir sur cet aspect important du débat.

Enfin, bien que l'enseignement agricole soit rattaché à la mission « Enseignement scolaire », je ne peux m'empêcher de déplorer à cette tribune la baisse de 18 millions d'euros des crédits du programme 143. L'enseignement agricole public paie un lourd tribut, tout comme, du reste, les établissements privés.

Alors que l'examen du projet de loi d'orientation agricole commence très prochainement, je relève une contradiction entre les objectifs annoncés et les moyens mis en œuvre.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Gérard Lahellec. Ce sont là autant de raisons qui conduiront les membres de mon groupe à s'opposer à ce budget.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'agriculture française fait face à des défis majeurs : crise du revenu, crise démographique, mur climatique, effondrement de la biodiversité, pollution généralisée des milieux, atteintes à la santé des agriculteurs et des consommateurs.

Face à ce constat, le gouvernement Barnier nous proposait une baisse drastique des moyens, en particulier des crédits alloués à la planification écologique et aux politiques de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation, une catastrophe que vous voulez amplifier, madame la ministre, le Gouvernement ayant déposé un nouvel amendement il y a quelques heures pour nous proposer une baisse supplémentaire de 284 millions d'euros des crédits de la mission. Il s'agit là d'une coupe budgétaire sans précédent !

En outre, le manque de transparence est total, puisque nous ne savons pas quelles lignes budgétaires seraient précisément affectées. Nous pouvons craindre que soient ciblées encore davantage les mesures agroécologiques, dont les crédits sont déjà largement insuffisants.

Permettez-moi de développer les points d'achoppement majeurs.

L'action n° 29 « Planification écologique » du programme 149 devait initialement perdre 650 millions d'euros en autorisations d'engagement et 300 millions d'euros en crédits de paiement. Cette coupe budgétaire, déjà effarante, constitue une erreur stratégique grave, alors que la préservation du climat et de la biodiversité est l'assurance vie de l'agriculture.

Nous déplorons également la baisse drastique des crédits du programme 206 et en particulier de l'action n°09, dédiée à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires. Ces crédits diminueront-ils encore davantage si l'amendement du Gouvernement est adopté ? Là encore, le flou est total.

Nous ne pouvons que déplorer fortement la baisse, voire le gel, d'autres lignes budgétaires essentielles.

Le pacte en faveur de la haie est ainsi raboté de 80 millions d'euros. Une telle ponction est difficilement acceptable alors que ce programme débute tout juste et que tous les acteurs, administration comme agriculteurs, se sont mobilisés, dans un calendrier serré, pour le faire fonctionner. Ce stop and go est dévastateur ici comme ailleurs !

Le financement des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), outil majeur de la transition agroécologique, est lui aussi gravement mis à mal pour la deuxième année consécutive. Pourtant, au travers des Maec, l'agriculteur s'engage à changer ses pratiques et à agir en faveur de l'environnement et du climat. En retour, l'État renie ses engagements et n'honore pas sa part du contrat ! Quelle perspective, alors que l'heure devrait être à de nouveaux appels à projets !

Concernant l'agriculture biologique, qui subit depuis trois ans une grave crise – organisée – de la demande, vous vous contentez, là aussi, de mesures d'urgence très mesurées, plutôt que d'impulser une stratégie nationale ambitieuse. Une telle stratégie devrait inclure des prix rémunérateurs garantis, une régulation des marchés, l'interdiction des surmarges sur les produits bio, des soutiens PAC rehaussés, le rétablissement de l'aide au maintien et, bien sûr, un soutien à la demande via les leviers de la commande publique et de la communication.

La question posée est la suivante : pourrons-nous encore longtemps ignorer les coûts cachés des pesticides, madame la ministre ?

Dans les élevages, la crise sanitaire liée à la fièvre catarrhale ovine traverse le pays depuis cet été. Elle s'ajoute aux dégâts de la maladie hémorragique épizootique. Outre une enveloppe trop faible pour une indemnisation qui soit à la hauteur des pertes subies, aucun programme de recherche n'est lancé sur l'origine profonde de ces maladies qui se multiplient, alors que de nouveaux sérotypes sont à nos portes.

D'autres lignes budgétaires sont sacrifiées : rien pour le plan Protéines, le diagnostic carbone, la forêt en outre-mer ! Et nous pouvons craindre encore davantage de coupes avec l'amendement du Gouvernement.

Les contraintes budgétaires sont réelles, mais doit-on couper, voire geler, des budgets qui permettent justement de prévenir les crises ou, au moins, de les atténuer ? Un euro investi dans la prévention en économise sept en indemnisation et en gestion de crise, comme le soulignaient à juste titre le rapporteur pour avis Laurent Duplomb en commission et, tout à l'heure en séance, son collègue Jean-Claude Tissot. On n'investit pas là où il faut !

Quant à la régulation du foncier, elle constitue un angle mort de ce PLF, qui ne prévoit aucun renforcement des contrôles et rien non plus contre les montages sociétaires, l'accaparement, la spéculation et la financiarisation. Y a-t-il une réelle volonté d'arrêter le grand plan social agricole ?

Une soi-disant compétitivité, associée à l'agrandissement des exploitations, conduit notre pays vers la céréalisation et les bêtes en bâtiment ; on le constate chaque jour.

Derrière l'argument de la situation budgétaire, on trouve surtout la traduction d'une vision toujours plus productiviste de l'agriculture. Pourtant, cette approche ne fonctionne pas, ou plus, et nous a fait perdre 100 000 paysans en dix ans !

Oui, madame la ministre, qu'elles plaisent ou non à certains, les études scientifiques indépendantes s'empilent jour après jour et vont toutes dans le même sens : l'usage des pesticides est délétère pour la santé humaine. La biodiversité s'effondre ; les pesticides tuent sur le court, le moyen et le long terme ; c'est tout le vivant qui est affecté, et l'humain en premier lieu.

Pour le profit à court terme de quelques-uns, ce budget sacrifie la santé humaine, avec à la clé des coûts associés colossaux. Il sacrifie également la majorité des agriculteurs. Non, madame la ministre, ce budget n'est pas au rendez-vous de l'histoire ; il risque même de signer, à plus ou moins long terme, la fin de l'histoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Laurent Duplomb. De la vôtre !

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Franck Montaugé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a dix ans, le législateur français engageait l'agriculture française dans la voie de l'agroécologie.

De loi de finances en loi de finances, cette orientation s'est vue confortée par le développement en ce sens des moyens financiers attribués à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du budget de l'État.

Cette orientation vers l'agroécologie est aussi nécessaire que cruciale pour la performance de notre agriculture, à l'ère des grandes transitions qui constituent désormais le cadre ou l'horizon de toutes nos politiques publiques.

Aujourd'hui, le projet de budget pour l'agriculture présenté par le gouvernement de Michel Barnier et repris in extenso – pas tout à fait, hélas ! – par celui de François Bayrou marque plus qu'une inflexion conjoncturelle.

En témoigne la diminution des sommes allouées à la présente mission, de près de 13,5 % en autorisations d'engagement et de plus de 6,5 % en crédits de paiement. S'y ajouteront, si l'amendement du Gouvernement est adopté dans quelques minutes, 300 millions d'euros de coupes supplémentaires.

Le budget que vous proposez pour 2025, madame la ministre, est en rupture avec les budgets précédents. Une baisse de 600 millions d'euros, c'est en réalité une gifle à l'ensemble du monde paysan !

À rebours de votre politique, nous considérons, en premier lieu, que la contribution du ministère de l'agriculture aux économies demandées sur le budget général de l'État est absolument disproportionnée, et, en second lieu, qu'elle procède d'une volonté politique qui va à contresens des intérêts mêmes de l'agriculture française et de notre société dans son ensemble.

C'est très exactement ce que traduit la baisse de 700 millions d'euros, soit –70 % – excusez du peu ! – des crédits consacrés à la planification écologique. Si l'on y ajoute les 300 millions d'euros supplémentaires que l'on nous demande de retrancher aujourd'hui des crédits de la mission, c'est l'équivalent de l'ensemble des moyens de la planification écologique qui aura disparu !

Le pacte en faveur de la haie se voit raboté de 80 millions d'euros ; le fonds en faveur de la souveraineté alimentaire et des transitions enregistre pour sa part une baisse de 85 millions d'euros.

Des lignes budgétaires entières ne sont plus du tout dotées, comme le plan Protéines, le diagnostic carbone, les mesures de dynamisation de l'aval filière bois-matériaux, ou encore le dispositif « Défense des forêts contre l'incendie ».

Par ailleurs, je regrette que, dans le contexte épizootique actuel – maladie hémorragique épizootique (MHE), fièvre catarrhale ovine (FCO), grippe aviaire ; le Gers est tout particulièrement concerné –, on ait choisi de diminuer les crédits alloués au programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ».

La conséquence sociale directe de ces coupes claires, ce sera la suppression de plus de 150 ETP au sein des opérateurs du ministère, dont 95 ETP pour le seul ONF.

Ni le projet de loi d'orientation agricole que vous allez soumettre au débat, madame la ministre, ni la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur ne sont à la hauteur des enjeux du moment.

Les enjeux, quels sont-ils ? Ils sont d'ordre économique, social et environnemental.

Je pense à la performance économique, d'abord, donc aux prix et aux coûts de production. Il faut prendre acte de la nécessité de soutenir les filières et les productions en difficulté – c'est mal parti.

Importe ensuite la considération sociale que l'on prête aux revenus et aux conditions de vie des agriculteurs, dans leur diversité de condition personnelle. À cet égard, la série en cours des lois Égalim vient, hélas ! confirmer ce que nous vous disons depuis des années : si l'on ne régule pas les prix de production, si l'on ne s'affranchit pas de certaines règles de l'OMC – je pense à la moyenne olympique –, des pans entiers de filières et leurs territoires continueront à se paupériser ! Et la rente énergétique – c'est cela qui se profile dans bien des endroits en France – ne réglera rien sur le plan alimentaire.

Enfin, le troisième enjeu est la prise en compte de la question environnementale et climatique. Le sens de l'histoire et la responsabilité de notre humanité contemporaine, ce n'est pas de déconstruire méthodiquement, d'exercice en exercice, les fondements et les acquis précieux, partiels et fragiles aussi, de l'agroécologie développée depuis dix ans, parfois dans la difficulté.

Notre responsabilité politique, devant les Français et pour les générations futures, dans un cadre européen qui demeure incertain, c'est de conforter et d'approfondir ce qui a été lancé sur la base de cet objectif de triple performance : économique, sociale et environnementale.

Ces trois enjeux doivent être conjugués, composés de manière équilibrée pour développer l'agriculture française dans le sens de l'intérêt général. La performance économique, nécessaire, ne peut être traitée indépendamment des questions sociale, environnementale et, bien entendu, territoriale !

Il y va du choix d'un modèle, j'en conviens ; c'est donc une question – nous le savons tous – éminemment politique.

Madame la ministre, le projet de budget dont nous débattons ce soir contribue-t-il à répondre aux questions que j'ai soulevées ? Non, à ce stade, et moins encore ce soir qu'hier, compte tenu du coup de rabot supplémentaire de 300 millions d'euros.

Je souhaite malgré tout que les amendements proposés par notre groupe, pour les filières avicole, bovine et viticole en particulier, soient repris par notre assemblée. Ni les assurances ni les marchés, avec leurs réalités et leurs risques, ne permettront de soutenir ces filières à la hauteur de l'investissement et du travail des agriculteurs concernés.