M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires », prend sa part du nécessaire redressement de nos finances publiques : à périmètre égal, ses crédits sont en baisse de 3,9 millions d’euros, soit 2,4 %.
Au sein du programme, cependant, les contrastes sont forts, car la baisse est très inégalement répartie. Les diminutions de crédits sont concentrées sur les aides sociales, sur lesquelles mon collègue Guillaume Gontard reviendra plus en détail. En revanche, l’effort de modernisation des services rendus aux Français à l’étranger au travers de plusieurs programmes structurants est pleinement financé, ce dont il faut se féliciter.
Ces programmes, plébiscités par les usagers, sont au nombre de trois : la plateforme téléphonique France Consulaire, dont le déploiement s’achèvera en 2025 ; le vote par internet ; le registre de l’état civil électronique (Rece), sur lequel je m’arrêterai plus longuement.
Le traitement des actes d’état civil repose sur quatre composantes : l’établissement des actes, leur mise à jour, par exemple au moment d’un mariage, la délivrance de copies ou d’extraits d’actes de naissance et, enfin, l’archivage.
Depuis mars 2021, le service central d’état civil peut délivrer des copies ou extraits d’actes portant une signature électronique, sans version papier, avec des délais de traitement considérablement réduits : jusqu’à trente jours dans certains postes pour le format papier, contre quatre jours seulement en format électronique.
La délivrance électronique est dans le droit commun depuis juin 2024 ; l’année 2025 sera celle de la montée en puissance pour les deux fonctions d’établissement et de mise à jour d’actes, d’où la très forte augmentation du budget consacré à ce projet, qui devrait être mené à son terme en 2026, avec l’achèvement de l’archivage électronique.
Pour l’heure, le taux de satisfaction des usagers est de 96 %, comme j’ai pu le constater lors de ma visite du siège des services d’état civil à Nantes. Les demandes y sont quasiment traitées en flux, ce qui peut susciter l’envie de beaucoup d’administrations. De plus, l’économie liée au registre de l’état civil électronique est estimée à 1,3 million d’euros par an, essentiellement en frais de courrier, mais aussi en équivalents temps plein.
Nous vous recommandons par conséquent d’approuver les crédits du programme 151. Dans la période de très fortes contraintes budgétaires qui s’ouvre pour notre pays, les projets qu’il finance relèvent d’une utilisation pertinente de l’argent public pour la rationalisation de notre administration. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, si, comme l’a souligné mon corapporteur, nos compatriotes de l’étranger seront mieux servis par notre administration dans leurs démarches quotidiennes, cet effort s’est fait au détriment des dépenses sociales en leur faveur.
L’aide sociale distribuée à nos compatriotes en difficulté, qui comprend notamment l’allocation de solidarité, l’allocation aux adultes handicapés (AAH), l’allocation enfant handicapé (AEH) et le secours mensuel spécifique enfants (SMSE), s’inscrit dans un cadre législatif très vague, qui laisse à l’État une grande marge de manœuvre budgétaire.
Avant la nouvelle baisse de 2 millions d’euros par amendement de dernière minute des crédits du programme, cette aide était déjà en baisse de 1 million d’euros dans le PLF pour 2025, à 15,2 millions d’euros, alors même que l’enveloppe votée pour 2024 a dû être abondée en gestion pour faire face aux besoins. Monsieur le ministre, qu’en sera-t-il avec votre amendement ?
Le responsable du programme 151 justifie cette coupe par une baisse du nombre d’allocataires et une réduction du périmètre des allocations, certaines d’entre elles n’étant plus versées aux Français résidant dans l’Union européenne. Or les incertitudes de l’économie mondiale comme du contexte géopolitique laissent craindre une aggravation plutôt qu’une amélioration de la situation de nos compatriotes.
Des baisses similaires ont été imposées au dispositif de soutien au tissu associatif des Français de l’étranger (Stafe), créé en 2000 pour remplacer la réserve parlementaire, aux organismes locaux d’entraide et de solidarité (Oles) et aux centres médico-sociaux implantés dans les pays dont les structures sanitaires sont limitées.
L’enveloppe des bourses scolaires destinées aux élèves du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, qui constitue la plus grande partie des crédits de ce programme, est, elle aussi, en diminution, passant de 118 millions d’euros à 111,5 millions d’euros.
La baisse du nombre de boursiers, qui, selon la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire et l’AEFE, serait notamment due à la plus grande rigueur apportée au traitement des dossiers de demande, sert de justification à cette diminution de crédits.
Cette logique apparaît toutefois quelque peu malthusienne : le nombre total d’élèves au sein du réseau est en constante augmentation, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir, mais celui des élèves français stagne et celui des boursiers est en très forte baisse.
Enfin, mon corapporteur et moi-même, ainsi que les rapporteurs du programme 105, avons fait adopter par notre commission un amendement visant à doubler le concours de l’État à la Caisse des Français de l’étranger (CFE) au titre de la catégorie dite aidée, regroupant les adhérents dont les ressources sont les plus modestes.
Organisme de droit privé à mission de service public, la CFE garantit à ses assurés une protection sociale équivalente à celle de la sécurité sociale. Or elle accuse un déficit croissant, notamment en raison du coût de financement de la catégorie aidée, sans que la contribution de l’État ait pour autant évolué. Cet amendement, adopté l’an dernier par le Sénat avec un avis de sagesse du Gouvernement, vous sera donc présenté tout à l’heure.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », finance l’enseignement français à l’étranger, les services culturels des ambassades, le réseau des instituts et des alliances françaises, ou encore la mobilité étudiante, qui constituent autant de relais de notre pays de par le monde.
Ce domaine, traditionnellement très investi par la France, prend aujourd’hui une importance particulière dans le contexte actuel de regain des tensions, en devenant parfois le seul canal de dialogue possible avec un État ou un peuple étranger. Il constitue également un terrain de forte concurrence internationale, sur lequel il est crucial de ne pas perdre pied.
Dans la version initiale du projet de loi de finances, sur laquelle a porté l’avis de la commission de la culture, ce programme est largement affecté par l’effort de maîtrise budgétaire.
L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger verra ainsi sa subvention réduite de 3 %. Cette trajectoire budgétaire, conjuguée à la concurrence des établissements anglo-saxons ainsi qu’aux tensions géopolitiques, ne permettra pas d’atteindre l’objectif de 700 000 élèves à la rentrée 2030.
L’ambition de développement du réseau n’est cependant pas abandonnée et le programme finance plusieurs outils cruciaux à ce titre : la formation des personnels locaux dans les seize instituts régionaux de formation, les bourses France Excellence Major ou encore le développement du plurilinguisme, avec le bac français international.
Les crédits alloués à l’Institut français, quant à eux, sont en baisse de 6 %. Cette évolution ne devrait cependant pas remettre en cause le niveau d’activité de l’Institut, qui bénéficie de financements extérieurs, de la Commission européenne ou encore de la Caisse des dépôts. Elle le conduira cependant à se désengager de certains programmes tels que le soutien aux cinémas du monde ou aux résidences et mobilités d’artistes, tandis que les partenariats noués avec les collectivités locales seront recentrés sur les plus dynamiques d’entre eux.
Pour ce qui concerne la coopération universitaire, les crédits des bourses de mobilité du Gouvernement, qui favorisent la formation en France de profils étrangers à haut potentiel, seront stabilisés. Cet effort ne suffira pas, cependant, à atteindre les objectifs de la stratégie Bienvenue en France, recentrée, selon le ministère, sur une approche plus qualitative. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous en dire un peu plus à ce sujet.
J’en termine en saluant l’engagement et la capacité d’adaptation exceptionnelle des opérateurs du programme face aux crises et aux conflits qui se multiplient dans la zone sahélienne, en Israël et à Gaza, au Liban ou encore en Ukraine.
Estimant que les baisses concernant ce programme ont été initialement opérées de manière à préserver autant que possible les marges de manœuvre de notre diplomatie d’influence dans un contexte où chacun doit prendre sa part de l’effort d’économies, la commission de la culture a donné un avis favorable à l’adoption de ces crédits.
Nous attendons cependant, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez de manière très précise la portée de l’amendement rabot du Gouvernement sur les opérateurs de ce programme. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission que nous examinons aujourd’hui ne rassemble pas un ensemble disparate de crédits d’une administration, mais des moyens au service d’une fin : la défense de la place de la France et de l’Europe dans le monde.
Un monde en plein bouleversement, de plus en plus incertain et dans lequel nous ne sommes jamais à l’abri de surprises et de rebondissements ; un monde où la guerre est une réalité à nos portes, par laquelle nous redécouvrons qu’il existe des ennemis qui ne sont pas seulement des groupes terroristes ou des factions d’États faillis, mais des États tout court, avec leur agenda et leur ambition propre, devenue parfois belliqueuse au fil du temps.
Un monde dans lequel, cependant, la finalité ultime de notre action extérieure doit rester celle dont parlait le général de Gaulle quand il rappelait que « la France ne peut être la France sans la grandeur ».
Ce rayonnement, cette place, ont un coût, mais ils peuvent aussi avoir un prix s’ils sont négligés, mal anticipés ou noyés dans une vision purement comptable et court-termiste de notre diplomatie. N’attendons pas des défaites supplémentaires ou des pertes d’influence dans certains pays pour le déplorer.
Notre pays est menacé, attaqué, critiqué ou dénigré dans certaines zones du globe, là où il fut naguère influent, là où il imposait encore le respect. Je ne me contente pas d’une France qui recule dans des pays où elle a été si longtemps présente ; je ne me résous pas à de nouveaux échecs.
La concurrence qui fragilise notre position dans le monde est rude et elle n’est pas que le fait d’adversaires ou d’ennemis : nous sommes aussi en compétition avec des pays proches, voire amis, mais qui ne font aucun cadeau pour obtenir leur part d’influence. Comme disait Voltaire, « gardez-moi de mes amis ».
Enfin, ce nouveau monde se fait parfois contre nous, mais surtout de plus en plus souvent sans nous. Le Sud global, s’il n’est pas homogène et monocolore, tend de plus en plus à exclure la France et l’Europe de ses initiatives.
Face à cela, notre réseau diplomatique doit se densifier pour ne pas perdre le fil dans les parties du monde qui bougent et se réinventent à grande vitesse, tout comme il doit se maintenir dans certaines zones d’importance particulière.
J’ai naturellement à l’esprit l’Afrique, où nous continuons de connaître d’inquiétants déboires et où il nous faut désormais réinventer notre action et notre présence, mais aussi le Proche-Orient qui, dans le sillage des attaques du 7 octobre 2023, connaît une reconfiguration aussi chaotique que violente.
Deux pays, dont personne ne pouvait imaginer qu’ils seraient aussi profondément affectés par une incursion qui se voulait locale, sont aujourd’hui plongés dans la tourmente ; deux pays avec lesquels la France entretient des liens historiques et culturels forts.
Tout d’abord le Liban, ce pays ami où nos diplomates jouent un rôle de tout premier plan et matérialisent la solidarité de la France. Je tiens ici à leur rendre hommage, ainsi qu’à nos 700 soldats engagés au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), certes critiquée, mais en réalité plus indispensable que jamais.
Ensuite, la Syrie, pour laquelle s’ouvre une nouvelle page pleine de dangers. Là aussi, notre diplomatie peut et doit assumer un rôle particulier. Le changement de régime ne doit toutefois pas faire oublier que notre place n’est nullement garantie. Il ne semble pas que les équilibres soient appelés à changer et la Russie elle-même ne paraît pas être punie par les nouveaux dirigeants.
Il serait inconcevable que la France, qui appelait au changement du régime syrien depuis 2011, soit exclue de cette région ou reléguée à un modeste et dérisoire strapontin. Notre présence au Levant et, surtout, notre capacité à y peser constituent indéniablement un test pour notre diplomatie, qui pose la question des stratégies à suivre, mais aussi des moyens à mobiliser.
À ce titre, et après des années de contribution à la maîtrise de nos comptes publics, les moyens du Quai d’Orsay étaient récemment entrés dans une salutaire trajectoire de réarmement. Comme nous tous, je déplore que nous soyons obligés d’en revoir le rythme, notamment pour ce qui concerne les recrutements. Ce resserrement des marges de manœuvre, néanmoins, est objectivement inévitable au regard de l’effort budgétaire global que notre pays doit fournir.
J’observe cependant que l’ajustement sera facilité par une baisse des contributions de la France aux organisations internationales et, parallèlement, à la Facilité européenne pour la paix, en raison d’une révision des quotes-parts intervenue l’année dernière.
En outre, il n’empêchera pas la poursuite d’opérations d’envergure comme la rénovation et la sécurisation de certaines ambassades ou la restructuration de certains instituts. Cela démontre qu’en dépit de contraintes sur les dépenses, une utilisation intelligente des crédits conduit à maintenir les marges d’action, parfois même à les renforcer.
Permettez-moi, dès lors, d’insister sur la nécessité de mobiliser davantage notre réseau diplomatique dans certains des domaines où la place de la France est sévèrement menacée, comme c’est le cas en matière d’expertise patrimoniale internationale, qui est pourtant l’un de nos points forts. Nous ne manquons pas d’atouts : la réouverture de Notre-Dame de Paris a été une fenêtre privilégiée sur notre savoir-faire, un signe de cet alliage vital entre la culture et la diplomatie. Quand nous agissons pour l’une, nous consolidons l’autre.
Monsieur le ministre, comme je l’avais proposé voilà plus d’un an, nous pouvons mobiliser notre réseau diplomatique pour mieux valoriser notre savoir-faire et mieux faire connaître notre culture. Comment le mettre à profit et déployer, dans ce domaine, l’action de nos ambassades, vecteurs irremplaçables de notre rayonnement et de notre coopération culturelle ?
Par ailleurs, comment consolider notre influence dans des domaines connexes où elle reste fragile, comme c’est le cas des think tanks ou des réseaux universitaires ? Nous disposons en effet de peu d’experts de certaines zones géographiques, alors que, dans le monde anglo-saxon, on trouve toujours des spécialistes, quel que soit le pays concerné. Comment, dès lors, envisager le lien entre diplomatie et recherche ?
En outre, comment faire de notre langue, le français, une langue d’influence, alors qu’elle n’a pas seulement reculé, mais bien disparu comme langue de travail et de négociation dans les rencontres internationales ? La langue est comme la prunelle de nos yeux, notre réseau diplomatique ne saurait s’en désintéresser.
Enfin, j’insiste sur l’absolue nécessité de renforcer notre action en matière de communication et d’information, deux domaines qui sont devenus des armes essentielles dans la guerre des narratifs autant que des instruments de déstabilisation à l’encontre de notre pays. La guerre se mène aussi sur les réseaux sociaux et certains pays ne ménagent aucun effort pour dénigrer la France. Ces nouvelles armes ne sont peut-être pas des armes de destruction massive, mais elles peuvent endommager massivement notre réputation. Notre action diplomatique devra donc aussi être numérique pour lutter, par exemple, contre les fake news.
À ce titre, permettez-moi un léger pas de côté pour évoquer certaines lignes budgétaires relevant des missions « Audiovisuel public » et « Direction de l’action du Gouvernement ». Je m’étonne que, loin de nos ambitions initiales en matière d’influence, de résilience et de contre-ingérence, ce projet de loi de finances aboutisse à une baisse des crédits alloués à des opérateurs aussi stratégiques que France Médias Monde, TV5 Monde, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) ou le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum).
Quant au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, sa direction de la communication et de la presse est appelée à monter en puissance ; pourtant, ses crédits baissent. Au moment où nos compétiteurs déploient des stratégies qui s’appuient sur des moyens techniques et humains considérables, une telle approche opère un désarmement informationnel et cybernétique qui relève du contresens. Il faudra impérativement revenir dessus, car il apparaît aujourd’hui clairement que si nous perdons ces batailles, nous perdrons un jour la guerre.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget est le fruit du contexte financier calamiteux dans lequel il a été élaboré. Il n’est donc pas exactement au niveau où nous aurions espéré le trouver dans le cadre du réarmement de notre diplomatie. Cependant, parce qu’il permet tout de même d’en maintenir la perspective et parce que la place de la France ne se discute pas, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son discours du 16 mars 2023, lors de la clôture des États généraux de la diplomatie, le Président de la République a défini quatre traits pour que la diplomatie française soit renforcée : une plus grande réactivité, une meilleure intégration des enjeux globaux dans notre politique étrangère, une plus grande proximité entre notre diplomatie et nos concitoyens, en particulier les Français de l’étranger, et enfin le déploiement de notre politique d’influence.
Ces principes directeurs doivent rester notre boussole, alors que la mission « Action extérieure de l’État » voit ses crédits diminuer en 2025.
Cette trajectoire budgétaire s’inscrit dans l’effort national de maîtrise des finances publiques. Pour autant, nous regrettons la méthode du dépôt tardif non concerté de l’amendement rabot du Gouvernement de 25 millions d’euros, et nous attendons des explications sur les conséquences que son adoption emporterait.
Malgré les coupes budgétaires, nous devons non pas sacrifier nos ambitions, mais continuer à porter haut la voix de la France sur la scène internationale. Cela a été rappelé par les différents rapporteurs, dont je salue le travail de qualité ; je tiens en particulier à rendre hommage à mon collègue Jean-Baptiste Lemoyne, très impliqué dans cette mission, qui faisait partie de son portefeuille ministériel entre 2017 et 2022.
Les efforts budgétaires demandés à la présente mission, et au ministère de l’Europe et des affaires étrangères dans son ensemble, reflètent une volonté de modernisation et de rationalisation de notre diplomatie tout en nous permettant de continuer à répondre aux nombreux défis internationaux.
La baisse de 6,3 % des crédits du programme 185 affectera directement nos ambitions en matière de rayonnement culturel et linguistique, lequel est pourtant essentiel au maintien de notre influence à l’international. La guerre en Ukraine, les tensions au Proche-Orient et la montée des défis transversaux tels que le changement climatique ou les menaces cyber appellent à une action diplomatique renforcée.
L’investiture de Donald Trump à la Maison-Blanche ce lundi 20 janvier va transformer les relations diplomatiques internationales, au moins pour les quatre années à venir.
La France dispose du cinquième réseau diplomatique mondial, lui permettant d’occuper un rôle géopolitique de premier plan. En restant fidèle à l’exigence de réactivité définie par le Président de la République, notre diplomatie doit être proactive et anticiper les dynamiques géopolitiques.
En 2025, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ouvrira deux nouvelles ambassades, aux Samoa et au Guyana, ainsi qu’un consulat général à Melbourne. Ces futures inaugurations indiquent bel et bien que la diplomatie française continue de s’adapter aux réalités géopolitiques, malgré un contexte budgétaire contraint.
La diplomatie culturelle est aussi l’un des piliers de l’influence française. La langue française dans nos établissements scolaires et nos instituts culturels à l’étranger incarne le soft power français. Pourtant, cette ambition sera amputée par les coupes budgétaires, concernant notamment l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, dont les crédits baissent de 14 millions d’euros. Cette diminution risque de compromettre l’objectif présidentiel de doubler le nombre d’élèves dans le réseau d’ici à 2030.
Je tiens à ce sujet à saluer le travail et l’engagement sans faille de ma collègue Samantha Cazebonne, sénatrice des Français de l’étranger, très active sur la problématique de l’enseignement.
Malgré les contraintes budgétaires, il est impératif de maintenir une démarche claire et cohérente pour promouvoir la langue française et la francophonie en s’appuyant sur des initiatives comme la stratégie Bienvenue en France, visant à accueillir 500 000 étudiants étrangers d’ici à 2027. Cet objectif requiert également un soutien accru aux industries culturelles et créatives, qui représentent 3 % de notre PIB et 1 million d’emplois.
Le maintien de notre réseau diplomatique et consulaire est indispensable pour assurer la sécurité de nos compatriotes à l’étranger, promouvoir nos valeurs et soutenir nos intérêts économiques.
Le programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires », subit également des ajustements, avec une baisse de 5,02 % de ses crédits. Il continue toutefois de soutenir des investissements dans des projets essentiels tels que le registre de l’état civil électronique et le vote par internet, qui améliorent l’efficacité et la proximité de nos services consulaires. En écho à l’objectif de proximité fixé par le Président de la République, ces projets modernisent l’expérience des Français de l’étranger tout en renforçant la réactivité de nos services.
La diplomatie économique, quant à elle, reste un levier clef pour contribuer à la prospérité de notre pays dans un monde où les rapports de force sont mouvants et évoluent rapidement. Il est crucial que la France continue de porter une voix forte et indépendante si elle veut rester un acteur majeur des négociations internationales.
Enfin, face aux défis budgétaires qui sont les nôtres, nous devons redoubler d’efforts pour optimiser nos ressources tout en maintenant nos ambitions. Cela passe par une coordination renforcée entre les différents acteurs de notre diplomatie, une utilisation intelligente des nouvelles technologies et une mobilisation accrue des partenaires européens et internationaux. La France a toujours été une nation d’influence et d’initiative. En ces temps de contrainte, notre rôle est d’être à la hauteur de notre histoire et de nos valeurs.
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) votera les crédits de la présente mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, mes chers collègues, incarner la France dans le monde, lui assurer un certain rang parmi les nations, soutenir à chaque instant notre réseau diplomatique et consulaire, assurer le suivi et l’assistance de nos compatriotes à l’étranger, tels sont les objectifs de la mission « Action extérieure de l’État ».
Ceux-ci sont plus importants que jamais, dans un monde en proie à une instabilité grandissante, où la paix que nous croyions acquise n’est plus du tout garantie, où les crises, aussi bien géopolitiques que climatiques, compromettent la sécurité des Français.
Dans ces circonstances, nous devrions augmenter les moyens attribués à cette mission, de façon à mieux appuyer tous les types de coopération – diplomatique, culturelle, scientifique – susceptibles de favoriser nos compréhensions mutuelles. Il n’en est rien.
La raison en est l’état de nos finances publiques, bien sûr, qui nous oblige à cet exercice de constriction, indépendamment de ses conséquences pour l’avenir. Nous aurions encore pu, il y a quelques heures, être presque soulagés de ne pas devoir subir davantage de coupes budgétaires ; c’était sans compter sur un nouvel amendement de réduction des crédits de 25 millions d’euros.
Pendant longtemps, près de deux décennies, les crédits relatifs à cette mission ont souffert d’un sous-investissement chronique. Le récent réarmement diplomatique, prôné et promu par le Président de la République, se trouvera pourtant considérablement ralenti avec ce PLF : les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » ne sont pas épargnés, et les premiers à en pâtir seront les Français de l’étranger.
Le programme 151 est en baisse de 2,4 %, soit de près de 4 millions d’euros, potentiellement de 6 millions d’euros. Il faut saluer le maintien de l’effort sur les principaux projets de modernisation déjà lancés, tels que le déploiement de France Consulaire, le registre de l’état civil électronique ou le vote en ligne.
Pour autant, le reste est mis à mal. Dans le PLF initial, les aides sociales sont en baisse de 6,2 %, le soutien aux Oles, ces associations qui viennent en aide aux nombreux Français les plus fragiles, de 14,2 %, le Stafe de 20 %. De plus, la catégorie aidée de la Caisse des Français de l’étranger ne bénéficie pas de moyens suffisants. Surtout, les bourses scolaires, qui permettent à nos compatriotes de scolariser leurs enfants dans nos lycées français à l’étranger, voient leurs crédits diminuer de 6,5 millions d’euros.
Bref, sur tous les sujets où les conseillers des Français de l’étranger et acteurs de terrain exercent leur rôle social, les montants sont en baisse.
Le Gouvernement justifie la diminution importante de l’enveloppe des bourses par la baisse du nombre de boursiers. Celle-ci est certes avérée, mais il me semble que nous prenons le problème à l’envers : pourquoi ce nombre diminue-t-il ? À cause de la non-revalorisation du seuil de patrimoine, qui exclut de plus en plus les classes moyennes ; des enquêtes sociales qui se sont considérablement renforcées, au point d’être perçues comme particulièrement intrusives ; des dossiers à compléter, qui sont d’une complexité telle qu’ils compromettent l’accès au droit ; enfin, d’un changement d’impulsion, l’accompagnement étant par endroit moins pratiqué qu’auparavant.
Pour ne prendre qu’un exemple, soixante et onze Français viennent de se voir refuser la bourse qu’ils obtenaient d’année en année aux Comores ; sur 160 dossiers, ce chiffre est inacceptable.
En 2025, l’AEFE dans son ensemble verra son budget amputé de 14 millions d’euros, alors que les besoins d’investissement sont très importants, ne serait-ce que pour conserver notre attractivité face à d’autres modèles éducatifs.
Il s’agit d’un nouveau renoncement qui rendra l’objectif de doublement des élèves impossible à tenir. Ces décisions emporteront in fine des conséquences sur des générations de jeunes Français de l’étranger, qui perdront progressivement le lien avec notre pays, lequel passe avant toute chose par l’éducation. Ils sont pourtant le relais le plus précieux de notre diplomatie future.
Dans un contexte budgétaire restreint, nous allons avoir besoin plus que jamais de considérer que les Français de l’étranger, expatriés ou binationaux, constituent un véritable atout. Durablement installés, souvent très bien connectés aux élites locales, quand ils n’en font pas eux-mêmes partie, les talents de notre société civile à l’étranger, dans laquelle j’inclus les anciens des lycées français, même lorsqu’ils n’ont pas la nationalité française, restent largement sous-exploités.
Une volonté politique forte sera nécessaire pour commencer à diffuser l’idée dans notre diplomatie qu’ils constituent une ressource dont la France, qui n’a jamais vraiment réfléchi aux potentialités d’une diaspora de grande envergure, s’est en réalité très peu préoccupée.
Il convient donc de s’inquiéter de la baisse de 45 millions d’euros, potentiellement de 49 millions d’euros, des crédits du programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », qui concerne notre canal le plus immédiat, le plus direct, pour construire une diplomatie forte, celle-là même qui constitue, ainsi que vous l’avez vous-même affirmé récemment, monsieur le ministre, notre première ligne de défense.
A priori, nous nous abstiendrons majoritairement sur le vote des crédits de cette mission, car si nous comprenons que toutes les missions doivent contribuer à l’effort d’économie budgétaire, nous estimons que ce budget n’est pas à la hauteur des défis de notre action à l’étranger et, surtout, que le choix de faire peser la contrainte budgétaire sur les plus fragiles n’est jamais la bonne solution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)