Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, avant tout, je tiens à vous remercier d’appeler notre attention, ce soir, sur le sort des personnes prostituées.
Comme vous, j’insiste sur l’importance de la loi destinée à accompagner les parcours de sortie de prostitution et sur la position abolitionniste de la France, que j’ai d’ailleurs rappelée en présentant notre stratégie de lutte contre le système prostitutionnel.
Le budget dédié à cet enjeu a nettement augmenté depuis 2021. Il progresse encore en 2025, même si ce n’est pas dans les proportions que vous souhaiteriez, pour atteindre 5,4 millions d’euros.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ajoute que toutes les commissions départementales sont désormais en place. J’ai moi-même pu prendre part à l’installation de certaines d’entre elles et je suis évidemment à votre disposition pour me rendre dans vos départements pour traiter spécifiquement de ces questions.
Je souligne d’ailleurs que les parcours de sortie de prostitution sont de plus en plus nombreux. Madame la sénatrice, vous connaissez notre volontarisme en la matière ; nous savons, de même, combien Mme Rossignol et vous-même êtes engagées face à ce fléau.
Ces précisions étant apportées, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Canalès, l’amendement n° II-1815 est-il maintenu ?
Mme Marion Canalès. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. C’est très bien d’accompagner les femmes qui, selon l’expression consacrée, souhaitent « sortir du système prostitutionnel ». À cette fin, il faut des crédits dignes de ce nom : se contenter de montants ridiculement bas, c’est de facto entraver le parcours de sortie.
Toutefois, les prostituées méritent une aide beaucoup plus large, notamment sanitaire. C’est précisément pourquoi les associations communautaires ne soumettent pas l’accompagnement qu’elles apportent à une démarche de sortie de la prostitution, laquelle, d’ailleurs, n’est plus un délit.
Une aide focalisée sur les parcours de sortie me semble profondément insatisfaisante, car elle est bien trop étroite. À Lyon, j’ai vu à l’œuvre un certain nombre d’associations : elles mènent, qui des maraudes, qui des bilans de santé, qui des opérations d’information relatives aux droits des personnes, sans exiger au préalable la conclusion d’un parcours de sortie.
Bien sûr, la France est abolitionniste, mais les prostituées ont besoin d’un accompagnement inconditionné et bien plus large, à la fois médical et social. C’est ainsi que l’on défendra réellement leurs droits.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-1817, présenté par Mmes Rossignol, Le Houerou et Canalès, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Féret, M. Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Inclusion sociale et protection des personnes dont titre 2 |
||||
Handicap et dépendance |
4 000 000 |
4 000 000 |
||
Égalité entre les femmes et les hommes |
4 000 000 |
4 000 000 |
||
TOTAL |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement a pour objet de revaloriser le montant de l’aide financière à l’insertion sociale (Afis), destinée aux personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution.
Les crédits alloués à cette aide progressent certes de 300 000 euros, le nombre de bénéficiaires visé ayant été relevé de 650 à 950 via le PLF pour 2025. Mais le montant de l’Afis, lui, demeure très faible.
On estime que 40 000 personnes se trouvent en situation de prostitution dans notre pays. Malgré la loi de 2016 portant abolition du système prostitutionnel, seules 950 personnes sont censées bénéficier de cette aide : un tel choix est incompréhensible. Pourquoi les objectifs demeurent-ils si bas ? Pourquoi le montant de l’aide reste-t-il si dérisoire, alors que la prostitution est une réalité, y compris – je vous le certifie – dans nos territoires très ruraux ?
Fixée à 343,20 euros par mois, somme à laquelle s’ajoutent 106,08 euros par personne à charge, l’Afis est clairement insuffisante pour permettre aux bénéficiaires de vivre dignement.
La Fondation des femmes recommande de revaloriser cette aide à 1 200 euros, afin qu’elle atteigne le seuil de pauvreté. À nombre de bénéficiaires constant, cet effort suppose environ 6 millions d’euros de crédits.
A minima, nous demandons une enveloppe d’un peu plus de 3,2 millions d’euros, afin d’aligner l’Afis sur le revenu de solidarité active (RSA), soit 635 euros. C’est le strict minimum pour que les bénéficiaires puissent survivre sans sombrer de nouveau dans des réseaux de proxénétisme ou de traite des êtres humains.
Ce projet de loi de finances consacre actuellement 2,1 millions d’euros à l’Afis. Nous proposons, en conséquence, de transférer 4 millions d’euros vers l’action n° 25 du programme 137, afin de porter ce montant à 6,1 millions d’euros, conformément aux recommandations de la Fondation des femmes.
Mme la présidente. L’amendement n° II-2066 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, MM. Daubet et Grosvalet, Mme Jouve, M. Masset et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Inclusion sociale et protection des personnes dont titre 2 |
1 900 000 |
1 900 000 |
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Handicap et dépendance |
||||
Égalité entre les femmes et les hommes |
1 900 000 |
1 900 000 |
||
TOTAL |
1 900 000 |
1 900 000 |
1 900 000 |
1 900 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Nous jugeons nous aussi indispensable de mieux accompagner ces personnes en voie de reconstruction. Aussi, nous proposons 1,9 million d’euros de crédits supplémentaires pour les aider à retrouver une véritable stabilité sociale et professionnelle.
Mme la présidente. L’amendement n° II-2168 rectifié, présenté par Mme Billon, M. J.M. Arnaud et Mmes Perrot, Jacquemet, Romagny et Housseau, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Inclusion sociale et protection des personnes dont titre 2 |
1 800 000 |
1 800 000 |
||
Handicap et dépendance |
||||
Égalité entre les femmes et les hommes |
1 800 000 |
1 800 000 |
||
TOTAL |
1 800 000 |
1 800 000 |
1 800 000 |
1 800 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Notre amendement tend lui aussi à augmenter les crédits de l’Afis, afin de renforcer les parcours de sortie de prostitution.
Madame la ministre, sauf erreur de ma part, vous avez vous-même proposé une telle augmentation lorsque vous étiez députée. J’ajoute que l’actuel garde des sceaux avait cosigné l’amendement que vous aviez déposé en ce sens.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Bonnes références ! (Sourires.)
Mme Annick Billon. Dès lors, j’espère que le Gouvernement sera favorable à mon amendement, que je souhaite rectifier pour le rendre identique à celui de Mme Carrère, lequel tend à octroyer 100 000 euros de plus à l’Afis.
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° II-2168 rectifié bis, dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° II-2066 rectifié.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Le montant de l’Afis – nous en convenons volontiers – est particulièrement bas : il s’élève aujourd’hui à 343 euros par mois. Plusieurs rapports sénatoriaux ont d’ailleurs déploré la faiblesse de cette aide.
Les associations viennent confirmer notre intuition : un tel montant est tout à fait insuffisant pour aider les personnes souhaitant rompre avec la prostitution.
Il nous semble judicieux de porter l’Afis au niveau du RSA pour aider les femmes prostituées, lesquelles sont plongées dans des situations extrêmement difficiles.
Aussi, la commission est favorable aux amendements identiques nos II-2066 rectifié et II-2168 rectifié bis. En revanche, elle est défavorable à l’amendement n° II-1817, dont les auteurs prennent pour référence le seuil de pauvreté.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. La France, et c’est son honneur, est le seul pays au monde à disposer d’une telle allocation favorisant la sortie de la prostitution.
Plusieurs groupes de cette assemblée jugent nécessaire de revaloriser cette aide, et je l’entends. Mme Billon nous rappelle, à ce titre, qu’un excellent amendement avait été déposé à l’Assemblée nationale avant le vote de la censure. (Sourires.)
Pour les amendements identiques nos II-2066 rectifié et II-2168 rectifié bis, je m’en remets à la sagesse du Sénat. À l’instar de la commission, le Gouvernement est en revanche défavorable à l’amendement n° II-1817.
Mme la présidente. Madame la ministre, acceptez-vous de lever le gage sur les amendements identiques nos II-2066 rectifié et II-2168 rectifié bis ?
Mme la présidente. Il s’agit donc des amendements identiques nos II-2066 rectifié bis et II-2168 rectifié ter.
Je les mets aux voix.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1816, présenté par Mmes Rossignol, Le Houerou et Canalès, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Féret, M. Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Inclusion sociale et protection des personnes dont titre 2 |
||||
Handicap et dépendance |
1 000 000 |
1 000 000 |
||
Égalité entre les femmes et les hommes |
1 000 000 |
1 000 000 |
||
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
.0 |
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Par cet amendement d’appel, nous demandons au Gouvernement de revoir ses ambitions quant aux parcours de sortie de la prostitution.
À cet égard, l’exécutif vise 950 bénéficiaires en 2025, puis 1 050 autres en 2026. À ce rythme, il faudrait près de quarante ans pour qu’un quart des personnes en situation de prostitution bénéficient d’un parcours de sortie !
De tels objectifs sont dérisoires, qui plus est au regard de la « glamourisation » dont fait l’objet la prostitution. Cette dernière est de plus en plus souvent présentée comme une activité parmi d’autres. Alors même qu’elles sont nombreuses et durables, les conséquences qu’elle entraîne pour la santé s’en trouvent occultées, à l’instar des violences exercées par les clients et les proxénètes.
Il est urgent de renforcer les moyens alloués aux associations suivant les personnes en parcours de sortie, pour garantir une véritable protection et un accompagnement réellement adapté. Refuser d’agir, c’est laisser des milliers de personnes prisonnières d’un système que l’on prétend avoir aboli.
Madame la ministre, je suis heureuse d’entendre l’expression de votre volontarisme en la matière : il faut bel et bien lutter sans fléchir contre la prostitution.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Mes chers collègues, la commission des finances demande par principe le retrait des amendements d’appel, et je ne manquerai pas à la tradition.
Nous venons de débattre de ces questions. Nul ne nie leur importance, et le Sénat vient d’ailleurs de voter la revalorisation de l’Afis au niveau du montant forfaitaire du RSA. Nous pouvons, à ce titre, remercier Mme la ministre d’avoir levé le gage.
À ce stade, le contexte budgétaire ne nous permet pas d’aller au-delà. La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Madame la sénatrice, j’espère comme vous que l’objectif de 950 bénéficiaires sera dépassé.
Je le répète, les commissions compétentes sont désormais installées dans l’ensemble des départements : elles pourront à n’en pas douter contribuer à cet effort. En lien avec les préfets, que M. le ministre de l’intérieur et moi-même pourrons réunir pour traiter de cette question précise, j’y serai, pour ma part, extrêmement vigilante.
À mon tour, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Madame Le Houerou, l’amendement n° II-1816 est-il maintenu ?
Mme Annie Le Houerou. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1816 est retiré.
L’amendement n° II-2076 n’est pas soutenu.
L’amendement n° II-1165 rectifié ter, présenté par MM. Théophile et Buval, Mme Phinera-Horth, MM. Patient, Omar Oili, Buis, Rohfritsch et Fouassin et Mme Nadille, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Inclusion sociale et protection des personnes dont titre 2 |
7 000 000 |
7 000 000 |
||
Handicap et dépendance |
||||
Égalité entre les femmes et les hommes |
7 000 000 |
7 000 000 |
||
TOTAL |
7 000 000 |
7 000 000 |
7 000 000 |
7 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Solanges Nadille.
Mme Solanges Nadille. Notre collègue Dominique Théophile propose une enveloppe de 7 millions d’euros pour assurer le bon fonctionnement des maisons des femmes, en garantissant aux personnes suivies par ces structures une prise en charge de qualité.
Mes chers collègues, un tel effort est urgent et nécessaire face à la multiplication des violences faites aux femmes, lesquelles atteignent des proportions tragiques. Les violences conjugales ont bondi de 10 %, en France en 2023 : plus de 271 000 victimes ont été recensées par les services de sécurité intérieure.
Les chiffres sont tout à fait alarmants outre-mer, particulièrement en Guadeloupe, où l’on dénombre 12 femmes victimes de violences conjugales pour 1 000 habitants. Ce taux compte parmi les plus élevés de notre pays, comme l’a souligné notre ancienne collègue députée Justine Benin dans son rapport de juin 2024.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Ma chère collègue, nous savons tous combien les maisons des femmes sont utiles. Ces structures apportent aux femmes un accompagnement et un soutien face aux violences sexistes et sexuelles ; nous constatons la qualité de leurs travaux dans l’ensemble de nos territoires.
Dans le rapport que vous citez, Mme Benin souligne elle aussi l’exemplarité des maisons des femmes, qui bénéficient d’ores et déjà d’un véritable soutien financier.
Aussi, Mme Benin ne recommande pas prioritairement de leur allouer des crédits supplémentaires, comme vous le suggérez, à hauteur de 7 millions d’euros, mais de mieux coordonner leur intervention avec celles des autres acteurs.
En conséquence, la commission vous prie de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Il va sans dire que les maisons des femmes sont extrêmement précieuses. Toutefois, elles relèvent non pas du programme 137, mais de financements de l’assurance maladie déployés par le PLFSS. En effet, elles sont adossées à des établissements hospitaliers ou à des établissements de santé.
À ce jour, 99 maisons des femmes sont en activité, couvrant 80 départements. Le Gouvernement a fixé pour objectif l’existence d’au moins une maison des femmes par département, et cet engagement sera tenu.
Ces précisions étant apportées, le Gouvernement demande à son tour le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Nadille, l’amendement n° II-1165 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Solanges Nadille. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1165 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1813, présenté par Mmes Rossignol, Le Houerou et Canalès, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Féret, M. Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Inclusion sociale et protection des personnes dont titre 2 |
||||
Handicap et dépendance |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Égalité entre les femmes et les hommes |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à étendre au territoire tout entier le programme Elles déménagent, déployé par la Fondation des femmes, qu’il s’agisse de l’Hexagone ou des outre-mer.
Les six associations qui, en France, assurent la mise en œuvre de cette aide répondent à la nécessité d’aider les femmes souhaitant quitter leur conjoint violent. Elles organisent un déménagement d’urgence sécurisé et adapté, mettent en œuvre un service d’entreposage et facilitent le réaménagement une fois un logement pérenne identifié. Elles offrent également aux femmes et enfants accompagnés une aide matérielle adaptée.
L’étude d’impact réalisée pour la Fondation des femmes montre l’importance de ce dispositif pour soutenir, dans cette démarche, les femmes victimes de violences.
Le retour au domicile déclenche souvent de nouvelles violences physiques. Il est même associé à des risques de féminicides, d’où l’importance d’assurer la protection de la victime tout au long du processus.
En finançant rapidement le déménagement des femmes victimes de violence, la société bénéficie non seulement d’une diminution des coûts associés à l’hébergement d’urgence, mais aussi d’un allègement des procédures administratives et d’une baisse des dépenses de prise en charge psychologique.
Nous proposons donc de transférer 5 millions d’euros vers l’action n° 25 du programme 137.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Les représentants de la Fondation des femmes, que nous avons auditionnés pour préparer notre rapport, ont appelé notre attention sur ce dispositif prometteur – on mesure en effet l’enjeu du retour chez le conjoint violent.
Toutefois, la commission va demander le retrait de cet amendement, et cela pour deux raisons.
D’une part, cette mission finance depuis la fin de l’année 2023 un dispositif novateur, adopté d’ailleurs sur l’initiative du Sénat, aidant les femmes qui, victimes d’un conjoint violent, sont contraintes de fuir leur foyer. Une première évaluation de ce dispositif semble nécessaire : nous nous y emploierons dans le cadre du contrôle que j’effectuerai cette année avec Pierre Barros, au nom de la commission des finances – j’en parlais il y a un instant.
D’autre part, il ne nous semble pas tout à fait orthodoxe que le Parlement alloue une subvention si importante – il s’agit d’une enveloppe de 5 millions d’euros – à une seule association. Les procédures en vigueur supposent une négociation préalable, ainsi qu’un conventionnement entre l’administration et les associations.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Je vais suivre l’avis défavorable, empreint de sagesse, du rapporteur.
Je pense également qu’il faut laisser nos services vérifier ce point. Évidemment, je connais l’utilité et l’importance de cette association. Dès que nous aurons un budget, nous lancerons des appels à projets, à la suite desquels nous pourrons, si nécessaire, revaloriser le soutien qui lui est apporté.
En tout cas, comme vous l’avez rappelé, le dénominateur commun à tous les féminicides malheureusement recensés depuis le début de l’année, c’est que ces femmes étaient à chaque fois en instance de séparation et avaient fait le choix de partir. Nous le savons, il s’agit pour elles du moment le plus risqué ; c’est là que nous devons tous être les plus attentifs.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Féret, l’amendement n° II-1813 est-il maintenu ?
Mme Corinne Féret. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Les dispositions proposées par notre collègue Laurence Rossignol et les autres membres du groupe socialiste, ainsi que les amendements précédents, d’ailleurs, posent en creux la question des moyens nécessaires pour lutter contre les violences faites aux femmes.
Je l’ai dit dans mon intervention générale, les moyens de l’État en faveur de l’égalité femmes-hommes, singulièrement ceux qui sont consacrés à la lutte contre les violences faites aux femmes, sont largement insuffisants. L’affaire Gisèle Pelicot a révélé l’omerta qui persiste sur les violences intraconjugales. Dans le sillage de cette macabre histoire, de nombreux témoignages de victimes ont surgi grâce au courage de cette femme.
Le Gouvernement doit être à la hauteur des attentes de la société pour lutter contre les violences faites aux femmes et éduquer nos enfants à la tolérance et au respect.
Madame Bergé, vous avez déposé en ce sens un texte qui a notamment pour objet de faire entrer la définition du contrôle coercitif dans le code pénal, afin de lutter contre ce phénomène.
Les manœuvres de déstabilisation psychologique, sociale et physique ayant pour effet de diminuer la capacité d’action de la victime et de provoquer un état de vulnérabilité doivent effectivement être reconnues comme des violences psychologiques. Cependant, vous n’échapperez pas à la question des moyens financiers et humains déployés pour venir en aide aux victimes.
Par cohérence avec votre propre texte, il importe donc d’augmenter les crédits pour accompagner réellement les femmes qui souhaitent quitter leur conjoint violent. C’est tout l’objet de cet amendement inspiré par la Fondation des femmes.
Mme la présidente. L’amendement n° II-2152, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Inclusion sociale et protection des personnes dont titre 2 |
||||
Handicap et dépendance |
3 000 000 |
3 000 000 |
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Égalité entre les femmes et les hommes |
3 000 000 |
3 000 000 |
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TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le déploiement du téléphone grave danger (TGD), une initiative prise pour protéger les victimes de violences conjugales et prévenir les situations de danger imminent, constitue une avancée essentielle.
Cependant, l’efficacité de ce dispositif dépend largement du soutien et de l’accompagnement fournis par le réseau associatif. En effet, ce sont les associations, par leur expertise et leur engagement, qui permettent de maximiser l’impact du TGD, en assurant un suivi des bénéficiaires et en les aidant à retrouver leur autonomie.
Dans cette perspective, il semble impératif d’augmenter les subventions attribuées aux associations. Selon les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), l’accompagnement d’une personne détentrice d’un TGD représente un coût moyen de 1 200 euros par an. Ce montant couvre les services de soutien émotionnel, juridique et social qui sont nécessaires pour que la victime puisse se sentir en sécurité.
À l’heure actuelle, environ 6 000 TGD sont déployés en France, ce qui entraîne un besoin important de ressources pour les associations qui accompagnent les détentrices.
Les moyens financiers alloués à ces structures doivent donc être augmentés de manière significative, afin qu’elles puissent répondre aux demandes croissantes. C’est pourquoi nous proposons d’abonder le dispositif de 3 millions d’euros, ce qui permettrait d’accompagner dans un premier temps 2 500 personnes par an sur les 6 000 concernées.
En augmentant les budgets des associations nationales, ainsi que de leurs branches locales, les pouvoirs publics assureraient à la fois l’efficience et l’efficacité du dispositif TGD.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Le dispositif TGD est d’une importante capitale, puisqu’il peut faire la différence entre la sécurité et la violence. C’est une évidence.
À titre personnel, je suis totalement convaincu de l’intérêt de ce dispositif. Mon département, aux destinées desquelles j’ai eu l’honneur de présider, a été l’un des premiers à en bénéficier. Le conseil départemental lui a alors apporté un soutien de manière totalement transpartisane.
Toutefois, je ne me souviens pas avoir été alerté sur la nécessité de déployer en urgence 1 500 TGD supplémentaires. Si ce besoin existe, nous sommes prêts à y répondre. Dans le cas contraire, il faudra faire primer l’intérêt des finances publiques.
La commission demande donc l’avis du Gouvernement sur l’abondement de ce dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Ce dispositif, qui a fait ses preuves en effet, voit son déploiement s’élargir année après année. Cependant, le financement des TGD dépend non pas du programme 137, mais des crédits du ministère de la justice. Aussi, pour éviter toute confusion entre les programmes, j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement.
Cette discussion montre bien que mon ministère relève de l’interministériel, puisque son action mobilise les crédits des ministères de la justice, de l’intérieur, de la santé et du logement, dont l’addition constitue le véritable budget de la lutte contre les violences faites aux femmes.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.