Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Guy Benarroche,

Mme Marie-Pierre Richer.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Souhaits de bienvenue à un nouveau sénateur

M. le président. Avant de donner la parole au premier orateur, je salue notre nouveau collègue Jean-Marc Delia (Applaudissements.), qui a remplacé Philippe Tabarot (« Irremplaçable ! » sur des travées du groupe Les Républicains.), nommé ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Au nom du Sénat, je lui souhaite la bienvenue parmi nous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Je salue également le retour de nos collègues Agnès Canayer et Laurence Garnier, que nous sommes heureux de retrouver. (Applaudissements.) J'espère qu'elles ont également plaisir à nous retrouver : la maison est toujours aussi douce, et vous accueille avec bonheur !

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Le Premier ministre, qui a dû se rendre à des obsèques, nous prie de bien vouloir excuser son absence.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Mes chers collègues, au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer, au cours de nos échanges, l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

mort du jeune élias et justice des mineurs

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Elle concerne le meurtre d'Élias.

Il avait 14 ans, il rentrait d'un entraînement de foot. Il n'aura jamais 15 ans, parce qu'il a trouvé sur sa route deux adolescents délinquants récidivistes qui en voulaient à son téléphone portable et l'ont poignardé.

J'ai, bien sûr, une pensée pour sa famille et pour ses proches.

Ces deux délinquants étaient connus de la justice des mineurs, l'un pour des vols avec violence et port d'arme blanche, l'autre pour violence en réunion. Pour ces faits, ils avaient été présentés à un juge le 30 octobre 2024, en vue d'un jugement définitif prévu pour juin 2025.

En attendant, ils continuaient, jusqu'à ce drame, de terroriser le quartier en toute impunité, sans être inquiétés par personne.

C'est toute la justice des mineurs qui est en cause : il est clair qu'elle n'est plus adaptée à cette ultraviolence.

Se cumulent, nous semble-t-il, deux problèmes.

Le premier est l'excès d'indulgence. Freud le disait : l'indulgence est une forme cachée de la carence d'autorité. Perçue comme une faiblesse par ces jeunes en mal de repères, elle engendre l'ultraviolence.

Le deuxième a trait à l'effectivité et à la constance de la peine, dès la première infraction. Cette exigence d'effectivité et de constance est un impératif s'agissant de ces mineurs ancrés dans la violence.

Monsieur le ministre d'État, à l'évidence, notre justice des mineurs fonctionne très mal.

J'ai parfaitement conscience qu'au ministère de la justice les sujets de préoccupation ne manquent pas. Mais, pour Élias et pour toutes les victimes, quelles évolutions envisagez-vous pour réformer la justice des mineurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Henno, nombre d'entre nous sont pères et mères de famille. Nos cœurs à tous se renversent quand nous apprenons qu'un enfant, revenant d'un entraînement de football, pratique d'enfant s'il en est, peut rencontrer la mort pour un téléphone portable.

Je le redis : notre considération pour la famille d'Élias est immense.

Le devoir du ministère de la justice est de condamner fermement ceux qui sont responsables de cette situation, les jeunes mineurs violents, mais également de comprendre ce qui ne va pas dans notre justice des mineurs – vous avez parfaitement raison.

Ce qui ne va pas, monsieur le sénateur, se résume en trois points.

Premièrement, le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) prévoit, vous le savez, la primauté de la mesure éducative sur la mesure répressive ; c'est l'un des fondements de notre droit. Or, lorsque la mesure éducative judiciaire qui a été prononcée n'est pas exécutée par le mineur – et tel était le cas, manifestement, pour l'auteur des coups de couteau –, il n'y a pas de sanction !

Une proposition de loi visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents sera examinée dans deux semaines en séance publique à l'Assemblée nationale ; dans le cadre de cette discussion, je proposerai qu'une sanction soit prise dans le cas où la mesure éducative n'est pas suivie, et que cette sanction prenne la forme d'un placement en centre éducatif fermé, donc d'un enfermement. Ainsi les mesures prises par le juge pourront-elles être respectées.

Deuxièmement, vous soulignez, à raison, qu'en octobre dernier le parquet avait demandé l'enfermement de ces mineurs. Le magistrat avait finalement reporté cette décision, en application du code de la justice pénale des mineurs, ce même code dont le Gouvernement vous avait proposé la création et que vous aviez ratifié. Il y a un problème de non-comparution immédiate des mineurs violents pour les faits les plus graves.

Pour ma part, je suis favorable à la comparution immédiate des mineurs pour les faits les plus graves. Une telle disposition aurait sans doute permis que la réquisition du parquet soit suivie en octobre dernier ; nous ne nous retrouverions pas dans cette situation aujourd'hui.

Troisièmement, ces deux mineurs présentés à la justice pour des faits d'extorsion faisaient l'objet d'une mesure d'interdiction d'entrer en contact l'un avec l'autre. Or, en cas de contrôle, le fichier des personnes recherchées (FPR) que consultent les policiers ne donne pas cette information. Ces deux jeunes habitaient d'ailleurs le même quartier et, dit-on, fréquentaient les mêmes lieux. La justice se doit évidemment de travailler avec les forces de l'ordre afin de garantir l'effectivité des mesures qu'elle prend en matière d'interdiction de contact entre collègues de délinquance ; nous avons à améliorer, plus généralement, l'exécution des mesures de coercition et de contrôle.

Nous le devons à Élias et à l'ensemble des victimes. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. François Patriat applaudit également.)

action du gouvernement face aux fermetures d'usine et de l'entreprise vencorex

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, je souhaitais m'adresser au Premier ministre, expert en planification…

Vos prédécesseurs parlaient sans cesse de réindustrialisation, mais, aujourd'hui, l'urgence est surtout d'arrêter l'hémorragie industrielle. Ce secteur, qui représente des millions d'emplois et dont dépend notre souveraineté dans des domaines stratégiques, a plus que jamais besoin d'un plan.

Pendant que le CAC40 reverse 100 milliards d'euros à ses actionnaires, les plans de licenciement s'accumulent dans toute la France, y compris dans des entreprises rentables.

Michelin, la Fonderie de Bretagne, General Electric, ArcelorMittal, Photowatt : au total, la CGT a recensé 300 plans en cours, soit un total de 300 000 emplois menacés.

Alors que le chômage a augmenté de 3,9 % au dernier trimestre, une hausse inédite en dix ans, votre doctrine reste inflexible : poursuivre le libre-échange et la politique de l'offre, c'est-à-dire distribuer des milliards sans aucune stratégie ni contrepartie !

En Isère, la situation de Vencorex est un cas d'école, dans la filière chimique, de l'ampleur sans précédent des effets dominos : la fermeture annoncée de l'entreprise sert de prétexte aux industriels de la filière, dans une visée de profits à court terme, pour licencier et délocaliser. Déjà un plan de licenciement est annoncé chez Arkema ; à terme, plus de 6 000 emplois risquent d'être sacrifiés…

Sans engagement volontariste de l'État, c'est notre souveraineté dans les domaines du nucléaire, de l'aérospatial et de la défense qui est abandonnée. L'État peut et doit agir : depuis des mois, les salariés et les élus locaux, de manière transpartisane, réclament une nationalisation temporaire pour relancer l'activité. Le coût d'une telle mesure a été chiffré à 200 millions d'euros. En comparaison, l'utilisation de sel importé implique des essais de validation de missiles nucléaires dépassant le milliard d'euros ! Et je ne parle pas de la dépollution des sites industriels et des risques environnementaux liés au transport de matières dangereuses…

Monsieur le ministre, ne pas agir, c'est faillir ! Avec la nationalisation, vous avez entre les mains un outil unique de planification.

J'ai ainsi trois questions simples pour le Premier ministre : va-t-il reprendre la main sur ce dossier ? Va-t-il venir sur le site ? Va-t-il nationaliser Vencorex ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – M. Fabien Gay applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président Gontard, vous interrogez le Gouvernement sur le dossier Vencorex. Vous avez eu l'occasion d'échanger à ce propos hier, à Bercy, avec le ministre Marc Ferracci, qui est actuellement en déplacement sur un site industriel pour évoquer, avec les élus locaux et les représentants des salariés, ce dossier révélateur des difficultés que traverse notre industrie.

Je veux d'abord dire combien nous sommes mobilisés pour garantir notre souveraineté industrielle. Après l'adoption du budget – le projet de loi de finances pour 2025 a été voté par votre assemblée la semaine dernière –, la réindustrialisation du pays est ma première priorité.

J'ai d'ailleurs, sur cette question de la protection et de la relance de notre industrie et de nos filières, échangé avec nos partenaires européens, car ce dossier se joue aussi à Bruxelles.

La situation de Vencorex est complexe. Malheureusement, l'entreprise est déjà en redressement judiciaire. Cela étant, nous travaillons avec toute la filière pour maintenir l'activité sur le site : d'elle dépendent en effet d'autres activités, dont certaines sont stratégiques – je pense en particulier au secteur nucléaire et aux sociétés de la région et de l'ensemble du bassin du Rhône.

Nous travaillons également à protéger les salariés : nous proposerons un accompagnement individuel afin que chacun trouve une solution et que la filière continue de fonctionner.

M. Guillaume Gontard. Concrètement, on fait quoi ?

M. Éric Lombard, ministre. Pour ce qui est d'une éventuelle nationalisation de cette société, vous connaissez la réponse du Gouvernement. Nous pensons que, dans ce genre de cas, la nationalisation n'est pas la meilleure solution ni la plus économe de nos deniers. (M. François Patriat applaudit. – M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)

assassinat du jeune élias par deux mineurs

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, si Élias est mort, c'est notre faute à tous.

Je suis la mère de deux enfants, qui ont chacun leur tour été rackettés, violemment, dans le XIVe arrondissement de Paris.

J'ai essayé de les convaincre de ne jamais jouer les héros face à des racketteurs. Je n'en ai pas honte : je voulais juste être sûre qu'ils rentrent à la maison. Mais je veux me battre, parce que ce n'est pas du tout la société dans laquelle j'ai envie de vivre.

Comment s'étonner de l'hyperviolence des mineurs, si nous ne fixons pas les bonnes règles ?

Monsieur le ministre d'État, vous avez résumé ce qui ne va pas en trois points ; je souhaite savoir, quant à moi, ce que vous pensez des quatre principes que je m'apprête à énumérer.

Premièrement, les parents doivent être responsabilisés. Nul ne devrait avoir le droit d'occuper un logement social si c'est pour agresser les gens en bas de chez soi. Pas besoin non plus d'allocations familiales lorsqu'on gagne de l'argent en trafiquant ou en rackettant !

Deuxièmement, la punition va de pair avec l'éducation. Actuellement, on ne marche que sur une jambe ! La loi interdit de fait les courtes peines de prison. Il n'existe que six centres pénitentiaires pour mineurs et cinquante-quatre centres éducatifs fermés, qui ne le sont d'ailleurs, fermés, que de nom.

Troisièmement, on doit être puni dès le premier délit, et puni pour ce que l'on a fait, et non au regard de la façon dont on se comporte par la suite auprès d'un éducateur. Les deux meurtriers d'Élias, pourtant multirécidivistes, avaient certes vu un juge dès le mois d'octobre. La belle affaire ! En vertu du principe de césure entre audience de culpabilité et audience de sanction, la perspective d'une sanction ne se dessinait que neuf mois plus tard, soit l'équivalent d'une année scolaire. La sanction, dans ce genre de cas, est hypothétique et lointaine, entre avertissements et mesures éducatives plus ou moins exécutées. La victime, on n'y pense même plus !

Quatrièmement, l'excuse de minorité devrait être motivée par le juge pour chaque affaire. Bien sûr, les mineurs ne sauraient être par principe jugés comme des adultes – cela va de soi. Mais ils ne sauraient non plus être par principe jugés deux fois moins sévèrement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Hussein Bourgi et Jean Hingray applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Carrère-Gée, je vous répondrai le plus clairement possible sur ces quatre points.

Premièrement, comme je l'ai dit à votre collègue Olivier Henno, que l'excuse de minorité doive être motivée par le juge, j'y suis favorable. La proposition de loi qui va être examinée à l'Assemblée nationale le prévoit. Sans doute une meilleure rédaction est-elle possible : nous y travaillerons avec le Sénat. En tout état de cause, je suis favorable à cette disposition.

Deuxièmement, la césure inscrite dans le code de la justice pénale des mineurs présente certes l'avantage de la rapidité de la réponse pénale et du rendu de la décision, mais aussi l'inconvénient d'un trop grand écart entre sanction prononcée et peine effectivement exécutée.

Vous avez raison : l'éducation va avec la punition la plus rapide possible. Ce qui compte, dans la justice, ce n'est pas le quantum de la peine, c'est sa certitude. Trois ans après l'entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs, je suis donc favorable à l'évaluation de cette césure, notamment à l'aune de ces faits divers ignobles. Des modifications pourront notamment être proposées dans le cadre du parcours législatif du texte que j'ai évoqué tout à l'heure, qui sera transmis au Sénat après son examen en séance publique à l'Assemblée nationale.

Troisièmement, je me suis déjà exprimé sur le sujet des courtes peines. Il faut distinguer courtes peines et ultracourtes peines. De ce point de vue, les instructions émises par les précédents gardes des sceaux – « moins de six mois de prison, pas de prison » – n'ont pas leur place dans la politique pénale que je veux mener.

M. Olivier Paccaud. Très bien !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je prendrai bientôt l'initiative de retirer ces instructions pénales.

Par ailleurs, on observe que les quantums de peine ont pu augmenter, car, pour s'assurer que la personne condamnée aille bien en prison, les juges du siège ont eu tendance à augmenter la durée des peines prononcées – et c'est ce qui a nourri la surpopulation carcérale ! Pour cette raison, il faut changer notre modèle pénitentiaire. Je me suis exprimé à ce sujet ; nous aurons l'occasion d'en reparler.

Le nombre de magistrats pose également problème. On compte un juge des enfants pour 300 gamins, et seulement 650 places en centre éducatif fermé ! J'ai en conséquence décidé, la semaine dernière, que cinquante juges des enfants supplémentaires seraient désignés et affectés dans les tribunaux pour enfants.

Quatrièmement, la responsabilisation des parents, j'y suis également favorable, mais – car il y a un « mais », madame la sénatrice –, comme vous, je connais des femmes seules qui élèvent des enfants dans des conditions extrêmement difficiles, des femmes qui, par exemple, travaillent de nuit à l'hôpital de Tourcoing et dont le gamin a de mauvaises fréquentations.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Que ceux qui insultent des policiers, des magistrats ou des enseignants soient sanctionnés, qu'on les expulse de leurs logements sociaux, qu'on leur retire les allocations, oui ! Mais ceux qui galèrent – si vous me permettez l'expression – pour faire entendre à leurs enfants l'autorité de la République, qu'on les aide ! Si nous sommes d'accord sur ce principe de bon sens, alors nous pourrons nous entendre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes INDEP, RDSE et UC.)

M. François Patriat. Très bien !

effet de la hausse des mutuelles sur le pouvoir d'achat des français

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Xavier Iacovelli. Madame la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en septembre dernier, ma collègue Marie-Claire Carrère-Gée et moi-même avons présenté un rapport d'information intitulé La hausse des complémentaires santé : l'impact sur le pouvoir d'achat des Français.

Pendant six mois, nous avons échangé avec les représentants de l'assurance maladie, des complémentaires et des professionnels de santé, ainsi qu'avec tous les acteurs concernés, analysant et étudiant ce sujet qui est source d'inquiétude et de préoccupation pour les Français. Et pour cause, cette hausse des cotisations pousse nombre de nos concitoyens à renoncer aux soins.

Vous reconnaîtrez, madame la ministre, que cette situation est inacceptable dans un pays dont le système de santé faisait figure, il y a vingt ans encore, de modèle mondial !

En décembre dernier, les complémentaires santé ont annoncé une nouvelle hausse de 6 % pour 2025, qui s'ajoute à l'augmentation de 8,1 % qui avait déjà été annoncée pour 2024. Les mutuelles ont justifié cette augmentation par le transfert de charge que représente la hausse des tickets modérateurs sur les consultations et sur les médicaments décidée par le précédent gouvernement.

Aujourd'hui, madame la ministre, le gouvernement dont vous faites partie a annoncé revenir sur ces transferts de charge. Pourtant, la hausse du prix des complémentaires demeure quant à elle bien réelle pour nos concitoyens.

Dans notre rapport, nous avions formulé plusieurs propositions concrètes.

Nous recommandions, tout d'abord, la systématisation d'une concertation entre l'assurance maladie, les complémentaires santé et le Gouvernement visant à anticiper chaque hausse.

Nous préconisions, ensuite, d'améliorer la transparence et la fluidité des informations échangées – dans le respect du secret médical, bien sûr – entre l'assurance maladie et les complémentaires santé, afin de lutter contre la fraude et de cibler la prévention.

Nous suggérions, enfin, la création, en complément de la C2S (complémentaire santé solidaire) gratuite et de la C2S avec participation, d'une complémentaire santé solidaire « seniors », dite C3S, destinée aux retraités percevant le minimum vieillesse ou disposant de faibles revenus.

Madame la ministre, ma question est simple : que compte faire le Gouvernement pour éviter ces hausses de cotisations, qui promettent d'aggraver le phénomène de renoncement aux soins et les inégalités d'accès à la santé ?

M. le président. Il faut conclure !

M. Xavier Iacovelli. Que comptez-vous reprendre des recommandations de notre rapport ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Monsieur le sénateur Iacovelli, vous avez mentionné le rapport que vous avez rédigé avec Mme la sénatrice Carrère-Gée. Je tiens à dire, en préambule, combien sont intéressantes les recommandations de ce rapport.

Vous avez listé les différentes augmentations qu'ont subies nos concitoyens qui souscrivent une assurance complémentaire.

Nous le savons, les dépenses de santé augmentent dans notre pays. Certes, la France a la chance de connaître un vieillissement important : il y a là matière à corrélation, mais ce vieillissement est loin de justifier l'ensemble des augmentations qui sont en question.

C'est la raison pour laquelle il me semble tout à fait opportun de revenir sur les différents éléments que vous avez bien voulu signaler.

Vous avez soulevé notamment la question de la lisibilité. Avec Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, nous sommes convaincus que la pluriannualité est nécessaire. Dès lors que nous nous inscrirons dans une telle démarche pluriannuelle, nous pourrons discuter avec l'ensemble des acteurs concernés, assurance maladie et mutuelles.

Il est un autre sujet d'importance, dont je parle très régulièrement avec le président de la commission des affaires sociales de votre assemblée : il s'agit de la prévention. Notre pays souffre d'une politique de prévention insuffisamment efficace. Nous avons besoin de travailler avec l'ensemble des acteurs, y compris les mutuelles, et de nous intéresser davantage à des sujets comme celui des données, en veillant, bien sûr, au respect de la confidentialité, et en prenant appui sur des programmes existants.

Je recevais pas plus tard qu'hier le professeur Bruno Vellas pour échanger sur la question du vieillissement. Le programme Icope (Integrated Care for Older People, soins intégrés pour les personnes âgées) a fait l'objet d'une expérimentation ; je n'ai qu'un objectif : en généraliser la mise en œuvre. Quelque 2 millions de Français pourraient y participer. Améliorer la prévention, c'est mieux protéger et mieux accompagner nos concitoyens, c'est œuvrer pour l'éducation à la santé et c'est faire des économies. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Antoine Lefèvre applaudit également.)

MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido. Très bien !

hydroélectricité

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, monsieur le ministre de la souveraineté industrielle, mes chers collègues, l'hydroélectricité couvre 25 % des besoins de la France lors des pics de consommation. Elle est ainsi un enjeu industriel pour la France. Énergie renouvelable et décarbonée, son potentiel de développement en France est considérable et elle fournit au réseau électrique son premier moyen de stockage.

Défi majeur pour la sécurité des systèmes électriques, le stockage est rendu possible, en effet, par le déploiement massif et rapide des stations de transfert d'énergie par pompage (Step).

Or le retard pris en la matière a un impact sur le fonctionnement électrique, qui souffre d'un manque de capacité de stockage. Le nombre d'heures vendues à prix négatif a été multiplié par trois en 2024.

Nous devons donc lancer de nouveaux projets de Step. Mais, pour ce faire, il faut sortir de la concession. Trois possibilités se présentent à nous.

Modifier la directive européenne sur l'attribution de contrats de concession ? Le Gouvernement essaie de le faire depuis dix ans.

Reprendre les concessions en régie ? Cela soulèverait d'autres difficultés.

Une dernière piste serait de passer du régime de la concession à celui de l'autorisation. Cette idée a notamment été émise à l'occasion de la visite d'un barrage d'EDF sur la rivière Dordogne, en présence de mon collègue Claude Nougein et du président du Sénat Gérard Larcher.

De nombreux projets sont lancés dans nos territoires, par exemple en Aveyron, avec le soutien des sénateurs Alain Marc et Jean-Claude Anglars, ou en Corrèze, sur le site de Redenat. D'autres projets ont aussi été identifiés pour la production de 3 gigawatts.

Appliquer en ce domaine le régime de l'autorisation ne reviendrait qu'à étendre le modèle qui prévaut pour le nucléaire, le photovoltaïque ou l'éolien. Ce régime est en vigueur dans de nombreux pays européens. Il permettrait de sortir du blocage de la Commission européenne, qui dure depuis longtemps, et de relancer l'investissement dans les Step.

Monsieur le ministre, pourquoi un tel retard ? Le régime de l'autorisation est en vigueur dans de nombreux pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Buis applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Chasseing, pour faire bref, vous avez raison !

Pour vous répondre de manière plus détaillée, la France compte aujourd'hui 2 600 installations pour une puissance totale de 26 gigawatts. Ces barrages sont une partie de notre plan de transformation écologique énergétique. Ils participent à la résilience de notre système, au sein duquel, en effet, les stations de transfert d'énergie par pompage, les Step, jouent un rôle essentiel de lissage de la consommation.

La Commission européenne a bel et bien engagé un précontentieux à l'endroit de la France ; un certain nombre de concessions sont aujourd'hui en danger par défaut d'investissements.

S'agissant de sécuriser l'avenir de nos barrages, nous nous sommes fixé plusieurs objectifs : relancer les investissements dans les projets bloqués, notamment les Step – vous en avez parlé ; garder la pleine maîtrise de notre parc hydroélectrique ; favoriser le partage des usages de l'eau, sujet ô combien important pour les collectivités ; redistribuer une partie de la valeur produite en direction des collectivités locales qui sont engagées en ce domaine.

Vous avez mentionné les solutions qui sont à l'étude : modifier la directive Concessions de 2014, mettre en place une régie ou une quasi-régie ou encore basculer vers un régime d'autorisation.

Afin de clarifier ces points, qui sont essentiels, une mission d'information a été confiée par l'Assemblée nationale aux députés Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel, dont nous attendons les conclusions pour très bientôt.

Dès que le rapport aura été remis, vous pouvez compter sur nous, monsieur le sénateur, pour mettre en œuvre ses recommandations, afin de reprendre la main sur ce secteur extrêmement important et de réaliser les investissements que vous appelez de vos vœux. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.

M. Daniel Chasseing. Il est absolument nécessaire, pour EDF comme pour nos territoires, de sortir de cette impasse ; ainsi nous nous donnerons les moyens de valoriser l'énergie dont nous disposons et d'augmenter notre production électrique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-Claude Anglars applaudit également.)

compétence eau et assainissement