M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'élaboration du budget 2025 est présente dans tous les esprits. Or, plus que par le passé, sans aucun doute, ce budget en détermine 35 000 autres : celui de nos collectivités locales, mairies et intercommunalités, qui attendent de savoir sur quelles bases elles pourront fonder leurs actions de proximité, mener à bien des investissements et soutenir une économie qui vacille.
En cette fin de mois de janvier qui, traditionnellement, clôt la période des vœux, de nombreux maires n'en ont qu'un seul à formuler : levez les incertitudes !
Pour les communes rurales, en particulier, une échéance revient sur beaucoup de lèvres : celle du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement au 1er janvier 2026. Encore, me direz-vous ? Bien sûr, parce que cette question n'est toujours pas traitée !
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
M. Jean-Yves Roux. Mes chers collègues, voici maintenant quelques années que le Sénat se prononce régulièrement, de manière pour ainsi dire unanime, pour rendre aux communes rurales leur liberté d'action dans la gestion des compétences eau et assainissement. Notre assemblée a joué son rôle de relais !
Lors des questions d'actualité au Gouvernement qui se sont tenues au Sénat le 9 octobre dernier, l'ancien Premier ministre Michel Barnier indiquait vouloir mettre un terme au transfert obligatoire de ces deux compétences aux intercommunalités en 2026, sous réserve que les transferts n'aient pas encore été réalisés.
Quant au Premier ministre François Bayrou, il a déclaré le 14 janvier dernier : « Mon gouvernement confortera les avancées sur des sujets très attendus comme l'eau [et] l'assainissement. »
Or, mes chers collègues, le 1er janvier 2026, c'est demain ! Dès demain, les exécutifs locaux devront effectuer des études ou y renoncer, décider, apprécier le prix de l'eau, les périmètres d'action, délibérer, recruter, prévoir des budgets en conséquence, ou au contraire ne pas les prévoir.
Quelle que soit la décision qui sera prise, elle nécessitera un peu de temps pour se concrétiser, car c'est bien ainsi que fonctionne une démocratie qui se respecte.
Monsieur le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, pouvez-vous nous affirmer ce jour que ce transfert ne sera pas obligatoire au 1er janvier 2026 ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Roux, dans les temps prochains, nous allons être conduits à beaucoup parler des compétences eau et assainissement. J'ai compris que ce sujet vous intéresse tout particulièrement – et vous n'êtes pas le seul, si j'en juge par les applaudissements qui ont salué votre question.
Le maintien de la qualité de l'eau potable et la lutte contre son gaspillage sont un combat qui est mené conjointement par l'État et par les collectivités territoriales.
Les collectivités jouent un rôle primordial pour sécuriser l'accès à la ressource et garantir l'efficience du service public de l'eau – je pense en particulier aux coûts pour le consommateur. L'État se tient à leurs côtés pour les accompagner.
Vous me demandez, très directement, si je suis favorable à la suppression, que prévoit une récente proposition de loi sénatoriale, de l'obligation de transfert en 2026 des compétences eau et assainissement vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), disposition issue de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).
Je vous réponds, tout aussi directement : je suis favorable à la différenciation autant que je suis défavorable au retour en arrière. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Ce n'est pas clair !
M. François Rebsamen, ministre. Je suis moi-même élu local, et je sais bien que l'intelligence locale est la connaisseuse la plus fine des spécificités de chaque territoire. (Exclamations sur des travées du groupe SER.)
La différenciation territoriale est d'ailleurs l'un des principes du plan Eau qui avait été présenté par le Président de la République en septembre 2023. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Paccaud tape du poing sur son pupitre.)
MM. Mathieu Darnaud et Jacques Grosperrin. Rien à voir !
M. François Rebsamen, ministre. C'est pourquoi je suis favorable, pour les collectivités locales qui n'y auraient pas déjà procédé, à la suppression de l'obligation de transfert vers les EPCI des compétences eau et assainissement. (Ah ! et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Une voix sur les travées du groupe Les Républicains. Il fallait le dire tout de suite !
M. François Rebsamen, ministre. Cela étant, l'objectif d'une mutualisation à l'échelle communautaire reste une perspective raisonnable, que nous devons tracer ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)
propos du premier ministre sur l'immigration
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne peux rester silencieux après les propos tenus par le Premier ministre lundi soir (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et réaffirmés hier devant l'Assemblée nationale, en réponse à Boris Vallaud. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.), propos copieusement applaudis par les députés du Rassemblement national, le regard gourmand et le sourire aux lèvres !
Je ne peux me résoudre à ce qu'un Premier ministre qui doit tout au front républicain se laisse submerger par le vocabulaire de l'extrême droite. (Oh ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Les étrangers représentent un habitant sur dix dans notre pays. Ne vous laissez pas submerger par les fantasmes et les contrevérités ! Non, la France n'est pas submergée par l'immigration. Le rôle d'un Premier ministre n'est pas d'attiser les peurs, c'est de dire la vérité aux Français. (Nouveaux applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Cette question doit être abordée dans un climat apaisé, sans tomber ni dans l'angélisme ni dans l'amalgame. Ce n'est pas un tabou ! Socialistes, nous regardons la réalité en face. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.) Oui, l'immigration doit être inclusive et raisonnée. Oui, il manque aujourd'hui de véritables politiques d'intégration.
Il faut traiter cette question sérieusement, et non en stigmatisant celles et ceux qui ont fait le choix, souvent contraint, de s'installer sur notre sol, d'y fonder leur famille et d'y construire une nouvelle vie. Sans eux, qu'en serait-il des hôpitaux où nous nous faisons soigner, des aides à domicile qui prennent soin de nos parents, des supermarchés où nous faisons nos courses ? Rien de tout cela ne pourrait fonctionner !
Un Français sur cinq est d'origine étrangère, et le fils d'immigrés juifs polonais que je suis a été meurtri par ces propos, comme la majorité des Français l'ont été. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Pour ma part, c'est la République qui m'a submergé, et ce sont ses valeurs qui ont permis à ma famille de s'épanouir en France, et à moi de la servir !
M. Barnier a été censuré pour s'être fourvoyé dans des négociations avec l'extrême droite. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST et sur des travées du groupe CRCE-K. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. C'est vous qui avez voté avec l'extrême droite !
M. Olivier Paccaud. Il a été censuré par l'extrême droite !
M. Patrick Kanner. Alors, mesdames, messieurs les ministres – et je m'adresse au Premier ministre –, voulez-vous dépendre aussi du Rassemblement national ? (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Parce que nous ne voulons pas que notre pays vive sous la tutelle de l'extrême droite et parce que nous sommes responsables, nous avons accepté de discuter avec vous. Nous attendons du Premier ministre qu'il soit clair sur l'aide médicale de l'État (AME) et qu'il abandonne toute référence à la submersion migratoire ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST et sur des travées du groupe CRCE-K. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Kanner, le Premier ministre, qui assiste aux obsèques de son ami Jean-François Kahn, vous prie de bien vouloir excuser son absence. Évidemment, il a observé les réactions des diverses formations politiques, et notamment celles de la vôtre, que vous venez d'exprimer. C'est la raison pour laquelle il m'a demandé d'apporter en son nom la réponse suivante.
La question migratoire est source de tensions qui mettent à l'épreuve toutes les sociétés occidentales, et notre société n'y échappe pas. La traiter par le côté passionnel, c'est le meilleur moyen de ne jamais y répondre ; j'ai entendu que telle était aussi votre conviction.
Les mots sont des pièges. Y a-t-il un « sentiment de submersion » ? Interrogés par sondage, les deux tiers des Français expriment ce sentiment, mais l'on ne retient que le mot de « submersion », et non celui de « sentiment ». Nous ne pouvons écarter ce que nos concitoyens éprouvent et expriment ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC, RDSE et INDEP.)
Cela étant, si nous regardons les choses en face, nous serons en capacité de maîtriser et d'accueillir correctement ceux qui viennent dans notre pays, comme c'est notre devoir. La question à résoudre, c'est la panne de l'intégration.
L'intégration a été la dynamique singulière de la société française. Oui, elle est vécue par des millions de personnes, et en particulier par tous ces Français dont les ancêtres viennent de pays voisins ou lointains. Elle est la vie de celles et ceux qui accompagnent nos enfants et nos aînés, qui travaillent dans nos restaurants, des médecins dans nos services d'urgence, des informaticiens, des entrepreneurs – tous participent à la vie de notre pays et contribuent à sa richesse. Elle est aussi la vie de leurs enfants, qui vont à l'école.
Les instruments d'une intégration réussie, nous les connaissons : le travail, la langue, les principes de la République, le principe de laïcité, c'est-à-dire notre héritage commun, humaniste – ce que nous devons transmettre.
Mais tous ces instruments qui font notre fierté sont aussi pris dans la tourmente. Si nous améliorons notre éducation, si nous sommes fiers de nos principes, si nous sommes plus rigoureux et efficaces pour faire respecter la loi, alors l'intégration pourra être réussie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Kanner, telles sont les réponses que nous devons reconstruire tous ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes RDPI, RDSE, INDEP et Les Républicains. – Mmes Laurence Rossignol et Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)
hausse du chômage
M. le président. La parole est à M. Alexandre Basquin, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Alexandre Basquin. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.
Madame la ministre, fin 2024, le chômage a connu sa plus forte hausse depuis dix ans, hors crise covid : +3,9 % par rapport au trimestre précédent ! Les jeunes de moins de 25 ans sont, malheureusement, les plus touchés. Ce chiffre est à mettre en regard du nombre record de défaillances d'entreprises.
Toutes catégories confondues, ce sont plus de 6,2 millions de personnes qui étaient déjà enregistrées à France Travail il y a un an ! Derrière les statistiques, il y a autant de familles et de personnes seules, meurtries, qui aspirent à trouver un emploi et à vivre avec un salaire décent.
Entendez-vous les témoignages de ces salariés qui ont appris brutalement que la porte de leur entreprise était désormais fermée ? Beaucoup racontent qu'ils se sentent invisibles, mis de côté, bafoués. Et ce n'est pas fini ! Les indicateurs montrent que la situation va s'aggraver, une multiplication des plans sociaux étant à venir ; 300 000 emplois pourraient être détruits prochainement.
Cette situation catastrophique est la conséquence directe de la politique ultralibérale menée ces dernières années, et dont vous ne vous éloignez pas ! Rappelons que le candidat Macron avait promis le plein emploi pour 2027 ! Nous en sommes hélas ! bien loin…
Pendant ce temps, les quarante plus grosses entreprises françaises se gavent et distribuent des dividendes records à leurs actionnaires, toute honte bue.
Pendant ce temps, nous persistons dans cette même logique qui consiste à verser aux entreprises des aides publiques – 200 milliards d'euros par an – sans réel contrôle de leur utilisation.
Pendant ce temps, vous poursuivez cette politique de l'offre dont l'échec est pourtant manifeste.
Madame la ministre, tout appelle à un changement de cap. Ma question est donc simple : que comptez-vous faire pour inverser cette tendance mortifère et redonner enfin de l'espoir aux Françaises et aux Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Basquin, vous avez tout à fait raison de rappeler que, derrière les statistiques, il y a d'abord des vies. Évoquer les chiffres du chômage, et en particulier la hausse du chômage des jeunes, c'est bel et bien parler de vies et de familles qui sont affectées.
Derrière cette détérioration de la situation de l'emploi, il y a d'abord une dégradation de la situation économique, qui se durcit considérablement ; vous avez dressé le tableau des défaillances d'entreprises et des procédures collectives.
La conjoncture économique, tant européenne que mondiale, est très difficile. Ces difficultés touchent en premier lieu des secteurs qui connaissent une transformation profonde de leur modèle économique : l'automobile, la grande distribution, la chimie.
Parallèlement, le contexte commercial se durcit considérablement et les coûts de l'énergie n'ont pas retrouvé leur niveau pré-covid. S'y ajoute une autre incertitude, qui a trait, plus spécifiquement, à la situation politique du pays : elle freine l'investissement et gèle les recrutements et les grandes commandes – il faut le dire.
M. Alexandre Basquin. Non ! C'est trop facile…
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Non, ce n'est pas facile ! Vous le savez, le monde économique, c'est-à-dire les entreprises, n'aime pas l'incertitude qui lui est aujourd'hui imposée. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
Avec mes collègues Catherine Vautrin, Éric Lombard et Marc Ferracci, que faisons-nous ?
Premièrement, nous tentons d'anticiper, donc d'aller au-devant des situations avant qu'elles ne se détériorent, c'est-à-dire avant que les plans sociaux ne dégénèrent en liquidations judiciaires.
Deuxièmement, lorsqu'un plan de restructuration doit être mis en œuvre, nous travaillons avec les préfectures et avec les services déconcentrés pour nous assurer qu'il est de qualité, qu'il s'agisse de reclassement, de revitalisation ou de qualité de l'accompagnement.
Troisièmement – cette disposition a été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2025 –, nous réactivons le dispositif de chômage partiel de longue durée dit « Rebond » (APLD-R), qui permet de déployer des solutions intermédiaires, via la formation et la reconversion notamment.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Voilà des actions concrètes !
Enfin, dans le budget 2025, nous maintenons les moyens dont dispose France Travail pour accompagner les salariés. (M. François Patriat applaudit.)
ingérence de l'azerbaïdjan en nouvelle-calédonie
M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Georges Naturel. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, samedi dernier, en Nouvelle-Calédonie, un émissaire officiel de Bakou est intervenu par visioconférence au congrès indépendantiste du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) pour participer à la création du Front international de décolonisation (FID) des outre-mer français et encourager les mouvements indépendantistes à s'insurger contre la France.
Je condamne avec force cette nouvelle provocation du groupe d'initiative de Bakou, officine affiliée à l'Azerbaïdjan.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Georges Naturel. Cette ingérence intolérable, orchestrée par un régime totalitaire et ultranationaliste, classé parmi les plus corrompus au monde, constitue une tentative flagrante de déstabilisation de notre République et une atteinte inacceptable à notre intégrité nationale. (M. Mickaël Vallet acquiesce.)
Mme Catherine Conconne. Très bien !
M. Georges Naturel. Je regrette que les indépendantistes kanak radicaux se discréditent en tombant dans le piège qui leur est tendu par des agitateurs à la solde d'une dictature hostile à la France et à ses valeurs de liberté. L'émancipation ne peut être revendiquée en s'alignant sur les initiatives d'une dictature et en cheminant à ses côtés !
Monsieur le ministre, il est impératif que la France, qui détient un siège au Conseil de sécurité des Nations unies, réagisse avec la plus grande fermeté, à la hauteur de l'affront qu'elle a subi.
Quelles sanctions énergiques le Gouvernement entend-il prendre contre l'Azerbaïdjan pour répondre à cette situation inacceptable et prévenir toute future ingérence qui menacerait la paix en Nouvelle-Calédonie et dans l'ensemble de nos outre-mer ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et SER. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous interrogez le Gouvernement sur les agissements coupables et intolérables du Baku Initiative Group, qui est installé en Azerbaïdjan et lié aux autorités de ce pays.
Par des manœuvres numériques aussi bien que physiques, inauthentiques et malveillantes, qui visent nos régions, nos départements, nos collectivités d'outre-mer, et en particulier la Nouvelle-Calédonie, ainsi que la Corse, ce groupe a démontré sa volonté manifeste de s'ingérer dans notre débat public et de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, en l'occurrence notre intégrité territoriale et notre sécurité publique. Nous ne nous laisserons pas faire !
C'est pourquoi, dès le 19 novembre, j'ai convoqué l'ambassadrice d'Azerbaïdjan en France, pour lui signifier notre réprobation absolue de ces agissements et pour demander aux autorités de ce pays qu'elles les fassent cesser.
C'est pourquoi aussi, au mois de décembre, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum), qui détecte et attribue les ingérences numériques étrangères, a publié un rapport circonstancié démontrant l'ampleur de ces manœuvres, leur caractère inauthentique ainsi que l'échec du groupe d'initiative de Bakou à atteindre les objectifs qu'il s'était fixés.
C'est pourquoi, précisément, l'intervention à laquelle vous avez fait allusion a eu lieu par visioconférence : nous avons empêché les autorités azéries de participer au forum organisé par ce groupe en les menaçant de sanctions.
Avec le ministre d'État, ministre des outre-mer, nous nous tenons à vos côtés et à ceux des Néo-Calédoniens, en les appelant à ne pas tomber dans le piège qui leur est ainsi tendu. L'Azerbaïdjan se déshonore, se déconsidère, se sanctionne lui-même à soutenir de telles manœuvres ; nous l'appelons à les faire cesser et, quel que soit le différend qu'il entretient avec la France, à le résoudre par la diplomatie plutôt que par les ingérences. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Catherine Conconne et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour la réplique.
M. Georges Naturel. Diplomatiquement parlant, condamner c'est bien, mais agir c'est mieux, surtout si c'est toute l'Europe, solidairement, qui agit ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Rémi Féraud et Akli Mellouli applaudissent également.)
situation de trois otages français détenus en iran
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. Mille jours ! Cela fait maintenant mille jours que nos compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris sont retenus comme otages d'État par la République islamique d'Iran. Quant à notre compatriote Olivier Grondeau, il est lui aussi détenu dans ce pays, depuis huit cent quarante-trois jours. C'est un drame !
La République islamique d'Iran a souhaité prendre des otages français pour faire pression sur notre pays. Je profite de cette intervention pour saluer les comités de soutien à nos trois compatriotes.
Aujourd'hui, un appel est lancé : ces otages sont à bout. Depuis mille jours, ils sont retenus dans des cellules d'environ huit mètres carrés, éclairées en permanence, avec des codétenus placés là pour les surveiller.
La République islamique d'Iran a autorisé trois visites consulaires seulement, ce qui contrevient à la convention de Vienne sur le droit des traités. Elle permet de temps en temps aux otages d'avoir avec leurs familles des échanges téléphoniques, dont le dernier a eu lieu le 25 décembre dernier.
Compte tenu de l'état de santé, qui se dégrade très fortement, de Cécile Kohler et de son compagnon Jacques Paris, il nous faut maintenant aller beaucoup plus loin !
Je sais, monsieur le ministre, ce que vous avez fait, car nous en avons discuté. Pour notre part, au Sénat, nous avons écrit un courrier, déposé à l'ambassade de la République islamique d'Iran à Paris, afin de demander leur libération.
Il faut faire en sorte, dans un premier temps, que Cécile Kohler et Jacques Paris puissent sortir de la section 209 de la prison d'Evin, à Téhéran, où les prisonniers – en l'espèce, des otages ! – sont maintenus dans des conditions inhumaines, et, dans un second temps, que nos trois compatriotes détenus soient libérés le plus rapidement possible.
Nous vous demandons d'agir vite, et cette demande, monsieur le ministre, est un impératif. Faut-il imposer de nouvelles sanctions à la République islamique d'Iran ? Faut-il se tourner vers la Cour internationale de justice, comme la France l'a déjà fait ? En tout état de cause, il est urgent d'agir. À défaut, nos trois compatriotes sont malheureusement promis à voir s'aggraver encore leurs difficultés… (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Claude Malhuret applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'appeler l'attention du Gouvernement et de la représentation nationale sur la situation des trois otages français détenus par la République islamique d'Iran.
Cécile Kohler et Jacques Paris sont détenus arbitrairement depuis bientôt mille jours, dans des conditions totalement inacceptables et intolérables.
Des aveux forcés leur ont été extorqués, sous la menace. Vous l'avez rappelé, ils sont détenus dans des cellules éclairées en permanence, et sans doute contraints de dormir à même le sol. Ils sont privés de contact avec leur famille – de rares échanges ont eu lieu, mais toujours sous le contrôle de leurs geôliers –, et, depuis plus d'un an maintenant, de la visite des autorités françaises et de nos représentants consulaires sur place. Je l'ai dit il y a quelques jours, en droit international, ces conditions de détention sont assimilables à de la torture !
Je vous remercie également d'avoir appelé notre attention sur le cas d'Olivier Grondeau, détenu en Iran depuis plus de huit cents jours. Le 13 janvier dernier, il a eu le courage de s'exprimer à visage découvert, alors même que ses conditions de détention ne sont pas tout à fait les mêmes que celles de Cécile Kohler et Jacques Paris, et alors même qu'il prenait le risque, en dénonçant ces conditions, de les voir se dégrader plus encore.
Nous avons adressé des messages très fermes aux autorités iraniennes en leur expliquant qu'en l'absence d'amélioration de la situation et de libération des otages aucun dialogue bilatéral n'était possible et aucune levée de sanctions envisageable.
J'ai reçu, le 17 octobre dernier, les familles de ces trois otages pour les assurer de notre mobilisation sans relâche pour les faire libérer. Et lundi dernier, à Bruxelles, lors du conseil Affaires étrangères, j'ai réclamé que l'Union européenne prenne des sanctions visant les responsables de ces détentions arbitraires.
Notre mobilisation collective ne devra pas s'arrêter à la libération de ces trois otages. Il faudra également les accompagner par la suite. En effet, les personnes qui ont été libérées après des périodes de détention en République islamique d'Iran peinent à se reconstruire après ces épisodes ravageurs. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC. – M. Khalifé Khalifé applaudit également.)
dette de l'algérie à l'égard de l'hôpital français
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Monsieur le ministre, depuis plusieurs semaines, l'Algérie semble vouloir insulter et défier la France dès qu'elle en a l'occasion.
Tout y passe : renvoi en France de l'influenceur Doualemn, qui avait été interpellé à Montpellier puis expulsé vers l'Algérie après avoir enregistré une vidéo appelant à la violence ; adoption récente d'une loi pour obliger la France à décontaminer le Sahara des déchets nucléaires ; convocation de l'ambassadeur de France à Alger pour dénoncer de soi-disant « traitements dégradants » d'Algériens à leur arrivée à Roissy ; remise en cause de notre ministre de l'intérieur et campagne de haine à son égard ; véritable prise en otage de l'écrivain Boualem Sansal, pourtant malade – et probablement très malade –, victime collatérale d'une relation bilatérale tendue, récemment retourné en prison après sa sortie d'hôpital et dont le seul délit est de se battre pour la liberté d'expression ; prise de position inimaginable, voire impensable, du recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui a osé se prononcer contre la résolution du Parlement européen du 23 janvier condamnant la détention de Boualem Sansal et réclamant sa libération immédiate et inconditionnelle.
Cerise sur le gâteau, l'Algérie a laissé en 2023 une dette de 45 millions d'euros auprès des hôpitaux parisiens. Or le Sénat avait déjà pointé, en 2017, une dette de 27 millions d'euros, conséquence d'un accord de 2007 passé entre Bernard Kouchner et son homologue algérien, qui exempte de visa les détenteurs d'un passeport diplomatique algérien souhaitant voyager en France, et qui permet à toute la nomenklatura algérienne de venir se faire soigner dans notre pays…
Il serait grand temps de couper le cordon, de prononcer le divorce et de cesser d'accepter ces humiliations permanentes !
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à remettre en cause, comme le souhaite l'immense majorité des Français, cet accord de 2007, qui n'a rien à voir avec l'accord franco-algérien de 1968, dont, par ailleurs, les dispositions devront bien un jour être également dénoncées ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)